La question de la double doctrine en France de Deslandes à D’Holbach
p. 221-237
Texte intégral
1Quel rapport y a-t-il entre l’hypothèse, formulée par Leo Strauss, d’un « art d’écrire » et la pratique désignée chez certains auteurs du xviiie siècle par les termes « double philosophie » ou « double doctrine » ?
2Il est bien sûr légitime de se demander si l’hypothèse que Strauss a lui-même tenté de vérifier à propos d’un certain nombre d’auteurs peut être appliquée à d’autres1. On souhaiterait pouvoir poser la question en termes simples, sur le modèle suivant : Voltaire, par exemple, a-t-il eu recours à l’art d’écrire tel qu’il est défini par Strauss ? Mais les ambiguïtés de cette notion conduisent à faire preuve de prudence.
3D’ailleurs, l’histoire de la théorie de l’« art d’écrire », depuis l’article que lui a consacré Leo Strauss, pourrait bien avoir valeur de test. En effet, une lecture superficielle, redoublée par une mode, ont eu vite fait de diffuser un lieu commun : désormais tout ce qui dans l’écriture s’apparente à une stratégie, une dissimulation, se trouve rangé dans l’art d’écrire de son auteur. Il est certes logique en parlant des procédés d’un auteur d’être amené à les regrouper dans son art d’écrire, au sens large ; mais on est loin du problème posé par Strauss.
4Le malentendu – encore accentué par le caractère général de l’expression –, n’est pas uniquement dû à la précipitation des lecteurs : le texte de Strauss s’offre par certains aspects et se refuse par d’autres, à tel point que l’on peut se demander si la question des formes peut être dissociée d’autres enjeux envisagés de façon moins transparente, à commencer par les rapports entre la philosophie et l’opinion.
L’art d’écrire à l’époque moderne
5Les textes de Strauss installent assez discrètement, par une série de restrictions – explicites ou non –, une délimitation spécifique de la question. Il envisage ainsi la persécution selon une double signification, dont la moins évidente est certainement la plus fondamentale.
6Si la thèse de Strauss concernant l’art d’écrire consistait uniquement à dire que certains penseurs confrontés à la persécution ont développé, comme une parade, une forme d’écriture capable de dissimuler leur véritable pensée sous un discours apparemment orthodoxe on pourrait sans grande hésitation l’adopter tout en en contestant l’originalité. Appliquée au xviiie siècle et à la situation française cette thèse s’appliquerait plus ou moins bien selon les cas. Tout en étant au bout du compte assez banale, elle renforcerait les exigences critiques de l’interprète, ce qui est déjà beaucoup. Mais cette thèse n’est pas celle qui nous est présentée.
7L’ensemble formé par les articles « La persécution et l’art d’écrire », « Sur un art d’écrire oublié » et « Comment étudier le Traité théologico-politique de Spinoza », offre une conception à la fois éclairante et déroutante2. Le lecteur qui cherche à vérifier qu’il a bien compris découvre, en circulant entre ces textes, des obscurités et des présupposés. Il est tentant d’y voir appliqué de façon conséquente l’art d’écrire de l’auteur. Du coup, la question de savoir si les réflexions de Strauss peuvent s’appliquer au xviiie siècle – qui semblait légitime et, au plan de la méthode, sans grande difficulté –, se trouve fortement compliquée, ce qui oblige à certaines précautions.
8On peut se demander pourquoi Strauss a éprouvé le besoin de forger une nouvelle notion, alors qu’il pouvait, conformément aux théories en cours au xviiie et au xviiie siècles, adopter les termes « double philosophie » ou « double doctrine ».
9Le premier élément de réponse se trouve évidemment dans l’attention portée à la lecture des textes : un art de lire doit répondre à l’art d’écrire des philosophes. L’art d’écrire correspond-il alors à l’ensemble des procédés mis en œuvre dans l’écriture de la double philosophie ? Cela n’est pas sûr. En effet, en parlant de double philosophie on maintient une césure entre le niveau doctrinal et les stratégies de diffusion ; alors que la notion d’art d’écrire problématise les procédés mis en œuvre dans le travail de formulation, et l’enveloppement de l’ésotérique dans l’exotérique. Cette élaboration engage une conception de la philosophie, qu’elle y déploie tout en la dissimulant.
10J’émets, par conséquent, l’hypothèse suivante : il se pourrait que le but de Leo Strauss ne soit pas d’exposer les péripéties de l’histoire de l’écriture de la philosophie, ni même à proprement parler de reprendre la position des Anciens, mais d’exhiber une vérité philosophique encore centrale dans la philosophie prémoderne mais perdue par la suite. La perspective de Strauss, prétendument sociologique, serait donc en dernière analyse une perspective généalogique. Son travail aurait une vocation intempestive.
11Cela revient à dire que Strauss pense tenir le fil conducteur d’une transformation qui confirme sa dénonciation, sans cesse réaffirmée, du fourvoiement des Modernes. Pour en prendre la mesure, il faut surmonter un oubli inscrit dans une longue évolution, dont il situe le tournant majeur au xviie siècle. Or cet oubli ne peut pas être « réparé » par une histoire des idées. Ce dont il s’agit, c’est d’en faire l’épreuve en retrouvant l’essence de la philosophie.
12Peut-être gagnera-t-on à pousser cette hypothèse dans ses ultimes conséquences. Strauss formule – d’une façon d’autant plus convaincante qu’elle est lacunaire –, le constat, à travers les siècles, d’une adaptation des « écrivains » à la persécution. Mais de quelle nature est la persécution de la philosophie ? S’agit-il d’un phénomène accidentel aux formes variées, ou faut-il en arriver à considérer que la philosophie est par essence persécutée ?
13Suivant le même raisonnement, Leo Strauss pense-t-il que dans sa forme la plus élevée la philosophie comportait ce rapport entre ésotérique et exotérique, non pas occasionnellement ou accidentellement, mais consubstantiellement ? La question semble en tout cas sous-tendre sa réflexion. Il insiste ainsi sur l’enveloppement de l’ésotérique dans l’exotérique, alors que la double philosophie peut très bien être composée de positions parallèles et contraires sans obligatoirement donner les indices de la dissimulation.
14L’expression « art d’écrire » maintient le rapport entre les deux plans et problématise implicitement l’expression de la philosophie. Le philosophe est considéré sous l’angle de l’écriture : c’est un écrivain qui entre en relation avec différentes catégories de lecteurs, et dont les textes préparent et comprennent à la fois ces rapports. Selon Strauss, un philosophe de ce type écrit toujours en faisant fond sur cette distinction. Le couple enseignement exotérique – enseignement ésotérique forme cette philosophie, puisque l’un est inscrit dans l’autre. Selon Strauss, ce procédé répond à une conception déterminée du rapport entre philosophie et opinion. En effet,
La littérature exotérique présuppose qu’il existe des vérités fondamentales qu’aucun homme honnête ne saurait exprimer en public, parce qu’elles feraient du mal à beaucoup, lesquels, parce qu’ ils ont été blessés, auront naturellement tendance à faire du mal en retour à celui qui exprime ces vérités désagréables3.
15Dans l’expression « double doctrine » l’accent porte davantage sur la dissimulation, la division en deux niveaux ou deux modes de communication. Le cas des prêtres propageant une doctrine tout en partageant entre eux le secret de la mystification en est peut-être l’application la plus radicale, mais je ne pense pas que cette forme appartienne à la catégorie définie par Strauss.
16Le texte paraissait essentiellement technique – comment lire les auteurs du passé ? –, en fait il défend une thèse. Il est par conséquent nécessaire d’en clarifier les présupposés.
17Dans « La persécution et l’art d’écrire », Strauss ne distingue pas nettement les remarques portant sur la technique littéraire – laquelle peut être utilisée par tout écrivain –, et celles qui concernent la pratique des philosophes. Qui plus est, le vocabulaire utilisé entretient la confusion. Strauss parle tantôt des « écrivains »4 – parmi lesquels il distingue bien sûr les « plus grands écrivains »5 –, tantôt des « penseurs » ou des « philosophes », mais l’extension de ces groupes reste indéterminée.
18Par la suite, on comprend que l’art d’écrire dans sa forme la plus accompli se trouve chez les auteurs « prémodernes ». Cette rupture n’est pas une indication purement historique, elle est liée à un changement fondamental concernant la définition même de la philosophie et de son rapport à la société6. C’est en ce sens qu’ il faut entendre l’affirmation selon laquelle « l’attitude que l’on adopte envers la liberté de discussion publique dépend de manière décisive de ce que l’on pense de l’éducation populaire et de ses limites »7.
19Signalant un changement intervenu durant le xviiie et le xviiie siècles, Strauss distingue un art d’écrire au sens fort, très difficile à déchiffrer, et un art d’écrire moins poussé, dont il voit le développement à partir du milieu du xvii e siècle. Si j’inverse l’ordre de sa présentation pour rétablir l’ordre chronologique – mais cela sous-entend certainement chez lui une mise en doute d’un progrès de l’une à l’autre et la supériorité philosophique de la position antérieure –, le tableau qu’il brosse peut être ramené à deux grandes périodes.
20De l’Antiquité jusqu’au milieu du xviiie siècle, les philosophes
pensaient que l’abîme qui sépare « les sages » du « vulgaire » était un fait fondamental de la nature humaine que nul progrès de l’éducation populaire ne pouvait modifier : la philosophie ou la science était essentiellement le privilège du « petit nombre ». Ils étaient convaincus que la philosophie était en elle-même suspecte et odieuse pour la majorité des hommes.
21Une seconde période commence, selon Strauss, vers le milieu du xviiie siècle :
Un nombre toujours croissant de philosophes hétérodoxes, qui avaient souffert de la persécution, publièrent leurs livres non seulement pour communiquer leurs pensées, mais aussi parce qu’ils souhaitaient contribuer à l’abolition de la persécution en tant que telle.
22Les Modernes, explique Strauss, ont considéré « la répression de la pensée indépendante » comme un « accident », et il ont cru qu’il était « possible de remplacer le royaume des ténèbres générales par la république de la lumière universelle ». Du fait de cette conception de la possibilité d’un éclairement,
ils n’ont [...] caché leurs opinions que juste assez pour se protéger aussi bien que possible de la persécution ; s’ils avaient été plus subtils, ils auraient raté leur but, qui était d’éclairer un nombre toujours plus grand de personnes qui n’étaient pas des philosophes en puissance. Il est par conséquent comparativement facile de lire entre les lignes de leurs ouvrages8.
23Des deux généralisations, l’une paraît définir une position philosophique ferme et l’autre un aveuglement collectif semblable à une idéologie. L’illusion, selon Strauss, consiste à penser que ce rapport est historique et non éternel. Faut-il alors considérer que cette évolution n’implique pas seulement un relâchement dans la dissimulation, mais une démarche d’une tout autre nature ?
24Strauss ne se contente pas de faire l’histoire de cette évolution, il formule une thèse fondée sur une interprétation discutable. On peut en effet partager certains de ses constats sans en tirer les mêmes conclusions. Ainsi, le changement qu’il observe à partir du xviie n’est pas aussi univoque qu’il le croit, et peut difficilement être isolé d’autres modifications dont les fondements philosophiques sont plus solides qu’il n’y paraît9.
25Il est tentant de rapprocher Strauss des Anciens10. Considère-t-il comme eux que la distinction entre l’élite et le plus grand nombre est irréductible ? Cela donnerait une signification précise à la remarque volontairement elliptique qui clôt son texte :
Ils sentaient que l’éducation est la seule réponse à la question éternellement pressante, à la question politique par excellence, celle de savoir comment concilier un ordre qui ne soit pas oppression avec une liberté qui ne soit pas licence11.
26Avec l’accroissement des libertés la communication ésotérique devient-elle inutile ou la philosophie est-elle intrinsèquement liée à un mode de transmission initiatique réservé aux philosophes en puissance ?
27Dans la mise au point publiée sous le titre « Sur un art d’écrire oublié » (1954) – texte d’une autre nature et destiné à ceux qui ont déjà fait un premier pas dans sa philosophie –, Strauss livre les principales clés de son raisonnement sans en lever toutes les ambiguïtés, d’autant que le décalage entre le texte initial et son complément est assez grand.
Ma suggestion se ramène donc fondamentalement à deux questions. La première est une question historique : y a-t-il jamais eu de grands penseurs qui ont maintenu la conception des rapports entre philosophie et société que je viens d’esquisser, et qui ont agi en conséquence ? La seconde est une question philosophique : cette conception est-elle simplement fausse ou simplement vraie, ou vraie avec certaines qualifications12 ?
28Ne cherchons pas à préciser ce qu’il faut entendre par « grands penseurs »13. La première question – qui est selon Strauss de nature « historique »–, comprend deux sous-questions : celle de la doctrine et celle de ses conséquences pratiques. Il peut valoir la peine de séparer provisoirement ces deux plans : y a-t-il des auteurs qui utilisent les procédés examinés ? Cela va-t-il de pair chez eux avec une doctrine essentialiste de la séparation entre opinion et discours philosophique ?
29Appliquée au xviiie siècle le premier point semble impliquer une réponse positive. En effet, les écrivains hétérodoxes du xviiie siècle ont dû faire face à certains dangers, du fait non seulement de la censure, mais aussi des exigences cumulées de l’Église, du règlement de la librairie, et même de courants de pensée concurrents au sein de la République des Lettres. Mais le rapport défini par Strauss se trouve-t-il pour autant impliqué dans leurs écrits ?
30Strauss, considérant qu’« il y a longtemps que ces questions n’ont plus été discutées du tout »14, estime que l’art d’écrire est un art « oublié » ; mais là encore l’expression est ambiguë : oublié par qui ? par les interprètes ? par les philosophes dans la rédaction de leurs ouvrages ? et oublié depuis quand ? Cet art oublié – dans sa forme la plus élevée – ne fait-il qu’un avec la philosophie authentique ? À travers lui, serait-ce d’elle qu’il s’agirait ?
Double doctrine et Lumières
31En tout cas ce n’est pas une pratique inconnue au xviiie. Sur ce plan Strauss n’a rien inventé et il le sait15. La distinction des Anciens entre discours ésotérique et discours exotérique a été évoquée, théorisée et pratiquée durant les xviiie et xviiie siècles. On peut notamment l’observer en France chez les libertins érudits et en Angleterre chez les free-thinkers.
32Dans la France du xviiie siècle, la possibilité d’avoir recours à la double doctrine appartient à la culture de la République des Lettres et pas uniquement comme une arme à son profit. En effet, c’est aussi une « technique » de gouvernement souvent dénoncée comme abusive, qu’elle soit le fait des « prêtres » ou des politiques.
33Comme le remarque André-François Deslandes, dans ses Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant (1712-1714), publiées anonymement : « Rien n’est plus burlesque que de s’imaginer que l’homme écrit toujours suivant ce qu’il pense, et pense toujours suivant ce qu’il écrit16. » Deslandes ne se contente pas de signaler le problème, il en rappelle l’origine dans son Histoire de la philosophie (1737), et a lui-même recours à des stratagèmes littéraires dans la rédaction de cet ouvrage17, qui sera malgré cela interdit et dont le dernier volume ne paraîtra qu’en 1756. Selon lui,
rien n’était plus répandu dans l’Antiquité que ce goût de philosophie énigmatique. Chaque peuple avait deux sortes de doctrines, l’une de parade et à portée de tout le monde, l’autre de réserve et à l’usage particulier des rois et des prêtres. Eux seuls pouvaient percer dans l’intérieur de la philosophie [...] Un voile impénétrable la dérobait aux yeux du plus grand nombre, qui sans cesse occupé de voluptés basses et grossières, ne paraissait pas propre à regarder fixement la vérité18.
34Au xviiie siècle, cette possibilité offerte au penseur soucieux de réserver son discours à une minorité est souvent conçue comme un problème. En effet, c’est une pratique qui est associée à l’aliénation des individus par un groupe avide de pouvoir. Les avantages du secret et d’une communication comportant une part « réservée » sont contrebalancés par la critique de l’asservissement des individus et du conformisme de l’élite. À travers la question du choix des moyens d’expression les philosophes sont donc amenés à se déterminer par rapport au problème de l’extension de la diffusion des idées. Cette possibilité représente néanmoins une tentation permanente face aux dangers de la répression et à la violence du « peuple » inculte.
35Il faut se représenter une difficulté à la fois théorique et pratique qui entraîne certaines contradictions. Cela ressort de façon particulièrement nette de l’ Essai sur les préjugés où D’Holbach explique pourquoi les sages ont dû instruire les hommes « à la dérobée »19 :
Nous voyons dans tous les âges la philosophie aux prises avec le fanatisme [...] dans tous les siècles la science et le génie s’élever avec force contre l’imposture, et réclamer plus ou moins ouvertement les droits de la raison contre une religion toujours impérieuse [...] il fallut donc s’en séparer et vivre en guerre avec elle20.
36D’Holbach explique en note :
Presque tous les philosophes de l’Antiquité ont eu deux sortes de doctrines, l’une publique et l’autre cachée (exotérique et ésotérique). [...]La double philosophie des anciens est évidemment la vraie cause de la peine que l’on a lorsqu’on veut démêler leurs véritables sentiments. Il faut parler clairement aux hommes, sans cela l’on ferait peut-être aussi bien de se taire. Mais la plupart des auteurs veulent jouir de leur vivant ; en conséquence ou ils se croient obligés de voiler leurs sentiments trop contraires aux préjugés reçus, ou leurs ouvrages deviennent des énigmes inexplicables pour la postérité, qui y trouve perpétuellement l’erreur à côté de la vérité. Tout homme qui pense fortement, écrit pour l’avenir ; s’il craint de se compromettre, qu’il lègue ses idées à la postérité21.
37Selon lui, si cette méthode s’est souvent imposée, c’est à cause de la répression de toute pensée indépendante orchestrée par les prêtres et les gouvernants « appuyés des préjugés du vulgaire »22 :
La sagesse, la philosophie, la liberté de penser ne furent le partage que de quelques âmes honnêtes qui pleurèrent en secret les maux de la patrie, ou qui risquèrent de devenir les victimes de leur courage toutes les fois qu’ils osèrent annoncer hautement la vérité. Les amis de la sagesse furent regardés comme des ennemis de tout bien ; la science vraiment utile fut punie et réprimée ; la vérité fut traitée d’imposture, la philosophie de sédition, la raison de délire23.
38D’Holbach revient plus loin dans le même texte sur les conséquences de l’intolérance ;
Les vrais sages furent réduits à se taire, ou bien ils ne parlèrent que d’une façon obscure et ambiguë ; ils masquèrent leur doctrine sous des emblèmes et des symboles, dont souvent l’intelligence s’est perdue. C’est de là qu’est venue la double doctrine des anciens philosophes [...]. C’est à une méthode, que la tyrannie religieuse et politique força les philosophes de prendre, que sont dues, au moins en grande partie, les obscurités, les incertitudes, les inconséquences, les contradictions que l’on reproche à la philosophie ancienne, souvent devenue inintelligible pour nous : cependant celle des Modernes n’est que très rarement exempte de ces mêmes inconvénients24.
39Alors que pour D’Holbach la double doctrine a sa source dans la répression de toute pensée indépendante – « les menaces de la superstition et les préjugés » ayant « souvent réduit la sagesse au silence, et forcé la philosophie de prendre un langage énigmatique et peu sincère »25 –, pour Rousseau elle provient de la malhonnêteté des philosophes. C’est ce qu’il explique en 1751, dans sa réponse au roi Stanislas :
Que dirons-nous de la distinction des deux doctrines si avidement reçue de tous les philosophes, et par laquelle ils professaient en secret des sentiments contraires à ceux qu’ils enseignaient publiquement ? Pythagore fut le premier qui fit usage de la doctrine intérieure ; il ne la découvrait à ses disciples qu’après de longues épreuves et avec le plus grand mystère ; il leur donnait en secret des leçons d’athéisme, et offrait solennellement des hécatombes à Jupiter. Les philosophes se trouvèrent si bien de cette méthode, qu’elle se répandit rapidement dans la Grèce, et de là dans Rome ; comme on le voit par les ouvrages de Cicéron [...] La doctrine intérieure n’a point été portée d’Europe à la Chine ; mais elle y est née aussi avec la philosophie ; et c’est à elle que les Chinois sont redevables de cette foule d’athées ou de philosophes qu’ils ont parmi eux. L’histoire de cette fatale doctrine, faite par un homme instruit et sincère, serait un terrible coup porté à la philosophie ancienne et moderne. Mais la philosophie bravera toujours la raison, la vérité, et le temps même ; parce qu’elle a sa source dans l’orgueil humain, plus fort que toutes ces choses26.
40Ces exemples révèlent l’existence au xviiie siècle de plusieurs conceptions de la double doctrine, différentes, voire opposées. On peut en dire autant des pratiques, et il n’est pas sûr que le partage entre un art d’écrire classique et un art d’écrire moderne résiste à l’analyse. En effet, au xviii e siècle on trouverait des exemples des deux attitudes et de tous les degrés intermédiaires. Cette large palette est liée aux modifications de la République des Lettres27.
41On constate à la fois un rejet théorique de plus en plus net de la double philosophie et, dans le même temps, une multiplication des procédés qui lui sont apparentés : du traité érudit – qui sous prétexte de souligner les anciennes superstitions vise les contemporaines –, à la fausse réfutation, en passant par les apologies codées. L’œuvre peut aussi être collective et associer des opinions divergentes, tout en dissimulant des thèses hétérodoxes, comme dans l’Encyclopédie. Il peut encore s’agir d’une compilation où les énoncés reproduits, par le seul fait de leur déplacement, acquièrent un autre statut et transmettent ensemble un message différent. L’écrivain hétérodoxe peut même avoir recours à une fiction dans laquelle il disperse des réflexions ou qu’il organise suivant un codage spécifique, qu’on pense aux Bijoux indiscrets de Diderot et à Candide de Voltaire. Bien d’autres possibilités existent.
42L’opposition entre une minorité pensante et une majorité aveugle montre elle aussi ses limites. Les individus susceptibles de décoder un texte peuvent appartenir à des groupes différents, voire opposés28. Il peut même y avoir des censeurs favorables aux philosophes. On constate d’ailleurs que les textes intègrent l’existence de différentes sortes de publics.
43La notion même de persécution est loin d’être satisfaisante. Qui persécute qui ? Au xviiie siècle, chacun est susceptible d’être soupçonné d’hétérodoxie et accusé d’écrire entre les lignes, y compris dans la guerre entre Jésuites et Jansénistes. C’est d’ailleurs l’une des armes favorites des apologistes. Les rédacteurs des Nouvelles ecclésiastiques accusent par exemple Buffon de dissimuler ses véritables sentiments29. Rousseau adresse le même reproche aux encyclopédistes : « Nos philosophes – explique-t-il –, ont bien ce qu’ils appellent leur doctrine intérieure, mais ils ne l’enseignent au public qu’en se cachant et à leurs amis en secret... »30. Cela ne l’empêche pas de mettre en œuvre des stratégies discursives sophistiquées.
44Au lieu d’une idéologie dominante uniforme chez les penseurs du siècle, il faut plutôt se représenter un ensemble de tensions. Les penseurs qui ont recours à la double doctrine ne le font pas tous de la même façon ni au même degré. Plusieurs conceptions du rapport entre élite et société coexistent, et il est nécessaire de multiplier les distinctions. La solution des libertins ne disparaît pas d’un jour à l’autre avec le changement de siècle. Fontenelle, auquel on prête la fameuse formule : « J’aurais la main pleine de vérités que je ne l’ouvrirais pas pour le peuple », semble avoir opté pour une version particulièrement tranchée, non pas seulement par crainte de la répression mais par élitisme31.
45Deslandes, on l’a vu, s’adapte au règlement de la librairie et vise avant tout la communauté restreinte des savants et des lecteurs mondains. Il fait circuler parallèlement des textes de genres différents, tantôt anonymement tantôt sous son nom.
46Diderot présente, dans La Promenade du sceptique, certaines des possibilités qui, vers 1747, s’offrent au libre penseur face à la répression. À Ariste qui souhaite publier le récit des entretiens qu’il a eus avec le philosophe Cléobule, ce dernier donne le conseil suivant : « Vous renfermerez votre manuscrit, et ne le communiquerez qu’à nos amis ». À cela plusieurs raisons : les dangers encourus, l’inadaptation d’un tel discours aux problèmes politiques et religieux – il faudrait parler d’un point inaccessible dans les airs ! –, et l’incapacité du peuple à être éclairé qui rend toute tentative illusoire32.
47Un autre personnage intervient pour proposer une autre solution : publier le texte, qui de toute façon circule, mais sans risque, en le faisant imprimer par un sujet de Frédéric II. « Passez dans ses États avec votre ouvrage, et laissez crier les bigots. » C’est ce que fait Ariste, mais pas Diderot dont le texte est découvert par la police, et qui doit s’engager à ne pas le publier. La solution consistant à coder son ouvrage n’est pas explicitement indiquée. Cléobule propose bien à son ami d’exercer ses talents sur des sujets d’érudition, mais il ne propose pas d’y glisser des critiques discrètes, ce qui n’est pas exclu, mais à quoi bon s’il est possible de communiquer clandestinement le reste aux amis ? Pourtant cette possibilité existe, mais elle est associée d’une part, à une technique de domination – celle des politiques et des religieux –, et, d’autre part, à la pratique aristocratique de certains hommes de lettres. Ariste, quant à lui, ne croit pas à la nécessité de réserver les idées hétérodoxes à une minorité, ses hésitations proviennent avant tout des risques encourus.
48Diderot revient sur ce problème en 1774 et livre une sorte de bilan :
L’intolérance a contraint la véracité et habillé la philosophie d’un habit d’arlequin, en sorte que la postérité, frappée de leurs contradictions dont elle ignorera la cause, ne saura que prononcer sur leurs véritables sentiments [...].
Ici Buffon pose tous les principes des matérialistes ; ailleurs il avance des propositions tout à fait contraires.
Et que dire de Voltaire, qui dit avec Locke que la matière peut penser, avec Toland que le monde est éternel, avec Tindal que la liberté est une chimère, et qui admet un Dieu vengeur et rémunérateur ? A-t-il été inconséquent ? Ou a-t-il eu peur du docteur de Sorbonne ?
Moi, je me suis sauvé par le ton ironique le plus délié que j’aie pu trouver, les généralités, le laconisme, et l’obscurité.
Je ne connais qu’un seul auteur moderne qui ait parlé nettement et sans détour ; mais il est bien inconnu33.
49Voltaire pour sa part prend un malin plaisir à jouer sur tous les tableaux et à utiliser tous les modes de diffusion qui ont cours. Faut-il en conclure que ses textes les plus « secrets » expriment sa pensée véritable ? Certains sont purement polémiques, d’autres stratégiques, et il peut très bien lui arriver de défendre des thèses qui ne sont pas les siennes. Ainsi à l’époque de l’affaire du Système de la nature, il publie un texte intitulé Dieu et les hommes, où il attaque le matérialisme. Plutôt qu’une véritable réfutation, il faut lire entre les lignes la défense du dieu vengeur et rémunérateur, mais ce n’est pas non plus sa doctrine privée, puisque son déisme se passe d’un tel dieu. Faut-il alors en déduire qu’il adopte les thèses extrêmes qu’il feint de réfuter ? Non plus. Sa véritable position n’est pas simplement la plus radicale, il le dit dans ses textes, mais nous nous méfions. Il le dit dans sa correspondance, mais même là il multiplie les ruses. Il l’indique encore dans les marges de son exemplaire de l’ Essai sur les préjugés et cette fois aucun calcul ne paraît l’y pousser34.
50En somme, si les philosophes du xviiie ont bien eu recours, de diverses façons, à la double doctrine, il est peu probable qu’ils y aient admis le rapport impliqué selon Strauss dans l’art d’écrire.
Opinion et philosophie
51Nous retrouvons assez naturellement la seconde question de Strauss, qui est, selon lui, de nature « philosophique » : « Cette conception est-elle simplement fausse ou simplement vraie, ou vraie avec certaines qualifications (par exemple : “l’opinion est l’élément de toutes les sociétés non libérales”)35 ? ».
52Strauss s’efforce de penser l’hétérodoxie. Mais quelle extension donner à cet autre défini comme la doxa, l’autre qui met en danger la philosophie, et par rapport auquel elle s’affirme ? L’enjeu dépasse le cadre de la technique littéraire. Strauss semble considérer l’expression et la vérité dissimulée comme indissociables. On peut donc légitimement se demander si la philosophie n’est pas à ses yeux par définition hétérodoxe, et s’il n’appartient pas à son essence – quand bien même elle serait autorisée, « libre »–, d’être persécutée par l’opinion. Dans ce cas, l’art d’écrire serait la réponse « inactuelle » de la philosophie à l’opinion.
53On rejoint ici la question des limites de la diffusion du savoir qui occupe une place importante dans les débats du siècle des Lumières. Car s’il est vrai que le xviiie a vu l’épanouissement d’une conception plus large de la communication, il ne faut pas s’imaginer que cet élargissement ait été voulu par tous les penseurs, et destiné à tous les individus. Il s’agit bien plutôt d’un questionnement rendu pressant par les évolutions en cours.
54Ainsi s’explique en particulier la position de D’Holbach. Alors qu’il se demande dans l’Essai sur les préjugés :
Pourquoi la science du gouvernement ne se perfectionnerait-elle pas de même ? Pourquoi les vrais principes de la politique et de la morale ne pourraient-ils pas se simplifier au point d’être sentis par les hommes les plus ordinaires36 ?
il précise aussitôt dans une note sa conception du public :
[...] Tout homme qui écrit, ne peut se proposer de faire connaître la raison qu’à ceux qui sont susceptibles de l’entendre : ainsi pour l’ordinaire les ouvrages utiles ne sont faits ni pour les grands ni pour les hommes de la lie du peuple ; les uns et les autres ne lisent guère ; les grands d’ailleurs se croient intéressés à la durée des abus, et le bas peuple ne raisonne point. Aussi tout écrivain doit avoir en vue la partie mitoyenne d’une nation, qui lit, qui se trouve intéressée au bon ordre, et qui est, pour ainsi dire, une moyenne proportionnelle entre les grands et les petits. Les gens qui lisent et qui pensent dans une nation, ne sont point les plus à craindre. Les révolutions se font par des fanatiques, des grands ambitieux, par des prêtres, par des soldats, et par une populace imbécile, qui ne lisent ni ne raisonnent37.
55En militant pour la liberté de penser, de parler et d’écrire, il a en vue une part distincte de la population et engage la responsabilité des hommes de lettres dans l’évolution de la société.
56En effet, une pensée fondée sur la critique de la domination, des mystifications et sur l’idée selon laquelle l’opinion peut être « éclairée », implique un devoir pour le penseur d’y appliquer ses forces. Est-ce là un combat qui fait sortir le penseur du travail « philosophique », ou bien une dimension de la philosophie autrement entendue ?
57Cela implique une approche nouvelle de la nature de l’opinion. Car, contrairement à ce que laisse penser le raisonnement de Strauss, l’opinion ne forme pas un bloc et ne peut pas être radicalement mise à distance. Comme l’écrit D’Holbach,
si les hommes les plus éclairés et les plus honnêtes ont rarement le courage de dire tout ce qu’ils pensent, ils ont plus rarement encore celui de faire un divorce complet avec les erreurs qu’ils voient universellement établies, ou dont eux-mêmes éprouvent les influences à leur insu. Les personnes les plus sages ont des préjugés, des faiblesses, des passions, des intérêts, qui les empêchent de voir la vérité dans son entier, et de sentir les inconséquences et les contradictions de leurs écrits : que d’embarras pour la postérité lorsqu’elle voudra les juger38 !
58Un auteur, remarquait déjà Deslandes, trompe parfois involontairement parce qu’il a lui-même été crédule,
mais peut-on pardonner à ceux qui abandonnent lâchement les intérêts de la vérité, et qui, pour s’attirer des admirateurs, ou pour plaire aux personnes qui veulent s’assujettir les esprits, débitent avec un air d’assurance ce qu’ils sont fort éloignés de croire39 ?
59Les restrictions que nous avions relevées se retrouvent donc ici en positif, comme si elles étaient d’avance renvoyées par Strauss dans la tradition, ou dans le camp de l’historicisme. Il entend sans doute ainsi vérifier sa définition de la philosophie. Derrière sa conception d’un art d’écrire oublié il y a peut-être un refus radical des pensées du progrès sur le type de celles des encyclopédistes français, lesquels sont certainement à ses yeux davantage des intellectuels40 que des philosophes et préfigurent « l’historicisme [...] forme beaucoup plus poussée de la philosophie de l’ici-bas que le radicalisme français du xviiie siècle »41.
60L’art d’écrire sur lequel il attire l’attention symbolise une conception de la philosophie qui, supposant une initiation que seule la relation maître-disciple accomplit, place hors de la philosophie d’autres formes de réflexion. Cela transparaît à travers la question de la destination de l’écrit. À quoi bon rendre publiques des pensées ? À destination de quel public ? Pourquoi ne pas suivre le conseil du Cléobule de la Promenade du sceptique qui invite son interlocuteur à se contenter de bien penser et de bien vivre avec des amis dignes de ce nom, plutôt que de prendre des risques ?
61La vanité d’auteur n’est pas seule en cause. La façon dont Strauss résume le problème révèle le principe aristocratique qui est au fondement des restrictions qu’il tient pour établies. Selon lui, la condition de possibilité de l’art d’écrire se ramène à l’existence d’une minorité de philosophes révélés ou en puissance, lesquels sentent invinciblement l’orientation morale que leur lucidité implique :
Cette littérature serait impossible si l’adage socratique, selon lequel la vertu est connaissance, et selon lequel par conséquent des hommes réfléchis sont en tant que tels dignes de foi et dépourvus de méchanceté, était complètement faux42.
62Cette remarque a-t-elle quelque chose à voir avec la conviction de D’Holbach, elle aussi discutable, selon laquelle « les gens qui lisent et qui pensent dans une nation, ne sont point les plus à craindre » ?
63Chez Strauss, les hommes capables de penser ne sont pas les hommes qui sont intelligents, mais parmi eux la minorité des philosophes conformes à l’idéal de la philosophie éternelle. Dans ce cas, la réponse à la question « pourquoi communiquer ? » est simple : pour assurer la survie de la philosophie qui ne peut se transmettre autrement. L’enseignement étant une mission consubstantielle au naturel philosophe, le maître et le disciple se reconnaissent spontanément.
64Dans la phrase de D’Holbach, il s’agit de la République des Lettres et de ses environs. Cette fois la diffusion des idées est conçue à la fois comme une nécessité propre au travail intellectuel et comme un moyen en vue de changer l’ordre des choses.
65En définitive, le décalage entre le raisonnement de Strauss et les réflexions du xviiie siècle sur la double philosophie nous renseigne sur les deux orientations. Il n’est pas étonnant de constater la difficulté d’appliquer la notion d’art d’écrire, au sens fort, aux auteurs du xviie, puisque cette notion est construite sur le modèle de pratiques antérieures dont Strauss estime qu’elles s’atténuent ou se modifient à partir du xviie. Mais ce partage n’est pas satisfaisant. Il ramène la période à une idéologie commune orientée par la croyance au progrès et à la possibilité de diffuser de plus en plus largement la vérité. On découvre au contraire que la question de l’élitisme et des modes de communication, loin d’être uniformément tranchée, constitue au xviiie siècle l’une des tensions de la République des Lettres.
66Strauss, pour sa part, mène un combat souterrain pour la philosophie, il résiste sous le masque de la sociologie à l’historisation des œuvres43. Son principal présupposé, qui tient dans la formule : « L’opinion est l’élément de la société », cache une extension plus large du problème de la persécution et une forme de circularité. La philosophie au sens où il l’entend est par définition persécutée, et Socrate reste pour lui le symbole indépassable du rapport entre philosophie et opinion. Il semble considérer les changements intervenus durant les xviie et xviiie – et leurs prolongements dans les sciences humaines –, comme un drame pour la philosophie ; nous y voyons plutôt l’émergence de nouvelles philosophies de l’expérience, et d’un nouveau rapport entre discours et société. Néanmoins, sans adopter les thèses de L. Strauss, il est possible de tirer profit de son invitation à tenir compte du travail de dissimulation inhérent à certaines formes d’écriture philosophique.
Notes de bas de page
1 Malgré les difficultés que nous soulignons, l’hypothèse est légitime et les tentatives souvent fructueuses. Cf. pour la période qui nous intéresse, notamment, G. Brykman, Berkeley et le voile des mots, Paris, Vrin, 1994 ; la contribution de G. Mori sur Bayle dans le présent volume ; L. Jaffro, Éthique de la communication et art d’écrire. Shaftesbury et les Lumières anglaises, Paris, PUF, 1998 ; T. Marshall, « Art d’écrire et pratique politique de J.-J. Rousseau », Revue de Métaphysique et de Morale, 2-3,1984.
2 L. Strauss, « Persecution and the art of writing » (chap. II), et « How to study Sptnoza’s Theological-political Treatise » (chap. v), dans Persecution and the Art of Writing, Glencoe (Illinois), The Free Press, 1952. « On a forgotten kind of writing » (chap. ix), dans What is Political Philosophy ? and Other Studies, Glencoe (Illinois), The Free Press, 1959. Nous citons ces textes d’après les traductions suivantes : « La persécution et l’art d’écrire », « Comment étudier le Traité théologico-politique de Spinoza », dans La Persécution et l’art d’écrire, trad. O. Sedeyn, Presses Pocket, 1989 ; « Un art d’écrire oublié », trad. N. Ruwet, Poétique, 38, avril 1979, p. 244-252. Les titres des deux articles les plus cités sont abrégés comme suit : PAW et FKW, pour les textes originaux ; PAE et AEO, pour les traductions.
3 PAE, p. 69.
4 PAE, p. 57, PAW, p. 24.
5 PAE, p. 60, PAW, p. 26.
6 « Notre argumentation implique l’hypothèse selon laquelle c’est seulement grâce à certains vieux livres que l’on peut aujourd’hui accéder à la vérité » (« Comment étudier le Traité théologico-politique de Spinoza », p. 218).
7 PAE, p. 67.
8 Pour tout ce passage, cf. PAE, p. 6, PAW, p. 33-34.
9 De la même façon constater un changement dont le tournant correspondrait à la philosophie de Hobbes n’autorise pas pour autant à y voir la confirmation de l’erreur des Modernes. Voir notamment M. Malherbe, « L. Strauss, Hobbes et la nature humaine », Revue de Métaphysique et de Morale, 3,1989.
10 « On ne peut avoir accès à la signification originelle de la philosophie que par le rappel de ce que signifiait la philosophie dans le passé » (« Comment lire le Traité théologico-politique de Spinoza ? », p. 221).
11 PAE, p. 70 ; PAW, p. 37.
12 AEO, p. 245.
13 AEO, p. 245 : FKW, p. 222.
14 AEO, p. 245, FKW, p. 222.
15 « Lessing soutenait que “tous les philosophes anciens” avaient distingué entre leur enseignement exotérique et leur enseignement ésotérique, et il attribuait à Leibniz la même distinction » (« Comment étudier le Traité théologico-politique de Spinoza », p. 247).
16 A.-F. Deslandes. Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant (1712-1714), chap. xv (ajouté en 1714), Rochefort, 1714, p. 116.
17 Voir J. Macary, Masque et Lumières au xviiie siècle. A.-F. Deslandes citoyen et philosophe (1689-1757), La Haye, Martinus Nijhoff, 1975, iie partie, chap. iv.
18 A.-F. Deslandes, Histoire de la philosophie (1737), t. 1, p. 17 et suiv.
19 D’Holbach, Essai sur tes préjugés, éd. de 1792, t. Il, p. 51.
20 EP, t. II, p. 49.
21 EP. t. Il, note 1, p. 49-50.
22 EP. t. II.p. 50.
23 EP, t. II.p. 52.
24 EP, t. II, p. 90-91. Cf. p. 93.
25 EP, t. II, p. 93.
26 « Observations de Jean-Jacques Rousseau de Genève sur la réponse qui a été faite à son Discours », OC III, p. 46.
27 Voir H. Bots, F. Waquet, La République des Lettres, Paris, Belin, 1997, chap. ii, 4.
28 Contrairement à ce que suggère Strauss, les « hommes réfléchis » n’appartiennent pas tous au même camp ! Cf. PAE. p. 58-59 ; PAW. p. 25.
29 Nouvelles ecclésiastiques, 26 juin 1754.
30 Rousseau juge de Jean-Jacques, OC I, p. 695.
31 Cf. R. Mortier, « Ésotérisme et Lumières au xv1116 siècle », dans Clartés et ombres du siècle des Lumières, Droz, 1969 ; M. Benitez, « Lumières et élitisme dans les manuscrits clandestins », dans La Face cachée des Lumières. Paris et Oxford, Voltaire Foundation, 1996.
32 Cf. le début des Pensées philosophiques (1746) : « J’écris de Dieu ; je compte sur peu de lecteurs, et n’aspire qu’à quelques suffrages. Si ces Pensées ne plaisent à personne, elles pourront n’être que mauvaises ; mais je les tiens pour détestables si elles plaisent à tout le monde ».
33 Commentaire sur la Lettre sur l’homme et ses rapports (publié en 1772) de Hemsterhuis, 1773-1774, OC XI, éd. Lewinter, p. 105. La dernière allusion vise D’Holbach.
34 Sur cet épisode, voir notamment les études de R. Mortier, J. Boulad-Ayoub et F. Salaün, dans la 7e section de Voltaire et ses combats, t. 1, Oxford, 1997.
35 AEO, p. 245, FKW, p. 222.
36 D’Holbach, EP, t. I, p. 48.
37 EP, t. 1, note 1, p. 48.
38 EP, t. II, p. 91.
39 Deslandes, Histoire de la philosophie, t. 1, p. 124.
40 Sur cette distinction, voir sa critique de La Trahison des clercs (1927) dans Droit naturel et histoire (trad. M. Nathan et E. de Dampierre, (1954), Paris, Champs-Flammarion, 1986, p. 42-43).
41 Droit naturel et histoire, chap. i, p. 26.
42 PAE, p. 59 ; PAW, p. 25.
43 On peut à cet égard se demander si Strauss ne situe pas le travail de Cassirer hors de la philosophie (voir le compte rendu de The Myth of the State, dans Social Research, 14, 1, 1947).
Auteur
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