La nouvelle académie a-t-elle été antiplatonicienne ?
p. 139-156
Texte intégral
1On connaît la formule de Pascal1 : « le pyrrhonien Arcésilas qui redevient dogmatique », à laquelle on peut objecter simplement qu’Arcésilas ne fut ni pyrrhonien ni dogmatique. Mais ce contresens pascalien permet au moins de montrer combien d’idées fausses le problème de la philosophie de la Nouvelle Académie a pu faire naître même chez les plus grands esprits. Nous ne prétendons pas entrer ici dans tous les aspects d’une question qui a pris ces dernières années une certaine importance dans l’histoire de la philosophie ancienne2, mais simplement essayer d’apporter quelques éléments de réponse à travers l’analyse des rares témoignages dans lesquels la relation de ces scholarques à Platon est explicitement évoquée. Avant d’entrer dans le détail de ces textes, nous essaierons de situer la Nouvelle Académie dans l’histoire de la philosophie hellénistique et de présenter rapidement les diverses manières dont a été interprétée son appartenance à la tradition platonicienne.
2L’une des difficultés les plus considérables que doit affronter l’historien de cette période de la philosophie est l’incapacité dans laquelle il se trouve de définir de manière parfaitement satisfaisante ce qu’était une école philosophique. Le livre de Lynch sur le Lycée et celui de Glucker sur l’Académie3 ont permis cependant de faire des progrès considérables dans ce domaine, même si subsistent des zones d’ombre, notamment en ce qui concerne l’aspect religieux de ces institutions4. Pour ce qui est de l’Académie, Glucker a eu le grand mérite de montrer que l’école platonicienne ne se définissait ni par un statut juridique particulier ni par la transmission d’une propriété matérielle5, mais par un acte hautement symbolique : l’élection du scholarque, sorte de sacre philosophique, qui faisait d’un Académicien le successeur de Platon. Malgré quelques incidents de parcours ce système institutionnel se perpétua, non pas jusqu’à la fermeture des écoles athéniennes par Justinien, mais jusqu’en 88, date à laquelle Philon de Larissa, scholarque en titre, quitta Athènes pour fuir la guerre de Mithridate et se réfugier à Rome6. À partir de ce moment l’Académie disparut en tant qu’institution, même s’il ne manqua pas de candidats pour essayer de ressusciter la légitimité perdue7 ; cette stabilité institutionnelle sur près de trois siècles ne rend que plus surprenante la variété d’inspiration dont firent preuve les Académiciens. Dans l’Antiquité même on distinguait plusieurs Académies, en fonction des diverses orientations adoptées par les scholarques. Selon Sextus Empiricus, qui ne fait que reproduire une tradition plus ancienne, il y eut au moins trois Académies : l’Ancienne, celle de Platon et de ses successeurs immédiats, la Moyenne, celle d’Arcésilas, la Nouvelle, celle de Carnéade et de Clitomaque8. Il précise cependant que « certains » avaient ajouté une quatrième, celle de Philon et de Charmadas, et même une cinquième, celle d’Antiochus d’Ascalon9. La lecture de l’ensemble des témoignages permet cependant d’affirmer que le véritable tournant de toute cette période se produisit au moment où Arcésilas fit de la suspension de l’assentiment en toutes circonstances (ἐποχὴ περὶ πάντων) la condition et l’aboutissement de toute recherche philosophique10. Cette innovation fut d’autant plus remarquable qu’elle survenait après une longue période où les scholarques de l’Académie avaient cherché à donner une version très dogmatique du platonisme11. Mais on commet, nous semble-t-il, une erreur lourde de conséquences lorsque, pour définir l’innovation introduite par Arcésilas dans l’Académie, on dit qu’il « institua le scepticisme »12. En effet, on projette ainsi sur cette période un concept qui n’avait pas encore été théorisé et qui ne le sera que bien plus tard, lorsque le néoacadémicien Enésidème rompit avec son école pour se réclamer de Pyrrhon et construire véritablement ce que nous appelons « le scepticisme »13. En termes d’identité philosophique, Arcésilas ne pouvait se définir autrement que comme Académicien, le terme de « sceptique » n’ayant aucun sens pour lui. L’affirmation de cette identité se faisait à la fois par référence à Socrate et à Platon, dont il était persuadé de poursuivre la tradition, et par l’opposition aux écoles hellénistiques, dont la prétention à dire une vérité absolue lui paraissait totalement contraire à la méthode socratique14. La démarche qui consiste à analyser la philosophie de la Nouvelle Académie en se référant plus ou moins explicitement à un concept de scepticisme que l’on construit sur le modèle néopyrrhonien revient à isoler arbitrairement cette pensée philosophique de sa source d’inspiration et de son contexte historique. L’acte fondateur de la philosophie sceptique fut celui par lequel Enésidème décida de mettre la philosophie du doute sous le patronage de Pyrrhon, un Pyrrhon fantasmatique, bien différent du Pyrrhon tel que nous pouvons le reconstituer à travers les fragments de Timon15. Le choix comme modèle pour les Sceptiques d’un personnage largement oublié à l’époque et dont subsistait seulement le souvenir d’un moraliste d’une austérité absolue16 nous paraît s’expliquer avant tout par la volonté d’échapper à la référence platonicienne. Enésidème avait compris que la rupture avec Platon était la condition sine qua non pour que le scepticisme naquît véritablement comme philosophie. Quelle que fût sa liberté d’interprétation, un scholarque de l’Académie se trouvait d’une manière ou d’une autre impliqué dans la tradition platonicienne. Inversement la lecture, le commentaire, fût-il critique, de l’œuvre platonicienne, la nécessité de se situer constamment par rapport aux figures de Socrate et de Platon constituaient des attaches trop fortes pour un scepticisme qui voulait accéder à l’autonomie. Enésidème, qui reprochait aux Néoacadémiciens de son époque d’avoir évolué vers le dogmatisme, aurait pu se contenter de prôner un retour à l’ἐποχή telle que la concevait Arcésilas17. En choisissant une position beaucoup plus radicale, il affirmait concrètement – lui qui connaissait si bien la philosophie de la Nouvelle Académie – l’impossibilité d’établir à l’intérieur de la tradition platonicienne une pensée qui ne serait que sceptique.
3Une fois que l’on a compris combien est important le problème de la relation de la Nouvelle Académie à Platon, il reste à déterminer comment l’étudier. Les historiens de la philosophie qui se sont intéressés à cette question ont avancé des interprétations diverses que l’on peut réduire à trois attitudes :
la première s’enracine dans une tradition que l’on trouve notamment chez Saint Augustin et qui attribue à la Nouvelle Académie un enseignement ésotérique18. Par crainte de leurs adversaires dogmatiques, et tout particulièrement stoïciens, les scholarques de la Nouvelle Académie auraient dissimulé la partie positive de la philosophie platonicienne, ne la révélant qu’à un petit nombre de disciples. Cette interprétation n’a que peu séduit les historiens de l’Académie, en particulier parce qu’elle est contredite par tout ce que nous lisons chez Cicéron, qui fut l’élève de Philon de Larissa19 ;
une autre méthode consiste à délimiter chez Platon des passages de dialogues, ou des dialogues entiers, par exemple le Théétète, dans lesquels on voit la source de la philosophie aporétique de la Nouvelle Académie20. On peut effectivement penser que lorsque Arcésilas ou Carnéade étudiaient Platon dans l’Académie, ils privilégiaient ces passages ou ces dialogues. Mais une telle méthode n’est satisfaisante qu’en apparence, si elle laisse sans réponse ces deux questions : pourquoi ces scholarques avaient-ils choisi d’accorder une importance particulière à ce type de textes et quelle était leur attitude devant les dialogues qui ne paraissent pas pouvoir se prêter à ce type d’interprétation ?
l’attitude la plus répandue aujourd’hui chez les historiens de l’Académie est celle qui voit dans la dialectique le véritable lien entre Platon et Arcésilas21. La question qui se pose alors à propos de la Nouvelle Académie, tout comme elle se pose à propos du Théétète, est de savoir si cette dialectique est véritablement ad hominem, sans aucun présupposé métaphysique, ou si elle ne prend tout son sens que si on la rattache d’une manière ou d’une autre à une pensée de la transcendance.
4Afin de rendre plus clair l’exposé de notre recherche, nous analyserons le cas de chacun des grands scholarques néoacadémiciens, en essayant de comprendre à chaque fois comment eux-mêmes se situaient par rapport à Platon.
5C’est à propos d’Arcésilas que nous avons le plus grand nombre d’informations. Elles doivent être certes examinées avec prudence, car elles nous ont toutes été transmises indirectement, Arcésilas ayant choisi, évidemment pour imiter Socrate, de ne rien écrire. Cependant elles permettent au moins de bien percevoir la complexité de la démarche du scholarque. Nous évoquerons d’abord un épisode dont les spécialistes nous semblent avoir quelque peu sous-estimé l’importance et qui nous est pourtant relaté dans un fragment de l’Index Academicorum, l’une des sources les plus sûres pour la connaissance de l’Académie hellénistique22. Il y est dit que lorsque Arcésilas changea d’école et passa du Lycée de Théophraste à l’Académie de Polémon, les Académiciens lui apparurent comme des êtres extraordinaires, qu’il compara à des survivants de l’âge d’or23. Cela signifie donc qu’avant d’adopter l’orientation que l’on qualifie de « sceptique », Arcésilas eut une sorte de révélation philosophique, qui ne fut autre que celle du platonisme dans sa version la plus dogmatique24. La philosophie de la suspension du jugement a donc eu comme terreau la formation de l’Ancienne Académie, qui fut particulièrement féconde, puisque Zénon, le fondateur du stoïcisme, suivit également cet enseignement25. Cette admiration pour les Académiciens qu’il fréquentait fut évidemment aussi une admiration pour Platon, comme le montre le témoignage de Diogène Laërce, qui, après avoir évoqué les conditions dans lesquelles Arcésilas arriva à la tête de l’Académie, dit de lui26 : « il semblait admirer également Platon et il fit l’acquisition de ses livres ». On remarquera la prudence de la formulation de Diogène en ce qui concerne l’admiration d’Arcésilas pour Platon, prudence qui s’explique par le fait que le doxographe connaît une autre tradition, qui fait d’Arcésilas un Pyrrhonien27. Mais plus surprenante encore est cette mention de l’achat des livres de Platon, car on imagine mal a priori comment un scholarque de l’Académie aurait pu ne pas posséder l’œuvre de Platon. Quelle que soit l’hypothèse que l’on avance (achat de cette collection avant le scholarquat ou acquisition alors qu’il était en fonction d’une collection autre que celle de l’Académie), il est hors de doute qu’Arcésilas connaissait bien l’œuvre de Platon et cela ne rend que plus délicat le problème de la justification platonicienne de l’ἐποχή.
6Plusieurs éléments de réponse nous sont donnés par notre principale source, Cicéron, qui nous dit dans un passage du troisième livre du De oratore28 que c’est par la lecture de différents écrits de Platon et des dialogues socratiques qu’Arcésilas parvint à la conclusion que rien ne peut être appréhendé avec certitude, ni par les sens ni par l’esprit :
Arcesilas primum, qui Polemonem audierat, ex uariis Platonis libris sermonibusque Socraticis hoc maxime arripuit, nihil esse certi quod aut sensibus aut anima percipi possit.
7Bien que la formulation latine ne soit pas dépourvue d’ambiguïté, elle ne nous paraît cependant pas aller dans le sens de la thèse d’une lecture sélective des dialogues de Platon, de laquelle auraient été exclues les œuvres considérées comme trop dogmatiques. En effet, on aurait eu plutôt dans ce cas ex quibusdam Platonis libris. Le uariis suggère une utilisation qui n’est certes pas indifférenciée, mais qui ne comporte pas pour autant de véritable exclusive. Cette interprétation est confirmée par le fait que, dans les Académiques, Cicéron écrit29 :
Platonem [...] cuius in libris nihil adfirmatur et in utramque partem multa disseruntur, de omnibus quaeritur, nihil certi dicitur.
8Par ailleurs, il nous est dit dans le De oratore qu’Arcésilas fut le premier à instituer dans l’Académie la méthode d’inspiration socratique consistant à contredire systématiquement l’interlocuteur30 :
primumque instituisse – quamquam id fuit Socraticum maxime –, non quidipse sentiret ostendere, sed contra id, quod quisque se sentire dixisset disputare.
9Si l’on peut comprendre comment Arcésilas avait pu se réclamer du modèle socratique pour aller vers une pratique de la contradiction systématique, on est en droit de se demander où donc il a pu trouver chez Platon l’idée que la raison et les sens sont également incapables de parvenir à la vérité. Nous abordons là un problème, celui de la légitimation d’une exégèse, qui est d’autant plus difficile que l’Antiquité a eu dans ce domaine des critères sensiblement différents des nôtres. Ce que l’on peut dire très sommairement c’est que, même chez le Platon le moins aporétique, il y a souvent des nuances, des formules de prudence, l’affirmation répétée de la différence entre l’homme et les dieux, la mise en garde contre l’illusion d’être parvenu à un résultat définitif31. Tout cela, Arcésilas devait le mettre en évidence pour justifier son utilisation de Platon comme précurseur de la philosophie aporétique qu’il avait introduite dans l’Académie. Mais il est au moins tout aussi important de remarquer qu’Arcésilas revendiquait beaucoup plus une fidélité d’inspiration à Platon qu’une véritable orthodoxie. Il ne concevait pas la tradition platonicienne comme quelque chose de définitivement clos, mais comme une source à laquelle il proclamait sa fidélité, sans s’interdire d’y apporter sa propre marque. En effet, s’il semble avoir été hanté par la figure de Socrate, à qui il se référait pour justifier sa dialectique32, il n’en affirmait pas moins qu’il allait plus loin que son modèle, puisqu’il récusait jusqu’à cette unique certitude, négative, que Socrate s’était concédée33 :
Itaque Arcesilas negabat esse quicquam quod sciri posset, ne illud ipsum quod Socrates sibi reliquisset.
10Rien n’illustre mieux son sentiment de progresser par rapport aux deux figures emblématiques de l’Académie que la manière dont il avait utilisé la métaphore de la caverne, transformant le théâtre d’ombres de la République en un lieu de ténèbres absolues34 :
omnia latere censebat in occulta neque esse quicquam quod cerni aut intellegi posset.
11À ce point de notre étude la fidélité affirmée d’Arcésilas à la tradition platonicienne semble aboutir à une pensée radicalement étrangère à Platon, car si diverses que soient les exégèses de la philosophie platonicienne, on conviendra que rien n’est plus étranger à l’inspiration du fondateur de l’Académie que cette conception d’un monde de ténèbres dans lequel toutes les affirmations seraient équivalentes. Or nous savons par plusieurs témoignages qu’Arcésilas n’hésitait pas à faire sien le principe sophistique et pyrrhonien de l’isosthénie des discours35. Le problème est que, si lui-même interprétait la caverne platonicienne comme l’ébauche nécessairement inexacte de sa propre caverne, la suppression de la lumière, par laquelle il prétendait illustrer son apport à la tradition platonicienne nous apparaît plutôt à nous comme une rupture avec celle-ci. Cette impression est-elle fondée, comment et pourquoi s’est effectué au nom de Platon le passage à une philosophie qui, de ce point de vue, est à l’opposé de Platon ?
12La réalité est encore plus complexe que ne le laisse penser l’analyse des proclamations doctrinales d’Arcésilas, si tant est que l’on puisse parler de « doctrine » à propos du fondateur de la philosophie de l’ἐποχή. En effet, Platon ne fut pas le seul philosophe sur lequel Arcésilas appuya sa philosophie du doute absolu. Nous savons par Cicéron, mais aussi par Plutarque, qu’il avait constitué une sorte de généalogie de la philosophie de l’ἐποχή, dans laquelle il n’hésitait pas à inclure Parménide, Héraclite, Démocrite, Anaxagore, Empédocle36. Cette « récupération » des Présocratiques, considérés au même titre que Platon et Socrate comme les précurseurs de la nouvelle philosophie de l’Académie, pourrait nous inciter à considérer avec plus de commisération encore les capacités exégétiques d’Arcésilas. En réalité, elle nous aide à mieux comprendre le sens de l’orientation qu’il donna à l’Académie. Il nous semble, en effet, qu’en associant dans une même inspiration des philosophes dont il ne pouvait pas ignorer les différences, Arcésilas exaltait une « ancienne » manière de philosopher qui à ses yeux était exempte du défaut majeur qu’il critiquait chez les philosophes hellénistiques, et tout particulièrement chez les Stoïciens, à savoir l’assentiment qui ne se remet pas en cause, la certitude absolue par laquelle on prétend faire du sage l’égal d’un dieu. À partir de là, Arcésilas commence à nous paraître moins éloigné de Platon que précédemment. S’il avait poussé jusqu’à ses conséquences ultimes la conception d’un monde uniformément obscur, dans lequel toutes les affirmations sont indifférenciées en vertu du principe de l’isosthénie, son attitude eût été celle de Pyrrhon, qui cherchait à se « dépouiller de l’homme »37, c’est-à-dire à vivre d’une manière qui rapprochât le plus possible de cette indifférence absolue qu’il attribuait à la nature tout entière. Pyrrhon marchait dans la rue, indifférent aux hommes comme aux chiens ou aux chariots qui pouvaient le renverser38, alors qu’Arcésilas contredisait systématiquement ses interlocuteurs, mû par une incapacité toute socratique à supporter que l’on confonde la vérité avec ce qui n’est qu’une opinion. Arcésilas interprétait Platon comme si toute la philosophie platonicienne pouvait se résumer à l’impératif absolu de la recherche. A-t-il pour autant ignoré que la recherche chez Platon n’est pas indifférenciée, qu’elle a une orientation, liée au statut transcendant de la vérité ?
13Un certain nombre d’indices nous laissent penser qu’il n’avait pas seulement trouvé chez Platon la conviction que la prétention d’être parvenu à la vérité absolue est la faute suprême pour un philosophe. Des témoignages qui ne sont pas ceux que l’on cite toujours à propos d’Arcésilas nous le montrent beaucoup plus imprégné de tradition socratique que ne le laisserait penser son obstination à proclamer l’équivalence de toutes les affirmations. À en croire Stobée, il disait que, de même que l’abondance de médicaments et de médecins entraîne de grands maux, de même le trop grand nombre de lois constitue l’injustice suprême39. Le même auteur nous rapporte que, voyant un tout jeune homme suivre l’enseignement des philosophes avant d’avoir suivi l’éducation traditionnelle, il avait dit que les fruits magnifiques de Dèmèter ne conviennent pas immédiatement aux enfants et qu’il faut qu’ils goûtent auparavant le lait de leur mère40. Plus révélateur encore, Eusèbe de Césarée, dans le même passage où il décrit de manière très précise la philosophie de la suspension de l’assentiment qu’avait élaborée Arcésilas, nous apprend que celui-ci aimait à répéter le vers d’Hésiode dans lequel il est dit que les dieux ont caché aux hommes le sens de la vie41 :
κρύψαντες γὰρ ἔχουσι θεοὶ νόον [βίον Hés.] ἀνθρώποισι
14Curieusement donc, alors que tous les manuscrits du texte d’Hésiode donnent la leçon βίον, ce mot est remplacé par νόον dans la transcription du vers tel qu’aimait à le répéter Arcésilas. On ne peut évidemment pas exclure qu’il s’agisse seulement d’une erreur imputable à Eusèbe ou à la tradition manuscrite, encore que la stabilité du texte d’Hésiode rende peu probable cette hypothèse. Et quand bien même elle serait exacte, l’important n’est-il pas de savoir qu’Arcésilas ne se contentait pas de mettre en évidence la finitude humaine et qu’il la mettait en relation avec la transcendance divine, retrouvant ainsi un thème important de la tradition platonicienne ? Un témoignage beaucoup plus tardif, et qui ne dérive pas nécessairement de celui d’Eusèbe, exprime plus fortement encore la même idée. En effet, Epiphanios, écrivain chrétien du VIe siècle, attribuait à Arcésilas l’idée que la vérité est accessible aux dieux, non aux hommes42. Epiphanios a-t-il donné sa propre interprétation théologique de la philosophie de l’ἐποχή, a-t-il paraphrasé à sa manière l’utilisation par Arcésilas du vers d’Hésiode, ou encore disposait-il de textes qui ne nous sont pas parvenus ? Ce problème est un bon exemple des difficultés que l’on rencontre lorsqu’on cherche à définir la philosophie d’Arcésilas.
15Avant d’évoquer le cas de Carnéade il faut remarquer que ce problème de la relation d’Arcésilas à Platon n’est pas une invention de l’érudition moderne. On remarquera que du vivant même d’Arcésilas la nouvelle orientation donnée à l’école platonicienne avait choqué certains philosophes ; le témoignage le plus connu est le vers du stoïcien Ariston, maintes fois repris par la doxographie, qui, parodiant la description homérique de la Chimère43, décrivait Arcésilas comme un monstre juxtaposant trois doctrines philosophiques, le platonisme, le pyrrhonisme et la dialectique de Diodore le Mégarique :
πρόσθε Πλάτων, ὄπιθεν Πύρρων, μέσσος Διόδωρος.
16Mais ce vers a été interprété par les adversaires d’Arcésilas comme la preuve qu’il avait professé un dogmatisme ésotérique. Comme nous l’avons montré ailleurs44, cette interprétation est doublement contradictoire. En effet, si le vers dénonçait une opposition entre l’apparence de l’enseignement d’Arcésilas et sa réalité, que signifierait μέσσος Διόδωρος ? Et, par ailleurs, le πρόσθε Πλάτων, ὄπιθεν Πύρρων montre que ce qu’Ariston reprochait à Arcésilas, ce n’était pas un platonisme ésotérique, mais plutôt le contraire : il s’indignait de la fidélité proclamée du scholarque à Platon, qu’il estimait incompatible avec la philosophie de la suspension du jugement. En réalité, aussi bien le vers que l’interprétation erronée dont il a fait l’objet prouvent que tous les adversaires de la Nouvelle Académie avaient beau jeu de critiquer, avec plus ou moins d’honnêteté, cette articulation entre tradition platonicienne et scepticisme qui nous semble avoir caractérisé la pensée d’Arcésilas.
17Les choses sont plus complexes encore en ce qui concerne Carnéade, puisque, alors que les témoignages relatifs à ce scholarque sont assez nombreux, il n’est question qu’une seule fois de sa relation à Platon. De surcroît, cette unique référence semble impliquer que Carnéade divergeait profondément du fondateur de son école : on y apprend, en effet, qu’il le critiquait à propos de sa conception de la justice, en reprenant des arguments à forte tonalité sophistique. Nous avons essayé ailleurs45 de montrer que ce que nous savons de la philosophie caméadienne peut être interprété comme une sorte d’orientation platonicienne « en négatif », qui ne se dessine qu’à travers la réfutation de l’adversaire privilégié de la Nouvelle Académie, le stoïcisme. Nous n’examinerons ici que le passage auquel nous avons fait allusion et qui nous paraît au demeurant assez révélateur de l’ensemble de la pensée caméadienne.
18Rappelons donc de quoi il s’agit. Au centre du De republica de Cicéron se trouve une disputatio in utramque partent qui oppose, d’une part, Lélius, défenseur de la justice, et, d’autre part Philus, qui a accepté d’assumer la critique de cette vertu, parce qu’il considère l’antilogie comme un moyen de progresser sur la voie de la vérité46. La disputatio est d’emblée placée sous le signe de Platon, car Philus se compare lui-même47 à un chercheur d’or qui accepte de se couvrir de boue pour trouver la précieuse pépite et il reprend ainsi, en la transformant sensiblement, la métaphore qui se trouve au début de la République (I, 336e). Il nous est dit par Cicéron que Philus expose dans l’antilogie les idées de Carnéade, lequel avait effectivement, lors de la fameuse ambassade de 155, défendu puis critiqué la vertu de justice devant un public romain qu’il rendait réceptif à la philosophie par sa virtuosité oratoire48. Or, selon Philus, la critique caméadienne de la justice était dirigée contre les iustitiae patroni, à savoir Aristote et Platon. N’y a-t-il pas là un étonnant exemple de renversement à l’intérieur d’une institution, un scholarque de l’Académie devenant le critique de Platon, avec des arguments empruntés à ses pires adversaires ?
19Il va de soi que rien n’interdit de prendre le texte cicéronien au pied de la lettre et de le lire comme si le discours de Philus était la transcription littérale du discours prononcé en 155 à Rome par Carnéade. Mais, sans même parler de la liberté avec laquelle Cicéron utilise ses sources, il faut, comme cela a été fort justement souligné49, tenir compte des étapes intermédiaires entre Carnéade et Cicéron, étapes au cours desquelles la pensée du scholarque a pu être au moins partiellement déformée. Ainsi l’idée – attribuée à Carnéade par Philus – selon laquelle Aristote et Platon auraient eu des positions, sinon identiques du moins très complémentaires, à propos de la justice, rappelle un thème cher à Antiochus d’Ascalon, celui de la parfaite continuité entre les deux grands philosophes50. Or Antiochus est une source importante de Cicéron pour le De republica et le De legibus ; il paraît donc au moins probable que la mention selon laquelle Carnéade aurait critiqué Platon et Aristote, présentés tous les deux comme défenseurs de la justice distributive, ne remonte pas à Carnéade lui-même, mais lui a été attribuée par Antiochus d’Ascalon.
20Cela dit, il est au moins tout aussi probable que le retentissement des discours romains de Carnéade fut tel que l’on continua longtemps après cet événement à discuter in utramque partent de la justice dans l’Académie. Le fait même de soutenir le pour et le contre sur un sujet nous est présenté comme une innovation de Carnéade par rapport à Arcésilas, puisque celui-ci pratiquait le contra omnia dicere, la réfutation systématique des interlocuteurs51. Les deux méthodes étaient au demeurant pareillement inspirées par la conviction que la contradiction systématique est l’instrument dont dispose le philosophe dans la recherche de la vérité. Ce que Carnéade lui-même avait exactement dit à Rome, nous ne pouvons pas le connaître. Cependant la disputatio du De republica, qui, même si l’on doit faire la part des ajouts et des transformations dus à Cicéron ou à sa source, s’enracine dans les discussions qui devaient avoir lieu sur ce thème à l’intérieur de la Nouvelle Académie, nous permet de penser que, malgré l’emploi de la forme, chère aux Sophistes, de l’antilogie et malgré la présence d’arguments puisés dans la sophistique, l’inspiration de l’antilogie n’est pas antiplatonicienne.
21En effet, quel est le sens de la critique caméadienne de la justice ? Le scholarque, après avoir mis en évidence la très grande variété des droits particuliers et les contradictions existant entre eux, défendait la théorie contractuelle de la justice52. Puis, passant de la société à l’individu, il opposait le sage, homme de la perfection naturelle, au juste et pour cela il utilisait un exemple qui devait rester célèbre dans l’Antiquité : si le juste a fait naufrage et qu’un naufragé, moins fort que lui, s’est accroché à une épave, que devra-t-il faire53 ? La sagesse lui recommanderait de faire lâcher à l’autre son épave pour s’y installer lui-même ; la justice impliquerait qu’il s’en abstienne, mais elle serait sottise, puisqu’elle le conduirait nécessairement à la mort. Comme l’avait déjà bien montré J. Croissant, en opposant de manière radicale instinct vital et rationalité éthique, en dissociant la vertu de sagesse – définie comme conformité à un ordre naturel se caractérisant par la violence égoïste – et celle de justice, présentée comme une valeur étrangère au monde, Carnéade cherchait une fois de plus à ruiner les fondements de l’éthique stoïcienne54. Pour les philosophes du Portique, l’οἰκείωσις, l’adaptation à l’ordre du monde, source à la fois de la vie et de l’éthique, est instinctive avant d’être, dans le cas du sage, parfaitement rationnelle55. L’Académicien au contraire contestait, et en cela il était parfaitement dans la tradition de Platon, que la pulsion vitale, égoïste par nature, puisse, sans l’intervention d’un principe qui lui soit par essence étranger, devenir justice. Pour autant, sa critique du stoïcisme épargnait-elle totalement Platon ? Il est évident que lorsqu’il opposait justice et sagesse, ou lorsqu’il faisait résider le bonheur terrestre dans la satisfaction de l’égoïsme il était disserendi causa aussi antiplatonicien qu’antistoïcien. Mais le fait qu’il ait pris pour prémisses de sa critique de la justice le principe stoïcien de l’οἰκείωσις et qu’il se soit abstenu de toute référence à la définition spécifiquement platonicienne de la justice comme harmonie de l’âme laissent penser que Platon, et même un Platon fort peu aporétique, pouvait constituer aux yeux du scholarque un recours contre les systèmes hellénistiques. C’est en tout cas ainsi que l’ont compris certains Médioplatoniciens, puisque le Commentaire Anonyme du Théétète, que l’on a tendance maintenant à dater du premier siècle de notre ère56, reprend la critique caméadienne de l’οἰκείωσις en ajoutant que, puisque la justice ne peut naître de l’égoïsme, il fallût lui trouver un autre principe, qui ne peut être que l’ὁμοίωσις τῷ θεῷ57. L’articulation dans le médioplatonisme entre la dialectique néoacadémicienne et un concept platonicien ne signifie pas que l’antilogie du De republica doive être nécessairement interprétée comme la préparation caméadienne à la fameuse digression du Théétète dans laquelle il est dit que la sagesse réside dans la fuite hors de ce monde et dans l’assimilation à Dieu κατὰ δυνατόν. Toutefois, le passage entre Nouvelle Académie et moyen-platonisme montre que cette articulation existait en tant que virtualité et nous avons vu, par ailleurs, que le thème de la transcendance divine n’est pas absent des témoignages sur Arcésilas.
22L’ambiguïté de la philosophie néoacadémicienne tenait donc à la présence d’une inspiration authentiquement platonicienne, mais dont la formulation restait conditionnée par les impératifs de la lutte contre le stoïcisme, lutte qui devait elle-même être vécue comme un prolongement de celle menée par Socrate contre les Sophistes. C’est à partir des successeurs de Carnéade que commença à se produire un clivage entre platonisme et dialectique antistoïcienne, ou plus exactement que la relation entre ces deux composantes de la philosophie néoacadémicienne suscita des controverses à l’intérieur même de l’Académie. Alors que le successeur officiel de Carnéade, Clitomaque, s’en tenait à la philosophie de l’ἐποχὴ περὶ πάντων, un Académicien dissident, Métrodore de Stratonice, l’accusait de ne rien avoir compris à la pensée caméadienne et prétendait que l’aporétisme de la Nouvelle Académie avait été seulement un instrument de combat contre le stoïcisme58. Philon de Larissa, qui succéda à Clitomaque, maintint d’abord la position de celui-ci, avant d’adopter une position proche de celle de Métrodore. Mais il fut lui-même confronté à la sécession d’Antiochus d’Ascalon, qui, reniant la Nouvelle Académie, prétendit ressusciter l’Ancienne Académie des successeurs immédiats de Platon. Si nous n’avons aucun témoignage qui nous informe de manière précise sur ce que fut le débat à propos de Platon entre Clitomaque et Métrodore – mais tout laisse penser qu’il fut au cœur du conflit qui les opposa – en revanche, nous connaissons mieux par Cicéron la controverse qui opposa Philon de Larissa et Antiochus sur l’histoire de l’Académie et sur l’interprétation de la fidélité à Platon59.
23La philosophie d’Antiochus est incompréhensible si l’on oublie qu’elle répondait à une double finalité : établir, par une utilisation habile du thème du consensus, la supériorité de l’Académie sur les écoles hellénistiques, et affirmer que l’Ancienne Académie, telle qu’il prétendait l’avoir restaurée, était la détentrice de la véritable tradition platonicienne60. Une telle stratégie exigeait l’élaboration d’une image très dogmatique de Platon présenté comme l’inventeur d’un système dont l’Ancienne Académie, les Péripatéticiens et même les Stoïciens auraient repris les principes et modifié simplement la formulation61 :
Platonis autem auctoritate, qui uarius et multiplex et copiosus fuit, una et consentiens duobus uocabulis philosophiae forma instituta est, Academicorum et Peripateticorum, qui rebus congruentes nominibus differebant.
24En réalité, il arrivait à Antiochus de reconnaître qu’Aristote, à propos des Formes, ou les Stoïciens à propos de la valeur de la perception sensorielle se situaient à l’opposé de Platon62. Simplement la reconnaissance occasionnelle de ces divergences philosophiques ne l’empêchait pas de réaffirmer l’existence d’un consensus entre l’Ancienne Académie, le Lycée et les Stoïciens. Platon se trouvait ainsi investi d’une supériorité absolue, celle des autres philosophes ne pouvant être aux yeux d’Antiochus que relative tout au plus. Cette manière de valoriser le fondateur de l’Académie avait pour contrepartie l’attribution à celui-ci et à ses successeurs immédiats d’un système tripartite, dans lequel Antiochus avait abusivement inclus des concepts péripatéticiens et stoïciens. C’est contre une telle conception que Philon de Larissa prit soin de réaffirmer le thème de la continuité entre Platon et la Nouvelle Académie.
25Nous savons, en effet, par Cicéron que dans des livres écrits à Rome et qui avaient provoqué la colère d’Antiochus, il avait défendu la thèse de l’unité de l’Académie contre ceux qui opposaient l’Ancienne et la Nouvelle Académie63. Sans entrer dans le détail du problème des innovations philoniennes, il convient de réfléchir à l’importance de celles-ci du point de vue du platonisme et il nous apparaît que leur interprétation est moins simple si l’on se tourne vers l’amont de la tradition que si l’on choisit de regarder vers l’aval de celle-ci. En effet, en ce qui concerne le devenir de ces innovations, les choses sont à peu près claires : en affirmant avec force l’unité de l’Académie tout au long de son histoire, en limitant l’ἐποχή à la critique du stoïcisme, Philon a constitué un moment dans la genèse du moyen-platonisme64. En revanche, lorsqu’on essaie de situer ce scholarque par rapport à ses prédécesseurs, et notamment par rapport à Carnéade, une difficulté apparaît : si les livres romains de Philon ont tellement scandalisé non seulement son adversaire dogmatique, Antiochus d’Ascalon, mais aussi un philosophe resté fidèle à l’ἐποχή universelle, Héraclite de Tyr65, cela signifie-t-il que s’était installée à l’intérieur même de l’Académie l’idée d’un hiatus entre la tradition de Platon et celle d’Arcésilas ? En affirmant de manière éclatante la thèse de l’unité de l’Académie, Philon aurait donc anéanti le seul point d’accord entre adversaires et partisans de la Nouvelle Académie. D’où la violence de la réaction.
26Cette hypothèse, que le texte cicéronien semble parfois suggérer, ne nous paraît pas très plausible. Outre que nous avons essayé de montrer que Carnéade avait lui aussi cherché à se situer dans un certain type de continuité par rapport à Platon, une lecture plus fine du passage des Académiques dans lequel est racontée la réception à Alexandrie des livres romains de Philon permet d’écarter l’idée d’une Académie se reconnaissant elle-même en rupture par rapport à Platon. Que dit, en effet, Cicéron ? Que le contenu des livres romains de Philon avait provoqué la colère d’Antiochus et la stupéfaction d’Héraclite, l’un et l’autre affirmant que ni Philon ni aucun autre Académicien n’avaient jamais tenu de tels propos66. C’est donc l’ensemble de ces nouveautés qui les avait ainsi choqués. Or la véritable innovation de Philon par rapport aux scholarques qui l’avaient précédé n’était pas dans l’affirmation de l’unité de l’Académie, mais dans le fait de se référer au fondateur de son école pour légitimer une philosophie qui n’était plus celle du doute universel67. Philon ne désavouait ni Arcésilas ni Carnéade, simplement il les interprétait d’une manière qui rendait moins problématique la thèse de la continuité de l’Académie depuis sa fondation jusqu’à lui-même. Il mécontentait ainsi à la fois celui qui avait fait scission en prétendant retrouver l’inspiration de l’Ancienne Académie et ceux qui continuaient à prétendre qu’il était possible de voir en Platon le précurseur d’une philosophie de l’ἐποχή systématique.
27L’Académie n’avait pas attendu Arcésilas pour manifester sa liberté d’interprétation de l’œuvre de Platon. On sait, en particulier, comment Speusippe et ses successeurs se comportèrent à l’égard de la théorie des Formes. La hardiesse de la Nouvelle Académie paraît encore plus grande, puisque, tout en protestant de sa fidélité au Fondateur, elle a élaboré cette philosophie de l’ἐποχή – dont sortira le néopyrrhonisme d’Enésidème, c’est-à-dire le scepticisme autonome. Toutefois on peut se demander si pour tous ces Académiciens, s’éloigner de Platon, ce n’était pas le défendre mieux encore, chacun à sa manière. L’Ancienne Académie n’a-t-elle pas essayé de sauver la transcendance platonicienne, en rejetant (Speusippe), ou en modifiant (Xénocrate) une théorie des Formes dont elle percevait bien les difficultés ? L’ἐποχὴ περὶ πάντων ne fut-elle pas une manière éclatante de rappeler l’impératif de la recherche au milieu des dogmatismes hellénistiques ?
28Non, le parricide ne semble décidément pas avoir été une tentation académicienne.
Notes de bas de page
1 Pascal, Pensées, 520 (Lafuma).
2 Cf. notamment les ouvrages de J. Glucker, Antiochus and the late Academy, « Hypomnemata » 56, Gottingen, 1978, d’A.M. loppolo, Opinione e scienza, « Elenchos » 12, Naples, 1986 et d’H. Tarrant, Scepticism or Platonism ? The philosophy of the fourth Academy, Cambridge, 1985.
3 J.P. Lynch, Aristotle’s school. A study of a Greek educational institution, Berkeley, 1972, et J. Glucker, op. cit.
4 Sur ce point, l’ouvrage le plus complet reste celui de P. Boyancé, Le Culte des Muses chez les philosophes grecs, Paris, 1937.
5 Voir en particulier le chapitre 5 de son livre « The School property », p. 226-255. La description la plus complète du processus d’élection qui nous soit parvenue est celle de l’arrivée de Xénocrate au scholarquat dans l’Index Academicorum, col. VII, p. 136-137 de l’édition de T. Dorandi, Storia dei filosofi. Platone e l’Academia, « La scuola di Epicuro » 12, Naples, 1991.
6 Voir J. Glucker, op. cit., p. 13-15, 30-31.
7 Ibid., passim.
8 Sext. Emp., Hyp. Pyn, I, 220.
9 Ibid. : ἔνιοι δὲ καὶ τετάρτην προστιθέασι τῶν περὶ Φίλωνα καὶ Χαρμίδαν, τινὲς δὲ καὶ πέμπτην καταλέγουσι τὴν τῶν περὶ τὸν Ἀντίοχον.
10 On remarquera la formulation de Diogène Laërce, IV, 28, dans sa Vie d’Arcésilas : οὗτός ἐστιν ὁ τῆς μέσης Ἀκαδημείας κατάρξας, πρῶτος ἐπισχὼν τὰς ἀποφάσεις διὰ τὰς ἐναντιότητας τῶν λόγων. Sur cette Vie, cf. l’article de A.A. Long, « Life of Arcesilaus », Elenchos 7, 1986, p. 432-449.
11 Voir en particulier l’ouvrage de M. Isnardi Parente : Studi sull’ Accademia antica, Florence, 1979.
12 L’expression est utilisée par M. Bumyeat dans la table chronologique de son introduction à The skeptical tradition, Londres, 1983, p. 4.
13 A propos d’Enésidème, cf. l’ouvrage de U. Burkhard, Die angeblichte Heraklit-Nachfolge des skeptikers Aenesidem, Bonn, 1973 et le récent article de F. Decleva Caizzi, « Aenesidemus and the Academy », C.Q., 42, 1, 1992, p. 4218-4240.
14 Cf. Cicéron, Luc., 76.
15 Ces fragments ont été édités par F. Decleva Caizzi, Pirrone. Testimonianze, « Elenchos » 5, Naples, 1981. L’image traditionnelle de Pyrrhon, dans laquelle pyrrhonisme et néopyrrhonisme se trouvaient confondus, a été renouvelée par M. Conche, Pyrrhon ou l’apparence, Villers-sur-Mer, 1973.
16 Sur l’image de Pyrrhon chez Cicéron, voir notre article : « Un problème doxographique chez Cicéron : les indifférentistes », R.E.L. 58, 1980, p. 238-251.
17 Photius, Bibl, 212, 169b, écrit à propos du livre d’Enésidème qu’il a lu : Ἡ μὲν ὅλη πρόθεσις τοῦ βιβλίου βεβαιῶσαι ὅτι οὐδὲν βέβαιον εἰς κατάληψιν, οὔτε δι’αἰσθήσεως, ἀλλ’οὔτε μὴν διὰ νοήσεως. Or un tel propos correspond exactement à ce qui est dit par Cicéron d’Arcésilas, cf. n. 28.
18 Voir sur ce point notre article : « Scepticisme et dogmatisme dans l’Académie : Tésotérisme d’Arcésilas », R.E.L. 56, 1978, p. 335-348.
19 Ibid., p. 343-344.
20 Cf. l’ouvrage de G. Paleikat, Die Quellen der akademischen Skepsis, diss. Kônigsberg, 1916, consacré aux différents passages « sceptiques » de Platon et l’article de J. Annas, « Platon le sceptique », R.M.M. 95/2, 1990, p. 267-291, qui privilégie le Théétète.
21 Cette interprétation a pour origine les deux articles de P. Couissin, « L’origine et l’évolution de l’ἐποχή », R.E.G. 42, 1929, p. 373-397, et « Le stoïcisme de la Nouvelle Académie », Rev. hist. phil. 3, 1929, p. 241-276.
22 Cf, outre l’édition Dorandi mentionnée à la note 5, celle de K. Gaiser, Philodems Academica, Supplementum Platonicum I, Stuttgart-Bad Cannstatt, 1988.
23 Ind., XV, 5-10. Le même épisode est raconté par Diogène Laërce, IV, 22.
24 Voir le commentaire de K. Gaiser, op. cit., p. 520, qui, à juste titre, écarte l’interprétation de ceux qui ne voient qu’ironie dans ces propos d’Arcésilas.
25 Cf. Diog. Laërce, VII, 2.
26 Ibid., IV, 32.
27 Ibid., 33.
28 Cicéron, De or., III, 67.
29 Cicéron, Ac. post., I, 46.
30 Cicéron, De or., III, 67.
31 Cf., à titre d’exemple, le οὐ χρὴ ἀποκάμνειν de Rép., IV, 445b.
32 Cf. Fin., I, I, 2.
33 Cicéron, Ac. post., I, 45.
34 Ibid.
35 Cf. Cicéron, ibid., et Diog. Laërce, IV, 28.
36 Cicéron, Ac. post., I, 44, et Plutarque, Adu. Col., 1122a.
37 Fr. 15a-b Decleva Caizzi.
38 Ibid., fr. 10, 16, 17a-b.
39 Stobée, IV, 1, 92, p. 28, 9 Hense = fr. 12 Mette. Cette pensée d’Arcésilas ne correspond, à notre connaissance, à aucun passage précis de l’œuvre platonicienne. On connaît toutefois l’importance de la métaphore loi-médecine dans Pol., 294c-d et Lois, IV, 720c. Luc Brisson nous a signalé qu’elle est également présente dans Gorgias, 464a et 478d.
40 Sur la position de Platon à l’égard de l’éducation traditionnelle, cf. W. Jaeger, Paideia : the ideals of Greek culture, trad. G. Highet, t. II, New York-Oxford, 1943, p. 210-211.
41 Hésiode, T. et J., v. 42. Hésiode dit que Zeus, dupé par Prométhée, s’est vengé en leur cachant les moyens de leur subsistance.
42 Epiphanios, fr. 15 Mette : Ἀρχεσίλαος ἔφασκε τῷ θεῷ ἐφικτὸν εἶναι μόνῳ τὸ ἀληθές, ἀνθρώπῳ δὲ οὔ.
43 Diog. Laërce, IV, 33, parodie d’Homère, II, VI, 181.
44 Voir notre article cité à la note 18.
45 Voir notre livre Cicero Academicus, Recherches sur les Académiques et sur la philosophie cicéronienne, coll. de l’Ecole française de Rome 162, Rome, 1992.
46 Cicéron, De rep., III, 22.
47 Ibid.
48 Cf. De or., III, 68 : Hinc haec recentior Academia manauit, in qua extitit diuina quadam celeritate ingeni dicendique copia Carneades.
49 Voir l’article de J.-L. Ferrary, « Le discours de Lælius dans le troisième livre du De reptiMi’ca de Cicéron », M.E.F.R.A. 86, 1974, p. 745-771.
50 Sur la continuité entre Platon et Aristote selon Antiochus, voir Ac. post., I, 18.
51 Voir P. Moraux, « La joute dialectique d’après le huitième livre des Topiques », dans Aristotle on dialectics, the Topics (Proceedings of the 3rd Symposium Aristotelicum), Oxford, 1968, p. 277-312.
52 De rep., III, 14-19.
53 Ibid., 26.
54 J. Croissant, « La morale de Carnéade », Rev. int. de phil. I, 1939, p. 545-570.
55 Sur ce concept voir en particulier, l’article de G. Striker, « The rôle of oikeiosis in stoic ethics », O.S.A.P.H. I, 1983, p. 145-167.
56 Voir l’article d’H. Tarrant, « The date of Anon. in Theaetetum », C.Q. 33, 1983, p. 161-187.
57 Com. in The., 7, 14-20.
58 Voir l’Index, XXVI, 9-10.
59 On trouvera une bonne présentation de ce conflit dans l’ouvrage de M. Dal Pra, Lo Scetticismo greco, I, p. 302 sq.
60 Sur cette stratégie, voir dans R.E.L. 67, 1990, p. 435-436, notre compte rendu de Philosophia togata, M. Griffin et J. Bames édit., Oxford, 1989.
61 Cicéron, Ac. post., I, 17.
62 Ibid., 34 : Aristoteles primus species, quas paulo ante dixi, labefactauit, quas mirifice Plato erat amplexatus, ut in eis quiddam diuinum esse diceret.
63 Ibid., 13 : Quamquam Antiochi magister, Philo, magnus uir, ut tu existimas ipse, negat in libris, quod coram etiam ex ipso audiebamus, duas Academias esse erroremque eorum, qui ita putarunt, coarguit.
64 Ce rôle a été néanmoins exagéré par H. Tarrant, Scepticism or platonism, Cambridge, 1985, qui a fait de Philon la seule source du moyen platonisme.
65 Cicéron, Luc., 11.
66 Ibid.
67 Ibid., 18.
Auteur
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Thémistius
Paraphrase de la Métaphysique d’Aristote (livre lambda)
Thémistius Rémi Brague (trad.)
1999
« L’art de bien lire »
Nietzsche et la philologie
Jean-François Balaudé et Patrick Wotling (dir.)
2012
L’Idée platonicienne dans la philosophie contemporaine
Jalons
Sylvain Delcomminette et Antonio Mazzu (dir.)
2012
La fêlure du plaisir, vol. 2
Études sur le Philèbe de Platon II. Contextes
Monique Dixsaut (dir.)
1999
La connaissance de soi
Études sur le traité 49 de Plotin
Monique Dixsaut, Pierre-Marie Morel et Karine Tordo-Rombaut (dir.)
2002
L’Euthyphron de Platon
Philosophie et religion
Platon Jean-Yves Chateau (éd.) Jean-Yves Chateau (trad.)
2005