VI. – Traduction
p. 115-177
Texte intégral
1Ici commence le traité de révérendissime père et seigneur en le Christ, Monseigneur Fantin Dandulo, archevêque de Crète, pour l’instruction de la foi catholique ; traité bref mais utile, pour le salut de leurs âmes, aux clercs et surtout aux prêtres, quant à leurs ouailles.
Prologue
2Bien que tout clerc, surtout s’il est prêtre, doive savoir tout ce qui concerne la foi, afin de pouvoir conduire son âme et celle des autres vers le salut éternel, néanmoins du fait de l’ignorance et de l’impéritie actuelles des clercs, il y en a bien peu pour posséder cette science, et ainsi, des aveugles conduisant des aveugles, presque tous tombent dans la fosse. Aussi, pour que tous les clercs aient la possibilité de recevoir, au profit de l’intelligence des humains, quelques conclusions et déclarations très brèves touchant notre foi et que nul ne doit ignorer, moi, Pantin, archevêque de Crète bien qu’indigne, j’ai compilé pour l’instruction de la foi catholique un bref traité et je l’ai écrit autant qu’il m’a été possible, en langue claire et intelligible, aussi n’est-il permis de refuser de lire ce texte, ni aux clercs peu éclairés qui argueraient de l’obscurité de la langue, ni aux clercs paresseux redoutant la prolixité de l’ouvrage. Donc, que chaque clerc lise, qu’il étudie avec soin ce qu’il a lu ! afin de connaître quelle vie et quelles mœurs lui conviennent et de pouvoir faire profiter les autres des fruits d’une vie meilleure. Et quand il aura ainsi tiré profit de cet opuscule, rendant grâces à Dieu, qu’il prie pour moi Notre-Seigneur Jésus-Christ. Pour mieux faire saisir, et plus complètement, la doctrine de cet ouvrage, je l’ai divisé en rubriques distinctes, commençant à la création du monde et traitant en peu de mots dans la dernière partie de la fin du monde et du jugement dernier. Ainsi, grâce à cet ordre, ce petit ouvrage, depuis l’alpha jusqu’à l’oméga, doit se trouver achevé dans celui qui a toujours été, est et viendra juger les vivants, les morts et le siècle par le feu.
Rubrique de la création du monde
3Le premier fondement de la foi est de croire fermement et fidèlement que Dieu, à cause de son infinie bonté, a créé, du néant, au commencement des temps, le ciel et la terre et tout ce qui est en eux. Il créa aussi les anges, substances intellectuelles très simples auxquelles il donna la liberté de choisir le bien ou le mal. Aussi, immédiatement après la création des anges, le grand ange Lucifer et beaucoup d’autres se tournèrent-ils vers le cercle du mal, inclinant au mal, ils refusèrent de se soumettre à Dieu et à cause de leur orgueil furent sur le champ précipités du ciel au plus profond de l’enfer. Rendus d’autant plus vils qu’ils avaient été plus beaux, ils tombèrent dans la damnation éternelle. Les bons anges, cependant, usèrent de leur libre arbitre pour choisir le bien et y furent confirmés par la grâce, aimant Dieu sans cesse, le vénérant sans cesse et le louant en chœur en disant sans fin : « Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu des armées. Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire. Hosannah au plus haut des Cieux ».
4Le Seigneur créa aussi les ornements des cieux, c’est-à-dire le Soleil, la Lune, les Etoiles et tout ce qui existe en ceux-ci : les oiseaux du ciel, les poissons de la mer, les arbres de la terre et toutes les plantes, et tous les êtres vivants dans leurs espèces. Et comme Dieu lui-même avait créé toutes les choses bonnes dans sa nature, le sixième jour il forma l’homme du limon de la terre et le créa à son image et à sa ressemblance, c’est-à-dire qu’il en fit une créature intelligente, car la ressemblance que nous avons avec Dieu ne tient pas à notre forme humaine corporelle, mais à la mémoire, à l’intelligence et à la volonté par quoi nous ressemblons à Dieu lui-même. D’une côte de l’homme endormi Dieu forma la femme, sa compagne. Et il appela l’homme Adam et la femme Eve, et leur donna la domination sur les oiseaux du ciel, sur les poissons de la mer et sur tous les êtres animés qui se meuvent sur la terre. Dieu les établit aussi dans un paradis de volupté que nous appelons le paradis terrestre où étaient réunis tous les fruits de la terre. Un arbre fruitier se trouvait aussi au milieu du paradis, appelé l’arbre de la science du bien et du mal. Et Dieu leur ordonna de manger de tous les fruits, mais de ne point goûter du fruit de l’arbre du bien et du mal, car, à quelque moment qu’ils en mangeassent, ils seraient frappés de mort. Or le mauvais serpent, Lucifer lui-même tombé du ciel, voulant que l’homme perdit par sa chute la grâce de Dieu comme lui-même l’avait fait par son extrême méchanceté, poussa d’abord la femme, Eve, à manger de ce fruit défendu, et celle-ci, quand elle l’eut goûté et trouvé délicieux, en donna à son mari, Adam. Ainsi tous les deux péchèrent à l’égard de l’obéissance qu’ils devaient à Dieu ; leurs yeux s’ouvrirent au péché, à cause de quoi eux-mêmes et tous ceux qui sont nés d’eux furent condamnés à l’enfer jusqu’à la venue du Christ, dont la passion et la résurrection libérèrent de l’enfer tous ceux qui étaient dignes d’être sauvés. Et tout ce que nous lisons dans le long développement de la Bible, depuis Adam jusqu’à la venue du Christ, tout cela préfigure notre salut, nous annonçant que le Christ viendra, lui qui a opéré notre salut sur la terre. Tout ce qu’il a opéré dans son ministère a donc été auparavant préfiguré. Et c’est pourquoi il avait dit : « Je ne suis pas venu détruire la loi mais l’exécuter complètement ». C’est pourquoi aussi, attaché sur la croix et voyant que tout était achevé, il dit enfin : « Tout est consommé », ce qui signifie : « Les prophéties sont réalisées, la loi est exécutée et tout ce qui avait été annoncé de moi ; et ainsi toutes choses ont leur fin en moi ». Voici donc la création de l’univers, l’accomplissement du premier péché, et notre rédemption brièvement exposés au début de ce traité, afin que le lecteur diligent comprenne mieux ce qui va suivre.
Rubrique du cours de l’univers
5Il faut savoir que le cours de l’univers, de la création à la fin des siècles, se divise en trois périodes. La première est appelée le temps de la loi naturelle, la deuxième le temps de l’Ecriture, la troisième le temps de la loi de grâce. La première, en effet, est dite temps de la loi naturelle car à cette époque les hommes, pour vivre, ne suivirent d’autre loi que celle de la nature et celle-ci est contenue surtout dans deux règles. La première : « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’on te fit. » La deuxième : « Ne fais à personne ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. » Et toute cette période s’étendit jusqu’à Moyse, auquel fut donné la loi écrite, et dura 3.579 ans.
6La seconde période est dite le temps de la loi écrite, car durant toute cette période, les hommes vécurent suivant la loi écrite qui fut donnée par Dieu à Moyse et selon laquelle devait vivre le peuple de Dieu. Celle-ci consiste principalement en dix commandements donnés à Moyse, au mont Sinaï sur deux tables. Dès lors les hommes commencèrent à vivre sur terre suivant les commandements de Dieu, quant à Dieu et quant au prochain. Et toute cette période de la loi écrite s’étendit jusqu’à la venue du Christ qui nous apporta le temps de la grâce. Cette période dura 1.610 ans.
7La troisième période est dite le temps de la loi de la grâce parce que, à ce moment, la grâce de notre salut nous a été procurée par la venue du Christ. Cette loi consiste dans l’Evangile, dans lequel nous sont donnés un ordre et un mode de vie autres que ceux donnés à nos pères dans la loi de l’Ecriture. Car, au temps de la loi écrite, Dieu nous promettait des biens temporels, des fruits, du blé, du vin, de l’huile et autres choses semblables. Mais par l’Evangile nous sont promis des biens spirituels, car le Christ a dit : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse car votre récompense est grande dans les cieux ». Et ce temps durera jusqu’à la fin des siècles dont le terme est inconnu.
Rubrique des Ages du monde
8Sachez que le monde, comme l’homme, passe par plusieurs âges durant son cours. Le monde, en effet, passe par six âges jusqu’à son terme. Le premier s’est étendu d’Adam à Noé, à l’époque duquel, en raison de la perversité des hommes, le mal s’est multiplié sur la terre au point que Dieu se repentit d’avoir crée l’homme. Cet âge a duré 1.642 ans. Le second âge s’étendit de Noé à Abraham. Dans cette période se produisit le déluge. Et Noé, avec tous les représentants des espèces animales, fut préservé dans l’arche. Et cet âge dura 1.642 ans. – Le troisième s’étendit d’Abraham à David. Durant ce temps fut donnée à Abraham lui-même la circoncision en signe de rémission du péché originel. Cet âge dura 1.020 ans. – Le quatrième âge s’étendit de David à la transplantation de Babylone. C’est en cette période que fut faite à David lui-même la promesse certaine de la venue du Christ, dont il est question dans les psaumes : « Le Seigneur a juré à David, et il ne l’abusera pas : Je placerai sur mon trône le rejeton de ta race ». Cet âge dura 400 ans. Le cinquième s’étendit de la captivité de Babylone jusqu’au Christ. Et par cette transmigration se trouve figurée notre propre transmigration de l’état de la damnation à celui du salut éternel. Et cette période a duré 596 ans. – Le sixième âge s’étend du Christ à la fin des siècles. Dans ce temps nous possédons la grâce de notre salut, et la durée de cet âge ne nous est pas connue, car Dieu a réservé en sa puissance la date de son terme. Ainsi d’Adam au Christ s’écoulèrent 5.190 années. Mais il y a aussi un septième âge qui s’étendra depuis la fin du monde dans l’éternité, à ce moment le repos étemel sera donné aux justes, et la peine éternelle aux mauvais. Et ce dernier âge se compare justement avec le septième jour durant lequel Dieu se reposa après avoir achevé son œuvre. Ainsi après ces six âges du monde, le septième sera consacré au repos. – Voici achevé le cours de l’univers.
Rubrique des dix commandements de la Loi
9Sachez que, au temps de la loi de l’Ecriture, fut donné à Moyse le Décalogue, c’est-à-dire les dix préceptes de la loi, sur le mont Sinaï. Et ces dix commandements furent donnés sur deux tables de pierre. Trois d’entre eux sont ou furent écrits sur une seule table, et les sept autres sur la deuxième. Les trois premiers concernent le respect, la glorification et la louange dûs au souverain et tout puissant créateur, notre Dieu et notre Seigneur, les sept autres concernent l’amour, la charité envers le prochain et la dilection du prochain.
10Voici les trois commandements qui furent écrits sur la première table, et d’abord le premier : « Tu n’adoreras pas de dieux étrangers ». Par là, il nous est défendu d’adorer et d’invoquer le soleil, ou la lune, ou des images, ou des statues, ou toute autre chose à l’exception de Dieu, car ce serait de l’idolâtrie. – Le deuxième commandement : « Tu n’invoqueras pas en vain le nom de ton Dieu », nous interdit de jurer en vain et sans raison, de mentir, de prononcer le nom de Dieu ou des autres saints dans des propos futiles. – Le troisième : « Souviens-toi de sanctifier le jour de sabbat », nous défend de travailler les jours de fête, et surtout le jour du Seigneur, ou de nous occuper, ces jours-là, de quelque ouvrage servile. Mais il nous est ordonné de rester en oraison, de faire nos dévotions et d’assister aux offices de l’Eglise, tout en nous gardant du péché. Et voici les trois commandements touchant la glorification de Dieu.
11Quant aux sept autres relatifs à l’amour du prochain, les voici : Le quatrième : « honore ton père et ta mère » nous commande d’obéir à nos parents, à nos anciens, et de les respecter ; de prier aussi pour eux après leur mort ; comme nous avons été obéissants dans la vie, soyons reconnaissants dans la mort. – Par le cinquième : « Tu ne tueras pas », il nous est défendu de faire du tort au prochain, de quelque manière que ce soit, ou en le tuant, ou en le blessant, ou en l’outrageant, ou en le diffamant. Car nous pouvons, de toutes ces manières, offenser notre prochain et contrevenir à ce commandement. – Le sixième : « Tu ne commettras pas d’adultère », nous défend tout acte de luxure, toute volonté de luxure, soit que le péché consiste en désir, ou en paroles honteuses, soit qu’il soit commis en fait ou par action. – Le septième : « Tu ne voleras pas » nous défend de soustraire le bien d’autrui ou de le retenir contre la volonté du propriétaire. – Le huitième : « Tu ne profèreras pas de faux témoignage contre ton prochain », nous défend d’énoncer des paroles mensongères pour le dommage du prochain en jugement ou hors jugement, soit en jurant, sois sans serment, et nous interdit de taire la vérité lorsque la nécessité l’exige. – Le neuvième : « Tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain », nous interdit de désirer le bien d’autrui car nous ne devons pas désirer le bien d’autrui aux dépens du prochain. – Le dixième : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain », nous interdit de flétrir la maison du prochain, dans la personne de sa femme, de sa fille, de sa servante ou d’une de ses proches. Il faut aussi savoir que nous sommes obligés aujourd’hui à observer ces commandements comme l’étaient nos premiers ancêtres qui reçurent la Ici écrite. Il en résulte que ceux qui n’observent pas ces préceptes pèchent mortellement.
Rubrique des articles de foi
12Sachez que toute la loi de l’Evangile, qui est la vraie foi catholique, nous a été donnée au temps de la grâce et consiste en douze articles rassemblés principalement dans les trois prières qu’on nomme les trois symboles. Le premier est nommé le symbole des apôtres, parce que ce sont les apôtres qui l’ont composé ; on l’appelle aussi le petit credo, il commence ainsi : « Je crois en Dieu le père tout puissant, etc... » Le deuxième est appelé symbole de Nicée pour avoir été composé au concile de Nicée, bien qu’il ait été réformé au concile de Constantinople. Et c’est selon lui que chante l’Eglise entière, grecque et latine. Nous l’appelons aussi le grand credo, qui commence ainsi : « Je crois en un seul Dieu, le père tout puissant, etc... » Le troisième est appelé symbole d’Athanase, car saint Athanase l’a composé. Il commence ainsi : « Quiconque veut être sauvé, etc... » Voici ces articles de foi comme ils ont été donnés dans le premier symbole des apôtres :
13Le premier article : « Je crois en Dieu le père tout puissant, créateur du ciel et de la terre ». Suivant cet article, nous devons croire à l’omnipotence de Dieu, grâce à laquelle lui-même créa du néant le ciel et la terre et tout ce qui s’y trouve. C’est Pierre, le prince des apôtres, qui. établit ce premier article.
14Le deuxième article : « Et en Jésus-Christ, son fils unique. Notre Seigneur ». Cet article nous montre que nous devons croire non seulement au Père, mais en son Fils aussi, qui est Dieu et Notre-Seigneur, comme son Père. C’est André qui est l’auteur de cet article.
15Le troisième : « Qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie ». Celui-ci nous oblige à croire que le Christ, Fils de Dieu, n’a pas été conçu dans les entrailles de la Vierge Marie du péché de la chair, comme les autres hommes, mais par la vertu du Saint-Esprit. C’est Jacques Le Majeur qui établit cet article, Jacques nommé aussi Zébédée.
16Le quatrième : « A souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été entené ». Il nous enseigne, et nous devons croire, que Jésus-Christ a supporté réellement la passion, la mort et la sépulture, ce qui nous démontre que le Christ lui-même a été véritablement un homme. Jean a établi cet article.
17Le cinquième : « Descendit aux enfers, le troisième jour est ressuscité d’entre les morts ». Cet article nous oblige à croire qu’avant sa résurrection le Christ est descendu aux enfers d’où il a fait sortir nos pères qui descendirent tous aux limbes. Et après les avoir fait sortir de l’enfer, il ressuscita d’entre les morts et reprit son vrai corps glorifié. C’est Philippe qui a posé cet article.
18Le sixième : « Est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu son père tout-puissant ». Par là nous devons croire que le Christ, quarante jours après sa résurrection, est monté aux cieux où il est assis à la droite du Père, afin de siéger sous sa forme humaine dans la gloire dans laquelle il résidait avant son incarnation. Car, comme Dieu, il avait toujours été auprès de son Père, mais comme homme, il était dans le monde. Et ainsi il monta au ciel pour se tenir aussi en tant qu’homme là où il avait été de toute éternité en tant que Dieu. C’est Barthélemy qui a établi cet article.
19Le septième : « D’où il viendra juger les vivants et les morts ». Par là nous devons croire que le Christ, Dieu et homme, doit venir à la fin du monde pour juger tous les hommes, ceux qui seront sauvés et ceux qui seront damnés. C’est Thomas qui a établi cet article.
20Le huitième : « Je crois au Saint-Esprit ». Nous devons croire par là à l’Esprit-Saint, qui est la troisième Personne de la Trinité. Car de même que le premier et le second articles ont démontré qu’il fallait croire au Père et au Fils, ainsi nous faut-il croire au Saint-Esprit qui procède de l’un et de l’autre, c’est-à-dire du Père et dû Fils. C’est Mathieu qui a établi cet article.
21Le neuvième : « A la sainte Eglise catholique, à la communion des Saints ». Par là, nous sommes tenus de croire que l’Eglise Catholique est la véritable Eglise de Dieu, qui a pour chef le Pontife romain, comme vicaire de Jésus-Christ. Et il nous faut croire que ceux qui appartiennent à l’Eglise catholique sont en communion avec tous les Saints dans toutes leurs prières. Cet article émane de Jacques le Mineur, surnommé Alphée.
22Le dixième : « A la rémission des péchés ». Par là, nous croyons que l’Eglise catholique a le pouvoir de remettre les péchés au moyen de ses sacrements, et surtout par celui de la pénitence. Car les prêtres ont reçu le pouvoir d’absoudre les hommes de leurs péchés. Cet article vient de Simon, dit Zélote.
23Le onzième : « A la résurrection de la chair ». Par là, il nous faut croire qu’au jour du jugement nous ressusciterons avec nos corps pour rendre compte des actes, que nous avons accomplis durant notre vie. C’est Thaddée qui a établi cet article.
24Le douzième : « A la vie éternelle ». Par là, nous devons croire qu’au jour du jugement ceux qui auront fait le bien iront à la vie étemelle ; ceux qui par contre auront mal agi iront au feu éternel. C’est Matthias qui est l’auteur de cet article, le dernier des apôtres, appelé à la place du traître Judas. Et nous sommes tenus de croire fermement tous ces articles sans y apporter aucun doute. Qui n’aura pas cru cela ne pourra être sauvé.
Rubrique des Sacrements de l’Église. Leur nature
25Sachez que les sacrements de l’Eglise catholique sont au nombre de sept qui nous furent donnés au temps de la grâce, pour la rémission de nos péchés. Parmi ces sacrements, cinq sont nécessaires pour le salut, c’est-à-dire que pour que quelqu’un soit en état d’être sauvé, il lui faut recevoir ces cinq sacrements, ou du moins ne pas refuser de les recevoir s’il n’en a pas par hasard la possibilité. – Les deux autres sont volontaires, c’est-à-dire que l’homme peut à son gré les recevoir ou ne pas les recevoir sans commettre de péchés. Voici ce que sont les cinq premiers :
– Du Baptême, et apprends ce qu’il est
26Le Baptême. C’est le premier sacrement, la porte de tous les autres, sans lequel personne ne peut être sauvé. Il faut savoir que le baptême peut se donner sous trois formes. L’une est appelée le baptême du sang, baptême qui a lieu lorsque quelqu’un meurt de mort violente pour le Christ ; s’il n’était pas baptisé, on admet qu’il est baptisé dans son sang par le martyre. C’est ce baptême que reçurent les Saints Innocents qu’Hérode fit tuer à cause du Christ. La seconde forme est le baptême par les flammes, c’est-à-dire par le Saint-Esprit. Il a lieu lorsque quelqu’un désire être baptisé et n’ayant personne pour le baptiser meurt dans une telle intention. On admet qu’il est baptisé par la vertu du Saint-Esprit. Ou encore, supposons que quelqu’un se croit baptisé et vive en chrétien ; cependant il n’a pas reçu le baptême. On dit que cet homme est baptisé par la grâce et la vertu du Saint-Esprit, parce qu’il a cru et a vécu en pratiquant la religion. La troisième forme est celle du fleuve, c’est-à-dire de l’eau. C’est ce baptême que pratique tous les jours l’Eglise catholique. Il peut être donné par quiconque, homme ou femme, juif ou païen, hérétique ou excommunié, pourvu que cet individu ait l’intention de donner le baptême, et qu’il le donne sous la forme consacrée, c’est-à-dire en disant : « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il », et en jetant trois fois de l’eau sur la tête de l’enfant à baptiser. Mais, suivant les formes officielles de l’Eglise, c’est au prêtre seul qu’il appartient de baptiser ou en son absence au diacre. Ce sacrement est si efficace qu’il absout celui qui le reçoit de tout péché, originel ou actuel, mortel ou véniel. Et ce sacrement n’est donné qu’une seule fois ; il n’est pas renouvellé lorsqu’il a été donné par nécessité, sans aucune des cérémonies de l’Eglise, pourvu que les formes obligatoires aient été observées, comme on vient de le dire. Mais on peut compléter la partie de la cérémonie qui avait été omise par nécessité, à savoir les onctions et autres rites. Lorsque l’on n’est pas sûr que quelqu’un ait été baptisé, on doit alors le baptiser sous cette forme : « Si tu es baptisé, je ne te baptise pas. Mais si tu n’es pas baptisé, je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. »
– De l’Onction (Confirmation)
27Elle ne peut être donnée que par l’évêque. Elle se fait par l’onction du chrême sur le front, et porte aussi le nom de sacrement de Confirmation, car elle confirme la grâce de l’Espnt-Saint donnée par le baptême. Ce sacrement n’est donné qu’une fois, comme le baptême, car, comme lui, il n’est pas renouvelable. On ne peut le donner qu’à ceux qui ont été baptisés. Notez aussi que par ce sacrement, comme par le baptême, on contracte une parenté spirituelle. D’où il résulte que le prêtre qui baptise devient compère du père et de la mère de l’enfant baptisé. De même ceux qui présentent l’enfant au baptême ou à la confirmation, deviennent tous compères du père et de la mère de l’enfant ainsi baptisé ou confirmé. Ils deviennent ainsi les pères spirituels de cet enfant, qui, lui, devient le frère spirituel des enfants de ses pères spirituels, que nous appelons vulgairement parrains. Et ce que nous avons dit du prêtre baptisant qui devient compère ; du père et de la mère de l’enfant, nous le répétons pour l’évêque qui confirme. Lui même devient compère du père et de la mère de l’enfant confirmé et devient le parrain ou père spirituel de l’enfant. Sachez qu’on ne peut admettre à cette copaternité qu’une seule personne, ou deux tout au plus, hommes ou femmes. On doit observer cette règle pour le baptême comme pour la confirmation, à moins que Par une dispense donnée par l’évêque pour un motif sérieux on admette plus de deux parrains. Il faut aussi noter qu’on ne peut admettre pour parrain, dans un baptême, une personne non baptisée. De même, qui n’a pas reçu l’onction ne peut être parrain pour une confirmation. De même, on admet ni religieux, ni religieuse. Et retenez bien ceci, à cause des cas qui se présentent tous les jours.
– De la Pénitence
28La Pénitence, c’est le sacrement nécessaire à tous les fidèles chrétiens qui ont atteint l’âge de discrétion ; ils doivent avoir la contrition de cœur, pratiquer la confession vocale, et la réparation effective, c’est-à-dire faire pénitence pour leurs péchés. Ce sacrement ne peut être donné que par le prêtre qui a le pouvoir de lier et de délier. Par ce sacrement toutes les fautes sont remises pourvu que le prêtre en ait l’autorité et le pécheur la contrition sincère. L’homme peut recevoir ce sacrement chaque fois qu’il se sent en état de péché. Cependant l’Eglise catholique a prescrit que, au moins une fois par an, tout chrétien parvenu à l’âge de discrétion, quatorze ans pour les garçons et onze pour les filles, doit s’approcher du sacrement de pénitence, pendant le carême, confesser tous ses péchés et exécuter la pénitence qui lui est imposée, à condition qu’il n’ait point commis de péchés mortels, car autrement cela ne lui serait pas profitable. Il faut noter que ce que nous venons de dire de l’obligation de se confesser au moins une fois par an s’entend des séculiers, car les clercs doivent se confesser et communier au moins trois fois par an, à Noël, à Pâques et à la Pentecôte. Quant aux prêtres, ils ne doivent jamais célébrer la messe avant de s’être purifiés de leurs péchés auparavant par la confession s’ils sont conscients d’être en état de péché mortel.
– De l’Eucharistie
29L’Eucharistie est la sainte communion du corps du Christ. C’est le sacrement le plus hautement respectable, le plus parfait, le plus excellent, car il unit l’homme au Christ. Ce sacrement s’accomplit avec du pain de froment, non d’orge ou d’autre céréale. Il peut s’accomplir aussi bien avec du pain azime qu’avec du pain fermenté. Mais sachez que suivant le rite de l’Eglise romaine, tous les latins sont tenus d’utiliser du pain azime, selon les prescriptions de l’Eglise. Si un prêtre latin utilisait du pain fermenté, il pécherait mortellement. Les Grecs, eux, emploient du pain fermenté, suivant le rite de l’Eglise orientale, et si un prêtre grec utilisait du pain azime il pêcherait lui aussi mortellement, car il agirait contre les prescriptions de son Eglise. Les paroles essentielles de ce sacrement sont les suivantes : « Ceci est mon Corps ». Le sang du Christ, lui, est transmué du vin de la vigne, non du vin aigri ou venant de raisin sauvage, et auquel on ajoute un peu d’eau pure et naturelle ; il ne faut pas utiliser d’eau rosée ou impure. Quant aux paroles essentielles à ce sacrement, les voici : « Ceci est le calice de mon Sang, du nouveau et de l’éternel testament, mystère de foi, qui, pour nous et pour un grand nombre, est répandu en rémission des péchés ». Personne ne peut opérer ce sacrement du Corps et du Sang à moins d’être prêtre, rituellement ordonné selon la forme et les rites de l’Eglise, approuvés par l’Eglise. Et ce sacrement ne peut être conféré qu’aux personnes déjà parvenues à l’âge de discrétion, qui puissent sentir son importance. On ne peut le donner qu’à ceux qui sont en état de contrition, qui se sont confessés, car personne ne doit oser approcher ce sacrement s’il n’est pur de tout péché, autrement il mange. et boit sa propre condamnation. Tout chrétien parvenu à l’âge prescrit est tenu de recevoir ce sacrement au moins au temps de Pâques. Sachez aussi que le prêtre communiant à la messe, communie toujours sous les deux formes, il prend le Corps et le Sang ; mais quand les fidèles communient on ne leur donne pas le Sang du Christ, mais seulement son Corps, de crainte de renverser du liquide. Et cependant en recevant le Corps, ils reçoivent aussi le Sang parce que dans le corps du Christ on trouve également le Sang.
– De l’Extrême-Onction, c’est-à-dire de la dernière
30L’Extrême-Onction est un sacrement donné par l’Eglise aux mourants quand ils sont à toute extrémité. Il doit être donné par les mains du prêtre. Cette onction se fait, avec l’huile des malades, sur tous les organes des sens, sur les yeux, sur les oreilles, sur les narines, sur la bouche, sur les pieds et les mains. Il faut savoir que ce sacrement est donné pour la rémission des péchés véniels dont le malade est encore chargé, et comme il a pu pécher par chacun de ses sens, l’organe de chacun des sens reçoit l’onction. C’est la raison pour laquelle l’Eglise n’a pas coutume de faire participer les jeunes enfants à ce sacrement, car ceux-ci ne commettent point de péchés de cette sorte. Il est donc donné aux seuls adultes qui sont en âge de pécher. Ce sacrement n’est donné qu’une seule fois au cours de la même maladie. Mais si quelqu’un se trouvait en péril de mort au cours de maladies successives, il pourrait recevoir l’onction durant chacune de ces maladies.
31Ces cinq sacrements sont nommés sacrements de nécessité, car chaque chrétien est tenu, autant que possible, de les recevoir tous les cinq. Les deux qui restent sont dits sacrements volontaires, car il dépend de la volonté de l’homme ou de la femme de les recevoir ou de ne pas les recevoir. On n’est pas contraint de les recevoir ; c’est pourquoi on les appelle volontaires.
– Du Mariage, ce qu’il est
32Ce sacrement a été institué par Dieu au Paradis terrestre, avant le péché d’Adam, quand le Seigneur dit : « Et l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils seront deux en une seule chair ». Ce sacrement se contracte par le consentement donné personnellement et en présence l’un de l’autre, de l’homme et de la femme qui se disent l’un à l’autre : « Je t’accepte pour ma femme légitime », et la femme dit à son tour : « Et moi je t’accepte pour mon époux ou pour mon mari légitime ». Et ce sont ces paroles ou d’autres semblables qui prouvent le consentement personnel. Et ce sacrement ne peut se contracter qu’entre personnes légitimement aptes à cela, c’est-à-dire ayant atteint l’âge légal du mariage, quatorze ans pour les hommes et douze pour les femmes. Ces personnes doivent aussi être libres, c’est-à-dire non engagées dans un autre mariage, ni tenues par quelque vœu solennel de continence ou de religion. Elles ne doivent pas non plus être unies par la consanguinité ni par la parenté jusqu’au quatrième degré. Et sur ce point nul ne peut leur accorder de dispense, le pape excepté. Elles ne doivent également pas être unies par une parenté spirituelle telle que la compaternité dont nous avons parlé plus haut à propos du sacrement de confirmation. Elles doivent aussi appartenir à la même religion : un chrétien ne peut contracter de mariage ni avec une juive, ni avec une païenne ; s’il le faisait, le mariage serait considéré comme nul. De même un catholique ne peut épouser ni une hérétique ni une schismatique ; s’il le faisait, le mariage serait cependant valable, car elles ont été baptisées ; mais eux-mêmes pèchent mortellement en s’unissant ainsi. Il faut remarquer aussi qu’on ne peut célébrer de noces en tout temps, car l’Eglise interdit la célébration du mariage depuis le début de l’Avent jusqu’à l’octave de l’Epiphanie, depuis la Septuagésime jusqu’à l’octave de Pâques et depuis les Rogations, c’est-à-dire les trois jours qui précèdent l’Ascension, jusqu’à l’octave de la Pentecôte. Durant ces périodes les noces sont interdites parce qu’à ce moment nous devons nous consacrer à la dévotion et à l’oraison, et non point nous occuper de jeux folâtres ou de fêtes mondaines. Et si quelqu’un se marie un jour interdit il péche mortellement. Sachez aussi que l’Eglise interdit les noces clandestines ou les mariages clandestins, c’est-à-dire secrets ; aucun prêtre ne doit assister à un mariage secret sous peine d’être suspendu de son office pendant trois ans. Elle prescrit aussi de faire des publications dans l’église avant la célébration du mariage, afin que si quelqu’un veut s’opposer au mariage, il puisse comparaître, pour faire opposition, avant un certain délai assigné. Nul clerc ne doit se permettre de bénir les anneaux de tels mariages qui n’ont pas été publiés à l’église, sous peine d’une suspension de trois ans. Ce sacrement a tant de force qu’après la consommation du mariage, c’est-à-dire l’union charnelle, il ne peut jamais être dissous. Ce sacrement peut cependant se répéter, car après la mort de sa première femme, un homme peut en prendre une deuxième, et de même une troisième, ou une quatrième ou plus. Notez cependant qu’on ne bénit pas les secondes noces, mais seulement les premières. Et au cas où un prêtre bénit les secondes noces, il doit être suspendu et envoyé devant le Saint-Siège pour implorer sa pénitence. Notez aussi que lorsque des fiancés consomment leur mariage avant sa proclamation à l’église ils péchent mortellement.
– Du sacrement de l’Ordre
33L’Ordre est un sacrement qui est conféré aux ministres de l’Eglise, il compte neuf degrés, à l’image de la cour céleste qui compte neuf groupes d’anges. C’est pour cette raison que notre Eglise compte neuf catégories ou ordres de clercs. Les cinq premiers Ordres ne sont pas sacrés, c’est-à-dire ne comportent pas le vœu de continence, mais les quatre autres sont qualifiés de sacrés, car le vœu de continence leur est lié. Les cinq premiers ordres sont ceux de la première tonsure, de portier, de lecteur, d’exorciste, d’acolyte. Remarquez bien que parce que ce ne sont pas des ordres sacrés, celui qui les a reçus peut retourner dans le monde et contracter mariage. Les quatre autres qui sont les ordres sacrés sont le sous-diaconat, le diaconat, la prêtrise et le pontificat ou ordre épiscopal. Du fait que ces ordres sont sacrés, celui qui a reçu l’un d’entre eux ne peut plus retourner au siècle, car ils lient si bien l’homme à l’Eglise que celui-ci ne peut plus se séparer d’elle. Celui qui a reçu un ordre sacré est tenu de dire l’office tout entier et celui qui a été reçu dans un ordre sacré ne peut jamais contracter mariage, car en recevant ainsi l’ordre il émet un vœu de continence suivant le rite de l’Eglise romaine ; cependant l’Eglise tolère que les clercs grecs ayant reçu le diaconat et la prêtrise continuent à vivre maritalement avec les épouses auxquelles étant encore dans les ordres mineurs ils se sont unis, si ces épouses ont été prises par eux vierges, et en premières noces. Cette tolérance est accordée aussi à ceux qui se sont mariés étant sous-diacres, car les Grecs ne tiennent pas le sous-diaconat pour un ordre sacré. L’Eglise accepte et tolère cet usage. Sachez aussi que l’évêque seul peut conférer le sacrement de l’ordre, et bien qu’un abbé puisse dans son monastère conférer la tonsure à ses moines et les ordonner portiers et lecteurs, il ne peut leur conférer l’acolytat. Mais pour enseigner aux clercs leur office et pour leur apprendre ce qui appartient à chaque ordre, nous dirons que la première tonsure ne donne aucune fonction dans l’Eglise catholique, mais qu’elle est le fondement des autres ordres comme le baptême est le fondement de tous les autres sacrements. Le portier doit sonner la cloche, ouvrir et fermer l’église et garder la sacristie. Le lecteur doit lire les leçons, bénir le pain et les nouveaux fruits de la terre. L’exorciste doit expulser les démons et chasser les excommuniés de l’église, porter l’eau à bénir dans les églises. L’acolyte porte les chandeliers dans l’église et allume les cierges, il prépare le vin et l’eau pour la messe dans les « circeolae » ou ampoules. Le sous-diacre présente, lors de la célébration de la messe, l’eau au prêtre pour le lavement des mains. il doit aider le diacre et laver les nappes de l’autel et les corporaux. Il porte aussi le calice et la patène sur l’autel et chante l’épitre. Le diacre aide le prêtre à l’autel, il baptise, prêche, chante l’évangile dans la sainte Eglise de Dieu pour les vivants et pour les défunts ; il peut également dire « le Seigneur soit avec vous », pendant l’office, ce que ne peuvent faire ni le sous-diacre ni le clerc pourvu simplement des ordres mineurs. Il est important de comprendre que, bien que tout le monde puisse donner le baptême en cas de nécessité pressante, comme nous l’avons dit en traitant du sacrement de baptême, cependant personne, le diacre, le prêtre et l’évêque exceptés, ne peut baptiser avec les solennités prescrites par l’Eglise, Le diacre, lui, peut baptiser suivant les formes solennelles de l’Eglise quand on ne peut trouver de prêtre. Le prêtre doit offrir le sacrifice, c’est-à-dire célébrer la messe et bénir le peuple, et être placé à la tête des fidèles ; c’est-à-dire qu’il peut avoir le soin des âmes parce qu’il a le pouvoir de lier et de délier ; il doit aussi prêcher et baptiser. L’évêque a le pouvoir de juger, d’interpréter, c’est-à-dire expliquer les textes au peuple ; il doit aussi consacrer les églises et les autels, bénir les ornements de l’église. Il doit aussi confirmer, c’est-à-dire oindre les enfants sur le front et consacrer, c’est-à-dire célébrer ou dire la messe, ordonner les clercs à tous les ordres ; enfin il a le droit de prêcher et de baptiser. Il est aussi à remarquer que celui qui est prêtre est tenu de célébrer la messe au moins aux jours solennels, même s’il n’est pas pourvu d’un bénéfice, pour la raison qu’il y est obligé du fait d’avoir reçu une grâce insigne en recevant l’ordre sacerdotal, selon le mot de l’Apôtre : « Prenez garde de n’avoir pas reçu en vain la grâce divine. » Remarquez également que le sacrement de l’ordre a tant d’éminente vertu qu’il fait le clerc ministre du Christ, ou soldat de l’Eglise. Il en résulte que tout clerc jouit, par son appartenance à la milice de l’Eglise, de trois grands privilèges. Le premier est le privilège de la personne, pour la défense de sa propre personne, car quiconque frappe un clerc est frappé immédiatement d’excommunication majeure. Le deuxième privilège est un privilège juridique : aucun clerc ne peut être jugé soit au civil, soit au criminel par un tribunal séculier, c’est-à-dire par un juge laïc ; au cas même où le clerc se soumettrait et consentirait à un tel jugement, le procès ou l’arrêt ainsi prononcé serait aussitôt frappé de nullité. Le troisième privilège s’attache aux biens mêmes des clercs : les biens et les propriétés des églises ou des clercs doivent être exempts d’impôts et ne peuvent être soumis par le pouvoir séculier à aucune charge ou redevance ; ils doivent rester libres et déchargés de toute imposition. Si quelqu’un violait ce privilège, il serait frappé d’excommunication. Il faut savoir encore qu’il est nécessaire d’avoir atteint un certain âge pour recevoir les ordres ecclésiastiques. Si un évêque s’est permis d’ordonner un clerc avant l’âge fixé, il est suspendu de la collation de l’ordre même qu’il a conféré à tort et pour son péché. Quant au clerc ainsi ordonné avant d’avoir atteint l’âge fixé, il reste suspendu de l’exercice de cet ordre, c’est-à-dire qu’il ne peut exercer avant d’avoir atteint l’âge légitime. Voici les âges requis pour chacun des ordres : la première tonsure ne peut se donner qu’à sept ans révolus. Les quatre ordres mineurs requièrent pour leur réception l’âge de discrétion, c’est-à-dire treize ans révolus ou au moins douze. Le sous-diaconat ne se peut donner qu’à dix-sept ans révolus ; le diaconat à dix-neuf ans révolus. Pour recevoir la prêtrise, il faut avoir vingt-quatre ans accomplis et trente ans au moins pour être sacré évêque. Nul, le pape excepté, ne peut accorder de dispense pour la collation de ces ordres au-dessous de l’âge indiqué, et particulièrement celle des ordres sacrés. Sachez enfin que ce sacrement de l’ordre n’est donné qu’une seule fois, car il n’est pas possible de le conférer deux fois. Cependant si dans une ordination quelque rite avait été omis par erreur, il faut y remédier avec beaucoup de prudence.
Rubrique de l’office de la messe et des règles à observer
34La messe doit être célébrée quotidiennement, si possible dans l’église, pour le salut tant des vivants que des morts. La messe ne peut être célébrée sur un autel non consacré sans la permission de l’évêque, et elle doit être dite de jour et non de nuit, à deux exceptions près, savoir les nuits de la Nativité du Seigneur et de sa Résurrection, bien que l’usage se soit introduit dans l’Eglise de dire le Samedi-Saint la messe qui devrait être chantée durant la nuit de la Résurrection, et au cours de cette messe se dit cette oraison : « Dieu qui, cette nuit très sainte, etc... ». Il y a cependant certaines églises qui célèbrent également la nuit de la fête de saint Jean l’Evangéliste la messe de sa vigile, car, à cause de la fête de saint Etienne, l’Eglise ne peut la célébrer de jour. Et il faut savoir que si un prêtre, outre ces deux nuits, célèbre une messe avant le jour sans avoir une dispense spéciale de son évêque, il pèche mortellement. Le prêtre ne peut célébrer qu’une messe par jour, et bien heureux qui peut célébrer dignement une seule messe. Mais à Noël chaque prêtre peut célébrer trois messes : une au milieu de la nuit, la deuxième à l’aurore, la troisième à l’heure de tierces, à condition de ne boire le contenu du calice, c’est-à-dire le liquide de la transfusion qu’à la dernière messe, car s’il le prenait, il ne serait plus à jeun et ne pourrait plus ensuite célébrer le même jour une autre messe, car la messe doit être célébrée à jeun. Il y a pourtant certains cas où un prêtre peut célébrer deux messes le même jour avec la permission de son évêque, mais la prudence de l’évêque doit décider de cela après mûre réflexion. Notez aussi que le prêtre ne peut célébrer la messe qu’après avoir récité les matines et prime ; agissant autrement il pèche mortellement. Il faut également faire bien attention que rien ne soit oublié de ce qui touche à la solennité de la messe ou au respect qui lui est dû, comme par exemple les ornements nécessaires tant à la personne du prêtre qu’à la décoration de l’autel sur lequel doivent se trouver trois nappes et chandeliers. Il doit y avoir aussi au moins un assistant lors de la célébration de la messe, pour aider le prêtre à la célébrer. Il faut noter qu’aucune femme, religieuse ou laïque, ne doit servir le prêtre dans la célébration de la messe. Quant au prêtre célébrant, il doit faire très attention en lisant et en célébrant de bien observer toutes les règles prescrites par l’Eglise. Pour l’office divin, sachez qu’il se divise en sept heures canoniales : matines, prime, tierce, sexte, nones, vêpres et complies. Et cet office doit être dit aux heures prescrites. Et si le clerc a un empêchement résultant d’une cause valable, il doit plutôt prévenir l’heure que de se permettre d’être prévenu par l’heure. L’office doit être dit dans un lieu convenable, non pas dans la rue ni sur la place publique, mais dans l’église, si possible, ou dans un autre lieu idoine et suffisamment respectable, propre à la louange de Dieu notre Seigneur. Car le prophète a dit : « C’est dans les églises qu’il faut bénir le Seigneur ». Le clerc doit aussi célébrer son office de cœur comme de bouche, car il ne faut qu’il ait la bouche dans le chœur et le cœur sur la place, de peur d’entendre la voix dû Seigneur lui dire par le prophète : « Mon peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi ». Et il doit être appliqué non seulement aux paroles qu’il prononce, mais aussi à celles de l’assistant qui dit l’office avec lui. Sachez que tout clerc possédant un bénéfice ou reçu dans les ordres sacrés est obligé de dire son office suivant la coutume de son église. Cependant tous les évêques et tous les cardinaux ont obtenu le privilège pour les clercs les assistant, de quelque ordre qu’ils soient, de pouvoir se conformer à l’usage qu’eux-mêmes suivent en disant leur office, et on considère qu’ils se sont acquittés régulièrement de leur office. Si toutefois un clerc, tenu de dire l’office, commet quelque omission, partielle ou totale, il est obligé de réparer son omission et ne peut être absous qu’après avoir recommencé l’office. Aussi tout clerc doit-il veiller soigneusement à ne rien omettre de l’office. Car l’obligation du clerc à dire l’office divin est si grande que, même dégradé ou excommunié ou suspendu ou interdit, il ne peut manquer de dire l’office.
Rubrique du péché en général
35Il faut étudier maintenant après les sacrements de l’Eglise, au moyen desquels les péchés sont remis, la nature des péchés. Notez que, généralement parlant, le péché est double, savoir le péché originel qui tire son origine de la conception dans le ventre de la mère, car nous sommes conçus dans le péché. Il est appelé aussi le péché de nos premiers parents, car c’est par eux que le péché a commencé. L’autre est le péché actuel que nous commettons de notre propre autorité et consentement. Et ce péché peut être commis après qu’on a atteint la septième année, car alors l’individu est réputé avoir une volonté propre, suivant laquelle il peut pécher ou ne pas pécher. Avant le temps de la grâce, c’est-à-dire avant la venue du Christ, le péché originel était remis par la circoncision ; actuellement il est remis par le sacrement de baptême, sacrement dont nous avons parlé plus haut. Parmi les péchés actuels, les uns sont véniels, les autres mortels. Le péché est dit véniel quand il ne provoque pas la mort spirituelle, mais peut obtenir facilement son pardon, c’est-à-dire sa rémission. L’autre péché est dit à juste titre mortel, car il tue l’âme de l’homme en la condamnant à la mort éternelle.
Rubrique du péché véniel
36Les péchés véniels sont des péchés légers qui ne sont pas mortels, c’est-à-dire n’entraînent pas la mort éternelle mais quelque peine temporelle. On commet de tels péchés légers par exemple, en disant des paroles oiseuses, en mangeant ou en buvant plus qu’il n’est nécessaire, mais néanmoins sans tomber dans de tels excès qu’on se rende coupable du péché de gloutonnerie, qui lui est mortel ; de même en parlant plus ou moins qu’il n’est convenable ; de même en traitant les pauvres sans humilité, en arrivant à l’église plus tard qu’il ne le faut ; en dormant plus que de raison, en exaspérant son prochain par ses réprimandes et ses observations, ou en s’emportant sans décence ; de même en disant des paroles flatteuses par complaisance envers quelqu’un pour le flatter et l’aduler ; de même en se permettant de bavarder à l’église, de proférer des moqueries ou de vaines paroles ne concernant en rien le service divin ; de même en jurant sans y être contraint, même si on jure la vérité ; car de jurer un mensonge, ce serait un péché mortel et non véniel. Tous ces péchés et d’autres analogues sont véniels. Sachez aussi que les péchés véniels se remettent de nombreuses façons, d’abord par la pénitence ; deuxièmement, en recevant avec dévotion le Corps du Christ, troisièmement, par aspersion d’eau bénite ; quatrièmement en récitant l’oraison dominicale, c’est-à-dire le « Notre Père » ; cinquièmement, par une confession générale faite à la messe, ou aux offices de prime ou de compiles, ou bien après la prédication ; sixièmement, par la bénédiction de l’évêque ; septièmement, en faisant de larges aumônes, car, de même que l’eau éteint le feu, ainsi l’aumône fait disparaître les péchés ; huitièmement et dernièrement, par l’extrême onction, c’est-à-dire quand on oint d’huile sainte un malade en danger de mort. Les péchés véniels sont remis de toutes ces manières, mais c’est seulement au cas où le pécheur n’a aucun péché mortel sur la conscience qu’une telle rémission est efficace. En effet, un individu en état de péché mortel ne peut obtenir la rémission de ses péchés véniels avant d’être absous auparavant de ses péchés mortels.
Rubrique des sept péchés mortels
37Les péchés mortels sont au nombre de sept, parmi lesquels l’orgueil est le premier et l’origine de tous les autres. C’est à cause de l’orgueil que Lucifer fut précipité du ciel et que le premier homme fut chassé du paradis terrestre. L’orgueil est toujours le principe de tous les maux, c’est-à-dire de tous les péchés quels qu’ils soient, l’orgueil, autrement dit la désobéissance aux commandements de Dieu, désobéissance qui a pour fondement l’orgueil. Pour comprendre sa nature il faut savoir que le péché d’orgueil se commet de différentes manières. Premièrement, quand on est désobéissant envers ses supérieurs, dédaigneux pour ses égaux et qu’on méprise ses inférieurs par superbe. De même quand on se répand en disputes, contestations et cris, quand ! on veut triompher de tout pour paraître plus savant. De même quand on se loue par jactance, exagérant et embellissant son ouvrage devant le prochain afin d’obtenir plus de louanges d’autrui. De même quand avec hypocrisie on se montre bon et pieux, alors qu’on est injuste et grand pécheur ; de même en se montrant entêté et obstiné à défendre le mal qu’on a fait et qu’on a dit, et en refusant par vanité d’avouer ses erreurs, afin de paraître en savoir plus que tout le monde ; de même quand on est en désaccord avec tout le monde, soutenant toujours le contraire si bien qu’on se querelle avec les autres en voulant soutenir son opinion contre la vérité et l’emporter sur eux par amour-propre. De même quand par présomption et par goût de la nouveauté, on feint d’avoir vu ou accompli quelque chose d’original et d’étonnant, afin de se faire remarquer parmi les autres et d’être loué par les hommes. De même quand on ne reconnaît pas les bienfaits qu’on a reçus de Dieu, en les attribuant à ses propres mérites et vertus. De même en enviant et recherchant les honneurs trop élevés pour soi et estimant valoir plus qu’on ne vaut, à cause de sa fatuité. C’est ainsi et de manière semblable, qu’on commet le péché d’orgueil, péché mortel.
– De l’envie, second péché mortel
38L’envie, second péché mortel, est le plus déplorable de tous les vices, car l’envieux ne nuit qu’à lui-même et non pas aux autres. L’envie fait toujours de l’homme son pire ennemi ; car alors que les autres péchés mortels semblent procurer à leur auteur quelque plaisir sensuel, ce malheureux vice ne donne aucun plaisir, et n’engendre que la tristesse. Il est commis de maintes manières : Premièrement, lorsqu’on se réjouit du malheur d’autrui et qu’on s’afflige de son bonheur. De même lorsqu’on désire le malheur des autres et qu’on se refuse à souhaiter leur bonheur par envie ; de même lorsque quelqu’un divulgue à voix basse et en cachette les secrets plus ou moins honteux de son prochain pour le décrier aux yeux d’autrui, afin qu’il ne soit pas réputé son égal en vertu. De même quand on attaque publiquement l’honneur et la réputation d’autrui, ou qu’on se couvre de honte en voulant faire opprobre à celui qu’on envie, afin de l’empêcher d’avoir une aussi bonne réputation ou l’empêcher de passer pour aussi vertueux que soi-même. De même, en empêchant soi-même, par ses paroles, par ses actes ou par l’entremise d’un tiers qu’un événement heureux ne se produise en faveur de quelqu’un. C’est ainsi, ou pareillement, qu’on commet le péché d’envie, péché mortel.
– De la colère, troisième péché mortel
39La colère, troisième péché mortel, est, plus que tout autre vice mortel, nuisible aussi bien à son auteur, c’est-à-dire à l’individu irascible, qu’au prochain, objet de la colère. La colère est très pernicieuse pour celui qui s’en rend coupable car elle fait perdre la raison et empêche de discerner la vérité. Elle transforme en quelque sorte l’homme en animal, en brute dépourvue de raison. La colère nuit aussi au prochain à cause du mal que l’homme emporté cause à autrui. Ce péché se commet de plusieurs manières. D’abord lorsque quelqu’un s’emporte facilement et cherche de son plein gré querelle à autrui, par ses paroles ou par ses actes. De même lorsque quelqu’un se laisse facilement troubler l’esprit et provoquer à la colère, ce qu’on appelle avoir des convulsions, et qui est presque, pourrait-on dire, un empoisonnement de l’âme. De même lorsque quelqu’un se laisse très facilement aller à outrager, ou injurier son prochain, avec force insultes et blasphèmes. De même si quelqu’un, par égarement d’esprit, tue ou blesse son prochain, dans l’intention de nuire. De même lorsque, emporté par la colère, quelqu’un blasphème le nom de Dieu et des autres saints, outrage la religion ou un autre nom vénérable. C’est ainsi, et pour des motifs analogues, qu’on commet le péché mortel de colère.
– De la paresse, qui est le quatrième péché mortel
40La paresse, le quatrième péché mortel, est un vice très affligeant et très répréhensible. Dieu en effet nous a donné des sens corporels, des pieds, des mains, etc., pour que nous puissions travailler et nous occuper dans le monde où il nous a établis, et voilà que nous passons notre vie dans la tristesse et l’inertie, sans faire aucun travail digne de louanges ! Que cela est donc répréhensible ! En effet, la fourmi, insecte grossier, dépourvu de raison, un des plus petits animaux de la terre, n’ayant presque pas de force corporelle, travaille cependant tout le temps pour sa subsistance. A plus forte raison nous qui avons la raison et l’intelligence, nous ne devons pas avoir reçu en vain et inutilement la grâce de Dieu. Ce péché se commet de plusieurs façons : Premièrement, lorsque quelqu’un, qui reste sans rien faire, se livre à de mauvaises pensées, et médite sur les moyens de mettre à exécution ses perfides machinations. De même lorsque quelqu’un, du fait de sa paresse, n’ose pas entreprendre un bon travail, dont il serait très capable de s’acquitter ; et néanmoins, sa paresse l’empêche de l’entreprendre. De même, quand ! un homme, par lâcheté et mollesse, ne s’acquitte pas de ses devoirs, et ceci est à considérer surtout par les clercs qui ne doivent pas négliger par fainéantise l’heure de leur office. De même quand un homme resté longtemps oisif, trouve fastidieux d’avoir à faire le bien. De même lorsqu’un homme, qui n’a rien à faire se met à penser aux choses défendues. C’est ainsi, et de manières semblables, que se commert le péché de paresse, péché mortel que nous devons éviter.
– De l’avarice, cinquième péché mortel
41L’avarice est le cinquième péché mortel, que Dieu hait beaucoup ; ce vice nous porte en effet à nous emparer par la violence des biens que Dieu a donnés librement dans ce monde, à les garder par cupidité et à refuser d’en faire jouir nos proches. Aussi l’Apôtre dit-il, en attaquant vigoureusement ce vice : « Etre avare, c’est adorer et servir des idoles ». Rien, en effet, n’est plus scandaleux que de se mettre au service des idoles, aussi est-ce un grand péché. C’est aussi un piège que nous tend le diable, car quotidiennement bien des hommes se damnent à cause de leur avarice. Ce péché se commet de maintes manières. Premièrement, en utilisant toutes ses facultés à acquérir des richesses : ainsi, qu’on mange, qu’on boive, qu’on assiste au service divin, on est toujours absorbé par l’unique pensée d’accumuler, par avarice et cupidité, des trésors. De même en trompant son prochain pour s’enrichir de ses dépouilles. De même, quand, par cupidité, on ne soulage pas son prochain selon ses propres possibilités. De même, quand par avarice on ne pourvoit pas aux besoins nécessaires de sa famille et qu’on empêche les siens de manger, boire, se vêtir suivant l’honnêteté de leur état. De même en négligeant de se nourrir soi-même et de se vêtir conformément à son état. De même en mentant ou en parjurant afin de vendre un objet au-dessus de sa valeur ou de l’acheter au-dessous, et cela par cupidité, afin de gagner quelque chose. Et ainsi on a plus à cœur un denier que l’honneur de Dieu, puisqu’on le trompe. De même en faisant des gains illicites, comme l’usure, les ventes et les achats interdits et autres semblables opérations, qui aujourd’hui ont corrompu le monde entier et qu’ont introduites la malice des hommes et leur croissante avarice. C’est ainsi, et de semblables manières, que se commet le péché d’avarice, péché mortel.
– De la gloutonnerie, sixième péché mortel
42La gloutonnerie, sixième péché mortel, est un vice bestial entre tous les vices, car il rend l’homme pareil à un porc ou à un chien qui ne souhaitent que d’avoir le ventre plein. L’homme goinfre agit ainsi, car il place tout son bonheur et toute sa félicité dans la satisfaction de sa gourmandise. Aussi l’apôtre dit-il, en blâmant les goinfres : « Ceux qui font un Dieu de leur ventre ». Ceux-ci, en effet, font un Dieu de leur ventre et transforment en bête l’individu créé à l’image de Dieu. C’est d’eux que parle ainsi le Psalmiste : « L’homme, s’il ne perçoit pas la dignité attachée à la qualité d’homme, est comparable aux bêtes de somme ignorantes et leur devient semblable ». Les clercs doivent soigneusement éviter ce vice, car la gloutonnerie stimule et entretient la luxure, ce qui fait dire à l’Apôtre : « Mes frères ne vous enivrer pas de vin, car la luxure y trouve sa source. Ce péché de gloutonnerie se commet de maintes manières. Premièrement, quand l’homme par voracité et envie de manger ne veut pas attendre l’heure fixée pour prendre de la nourriture ; c’est ainsi que beaucoup pèchent, qui, le matin de Pâques, se lèvent très tôt et courent manger des œufs ou de la viande avant d’entendre l’office divin. C’est ainsi que font aussi ceux qui, la nuit précédant un jour d’abstinence, se bourrent, par gloutonnerie et voracité, de viande toute la nuit, d’œufs et de choses semblables. Ils pêchent, ce faisant, mortellement et violent le temps du carême qui commence, quant à la privation de viande, immédiatement après le dernier repas du jour précédent. De même, ce péché de gourmandise se commet en cherchant à se procurer des vivres de prix, de saveurs différentes, afin de pouvoir manger et de boire avec plus de jouissance. De même en buvant immodérément, en mangeant plus que de coutume, et seulement par gourmandise et délectation du ventre. De même en mangeant et buvant trop voracement, car ainsi on semble plutôt dévorer que manger. De même en mettant toutes ses pensées, tout son zèle, à bien manger ou à bien boire, si bien que là où on trouve même une seule bouchée ou un seul morceau, on le veut aussitôt, et ainsi du vin ; et qu’on passe ainsi son temps à rechercher les plaisirs de bouche. De même quand un homme dépense ce qu’il a pour satisfaire sa gourmandise. De même quand, dans le temps où l’usage de la viande est interdit ou les jours de jeûne, quelqu’un, par gloutonnerie, n’observe pas les commandements de l’Eglise. C’est ainsi, et de pareille manière, que se commet le péché de gloutonnerie, péché mortel.
– De la luxure, septième péché mortel
43La luxure, septième et dernier péché mortel, est un péché infâme, ignoble et honteux entre tous les péchés, à tel point que les personnes honnêtes et de bonnes mœurs osent à peine le nommer. par pudeur. Et que dire alors de l’acte lui-même ! Aussi l’Apôtre voulant vouer à l’exécration ce péché, dit-il : « Ne nommez, même pas en vous-mêmes la luxure ou la fornication ». Et ce péché est le plus honteux de tous car, alors que tous les autres ne souillent que l’âme, celui-là est assez abominable pour dégrader le corps aussi bien que l’âme. C’est aussi le plus pernicieux de tous les vices, car il séduit très facilement l’homme. De ce fait, si nous pouvons combattre les autres vices et péchés, pour celui-ci il convient de l’éviter par la fuite. Et les clercs doivent au plus haut point se prémunir contre ce vice, car s’ils commettent ce péché, ils offensent Dieu d’autant plus, par rapport aux autres pécheurs, qu’ils ont reçu de plus grandes grâces de Lui en devenant ses ministres. C’est pourquoi saint Ambroise dit dans un de ses sermons : « On doit être d’autant plus humble et d’autant plus prompt à servir Dieu, dans son emploi, qu’on se sent plus obligé à rendre des comptes. Combien donc les clercs doivent appréhender et redouter de se présenter en état d’impureté pour le service du Christ, car ils mangent et boivent leur jugement, suivant la parole de l’Apôtre, Et ce péché se commet de bien des façons, dont il n’est pas besoin de parler en détail, car la malice des temps présents connaît et discerne facilement tous les moyens dont l’homme peut user pour tomber dans ce péché. Cependant, indiquons quelques-uns de ces moyens : Le péché de luxure se commet d’abord quand l’homme prend plaisir aux désirs charnels, aux pensées luxurieuses, et veut ensuite satisfaire ses désirs. De même en disant des paroles lascives et malhonnêtes, qu’accompagnent le désir et la volonté de satisfaire la chair. De même quand la vue d’une femme entraîne un homme à désirer les plaisirs de la chair, car Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit dans l’Evangile : « Celui qui, voyant une femme, la désire, celui-ci commet déjà l’adultère dans son cœur ». Ce péché se commet aussi par des enlacements et des baisers libidineux et autres attouchements malhonnêtes commis par goût de la débauche sur soi-même ou sur autrui. De même en accomplissant l’œuvre de chair avec souillure du corps. Et ce péché se commet d’autant de manières que l’iniquité de la chair peut en trouver pour satisfaire à son appétit de débauche. Et ces excès, sous leurs différentes formes, ont une gravité proportionnelle au déplaisir que Dieu en ressent. Cependant nous ferons remarquer aux clercs que lorsqu’ils se sentiront, en quelque manière que ce soit, souillés et privés de pureté par ce péché, ils devront s’interdire de célébrer l’office divin les jours suivants même s’ils se sont confessés, et à moins d’urgence et de nécessité absolue. Car après un tel péché, le corps garde une tache que la confession ne peut faire disparaître, bien que la faute contre l’esprit soit remise. Donc que celui qui aura commis ce péché mortel s’abstienne de célébrer pendant trois ou quatre jours ; ou bien, en cas de nécessité, qu’il s’abstienne au moins pendant vingt-quatre heures ; après ce temps le désordre corporel sera effacé. En effet, personne ne peut approcher d’un tel sacrement en état d’impureté. S’il s’en approche il boit et mange son jugement, comme nous l’avons dit plus haut, suivant l’Apôtre. Et c’est de toutes ces manières que se commet le péché mortel de la luxure.
44Les sept vices précédemment énumérés sont des péchés mortels qui damnent l’âme pour l’éternité.
Rubrique des trois manières de pécher contre Dieu
45Sachez que nous péchons de trois manières contre Dieu : en effet nous péchons tantôt contre le Père, tantôt contre le Fils, tantôt contre le Saint-Esprit. Nous péchons contre le Père par faiblesse et impuissance, car leur contraire, la puissance, est attribuée au Père. Ainsi quand un homme est décidé à ne pas pécher, mais que la tentation survenant, il n’est pas assez fort pour résister et cède à la tentation par faiblesse, on dit qu’il pèche contre le Père parce qu’il pèche en puissance. C’est ainsi que pècha Pierre quand il renia le Christ par crainte de la mort. Il agit donc par faiblesse et pècha. Nous pèchons contre le Fils par ignorance, ce qui est le contraire de la sagesse, attribut du Fils. Ainsi quand un homme ignore ce qu’il devrait savoir et pèche en ne croyant pas pécher, alors, dit-on, il pèche contre le Fils parce qu’il pèche par ignorance. C’est ainsi que pècha Paul en s’acharnant contre l’Egli se de Dieu : il ignorait que le Christ fût le Fils de Dieu et ainsi pècha par ignorance. C’est par malice que nous pèchons contre le Saint-Esprit, car le contraire de la malice, c’est-à-dire la bonté, est l’attribut du Saint-Esprit. Ainsi quand un homme connait son péché, et peut lui résister, mais ne le veut pas et pèche ainsi seulement par la méchanceté de son âme, on dit qu’il pèche contre le Saint-Esprit, car il pèche par malice et non par faiblesse ou ignorance. C’est ainsi que pècha le traître Judas en livrant le Christ, car, souvent averti par le Christ, il pouvait renoncer à sa trahison. Et il savait qu’il péchait, car il reconnut qu’il livrait un sang juste. Et néanmoins, par malignité et esprit d’iniquité, il voulut pècher et pècha ainsi par malice. Le péché contre le Père, celui contre le Fils se remettent, car la contrition à leur égard se produit facilement, contrition qui conduit l’homme à la pénitence et à implorer le pardon de ses fautes. C’est ce qui se produisit pour Pierre et pour Paul qui se livrèrent à la pénitence et furent sauvés. Quant au péché contre l’Esprit-Saint, il ne se remet ni en ce monde, ni en l’autre : il est, en effet, difficile qu’il soit remis en ce monde quant à la faute, et en l’autre quant au châtiment, car après que la volonté s’est obstinée dans le mal, il ne peut jamais y avoir ni pénitence ni contrition, et ainsi il n’y a jamais de rémission par Dieu. C’est ce qui arriva au traître Judas qui, désespéré, se pendit finalement à l’aide d’un lacet et descendit aux enfers pour sa damnation éternelle. Ainsi il n’eut point de rémission en ce monde pour sa faute ni en l’autre pour le châtiment.
Rubrique du péché de cœur, de bouche et d’œuvre
46Il faut savoir que l’homme peut pécher de trois manières : de cœur, de bouche et d’œuvre. Nous péchons de cœur en pensant le mal, en désirant le mal, en le voulant et de toutes autres manières semblables qui procèdent du cœur. Nous péchons de bouche en blasphémant, en nous parjurant, en murmurant, en récitant sans dévotion l’office, les prières obligatoires, et de toutes les autres manières qui procèdent de la bouche. Nous péchons en œuvres en volant, en frappant ou en tuant le prochain, en commettant par action le péché de gourmandise ou de luxure, ou tous autres actes semblables qui se produisent dans l’accomplissement de l’action.
Rubrique des cinq sens du corps
47Il faut savoir que notre corps possède cinq sens, grâce auxquels l’homme effectue tous les actes corporels, soit pour le bien soit pour le mal. Le premier de ses sens est la vue qui a les yeux pour organe. Ainsi, quand l’homme, grâce à sa vue, jouit d’un plaisir sensuel qui l’incite à pécher, alors la vue œuvre pour le mal. Lorsque, au contraire, il se détourne des spectacles illicites et voit avec plaisir des objets élevant l’esprit et tendant à rendre vertueux, comme, par exemple, lorsqu’il contemple le Corps du Christ dans l’hostie, ou qu’il lit les écritures saintes, ou des livres analogues, alors la vue agit pour le bien. Voici pour le sens de la vue. Le sens de l’ouïe, deuxième sens, a pour organes les oreilles. Quand l’homme prend plaisir à entendre des choses honteuses, futiles, irrespectueuses peur Dieu ou pour le prochain, alors l’ouïe travaille pour le mal. Au contraire, à entendre avec plaisir la parole de Dieu, c’est-à-dire l’office divin, les prédications et autres commandements de Dieu, ou bien à entendre volontiers et avec joie louer son prochain, l’ouïe travaille pour le bien. Tel est le sens de l’ouïe. Le sens du goût, troisième sens, a la bouche pour organe, qui apprécie la saveur ou l’insipidité des choses. Quand l’homme, buvant et mangeant, prend un plaisir illicite à goûter des mets délicats et cherche à s’en procurer pour le plaisir du goût, alors ce sens travaille pour le mal. Au contraire, goûter des aliments vulgaires et de peu de prix et les apprécier autant que des mets exquis, s’abstenir de nourriture et de boisson par respect pour le Seigneur, jeûner et faire abstinence pour lutter contre les plaisirs de la bouche, voilà comment le goût travaille pour le bien. Tel est le sens du goût. Le sens de l’odorat est le quatrième sens qui a pour organe le nez, avec lequel nous percevons les odeurs. Quand un homme se plaît à sentir les odeurs illicites, pour le plaisir de son corps, quand il s’arrange pour parfumer son corps ou s’enduire les mains de parfums par pure délectation sensuelle, quand il fait brûler des parfums dans la même intention, alors l’odorat s’emploie pour le mal. Mais, au contraire, quand il fuit ces odeurs suaves et pernicieuses qui sont un encouragement au mal, quand il ne refuse pas, par crainte de la puanteur, de venir en aide aux malades, même atteints de plaies malodorantes, quand par piété il arrive à considérer comme suaves ces odeurs fétides, alors l’odorat s’emploie pour le bien. Voilà en quoi consiste l’odorat. Le toucher est le cinquième sens du corps, et le dernier, dont l’organe principal est la main. Mais cependant il peut se manifester grâce à tous les membres du corps, soit en touchant un objet soit en étant effleuré par lui. Ainsi quand un homme touche sur lui ou sur autrui une partie déshonnête du corps, et qu’il en éprouve un plaisir sensuel et vain, alors le toucher s’emploie pour le mal. Lorsqu’au contraire on s’abstient de contacts défendus, qu’on soigne de ses mains et avec joie les pauvres et les malheureux, qu’on touche avec révérence et volontiers les objets de piété et qui élèvent l’esprit, lorsqu’on met sa joie à entendre les prédications, à fréquenter les églises, à faire des pèlerinages, à porter un cilice sur sa peau, à châtier son corps et à dompter sa chair par la discipline, alors le toucher s’emploie pour le bien. Voici pour le toucher. Et en ce qui le concerne, les prêtres surtout doivent prendre de grandes précautions et veiller à se garder purs des contacts illicites, car ils doivent administrer le corps et le sang très précieux de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et toucher, et manier quotidiennement les objets sacrés. C’est pourquoi il est prescrit que tout clerc voulant toucher une chose sacrée ou bénite, ou remplir quelque ministère divin, doit d’abord se laver les mains. A cet effet il doit toujours y avoir, dans toutes les sacristies des églises, de l’eau et des linges préparés pour le lavement des mains, afin que tout clerc puisse laver ses mains avant d’administrer les sacrements, afin d’éviter, qu’avec des mains impurs, il ne touche à la légère, pour sa damnation, des objets consacrés.
Rubrique des œuvres réparatrices des péchés
48Sachez que les principales œuvres qui obtiennent la réparation des péchés sont au nombre de trois : la prière, l’aumône et le jeûne. Et quoique l’homme puisse de bien d’autres manières travailler à la rémission de ses péchés et plaire à Dieu, cependant elles se ramènent toutes aux trois que nous venons de citer. Car toutes les œuvres de contemplation, comme par exemple lire les écritures saintes, parler de Dieu, entendre les sermons et les offices divins se ramènent à la prière, qui est œuvre contemplative. Tout ce qui tend à l’amour du prochain, comme les œuvres de miséricorde dont nous parlerons prochainement, se ramène à l’aumône, qui est œuvre de piété. Toutes les peines afflictives du corps, les veilles, la discipline, les larmes, les génuflexions, les pèlerinages et autres peines analogues se ramènent au jeûne, qui est une peine afflictive pour le corps. Et par ces œuvres nous rachetons nos péchés et plaisons à Dieu. De toutes, la célébration de la messe a plus de prix que toutes les autres, car elle contient en elle-même les trois œuvres précédemment citées : la prière, qui est dite dans la messe, l’aumône, qui est l’offrande du calice et de l’hostie, et le jeûne puisque nul ne doit célébrer s’il n’est à jeun.
Rubrique des œuvres de miséricorde
49Sachez que nous faisons de deux manières œuvre de miséricorde envers le prochain : corporellement, en le secourant dans son corps ; spirituellement en venant en aide à son intelligence. Les œuvres de miséricorde grâce auxquelles nous aidons matériellement notre prochain sont au nombre de sept. La première consiste à nourrir les affamés et se réalise lorsque voyant un homme pauvre souffrir de la faim, on lui donne de quoi manger. Deuxième œuvre : désaltérer ceux qui ont soif ; elle se réalise lorsque quelqu’un voyant un pauvre souffrir de la soif, lui donne à boire. La troisième : vêtir ceux qui sont nus, se réalise quand un homme voyant un pauvre nu, manquant de vêtement ou de chaussures, l’assiste et l’aide à se vêtir suivant ses besoins. La quatrième : servir les infirmes, se réalise par l’homme qui voyant ou sachant qu’un malade a besoin d’être soigné, le soigne dans sa maladie et le secourt. La cinquième œuvre : visiter les prisonniers signifie aller dans les prisons voir et réconforter les détenus, racheter leur liberté suivant ses possibilités, ou leur procurer les secours d’autrui si on ne peut les aider de son bien. La sixième œuvre : héberger les étrangers, consiste à recevoir, sous son toit, ceux qui n’ont ni maison ni abri, et leur donner le vivre et le couvert. La septième œuvre : ensevelir les morts, se réalise lorsque un homme voyant les corps de défunts restés sans sépulture les ensevelit lui-même s’il le peut ou leur procure une sépulture grâce aux aumônes d’autrui. Et voilà toutes les œuvres de miséricorde dont nous aurons à rendre compte au jour du jugement.
50Quant aux œuvres de miséricorde qui nous font aider les autres en esprit, elles sont aussi sept, dont la première consiste à se réjouir du bonheur du prochain et à souffrir avec lui de son malheur, c’est-à-dire qu’un homme voyant son prochain favorisé par un événement heureux, doit se réjouir avec lui, au contraire, quand ce prochain est frappé par le malheur, il doit partager sa souffrance. C’est de cette œuvre de miséricorde que nous entretient l’Apôtre lorsqu’il dit : « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent ». La deuxième œuvre de miséricorde est d’épargner ses ennemis ; je dois épargner ceux qui m’ont fait du tort. Et cette œuvre de miséricorde, nous lui donnons une approbation quotidienne, en récitant l’oraison dominicale, où se trouvent ces paroles : « Seigneur, pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensé ». La troisième œuvre de miséricorde consiste à reprendre ceux qui font mal ; quand je vois quelqu’un mal faire je dois le reprendre et le réprimander. Et le Christ nous a enseigné cette œuvre de miséricorde en disant dans l’Evangile : « Si ton frère a péché contre toi, prends-le à l’écart et réprimande-le sans témoins ». La quatrième œuvre consiste à rétablir la paix entre ceux qui sont en désaccord ; si je vois la discorde règner entre certains, je dois suivant mes possibilités les réconcilier et ramener la paix entre eux. Le Christ a loué dans l’Evangile cette œuvre de miséricorde quand il a dit : « Heureux les pacifiques, car ils seront appelés les fils de Dieu ». La cinquième œuvre consiste à enseigner les ignorants ; quand je vois des personnes ignorantes et grossières, je dois les instruire, leur apprendre les bonnes mœurs et particulièrement tout ce qui touche à leur salut. Le Christ nous a enseigné cette œuvre de miséricorde en disant dans l’Evangile : « Si quelqu’un a exécuté un de mes commandements et ainsi en a fait un enseignement pour les autres il sera appelé grand dans le royaume des cieux ». La sixième œuvre consiste à consoler les affligés. Si tu vois quelqu’un dans la tribulation, tu dois le consoler et le soutenir dans l’affliction pour le réconforter. C’est de cette œuvre de miséricorde que traite le prophète David dans le psaume (lxviii) lorsqu’il est plongé dans l’affliction à cause de la personne du Christ qui, dans sa passion, ne trouve personne pour compatir à ses douleurs : « J’ai attendu que quelqu’un prît part à ma douleur et personne ne l’a fait ; j’ai cherché des consolations et je n’en ai point trouvé ». La septième œuvre est de prier pour tous, c’est-à-dire d’adresser des prières à Dieu pour tous les fidèles vivants et défunts, et surtout pour ses bienfaiteurs. Les clercs y sont particulièrement obligés car chaque jour ils reçoivent des offrandes faites à cette intention et des aumônes des laïcs. Cette œuvre de miséricorde, saint Jacques l’a approuvée dans son épître en disant : « Mes frères, priez l’un pour l’autre afin d’être sauvés ». Et nul ne peut se dérober à ces œuvres spirituelles, qu’il soit riche ou pauvre, bien portant ou malade, car elles ne requièrent pas de moyens corporels mais spirituels dont chacun est pourvu à sa volonté.
Rubrique des vertus grâce auxquelles l’homme peut faire le bien
51Sachez qu’il y a sept vertus par le moyen desquelles l’homme vit bien et se maintient dans de bonnes mœurs, et parmi elles quatre sont appelées morales, parce que disposant aux bonnes mœurs, et trois théologales parce qu’elles inclinent l’homme à la théologie qui est la connaissance du vrai Dieu. La première des vertus morales est la prudence, vertu commandant à toutes les autres vertus. car là où il n’y a pas de prudence, aucune vertu ne peut mériter de louanges. Cette vertu de prudence permet aux hommes de connaître le passé, de bien disposer du présent et de prévoir l’avenir, et voilà en quoi elle consiste principalement. La tempérance rend l’homme sobre dans ce qu’il mange et dans ce qu’il boit, chaste dans l’œuvre de chair et modeste dans toute sa conduite. Cette vertu permet à l’homme de ne désirer ni plus ni moins que ce qu’il doit, et c’est ce en quoi elle consiste. La force donne à l’homme la constance et la rectitude tant dans la prospérité que dans l’adversité. Elle fait en sorte que la prospérité et la gloire acquises dans ce monde ne donnent ni hauteur ni superbe ; que, au contraire, ni l’adversité ni les persécutions ne dépriment et ne désespèrent l’homme, mais le laissent constant et persévérant dans la bonne voie, et c’est ce en quoi consiste principalement la vertu de force. La justice donne à l’homme le désir de la vérité, lui fait aimer l’équité et la vérité ; ce pourquoi il dit toujours la vérité. Et elle rend l’homme sévère, c’est-à-dire l’incite à poursuivre avec zèle la punition des méchants, sans épargner ni ses parents, ni ses amis, ni ceux qui lui veulent du bien ; au contraire, il punit tous avec impartialité, ne se laisse vaincre ni par la prière, ni par l’argent, ni par la crainte, ni par l’affection, et juge le puissant avec la même rigueur que le faible. C’est en quoi consiste la justice. Ces quatre vertus sont dites morales. Elles peuvent même exister chez les infidèles mais ne sont alors qu’imparfaites parce qu’ils n’ont pas la grâce élevant et illuminant ces vertus, grâce qui ne peut exister sans la foi. Et comme les infidèles manquent de foi en Dieu, ils ne peuvent donc posséder parfaitement ces vertus.
52Les trois autres vertus sont appelées vertus théologales, et la foi est la première d’entre elles. En cette vertu réside le fondement du salut éternel ; sans elle l’homme ne peut être sauvé. La foi permet à l’homme de croire ce qu’il ne voit pas. Et cette croyance doit se tirer de l’autorité des saintes écritures et non pas résulter d’arguments ou de raisonnements voulant lui donner des preuves. Alors, en effet, la foi n’aurait point de mérites si elle voulait être confirmée par des preuves et des expériences. Aussi le Christ avait-il dit à saint Thomas doutant de sa résurrection tant qu’il n’aurait pas touché son côté et les plaies laissées par les clous : « Thomas tu as cru, parce que tu m’as vu ; mais heureux ceux qui ont cru et n’ont pas vu ». La foi catholique consiste en douze articles dont nous avons déjà traité précédemment. L’espérance est une vertu qui nous fait attendre la récompense à laquelle nous croyons, c’est-à-dire la vie éternelle, suivant ce qui nous est promis par ce texte sacré : « Ceux qui auront bien agi iront à la vie étemelle. » Et elle donne à l’homme la force et la constance nécessaire pour soutenir à cause de Dieu toutes les difficultés, toutes les pénitences et les persécutions, car il espère recevoir le centuple de ce qu’il a donné, et la vie éternelle, se fiant à la parole du Christ : « Quand vous aurez été persécutés à cause de moi, quand tout le monde vous aura calomniés à cause de moi, réjouissez-vous et exultez, car votre récompense est grande dans les cieux. » Voilà ce en quoi consiste la vertu d’espérance. La charité est la plus parfaite de toutes les vertus, sans laquelle toutes les autres vertus demeurent vaines, car celui qui n’a pas la charité n’a rien. C’est la charité qui nous fait aimer Dieu en premier lieu et principalement à cause de lui, au-dessus de tout, dans tout et en tous. Et nous aimons notre prochain comme nous-mêmes et cela à cause de Dieu lui-même. Et cette vertu est si parfaite que lorsque l’homme possède la charité, tout ce qu’il fait est bien fait et agréable à Dieu. Et si l’homme n’a pas la charité, même s’il faisait tout le bien qu’il est possible de faire au monde, cela ne lui servirait en rien pour son salut. Et sachez que dans la vie éternelle il n’y aura ni foi ni espérance, mais il y aura la charité, et elle sera encore plus parfaite qu’en ce monde. Voilà ce en quoi consiste la charité.
Rubrique des dons du Saint-Esprit
53Sachez que le Saint-Esprit possède sept dons qu’il donne et concède comme il lui plaît, selon les paroles de l’Apôtre : « L’Esprit souffle où il veut ». On les qualifie de dons car ils sont donnés par grâce et non suivant nos mérites. Le premier de ces dons est celui de la crainte du Seigneur, car la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. Nous recevons ce don quand nous craignons d’offenser le Seigneur de peur de nous séparer de lui ; et aussi quand nous préférerions mourir plutôt que de pécher contre Dieu. Et c’est la vraie crainte qui provient du don de la crainte. Le don de la piété : nous en sommes gratifiés quand nous sommes doux et pieux, aussi bien en honorant Dieu qu’en honorant son Eglise, en lui obéissant ainsi qu’en honorant notre prochain, c’est-à-dire en obéissant à nos supérieurs ; en refusant de dominer nos égaux et en secourant nos inférieurs, en agissant pieusement et miséricordieusement. Tels sont les vrais effets du don de piété. Le don de la connaissance : nous l’avons quand nous dirigeons sagement nos oeuvres en vue de notre salut éternel, en nous acheminant de nous-mêmes dans la voie de notre salut, aussi bien qu en enseignant et prêchant notre prochain. Voici l’effet du don de la science qui consiste principalement à choisir le bien et repousser le mal, car le diable immonde et notre chair nous excitent toujours au mal ; l’esprit et la raison nous poussent toujours, par contre, vers le bien. Le don de la science ou de la connaissance nous permet de connaître le bien en le choisissant, et nous fait discerner le mal, pour l’éviter. Ce don est très utile pour résister aux péchés. Le don du conseil ou de la prudence, nous l’avons reçu quand nous décidons d’entreprendre des œuvres saintes et bonnes, bien qu’elles soient difficiles, pénibles et ardues, et quand nous cherchons à éviter le danger de notre damnation. Tels sont les effets du don de la prudence. Le don de la force : nous en sommes en possession quand nous persévérons dans l’œuvre de notre salut et avons assez de constance pour confesser notre foi jusqu’à la mort. L’Eglise célèbre par ses chants ces hommes forts : « Les saints ont donné leur sang glorieux pour le Seigneur. Ils ont aimé le Christ dans leur vie et l’ont imité dans leur mort ; aussi ont-ils mérité de recevoir des couronnes triomphales, car un seul esprit et une seule foi étaient en eux. » Et ils possédaient l’esprit du don de force qui leur donnait la persévérance et la constance dans la force de leur foi. Tel est l’effet du don de force. Le don d’intelligence : nous l’avons reçu quand nous connaissons Dieu par comparaison avec ses créatures, c’est-à-dire quand nous voyons qu’il est plus parfait que toutes les créatures. Grâce à ce don nous connaissons Dieu à la lumière des saintes Ecritures ; car l’étude des saintes Ecritures donne assez de lumière à notre intelligence pour connaître Dieu. Tel est l’effet du don de l’intelligence. Le don de la sagesse est le don par excellence : nous l’avons reçu quand nous connaissons Dieu absolument et non respectivement, c’est-à-dire en ayant de la considération pour ses créatures ou pour les Ecritures ; connaître Dieu absolument, c’est le connaître par l’expérience de lui seul, par la connaissance elle-même. Le don de l’intelligence et celui de la sagesse diffèrent en ce que le don de l’intelligence donne la connaissance de Dieu par la considération pour les créatures ou les Ecritures, tandis que le don de sagesse donne la connaissance de Dieu, par la seule considération extrinsèque de Dieu. Grâce à ce don nous goûtons la douceur et la suavité de Dieu lui-même. Tel est l’effet du don de sagesse.
Rubrique des Béatitudes
54Sachez qu’il existe huit béatitudes qui nous sont promises en ce monde, c’est-à-dire huit voies de la vertu sur la route de ce monde terrestre grâce auxquelles nous obtenons ensuite la béatitude dans l’autre monde. Ces béatitudes sont énumérées dans l’ordre au chapitre V de Mathieu. Elles sont dites béatitudes parce qu’elles rendent l’homme bienheureux, c’est-à-dire obtenant la béatitude dans le monde futur. Et nous allons les décrire successivement.
55La première béatitude est la pauvreté d’esprit ; cette pauvreté ne consiste pas en manque de fortune ou de biens, mais dans le manque d’attachement aux biens de ce monde. Ainsi lorsque quelqu’un ne désire rien de matériel, ne recherche pas les affections des sens, mais n’a que Dieu pour objet de ses désirs, alors il est dit pauvre en l’esprit. Et cette béatitude des pauvres d’esprit est signalée dans l’Evangile sus-indiqué, qui dit : « Le royaume des cieux est à eux. » Ce qui signifie que l’homme parvient facilement au royaume des cieux par la voie de cette pauvreté d’esprit.
56La deuxième béatitude est la douceur ; être doux, c’est montrer de la mansuétude et de l’humilité en supportant patiemment les malheurs de ce monde par amour de Dieu, et ne pas être troublé par l’adversité. La béatitude de ceux qui sont doux sera comme dit l’Evangile « qu’ils possèderont la terre », entendez par cela la terre des vivants qui est la vie éternelle, la vraie béatitude.
57La troisième béatitude est la douleur, c’est-à-dire l’affliction et l’effusion des larmes versées à cause de ses péchés ou de ceux d’autrui, ceci en vue de parvenir à la gloire éternelle après avoir fait réparation de ses fautes. Il ne faut pas entendre cela des gémissements que poussent quotidiennement les femmes à cause du décès de leurs enfants ou de leurs époux, ou des plaintes que nous proférons à l’occasion d’autres malheurs de ce monde, mais seulement de l’affliction provoquée par nos péchés. La béatitude accordée aux affligés consistera, comme dit l’Evangile, en ce « qu’ils seront consolés », c’est-à-dire qu’ils jouiront de la vue de Dieu dans la patrie céleste où ils trouveront une joie toute pleine de consolation.
58La quatrième béatitude est la soif de justice, c’est-à-dire désirer de toute son âme et de toutes ses forces la justice de Dieu qui donne la vie éternelle aux justes et le châtiment éternel aux méchants. La béatitude de ces assoiffés, ce sera, comme dit l’Evangile, « qu’ils seront rassasiés », c’est-à-dire qu’ils recevront autant qu’ils le désirent, car au jour grandiose du jugement, siégeant avec les bienheureux, ils jugeront avec le Christ les justes et les mauvais, chacun selon ses œuvres, suivant ce qu’a dit le Christ : « Amen je vous le dis, vous siégerez avec moi pour juger les douze tribus d’Israël ».
59La cinquième béatitude : être miséricordieux, c’est agir avec miséricorde en ce monde envers le prochain, autant que faire se peut, et spirituellement et matériellement comme nous l’avons dit précédemment en traitant des œuvres de miséricorde, spirituelles et réparatrices. Ces miséricordieux auront pour béatitude, selon l’Evangile « d’obtenir miséricorde », c’est-à-dire que de même qu’ils pratiquent la miséricorde dans ce monde envers leurs prochains, de même ils recevront de Dieu miséricorde dans la vie éternelle, suivant la parole du Christ : « Amen, je vous le dis, tout ce que vous avez fait pour l’un de ces déshérités, c’est pour moi que vous l’avez fait. » Et le Christ ajoute : « Venez les bénis de mon Père, recevez mon royaume où se tiennent les bienheureux. »
60La sixième béatitude : la pureté de cœur, qui consiste à garder son cœur pur de toute souillure du péché, c’est-à-dire de toute mauvaise pensée, de tout plaisir coupable, de tout assentiment à une chose mauvaise, si bien que toute pensée, toute joie, tout consentement se dirigent toujours vers Dieu, tendent vers Dieu, et que l’homme lavé de ses péchés passés par la pénitence, se trouve fort et constant dans les tentations présentes, et bien disposé pour les futures. Voilà ce qu’est la pureté de cœur. Et les cœurs purs auront pour béatitude, suivant l’Evangile : « De voir Dieu. » En ce monde la grâce divine leur permet de contempler Dieu ; dans l’autre monde il le verront face à face, et ce sera alors la vraie béatitude. Cette voie de béatitude appartient aux clercs et surtout aux prêtres parce qu’ils administrent le très saint corps et le très saint sang du Christ, ce qui requiert la pureté du corps et de l’esprit. Si un impur, en effet, s’approche d’un tel sacrement, il mange et il boit son jugement. Telle est la béatitude de la pureté de cœur.
61La septième béatitude, c’est la recherche de la paix, autrement dit être pacifique et vouloir la paix tant pour soi que pour le prochain ; pour soi, en empêchant la chair de se rebeller contre l’esprit ; pour le prochain, en l’aimant et le chérissant comme soi-même. Cette paix permet à l’homme de se sentir toujours en union et en concorde avec Notre-Seigneur Jésus-Christ. Les pacifiques ont pour béatitude, suivant l’Evangile « qu’ils seront appelés fils de Dieu », c’est-à-dire qu’ils recevront l’héritage de la gloire céleste. Jean, en effet, dit dans son premier chapitre : « Il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu, et pour cela ils seront bienheureux. »
62La huitième et dernière béatitude : souffrir la persécution à cause de la justice. Il ne faut pas entendre cela de la justice dont souffrent les voleurs ou les assassins qui sont pendus ou décapités, mais de la persécution que les saints et les justes souffrent à cause de la justice de Dieu en prêchant, en conservant la foi du Christ et l’amour de Dieu, à cause de quoi ils livrent leurs corps au supplice, mais reçoivent la couronne et la palme. Ils ont pour béatitude, comme dit l’Evangile, « que le royaume de Dieu est à eux ». Car ceux qui souffrent persécution et tourments à cause de la justice de Dieu seront bienheureux dans l’autre monde, suivant la parole du Christ : « Bienheureux serez-vous quand les hommes vous auront maudits, vous auront persécutés, vous auront calomniés en mentant à cause de moi. Réjouissez-vous et exultez, car votre récompense est grande dans les cieux. » C’est là qu’est la vraie béatitude sans fin.
Rubrique du triple état des défunts
63Sachez que, de même que dans ce monde, l’état des vivants se présente sous trois formes, de même il y a trois endroits dans l’autre monde où peuvent aller les âmes des défunts. Dans ce monde, en effet, certains hommes sont extrêmement vertueux ; ce sont ceux qui sont purs de tout péché. D’autres ne sont ni parfaitement bons ni parfaitement mauvais ; ce sont ceux qui ne commettent pas de péché mortel, mais sont coupables de péchés véniels pour lesquels ils doivent faire pénitence. D’autres enfin sont extrêmement méchants ; ce sont ceux qui sont en état de péché mortel. En conséquence, les lieux dans lesquels les âmes des défunts sont reçues après cette vie sont au nombre de trois. Le premier est le paradis vers lequel s’envolent les âmes des justes. Le second lieu est l’enfer où sont précipitées les âmes des méchants. Enfin le troisième lieu est le purgatoire où sont purifiées les âmes de ceux qui n’ont pas pu achever la pénitence de leurs péchés dans ce monde, mais ont encore des péchés véniels pour lesquels ils doivent faire réparation avant de voler vers les cieux. Et c’est dans ce troisième lieu que sont envoyées les âmes des défunts qui ne sont ni parfaitement bons ni parfaitement mauvais. Le séjour au paradis et le séjour en enfer durent toute l’éternité, car la vie doit être éternelle pour les justes, le châtiment doit être éternel pour les mauvais. Mais le lieu du purgatoire ne durera que jusqu’au jour du jugement, car après, il ne sera pas nécessaire pour qui que ce soit d’être purifié, tous auront été absous de leurs péchés et auront été jugés pour l’éternité selon leurs mérites.
Rubrique des quatre sortes d’absolution pour les âmes des défunts
64Il faut savoir que les âmes des défunts sont absoutes et libérées de la peine du purgatoire de quatre manières : Premièrement, par l’oblation du prêtre, c’est-à-dire par la célébration de la messe, et particulièrement par ces messes dites messes de Saint-Grégoire, c’est-à-dire trente messes célébrées continuement trente jours de suite pour l’âme en faveur de laquelle on désire intercéder. C’est ce qui nous fait penser que ce doit être des messes pour les défunts ou du moins avec commémoration du défunt ou de la défunte pour lequel ou pour laquelle on intercède. Cette pratique semble communément observée par tous, aussi est-elle tolérée par l’Eglise. Deuxièmement, par l’intercession des saints, c’est-à-dire lorsque nous prions les saints d’intercéder auprès de Dieu pour les âmes des défunts. Troisièmement, par la distribution d’aumônes, c’est-à-dire en faisant des aumônes pour les âmes de nos parents ou de nos amis. Quatrièmement, par les peines des jeûnes, c’est-à-dire en mortifiant nos corps par le jeûne et d’autres pénitences pour les âmes des défunts, et en agissant ainsi nous faisons la pénitence dont ils n’ont pu s’acquitter de leur vivant. De ces quatre manières nous pouvons soulager les défunts. Mais ces secours sont inutiles à ceux qui sont en paradis, car ils n’en ont pas besoin, mais ils leur tiennent lieu d’action de grâces auprès de Dieu. Ces secours sont également inutiles à ceux qui sont en enfer, car là il n’y a pas de rémission ; mais de tels secours sont une consolation pour les vivants. Ils sont toutefois très utiles pour ceux qui sont en purgatoire, car ils en ont besoin pour le châtiment auquel ils sont soumis, et ils sont aptes à en profiter, car étant morts sans être coupables de péchés mortels, de tels secours les aident à expier leurs fautes et à fléchir Dieu. Nous pouvons tant faire pour une âme souffrant dans le purgatoire qu’elle soit totalement purgée de ce châtiment et s’envole vers le ciel. Les prêtres doivent pourtant savoir qu’il n’est pas nécessaire de prier pour ceux que l’Eglise a condamnés, ou qui sont notoirement morts en état de péché mortel. En effet, puisque l’Eglise les tient pour damnés et qu’il n’y a pas de rédemption pour les damnés, comme nous l’avons dit précédemment, il est donc défendu de prier pour eux. En général, cependant, nous pouvons prier pour tous ceux qui ont reçu le baptême, et grâce à cette prière générale, s’il se trouvait par hasard que ceux qui meurent en état de péché mortel aient mérité, par quelque faveur, d’avoir part à ces prières, ils en tireront profit avec les autres.
Rubrique des Indulgences qu’on peut recevoir
65Sachez que l’homme vivant sur cette terre peut diminuer la peine qu’il devra subir en purgatoire. En effet, pour chaque péché mortel confessé et dont on s’est repenti, mais dont on n’a pu faire pénitence en ce monde avant de mourir, on doit rester sept ans en purgatoire. Aussi, comme nous commettons quotidiennement maints péchés mortels, il nous faut croire que nous subirons une pénitence de nombreuses années de purgatoire. C’est pourquoi l’Eglise a établi une pratique miséricordieuse grâce à laquelle les hommes peuvent réduire la durée si longue de leur châtiment : ce sont les indulgences données par Notre-Seigneur le pape, vicaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a reçu la plénitude des pouvoirs, ou par les évêques, qui nous ont été donnés par sollicitude. Les indulgences s’acquièrent quand on réalise l’œuvre pieuse en vue de laquelle l’indulgence est donnée. D’où il ressort que si une certaine indulgence consiste en ce que celui qui visitera telle église aura droit à cent jours d’indulgence, tout homme qui aura visité cette église recevra cette indulgence. Et ainsi de toutes les autres indulgences semblables ; on recevra ce pourquoi l’indulgence a été donnée, soit une année, soit quarante jours, ou plus ou moins, au choix de celui qui a concédé l’indulgence. Et cette indulgence me dispense d’autant de pénitence à faire dans le purgatoire qu’elle le permet. Exemple, si l’indulgence est de quarante jours, la peine que je devais subir en purgatoire est réduite de quarante jours. Il faut remarquer toutefois que le pape seul a le pouvoir de créer des indulgences générales et universelles, de la durée de son choix. Les archevêques et évêques n’en peuvent concéder que de la durée d’un an à l’occasion de la dédicace des églises, et de quarante jours à l’occasion des autres solennités, à moins que, par privilège spécial, le pape leur ait accordé un plus grand nombre de jours. Et au cas où l’archevêque ou l’évêque aurait concédé une indulgence supérieure à celle qu’il a le droit de donner, celle-ci serait nulle. Quant aux abbés et aux prélats dé rang inférieur, ils ne peuvent concéder d’indulgences à moins d’en avoir reçu l’autorisation pontificale par faveur spéciale. Notez aussi que ces indulgences ne se peuvent obtenir que par les fidèles qui se sont confessés et ont fait contrition. Il nous faut donc, en vue d’obtenir ces indulgences, prendre très soigneusement garde de nous présenter confessés et repentants, afin d’obtenir la réduction de la peine qui nous attend au purgatoire, peine qui est celle d’un feu très ardent.
Rubrique de l’Enfer. Ecoutez, lecteurs, et soyez très attentifs
66Sachez que l’Enfer où sont précipitées les âmes des damnés est situé au plus profond de la terre, séjour sombre et redoutable, où nous attend pour l’éternité un châtiment redoutable, où jamais ne peut se contempler la gloire de Dieu. Là, en effet, est le feu infernal qui brûle toujours mais torture plus ou moins les pécheurs, en proportion de la gravité de leurs fautes. Et croyez bien que les châtiments infernaux sont fort nombreux, ainsi que nous l’apprend la Sainte-Ecriture : l’ardeur intolérable du feu, les grincements de dents, le froid rigoureux qui provoque les tremblements, l’obscurité, la fumée, les larmes de l’esprit, car celui-ci pleure sans cesse la perte de la gloire étemelle. Il y a aussi la vue ou la contemplation des démons, qui sont plus terrifiants qu’on ne peut l’imaginer. Il y a encore les cris et les hurlements, les vitupérations, les imputations et les accusations. Il y a la soif et la sécheresse, la puanteur du soufre, le remords rongeur, car la conscience est toujours torturée par le remords d’être condamnée pour l’éternité et d’avoir perdu, à cause de ses péchés, la grâce de Dieu. Et c’est cela le ver qui ronge perpétuellement le cœur du pécheur. Il y a aussi les chaînes, les coups, la prison, la peur, la douleur, la honte, l’envie, la haine, l’affliction, l’absence de la vue de Dieu et la perte de tout espoir de salut. Les damnés seront affligés de tous ces tourments dans l’enfer, de différentes manières selon leurs péchés, et de beaucoup d’autres peines encore pires dont l’Ecriture ne parle pas. Et sachez que personne n’a jamais pu sortir de l’enfer, car là il n’y a pas de rédemption.
Rubrique du Paradis
67Sachez que le Paradis est un lieu brillant de clarté plein de douceur, de gloire, d’agrément, aimable, stable, perpétuel, sans fin, rempli de toute suavité, où la gloire et la joie sont portées à un tel point qu’il n’y a pas de langue pour les exprimer, d’intelligence pour les concevoir. Chacun, dans cette gloire céleste, jouira de la béatitude au gré de son désir. Là, en effet, se trouvera la vision de la divine clarté éternelle. Là s’entendra l’harmonie du concert des anges, car ceux-ci toujours y célébreront la louange du Seigneur par leur chant et la musique de leurs instruments. L’air sera rempli des parfums les plus précieux, dont la suavité l’emporte de beaucoup sur celle des baumes et des onguents les plus rares. Là se goûtera une douceur incomparable, plus exquise que celle du miel. Là, le toucher aura des sensations d’un charme inconcevable, que les pétales des roses et les lys des vallons n’ont jamais pu donner. Là, en effet, tous les biens seront nécessairement présents, tous les maux feront nécessairement défaut. C’est pourquoi Augustin dit que s’y trouvent la plus grande sécurité, une tranquillité sûre, une joie tranquille, une félicité joyeuse, une heureuse éternité, une éternelle béatitude, dont l’usage est sans fin, la possession sans limites. Là en effet Dieu est, affluence de richesses, comble de délices et réunion de tous les biens.
Rubrique des dons de la gloire céleste et éternelle, en général
68Sachez que dans la patrie céleste, c’est-à-dire au paradis, l’âme recevra certains dons ou grâces, et que certains autres seront donnés, lors du jugement dernier, au corps devenu glorieux, lorsque nous devrons tous ressusciter avec nos corps. Et ces dons sont appelés dots, à l’image de la dot donnée à l’épouse sur la terre. Car cette dot, celle du monde terrestre, est donnée à l’épouse par son père en vue de sa gloire humaine, pour qu’elle puisse vivre et subvenir à son existence. Ainsi Dieu notre Père accorde des dots à l’ame et au corps dans la patrie céleste pour leur glorification, afin qu’ils puissent se réjouir éternellement dans le paradis.
Rubrique des dons de l’âme, en particulier
69Les dots accordées à l’âme aux lieux de la gloire céleste sont au nombre de trois. La première est la connaissance, grâce à laquelle l’âme connaît Dieu lui-même, en le percevant et le voyant tel qu’il est dans sa gloire et sa majesté ineffable, et non point tel que nous pouvons le connaître dans ce monde, où nous ne pouvons percevoir et découvrir Dieu que dans les ténèbres et l’obscurité, mystérieusement et comme à travers un miroir. L’âme parvenue à la gloire céleste verra au contraire Dieu face à face, tel qu’il est, dans la plus resplendissante des lumières. Cependant, toutes les âmes ne voient pas Dieu de la même manière, les plus méritantes perçoivent et voient Dieu plus clairement. En effet, tous les individus ne peuvent voir le soleil de la même manière, ceux qui ont les meilleurs yeux le voient mieux, il en est ainsi des âmes au paradis, l’âme la plus parfaite voit et connaît Dieu lui-même plus clairement et plus parfaitement. Et c’est de cette grâce ou de ce don que jouit l’âme par cette première dot, la connaissance. La seconde dot de l’âme est l’amour, grâce auquel l’âme chérit Dieu vraiment et parfaitement, l’aimant en toutes circonstances, en tout et par-dessus tout, car, de même que l’âme connaîtra alors et comprendra Dieu parfaitement, de même elle lui vouera un amour total et parfait, et la volonté de l’âme ne différera en rien de celle de Dieu. La volonté de Dieu sera la volonté de l’âme béatifiée et la volonté de l’âme sera la volonté de Dieu. Cette unité sera rendue possible par la vraie dilection avec laquelle l’âme chérit Dieu, et l’âme reçoit ce don ou cette grâce au moyen de cette deuxième dot qui est l’amour. La troisième dot de l’âme est la compréhension ou la jouissance, grâce à laquelle l’âme jouit de Dieu lui-même, s’unit à lui en le possédant et en jouissant de lui. Cette troisième dot confère à l’âme le don et la grâce de sa béatitude qui consiste en ce bien final : jouir de Notre-Seigneur, Dieu lui-même.
Rubrique des dons du corps
70Les dots accordées au corps pour sa glorification, lors de la résurrection générale au jour du jugement, sont au nombre de quatre, que nous allons énumérer. La première sera le don de lumière, grâce auquel le corps deviendra brillant et lumineux comme le soleil : en lui plus rien d’obscur ; et cette lumière permettra au corps de percevoir et de distinguer la vision de la lumière éternelle. Et ce don le Christ l’a manifesté sur son propre corps quand il fut transfiguré, lorsque son visage a resplendi comme le soleil, lorsque ses vêtements sont devenus blancs comme la neige. La deuxième dot du corps sera l’impassibilité ou l’immortalité : le corps deviendra si résistant, si parfait qu’il ne pourra pas souffrir d’aucune douleur ni d’aucune maladie, qu’il ne craindra plus la mort, mais sera toujours vivant et capable de se réjouir parfaitement dans une perpétuelle félicité sans aucune crainte de la mort. Et l’Apôtre a prouvé que le corps du Christ, après sa résurrection, avait reçu ce don, lorsqu’il a dit : « Le Christ ressuscitant d’entre les morts ne mourra plus jamais, la mort ne triomphera plus jamais de lui, etc... » La troisième dot sera la subtilité qui rendra le corps si subtil qu’il pourra s’échapper de partout, même du lieu le plus parfaitement clos ; aucun obstacle, aucune clôture ne s’opposeront à son passage. Ce don, le Christ l’a manifesté dans son corps, en sortant du tombeau, bien qu’il fut fermé, le jour de sa résurrection, et en pénétrant dans la salle où se trouvaient ses apôtres, les portes étant fermées. La quatrième dot sera l’agilité ou la légèreté : le corps deviendra si léger qu’il pourra s’élever ou s’abaisser à son gré, sans peine ni fatigue et pourra se mouvoir alors sur l’eau et dans les airs plus facilement qu’il ne marche actuellement sur la terre. Et ce don le Christ l’a manifesté dans son propre corps quand il se dirigea vers ses disciples, marchant à pied sec sur les flots. Grâce à ces quatre dots, le corps deviendra parfaitement soumis à l’âme : quand l’âme se glorifiera de quelque chose, le corps lui aussi se glorifiera du même objet, car là aucune sensualité corporelle ne sera contraire ou désagréable à la volonté de l’âme, mais la béatitude du corps et de l’âme sera complète ; ils s’uniront en toute perfection.
Rubrique des auréoles
71Sachez que, en plus des dots que recevront l’âme et le corps dans la gloire céleste, existe aussi une autre joie particulière qui sera donnée aux justes en raison de l’excellence de leurs œuvres en cette vie. Et cette joie sera appelée auréole ; ce sera une petite couronne d’or accordée à certains bienheureux à cause du mérite de leurs œuvres, outre la couronne d’or qui est donnée à tous les bienheureux pour avoir mérité la gloire éternelle. L’auréole spéciale dont nous avons parlé est donnée seulement à trois sortes de bienheureux, et d’abord aux martyrs pour la récompense et le mérite du martyre dont ils gagnèrent la palme en méprisant les ordres des souverains. C’est pourquoi ils sont couronnés et reçoivent la palme, c’est-à-dire cette auréole. Celle-ci est donnée en second lieu aux docteurs de l’Eglise ou aux prédicateurs, à cause du privilège de la prédication qui leur a permis de remporter la victoire sur les ennemis de la foi. De ce fait, leur voix s’est répandue sur toute la terre, leurs paroles ont résonné jusqu’au bout du monde. Aussi ont-ils reçu comme prix de leurs efforts, cette auréole. En troisième lieu, elle est donnée aux vierges pour la victoire remportée en ce monde contre les appétits de la chair, ainsi qu’il est dit : « Voici ceux qui ne se sont pas souillés par la fréquentation des femmes ; ils sont vierges, en effet, et suivent l’agneau partout où il va, portant sur leurs têtes des couronnes ornées de pierres précieuses » ; c’est-à-dire cette auréole. Et ces trois sortes de bienheureux jouiront de ce privilège dans la patrie céleste à cause de la victoire qu’ils ont remportée en combattant virilement en ce monde, car ne seront couronnés que ceux qui auront convenablement combattu.
Rubrique de la palme céleste dans la gloire éternelle
72Il faut savoir qu’outre celles-ci, il existe une autre joie, dans la gloire céleste, qui est donnée non pas en raison des œuvres, mais pour récompenser le désir d’accomplir des œuvres excellentes. Ainsi, dans le ciel, il y a beaucoup d’élus qui ont ardemment désiré le martyre, mais n’ont pu l’obtenir parce que Dien en avait décidé autrement. C’est le cas de saint Martin qui, bien qu’il n’ait pas subi le martyre par le glaive, n’a pas néanmoins perdu la palme du martyre. Et l’insigne de cette joie est appelée palme ; celle-ci est donnée aux justes et aux saints qui ont ardemment désiré réaliser des œuvres excellentes, et ont essayé, de toutes leurs forces, de mettre à effet leur intention, au nom du Christ, sans toutefois y parvenir entièrement. Il y a encore une quantité infinie d’autres joies données à ceux qui sont dans cette patrie céleste, joies que l’intelligence ne peut concevoir, que la parole ne suffit pas à exprimer, ainsi qu’en témoigne l’Apôtre qui, ravi et emporté jusqu’au troisième ciel, dit avoir vu et entendu les mystères de Dieu dont nul homme ne peut parler. Mais nous devons croire ceci ; de même que la gloire de Dieu est infinie, de même est inconcevable le nombre des joies auxquelles nous fera participer Celui qui étant trois personnes en un seul, vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Rubrique de la fin du monde et du jugement dernier
73En dernier lieu, pour vous dire quelques mots du dernier jugement qui se produira à la fin du monde, sachez que ce monde aura une fin, qu’il sera totalement détruit et brûlé par le feu venu du ciel. Après cela, aura lieu le jugement universel de tous les hommes qui auront vécu depuis Adam jusqu’à la fin des siècles, qui tous ressusciteront avec leurs corps et devront rendre compte de leurs actes. Ceux qui auront bien vécu iront à la vie éternelle ; ceux qui auront fait le mal iront au feu éternel. Remarquez bien ceci : quoique l’âme quittant le corps soit bientôt jugée pour le bien ou pour le mal, selon ses mérites, le jugement dernier est cependant nécessaire, lors duquel seront jugés tous les hommes et chaque homme dans sa totalité, c’est-à-dire l’âme et le corps. Car de même qu’ensemble ils firent le bien ou le mal, ainsi ils recevront ensemble leur récompense ou leur châtiment. Mais l’âme sera jugée la première en considération du bien ou du mal qu’elle aura fait car c’est elle qui, avant le corps, a agi bien ou mal. En effet, avant que le corps agisse, c’est toujours l’âme qui a eu d’abord la volonté d’agir, précédant ainsi le corps dans chacun de ses actes. Aussi, suivant la justice de Dieu, elle doit aussi précéder le corps dans le châtiment ou la récompense. De même l’âme quittant le corps ne reçoit pas toute la récompense ou tout le châtiment qu’elle recevra le jour du jugement dernier lorsqu’elle sera unie au corps, car il y a beaucoup de privilèges et de joies célestes qui sont donnés au corps plutôt qu’à l’âme. Et de même, il existe beaucoup de tourments infernaux destinés au corps seul, dont nous avons déjà parlé, et au sujet desquels il ne pourra être pleinement prononcé en présence de l’âme séparée du corps. Il est donc nécessaire pour satisfaire pleinement et entièrement à la justice divine que cette sentence soit rendue lors du jugement dernier et universel, où sera donné à chacun selon ses œuvres une récompense entière, tant pour l’âme que pour le corps.
74Sachez aussi qu’avant la fin du monde apparaîtra l’Ante-Christ, qui naîtra à Babylone et viendra à Jérusalem se prétendant le Christ, le vrai Messie. Et tous les Juifs auront foi en lui. Ce sera en effet un homme plein d’artifices qui fera de nombreux miracles par la puissance du diable. Il affligera de tourments et de supplices les chrétiens qui refuseront de croire en lui, et par ces moyens en séduira beaucoup. Pendant ce temps-là apparaîtront Enoch et Hélie qui, destinés à rendre témoignage au Christ, ont été placés au paradis terrestre. Ils prêcheront contre l’Ante-Christ, et grâce à leurs prédications, beaucoup, tant juifs que chrétiens réprouveront l’Ante-Christ lui-même. Celui-ci se voyant dénoncé et réprouvé par leurs prédications, les mettra à mort, mais après trois jours ils ressusciteront et seront enlevés au ciel. Après la mort d’Enoch et d’Hélie, l’Ante-Christ règnera pendant quinze jours plein de superbe, se flattant d’avoir triomphé de tout par le supplice d’Enoch et d’Hélie. Mais quinze jours après leur mort, la puissance divine fera tuer l’Ante-Christ par saint Michel archange. Alors les juifs voyant la fin malheureuse de l’Ante-Christ se convertiront tous à la foi du vrai Christ, et il n’y aura plus qu’un seul troupeau et un seul pasteur. Le jugement n’aura pas lieu aussitôt après la mort de l’Ante-Christ, mais de remarquables phénomènes se produiront, d’abord dans le ciel et sur la terre, pour annoncer le vrai jugement qui doit s’accomplir ensuite. En effet, ainsi que le dit Mathieu au chapitre xxiv : « Le soleil s’obscurcira, ta lune ne donnera plus sa lumière. Les étoiles tomberont du ciel et les puissances des cieux seront ébranlées. » En traduisant ces paroles conformément à la religion, il faut entendre par l’obscurcissement du soleil que le Christ qui est le soleil de justice, ne nous sera plus perceptible, il deviendra sombre pour nous, rigide et sévère, alors qu’il était auparavant doux et miséricordieux. La lune qui ne donnera plus sa lumière, c’est la Vierge Marie, astre de bonté qui ne nous prêtrera plus la lumière de son intercession incessante en notre faveur auprès de son Fils. Les étoiles tombant du ciel, ce sont les saints, brillants comme des astres en présence de Dieu, qui disparaissant du ciel, n’interviendront plus en notre faveur. Les saints, nos avocats habituels, n’intercéderont plus pour nous, sinon pour demander justice à Dieu. Les puissances du ciel seront agitées ; cela veut dire que les anges qui nous gardent maintenant se dresseront alors contre nous pour dévoiler et faire juger les péchés dont nous n’aurons pas voulu faire pénitence et ainsi de favorables ils deviendront hostiles. Mais avant ces signes célestes, d’autres prodiges apparaîtront sur la terre, ainsi que le dit Luc au chapitre xxi : « Les peuples se dresseront contre les peuples ; les royaumes contre les royaumes. De grands tremblements de terre ravageront les pays, la peste et la famine aussi... » C’est ainsi que commencera la désolation. Ce seront les signes que nous verrons, et beaucoup d’autres plus terribles encore. Et ensuite un feu terrible tombera du ciel sur les hommes buvant et mangeant ; il brûlera toute la terre et tout sera transformé en cendres. Et après la destruction de l’univers, tous au son de la trompette ressusciteront avec leurs corps, les bons comme les méchants, et ils auront la forme corporelle qu’ils avaient à trente-trois ans, âge du Christ lors de sa résurrection. Les bons cependant seront beaux, brillants et insensibles à la souffrance. Les méchants seront hideux, repoussants et vulnérables à la souffrance. Tous se réuniront dans la vallée de Josaphat, près de Jérusalem, où seront rassemblés tous les humains depuis Adam jusqu’à la fin du monde. Alors viendra le Juge, Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, dans toute sa puissance et sa majesté ; Il apparaîtra sur une nuée étincelante de blancheur, avec des milliers de bienheureux. Les bons seront alors séparés des mauvais, car les anges feront mettre les bons à droite, les mauvais à gauche. Tout étant préparé pour le jugement, le Juge reprochera alors à ceux qui seront à sa gauche leurs péchés et leur ingratitude, de n’avoir pas voulu agir miséricordieusement envers leur prochain en le secourant dans ses nécessités tant corporelles que spirituelles. A cause de cela il portera contre eux une sentence de condamnation en disant : « Allez, maudits, au feu éternel. » Quant à ceux placés à sa droite, il leur rappellera leurs bonnes œuvres, l’aide miséricordieuse qu’ils ont apportée à autrui en le secourant dans tous ses besoins. Et il portera sur eux une sentence d’approbation en disant : « Venez, les élus de mon Père, recevez mon royaume. » Et ces sentences seront exécutées sans délai ; les mauvais seront précipités vers le feu éternel, les bons conduits à la vie éternelle, à laquelle puisse nous faire participer Celui qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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