1 Je modifie la traduction de unerring par « infaillible » donnée par M. Narcy (M. Burnyeat, Introduction au Théétète de Platon, Collection du Collège international de philosophie, Paris, 1998, p. 308-309 ; The Theaetetus of Plato, Cambridge [Indiana] 1990, p. 238) ; la raison est donnée dans la note 1de la page 134.
2 Celle de Ch. Rowe (voir, dans ce volume, « La fin du Théétète ») avec les interprétations de F.M. Cornford (Plato’s Theory of Knowledge, London, Kegan Paul, 1935) et D. Sedley (The Midwife of Platonism : Text and Subtext in Plato’s Theaetetus, Oxford, Clarendon Press, 2004) en est un bon exemple.
3 Rowe reprend dans son article (voir la note précédente) les arguments des chapitres 6 et 8 de son livre, Plato and the Art of Philosophical Writing, Cambridge, Cambridge University Press, 2007. Je n’en avais pas encore pris connaissance lorsque j’ai rédigé la première version de ce texte (« Logos et doxa », paru dans Platone. La teoria del sogno nel Teeteto. Atti del Convegno Internazionale [Palermo 2008], a cura di G. Mazzara-V. Napoli, Accademia Verlag, Sankt Augustin 2010, p. 119-134), et sa lecture m’a incitée à préciser les raisons de mon désaccord.
4 Le texte est signalé par G. Giannantoni comme se référant à Antisthène : SSR v A 150. Voir A. Brancacci, Antisthène, Le Discours propre, trad. S. Aubert, Paris, Vrin, 2005, p. 107 pour les deux premiers points et p. 116-117 pour le troisième.
5 La violence du personnage interdit de voir en cet amateur de spectacle un « non-philosophe » : le rejet des réalités en soi est au contraire théorisé, c’est une position « socratique », pas une simple incompréhension. J’avais expliqué plus longuement ce point dans « Logos et doxa » (cité supra).
6 C’est ce que Burnyeat nomme l’usage « inoffensif » d’anamartèton (« Socrate et le jury : de quelques aspects paradoxaux de la distinction platonicienne entre connaissance et opinion vraie », dans Les Paradoxes de la connaissance, Essais sur le Ménon de Platon, éd. M. Canto-Sperber, Paris, Odile Jacob, 1991, p. 253, n. 2).
7 Selon Rowe, elle ne vaudrait pas pour les opinions soutenues par un philosophe. Mais un philosophe ne soutient pas d’opinions, il les soumet à examen ou ce n’est pas un philosophe.
8 En lisant Oὐκοῦν (T) ἄρα οὐκ ὄντωϛ (β TW) ἐστὶν ὄντωϛ ἤν λέγομεν. Pour ma discussion de cette phrase voir « La dernière définition du sophiste » dans Platon et la question de la pensée, Études platoniciennes 1, Paris, Vrin, 2000, p. 291-292, n. 2. Le passage du livre V annonce l’ontologie de l’image (cf. 476 d : l’opinion enferme l’homme dans un rêve) développée aux livres VI et VII, ainsi que le thème de l’obscurité et de la clarté (478 c) qui en est inséparable ; il tourne aussi autour de difficultés qui seront examinées et résolues dans le Sophiste.
9 L’aporie est soulevée en Théét., 201 e – 206 b et reprise par Aristote en Métaphysique H 3, 1043 b 28-32.
10 Cela a été fait au livre V, comme le marquent clairement les expressions ἐφ’ οἶϛ γνωσίϛ ἐστιν […] ἐφ’ οἶϛ δόξα employées en conclusion (480 a 1).
11 J’ai analysé ces textes dans « Qu’appelle-t-on penser ? Du dialogue intérieur de l’âme selon Platon », Platon et la question de la pensée, op. cit., p. 47-70.
12 Le texte du Sophiste (261 e-262 d) où le plus petit logos est défini par cet entrelacement se situe aussi dans un contexte doxique : Λόγον δὴ πρῶτον καὶ δόξαν […] λάβωμεν (261 c 6-7).
13 Pour la position opposée, voir dans ce volume l’article de D. El Murr qui suit Sedley, p. 159, n. 1.
14 Théét., 210 e 3-4 ; outre le fait qu’il est thématisé en 197 a sq., le verbe ἔχειν est un leitmotiv du Dialogue.
15 Cf. Rép., IV, 412e10-413c3 : la perte d’une opinion vraie ne peut être qu’involontaire, car personne ne peut consentir à être privé de quelque chose de bon. Celui à qui cela arrive est victime d’un vol, s’il se laisse dissuader ou s’il oublie ; d’une violence, s’il change d’opinion sous l’effet d’une douleur ou d’un chagrin ; d’un sortilège, s’il est ensorcelé par un plaisir ou hanté par une crainte. Les faux arguments et le temps sont des voleurs, la douleur est plus forte que toute croyance vraie, le plaisir et la peur sont naturellement trompeurs. Il est peu probable que l’opinion vraie soit capable de résister à ces assauts, tant extérieurs qu’intérieurs, ce qui la rend aussi et même plus instable que l’opinion fausse.
16 J’ai développé à plusieurs reprises cette conception de la réminiscence, en particulier dans mon édition du Phédon (Paris, GF-Flammarion, 1991), p. 97-105, dans « Platon et ses deux mémoires », Mémoire et souvenir. Six Études sur Platon, Aristote, Hegel et Husserl, A. Brancacci et G. Gigliotti (dir.), Napoli, Bibliopolis, 2006, p. 13-45, et dans « Comment ne pas lire Platon : l’exemple de la réminiscence », dans « Lire les dialogues, mais lesquels et dans quel ordre ? Définitions du corpus et interprétations de Platon », A. Balansard et I. Koch (éd.), 2013. Mais ce n’est pas ici mon propos.
17 L’opinion vraie ne réapparaît qu’en conclusion (210 b 2).
18 L’interprétation de Rowe me semble en dernière analyse avoir pour fondement sa conviction que l’impuissance humaine ne peut pas faire mieux qu’accompagner de justification une opinion vraie, ce qui revient non seulement à méconnaître la fonction accordée par Platon aux sciences mathématiques, mais à nier la possibilité qu’existent ces exceptions que sont les naturels philosophes. Cette humilité l’honore, mais je ne crois pas possible de la prêter à Platon.
19 Pour cette fonction de la dianoia, voir P. Aubenque, « De l’égalité des segments intermédiaires dans la ligne de la République », dans Sophiès Maiètores, « Chercheurs de sagesse », Hommage à J. Pépin, sous la direction de M.-O. Goulet-Cazé, G. Madec et D. O’Brien, Paris, Études Augustiniennes, 1992, p. 37-44, voir p. 43. L’absence des sciences et du raisonnement mathématiques dans l’article de Rowe peut être tenue pour un véritable symptôme. Mais même Sedley attribue à la doxa ce qui, dans la République, est le propre de la dianoia, c’est-à-dire un rapport indirect possible avec les objets de la science à travers des choses particulières du monde sensible.
20 Mαθήματόϛ γε ἀεὶ ἐρῶσιν ὅ ἄν αὐτοῖϛ δηλοῖ ἐκείνηϛ τῆϛ οὐσίαϛ τῆϛ ἀεὶ οὔσηϛ (Rép., V, 485 b 1-2).
21 Le double sens de manthanô, apprendre ce qu’on ne savait pas (et qui peut être le résultat d’un enseignement), et comprendre (ce que l’âme ne peut faire que par elle-même), sert dans l’Euthydème (277 e-278 a) à montrer le ressor du sophisme dont l’examen sera l’objet du Ménon.