1 D. Sedley, The Midwife of Platonism, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 5.
2 D. Sedley, The Midwife of Platonism, op. cit., p. 11.
3 Comme le reconnaît D. Sedley, The Midwife of Platonism, op. cit., p. 9.
4 F.M. Cornford, Plato’s Theory of Knowledge, London, Routledge and Kegan Paul, 1935 ; H.F. Cherniss, « The Philosophical Economy of the Theory of Ideas », American Journal of Philology, 57, 1936, p. 445-456. La lecture la plus convaincante pour dégager à partir du Théétète une solution qui tienne compte des enseignements des dialogues de la maturité comme de la dernière période de Platon est celle proposée par N. Cooper, « Plato’s Theaetetus Reappraised », Apeiron, 33, 1, 2000, p. 25-52.
5 Selon l’épistémologie de la République, il s’agit ainsi de définir le domaine couvert par la connaissance scientifique.
6 Sur le fait qu’une telle Forme ait pu être envisagée à un certain moment de la réflexion platonicienne, voir Phèdre, 248 e, et notre rapide discussion de Parménide 134 b-c, p. 195, n. 1.
7 Par exemple, Gorgias, 464 a 1, Hippias Majeur, 287 c-d, Protagoras, 330 c 1, 332 a 4, Phédon, 64 c 2, 74 a 9-12, République, V, 477 c, IX, 583 c 5, 584 d 3, Sophiste, 246 e-247 b.
8 Comme il convient d’ailleurs dans une œuvre dont un des aspects est, comme Sedley l’a bien montré, de discuter l’héritage de Socrate.
9 Par exemple Eutyphron, 9 e-11 a, Phédon, 76 b 5, Phèdre, 245 c-246 a, République, VII, 534 b-c, Sophiste, 218 c, Politique, 285 d-286 a, Philèbe, 62 a-b, Lois, X, 895 d, Lettre VII, 342 b. À noter qu’en 175 c, le Théétète lui-même fait de la capacité de διδόναι λόγον (à propos de la justice et de l’injustice en elles-mêmes) la caractéristique du vrai philosophe, qui le distingue de tous les chicaniers à l’âme étroite.
10 Par exemple, Ion, 531 e-532 a ; République, V, 472 c, 475 e-476 a ; Théétète, 175 c, 176 e, 186 b. Ce principe de connaissance des contraires s’oppose au principe ontologique de causalité, d’après lequel seul le semblable cause le semblable. Sur ce dernier principe, voir D. Sedley, « Platonic Causes », Phronesis, 43, 2, 1998, p. 114-132, notamment les p. 116-119.
11 Cela ne veut pas dire qu’en certains cas, la participation (pleine et entière, ou du moins la plus complète possible) à une Forme, n’implique pas la connaissance de cette Forme (par exemple, la Justice : voir p. 194, n. 1).
12 Par exemple, République, VI, 511 d-e, Sophiste, 248 c-e. Nous nous permettons de renvoyer sur ce point à F. Teisserenc, « Puissance, activité, passivité dans le Sophiste de Platon », Philosophie, 96, 2007, p. 25-45.
13 Participer à une Forme ne revient pas à connaître cette Forme. La connaître suppose une participation en la science de cette Forme. Mais dans ce cas, il serait possible, par exemple, d’être juste sans savoir ce qu’est la justice, et en ignorant que l’on est juste. Or le philosophe, qui est l’être véritablement juste, l’est précisément parce qu’il connaît l’essence de la justice et tire de ce savoir de quoi prescrire l’action juste (Rép., IV, 443 e).
14 Un paradoxe voisin est énoncé dans la première partie du Parménide. En postulant explicitement une Forme de la science (134 b 6-7), et en l’opposant à la science en nous, Parménide exclut que nous accédions à la connaissance des Formes, et réciproquement, il exclut que le dieu, participant à la science en soi, accède à la connaissance des choses humaines. Toutefois, ce résultat est obtenu au prix d’une coupure radicale entre les deux modes d’être, de telle sorte que l’un ne doit rien de sa puissance (dunamis) à l’autre (133 d 5). Or la difficulté que nous évoquons ici, sans postuler explicitement une telle scission, mais en soulignant le rapport paradigmatique de l’un à l’autre, arrive à la même conclusion : la science en nous, dépourvue de la stabilité et de l’exactitude (cf. Parménide, 134 c 7) de l’en soi, se confond dès lors avec l’opinion droite.
15 Par contraste, on notera que Théodore n’a pas cette mémoire requise, puisqu’il ne se souvient pas du nom du père de son élève. Curieuse négligence pour un maître ; à moins que ce ne soit une façon de signaler qu’il en a occupé pleinement la place, d’autant que de ce père inconnu de lui, il sait au moins qu’il est mort – comme quoi il est possible de formuler un jugement à propos de quelqu’un qu’on ignore, cf. Ménon, 71 b 4-7, 76 b 4-5.
16 À moins qu’il ne faille prendre la remarque de Socrate cum grano salis : ami de Protagoras, Théodore partageait peut-être avec lui une conception physicienne des mathématiques. Voir M. Narcy, Platon : Théétète, traduction inédite, introduction et notes par M. Narcy, Paris, GF-Flammarion, 19952, p. 30-68.
17 Démarche similaire dans le Charmide, où le personnage éponyme est loué pour sa sagesse. Voici comment imagine de procéder Socrate, en s’adressant à son jeune interlocuteur : « il est clair que si tu possèdes la sagesse, tu dois t’en faire une certaine conception. Il est impossible qu’elle réside réellement en toi sans que tu aies sensation de sa présence et sans que cette sensation fasse naître en ton esprit une opinion sur ce qu’elle est et sur son véritable caractère » (158 e 7-159 a 3). Plus loin : « il faut que tu recommences de t’examiner avec plus d’attention encore, et quand tu auras découvert l’effet que produit sur toi la présence de la sagesse, quand tu auras discerné le caractère qui lui permet de produire cet effet, alors, tout bien considéré, dis-moi exactement et courageusement ce que tu crois qu’elle est » (160 d 5-e 1).
18 Voir également Protagoras, 332b, Hippias Majeur, 287c-d, 289d. Démarche également voisine dans la République, où Socrate redéfinit la justice comme un état interne de l’âme (son harmonie), responsable de sa conduite juste. Il a paru à beaucoup qu’il était impossible de retrouver à partir de cette redéfinition de la justice le concept habituel de justice comme ce qui est dû à autrui. En conséquence, quand Socrate s’est engagé à démontrer au livre II qu’une vie juste l’emporte sur une vie injuste, il ne réussirait son pari qu’en changeant son sujet.
19 F.M. Cornford, Plato’s Theory, op. cit., p. 113 ; J. Ackrill, « Plato on False Belief : Theaetetus 187-200 », The Monist 50, 1966, p. 383-402 : p. 385 ; J. McDowell, Plato Theatetetus, Oxford, Clarendon Press, 1973, p. 195 ; M. Burnyeat, Introduction au Théétète de Platon, trad. M. Narcy, Paris, P.U.F., 1998, p. 100 et 103.
20 Exemple de M. Burnyeat (Introduction, op. cit, p. 105). D. Sedley rapporte le début d’un discours de Mussolini : « Le philosophe grec Anaxagore, pardonnez mon érudition, a dit que l’homme était la mesure de toutes choses, … » (The Midwife of Platonism, op. cit., p. 121).
21 D. Sedley propose ici d’affaiblir la portée de l’axiome pour le rendre plus convenable (The Midwife of Platonism, op. cit., p. 122-123). Il impliquerait selon lui trois propositions connexes : 1) connaître quelque chose ou quelqu’un serait connaître ce qu’il est, ou qui il est ; 2) ce serait aussi être en mesure de le distinguer de n’importe quelle autre chose ou être ; 3) la condition précédente est une condition nécessaire de toute connaissance. Pour notre part, nous estimons que ces trois propositions sont difficiles à dénicher dans le texte, contrairement à notre suggestion, qui ne fait que s’appuyer sur l’équivalence clairement affirmée par la deuxième hypothèse entre savoir et croire.
22 Cette analyse rejoint en partie celle de T. Chappell (Reading Plato’s Theaetetus, Indianapolis – Cambridge, Hackett, 2004, p. 161-162), en cela du moins qu’elle peut être aussi comprise comme un critique d’une conception purement empiriste de la connaissance, limitée à l’emploi d’images ou d’impressions intérieures.
23 Nous venons d’introduire le cas d’un Théétète dont on penserait qu’il est laid, alors qu’il est beau. Il convient ici de se méfier de la tendance des traducteurs à rendre en 190 c 5-6 une construction directe : « personne, jugeant et disant les deux et les touchant au moyen de son âme, ne dira ni ne jugera l’un des deux comme étant l’autre », par une construction plus indirecte et plus référentielle : « sur l’un et l’autre tenant discours et jugeant » (Diès, et pour des formulations similaires, Robin et Narcy).
24 Approche voisine de celle de J. Ackrill (« Plato on False Belief », art. cit., p. 388-389). D. Bostock (Plato’s Theaetetus, Oxford, Clarendon Press, 1988, p. 174) adopte une autre stratégie (voir aussi D. Sedley, The Midwife of Platonism, op. cit., p. 131). Il fait reposer l’interprétation socratique de l’ἀλλοδοξία (correspondant à ses yeux à des erreurs de prédication) sur le passage d’une description de dicto [ « il dit que Théétète est laid »] à une description de re [ « c’est un être beau (Théétète) qu’il dit être laid »], à son tour reformulée illicitement en termes de dicto [ « il se dit à lui-même que le beau est laid »], résultat absurde, invalidant la possibilité même de l’erreur. Mais cette reconstruction ne s’accorde guère aux exemples cités qui, nous l’avons vu, n’accréditent pas l’idée qu’un jugement de type prédicatif soit ici à l’œuvre. Qui plus est, la contradiction et l’impossibilité ne surgissent dans la dernière reformulation de dicto qu’à la condition de basculer d’un jugement prédicatif (le sujet mentionnant un individu, le prédicat une propriété générale) à un jugement d’identité [car il n’y aurait rien d’absurde à ce que l’âme se dise à elle-même que le beau (Alcibiade) s’est montré laid (dans sa conduite)]. Ce qui reconduit à la position que nous développons.
25 Cette interprétation d’un jugement portant sur des états internes de l’esprit et non sur les choses elles-mêmes (assez voisine, en un sens, de celle que soutient J. Ackrill, « Plato on False Belief », art. cit., p. 392-393 ; voir aussi M. Burnyeat, Introduction, op. cit., p. 132-133), est contestée par D. Bostock (Plato’s Theaetetus, op. cit., p. 179), au motif que Platon never really suggests that we think about the image and the impression themselves. Si de fait, on peut ne pas accorder que le jugement tel qu’il est décrit par Platon consisterait à rapporter une image perceptive et une empreinte cognitive à un troisième objet comme le voudrait J. Ackrill (objet qui serait leur source commune), il est pourtant incontestable que le travail de la pensée consiste bien à trouver l’empreinte qui correspond à la sensation, de façon à les associer correctement. Cf. c’est à quoi « je m’efforce », 193 c 2 ; c’est la « pensée », διάνοια, qui harmonise bien ou mal marque et sensation, et qui ainsi se produit vraie ou fausse, 194 a 6-8 ; c’est le « jugement » lui-même (ἡ δόξα) qui assemble sceau et empreinte, entre quoi il « tourne et retourne », 194 b 3-6 ; et le « jugement » ne peut être faux quand il porte sur les nombres en tant que « souvenirs déposés dans la cire », 196 a 3.
26 Pour M. Burnyeat (Introduction, op. cit., p. 140) le modèle est écarté car il n’est pas suffisant pour définir le jugement faux, mais il contient néanmoins des éléments pertinents pour Platon lui-même (cf. aussi K.M. Sayre, Plato’s Analytic Method, Chicago, University of Chicago Press, 1969, p. 102-15 et 115). D. Sedley pour sa part (The Midwife of Platonism, op. cit., p. 139-140) juge que c’est à tire de candidat pour un modèle socratique, c’est-à-dire unifié, de la connaissance, qu’il est écarté, mais il doit trouver sa place dans un modèle platonicien, c’est-à-dire dualiste. Déjà de cet avis, F.M. Cornford, Plato’s Theory, op. cit., p. 129-130.
27 Nous nous permettons de renvoyer sur ce point à notre article : « L’empire du faux ou le plaisir de l’image, Philèbe 37 a-41 a », dans M. Dixsaut (dir.), La Fêlure du plaisir, Études sur le Philèbe de Platon, 1. Commentaires, Paris, Vrin, 1999, p. 267-297. Voir aussi S. Delcomminette, Le Philèbe de Platon, Introduction à l’agathologie platonicienne, Leiden-Boston, Brill, 2006, p. 362-383.
28 Voir D. Bostock, Plato’s Theaetetus, op. cit., p. 183-184. Voir aussi D. Sedley, The Midwife of Platonism, op. cit., p. 139, n. 25.
29 Le même exemple est pris par E. Kant (Critique de la raison pure, Introduction, V ; AK, III, 37) pour illustrer le jugement synthétique par opposition au jugement analytique. L’énoncé « 5+7 » est une règle ou un programme de construction d’un objet dans l’intuition, et non la définition de cet objet. On peut examiner tous les éléments compris dans cet énoncé (le 5, le 7, l’addition), on ne trouve jamais qu’y soit inclus le nombre 12 ; celui-ci est un produit engendré par l’addition, il ne préexiste pas à l’opération que prescrit l’énoncé. Par conséquent, il serait abusif de décrire l’erreur comme une confusion entre 11 et 12. Quand il y a erreur, 12 n’est jamais donné à l’esprit du calculateur, que ce soit sous forme de sensation ou de marque mnésique. Autrement dit, 12 est le concept que nous utilisons pour décrire de l’extérieur son erreur et pour déterminer à quoi doit aboutir en réalité l’opération qu’effectue celui qui se trompe ; c’est donc un terme de re, pour dire la chose dont parle le calculateur, telle qu’elle est, et non un terme de dicto, pour dire comment le calculateur lui-même la dit.
30 On peut noter en passant qu’il y a là un indice que cette description est clairement située en dehors d’une perspective platonicienne : l’éducation selon Platon ne consiste pas à mettre une connaissance dans une âme où il n’y en avait aucune auparavant (voir Rép., 518 b-c, cf. Banquet, 175 d), à se saisir donc d’une colombe (en son âme) pour la placer dans la cage vide de l’âme enseignée.
31 D. Sedley (The Midwife of Platonism, op. cit., p. 146) comprend comme s’il y avait écrit τῇ αὐτοῦ ἐπιστήμῃ : Socrate soutiendrait que c’est l’activation de la science du 11 qui aboutit à une erreur à propos du 11, sa confusion avec 12 ; M. Burnyeat (Introduction, op. cit., p. 157) est du même avis. D. Bostock (Plato’s Theaetetus, op. cit., p. 189) et F.M. Cornford (Plato’s Theory of Knowledge, op. cit., p. 136-138), qui comprennent identiquement, sont obligés dès lors de souligner la faiblesse de l’argument : la science du 11 serait au mieux l’occasion de l’erreur, non sa cause. En revanche, M. Narcy est sensible à l’ambiguïté de l’expression (Platon, Théétète, op. cit., n. 408, p. 364).
32 Contrairement à ce qu’imagine M. Burnyeat (Introduction, op. cit., p. 153-155), pour qui une troisième voie d’accès à un objet (en sus de la perception et de la connaissance), consistant à y penser sans le savoir, serait empruntée par celui qui se demande ce que font 7+5. Mais cette interprétation ingénieuse s’accorde mal avec certains aspects du texte. D’abord, le rapport de cette troisième voie avec la connaissance simplement possédée (et non exercée) de l’objet (12) n’est pas très clair dans le cadre de cette hypothèse. Ensuite, le fait de prendre un oiseau, même en réponse à une question posée, n’est pas la même chose que prononcer un jugement, d’autant que cette saisie est une science exercée, qui par conséquent ne doit rien contenir de faux par rapport au contenu manifesté. Enfin, pourquoi, s’il existe une telle pensée inconsciente à l’œuvre dans la question posée, échoue-t-elle à capturer la connaissance adéquate, à activer la connaissance du 12 ? Ou inversement, pourquoi celui qui a posé une telle question en vient-il à se saisir du 11 ? On est tenté de répondre : parce qu’il a déjà jugé que 7+5 = 11, ce qui revient à présupposer le point à expliquer.
33 Ainsi F.M. Cornford (Plato’s Theory of Knowledge, op. cit., p. 138) et D. Bostock (Plato’s Theaetetus, op. cit., p. 192), à qui l’on peut objecter, comme le fait J. McDowell (Plato Theaetetus, op. cit., p. 225), qu’introduire l’opinion fausse pour expliquer l’opinion fausse est une pétition de principe. La suggestion de M. Burnyeat (Introduction, op. cit., p. 159), que les morceaux d’ignorance seraient des jugements vrais (sans savoir) est également contestable. En effet, si un ou des jugements vrais à propos d’un objet sont la condition nécessaire pour former d’autres jugements à son sujet, dont des jugements faux, ce n’est pas la condition suffisante de ces derniers : parmi les autres jugements peuvent aussi figurer à l’évidence d’autres jugements vrais. Attraper de tels jugements ne conduit pas nécessairement à l’erreur.
34 D. Bostock, Plato’s Theaetetus, op. cit., p. 237-240.
35 L’aptitude à référer dépendant davantage d’un contact causal avec cette chose, qui forme l’aspect sous lequel nous pensons à elle, idée qui peut s’élargir à une théorie causale des noms propres. Voir G. Evans, « The Causal Theory of Names », Proceedings of the Aristotelian Society, Supplementary Volume 47, 1973, p. 187-208 ; et S.A. Kripke, La Logique des noms propres, trad. fr. P. Jacob et F. Recanati, Paris, Minuit, 1982.
36 F.M. Cornford, Plato’s Theory of Knowledge, op. cit., p. 162. Les aspects individualisants de la chose sensible peuvent être ôtés, sans qu’elle ne cesse de demeurer elle-même (le soleil pourrait ne plus tourner au tour de la terre, ou ne plus être l’astre le plus brillant…). Voir Aristote, Métaphysique, Z, 15.
37 Sur la signification controversée de ce passage, qui souligne l’importance dans tous les cas du logos pour rendre compte des êtres, même si pour certains d’entre eux est admise la possibilité de montrer une image et de s’en satisfaire, nous nous permettons de renvoyer à notre ouvrage, Langage et image dans l’œuvre de Platon, Paris, Vrin, 2010, p. 167-183.
38 Voir D. Bostock, Plato’s Theaetetus, op. cit., p. 237-240.
39 Voir G. Fine, « Knowledge and logos in the Theaetetus », Philosophical Review 88, 1979, p. 366-397 : p. 394-397
40 Contrairement à ce que prétend D. Bostock (Plato’s Theaetetus, op. cit. p. 249), récusant ainsi l’interprétation de G. Fine (« Knowledge and logos », art. cit.), cette méthode n’est pas tardive, ni nécessairement hors de l’horizon de ce à quoi pouvait penser l’auteur du Théétète, puisqu’on la trouve déjà mentionnée dans le Cratyle, avec une insistance particulière sur la différence essentielle que doit indiquer le nom aidé du logos (voir Cratyle, 388 b-390 d et notre ouvrage, Langage et image, op. cit., p. 34-43).
41 Dans le Charmide, Socrate doute précisément du fait qu’existe une telle science de la science, précisément parce que la relation que noue la science à son objet est une relation πρὸϛ ἄλλο, laquelle ne peut se retourner sur elle-même pour devenir πρὸϛ ἑαυτό (168 c-e).
42 Quand Platon décrit cette méthode dans les dialogues susdits, il ne s’intéresse pas directement au statut ontologique des objets de la dialectique, précisément parce que cette question se trouve en fait subordonnée à celle de la méthode, qui le concerne au premier chef.
43 Il permet de résoudre aussi la difficulté que pose ce passage du Ménon (98 a 6-b 5) dans lequel Socrate déclare savoir qu’il y a une différence entre l’opinion droite et la science, mais seulement conjecturer (εἰκάζειν) ce par quoi elles se séparent, le calcul de la cause. Ce calcul de la cause s’applique à l’évidence aux objets dont il y a science, il peut donc être crédité comme le fait directeur de la science, mais l’établissement de la différence entre science et opinion droite ne procède pas à son tour d’un calcul de la cause, il est simplement ce que devine Socrate faisant retour sur la démarche de la science. En somme, pour le Ménon, connaître de façon réflexive, c’est-à-dire connaître la différence de la science d’avec l’opinion droite, c’est conjecturer, connaître de façon transitive, c’est-à-dire connaître les objets de la science, c’est faire usage d’un calcul de la cause. Cette distinction entre niveaux de connaissance, et cette limitation du champ d’application de l’αἰτίαϛ λογισμόϛ, permettent de sauver les propositions de Socrate de la contradiction, bien mise en évidence par D. Sedley (The Midwife of Platonism, op. cit., p. 177). Sur le rapport entre ce passage du Ménon et la fin du Théétète, voir la contribution de D. El Murr dans ce même volume.
44 En République, V, 477 c 1, Socrate isole un genre des êtres (γένοϛ τι τῶν ὄντων), celui des δυνάμειϛ. À la différence de certaines propriétés, comme la couleur ou la forme, dont la considération suffit à faire distinguer les choses qui les possèdent, les puissances doivent être examinées relativement à leur objet et à leur effet (βλέπω ἐφ ’ᾦ τε ἔστι καὶ ὅ ἀπεργάζεται).
45 République, IV, 438 b-d fait figurer l’ἐπιστήμη dans la liste des réalités qui sont ce qu’elles sont d’une autre chose (comme le double est le double de la moitié) ou relativement à une autre (plus grand relativement à plus petit). Voir aussi Charmide, 168 d, Sophiste, 255 c-d.
46 Exemple intéressant en ce qu’il semble illustrer le processus de division recommandé par le Sophiste, une dichotomie accordée aux Formes. Mais la classe des nombres rectangulaires n’intègre les nombres premiers qu’à la condition de considérer que le rectangle qui leur correspond a pour côté une longueur égale à eux-mêmes, et la largeur égale à l’unité, laquelle toutefois n’était pas considérée comme un nombre par les Grecs. À notre connaissance, aucun commentateur ne relève ni ne résout cette difficulté.
47 Voir M. Narcy, Platon : Théétète, op. cit., p. 58-62 et n. 48 p. 311.