Un gassendiste oublié : G. B. de Saint Romain
A forgotten Gassendist: G. B. de Saint Romain
p. 127-138
Résumé
The chimist physician G. B. de Saint Romain, who had attended the Great Experiment of the Puy-de-Dôme performed upon the instructions of B. Pascal, has been a correspondent of Nicolas de Blégny. Like him too, he displays in his main work, La Science naturelle degagée des chicanes de l’École (Paris, 1679), an atomistic philosophy of which the frame is provided by Gassendi. Discarding both the formal and the exemplary causes, brushing away de facto the final causes by never even mentioning them. Saint Romain uses only material and efficient causes.. In this view, occult qualities must be banished from the field of natural sciences, where all is reduced to matter – made of indivisible atoms –, and material composite bodies. Yet, Saint Romain sets down the existence of a primal cause (God) given as necessary and demonstrable, and he further postulates that of such immaterial beings as angels and reasonable souls.
Texte intégral
1Dans les années 1670, à Paris, trois médecins développèrent des thèses épicuriennes plus ou moins inspirées de la pensée de Gassendi : il s’agit de Guillaume Lamy, Nicolas de Blégny et G.B. de Saint Romain. J’ai eu l’occasion d’analyser ailleurs quelques aspects des conceptions philosophiques du premier1, Olivier Bloch a traité ici même du second2 ; j’évoquerai maintenant le troisième.
2Signalé par N. Lenglet-Dufresnoy dans son Histoire de la Philosophie Hermetique3, puis par J.F. Gmelin dans son Geschichte der Chemie4, G.B. de Saint Romain n’a pas été complètement négligé par les historiens de la philosophie ou des sciences : J. Brucker lui a accordé quelques lignes dans le chapitre sur « Gassendi et le renouveau de la philosophie démocrito-épicurienne » de son Historia critica philosophiae5, ainsi que, plus récemment, K. Lasswitz dans son Geschichte der Atomistik vom Mittelalter bis Newton6, puis G. Sortais dans sa Philosophie moderne depuis Bacon jusqu’à Leibniz7. Il a également été signalé par H. Busson dans sa Religion des classiques 8. Quant à L. Thomdike, il consacre plusieurs pages de son History of Magic and Experimental Science à analyser les deux traités que nous possédons de lui9.
3Le plus important de ses traités, qui fut aussi le premier publié, à Paris, chez Antoine Cellier, en 1679, a pour titre La Science naturelle dégagée des chicanes de l’École. Ouvrage nouveau, enrichi de plusieurs expériences curieuses tirées de la Medecine & de la Chymie, et de quelques observations utiles à la santé du corps 10. Il est dédié au prince de Conti, Louis-Armand de Bourbon (1661-1685). On y trouve, à propos du siège de l’âme, une référence au médecin Daniel Duncan qui place celle-ci dans la partie cendrée du cerveau : cette référence, s’inspirant d’un passage de l’Explication nouvelle et mechanique des actions animales de Duncan parue à Paris en 1678, nous permet de situer l’année de sa rédaction, ou du moins de sa rédaction finale. Un compte rendu de cette Science naturelle fut donné à sa parution dans le Journal des sçavans11, et elle fut jugée suffisamment importante pour être traduite en latin et publiée dès 1684, à Leyde, sous le titre de Physica sive Scientia naturalis scholasticis tricis liberata. Cette version latine, probablement effectuée à l’insu de l’auteur, fit également l’objet d’un compte rendu, dans les Acta eruditorum12. C’est à elle comme à ce compte rendu que renvoie Brucker, qui ne paraît pas connaître l’édition parisienne ; et c’est également elle (ou, peut-être, tout simplement Brucker), qu’utilisa Gaston Sortais. Je lui ai déjà consacré un article paru dans la revue Chrysopœia13, article dont on me permettra de reprendre ici certains éléments historiques concernant notre auteur.
4Contrairement à ce que croyait L. Thorndike14, il y eut une autre édition du texte français de la Science naturelle. Cette édition fut donnée en 1724 à Paris, chez André Cailleau (et aussi chez Jean-Batiste Lamesle, mais c’est Cailleau qui bénéficie du privilège), avec une orthographe rajeunie, mais surtout sans nom d’auteur et avec un titre modifié : La Science naturelle ou explication curieuse et nouvelle des differens effets de la nature terrestre et celeste. Cette nouvelle édition, qui ne comprend pas la dédicace au prince de Conti, n’a pas été faite sur l’édition de 1679, que l’éditeur ignorait manifestement, puisqu’il aurait alors su que Saint Romain était l’auteur du traité et aurait évité de grossières coquilles qui ne s’expliquent que par la lecture d’un texte manuscrit et non d’un imprimé. Un long compte rendu en fut à nouveau donné dans le Journal des sçavans15, dont le rédacteur avoue ne pas connaître l’auteur : il ne connaissait donc pas non plus l’édition originale.
5Le second traité de Saint Romain, paru, également à Paris, la même année que la Science naturelle, est un petit livre intitulé Discours touchant les merveilleux effets de la pierre divine (1679)16. Il est dédié au premier médecin de Louis XIV, Antoine d’Aquin (1639-1696). Ce Discours est avant tout une manière de prospectus publicitaire sur les bienfaits de la pierre de jade, ou « pierre divine », censée guérir de nombreuses affections, et que commercialisait Saint Romain. Il sera réédité en 1681, 168917, 1715 et 1750, avec chaque fois des modifications et des mises à jour introduites par les propriétaires successifs des droits et privilèges sur la pierre divine, notamment Louis Candy, ecclésiastique, Charles d’Acqueville, « prieur dudit lieu » et « employé aux affaires du roi »18.
6À ces deux œuvres originales, il faut encore ajouter une traduction du Tuta ac efficax luis venereae, saepe absque salivatione mercuriali, curandae methodus (1684) du médecin écossais David Abercromby († 1701/2 ?), traduction qui parut en 1690 à Paris, chez Laurent d’Houry, sous le titre de Methode asseurée et efficace pour guerir la maladie venerienne sans salivation mercurielle. Enfin, l’on possède deux lettres de Saint Romain publiées par Nicolas de Blégny dans le premier volume de son journal, les Nouvelles Descouvertes sur toutes les parties de la Medecine (1679)19, l’une expliquant les « larmes pétrifiées » c’est-à-dire les petites pierres qu’une fillette de Casteljalmoux tirait de ses yeux ; l’autre à propos d’un cas d’ingestion d’objets divers (affiloir d’un charcutier, pied d’une marmite de fer, couteau de poche, crapeau) par un certain Pierre Yvens20. Si ces écrits sont les seuls à nous être parvenus, d’autres productions sortirent certainement de la plume de Saint Romain. En effet, dans la Science naturelle – qui devait peut-être constituer un premier volume d’un système général de philosophie – Saint Romain renvoie à sa Morale 21 et mentionne encore deux autres traités à paraître, des Réflexions philosophiques22 et des Réflexions sur les expériences du microscope 23.
7En dehors des maigres indications que nous fournissent ses publications, je n’ai pu trouver aucun renseignement biographique sur G.B. de Saint Romain24, qui se dit « écuyer et médecin », et qu’il ne faut pas confondre, comme l’a fait H. Busson, avec le conseiller d’Etat du même nom, celui que Madame de Sévigné mettait au nombre des « philosophes » prédestinés à l’enfer25. La plus importante de ces indications est évidemment le fait que Saint Romain assista en 1647 à la « grande expérience » du puy de Dôme réalisée par Florin Périer sur les instructions de Pascal, expérience dont Saint Romain nous a donné dans la Science naturelle une relation très proche de celle que Gassendi tenait de Pierre Mosnier. Nous avons analysé en détail cette relation dans notre article paru dans Chrysopœia, et l’avons encore évoquée dans notre communication du colloque de Digne26.
8Saint Romain devint entre 1679 et 1686, date de la permission de la Methode asseurée27, « gentilhomme et médecin ordinaire de Monsieur le Prince », c’est-à-dire de Louis III de Bourbon, prince de Condé (1668-1710). L’édition latine de la Science naturelle le donne comme “médecin de Paris” ; mais s’il a effectivement vécu à Paris ou dans ses environs, comme en témoigne la seconde lettre publiée par de Blégny, qui est datée : « A S. Germain en Laye le 12. May 1679 »28, s’il exerçait peut-être au faubourg Saint-Jacques, si l’on en juge d’après une note manuscrite de l’exemplaire du Discours conservé à la Bibliothèque nationale de France29, il n’était certainement pas docteur de la faculté de cette ville, son nom n’apparaissant pas dans les Commentaires manuscrits de la Faculté de Médecine30. Dans la seconde lettre publiée par de Blégny, il nous apprend que le vigneron Pierre Yvens, « habitant Saint Luc Taverny, dans la Vallée de Montmorency », qui avala des objets si incongrus « est encore plein de vie, & demeure dans vne maison qui appartient à Monsieur de Jully mon beau-frere »31.
9Il mentionne également certaines de ses relations, mais sur la plupart desquelles je n’ai rien su trouver : dans le Discours, il nomme M. de Chasteul, avocat général de Provence, auquel il avait communiqué son manuscrit32, M. de Bourgneuf, ingénieur du roi, habitant rue Cassette33, Claude de Regnaud, seigneur de la Fontaine, gouverneur du duc de Bourbon34, le marquis de Beauvais35 et A. d’Aquin, qui l’introduisit peut-être auprès de Louis de Bourbon36. Dans la Science naturelle, il mentionne un « feu M. de Besançon »37, résidant à Paris. Enfin, nous l’avons vu, il fut en relation au moins épistolaire avec Nicolas de Blégny
10D’autres médecins sont encore mentionnés, mais rien n’indique qu’il ait été en relation avec eux : ainsi Charles de Lorme38 ou les frères Seignette39. L’un des frères Seignette, Élie, avait présenté leur sel polycreste à l’Académie Bourdelot40, Académie que Saint Romain fréquenta peut-être, mais sans en faire partie, semble-t-il, puisqu’il écrit dans la première lettre publiée par de Blégny : « Je ne sçaurois entrer dans le sentiment de ceux qui composent l’Academie de M. Bourdelot, touchant les larmes petrifiées »41.
11Dans cette lettre, la philosophie de Saint Romain se trouve déjà exposée. Les larmes pétrifiées de la fillette de Casteljalmoux s’expliquent en effet parfaitement dans le cadre d’une physique qui recourt aux atomes et aux corpuscules : ce qui détermine la forme et la nature de pierre que prend l’eau cristalline des larmes, c’est leur rencontre avec quelques atomes ou corpuscules de sable jetés dans l’œil de la jeune fille, atomes pierreux « qui tiennent lieu de sperme, dans lequel reside un esprit pétrifiant ». « Ce qui me fait dire », explique Saint Romain, « que si le sable qu’on avoit jetté dans l’œil de la pleureuse, eust esté de la nature de celuy que j’ay vû qui se changeoit en coquilles, de differente grosseur, on nous auroit envoyé des coquilles au lieu de nous envoyer des pierres ». Cet atomisme se retrouve dans tous les écrits de Saint Romain et c’est par lui qu’il explique bien les merveilleux pouvoirs de sa pierre de jade. Mais c’est dans la Science naturelle que Saint Romain développe de manière systématique sa doctrine, laquelle, résume-t-il, « roule sur deux principes generaux, qui sont les atomes et le vuide »42.
12Comme l’explique l’Épitre au prince de Conti, cette Science naturelle se veut un manuel à l’usage non des universités et des collèges, mais de la cour et du monde43 : « La Science que je mets au jour est purement naturelle », écrit-il, « j’ay tâché de la dégager des chicanes de l’Ecole, & de luy ôter l’air du College, pour estre veuë de la Cour et du monde. » Il s’inscrit ainsi dans une tradition illustrée, avant lui, par l’Abrégé curieux et familier de toute la philosophie (1642) de Marandé ou le Philosophe françois (1643) de Ceriziers, et, après lui, par La Philosophie des gens de cour (Paris, 1680) de l’abbé de Gérard, qui prétendait lui aussi se dégager de la chicane de l’École. Mais tandis que ces derniers traités reproduisent la philosophie scolastique régnante, la Science naturelle s’en écarte pour suivre un épicurisme proche de celui que Gassendi venait de restaurer et Bernier de populariser, mais qui offre quelques vues assez originales.
13Divisée en quatre parties traitant successivement des principes de la nature, du monde céleste, du monde terrestre et du corps humain, la Science naturelle ne se laisse pas facilement résumer en raison même de la multiplicité des questions abordées44, et il ne saurait être question de les examiner toutes, même très brièvement. Dans mon étude précédemment citée, j’ai mis l’accent sur sa théorie des métaux et des astres qui s’inscrit dans un système héliocentrique et selon laquelle les planètes sont composées du métal en fusion auquel chacune correspond : ainsi, comme l’avait déjà soutenu le père Honoré Fabry45, le Soleil est de l’or pur. J’ai également insisté sur son rejet des qualités occultes de la scolastique46 : ces prétendues qualités ou causes occultes que sont les phénomènes de sympathie et d’antipathie s’expliquent en réalité par les flux des corpuscules qui s’exhalent des corps et vont en heurter ou pénétrer d’autres, un « continuel commerce des esprits » pouvant de la sorte s’établir entre les choses. Ce qui permet à Saint Romain d’expliquer, comme le fit aussi Bernier, les phénomènes les plus extradordinaires (par exemple le fait que le vêtement d’un mort produise du bruit dans une armoire en liaison avec la décomposition du corps), les talismans, les amulettes, la fameuse poudre de sympathie, la baguette divinatoire, etc.
14Nous n’examinerons cependant ici que les grands principes de la philosophie de Saint Romain, comme Olivier Bloch l’a fait pour ceux de Nicolas de Blégny, avec lesquels nous ferons quelques rapprochements.
15La première partie de la Science naturelle se propose donc de traiter « des causes et des principes de la Nature ». Après avoir rappelé que « les Philosophes réduisent communément toutes les causes au nombre de cinq »47, à savoir les causes efficiente, matérielle, formelle, exemplaire et finale, Saint Romain observe aussitôt que « tous [...] sont d’accord que la plus noble de toutes les Causes est celle que l’on appelle efficiente, puisqu’à proprement parler, c’est elle seule qui a un effet »48. En effet, nous explique-t-il, les causes formelles (qu’elles soient substantielles ou accidentelles) sont « imaginaires, & les vrais philosophes ne reconnoissent dans les composés naturels, (à l’exception de l’homme, ) autre substance que la matiere, ni autre forme que la disposition des parties ; parce que ces formes sont inutiles en toutes manieres » et même inconcevables. Saint Romain rejette donc de sa physique les causes formelles comme « fort inutiles & chimeriques »49. Il rejette encore expressément la cause exemplaire, dans la mesure où celle-ci peut se réduire à la cause formelle. Curieusement, il ne dit rien de cette cause finale que Guillaume Lamy, fidèle en cela à Descartes plus qu’à Gassendi, venait d’attaquer violemment dans ses Discours anatomiques parus quatre ans avant la Science naturelle, en 1675. Mais en expliquant, comme nous venons de le voir, que les vrais philosophes ne reconnaissent d’autre substance que la matière ni d’autre forme que la disposition des parties, il élimine de fait la cause finale de la philosophie naturelle.
16Restent donc la cause matérielle et la cause efficiente. « On ne fait point de différence », explique Saint Romain, « entre la cause materielle & la matiere, & comme l’on distingue deux sortes de matieres, on peut dire qu’il y a deux causes materielles : la premiere matiere, est celle dont tous les corps sont composez, & en laquelle ils peuvent estre reduits par une décomposition totale : La seconde matière n’est autre chose que les corps qui sont faits de la premiere, & sur lesquels les causes efficientes exercent leurs activitez ». On en conclut qu’il est « certain qu’il ne se fait rien dans le monde qui ne soit composé ; & [que] rien ne peut estre composé sans matière »50.
17Quant à la cause efficiente, c’est ce « qui agit sur les composez & les detruit pour en faire d’autres, parce que la matière des premiers sert pour composer les seconds : la matière qui entre en composition des premiers & des seconds est la matière premiere, ou cause materielle des composez ; & la matière qui sert de sujet & de patient à la cause efficiente, est ce qu’on appelle, matière seconde. L’une & l’autre peuvent estre causes efficientes, car les composez agissent les uns contre les autres, comme il arrive entre les elemens qui se peuvent pousser & repousser mutuellement »51.
18Ainsi, en philosophie naturelle, en physique, tout se réduit à la matière, à des composés matériels qui se ramènent à une matière première « produite dès le commencement, & qui se trouve dans toutes les generations & les corruptions que nous observons dans la nature », de sorte qu’elle « demeure toûjours la mesme dans toutes les revolutions qui arrivent » et qu’elle est donc « incorruptible de sa nature »52.
19Est-ce à dire que nous sommes en présence d’un pur matérialisme mécaniste ? Nullement. Saint Romain, en effet, s’attarde assez longuement à prouver l’existence d’une cause première : Dieu. « L’existence », écrit-il, « d’une cause premiere, ou d’un premier principe de toutes choses est si évidente & si necessaire, qu’on doit la supposer comme une verité, qui se fait connoître par elle-mesme, & qui ne souffre aucune difficulté, sur tout parmi les Chrétiens qui sont éclairez des lumieres de la revelation divine : Mais parce que l’homme en se soûmettant à la foy ne renonce pas aux lumieres de la raison, il est à propos d’établir cette vérité par des raisons naturelles, afin de ne laisser aucun doute dans l’esprit des gens les plus difficiles à persuader »53.
20Pour établir cette vérité, Saint Romain récuse – tout comme l’avait fait Guillaume Lamy dès son De principiis (1669) – la démonstration de Descartes, qu’il vise sans le nommer lorsqu’il fait observer que le doute hyperbolique est parfaitement futile : le fait que « nous sommes au monde » est quelque chose que « personne ne peut contester, sans passer pour ridicule & pour insensé ». En effet, « il n’y a rien de si évident & de si certain que ce fait, sçavoir, que nous sommes au monde ; le témoignage de tous nos sens atteste cette verité, ce que nous pensons, ce que nous disons, & ce que nous faisons ne nous permet pas de croire que notre existence soit une illusion ». C’est cette certitude absolue d’être au monde qui prouve l’existence de Dieu, car « nous ne pouvons pas y estre de nous mesmes & par nous mesmes, ny par hazard & fortuitement, ny par nécessité d’estre : il faut donc que nous y soyons par le moyen & par le bienfait de quelque autre qui a esté l’auteur & le principe libre de l’estre que nous possédons »54. Et ici Saint Romain reconduit l’argument classique de la nécessité d’une cause première par impossibilité d’une régression à l’infini, épinglant au passage Épicure : « C’est aussi une pensée fort ridicule », explique-t-il, « de vouloir se persuader avec Epicure, que les premiers auteurs de notre existence, qui sont nos premiers parens, ont esté produits par un coup du hazard, ou par le rencontre fortuit des atomes : Cette opinion se détruit par elle-mesme ; car quand on supposeroit que le monde aurait esté produit par ce rencontre fortuit d’atomes, il resteroit toûjours à demander si ces atomes ont esté créez, ou s’ils sont incréez : S’ils sont créez, ils reconnoissent une cause de leur estre : & celle là une autre, à l’infiny ; ce qui ne se peut dire parce que le monde serait étemel »55. Saint Romain, comme Blégny, se sépare donc sur ce point de Guillaume Lamy, pour qui la croyance en l’existence de Dieu ne relevait que de la foi, et nullement d’une démonstration philosophique, puisqu’elle ne procède ni de la raison ni de l’expérience56.
21Mais tout comme Blégny ajoutait à Dieu, premier principe efficient, un second principe, ou « cause seconde qui est la Nature », Saint Romain explique lui aussi que l’« on fait une juste difference de la cause premiere, qui est l’Auteur de la Nature ; & de la Nature creée qui comprend les causes secondes, qui sont toutes les creatures »57. Cependant, alors que Blégny hésite sur l’essence de cette Nature qu’il appelle tantôt « Intelligence secrète », tantôt, comme l’a rappelé O. Bloch, « Esprit », en identifiant à « l’intellect le feu et l’esprit universel » des philosophes (chymiques ?), Saint Romain ne fait pas, semble-t-il, de cette nature un principe indépendant de la totalité des créatures, entendons des êtres matériels. Ainsi il apparaît que pour être certaine, l’existence de Dieu n’en reste pas moins une hypothèse inutile au philosophe de la nature, qui ne considérera que les causes secondes. C’est pourquoi ce philosophe ne tiendra compte ni des causes exemplaires ni des causes finales, puisque celles-ci relèvent uniquement de la Cause première, Dieu étant la cause exemplaire et la cause finale de toutes choses, lui qui « s’est proposé une fin proportionnée à sa dignité, c’est-à-dire soy-mesme & sa propre gloire »58. Il apparaît dans ces conditions que l’on peut prolonger sans grand risque d’erreur la pensée de Saint Romain en disant, avec Descartes et Guillaume Lamy, qu’il serait téméraire de vouloir pénétrer ces fins en recourant, dans nos explications, aux causes finales.
22De plus, outre l’existence de Dieu, Saint Romain reconnaît celle de créatures finies immatérielles : les anges et les âmes raisonnables, même s’il ne tente jamais de démontrer leur existence. Mais il fera paradoxalement appel à eux pour expliquer les constituants ultimes de la matière, les atomes.
23La matière qui constitue à la fois la cause matérielle et la cause efficiente de cet ensemble de causes secondes qu’est la nature, n’est en effet nullement celle, incompréhensible, d’Aristote. La véritable matière, explique Saint Romain, n’est « autre chose que les premiers elemens ausquels les composez se réduisent dans leurs dissolutions & décompositions totales : Or ces elements doivent estre simples & indivisibles », sinon ils ne seraient pas premiers59. Par conséquent il ne peut pas s’agir des éléments des péripatéticiens, à savoir l’eau, l’air, la terre et le feu, puisque ceux-ci sont composés. « Il faut donc », poursuit Saint Romain, « trouver d’autres elemens qui soient simples et exempts de toute sorte de composition. Ceux mesmes que les Chymistes ont prétendu établir, sçavoir le sel, le souffre & le mercure ne sçauroient estre les premiers elemens des corps, puisqu’ils sont composez de plusieurs corps : J’en dis le mesme des trois elemens de René Descartes [= les parties subtiles, rondes et irrégulières de la matière60], qui veut faire passer pour les premiers principes des choses ce qui ne peut estre, à cause qu’ils sont divisibles »61. On trouve un texte très proche de celui-ci dans le traité de Nicolas de Blégny, L’Art de guerir les maladies veneriennes, expliqué par les principes de la nature et des méchaniques, dont je n’ai pu consulter que la seconde édition de 1677 (pour le tome I qui nous intéresse ici)62, mais dont le privilège est daté de 1674. Blégny y parle cependant non des trois mais des cinq élémens des chimistes, ajoutant le phlegme et la tête morte aux trois principes paracelsiens, le sel, le soufre et le mercure63.
24Si donc ni les éléments de Descartes ni ceux des chimistes ne peuvent être retenus, il faut, conclut Saint Romain, « reconnoistre les atomes qui sont simples & indivisibles pour la premiere matiere, & pour les premiers principes ou premiers elemens dont tous les corps sont composez : car de ces atomes se font les corpuscules ; de ceux-cy se font les petites masses ; de ces petites masses se forment des parties plus considerables ; de ces parties résultent les grands corps qui composent tout le monde : De mesme en rétrogradant par voye de résolution, le monde se divise en plusieurs grands corps, ces corps en parties, ces parties en petites masses, ces masses en corpuscules, & ces corpuscules en atomes »64. Ici encore Saint Romain est plus proche de Gassendi que ne l’est Blégny, puisque ce dernier pose pour principes premiers des mixtes cinq éléments (qu’il nomme Terrestre ou Alkali, Acide, Liquide, Éthéré et Igné) éléments qui sont eux-mêmes le résultat de la division en parties inégales de la matière première et de l’union, désormais irréversible, de ces parties entre elles65.
25Mais revenons aux atomes de Saint Romain. Contre leur existence, nous dit-il, on objectera que l’indivisiblité est incompatible avec l’étendue et que si un atome est indivisible, il ne peut entrer dans la composition des corps qui, eux, sont divisibles. C’est en répondant à cette objection que Saint Romain a recours à ces êtres immatériels que sont l’ange et l’âme : « l’extension », explique-t-il, « suit la nature de la chose étenduë ; & si la chose étenduë est indivisible, l’extension l’est aussi, comme il arrive au sujet de l’ame raisonnable qui occupe tout le corps & qui agit dans toutes ses parties, & qui est indivisible comme un atome, & qui a une extension interne indivisible, quoi qu’elle soit divisible à raison de l’espace qu’elle occupe. C’est ce que les Theologiens sont obligez de dire touchant les Anges, & quelques Philosophes touchants les points physiques qu’on a surnommé points enflez ». Et Saint Romain enchaîne : « Mais les atomes, dira-t-on, ne sont ni comme nos Ames, ni comme les Anges, ni comme les points enflés ; car un atome a des parties, & ces choses-là n’en ont point : or ce qui a des parties est divisibles ; ainsi un atome doit être divisible. Je réponds à cette difficulté avec les Théologiens, que les Anges & nos Ames qui sont des esprits, & avec les philosophes, que les Points enflés qui sont matériels, n’ont point de parties réelles, mais seulement virtuelles ou équivalentes ; l’Ange & l’Ame raisonnable à cause des opérations qu’ils exercent & de l’espace qu’ils occupent, & les points enflés à cause de l’espace qu’ils occupent »66.
26Saint Romain apporte à l’indivisibilité des atomes un second argument. C’est « que ce n’est pas assez pour estre divisible, qu’une chose ait des parties ; mais il faut qu’elles soient distinctes physiquement ; qu’elles soient unies d’une union physique ; & qu’elles ne soient pas chacune en particulier de l’essence de tout le composé dont elle sont les partie : Or il est certain que les parties d’un atome ne sont pas distinctes physiquement, l’une ne sçauroit estre ou perir sans l’autre, comme les deux perfections essentielles de l’homme ; sçavoir l’animal & le raisonnable : Et pour trencher court, les parties d’un atome sont les parties d’un estre simple qui sont dans l’unité, & non pas dans l’union, & par consequent inseparables en effet »67.
27Enfin, Saint Romain expose l’argumentation de Gassendi, qui, dit-il « raisonne sur un autre principe fort solide fondé sur la solidité des atomes, & sur l’insolidité du vuide », puis conclut : « Et pour fermer la bouche aux Carthesiens, je dis qu’un atome est indivisible, parce qu’il n’y a point d’entre-deux par où aucun agent le puisse diviser ; de mesme qu’ils disent que Dieu ne sçauroit remuer le monde entier, parce qu’il n’y a point de lieu, disent-ils, où Dieu le puisse mettre ; En quoi je confesse qu’ils auroient raison s’il n’y avoit point de place hors du monde. Qu’ils avouent donc que Gassendy a raison s’il n’y a point de vuide & d’entre-deux en un atome »68. Ainsi Saint Romain donne la définition suivante : « Atome est un estre corporel, simple, invisible & indivisible : son essence ou sa propriété essentielle est la solidité, parce que la solidité le distingue des esprits & du vuide qui n’ont point de résistance »69. Car s’il n’y a point de vide dans les atomes, il existe bien (second trait caractéristique de l’atomisme) du vide dans la nature. Saint Romain accepte en effet avec Gassendi, qu’il allègue expressément, et contre Aristote et Descartes, l’existence du vide parsemé (inane disseminatum) et du vide assemblé (inane coacervatum), à propos duquel il renvoie à la grande expérience du Puy de Dôme.
28Notons cependant que Saint Romain admet l’existence « d’espaces immenses au delà des cieux », contrairement à Descartes qui soutenait « qu’il n’y a aucun espace au-delà des Cieux, parce que tout est plein de matiere, & [que] le monde n’a aucune circonférence qui le limite & qui le termine ». Cette opinion, nous dit Saint Romain, est « insoûtenable ; parce que le monde est limité dans son estre ; il est limité dans sa durée, qui est l’espace fluide, ou le temps. Il est donc limité au regard du lieu, qui est l’espace permanent qu’il occupe jusques à sa circonférence, qui est la partie convexe des Cieux ». En effet, si le monde n’avait point de limite au regard du temps, il serait étemel, et s’il n’avait pas de limite au regard de l’espace, il serait infini comme Dieu. Car, poursuit Saint Romain, l’indéfini de Descartes ne signifie rien : « je le prie », s’exclame-t-il, « de me dire la difference qu’il y aurait entre une ligne indefinie & entre une ligne infinie ; & entre l’immensité de Dieu, & l’indefinité du monde : Car si le monde est indefini, on peut dire de lui ce que le Trismegiste a dit de Dieu, qu’il n’a ni centre ni circonférence70 : d’où s’ensuit qu’il occupe tous les lieux, qu’il est immobile, qu’il ne sçauroit changer de place ; & que Dieu ne sçauroit créer un autre monde sans détruire celui-ci, parce qu’il n’y a aucun lieu vuide où Dieu le puisse mettre. Ce sont tout autant de suites inévitables, & dont le principe est plus que temeraire »71.
29En revanche, nous dit Saint Romain, « l’opinion contraire, qui est celle de Gassendy & la notre, est bien mieux fondée & plus raisonnable. Elle enseigne que le monde est limité à l’égard du lieu ; qu’il a une circonférence comme il a un centre ; qu’au-dela de cette circonférence il y a des espaces vuides ou Dieu pourroit créer, s’il vouloit, un autre monde, ou plusieurs autres, égaux ou plus grands que celui où nous sommes. »72. Et cet espace est celui de Dieu.
Notes de bas de page
1 Voir mon étude « Raison et foi chez Guillaume Lamy », Corpus 20-21 : Bernier et les gassendistes, pp. 171-188.
2 Voir, dans le présent volume, pp. 115-126 : « Blégny et Gassendi ».
3 Histoire de la philosophie hermetique. Accompagnée d’un Catalogue raisonné des écrivains de cette science, Paris, 1742, III, pp. 292. F. Hoefer, Histoire de la chimie, Paris, 1843, II, p. 333 ne cite que le nom de Saint Romain.
4 Göttingen, 1798, II, p. 19.
5 Cf. Historia critica philosophiœ, Leipzig, 2e éd., 1766, t. IV, pars I, pp. 530-531.
6 Cf. Geschichte der Atomistik vom Mittelalter bis Newton, Hambourg et Leipzig, 1890, II, p. 517.
7 Cf. La Philosophie moderne depuis Bacon jusqu’à Leibniz, Paris, 1920, II, p. 232.
8 La Religion des classiques, Paris, 1948, p. 45 et 143.
9 Cf vol. VII, pp. 264-266, et VIII, pp. 294-298.
10 « LA SCIENCE / NATURELLE, / DE’GAGE’E / DES CHICANES / DE L’ E’COLE : / OUVRAGE NOUVEAU, / Enrichi de plusieurs expériences curieuses / tirées de la Medecine & de la Chymie ; / & de quelques observations utiles / à la santé du corps. / Par G. B. DE SAINT ROMAIN, / Escuyer, Docteur en Medecine. / DEDIE’E A MONSEIGNEUR / LE PRINCE DE CONTY. / [fleuron] / A PARIS, / Chez ANTOINE Cellier, ruë de la / Harpe, à l’Imprimerie des Roziers. / M DC. LXXIX. / AVEC PERMISSION. » In-12°, page de titre, 4 ff. n. ch., 391 pp., 4 ff. n. ch.
11 Journal des Sçavans, Du Lundy 6 Février MDCLXXIX, pp. 32-34.
12 Acta eruditorum, Leipzig, 1684 (mensis august), pp. 364-370. Ce compte rendu constitue un bon résumé de l’ouvrage.
13 Cf. « La “grande expérience” du puy de Dôme revisitée : à propos de La Science naturelle de G.B. de Saint Romain et de ses théories alchimiques », Chrysopœia, II (1988), fasc. 4, pp. 305-364.
14 Cf. op. cit., VII, p. 265.
15 1724 (décembre), pp. 779-784.
16 « DISCOURS / TOUCHANT / LES MERVEILLEUX EFFETS / DE LA / PIERRE DIVINE / Composé par le Sieur DE Saint / Romain, Escuyer, Docteur en / Medecine. / A PARIS, / De l’Imprimerie d’Antoine Lambin, / ruë saint Jacques, à l’image saint Antoine / M. DC. LXXIX. / Avec Approbation & Permission. » Petit in-12° de 1 f. bl., p. de titre, 3 ff. n. ch., 52 pp.
17 Édition recensée par le Journal des sçavans, 1689, pp. 231-232.
18 Sur ces modifications, cf. L. Thorndike, op. cit., VII, pp. 265-266. H. Metzger, Les Doctrines chimiques en France, Paris, 1923, reprint 1969, pp. 265 et 423, cite l’édition de d’Acqueville, mais ignore Saint Romain.
19 Les Nouvelles Descouvertes sur toutes les parties de la Medecine. Recueillies en l’année 1679. Par N.D.B. Chirurgien du Roy, Maistre & Iuré à Paris, Paris : Laurent D’Hourry, 1679, pp. 166- 171 : « Extrait d’une lettre écrite par Monsieur de S. Romain Escuyer, Docteur en Medecine, à l’Autheur des Nouvelles Découvertes » ; pp. 188-198 : « Lettre de Monsieur de Saint Romain Escuyer, Docteur en Medecine, écite à l’Autheur des Nouvelles Découvertes, au sujet de quelques evenemens extraordinaires ».
20 Ces deux lettres ont été signalées par H. Busson, La Religion des classiques (1660-1685), Paris, 1948, pp. 143-144.
21 Cf. Science naturelle, IV, XX, p. 374 [420] : « Nous parlerons dans la morale des passions qui sont les poids & contrepoids des actions sensitives. »
22 Cf. id., IV, XVIII, p. 368 [414] : « Je dirai quelque chose de plus particulier sur le sujet de la fermentation des humeurs dans mes réflexions philosophiques qui verront bien-tost le jour. »
23 Cf. id., I, XX, pp. 120-121 [134-135] : « Un atome est necessairement invisible & imperceptible à tous nos sens, [...] ce qui n’empesche pas la vérité & la realité des atomes, puisque les corpuscules mesmes échappent à nos sens, ainsi que nous experimentons dans la poussiere qui s’attache aux habits [...] sans parler d’un tres-grand nombre d’autres choses plus petites que nous verrions si nous avions la veuë plus subtile, comme je le dirai dans mes reflexions sur les expériences du microcope. »
24 Selon De La Chenaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la noblesse, 3e éd., Paris, 1873, XVIII, p. 150, les Saint-Romain sont une ancienne maison du Lyonnais.
25 Cf. H. Busson, La Religion des classique..., p. 45.
26 Cf. S. Matton, « Gassendi, Mosnier et la grande expérience du puy de Dôme », dans : Pierre Gassendi, 1592-1655, Actes du Colloque International, Digne-les-Bains, 18-21 mai 1992, Digne-les-Bains, 1995, pp. 303-320.
27 Cf. fol. êv. L’approbation a été donnée le 20 septembre 1686 par C. Puylen, doyen de la Faculté de médecine, sur un rapport fait par Le Moine, docteur régent.
28 Op. cit., p. 198.
29 Cf. Bibliothèque nationale de France, cote : Te97. 18, page de garde : « Ce Libvre contenant un Discours touchant les merveilleux effectz de la pierre Divine ma esté Donné A paris, le 29 Decembre 1679 par Lautheur, qui La Distribuoit au fauxbourg Saine Jacques. » Cette note est signée « Aubenas Sallignat ».
30 Il n’apparaît pas non plus dans Baron, Quœstionum Medicarum, quœ circa medicinœ theoriam et praxim, ante duo sœcula, in Scholis Facultatis Medicinœ Parisiensis, agitatœ sunt et discussœ, series chronologica ; cum Doctorum Prœsidum, et Baccalaureorum propugnatium nominibus, Paris, 1752.
31 Op. cit., p. 192.
32 Cf. p. 9 : « J’avois mis ce manuscript entre les mains de feu Monsieur de Chasteul, vivant Avocat General de Provence, qui luy avoit donné son approbation. »
33 Cf. pp. 16 et 21-22.
34 Cf. p. 26.
35 Cf. p. 28.
36 Cf. pp. 28-29 : « Il suffit que dans l’entretien que j’eust il y a six mois avec Monsieur le premier Medecin de sa Majesté [= d’Aquin], luy ayant declaré ma pensée sur la Jade ; ce sçavant homme, illustre par le rang qu’il tient & par l’estime que nostre Monarque en fait, demeurera d’acco[r]d de la vertu de nostre Pierre divine, & me dit qu’il en portoit une, & qu’il s’en trouvoit tres-bien. Mais l’experience qui s’est faite en la personne de son Altesse serenissime Monseigneur le Prince, est la plus illustre & la plus authentique de toutes [...] ». C’est d’Aquin qui donna l’approbation au Discours (p. 52).
37 Cf. Science naturelle, II, IX, p. 186 [207] et IV, IX, p. 327 [369],
38 Cf. id., I, XI, p. 61 [69] : « l’antimoine crud, & le diaphorique que feu Monsieur de Lorme appelloit son laict de perles, sont tres-amis de la nature, & l’on s’en sert avec utilité sans danger » ; cité par Thomdike, op. cit., VII, p. 296. Sur Charles de Lorme, mort le 24 juillet 1678, Cf. Michel de Saint-Martin, Moiens faciles et éprouvés, dont Monsieur de l’Orme premier Medecin & ordinaire de trois de nos Rois, & Ambasadeur à Cleves pour le Duc de Nevers, s’est servi pour vivre près de cent ans, Caen, 1682 (2e éd. 1683). Le Diaphorétique de de Lorme y est exposé p. 189. Voir aussi F. Secret, « De quelques traités d’alchimie au temps de la régence de Marie de Médicis », Chrysopaeia, III (1989), fasc. 4, pp. 351 sqq. Notons que de Lorme est cité par l’ami de Cyrano de Bergerac, le poète Tristan L’Hermite, dans son sonnet Les remèdes inutiles (Cf. éd. P. Caro, Les Amours et autres poésies choisies, Paris, 1925, p. 17 : « De Lorme, je t’implore en ma triste avanture [...] »).
39 Cf. Science naturelle, p. 306.
40 Cf. Élie de Seignette, Traité du faux polychreste, pour faire connoistre combien il différe de celuy qu ’ont inventé Jean Seignette, Docteur en medecine, et Elie Seignette son frére, La Rochelle, 1675, pp. 10 et passim. Voir aussi Le Gallois, Conversations de l’Academie de Monsieur l’Abbé Bourdelot, Paris, 1672, pp. 254-255.
41 Op. cit., p. 166.
42 Science naturelle, III, IV, p. 233 [262],
43 Epistre, fol. ãv : « La Science que je mets au jour est purement naturelle ; j’ay tâché de la dégager des chicanes de l’Ecole, & de luy ôter l’air du College, pour estre veuë de la Cour et du monde. »
44 Voici la « Table des chapitres » de la Science naturelle : « PREMIERE PARTIE, DE LA PHYSIQUE, Où l’on traite des causes & des principes de la Nature.
Chap. I. De la cause efficiente, son essence & ses differences / II. De la cause premiere / III. Les perfections de la premiere cause / IV. Des causes secondes, & de leurs actions / V. Des causes par accident / VI. De la Sympathie & Antipathie, & des effets qui en dépendent / VII. L’experience du Fer & de l’Aymant / VIII. Explication de plusieurs autres effets, qu’on prétend attribuer à la Sympathie / IX. L’experience des remedes portatifs, de l’argent vif, & de l’or, de l’argent, & du cuivre / X. Des effets qui paraissent dans la Nature, & qu’on attribuë à l’Antipathie / XI. Des Emetiques sudorifiques & spécifiques /XII. Des Venins & des Poisons / XIII. Du Sublimé, de l’Arsenic, & autres sortes de Poisons, & des funestes effets qui s’en ensuivent / XIV. Des Contrepoisons, ou Antidotes / XV. La veritable cause de nos maladies / XVI. Des causes qui produisent la santé en nous / XVII. Des causes formelles, exemplaires & materielles / XVIII. De la matiere premiere / XIX. Des Atomes, & de leur nature / XX. Des proprietez des Atomes, leur grandeur, leur figure, leur poids & leur mouvement / XXI. Les difficultés qui naissent de la doctrine des Atomes / XXII. Du vuide parsemé, assemblé & séparé selon Gassendy / XXIII. Du vuide assemblé, contre Aristote & Descartes.
SECONDE PARTIE, où il est traité du Monde Celeste, & des choses qui sont ou se font au-dessus de l’homme.
Chap. I. Des espaces immenses qui sont au-delà des Cieux / II. Des Cieux, & de leur nature / III. Des Astres, & de leur substance / IV. De la grandeur & de la figure des Astres / V. Du mouvement des Astres / VI. Du Systeme du Monde, selon Ptolomèe, & son examen / VII. Le Système du Monde, selon Copernic, & son examen / VIII. Du mouvement de la Terre / IX. Du Soleil, le vrai centre & le cœur du Monde / X. De la Lune, & de ses mutations / XI. Des Planetes, des Cometes, & des Fixes / XII. Des Meteores de l’Air / XIII. Des Vents, des Orages, & des Tourbillons / XIV. De la Foudre, de l’Eclair & du Tonnerre / XV. L’Or fulminant, image de la Foudre / XVI. De la Gres le, de la Neige, des Frimats, & du Gresil / XVII. De l’Arc-en-Ciel, du Halo, & des Parélies / XVIII. De l’Air, de sa substance, & de ses qualitez.
TROISIÈME PARTIE. Des choses qui sont au-dessous de l’homme ; sçavoir de la Terre, & des choses terrestres qu’on appelle inanimées.
Chap. I. De la Terre, & de l’Eau en general / II. Des corps terrestres inanimez en general / III. Des qualitez differentes qu’on remarque dans les composez / IV. Des qualitez particulieres qui suivent la composition des corps / V. De la grandeur, de la pesanteur, & de la figure des composez / VI. La difference des composez naturels, de ceux qu ’on appelle artificiels / VII. Des Metaux & de leur formation / VIII. De l’Or, qui est le Roy des Metaux / IX. De l’Argent, du Cuivre, & autres Metaux imparfaits / X. Du Plomb, de l’Estain & du Fer / XI. De l’Argent-vif, & de l’Arbre de Diane / XII. Des Mineraux / XIII. Des Sels / XIV. Des Feux souterrains, & des tremblemens de terre / XV. Des Eaux, & de leur difference / XVI. De la Mer, de son flux & reflux, & de la saleure de ses eaux / XVII. Des Fontaines & des Fleuves.
QUATRIEME PARTIE. Des choses qui sont dans l’homme, & de l’homme mesme, en tant qu’il est un composé physique animé.
Chap. I. De la vie en general / II Des differences de la vie / III. De la vie vegetative commune à l’homme & aux Plantes / IV. De la nature des Semences, & de leur propagation / V. De la Nourriture, qui est commune aux plantes, aux brutes, & à l’homme / VI. De quelle maniere & de quel aliment se nourrit l’Embrion jusques à sa naissance / VII. De quelle maniere l’homme se nourrit après sa naissance / VIII. La vie sensitive dans l’homme, & dans les autres animaux / IX. De la Veuë, son organe & son objet, qui est la lumiere / X. De la maniere dont se fait la vision des objets éclairez / XI. De l’Ouïe, son organe & son objet / XII. Questions particulieres qui concernent l’Ouïe / XIII. L’Odorat, son organe & son objet / XIV. Du Goust & de son objet / XV. De l’Attouchement / XVI. De la Parole, du Pouls & de la Respiration de l’homme / XVII. Du mouvement du Cœur / XVIII. Des mouvemens déreglez du cœur des animaux, & des fiévres / XIX. De la circulation du Sang / XX. Des sentimens inferieurs, & de l’ appetit inferieur / XXI. Du sommeil, des Songes, & de la Mort / XXII. De la Mort des brutes, des plantes, & des métaux / XXIII. De l’Ame raisonnable, & de ses puissances. »
45 Voir Physica, Lyon, 1669-1670, t. IV, tr. VIII, lib. I, prop. XIII (cité dans « La “grande expérience”... », pp. 340-341).
46 Voir pour l’influence du cartésianisme sur le rejet des qualités occultes K. Sprengel, Histoire de la médecine, trad. Jourdan, Paris, 1815, V, p. 53 (cité par H. Metzger, op. cit., p. 243 ; Cf. aussi p. 247). Notons que Pascal condamne lui aussi ces qualités occultes que sont la sympathie et l’antipathie dans l’adresse au lecteur du Récit (Cf. J. Mesnard, Pascal. Œuvres complètes, s. 1., 1970, II, p. 688).
47 Science naturelle, I, p. 4 [4]
48 Id., I, I, p. 5 [5],
49 Id., I, XVII, p. 111 [124],
50 Id., pp. 111-112 [124-125],
51 Id. pp. 112 [125],
52 Id., I, XVIII, p. 113 [126],
53 Id., I, II, p. 9[10],
54 Id., p. 10 [11],
55 Id., pp. 12-13 [24],
56 Voir « Raison et foi chez Guillaume Lamy », cit. supra n. 1.
57 Science naturelle, I, I, p. 7 [7].
58 Id. I, III, p. 20 [22],
59 Id., I, XVIII, p. 115[127-128],
60 Cf. Descartes, Principes, IVe partie, § II.
61 Science naturelle, I, XVIII, p. 115-116 [127-128].
62 Nicolas de Blégny, L’art de guerir les maladies veneriennes, expliqué par les principes de la nature et des méchaniques, [...] seconde edition corrigée et augmentée [...] Paris, chez l’Autheur et Jean d’Houry, 1677 (t. I), 1678 (t. II), 1679 (t. III), ici t. I, pp. 35-60.
63 Cf. id., I, pp. 43.
64 Science naturelle, I, XVIII, p. 116 [129].
65 Cf. L’art de guerir les maladies veneriennes I, pp. 47-51 : « Voicy donc surquoy je faits rouler toute ma doctrine. J’ay remarqué cinq Elemens dans la Nature, & pour me servir de termes connus, je les ay nommez, Terrestre ou Alkali, Acide, Liquide, Etheré, & Ignée. Je comprends sous le premier de ces Elemens tous les petits corps solides, inégaux, & raboteux, qui forment la terre ; sous le deuxième tous ces corpuscules longs, droits, roides & pointuës, qui se font particulièrement remarquer dans les differends sels ; sous le troisiéme les parties homogenes souples & ondoyantes dont l’eau simple est composée ; sous le quatriéme les parcelles rameuses & ployantes, qui donnent presque toute la forme aux Huilles ; enfin sous la cinquiéme les particules subtiles, rondes, mouvantes & splendides, qui forment le feu ou la flambe, lorsqu’elles sont librement agitées par les parties de l’air. / Ces Elemens qui ne sont pas ceux des Peripateticiens ny ceux des Cartesiens, puisqu’ils sont en plus grand nombre que les uns ny les autres ; quoy que l’air n’y soit pas compris, ny encore moins ceux des Chimistes, puis qu’ils en sont mesmes les principes ; peuvent estre neantmoins facilement expliquez sans se mettre en peine comme a fait Monsieur Descartes, de supposer un tournoyement que les parties de la matière ont dû faire, pour acquerir les figures qu’il leur attribue : C’est assez de se representer que pour la production des divers corps que nous voyons, la matière a dû estre divisée en parties inégales, & qu’entre ces parties il s’en est trouvé de tres-menües & de figures indeterminées ; d’autres plus grosses, & si l’on veut de figure ronde, & quelques autres enfin de figures angulaires, irregulieres & crochues : que ces dernieres parties ayant eu par ces figures plus de disposition à s’allier que les autres, elles ont premierement formé les Alkalis par leur union ; que ces petits corps ont esté ensuite amoncelez & pressez au centre du monde, par l’action des corps celestes qui ont leur mouvement direct vers luy, & qu’ils ont formé par leur assemblage & à cause de leurs inégalitez, une masse assez pôreuse pour contenir le reste de la matiere, en partie dans des espaces communiquables, & en partie dans des moules propres à donner la forme aux autres Elemens. »
66 Science naturelle, I, XXI, pp. 128-129 [143-144].
67 Id., pp. 131-132 [147].
68 Id., pp. 132-33 [147-149],
69 Id., I, xx, p. 120 [134],
70 Cf. Liber XXIV Philosopharum, prop. II, éd. F. Hudry, Grenoble, 1989, p. 93.
71 Science naturelle, II, I, pp. 148-150 [166-167].
72 Id., p. 150 [167-168].
Auteur
Research Fellow CNRS: (UPR 76). 45 rue Saint-Maur, F-75011 Paris.
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