L’enseignement de Pierre Gassendi au Collège Royal d’Aix-en-Provence et la tradition philosophique des Grands Carmes
Gassendi’s Training at the Collège Royal in Aix-en-Provence and the Carmélite Philosophical Tradition
p. 9-20
Résumé
This paper relies on the unpublished lectures taught at the Collège Royal in Aix-en-Provence by Father Fezaye, Gassendi’s teacher in Philosophy. Following the philosophical tradition of his Order, the « Great Carmelites », Fezaye referred to John Baconthorpe, the so called « princeps averroistarum », whose main features in metaphysics and physics explain some of Gassendi’s original ideas. By a close comparison between Gassendi’s later writings and Carmelite teaching in Philosophy, we suggest more extensive research upon this specifie tradition in XVIIth and XVIIIth centuries.
Texte intégral
1L’objet de cette communication est vaste et limité tout à la fois : à l’occasion de nos travaux sur l’enseignement de la philosophie en France au début du XVIIe, nous nous sommes intéressé en effet au Collège royal d’Aix, dont plusieurs cours manuscrits sont conservés à la bibliothèque municipale de Marseille. Parmi les élèves et enseignants, nous avons rencontré Pierre Gassend – dit Gassendi –, ce qui nous a conduit à préciser notre étude. L’examen attentif de l’enseignement donné par le Père Philibert Fezaye prieur des Grands Carmes, et de la ratio studiorum de son Ordre nous ont permis d’identifier le courant philosophique et les références de cet enseignement, extrêmement original dans le panorama contemporain. Nous avons tenté de repérer dans l’œuvre philosophique de Gassend les traces d’influence de cet enseignement. Enfin, nous avons relevé certaines traces de la postérité de Gassend dans l’enseignement philosophique et théologique des Grands Carmes.
2La présente communication ne peut que résumer cette enquête et introduire à de futures recherches d’influences.
3Complétant et corrigeant Sorbière, Bougerel écrit à propos des années de formation de Gassend :
« Ses humanités achevées, il alla faire son cours de philosophie sous le P. Philibert Fesaye (sic), grand Carme et non pas Cordelier, comme l’avance Sorbière. Ce Religieux était natif d’Avignon ; il avait pris l’habit de Carme à Aix, et y professait la philosophie lorsqu’on rétablit les écoles publiques après les guerres civiles : il s’était fait un nom parmi les sçavans ; mais ce qui lui a fait plus d’honneur, c’est d’avoir eu Gassendi pour disciple. Celui-ci pénétra bientôt dans tout ce que la philosophie a de plus abstrait ; et lorsque son maître ne pouvait faire la classe, ce qui lui arrivait assez souvent, à cause de ses infirmitez, il remettait ses cahiers à Gassendi qui les expliquait à ses condisciples, avec un certain air d’autorité et de persuasion qui le leur rendoit plus aimable. C’etoit la philosophie d’Aristote que leur enseignait le P. Fesaye, quoique Gassendi ait avoué dans la suite qu’elle ne lui avait jamais plu : il ne laissa pas de s’y appliquer avec soin, comme on le verra par les ouvrages dont nous aurons l’occasion de parler »1.
4Le texte de Bougerel doit être lu avec une attention critique ; nous verrons en particulier que le contenu de l’enseignement du P. Philibert mérite un examen plus attentif que le biographe semble en faire, renvoyant à « la philosophie d’Aristote » et utilisant la confidence autobiographique de Gassendi dans la lettre préface des Exercitationes paradoxicœ2. Il reste que les informations sur le professeur de Gassend peuvent être vérifiées par ailleurs.
5Bougerel renvoie d’abord à l’Histoire de la ville d’Aix, capitale de la Provence de Jean-Scholastique Pitton, qui mentionne Fezaye3 ; on peut le compléter par l’Histoire de la ville d’Aix de Pierre-Joseph de Haitze, plus précise :
« On procéda, dès l’année 1606, à remplir les Régences. On choisit des personnages de réputation, parmi lesquels se firent principalement remarquer Philibert Fezaye, religieux carme, natif de Château Renard, Jacques Fontaine et Antoine Mérindol. Le premier après avoir honorablement prouvé sa suffisance, fut installé dans une des Régences de philosophie, et qui eut d’abord parmi ses écoliers le fameux Pierre Gassendi. »4
6Un dernier document5 important sur l’histoire de ce Collège est l’ouvrage de l’abbé Édouard Méchin paru à Marseille en 1890, et qui reproduit les annales manuscrites du Collège (dites « manuscrit de Montvalon »), On y apprend que les origines du Collège, à partir de 1583, sont liées aux efforts des Jésuites pour prendre pied dans la ville et vaincre les résistances du Parlement de la municipalité. Les Jésuites chassés, le Collège fut érigé en collège royal en 1603, et doté de deux professeurs de philosophie (un Logicien et un Physicien) et de deux docteurs régents en théologie, un pour la positive, l’autre pour « l’Escholastique »6, Une des Régences de philosophie fut attribuée en 1606 au P. Fezaye.
7L’œuvre imprimée de celui-ci est maigre : on connaît de lui un Opusculum de mysterio Incarnationis in communi (Aix : S. David, 1641) – le nom de l’auteur est orthographié Fezayus. (Un exemplaire à la B.N. Paris : D. 7635). Nous avons eu plus de chance avec les manuscrits, ce qui est assez logique pour un enseignant : il a donné une explication de la Trinité en quatre livres, dont le début (« de emanationibus diuinis » subsiste) dans le manuscrit Marseille 7567. Surtout, son enseignement de philosophie est particulièrement accessible, par plusieurs manuscrits : sa Métaphysique, professée en 16038 et en 16139, sa Logique enseignée en 161110 et sa Physique de 161311.
8Pour être complet, mentionnons que le même fonds municipal de Marseille contient d’autres cours manuscrits du Collège d’Aix, dont le cahier autographe (1588) de fr. Pierre Taxil12, religieux augustin, enseignant de philosophie, et le cours entier de philosophie (6 volumes) professé par le collègue de Fezaye, un certain Vicat en 1607-160813.
9Afin d’aborder Philibert Fezaye, il faut rappeler que l’enseignement de la philosophie répondait aux normes d’écoles et de courants qui étaient pour l’essentiel la fidélité aux autorités. La seconde moitié du XVIe assiste à la réaffirmation des principes traditionnels ; la réforme catholique met l’accent sur le « retour aux sources », un aggiomamento de fidélité aux traditions, en particulier à celles des familles religieuses. Les Grands Carmes, particulièrement secoués par la réforme du Carmel et le développement des Carmes déchaux, avaient fortement rappelé leurs traditions : sous le prieurat de Giovanni Stefano Chizzola, lors du chapitre général de Crémone, en 1593, un décret important avait réorganisé l’enseignement dans l’Ordre :
« Regentes doctrinam D. Thomce et methodum tam in philosophia quant in theologia profitebuntur, utentur tamen illis omnibus expositoribus quos voluerint : studentes uero in philosophia D. Thomœ, doctori Francisco a Toleto, Auerroi et Joanni a Ianduno operam nauabunt ; caeterum in theologia eidem D. Thomœ et omnibus eius interpretibus tantum studebunt. Non omittant tamen Reuerendi regentes opinionem nostrorum doctorum Joannis Baconitani et Michœlis a Bononia tam in philosophia quam in theologia ubi opus fuerit afferre, propriis rationibus et argumentis confirmare, circa dogmata uero prœ cœteris Thomas Valdensis doctrinam anteponent »14.
10Les études précises du R.P. Barthélemy Fanti-Maria Xiberta montrent comment, dès le commencement du XVe siècle, les prieurs généraux prescrivirent de suivre les docteurs de l’Ordre, en particulier Jean Bacon (ou Baconthorp) et Michel de Bologne15. Les Constitutions reprennent les décrets des chapitres généraux16 ; c’est le chapitre de Crémone (1593), que nous venons de citer, qui nomme pour la première fois saint Thomas d’Aquin, en le juxtaposant soigneusement aux docteurs de l’Ordre et en distinguant ce qui est autorisé aux régents et ce que doivent faire les étudiants. Ce décret fut renouvelé aux chapitres de 1613 et 168017. Lorsque Gassend, de façon prioritaire, suit à Aix-en-Provence l’enseignement philosophique du P. Philibert Fezaye, prieur des Grands Carmes, la référence à saint Thomas venait d’être introduite, mais le corps de l’enseignement faisait référence aux auteurs de l’Ordre. Cela dit, le P. Fezaye se trouvait enseignant dans un collège royal, et non pas dans une maison de l’Ordre, et il avait pour étudiants des jeunes gens de plusieurs origines religieuses : il n’avait donc pas obligation de conformer son enseignement aux prescriptions du chapitre de Crémone, et on verra qu’il prend ses distances à cet égard, mais on peut légitimement penser qu’il se conformait dans les grandes lignes, à la tradition philosophique de son Ordre.
11C’est une tradition qui se veut indépendante des autres écoles, une école autonome, qui reste néanmoins très proche du scotisme, avec une très certaine indépendance à l’égard du thomisme et une égale méfiance envers Aristote. Son contenu est déterminé par les grands auteurs de l’Ordre, mentionnés dans le décret de Crémone que nous avons cité, Jean Bacon et Michel de Bologne.
12La première autorité philosophique est Jean Bacon, ou Baconthorpe, le « doctor resolutus »18. Plusieurs ouvrages de philosophie se réclament, dès leur titre, de lui (« ad mentem Doctoris resoluti ») ; des collèges de l’Ordre portent son nom19. Elève du carme Robert Walsingham à Oxford, il vint étudier à Paris avant 1318, où il a pour maître Gui Terreni de Perpignan. Il meurt vers 134820. Une grande partie de son œuvre a disparu : il nous reste un commentaire des Sentences et des Quodlibetales21. Il s’agit d’un auteur original, le maître à penser des Grands Carmes ; sa pensée théologique et philosophique se devait d’imprégner l’enseignement du P. Philibert, et donc non seulement la formation de Pierre Gassend, mais les premiers exposés de sa philosophie dans l’enseignement qu’il dispensa au Collège royal d’Aix-en-Provence.
13L’originalité de Jean Bacon, et d’abord son antithomisme, apparaît dans le curieux inventaire que le dominicain Matthias Aquarias a dressé des arguments opposés à saint Thomas. Il publia cet inventaire en même temps que son édition et défense de Capreolus (Venise 1588-1589) : Controuersiœ inter D. Thomam et cœteros theologos ac philosophos.
14Pour connaître la tradition des Grands Carmes, nous avons retenu trois manuels de l’Ordre, parmi d’autres : un manuel du XVIIIe siècle, bon panorama de la tradition, l’Enchiridion theologicum [...] juxta mentent Johannis de Baccone (compilé par Gauggi) publié à Rome en 176422, le Cursus philosophicus d’Elisée Garcia et le Cursus theologicus de Giuseppe Zagaglia. Il s’agit bien ici de l’enseignement des Carmes en général, davantage que de Jean Bacon dans la précision de sa pensée, bien controversée au demeurant, comme nous aurons occasion de le voir.
15Bacon n’accorde aucun éloge à Thomas : bien au contraire, il s’adresse aux Dominicains, dans ses Quodlibetales, en le qualifiant de « doctor vestrus ». Il innove souvent, pour contredire Thomas d’Aquin ou, autre adversaire, Pierre d’Auriol, ce qui ne va pas toujours dans le sens de la cohérence, même si sa détermination lui mérite son titre de « resolutus ». Zagaglia, dont le Cours de théologie se présente « secundum mentem ac germanam doctrinam Johannis Baconi » reconnaît dans sa préface que son maître n’a pas joui d’une grande célébrité, mais qu’il est resté « inter propriœ obscuritatis, uerius subtilitatis, cineres semisepultus ».
16Dès l’origine, la place et le rôle de la théologie se voient distingués de ceux que saint Thomas lui attribuait. Il ne s’agit pas seulement d’une connaissance de Dieu, « sub ratione Deitatis ». Cette sorte de connaissance relève de la théologie des bienheureux, c’est-à-dire de la métaphysique. Les scotistes étaient, quant à eux, divisés entre Gilles de Rome (« sub ratione glorificationis ») et d’autres (« in ratione infiniti »). Le point de vue du « Doctor resolutus » est différent, et il insiste :
« Deus et diuina omnia ut deducibilia ex reuelatis sunt obiectum formale Theologiœ, adeo ut deducibilitas sit ratio formalis sub qua »23.
17La principale conséquence est le caractère décisif et primordial de l’Écriture sainte dans la tradition théologique du Carmel, comme le formule, au XVIIIe siècle, un de leurs manuels théologiques :
« Scriptura erit primus locus Theologicus, ex quo ceteri ; non autem solus » 24.
18Parmi les décisions de Bacon, certaines sont réalistes, d’autres sont nominalistes. Ainsi pour la connaissance surnaturelle de Dieu : saint Thomas pense qu’elle nécessite une lumière ajoutée à notre entendement. Bacon s’empresse de dire, au seuil de son Commentaire des Sentences, que cela est faux « de potentia absoluta »25. Plus loin, il attaque les espèces intelligibles26 et, surtout, refuse l’univocité de l’Être : comme nous l’avons déjà dit, in uia, Dieu nous est connu par les Écritures, de sorte qu’une « relatio realis » est installée entre Dieu et la créature27. Partisan du congruisme, il soutient que Dieu est la cause finale de l’Univers28. Dans d’autres domaines, il refuse de manière systématique de se rallier aux solutions thomistes : il refuse toute succession dans l’« ceuum » (il reprend les arguments d’Henri de Gand29). Il s’oppose à la possibilité d’un lieu pour un ange30. Thomas d’Aquin soutient que les anges connaissent les créatures d’une connaissance matitutine, « in Verbo », sans discours31 : Bacon répond que toute communication est discours, et que même dans ce mode de connaissance, il y a « discursus »32
19Sur d’autres points de physique ou de psychologie. Bacon prend une position originale, s’appuyant souvent sur Averroës, le Commentateur33.
20Les universaux précèdent chez lui l’action de l’intellect, mais la vérité se trouve matériellement et causalement dans l’object extérieur, formellement dans l’intellect : l’objet extérieur est en lui-même intelligible, l’intellect actif étant néanmoins nécessaire pour le rendre ultimement intelligible. La vérité est donc constituée par la conformité de la chose pensée avec l’objet extérieur. Par ailleurs, il identifie « essentia » et « quidditas ». Je ne vais pas m’étendre davantage sur les positions et résolutions de Bacon : comme B. Hauréau l’a joliment formulé, « c’est un réaliste qui capitule, mais qui s’engage dans le nominalisme le moins qu’il peut »34.
21Ce qui est le plus marquant, chez Bacon, c’est son rapport difficile à Averroës : il s’en réclame, mais il s’attache à le présenter sous une forme orthodoxe :
« Nullus debet reputare istam opinionem esse ueram, quam ipsemet opinons non reputat nisi fictionem, et solum ponit eam propter exercitium, ut ueritas completius inquiratur »35.
22On peut à la fois accepter l’apologie du R.P. Xiberta (suivi par Étienne Gilson), qui refuse de classer Bacon parmi les averroïstes latins, et constater que son usage d’Averroës, même transformé et dénaturé, est revendiqué par ses propres disciples ; lorsque Élisée Garcia, en tête de son Cursus philosophicus (1701-1704) mentionne les auteurs carmélitains, il mentionne en premier lieu « Joh. Baconius, insolubilis Averroistarum Achilles ».
23L’expression « Auerroistarum princeps » semble remonter à la Renaissance : c’est Agostino Nifo, semble-t-il, qui le premier a donné à Bacon le titre, équivoque, d’« Averroistarum princeps »36. L’édition de Venise (1526) du Commentaire des Sentences reprend l’expression sur la page de titre : Johannus Bachonus, Averroistarum princeps, theologusque celeberrimus [...]. Le XVIIe siècle va répandre cette gloire équivoque, à commencer par Vanini qui se vante d’avoir étudié Bacon37 et Gabriel Naudé qui cite en faveur de Michel Scot « le plus docte d’entre les Carmes et le Prince des Averroïstes, Jean Bacco ». Il faudrait suivre les citations de Bacon au cours du XVIIe siècle, où il figure entouré de la réputation d’un grand averroïste, cité et utilisé comme tel dans les milieux libertins, mais aussi chez les philosophes traditionnels, Marc Antonio Zimara, Antonio Brasavola, Giuseppe Zabarella38. Gassend ne l’ignore pas, et mentionne Baco, aux côtés de Scot et de Thomas d’Aquin, dans un passage des Animaduersiones39.
24Connu de Gassend, salué comme le prince des averroïstes par le milieu intellectuel qui était le sien, Bacon est la figure la plus notable de l’école carmélitaine ; il faut y joindre Michel de Bologne et, surtout, ne pas omettre de constater que le caractère limité de l’œuvre conservée de Bacon obligeait les auteurs carmes à faire appel, en complément d’enseignement, à Henri de Gand (qu’il corrige cependant sur certains points)40.
25Venons-en aux cours de Physique et de Métaphysique du P. Fezaye. Nous suivrons pour le Cours de Physique le ms. 754 de la B.M. Marseille, pris en 1613 par Joseph Seguin. Les limites de l’exposé – et de ma science gassendiste – ne me permettront pas toujours de signaler l’exact rapprochement (ou la contradiction exacte) entre le professeur et l’élève. Mais je signalerai les points à retenir de la lecture de Fezaye, qui pourront permettre à de plus savants que moi de retrouver les lieux communs de la pensée du chanoine de Digne.
26Dès le début, les rapprochements abondent avec la Physica de Gassend : « quis sit inuentor Physicœ ? » (p. 7) Le P. Philibert distingue entre les deux sens du mot « inuentor » : « si de primo authore sit sermo », il s’agit d’Adam, mais si l’on parle de celui qui l’a développée, c’est Thalès qu’il faut nommer (rapprocher de Gassend, Op. I 126b). Le cours de Physique propose ensuite un fort beau développement « de iucunditate physicœ », à rapprocher de Gassend (Op. I 128a et 129b).
27L’idée est-elle un concept objectif, comme chez Thomas d’Aquin (la. pars, q. 15) ou bien un concept formel ? Fezaye penche pour le concept formel, en citant comme autorité, à côté de Scot et de Gabriel Biel, Jean Bacon (Quodlibet. 2, q. 2).
28Il convient de noter une discussion proche, qui aboutit à un point de vue divergent entre Fezaye et Gassend sur la définition du lieu : Fezaye cite l’opinion des « antiqui philosophi » sur le lieu comme « interuallum », mais il se rallie à un point de vue curieusement moderne, celui du lieu comme « superficies ». Gassend soutient, lui, le point de vue du lieu comme « interuallum » (Op. I 218). Il faut rapprocher des définitions du vide que donne Fezaye le point de vue de Gassend, tout en rappelant que Gassend, écrivant vingt-cinq ou trente ans plus tard, tire profit de nouvelles expériences et du progrès des sciences, dont Fezaye se montre déjà un observateur attentif. S’il refuse en effet qu’il puisse y avoir du vide « ui angelica » ou « ui naturali », il envisage néanmoins qu’il puisse y en avoir « ui diuina » (pp. 188-189). Comme Bacon, enfin, il refuse l’« œuum successiuum » (p. 203) : « successio partium secundum prius et posterius non datur in œuo », mais il plaide pour un « tempus discretum » avec Thomas et contre Scot.
29Le De Motu de Fezaye suit de près la Physica de Tolet, ouvrage moderne à bien des égards, ce qui lui permet de s’opposer, sur la définition du mouvement, à la sententia communis, en affirmant :
« Omnis motus fit de contrario in contrarium » (p. 212),
tout en reprenant, dans son exposé, la formule classique que critique Gassend (Op. I 338) :
« Dico 1 ° motum esse actum entis in potentia quatenus in potentia » (p. 213).
30Succession et continuité sont une seule et même chose pour Fezaye (p. 214), qui consacre un long « Dubium » (pp. 220-222) à la discussion des distinctions aristotéliciennes (« mouens ut quod », « mouens ut quo », « mobile », 8 Phys. 5) : on trouve une discussion identique, dans la terminologie même, chez Gassend (Op. I 353).
31Les rapprochements sont aussi des rapprochements de sources : Gassend est beaucoup plus érudit sur les sources anciennes que Fezaye, mais le religieux carme utilise Plutarque (De placitis philosophorum), comme le fera Gassend, pour plusieurs lieux historiques : par exemple, pour exposer l’opinion stoïcienne sur les éléments du monde (et aussi celle d’Empédocle)41 ou pour la liste des différents noms du monde (liste dans Fezaye p. 227 ou dans Gassend Op. I 135). Fezaye mentionne Épicure (sur la pluralité des mondes, p. 234, ligne 9).
32Mais les rapprochements ne sont pas seulement ceux de sources communes. Sur le problème de l’éternité du monde, dont Gassend déclare, dans une lettre à Gaffarel commentée par O.R. Bloch42, que la raison par elle-même est très portée à l’admettre, tout en étant incapable de la démontrer : Fezaye expose d’abord que le monde, selon la foi, n’est pas éternel43. Puis il consacre un « dubium » à l’exposition de la pensée d’Aristote (p. 271) et passe ensuite à l’examen des opinions philosophiques : le monde aurait-il pu être éternel ? Il rappelle que les nominalistes (Grégoire de Rimini, Ockham) l’affirment « potentia Dei absoluta » (parce qu’il existe un infini) et que la position de saint Thomas est ambiguë (il semble le nier, mais paraît plutôt l’approuver au Contra gentes 1. II, ch. 81 : Fezaye reprend l’argumentation de Bacon sur les contradictions internes de saint Thomas). Fezaye expose l’opinion de Durand, celle de Vazquez, celle de Suarez44 ; il rappelle l’opinion de Duns Scot, puis il leur oppose le théologien carme Michel de Bologne (In IIant, d. 1) et l’opinion du jésuite Tolet dans sa Physica. Constamment, Fezaye est en retrait sur Aristote, sur tous les points sensibles on sent son opposition, ses réserves, son aptitude à souligner les contradictions. Ainsi lorsqu’il se demande (p. 288) « an cœlum habeat materiam » avant de poser la question « an in mente Aristotelis cœlum habeat materiam » (p. 290), il répond lui-même que les cieux ont une matière et une forme qui n’est pas abstraite de la matière (et que les cieux ont bien une matière chez Aristote). Contre saint Thomas (Summa theologica, Ia pars, q.76, a.7), un peu plus loin, il maintient (avec Scot et les scotistes) que la matière du ciel est de la même espèce que celle des corps sublunaires. Fezaye s’élève contre l’astrologie judiciaire (« nominatur astrologia iudiciara et illi uocantur iudiciarii, quasi iudicium facient de rebus occultis » p. 369).
« An successio possit separari a motu ita ut motus fiat in instanti » (ms. 754, p. 406) :
saint Thomas le nie (In IV Sent. dist. 44, q. 2), suivi par Soto et Capreolus. Mais Fezaye reprend ici la distinction de Suarez (c’est possible « potentia absoluta ») :
« Dico per absolutam Dei potentiam posse corpus aliquod localiter moueri in instanti sine alla temporis successione » (p. 407).
33Sur le mouvement violent des projectiles, question centrale pour l’évolution de la pensée moderne, Fezaye rejette l’opinion d’Aristote (mus par l’air) pour adopter la « uis impressa » (ms. 754, p. 412), mais il développe de nombreuses objections, qui annoncent celles de Gassend. Gassend, après avoir rappelé l’opinion d’Aristote, poursuit :
« cœteri uulgo moueri contendunt a ui, quam appellant impressam [...] » (t. I, p. 353),
point de vue auquel il consacre ensuite une longue critique.
34On peut poursuivre cette enquête sur l’ensemble de la pensée gassendiste : ainsi, pour ses concepts biologiques, dont les aspects matérialistes tout autant que le finalisme général sont exactement conformes à la ligne de l’enseignement du P. Fezaye et de l’averroïsme des carmes : chez Élisée Garcia, dont le Cursus philosophicus (1701) s’appuie sur Jean Bacon, on trouve des « semina plantarum » vivantes45.
35On retrouve aussi le lieu commun du « nominalisme » de Gassend ; la catégorie est difficile à manier au XVIIe siècle, et la lecture des cours de théologie et de philosophie m’a rendu sceptique dans son application. Pour être plus précis, l’usage de principes nominalistes varie, d’un auteur à l’autre, selon le champ intellectuel retenu : physique, morale, psychologie, métaphysique. Jean Bacon confond « essentiel » et « quidditas » (In Iam, disp. 25, q.un., a.3, §pr., arg. sec.), et Fezaye le suit, dans sa Metaphysica (ms. 756, f°122r), tout en étant proche de la distinction formelle (de type scotiste, mais avec des nuances) entre essence et existence. Du reste, pour définir l’objet de la métaphysique, il tient déjà à se décaler d’Aristote, et à distinguer la métaphysique de la prudence : « in practicis, prudentia, in speculatiuis hæc scientia maxime oportet » (ibid. f°115r). Il rejoint en cela, explicitement, Suarez et Fonseca, souvent cités (f° 118r), mais il se tient dans la tradition carme en distinguant aussi la métaphysique de la sagesse. La tradition baconienne, en effet, comporte toute une discussion sur le statut des sages et leur mode de connaissance de Dieu. Si la proposition « Deum esse », est discutée par Thomas d’Aquin qui en réserve la connaissance immédiate « in ordine ad aliquem intellectum perfectum » (Dieu lui-même, les anges, les bienheureux), Bacon la réserve aux sages46.
36Les limites de cette communication ne me permettent pas de poursuivre cette ample lecture carmélitaine des sources de Gassend. Il reste un dernier point, tout à fait nécessaire pour le présent colloque, qui porte pour l’essentiel sur la postérité de Gassend. Le dernier point de notre enquête va donc consister à vérifier si la postérité carme a perçu ce rapprochement de la pensée de Pierre Gassend avec sa propre tradition philosophique. Il nous a semblé suffisant, pour cela, de lire attentivement deux manuels carmes, déjà mentionnés : un manuel de théologie, le Cursus philosophicus d’Élisée Garcia (deux volumes in-4°, Rome 1701-1704) et un manuel de théologie, l’Enchiridion theologicum scholastico-dogmaticum juxta mentem Joannis de Baccone (Rome 1764) de Petrus Andreas Gauggi, en huit volumes in-8°. L’un et l’autre font mention de Gassend, l’un et l’autre présentent, comme des opinions qui doivent être tenues dans l’Ordre, des propositions que nous avons trouvées chez Bacon, chez Fezaye et chez Gassend. Ainsi, pour se limiter à l’atomisme, nous lisons chez Garcia :
« Hæc Democriti sententia à recentibus Atomistis emendata defenditur. Eam eruderauit Gasendus [ !] » (t. 2, pp. 11-12, §§ 79, 87).
37Et il poursuit en mentionnant le Democritus reviviscens d’un professeur de Pavie47 ajoutant :
« quia uero curiose opinio a suis Patronis defenditur, libet Atomisticœ doctrinœ synopsim exhibere, quo eam postea facilius refellamus » (t. 2, p. 11).
38Plus loin (§ 87), il s’oppose à Démocrite et à « son disciple Gassend » : « corpus naturale non est conge ries atomorum eiusdem rationis » (et s’appuie, à cet égard, sur le « Doctor resolutus ». In II, d.18).
39Mais le passage le plus révélateur se trouve dans le manuel de Gauggi, lorsqu’il se demande : quel est le système de philosophie, « in specie ad Theologiam », qui convient le mieux à notre époque ? (t. 1, p. 221) Il passe en revue la doxographie des grands systèmes pour en venir à celui d’Épicure.
40Il reconnaît à son propos qu’aucun des Pères, à sa connaissance, n’a approuvé ses dogmes : mais c’était en raison de son hédonisme. De quoi s’agissait-il au juste, poursuit Gauggi ? S’agissait-il de volupté charnelle ou de volupté spirituelle ? « Adhuc sub iudice lis est ».
41Et qui donc permet d’essayer de la sorte de sauver l’épicurisme ?
« Petrus quidem Gassendus Epicuri dogmata, rectius intelligenda quant sonant pluribus ostendit »
42Après avoir de la sorte absout Épicure et lui avoir conféré le baptême sous le parrainage de Gassend, Gauggi parcourt le champ de la philosophie moderne. Il n’a pas de mal à constater que Gassend, Descartes et Newton n’ont guère traité de théologie : leur action dans ce domaine s’est bornée à nier les accidents et les qualités réelles. Gauggi mentionne qu’un accord entre ces philosophies et la saine théologie a été établi, au prix de grands travaux, par le P. Maignan, le P. Saguens et d’autres. Après cette audacieuse avancée, il se replie, pour sa part, sur la terminologie d’Aristote, mais il précise bien que c’est pour des raisons de commodité scolaire, ce qui est une bien faible reprise.
43Quand il se demande s’il faut interdire aux jeunes gens qui se destinent aux lettres sacrées et à la théologie la lecture de ces philosophes, Gauggi se borne à donner l’opinion des censeurs. Il est si loin de la partager qu’il conclut par une pirouette :
« abundet unusquisque in sensu suo. »
44Dans un autre passage, à propos de l’histoire (où il rappelle que les Épicuriens n’acceptent que le témoignage des sens, et doivent donc refuser l’histoire), Gauggi accepte la majeure (« transeat maior »). Mais lorsqu’il s’oppose à Aristote sur l’éternité du monde, il ne lui montre pas un excessif respect :
« quidquid sit de Aristotele, de quo parum solliciti sumus [...] » (t. 2, p. 34)
et lui objecte les Épicuriens, citant Lucrèce (De natura rerum lib. 5)
« præterea, si nul la fuit genitalis origo Terrarum et cœli [...] »
45Enfin, Gauggi se lance dans un exposé de l’atomisme à partir des pères de l’Église. On attend une conclusion, on reste sur son attente et sur sa faim : au terme de son exposé, Gauggi se garde bien de conclure, et son traitement de la question reste bien embarrassé.
46Il est clair que notre enquête demande à être poursuivie, par des rapprochements plus attentifs entre Gassend et la tradition carme. Les cours de philosophie que nous avons mentionnés demandent encore du travail de lecture et de dépouillement. Il faut les resituer dans le cadre, encore mal connu, de l’enseignement de la philosophie et de la théologie en France au début du XVIIe siècle. De même, il faut poursuivre l’enquête de la présence du gassendisme dans les traités des auteurs carmes du XVIIe et du XVIIIe siècle. Un terrain important est ouvert, qui offre à tous les chercheurs des pistes pour réintégrer Gassend dans un milieu qui lui est proche, la tradition des Grands Carmes, et qui témoigne de la diversité des attitudes philosophiques et théologiques en Europe au XVIIe siècle. En atteste, avec richesse, le rapprochement proposé par un des plus subtils historiens de la philosophie, Leibniz, dans un article du Journal des savants (25 juin 1695) :
« [...] Il faut que les formes constitutives des substances ayent été créées avec le monde, et qu’elles subsistent tousiours. Aussi quelques Scholastiques, comme Albert le Grand et Jean Bachon [Baconthorp], avoient entrevû une partie de la vérité sur leur origine. Et la chose ne doit point paroistre extraordinaire, puisqu’on ne donne aux formes que la durée, que les Gassendistes accordent à leurs Atomes »48.
Notes de bas de page
1 Joseph Bougerel, Vie de Pierre Gassendi [...], Paris : Jacques Vincent, 1737. Les indications marginales portent sur les années 1603-1606.
2 Op. III 99 : « cum Adolescens imbuere Peripateticâ Philosophiâ, probe memini illam mihi vndequaque non arrisisse ».
3 Histoire de la ville d’Aix, capitale de la Provence [...], Aix : C. David, 1666.
4 Histoire de la ville d’Aix, capitale de la Provence [...] (publication de la Revue sextienne) 6 vol. Aix : A. Makaire, 1880-1892 ; B.N. Paris {8°Lk7. 24011.
5 L’enseignement en Provence avant la Révolution. Annales du Collège royal Bourbon d’Aix[...] 3 vol. et 1 vol. de tables. Marseille : La Ruche, 1890.
6 Selon Méchin, transcrivant son manuscrit, le second principal, entre Cousson (1604) et Roseau (qui achève sa charge en 1620) fut Mous. Jean Ansenius, flamand ; le R.P. Lucien Ceyssens, que nous avons consulté par lettres en mai-juin 1993, nous a fait remarquer que, si le patronyme est bien probablement Jansenius très commun en Flandre, rien n’indique si c’est de Cornelius qu’il s’agit. Remarquons seulement, en l’attente d’autres documents, qu’une lacune biographique correspond, chez le futur évêque d’Ypres, aux années 1615-1616 après qu’il a quitté sa charge de principal du collège de Bayonne (J. Orcibal, Jansénius d’Ypres. Paris : Études Augustiniennes 1989, pp. 74-75).
7 F°188-198, cours recueilli par le franciscain Claude Bremond en 1612. Il serait utile de le comparer immédiatement avec le cours (1613) du parisien Nicolas Ysambert, dont la même bibliothèque conserve une copie (ms. 258).
8 Ms. 756, ff° 114-151 (notes du franciscain Claude Bremond).
9 Deux exemplaires : ms. 753, ff°216-263 (notes du franciscain Jean Bladius) et ms. 755, ff°209- 254 (notes de l’augustin Joseph Seguin, qui nous apprend qu’il avait 21 ans en 1613).
10 Deux exemplaires, ms 753 (notes de Joseph Seguin) et 753 (notes de Jean Bladius).
11 Mss 754-755, notes de Joseph Seguin.
12 S’agit-il d’un parent de Nicolas Taxil, successeur de Gassend à Digne et auteur de son éloge funèbre ?
13 Mss 747 à 751. Notons également les notes de cours (et les thèses) d’un jeune augustin aixois, Honoré Vacarot, en 1605, qui avait pour précepteur M.J. Janne (ms. 746).
14 Constitutiones & decreta [...] iussu Rmi. M. lo. Stephani Chizzolœ Cremonensis prio ris generalis & RR. diffinitorum publicatœ [...] Crémone 1593, p. 47. Sur l’importance de ce décret, B. Fanti-Maria Xiberta, De scriptoribus scolasticis sæculi XIV ex ordine Carmelitorum (Bibl. RHE # 6), Louvain 1931 (reprend ses articles de 1917-1929 dans Anal. Ord. Carm.) ; du même, « Le thomisme de l’école carmélitaine », Mélanges Mandonnet, Paris 1930, t. 1, pp. 440-448.
15 G. Wessels, Acta Capit. Gener. fasc. 1, pp. 155 (chapitre de 1416), 535 (chapitre de 1575).
16 Voir celles de Jean Soret (1466), celles de 1586, où Thomas Netter (Valdensis) est adjoint à Jean Bacon et Michel de Bologne.
17 Acta Capit. Gener. fasc. 2, pp. 26 et 183. Il est intéressant de noter que Jean Bacon retrouve la première place au chapitre de 1704 (ibid., p. 282), excepté pour la province de Castille pour laquelle il y a un décret spécial en 1722 (ibid., p. 325), dû probablement à l’importance des Carmes déchaux et de leur enseignement thomiste. Chez les déchaux, en effet, les Constitutions de 1581 avaient prescrit de suivre les auteurs de l’Ordre, mais la direction doctrinale semble avoir été très tôt strictement thomiste, et les Constitutions de 1592 mentionnent saint Thomas. Les Constitutions de la Congrégation d’Espagne (1601), celles de la Congrégation d’Italie (1599, 1605, 1611, 1631) insistent sur le caractère thomiste de l’enseignement (références dans l’Anal. Ord. Carm. Disc. VII, 1932, p. 26 n. 21).
18 Nous l’appellerons Jean Bacon, selon la tradition parisienne, attestée dès le XVIe siècle : « Baconthorpius, quem Parisienses Bachonem appellant » Joh. Bale, Anglorum heliades, 1536.
19 Anal. Ord. Carm. III, pp. 111-115.
20 Excellentes notices sur lui dans Dict. of nat. biogr. (T.A. Archer) et dans The Catholic Encycl. (B. Zimmerman).
21 Quœstiones in quatuor libres sententiarum et quodlibetales. L’édition en 2 vol. Crémone 1618 a été reprise chez Gregg International 1961. Sur lui, le meilleur état ancien se trouve en tête de Joseph Zagaglia Cursus theologicus de Deo, t. 1, Ferrare 1671 (Proœmium) pp. 7-10 ; Ernest Renan, Averroës et l’Averroïsme, Paris 1861 (2ème. éd.) pp. 318-320 ; Alb. Stöckl, Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Mayence 1864-1866, t. 2, pp. 1044-1045 ; M. de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, Louvain 1925, t. 2, pp. 176, 205, 206, 219, 220, 279 ; B.F.-M. Xiberta, De Magistro Johanne Bachone, Rome 1929 ; Chrysogone du Saint Sacrement « Maître Baconthorp. Les sources. La doctrine. Les disciples. » Revue néoscolastique de philosophie 1932, pp. 341-365 ; M.C. Linenbrink, « The Universal and its Relation to the Phantasized Object according to John Baconthorpe », Modern Schoolman 42, 1964-1965, pp. 353-374.
22 Bibl. Angelica, Rome {R. 13, 65-72.
23 C’est aussi l’avis de L’Herminier, Prolegomena, et de Tournély, Compendium t. 1, art. 2, concl. 2 et 3.
24 P.A. Gauggi, Enchiridion theologicum [...], 1764.
25 Prolog. 1 Sent. dist. 1, q. 1.
26 Prolog. 1 Sent. dist. 6, q.6.
27 I Sent. dist. 29, q.6.
28 II Sent. dist. 1, q. 1.
29 II Sent. dist. 2, q.2, art. 2 et 3.
30 II Sent. dist. 3, q.2, art. 3.
31 De Veritate, q.8, art. 7.
32 II Sent., dist. 9, a. 3.
33 Ainsi sur la génération : « commentator ponit quod agentia generationum sunt calor in semine, et uirtus ista diuina, quam uocat formatiuam, quœ est quœdam uirtus non in semine, sed in principali generante, et assistens semini sicut Intelligentia in cœlo » (II Sent. dist. 15, q. 1, a. 2).
34 Histoire de la philosophie scolastique, t. 2, pp. 441-443.
35 In 11 Sent. dist. 21 ; texte cité par E. Renan, op. cit. p. 319, n.2 .
36 Dans son débat avec Pomponazzi sur l’immortalité de l’âme, pour montrer que son adversaire ne suit pas Averroës, mais Jean de Jandun, Nifo indique l’interprétation des « sectatores Averrois », Suger et Roger Bacon, Thomas Wilton et « Johannus Bacconitanus, meo iudicio cœterorum averroistarum princeps » (De immortalitate animœ, Venise, 1519).
37 « Sed subtilius rem expendamus nos, qui primis philosophiæ sacris initiati, in Averrois uerba iurare coacti sumus a Joanne Bacconio Anglo, carmelitano, averroistarum principe meritissimo, olim prœceptore nostro » (Amphitheatrum, Lyon, 1615, p. 17). Vanini mentionne encore Bacon dans le De admirandis Naturœ arcanis, p. 350. Il s’inspire d’ailleurs probablement ici de Joh. Pitsæus, Relationum historicarum de rebus anglicis, t. 1 Paris, 1619, pp. 451-454. Il n’a pas voulu faire croire qu’il avait eu Bacon pour précepteur, mais il faut entendre qu’il a étudié la philosophie chez des maîtres carmes ?
38 Zabarella, De rebus naturalibus, Francfort, 1617, p. 466.
39 Animaduersiones t. 3, p. 121,1. 11.
40 En particulier sur les universaux. Leur fondement, dit-il, n’est pas une composition de l’individu, il s’agit plutôt de la capacité de l’individu à être constitué par une pluralité de concepts (distinction qui n’est ni réelle, ni de raison, ni formelle, mais intentionnelle : nous retrouverons cette expression chez le P. Philibert Fezaye). La supposition (substance individuelle), distincte de la nature individuelle, est répliquée en distinguant un double moment dans le passage à l’acte de la substance créée : elle se constitue d’abord comme substance individuelle déterminée (nature), puis comme fermée en elle-même (suppôt et personne).
41 Fezaye p. 231, à rapprocher de Gassend Op. I 135, où l’on trouve Plutarque réellement plus utilisé que Diogène Laërce, qui est cité.
42 La philosophie de Gassendi, La Haye, 1971, p. 353.
43 Et il en calcule l’âge : 5 641 ans (p. 277) : on peut rapprocher des calculs de Gassend, Op. I 176-177.
44 Disputationes metaphysicœ XX, sect. 6, §26.
45 T. II, p. 511 §1188. Contre le point de vue de saint Thomas (Contra Gent. I, 89).
46 In I Sent., dist. 3, q. 5, §1. Il est suivi, dans la tradition carme, par Henricus a Sto. Ignatio, (Theologia, 1677, dist. 2, q. 2, a.2, resol. 1), et Irenæus a Sto. lacobo (= Jacques de Goasmoal Theologia de deo uno, 1661, cap. 1, sect. 1, §2). Notons, pour mémoire, que des théologiens du XVIIIe siècle admettaient que « Deum esse sit per se notum » (Tournély, q. 1, a.1 ; Berti, lib. 1, c. 1 ; Juvenin, t. 2, p. 2).
47 Jean-Chrysostome Magnen, né à Luxeuil dans le comté de Bourgogne. Études à Dole, puis voyage en Italie, devint professeur à Pavie pour la médecine, puis pour la philosophie. Médecin du comte de Fuensaldagne, nommé ambassadeur extraordinaire à la Cour de France (1660). On ignore l’époque de sa mort. On a de lui : Democritus reuiuiscens siue de atomis ; addita Democriti uita et philosophia (Pavie, 1646 ; Leyde, 1648 ; La Haye-Londres 1658, 1688) ; De tabaco exercitationes quatuordecim (Pavie, 1648 ; ibid. 1658 ; La Haye, 1658 ; Amsterdam, 1669) ; De manna liber singularis (Pavie, 1648 ; La Haye, 1658), ouvrage réimprimé plusieurs fois en Hollande à la suite du précédent. M. Grappin lui attribue De aere Ticinensi et un traité De uiribus imaginationis (Histoire abrégée du comté de Bourgogne p. 298 : notice de Weiss in Michaud, BU 26, 43-44). La notice de la NBG renvoie aussi à Baillet, Vie de Descartes t. 2, p. 379 (sur la confusion faite par Revius, Statera p. 243, entre Magnen et le P. Maignan) et à la Biographie médicale.
48 Système nouveau de la nature et de la communication des substances, aussi bien que de l’union qu’il y a entre l’âme et le corps (Gerhardt, Phil. Schr., t. 4, p. 479).
Auteur
Professor of History of Religions & Scientific Ideas in Modern Europe at the École Pratique des Hautes Études (Religions Sciences), Sorbonne, 45 rue des Écoles, 75005 Paris.
jrarmo[@]worldnet.fr
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mousikè et aretè
La musique et l’éthique de l’Antiquité à l’âge moderne
Florence Malhomme et Anne-Gabrielle Wersinger (dir.)
2007
Unité de l’être et dialectique
L’idée de philosophie naturelle chez Giordano Bruno
Tristan Dagron
1999
Aux sources de l’esprit cartésien
L’axe La Ramée-Descartes : De la Dialectique de 1555 aux Regulae
André Robinet
1996