Forme symbolique et idée
La place de l’idéalisme platonicien dans la philosophie de Cassirer à l’époque de la philosophie des formes symboliques
p. 137-158
Texte intégral
1Celui qui s’interroge sur la place qu’occupe, dans le système philosophique de Cassirer, l’interprétation qu’il donne de la théorie platonicienne de l’Idée, s’aperçoit bien rapidement qu’elle est centrale et constitutive. L’Idée n’est pas pour lui un simple objet d’étude historique plus ou moins éloigné et plus ou moins digne d’intérêt ; elle est, dans son acception platonicienne telle qu’interprétée par Cassirer, le cœur vivant de la philosophie. Mais à cette première perspective s’en ajoute une seconde, de portée plus vaste encore, dans laquelle la philosophie découvre à l’esprit un sens lui aussi vivant dans les grandes élaborations culturelles de l’humanité, que Cassirer appelle des « formes symboliques ». Ainsi, interprété par Cassirer, l’idéalisme, attitude philosophique qui se comprend elle-même de la meilleure manière dans ses versions platonicienne et kantienne, serait la façon adéquate de rendre compte du travail de l’esprit, formellement unitaire – un dans son principe – et pluriel par les mondes de significations qu’il produit historiquement.
2A défaut de pouvoir démontrer pleinement une telle thèse, nous voudrions au moins la proposer avec quelques étayages et illustrations. Il nous faut pour cela commencer par préciser quelque peu le sens de la « forme symbolique » chez notre auteur.
I. Une brève caractérisation de la « forme symbolique »
3Lorsqu’il achève, en 1923, l’avant-propos du premier volume de La Philosophie des formes symboliques1, E. Cassirer écrit que « le point de vue fondamental sur lequel tout ce livre repose [est] la conviction que le langage, comme toutes les grandes fonctions de l’esprit, ne saurait trouver son élucidation philosophique qu’à l’intérieur d’un système d’ensemble de l’idéalisme philosophique2. » Chez Cassirer, on le sait, l’idéalisme philosophique acquiert une extension beaucoup plus large que dans son acception ordinaire. Si, au sens habituel et plus étroit, l’idéalisme désigne une manière ordonnée de traiter les questions internes à la philosophie, au sens cassirérien il désigne la manière philosophiquement la plus adéquate de considérer les Formwelten, les « mondes de la forme », modalités de la culture, que sont les formes symboliques en général. En anticipant sur le rappel d’une définition que Cassirer donne de la forme symbolique, nous pourrions dire que son idéalisme généralisé est une manière unitaire de caractériser philosophiquement la diversité des rapports des cultures aux données sensibles. La marque idéaliste de la méthode n’apparaît pas seulement dans la thèse selon laquelle la donnée sensible est d’emblée intégrée à un réseau de relations signifiantes, et seulement ainsi reconnue, mais aussi dans la thèse selon laquelle les formes symboliques manifestent progressivement l’autonomie de l’esprit :
Les différentes productions de la culture – langage, connaissance scientifique, mythe, art, religion – s’insèrent, en dépit de leur diversité interne, dans une seule problématique générale et apparaissent comme autant de tentatives pour transformer le monde passif de la simple impression, où l’esprit semble d’abord enfermé, en un monde de pure expression de l’esprit3.
4Celui-ci, pourrions-nous dire dans un langage plus hégélianisant, bien que libre originairement, ne se sait tel et ne se manifeste tel à ses propres yeux qu’au fil de l’histoire de ses productions. La Philosophie des formes symboliques consiste donc à considérer de manière très générale la productivité ou, pour utiliser une forte expression de Cassirer, la « prégnance symbolique »4 des « fonctions de l’esprit » en s’interdisant de supposer que, pour être expliqués, leurs produits doivent être précédés par la positivité ontique. C’est tout à l’inverse le mouvement centrifuge partant de l’esprit qui seul pourra statuer sur la réalité ontique et ses déterminations. Comme il ne se lassera plus de le dire, en se référant aux termes de son ouvrage de 19105, l’« objet » ne sera jamais envisagé comme « forme substantielle » (forma substantialis) mais comme « forme fonctionnelle » (Funktionsform) et la « richesse de l’être » (Reichtum des Seins) ne se déploiera qu’à partir de la « richesse du sens » (Reichtum des Sinns)6. Celle-ci, la « richesse du sens », forme certes à chaque fois, pour chaque forme symbolique, un « univers de significations » distinct, mais la texture des significations, prise comme telle et formellement, serait la notion commune aux divers systèmes symboliques. La pensée selon laquelle la signification précède l’être, marque fondamentale du sens même de l’institution philosophique pour Cassirer, serait la notion par laquelle celle-ci peut penser le trait commun de toutes les œuvres de la culture.
5Ainsi, si dans ses lignes générales, l’idéalisme de Cassirer prolonge celui des maîtres précédents de Marbourg, il prend ses couleurs propres, d’une part en se faisant théorie philosophique de la culture (aspect par lequel Cassirer est porteur d’un héritage caractéristique du xixe siècle de Hegel à Dilthey) et, d’autre part, en articulant cette théorie de la culture sur le questionnement métaphysique.
Kant n’a pas connu ni pu présupposer sous sa forme actuelle le « factum des sciences de l’esprit » tel que nous l’examinons aujourd’hui. Celui-ci ne s’est constitué qu’au cours du dix-neuvième siècle et n’a pris conscience que petit à petit de sa propre problématique philosophique. C’est à ce niveau que la « philosophie des formes symboliques » cherche à intervenir. Ce n’est pas non plus l’Être absolu qu’elle interroge mais la connaissance de l’Être : l’ontologie dogmatique sera là aussi abandonnée et devra faire place à la tâche plus modeste d’une analytique. Cette dernière cependant n’est plus seulement appliquée à l’« entendement », aux conditions du savoir pur. Elle veut embrasser dans son entier la sphère de la « compréhension du monde » et découvrir les diverses puissances, les forces spirituelles fondamentales qui sont à l’œuvre ensemble en elle7.
6Le travail que Kant et le néokantisme avaient réalisé pour la philosophie de la nature, il fallait encore le réaliser pour la philosophie de l’esprit, ce que Cassirer appelle, dans l’avant-propos général de la Philosophie des formes symboliques, « le domaine de la subjectivité pure », laquelle « se montre à l’œuvre partout où, en général, la totalité du phénomène est placée sous un certain point de vue et est configurée par celui-ci »8.
7Ladite « révolution copernicienne » qui met au centre de la recherche philosophique l’œuvre du moi ou de la conscience ou de la subjectivité, autant de termes que l’on trouve sous la plume de Cassirer, prise maintenant comme perspective la plus générale pour la totalité des domaines du sensé, exige que l’on mette la productivité de l’esprit au centre et ceci partout où il y a de l’humain. L’homme, dans l’un des derniers grands livres de Cassirer, An Essay on Man, sera de préférence désigné comme animal symbolicum, désignation plus large que sa définition traditionnelle d’animal rationale, laquelle définition aurait le double défaut de prendre la partie pour le tout (pars pro toto) et surtout de surimposer à la considération de l’humanité effective un « impératif moral fondamental »9.
8La généralité acquise ainsi par la notion de forme symbolique qui, pour reprendre les types le plus souvent cités par Cassirer, couvre le langage, le mythe et la religion, l’art, et la science, lui a parfois été reprochée10. Notre propos ne saurait être ici de considérer ces critiques mais seulement d’examiner positivement le contenu conceptuel que Cassirer donne à l’expression. Dans ses réponses à Konrad Marc-Wogau, Cassirer rattache le concept de forme symbolique à ce qu’il nomme les concepts de relation et à la logique synthétique. Par opposition à « la logique analytique de l’identité pure », on trouve « au centre » de la logique synthétique « le problème de la liaison possible, de la relation et de la corrélation du divers11. » Bien que le « symbole » soit ouvert à la généralité – puisqu’il doit valoir comme notion commune à tous les systèmes symboliques considérés –, il demeure suffisamment déterminé en lui-même pour autant qu’on le prenne, formellement, pour le concept de la liaison entre termes divers. Ces termes peuvent certes varier, et nous en aurons quelques illustrations, mais la variété n’entame pas l’unité formelle de la notion qui, précisément, ne doit pas dépendre du contenu supposé des termes mis en relation mais seulement de la mise en relation elle-même. Ainsi, pour reprendre le couple de notions qu’examine Ernst Cassirer dans ce texte de 1938, la « matière » et la « forme » de la connaissance, le point de vue de la logique synthétique consiste à considérer qu’il n’y a pour la connaissance ni forme pure ni matière pure, termes qui pris isolément seraient comme des « choses » déposées dans la conscience, mais qu’il y a seulement le pouvoir de liaison de la conscience (qu’il y a dans le fond la conscience elle-même comme ce pouvoir de liaison) ; à partir de là le concept de forme symbolique, si l’on considère la généralité que lui donne Cassirer, est proche du concept de pouvoir originaire de liaison. Il n’y a nul autre absolu que celui-là. Il est le concept par lequel la philosophie réfléchit « l’unité double », une unité en elle-même différenciée et articulée (ἕν διαφερόμενον ἑαυτό12) qui met en relation divers termes de la conscience, lesquels n’apparaissent plus alors que relativement distincts et comme membres d’un certain système de relations entre significations. Le contenu des termes est fonction des rapports et non les rapports fonction de contenus « substantiels ». Enfin, ce « principe formel général » qui est lié à un « acte (Tat) originaire de l’esprit » ne concerne pas seulement la connaissance de la nature ou de l’histoire mais toute la fécondité des divers systèmes symboliques auxquels l’entreprise critique étendra sa réflexion afin d’enlever, par l’universalisation même de l’attitude qui la caractérise, toute ressource au réalisme naïf13.
9Afin d’examiner, même brièvement, les termes les plus généraux que la forme symbolique met originairement en relation, reportons-nous à quelques exemples parmi les définitions explicites qui en sont données. C’est en des termes presque identiques que Cassirer s’exprime en 1923 dans « Le concept de forme symbolique dans l’édification des sciences de l’esprit »14 ou en 1929 dans le troisième volume de la Philosophie des formes symboliques. Dans ce dernier ouvrage, Cassirer rappelle qu’il a donné une signification large du concept de symbole qui « cherchait à englober la totalité des phénomènes dans lesquels se présente d’une manière à chaque fois spécifique un remplissement par le sens de ce qui est sensible (« Sinnerfüllung » des Sinnlichen), des phénomènes dans lesquels quelque chose de sensible, selon le mode de son existence (Dasein) et son existence qualifiée (Sosein), se présente en même temps comme particularisation et comme concrétisation, comme manifestation et comme incarnation d’un sens »15.
10Nous voyons que prise à sa racine, à sa racine métaphysique pourrions-nous dire, la notion de forme symbolique a pour fonction de représenter le dépassement, originaire aux yeux de Cassirer, de la division arrêtée entre sensibilité et intelligibilité et, avec elle, comme on pourra s’en rendre compte ici, d’un certain nombre d’autres oppositions figées qui feraient système avec ce premier couple. En 1923, ce sera le lien entre le couple sensibilité / intelligibilité et le couple passivité / activité qui sera désigné par Cassirer :
Par « forme symbolique », il faut entendre toute énergie (Energie) de l’esprit par laquelle un contenu de signification spirituelle est lié à un signe sensible concret et intérieurement (innerlich) adapté à lui. En ce sens le langage, l’univers mythico-religieux et l’art se présentent chacun à nous comme une forme symbolique particulière. Tous en effet portent la marque d’un phénomène fondamental : notre conscience ne se satisfait pas de recevoir une impression de l’extérieur, mais elle lie chaque impression à une activité libre de l’expression et l’en imprègne. Un monde de signes et d’images qui se sont créés d’eux-mêmes fait face (gegenübertreten) à ce que nous appelons la réalité objective et s’affirme contre elle dans sa plénitude autonome et sa force originelle16.
11Si nous nous reportons enfin à un troisième exemple de définition de la forme symbolique, cette fois dans le contexte de la création artistique, nous apercevons toute l’ampleur des oppositions que cette notion devrait permettre de surmonter. Nous rencontrons en 1927 une expression très ramassée de toute la problématique transcendantale de Cassirer prise sur l’exemple du beau :
Le beau est essentiellement et nécessairement symbole, parce que et dans la mesure où il est divisé (gespalten) en lui-même, parce qu’il est toujours et partout un et double. Par cette division (Spaltung) qui est sienne, par cet attachement au sensible et ce dépassement (Hinausgehen) du sensible, c’est non seulement la tension (Spannung) traversant le monde de notre conscience qui trouve son expression, mais la polarité originaire et fondatrice de l’être lui-même qui s’y manifeste – c’est-à-dire de la dialectique qui se trouve entre le fini et l’infini, entre l’Idée absolue et sa présentation et incarnation dans le monde du singulier, de l’existant empirique17.
12Nous comprenons mieux à la lecture attentive de ce beau passage que le surmontement ne consiste aucunement à faire disparaître l’un des termes de ces oppositions au profit de l’autre, le concept de forme étant explicitement assumé comme concept ayant une « unité double », mais seulement à se libérer de la fixation à l’un d’entre eux ou à l’opposition figée entre eux. La philosophie des formes symboliques est une philosophie du mouvement, d’un mouvement originairement commencé non dans la forme, comme structure arrêtée de la conscience, mais dans la mise en forme, dans la formation, dans la configuration (Formung, Bilden et Bildung, Gestaltung), une dynamique entre pôles à la fois dépassés et conservés. La tension (Spannung) de la conscience est destinée à demeurer irrésolue même si, dans cette tension, un pôle domine et donne au mouvement son orientation. On pourrait voir en filigrane du texte que nous venons de citer les linéaments d’une philosophie de l’histoire et relever l’allusion au problème de la nature de la conscience, être en processus constant, être faisant l’épreuve du changement incessant, et cependant aussi « espace » où se forgent « une figure (Gebilde), une forme (Gestalt), un eidos qui doivent lutter pour être »18, expression qui fait invinciblement songer à la même énumération que l’on retrouvera en 1925, « l’idée en tant que Gestalt, que Form, qu’eidos », dans le contexte, nous le verrons aussi, de l’interprétation de la psychologie platonicienne.
13Mais il y a bien entendu autre chose encore. Nous constatons que dans l’idéalisme cassirérien, à la tension irrésolue de l’esprit, au pouvoir de liaison originaire de la subjectivité, répond la tension, la « polarité » dit Cassirer, de l’être lui-même, en soi originairement et fondamentalement « dialectique ». Nous nous trouvons dès lors de part et d’autre d’une même dynamique, sur les deux faces d’un mouvement transcendentalement identique, sur la ligne de crête vers laquelle convergent le déploiement de la conscience et le déploiement de l’être, ni l’une ni l’autre ne pouvant être considérés comme des réalités données mais seulement comme des « réalités » se faisant et au surplus comme des « réalités » se faisant corrélativement l’une avec l’autre19.
14La relation n’est pas seulement celle de la réciprocité de la pensée et de l’être, dont la découverte coïncide avec l’acte de naissance de l’idéalisme, c’est-à-dire pour Cassirer de la philosophie, mais la relation est aussi celle qui lie entre elles les déterminations qui font le sens de l’être. C’est, pourrions-nous dire, Parménide allé avec Platon, l’Éléate qui avait su mettre au jour la première de ces relations – de l’être et de la pensée – le second qui avait su la libérer de la logique analytique de l’identité, qui avait su démontrer que le logos est relation, que la logique est primairement logique synthétique, logique de la relation. Le propos pourrait paraître quelque peu simpliste. Le symbole, chez Cassirer, conçu comme une sorte de synthèse entre l’être de Parménide, penseur de l’identité transcendantale de l’être et de la pensée, et l’être de Platon, penseur des relations constitutives de l’être. Il semblerait simpliste s’il n’était documenté et fort précisément. Reportons-nous à la première partie de l’étude de 1938 déjà citée, partie intitulée : « Formes et conceptions fondamentales de la logique : logiques “analytique” et “synthétique”, logiques de l’“identité” et de la “relation”. » Le propos général de l’étude, on s’en souviendra, est de soutenir que le concept de symbole fait partie du groupe de concepts désignés comme concepts de relation et que ce caractère qui en fait, selon l’expression même de Cassirer, une « pensée double », ne l’arrache nullement à la sphère de la logique mais au contraire l’ancre au centre de celle-ci. L’étayage du passage d’un sens restreint de la logique à son sens plein coïncide dans ce texte avec le passage de la logique parménidienne de l’identité à la logique platonicienne de la relation. Parménide ouvre à l’idéalisme sa carrière en découvrant le rapport de « stricte identité »20 entre la pensée et l’être. Mais il la referme aussitôt en assimilant le connaissable et l’identité, en opposant comme deux puissances antithétiques l’unité et la multiplicité. C’est, tout au contraire, comme philosophe de la différence, comme « pluraliste résolu »21, comme penseur de la relativité de chaque position d’identité, que Platon est le fondateur de la science. L’Idée doit certes posséder une déterminité achevée ; cependant, elle ne la possède que grâce à ses relations déterminées aux autres Idées. L’Idée de l’Idée contient la différence. L’objet de la science n’est pas la réponse à la question « qu’est-ce qu’est X ? », mais « qu’est-ce qu’être ? » au sens de « que signifie être ? ». La question de la signification conditionne et précède la question de l’être. Dès lors, le moyen de la science se trouve dans l’exploration des relations entre Idées, de la « communauté des genres » et c’est dans le creuset des relations entre Idées que se forge la logique : « […] c’est en effet grâce à l’entrelacement réciproque des eidè que le logos est né pour nous22. »
15Par-delà l’examen « technique » de tel ou tel aspect de la philosophie de Platon, il nous semble que tout l’effort philosophique et scientifique de Cassirer est marqué par cette reconstitution du sens générique de la logique. Il cherche lui aussi un principe formel d’unité des mondes culturels mais qui, en son sens même, contienne la pluralité de leurs expressions. L’idée de la Forme contient, comme l’idée de l’Idée, la différence. D’une part, l’intérieur de chacun de ces mondes est pensé sur le modèle de la τών εἰδῶν συμπλοκή, c’est-à-dire sur le modèle du « cosmos des significations », pour reprendre une expression utilisée par Cassirer pour caractériser le véritable sens de la théorie platonicienne des Idées23. Il n’y a certes pas lieu de prétendre que le terme de « signification » recevra la même acception selon que l’on se trouvera dans le contexte du mythe, par exemple, ou dans celui de la connaissance. Il y a seulement lieu de soutenir une sorte d’analogie entre les « formes symboliques » : de même en effet que notre « concept scientifique de Nature » ne repose pas sur la dépendance de nos représentations vis-à-vis d’un « archétype (Urbild) absolu ou d’un objet transcendant » mais coïncide au contraire avec « la règle qui détermine l’ordre de succession » de ces mêmes représentations, de même pouvons-nous parler d’une « objectivité du mythe » dans le sens où, unissant à sa manière particulière les représentations qu’il contient, « il n’est pas le reflet (Abbild) d’une existence donnée », et au sens où « il est une manière particulière de construire (Bilden) qui permet à la conscience d’échapper et de s’opposer à la simple réceptivité des impressions sensibles24. » Il fallait un regard précédé par l’Idée, ou, si l’on peut dire, éclairé et formé par elle, – plus précisément, il fallait un regard exercé grâce au détour passant par Kant et par Platon – pour comprendre de cette manière l’unité des formes de la culture, s’il est vrai que l’Idée est un « point de vue qui permet d’appréhender et d’embrasser une multiplicité de contenus »25.
16Mais tout ceci, outre une certaine conception de ce qui fait l’unité spirituelle de chaque forme symbolique, engage une certaine conception du sens et du rôle de la philosophie. Nous venons de rencontrer la notion de « point de vue ». Elle est déterminante. Chaque forme symbolique, et pas seulement la connaissance, doit être interprétée comme une « forme de connexion (Form der Verknüpfung) » qui est une « synopsis […] qui constitue (konstituieren) son objet »26, donc une synopsis active, un mouvement qui va de l’ici au là-bas dans le domaine des représentations, qui va de la Präsentation à la Re-präsentation, ce que Cassirer rassemble sous la notion générique d’Hinweis, de « renvoi » ou de « référence »27.
17De façon analogue la philosophie est une vue dont l’objet multiple qu’elle rassemble est fait des matières symboliques particulières qu’elle rencontre mais qu’elle rassemble sous l’unité d’un concept simplement formel.
18La philosophie ne peut pas se contenter de fixer un de ces points de vue, aussi englobant qu’il puisse être, mais elle doit, dans la synopsis d’un degré plus élevé, embrasser tous les points de vue et chercher à les comprendre dans leur principe constitutif, car ce n’est que la totalité de ces principes qui constitue l’unité objective et la totalité objective de l’esprit. L’intention qui dirige une philosophie « critique », au sens rigoureux du terme, ne peut pas être de simplifier de manière schématique la richesse et la profusion qui se présentent ici dans les différentes orientations fondamentales de cette conscience culturelle, en cherchant à comprimer la conscience culturelle dans une forme générale – il nous faut au contraire saisir in concreto la manière particulière par laquelle, dans chaque domaine, le sensible devient le porteur (Träger) de ce qui est doté de sens (von Sinnhaftem), et chercher à déterminer d’une manière précise les lois fondamentales sous lesquelles se trouvent tous ces différents processus de formation (Prozesse der Formung)28.
19Nous voyons ainsi qu’une sorte d’architecture générale se dessine, qui rassemble la question métaphysique de l’intelligibilité du sensible et la question des réalisations multiples, entre elles irréductibles, du « principe originaire de donation de forme (ursprüngliches Prinzip der Formgebung) »29. Nous voyons qu’au-delà de l’espèce particulière d’unité que chaque forme symbolique donne au sensible, la philosophie vise à remonter jusqu’au principe qui permette de réfléchir les relations entre les formations de la culture. Mais pour éviter que la philosophie se comporte comme un tyran sur des territoires qu’elle aurait conquis, pour éviter qu’elle veuille « marquer de son empreinte propre la totalité de l’être et l’ensemble de la vie spirituelle »30, nous comprenons aussi qu’il faut que l’unité soit pensée comme unité simplement formelle, qu’il faut ne concevoir la totalité de l’esprit que comme une Idée pour la conduite de l’investigation, et ne comprendre le « rapport […] entre les domaines singuliers » que comme un « rapport idéal »31.
II. L’interprétation cassirérienne de l’idée platonicienne
20Nous voudrions maintenant montrer, ou tout au moins illustrer, la manière dont Cassirer, cette fois lecteur et historien de la philosophie grecque, estime trouver dans celle-ci le « principe formel » par lequel, lui, caractérise les œuvres de l’esprit, philosophiques ou non.
21« L’histoire de la philosophie grecque des origines à Platon » que Cassirer publie en 1925 commence en ces termes :
La valeur pérenne et l’attrait incomparable de la philosophie grecque se fondent pour une bonne part sur le fait qu’ici la forme (Form) de la pensée ne saisit pas le contenu comme un contenu simplement externe mais que, dans la mesure où elle lui donne forme (gestalten), elle le découvre aussi avant tout dans cette mise en forme (Gestaltung). La déterminité du contenu de la pensée ne précède pas ici la considération pensante, comme s’il s’agissait d’une déterminité donnée, mais elle n’est conquise et assurée qu’en vertu de cette considération32.
22Nous nous sommes déjà arrêté à la question de la situation de la philosophie vis-à-vis des formes symboliques, vis-à-vis des grandes familles de formes symboliques distinguées par E. Cassirer, le langage, le mythe et la religion, l’art, la science. Nous avons compris que la philosophie ne saurait être une forme symbolique, ou du moins pas une forme symbolique de même ordre que les autres, mais qu’elle est cette discipline de la pensée qui, tout d’abord, est capable de faire ressortir la forme symbolique en tant que telle dans ses caractères essentiels et, ensuite, d’étudier les déterminations spécifiques à chacune d’entre elles33. Il y a lieu de s’interroger plus précisément sur la nature du lien entre la philosophie et la forme symbolique. Si nous créditons la philosophie de Cassirer, comme il faut le faire, d’une parfaite cohérence – si nous estimons donc que cette philosophie doit être en accord avec les principes qu’elle enseigne à propos de ses objets d’étude –, nous devons alors supposer que ce lien ne peut être celui, externe, contingent et passif de la réceptivité – comme si donc la Philosophie des formes symboliques se limitait à recueillir un certain nombre d’héritages historiques, à les rassembler par types et à leur trouver un ordre intérieur. Nous devons supposer que, pour accomplir son œuvre, celle de déceler dans les produits de l’histoire les manifestations, certes diverses et irréductibles, du même principe, la philosophie possède un rapport d’intériorité originaire avec la forme symbolique, que son propre mouvement est le mouvement essentiel de la forme : penser qu’elle a avec cet objet l’intimité que peut avoir une pensée avec son propre contenu, qu’elle découvre, non pas une forme, même éminente, mais l’essence de la forme. Idéaliste en sa propre essence, et il fallait qu’elle le fût selon la logique de Cassirer, peut-être rétrospective à nos yeux mais prospective aux siens, elle révèle que le rapport essentiel des formations culturelles à leurs objets est un rapport d’intériorité et que la totalité d’entre elles est la « révélation à lui-même » de l’esprit34. La philosophie révèle, car tel serait son propre mouvement, que le mouvement de la culture ne commence pas dans l’étant entendu comme extériorité en soi constituée mais dans la signification et dans les rapports entre significations. Dès lors la forme de la philosophie serait la forme même de la culture et cette forme, pour autant que sa naissance, bien que contingente en tant qu’événement, soit conforme à son Idée, se laisserait déceler dès ses premières manifestations grecques.
23Il s’agira maintenant d’examiner quelques aspects de l’interprétation plus systématique de l’Idée platonicienne pour étayer et illustrer cette thèse.
24La première question que l’interprète d’une pensée philosophique peut se poser, et ceci au titre d’une question centrale pour la compréhension de cette pensée, est précisément celle du commencement : dans quel « élément » cette philosophie prend-elle son départ ? A partir « d’où » ou à partir « de quoi », à partir de quelle sorte de présupposition tacite ou exprimée produit-elle l’intelligibilité qui la caractérise ? Se fondant sur la découverte parménidienne de l’identité entre la pensée et l’être mais se portant de l’affirmation : « l’être est », à la question « qu’est-ce que l’être ? » (τί ἐστι τὸ εἶναι ?), se fondant sur l’héritage de Socrate qui avait su passer de la désignation de la chose à la question du savoir à propos de cette chose, de Socrate qui avait su se détourner du savoir qui croit commencer dans l’objet donné pour se trouver soi-même en tant que savoir qui se cherche, Platon quant à lui désigne le problème de la signification en tant que telle35. La question « Qu’est-ce que l’être ? » ne demande pas si une chose est ni s’il existe une chose qui puisse tenir lieu d’être, mais révèle la question de la signification. Si le τί ἐστι demande la signification de telle « chose » (par exemple telle vertu ou la vertu ou l’homme, etc.), le τί ἐστι τὸ εἶναι ?, qui est une formule réflexive, demande « ce qu’est la signification de la signification » ou, en d’autres termes, plus kantiens, « la question de la possibilité du signifier pur et simple36. » Ainsi Platon met au jour pour la première fois de manière explicitée l’archè véritable de la philosophie, c’est-à-dire le domaine des significations ; le concept de l’être n’est dans cette perspective qu’une « résultante dérivée et la conséquence postérieure à ce commencement »37. L’être, si l’on peut ainsi s’exprimer, n’est nulle part sinon au sein des discours et il se révèle grâce à la forme de ceux-ci38.
25Platon porte à son point de cristallisation le mouvement qui domine l’histoire de la philosophie grecque qui est le « Sich-selbst-Finden des Logos », l’auto-découverte du logos, la découverte de soi du logos. Le « cosmos » dans lequel Platon installe la recherche philosophique, le « cosmos des significations », n’est précédé d’aucun autre et il est appelé à contenir toute vérité que l’esprit pourrait formuler. La « réciprocité » des concepts concerne cette fois un rapport de cosmos à cosmos : de celui des logoi et de celui des réalités sensibles. L’image du cosmos a l’avantage de rappeler que la pensée doit pouvoir se mouvoir ; l’être ne tient pas à telle identité arrêtée mais aux relations entre significations, aux relations entre déterminations. Au figement parménidien répond le mouvement mais dans l’intelligible, c’est-à-dire la dialectique, et au mobilisme héraclitéen répond la mesure des mouvements de l’âme.
26Lorsque Cassirer en viendra à considérer l’ordre objectif que le Timée décrit, après avoir observé qu’ici « l’âme a été transportée de la sphère de la “subjectivité” dans celle de l’“objectivité” »39, après avoir noté que « même l’univers, même l’être physique ont perdu cette sorte de choséïté (Dinghaftigkeit) qui les séparait du monde des idées et qui justifiait l’opposition tranchée entre l’existence des πράΥματα et la vérité des λόΥοι40, il pourra saisir le sens de l’accomplissement platonicien par ces mots :
Même la cosmologie du Timée ne va pas du cosmos au logos mais de celui-ci au premier : elle procède à partir de la certitude d’une loi suprême de la raison qu’elle retrouve ensuite, pour ainsi dire incarnée, dans l’univers41.
27Ainsi, dans l’accomplissement de la physique platonicienne du Timée, Platon démontre la manière dont le monde est tissé d’intelligibilité, la manière dont le sensible que nous connaissons par expérience et en tant que nous en faisons l’expérience fait signe vers l’intelligence ou, pour nous exprimer dans le langage de la Philosophie des formes symboliques, la façon dont le lien du sensible et de l’intelligible, le lien du symbole, précède la considération abstraite de chacun de ces termes.
28Après le passage de l’âme subjective à l’âme du monde, le tout de celui-ci (Weltall), l’univers, se trouve soumis à une « raison royale » ; son être tient dans les liaisons régulières, de nature mathématique : l’univers physique n’a pas la nature de la chose mais des logoi. Si on l’a débarrassé de la première, on ne l’a pour autant pas réduit à n’être « qu’un tissu d’ombres qui flotteraient devant nous » ; les ombres ont pris vie, elles ont pris figure, et ceci parce que la pensée les a libérées de leur pauvreté « d’images muettes » et leur a fait acquérir le sens d’« une sorte de langage »42. Les Erscheinungen ou φαινόμενα font signe vers leur intelligibilité, ils ne se suffisent en aucune façon à eux-mêmes, ils ne sont pas au commencement de l’expérience en tant singularités déliées puisque, au commencement, comme nous l’avons vu, il y a le logos, entendu avant tout comme liaison.
29Si ces rapides considérations sur l’interprétation cassirérienne de la cosmologie du Timée n’ont pas suivi l’ordre de son exposé, elles nous ont cependant conduit au seuil de son interprétation de l’Idée. Ce que Cassirer empruntait à Kant, l’idée selon laquelle « seules les lois de l’entendement permettent d’épeler les phénomènes d’une manière telle que nous puissions les lire comme des expériences, c’est-à-dire d’une manière telle que nous puissions les lier par des connexions en unités objectives »43, principe de liaison par lequel Kant lui-même fixait le sens du platonisme, peut se dire, on l’aura compris, de la physique platonicienne. Celle-ci aussi nous « force »44 à détourner le regard, à le convertir à l’intériorité de l’âme « subjective », à parcourir en sens inverse le chemin de tout à l’heure, cette fois de l’âme du monde vers l’âme connaissante.
30Avant d’y pénétrer, il y a encore lieu de s’interroger sur les raisons qui, pour Cassirer, conduisent l’esprit jusqu’à la problématique de l’Idée. Il nous semble que ces raisons surgissent d’une source commune que nous qualifierions en utilisant un langage qui, sans être comme tel présent chez Cassirer, ne nous semble pas étranger à l’esprit de sa philosophie : il s’agit d’un principe de fidélité descriptive à la donnée phénoménologique45. La nature ne se présente pas à nous à la façon d’une « fantasmagorie » qui serait faite « d’une succession d’ombres librement flottantes »46 sans orientation, sans origine et sans destination. Les impressions sensibles ne nous passent pas devant comme « les sons d’une langue étrangère […] qui ne nous diraient rien, parce qu’ils n’existeraient pour nous que comme de simples bruits que nous ne pourrions pas interpréter comme signes et comme symboles et “comprendre” grâce à cette interprétation47. » Et enfin, nous ne cessons de prendre le fait singulier dans la lumière de l’universel, nous ne cessons de déterminer par la prédication. Telle action, que d’abord nous avons reconnue comme action et ainsi inscrite au domaine des significations éthiques, nous la déterminons en outre de telle ou telle manière. De la même façon, nous apportons une détermination mathématique ou une détermination esthétique à telle ou à telle autre chose qui, dès l’abord, c’est-à-dire dès lors que nous sommes en régime de langage, couche fondatrice de la méthode de Cassirer, a perdu son caractère de simple singularité sans transcendance, c’est-à-dire de chose inerte ou sans horizons, pour nous exprimer encore une fois dans le langage de la phénoménologie. Les raisons de se tourner vers le « cosmos des significations » qui ont été ici rappelées – l’ordre et la régularité de la succession des phénomènes sensibles, le langage (le monde lui-même, à défaut que nous puissions le concevoir comme un symbole, en aurait la structure), la logique – se trouvent puissamment synthétisés dans ce passage qui ne peut que nous rappeler la théorie du « symbole » :
A mesure que nous nous engageons plus profondément dans le monde des phénomènes, à mesure que nous nous en représentons plus rigoureusement la cohésion propre, la structure spécifique, ce monde se révèle plus clairement comme un monde qui ne se suffit pas à lui-même, comme un monde qui, dès la simple facticité de son existence, contient une référence (Hinweis) constante à quelque chose d’autre, à quelque chose qui ne lui appartient pas48.
31Le monde est une texture. Mais la cohésion, la consistance, le Bestand même de ce monde, qui est une existence ordonnée, exige la référence à une mesure, sans doute et plus exactement à un ordre de la mesure. Nous reconnaissons entre deux objets de notre entourage un rapport d’égalité : c’est que notre relation à ces objets s’est déjà portée au-delà de leur simple existence, c’est que notre relation à eux est médiée par cela que nous n’apercevons pas mais que le dialecticien s’efforcera de voir, la pure signification. Dès lors, les Idées sont « à l’intérieur de chaque domaine particulier les moments qui donnent la signification (sie sind innerhalb jedes Einzelgebiets die bedeutunggebenden Momente) » et elles sont en ce sens « fondatrices de toute existence qui se manifeste »49. Prises pour elles-mêmes elles expriment « la teneur de sens » que les actes de détermination, par le « logos du langage », par « l’activité figurative », par « la détermination dans la pensée pure » et par la détermination éthique « confèrent progressivement au monde de la perception qui [en lui-même] flotte en une apparition oscillante »50. Conférant le sens, elles impriment le « sceau véritable de l’être » à l’existence sensible. L’être signifie, il est déterminité. Le monde tient sa « significativité » (Bedeutsamkeit) de sa référence à l’Idée qui est Gestalt et Form.
32On le voit, pour Cassirer, l’idéalisme platonicien ne saurait être interprété comme un idéalisme « métaphysique » – celui qui croirait pouvoir mettre en relation directe les Idées et les existants – mais uniquement comme un idéalisme gnoséologique. Les protagonistes de notre scène ne sont pas au nombre de deux mais bien de trois : l’Idée, le monde et l’âme ; la signification, l’existence et le sujet. C’est par la médiation de l’œuvre de l’âme que les phénomènes, Erscheinungen, mais bientôt dans le texte les Phänomene physiques et psychiques (ce dernier vocabulaire semble être un emprunt à celui de la Psychologie de Brentano) se trouvent liés en unités objectives. L’œuvre de l’âme et l’âme comme œuvre, comme acte, comme ἐνέρΥεια. Pour cela, même sans y insister ici, il faut que notre conception de l’âme se libère de l’image de l’âme-substance et nous ne pouvons nous en libérer que par le recours au primat des significations. L’âme est d’abord signifiée, et posée seulement dans le faisceau de la signification. Elle est comprise comme faculté de liaison et puisque la logique doit primordialement être « logique synthétique », la synthèse est son œuvre. Mais pour ainsi la comprendre, nous devons avoir recours à des catégories telles que celles de la « relation », que nous possédions la notion du rapport entre l’identité et l’autre de l’identité, que nous soyons devenus dialecticiens. La considération, on le comprend, est d’ordre transcendantal dans la mesure où elle vise à répondre à cette question : quelles sont les notions nécessaires pour rendre compte de l’expérience en tant que celle-ci est ordonnée ? L’unification pensée sous la notion d’âme dans le contexte platonicien exige le recours au primat des significations, c’est-à-dire des Idées. La psychologie platonicienne, plus exactement son aboutissement dans le Théétète, est principalement interprétée par Cassirer comme doctrine de l’unité de la conscience et, avec elle, de l’unité de l’expérience où vient s’inscrire celle du monde. La psychologie, en se précisant, deviendrait « doctrine du moi et avec elle doctrine de l’unité de la conscience et de l’entièreté de la conscience »51. L’unité du moi est « le phénomène fondamental et originaire de la conscience (Grund- und Urphänomen des Bewusstseins) »52. C’est une donnée, peut-être implicite et cependant inhérente à l’expérience, qu’il faut considérer comme première. Sans elle, les phénomènes seraient dans cette sphère psychique, à l’instar des phénomènes spatio-temporels du monde, soumis au devenir absolu ou, comme l’aurait dit Husserl, à l’ἄπειρον phénoménologique. La solution doit donc être de principe : l’âme pensée depuis les rapports de significations est conçue comme fonction d’unification des Erscheinungen. Unifiée par sa relation « originaire »53 aux Idées, elle est aussi unificatrice de ses propres teneurs sensibles :
Les éléments singuliers ne doivent pas être saisis comme une simple juxtaposition ou comme une simple succession (Neben- oder Nacheinander), mais bien comme une interpénétration (Ineinander), de telle manière que chacun d’entre eux se rapporte à la totalité de tous les autres et que dans sa simple existence déjà il réfère (hinweisen) à cette totalité, à la nature du tout. Et si nous nous demandons dans quelles formes s’accomplit cette référence, par laquelle seulement l’élément perceptif singulier reçoit sa signification comme élément de la conscience, nous nous voyons ici renvoyés au même système de relations, aux moments donateurs de significations que nous avons déjà rencontrés dans un autre contexte. Il s’agit encore une fois des concepts d’être et de non-être, d’être tel et d’être autre, d’unité et de multiplicité, d’identité et de différence, de ressemblance et de dissemblance, etc., seuls concepts par lesquels se montre la possibilité du lien (Verknüpfung) et la création d’une connexion psychique54.
33La notion d’Hinweisung, « référence », « renvoi », que nous avions rencontrée en sa qualité de notion centrale de la conception structurale de la forme symbolique, est ici en jeu dans l’« intériorité » de l’âme. Celle-ci est originairement liée à l’autre de soi, aux Idées. Elle prend conscience de soi en prenant conscience de l’objectivité de l’Idée. L’âme est une intériorité ouverte à l’objectivité. Cette référence permet à son tour de comprendre que l’âme surmonte originairement les limites du singulier, qu’elle appréhende le particulier dans la lumière du général. Mais pour autant que nous comprenions la teneur phénoménale de cette intériorité comme étant affine à la donnée sensible du monde, les formes qui la structurent structurent aussi l’« extériorité ». C’est à la condition de se tourner vers elle-même et d’y rencontrer sa propre essence que l’âme trouve « en sa qualité d’élément constitutif » la saisie d’« un autre que soi ». L’intériorité, pourrions-nous ajouter, est transcendantale, elle est constitutive de l’organisation du réel transcendant.
34Nous abordons ainsi à l’un des centres de gravité de toute l’interprétation cassirérienne de la théorie des Idées. Il y a trois protagonistes et le commencement authentique de la méditation philosophique se trouve dans les Idées. L’être de celles-ci est le « point unitaire d’origine »55 auquel renvoient (hinweisen) et vers lequel « tendent » (nachstreben) tant l’âme que le monde des phénomènes sensibles. L’âme ne connaît pas parce qu’elle posséderait une « image-copie (Abbild) »56 de la chose sensible en elle ; elle connaît par la médiation du monde des Idées. Mais, faut-il ajouter, si l’Idée est médiatrice entre l’âme et la chose connue, l’âme l’est, elle, entre l’Idée et le phénomène sensible. Sans cette médiation, nous demeurerions captifs de l’image de la « relation chosiste (dinglich) » entre l’Idée et le phénomène. Nous ne verrions pas que la connaissance consiste à voir le phénomène sensible dans la lumière de la totalité structurée des Idées, « formes maîtresses de “vision” (Grundformen der “Sicht”) »57, et que, en sens inverse, cette totalité conduit, serait-ce à titre d’Idée, du phénomène à la totalité organisée des phénomènes. Partant du problème des fonctions de l’âme, nous trouvons en elle le « lieu » de la rencontre entre « immanence » et « transcendance », le lieu où se pose véritablement le problème de la μέθεξιϛ, de la participation. Ce problème devient celui de l’« animation » du sensible, du dépassement originaire de l’isolement de la singularité par le pouvoir de totalisation et d’unification que signifie l’âme. Le « phénomène psychique », dès lors qu’il est précisément psychique, porte le mouvement. C’est le sensible qui se porte à l’intelligible. Il est « un et multiple », il est « clos en soi et en soi divisé », il « s’attarde en lui-même et il ne se cesse de se transcender (hinaustreben) », de se porter au-delà de soi. Il est, dans le mouvement, ce qu’est conceptuellement la relation dans la double nature de l’âme, celle du Même et celle de l’Autre. Le phénomène psychique, l’âme, est porteur des « deux mondes » et de leur relation. La « montée » du phénomène à l’Idée et la « descente de l’Idée à l’âme et au monde du devenir », les chemins de la dialectique, donnent « au tout (das All) sa cohésion (Zusammenhang) et sa liaison interne ; il cesse ainsi d’être un agrégat de singularités et il s’est fondu (zusammenschliessen) en une totalité de sens unitaire58. » Le dialecticien, dont le regard voudrait envelopper la double totalité des phénomènes et des Idées, doit se faire « synopticien ». Porté par Eros, « le logos de l’âme », il réalisera la dialectique objective par sa mise au jour discursive. Son âme parcourra à nouveau une sorte de paysage que l’âme doit avoir déjà parcouru et qu’elle porte en son intimité réminiscente.
III. Conclusion
35Les analyses de Cassirer s’arrêtent plus particulièrement aux fonctions de l’âme dans la philosophie platonicienne. L’âme est conçue comme le « creuset », si l’on peut ainsi s’exprimer, de la participation du sensible à l’intelligible et c’est en elle seulement que peut s’effectuer la participation des Idées entre elles. Espace où se jouent toutes les relations, du sensible aux significations dont il est le porteur et des significations entre elles, elle devient ce lieu où se forme le monde, comme ensemble organisé. L’être est intrinsèquement, et non par accident, tissé de relations. La philosophie n’en prend pleinement conscience que lorsqu’elle « transpose du terrain de l’être absolu à celui de la conscience » l’idée que « les déterminations ne sont pas indépendantes mais données ensemble et pensées dans leur conditionnement réciproque59. » Il aura donc fallu que la philosophie se convertisse à la subjectivité et y trouve le terrain propice pour y traiter de la question de la formation du monde.
36On pourrait voir dans cette interprétation la projection rétrospective du sens moderne de la philosophie transcendantale ou, bien plus fidèlement aux convictions philosophiques de Cassirer, l’expression d’une vérité pérenne. Il nous importe surtout ici de fixer l’idée que pour Cassirer cette vérité remonte plus haut que la philosophie. L’œuvre de l’esprit – au travers de toutes ses productions – est « symbolisation ». Elle réalise – en amont de son élucidation thématique, ouvrage tard venu – l’unité dont la métaphysique cherchera par diverses voies à donner l’explication. Elle répond à un « principe de forme » qui a partie liée à cette logique de la relation dont la thématisation trouve sa source dans la dialectique platonicienne. Celle-ci permet de penser que le sensible est d’emblée, originairement pour l’expérience, porté à la signification et que le domaine des significations, dont le modèle du tissage donnerait une image juste, est une totalité structurée qui précède et conditionne la donnée. Certes, il n’y a pas lieu de supposer que la Philosophie des formes symboliques serait comme du platonisme appliqué à d’autres questions et à un autre monde que celui que pouvait connaître le penseur grec. Pour former l’idée nouvelle de la philosophie, Cassirer a dû la libérer de l’emprise du primat donné à la connaissance. Pour apporter un sens revivifié à l’expression de « philosophie première », il lui aura fallu s’élever à un point de vue ou ouvrir une perspective pour laquelle la science, certes une production spécifique et irréductible de l’humanité, partage cependant avec le mythe, l’art et le langage une « racine profonde » qui est « symbolique naturelle », loi constitutive de l’esprit. Cependant, en dépit des apparences, la philosophie n’est pas la vérité de l’esprit et la philosophie de Cassirer ne tend pas à dire que la philosophie serait comme le genre dont les formes symboliques seraient les espèces. Tout à l’inverse, l’esprit rencontrant la vérité dans la symbolisation, cette vérité est aussi celle de la philosophie. Mais seule cette dernière, semble-t-il, a su se retourner vers lui, le saisir et faire du principe de la forme son objet. Ainsi, si nous ne nous limitons pas à porter un regard externe sur le système de Cassirer, si nous inscrivons nos pas dans les siens, la philosophie de l’« idéalisme symbolique »60 n’est pas platonicienne ou kantienne. Elle estime trouver chez Platon et chez Kant la mise au point la plus nette sur les fonctions de l’âme ou, dans un vocabulaire plus moderne et ensuite contemporain, sur celles du moi et de la conscience. Mais ces fonctions, elle les reconduit à leurs dimensions d’origine, qui sont universelles, dans une philosophie de l’esprit renouvelée.
37Nous voulons croire que la logique de l’Un et de l’Autre, qui peut se faire aride, a chez Cassirer une portée non seulement intellectuelle mais aussi politique, peut-être au sens cosmopolitique. Dans le sillage de Platon, la Philosophie des formes symboliques nous enseigne qu’« il n’y a pas d’“Un” abstrait auquel s’opposerait, détaché et séparé de façon tout aussi abstraite, un “Autre”, mais l’un est “dans” la pluralité comme la pluralité est “dans” l’un »61. Reportée à la question des manifestations multiples de l’esprit, cette thèse signifie qu’aucune substance particulière de l’histoire ne devrait pouvoir « marquer de son empreinte propre la totalité de l’être et l’ensemble de la vie spirituelle » ; l’unité d’essence de la culture ne devrait être cherchée dans aucune d’entre elles mais dans le mouvement originaire de Formgebung et de Sinngebung par lequel l’esprit, qu’il soit masaï en ce siècle ou athénien autrefois, fait l’expérience de sa consistance propre : « la plus haute vérité objective à laquelle l’esprit accède est en dernière analyse la forme de son propre agir62. »
Notes de bas de page
1 E. Cassirer, Philosophie der symbolischen Formen, Bd. 1 : Die Sprache, « Gesammelte Werke » 11, Hamburg, Meiner, 2001 (1923) ; Bd. 2 : Das mythische Denken, « Gesammelte Werke » 12, Hamburg, Meiner, 2002 (1925) ; Bd. 3 : Phänomenologie der Erkenntnis, « Gesammelte Werke » 13, Hamburg, Meiner, 2002 (1929). L’ouvrage sera désormais désigné par PhFS, suivi de la tomaison et de la page dans la traduction française : La Philosophie des formes symboliques, t. I, Le Langage, trad. fr. O. Hansen Love et J. Lacoste, Paris, Minuit, 1972 ; t. II, La Pensée mythique, trad. fr. J. Lacoste, Paris, Minuit, 1972 ; t. III, La Phénoménologie de la connaissance, trad. fr. C. Fronty, Paris, Minuit, 1972.
2 PhFS, I, p. 11.
3 PhFS, I, p. 21.
4 Voir PhFS, III, p. 229-230, voir aussi E. Cassirer, « Zur Logik des Symbolbegriffs » (1938), « Gesammelte Werke » 22, Hamburg, Meiner, 2006, p. 131 ; trad. fr. J. Carro avec la coll. de J. Gaubert, « De la logique du concept de symbole », dans E. Cassirer, Trois essais sur le symbolique, Paris, Le Cerf, 1997, p. 134.
5 E. Cassirer, Substanzbegriff und Funktionbegriff. Untersuchungen über die Grundfragen der Erkenntniskritik (1910), « Gesammelte Werke » 6, Hamburg, Meiner, 2000 ; trad. fr. P. Caussat, Substance et Fonction. Éléments pour une théorie du concept, Paris, Minuit, 1977.
6 E. Cassirer, « Das Symbolproblem und seine Stellung im System der Philosophie » (1927), « Gesammelte Werke » 17, Hamburg, Meiner, 2004, p. 270 ; trad. fr. M. de Launay (sous la dir.), « Le système symbolique et sa place dans le système de la philosophie », dans H. Cohen et alii, Néokantismes et théorie de la connaissance, Paris, Vrin, 2000, p. 222.
7 « Zur Logik des Symbolbegriffs », art. cit. p. 137 ; trad. cit., p. 139.
8 PhFS, I, p. 7.
9 An Essay on Man. An Introduction to a Philosophy of Human Culture, New Haven and London, Yale University Press, 1944. Voir le chap. ii : « A clue to the nature of man : the Symbol ».
10 Voir P. Ricœur, De l’interprétation. Essai sur Freud, Paris, Seuil, 1965, p. 20-21.
11 « Zur Logik des Symbolbegriffs », art. cit., p. 115 ; trad. cit., p. 118.
12 Expression souvent utilisée et rappelée par Cassirer, par exemple PhFS, III, p. 112.
13 Voir pour ces dernières expressions PhFS, I, p. 20-21.
14 E. Cassirer, « Der Begriff der symbolischen Form im Aufbau der Geistwissenschaften » (1923), « Gesammelte Werke » 16, Hamburg, Meiner, 2003, p. 75-104 ; trad. fr. « Le concept de forme symbolique dans l’édification des sciences de l’esprit », dans Trois essais sur le symbolique, op. cit., p. 9-37.
15 PhFS, III, p. 112, traduction modifiée.
16 « Der Begriff der symbolischen Form im Aufbau der Geistwissenschaften », art. cit., p. 175 ; trad. cit., p. 13 (trad. modifiée).
17 « Das Symbolproblem und seine Stellung im System der Philosophie », art. cit., p. 254 ; trad. cit., p. 204-205.
18 Voir « Der Begriff der symbolischen Form im Aufbau der Geistwissenschaften », art. cit., p. 176 ; trad. cit., p. 15.
19 PhFS, I, p. 9, où il est question du « déploiement (Entfaltung) progressif du concept critico-idéaliste de réalité et du concept critico-idéaliste d’esprit » (notre traduction).
20 « Zur Logik des Symbolbegriffs », art. cit., p. 113 ; trad. cit., p. 116. Cette expression démontre à suffisance que la notion de Wechselbegriffe que l’on trouve dans l’Introduction de la Philosophie des formes symboliques ne devrait pas être rendue par « concept corrélatif » mais bien par « concepts réciproques », littéralement concepts « interchangeables », cf. PhFS, I, p. 14.
21 « Zur Logik des Symbolbegriffs », art. cit., p. 114 ; trad. cit., p. 117.
22 διὰ Υὰρ τὴν ἀλλήλων τῶν εἰδῶν συμπλοκὴν ὁ λόΥοϛ ΥέΥονενἡμῖν, Sophiste, 259e.
23 Expression que l’on trouve en 1925 dans « Die Philosophie der Griechen von den Anfängen bis Platon », « Gesammelte Werke » 16, Hamburg, Meiner, 2003, p. 313-467. Le texte était d’abord paru dans le Lehrbuch der Philosophie édité par Max Dessoir, volume I : Die Geschichte der Philosophie, Berlin, 1925, p. 7-138. Nous citerons par PhGr, suivi du numéro de page dans l’édition de Hambourg ; ici PhGr, p. 404.
24 PhFS, III, p. 30 et p. 31.
25 PhFS, III, p. 333. A cet endroit, il est vrai, Cassirer utilise ces expressions pour caractériser le « concept » ; la suite du texte cependant ne laisse aucun doute sur la validité de l’analyse pour l’Idée platonicienne. Voir aussi PhFS, I, p. 35 : « La connaissance, ainsi que le langage, le mythe et l’art […] [ce sont] les véritables sources de lumière, les conditions du voir et l’origine de toute configuration » (trad. modifiée).
26 « Das Symbolproblem und seine Stellung im System der Philosophie », art. cit., p. 270 ; trad. cit., p. 221.
27 Voir PhFS, I, p. 36-49 et passim. Le couple présence / représentation est fondamental pour l’intelligibilité de la Philosophie des formes symboliques. Il ne sert pas à affirmer qu’une « présence » nous serait d’abord pleinement donnée et ensuite représentée ; il sert au contraire à faire valoir la priorité de la relation de conscience sur le « donné » : « Tout être singulier de la conscience, en effet, ne reçoit ses déterminations que dans la mesure où le tout de la conscience est en même temps posé et représenté (repräsentiert) en lui sous une forme, quelle qu’elle soit. Ce n’est que par et dans cette représentation (Repräsentation) que devient possible ce que nous appelons le donné et la présence (Präsenz) du contenu », PhFS, I, p. 41.
28 « Das Symbolproblem und seine Stellung im System der Philosophie », art. cit., p. 259 ; trad. cit., p. 209-210.
29 Ibid., p. 269, trad. cit., p. 221.
30 PhFS, I, p. 22.
31 PhFS, I, p. 25.
32 PhGr, p. 313.
33 E. Cassirer s’en explique dans une note de son Nachlass que l’on peut lire dans Zur Metaphysik der symbolischen Formen, hrsg. von J.M. Krois, E. Cassirer, Nachlassene Manuskripte und Texte, Hamburg, Meiner, Bd. 1, 1995, p. 264 : « Voici ce qui caractérise en propre la connaissance philosophique en tant que “connaissance de soi de la raison” : par principe, elle ne façonne pas une forme symbolique neuve et en ce sens elle ne fonde pas une modalité créatrice nouvelle – mais elle conçoit les modalités antérieures pour ce qu’elles sont : des formes symboliques proprement dites. » Voir aussi à ce propos T. I. Bayer, Cassirer’s Metaphysics of Symbolic Forms : APhilosophical Commentary, New Haven, Yale University Press, 2001.
34 PhFS, I, p. 19.
35 « La question fondatrice et la question originaire (die Grund- und Urfrage) » de la philosophie est « la question de la possibilité des significations purement et simplement », PhGr, p. 404.
36 PhGr, p. 404.
37 PhGr, p. 404.
38 PhGr, p. 408.
39 PhGr, p. 441.
40 PhGr, p. 441.
41 PhGr, p. 450.
42 PhGr, p. 441-442.
43 La référence à ce passage de Kant est fréquente chez Cassirer, voir par exemple, « Das Symbolproblem und seine Stellung im System der Philosophie », art. cit., p. 269-270 ; trad. cit., p. 220-221.
44 PhGr, p. 422.
45 Nous pouvons nous souvenir que le tome III de la PhFS est une « phénoménologie de la connaissance ». Voir aussi PhFS, III, p. 335 : « Le monde de la “signification” pure n’ajoute rien qui soit foncièrement étranger au monde de la présentation intuitive (Darstellung) : il ne fait que déployer ce que ce dernier contient déjà en puissance » (trad. modifiée).
46 PhGr, p. 421-422.
47 PhGr, p. 421.
48 PhGr, p. 422.
49 PhGr, p. 422.
50 PhGr, p. 423.
51 PhGr, p. 427.
52 PhGr, p. 428.
53 PhGr, p. 430 et p. 434.
54 PhGr, p. 429.
55 PhGr, p. 430.
56 Voir « Das Symbolproblem und seine Stellung im System der Philosophie », art. cit., p. 269 ; trad. cit., p. 220-221 ; PhFS, I, p. 56.
57 PhFS, III, p. 334.
58 PhGr, p. 436.
59 PhFS, I, p. 41.
60 L’expression est utilisée par Cassirer dans Zur Metaphysik der symbolischen Formen, op. cit., p. 261.
61 PhFS, I, p. 49.
62 PhFS, I, p. 55.
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