Alchimie et philosophie de la nature chez Evangelista Quattrami
p. 253-264
Texte intégral
1En 1587 fut éditée La Vera Dichiaratione di tutte le Metafore, Similitudini, & Enimmi degl’antichi Filosofi Alchimisti, tanto Caldei & Arabi, corne Greci & Latini, usati da loro nella descrittione, & compositione dell’Oro potabile, Elissire della vita, Quinta essenza, & Lapis Filosofico 1. L’auteur, le moine augustin Evangelista Quattrami de Gubbio (1527-1602), fut herboriste et distillateur de la famille d’Este pendant vingt ans, d’abord auprès d’Hippolyte d’Este, cardinal de Ferrare, ensuite du cardinal Luigi d’Este et enfin d’Alphonse II (1533-1597), duc de Ferrare2. Il obtint son doctorat en théologie à Rome, ville où il séjourna longtemps au service des deux cardinaux. En 1593 Quattrami rejoint Alphonse II à Ferrare où il a la charge des jardins ducaux et prospecte aussi les montagnes environnantes à la recherche de nouvelles plantes, tâche qui était commune à tous les herboristes de l’époque. Une correspondance assez importante avec Charles de l’Écluse (Clusius) et surtout avec Ulysse Aldrovandi, à qui il envoya des plantes, montre qu’il jouissait d’une certaine réputation à l’époque. Jusqu’en 1597, date de la mort d’Alphonse II, il put exercer avec profit sa profession ; mais il n’eut plus ensuite les moyens de poursuivre son œuvre ni même de subvenir à ses besoins et, en 1601, il était définitivement éloigné de la cour de Ferrare. Il rentra dans son couvent à Gubbio où probablement il mourut après le 31 mars 1602, date de sa dernière lettre connue.
2La parution de La vera dichiaratione... est annoncée par Evangelista Quattrami dans son traité sur la préservation et le traitement de la peste de 15863. Un autre ouvrage sur la thériaque paru en 1597 parachève le tableau de son activité littéraire et scientifique4.
3Dans La Vera dichiaratione..., à côté des textes classiques d’Aristote, en particulier les Météorologiques, la Physique et le De la génération et de la corruption, Quattrami cite aussi les commentateurs du Stagirite, notamment Alexandre d’Aphrodise, Jean Philophon (« Giovanni Grammatico »), Stéphane d’Alexandrie, Averroès, Avicenne, mais aussi d’autres auteurs comme Platon, Théophraste, Dioscoride, Pline, saint Augustin, Macrobe, les deux auctoritates médicales Galien et Hippocrate, et bien sûr des textes et des auteurs strictement alchimiques comme Hermès et son commentateur Hortulanus, Alphidius, Morien, Geber, Arnaud de Villeneuve, Raymond Lulle, le Lilium, la Turbo Philosophorum et une multitude d’autres dont certains restent mal identifiés. À Alphidius il attribue un des textes les plus obscurs de la littérature alchimique, l’Aurora Consurgens, habituellement mis sous le nom de saint Thomas d’Aquin5.
4Les ouvrages et les auteurs cités par Quattrami sont souvent suivis de longs extraits qui montrent sa très vaste culture dans le domaine de la philosophie naturelle. Sa connaissance des textes ne se limite pas, d’ailleurs, aux auteurs anciens mais s’élargit aussi aux contemporains, comme le montrent les références à Antonio Bernardi de la Mirandole6, Giovanni Augustino Panteo7, Lodovico Boccadiferro8, Jean Fernel9, Guglielmo Gratarolo10, Giovanni Bracesco11 et son contradicteur Robertus Tauladanus12, Giovan Battista Nazari13. Il cite aussi « un philosophe » qui parle de l’Arché naturel14, sans doute Paracelse car, plus en avant dans son exposé, notre auteur mentionne les trois éléments : soufre, mercure et sel, en donnant un large extrait des Canons du médecin allemand, sans pour autant le nommer de façon explicite15.
5Giovan Battista De Toni, au début du siècle, citant La vera dichiaratione..., déclarait que cet ouvrage « dans son ensemble représente une critique de l’alchimie »16. Sans doute la perspective positiviste de l’époque était-elle pour quelque chose dans le jugement trompeur de G.B. De Toni. En effet Quattrami, dès le début de son ouvrage, dans les deux dédicaces au pape Sixte V et au duc Alphonse II, précise très clairement sa pensée, qui n’est pas un point de vue critique sur l’alchimie mais plutôt une suite d’argumentations contre les faux alchimistes de son temps, afin de montrer la différence qui les sépare des « philosophes alchimistes ». C’est donc, contrairement à l’opinion de G.B. De Toni, une façon de souligner la validité de l’alchimie. Son but déclaré est d’éclaircir les différents aspects de l’art :
« Il [Quattrami parle de lui à la troisième personne] a écrit un ouvrage qui éclaircit toutes les métaphores et obscures similitudes des philosophes alchimistes que nécessite l’art de l’alchimie, compte tenu du fait que, à cause de ces métaphores, la plupart des hommes abandonnent toute activité ou profession qui leur convient, car le monde est plein de faux alchimistes, qui vont tentant qui un prince, qui un seigneur, qui un gentilhomme, qui d’autres gens bas et vils prétendant les enrichir en peu de temps »17.
6Les faux alchimistes, précise Quattrami, sont très habiles :
« Ceux qui disent connaître [l’art de la transmutation] sont des gens très rusés, qui veulent vivre aux frais des autres – car ils sont très pauvres – en fabriquant [des métaux précieux] sophistiques, à partir d’une mixture de teintures différentes, blanches ou citrines, tellement forte, que souvent même les essayeurs de l’Hôtel de la Monnaie sont trompés, car [les teintures] résistent à [l’épreuve de] la cémentation ordinaire, mais pas à celle de la cémentation longue, qui découvre toute tromperie »18
7Quattrami ne donne pas, dans la première partie de son ouvrage, une définition de l’alchimie en tant que telle, mais il procède par négation de l’alchimie des faussaires en accentuant, par conséquent, tous les aspects abstraits et spéculatifs de l’art. Dans les premiers chapitres de La vera dichiaratione..., Quattrami tient à marquer la différence profonde entre les alchimistes philosophes et les alchimistes faussaires. Ces derniers sont condamnés au bûcher, poursuit l’auteur, par la loi civile et le droit canon19. À ce propos, il rapporte trois exécutions de faussaires qui auraient eu lieu à Rome « In Ponte » en 1576, et l’arrestation d’un autre, complice des deux premiers. Celui-ci, sorti de prison, aurait repris ses activités frauduleuses, finissant lui aussi au bûcher en 1578 avec un associé20.
8 S’il est vrai que dans tous les textes alchimiques depuis le Moyen-Âge jusqu’à la Renaissance cette différence a toujours été soulignée, au point de devenir un véritable topos, il est vrai aussi que les nuances et les argumentations étaient fort complexes. Dans la Summa perfectionis du pseudo-Geber, écrite vers la fin du xiiie siècle, son auteur probable, le moine franciscain Paul de Tarente, consacre plusieurs chapitres à réfuter les théories de ceux qu’il appelle les sophistes21. Ce sont eux qui développent les argumentations les plus solides contre la possibilité de la transmutation et qui pratiquent en même temps l’altération des métaux. Richard l’Anglais (xiiie siècle), en revanche, dans son Correctorium, se sert du mot « sophiste » pour indiquer les auteurs de pratiques détournées22. C’est Petrus Bonus de Ferrare qui fait un rapprochement encore plus étroit entre faussaires et sophistes dans sa Pretiosa margarita novella écrite en 1330, tout en soulignant la validité de l’alchimie23. Les mots “sophiste” et “faussaire” sont de plus en plus apparentés, pour devenir enfin synonymes. Mais quoique cette synonymie faussaire-sophiste soit bien établie depuis le xive siècle, l’alchimie sophistique n’est pas toujours perçue comme le domaine exclusif des faussaires. Dans ce sens le lettré aristotélicien Benedetto Varchi, qui écrit en 1544 un ouvrage inachevé intitulé Si l’archemia è vera o no, quistione, propose une division tripartite de l’alchimie en vraie, sophistique et fausse. Pour Varchi aussi l’alchimie sophistique est celle des apparences trompeuses mais il la qualifie de « très ingénieuse » en lui reconnaissant un caractère d’utilité lorsqu’elle se développe dans le bon sens24. En revanche, si l’alchimie sophistique se révèle nuisible comme dans le cas des faussaires et des faiseurs de poisons, elle s’expose aux rigueurs de la loi. L’alchimie fausse est celle qui recourt aux pratiques de sorcellerie et nécromancie25. Par contre, son ami le métallurgiste Vannoccio Biringuccio dans son ouvrage La Pirotechnia, après avoir opéré une distinction entre l’alchimie vraie, qui est celle des philosophes, et l’alchimie sophistique, souligne que cette dernière est « l’enfant adultérin » de la première, pratiquée par les « vicieux et les praticiens de la tromperie »26.
9Quattrami ne se limite pas, dans les premières pages du livre, à montrer les différences de conception et de pratique entre les alchimistes philosophes et les faux alchimistes, mais il tient à illustrer toutes les tromperies mises en œuvre par ces derniers afin de duper les princes, les riches bourgeois ou même les pauvres gens27. Il montre ainsi une profonde connaissance de ces mêmes pratiques. L’auteur exprime dans la première partie de son texte plutôt un sentiment, une idée, une appréciation, qu’une pensée structurée en catégories où l’alchimie trouverait sa place. En revanche, dans la suite de son ouvrage, l’augustin traite de l’alchimie dans le contexte plus large de la philosophie naturelle.
10Aux activités trompeuses des faux alchimistes, qui sont condamnées par le droit canon et civil, Quattrami oppose l’art véritable de l’alchimie :
« [...] car, en ce qui concerne l’art de l’alchimie, qui n’est pas interdit, comme l’écrivent tant de philosophes alchimistes, je le ferai connaître à chacun [...]· »28
11L’auteur opère ainsi, de façon nette et sans équivoque, une distinction entre l’alchimie et les activités des faussaires. D’ailleurs, si à un moment donné de sa vie le moine augustin décida d’étudier l’alchimie, ce fut tout simplement pour sauver les pauvres meschini épris de la fausse alchimie et qui venaient lui demander des plantes nécessaires à leurs manipulations sur les métaux. Car, lorsqu’il ne connaissait pas encore les textes alchimiques, Quattrami les jugeait œuvre du démon ainsi que livres hérétiques et « interdits » dont la lecture conduisait directement à l’excommunication29. Dans sa démarche, le moine augustin arrivera même à faire abandonner la voie de la fausse alchimie à un certain Maestro Cherubino da Gubbio « praticien des choses de l’alchimie ». Ce Cherubino, Quattrami l’avait appelé à ses côtés pour étudier certains textes, dont un qu’il avait reçu d’un noble chevalier qui « faceva professione di bell’ingegno ». Le manuscrit que lui donna le chevalier était attribué à saint Thomas mais reconnu comme un faux par Quattrami malgré le fait que celui-ci « s’appliquait bien à saint Thomas30. Ici nous retrouvons le topos de l’initiation alchimique qui se fait souvent grâce à un inconnu qui fournit un texte à étudier, comme dans le cas de Nicolas Flamel31, ou une poudre, ou un enseignement, ou les trois à la fois. Cela se passe souvent pendant des voyages et des rencontres comme c’est le cas pour D. Zecaire32.
12La véritable alchimie, pour Quattrami, est étroitement liée à la philosophie ; son objet d’étude et de manipulation n’est pas les métaux vulgaires, qu’il définit comme « morts », mais les métaux « vivants » des philosophes alchimistes, désignés par eux sous forme de métaphores. C’est l’incompréhension de telles métaphores et de telles énigmes, ou plutôt, leur mauvaise interprétation, qui a conduit beaucoup d’hommes à perdre leur fortune, mais aussi leur honneur et leur vie. Les alchimistes philosophes n’ont pourtant pas parlé métaphoriquement afin de tromper les gens, mais simplement pour « montrer aux disciples de la précieuse science de la philosophie (sous des mots tels que les ignorants ne les comprennent pas) un don très précieux de Dieu ». L’alchimie de Quattrami est donc, assez classiquement, à la fois une philosophie et une révélation divine impliquant une démarche d’ordre simultanément spéculatif et religieux :
« Mais elle [l’alchimie des philosophes] est ensuite faussement interprétée à travers les opérations manuelles et artificieuses du vulgaire (qui n’entend pas le magistère si élevé et divin de la très sage nature) [...] »33
13L’alchimie des philosophes, souligne l’auteur, n’enseigne pas des choses impossibles, comme de transmuter les métaux vulgaires (qui sont morts) en or et en argent pour en faire de la monnaie : elle opère sur les principes. Les métaux dont s’occupe l’alchimie sont appelés ainsi par similitude, car en réalité ils relèvent de la matière céleste ; les métaux employés en alchimie sont « vivants » :
« [...] métaux par similitude, comme les métaux sont par similitude [apparentés] au Soleil, à la Lune, à Mars, Mercure, à Jupiter, à Vénus et à Saturne, qui sont des étoiles et non des métaux, des particules de la matière céleste, avec ces métaux (par similitude et métaphore, vivants de vie augmentative à travers le nourrissement comme font tous les vivants), on fait la transsubstantiation substantielle d’une espèce en une autre très différente de la première, par la main de l’homme et avec l’art de l’alchimie [...] »34
14Quattrami oppose à l’alchimie des faussaires et à leur capacité technique de transformation fictive des métaux la « transsubstantiation substantielle » de ces métaux, pour bien indiquer que l’alchimie des philosophes ne change pas seulement les accidents mais aussi la substance des espèce. Ce concept de transsubstantiation substantielle, qui revient tout au long de l’ouvrage, indique bien le lien de compatibilité que l’auteur établit entre philosophie, religion et alchimie. Cet aspect religieux est explicitement marqué à la fin de la plupart des chapitres par l’évocation du mystère de la Trinité et de la passion du Christ. Le climat contre-réformiste ne doit pas être étranger à ces rappels continus. On est bien loin de l’invocation de la grâce de Dieu contenue au début des ouvrages d’alchimie du Moyen-Âge, ou de l’utilisation du mot “transsubstantiation” que nous trouvons, dans certains de ces textes, employé plus ou moins comme synonyme de transformation35. La transsubstantiation est ici conçue comme une sorte de concession divine. Elle est, bien entendu, le résultat d’une série d’opérations différentes dont les passages sont signalés par les changements de couleurs mais, nous reviendrons là-dessus, ces opérations portant sur les formes substantielles, se déroulent en fait en dehors du temps « in istanti senza tempo da una all’altra »36. Quattrami lui-même semble partager l’idée que la transmutation de la matière est l’aboutissement d’une démarche qui, à travers les manipulations de laboratoire, met en pratique une philosophie, une science, visant davantage à assurer le bien-être de l’homme qu’à satisfaire sa cupidité, et qu’elle ne peut se réaliser qu’avec l’aide de Dieu, ce qui fait de l’alchimiste un initié touché par la grâce. Nous retrouvons là la tradition médiévale représentée par Arnaud de Villeneuve37, Geber38, le pseudo-Lulle39, Petrus Bonus40, mais cette fois-ci il semble bien que la grâce, avant d’être un acte gratuit de Dieu qui récompense l’homme juste, soit le résultat d’une soumission aux lois divines incarnées par l’Église. D’ailleurs, la démarche de bon chrétien de Quattrami consiste à sauver les alchimistes au moyen de la raison et de l’expérience mais bien entendu aussi grâce à la foi en des principes régulateurs. Car parfois la raison peut être détournée, comme il advient à ces « fausses » raisons basées sur ce que notre auteur définit comme les apparences mathématiques. C’est le cas de Copernic, cité en tout début d’ouvrage, dont les théories sont « les calculs les plus exacts de notre époque bien que fondées sur le faux [...] »41. Il se conforme ainsi à ce que disait Osiander, l’éditeur de Geber, dans son introduction au De revolutionibus de Copernic. Quattrami souligne de façon encore plus nette que les mathématiques, relevant du domaine des apparences, n’ont rien à révéler sur l’essence même du monde. Cela quelques décennies avant le procès de Galilée.
15La possibilité scientifique de la transmutation est traitée par Quattrami dans un contexte interprétatif non plus limité au seul domaine de l’alchimie, mais élargi à la conception plus vaste de la nature dans son ensemble. C’est pourquoi le moine augustin tient à souligner que les philosophes alchimistes étudient les principes des sciences et de la philosophie de la même façon que les philosophes naturels. L’approche méthodologique est la même, ce sont les buts qui changent. Cette philosophie naturelle est fondamentalement l’aristotélisme. Notre auteur consacre les chapitres xv à xxi à une exposition détaillée de la physique aristotélicienne. Ces chapitres se présentent comme en rupture avec les précédents dans la mesure où les références alchimiques en sont pratiquement absentes. Quattrami insiste longuement dans le chapitre xv sur les distinctions à opérer entre les changements qualitatifs, qui constituent un mouvement se produisant dans le temps, et les changements portant sur les formes substantielles, lesquels ne relèvent pas du mouvement et par conséquent sont hors du temps, puisque selon Aristote le temps est la mesure du mouvement :
« [...] l’acte substantiel ne peut pas être la matière du mouvement, et donc dans l’essence des substances il n’y aura pas de mouvement. C’est pourquoi dans la génération des formes substantielles, l’on ne trouvera aucune forme parfaite contraire à l’autre forme substantielle. Mais on le trouvera dans les accidents (comme je l’ai dit auparavant), parce que la mutation se fait d’un contraire à l’autre contraire, comme du froid au chaud et du blanc au noir, en recevant de telles formes de la contrariété, le peu et le trop. Et puisque dans les substances il n’y a pas de contrariété vraie et positive, il s’ensuit que l’acte substantiel ne peut pas être la matière du mouvement ; et bien que la substance se corrompe, elle se corrompt par privation et non pas par positivité du contraire. De ce fait, telle transmutation substantielle ne se fait pas de l’acte à l’acte mais de l’acte à la privation et de la négation à l’acte, cela n’étant pas du véritable mouvement mais de la génération et corruption hors du temps, puisque le temps est la mesure du mouvement. »42
16Après avoir exposé toute la problématique aristotélicienne concernant la physique, Quattrami retourne brusquement, à partir du chapitre xxii, au « Magisterio dell’Alchimia » qu’il semblait avoir oublié, introduisant un nouveau changement de ton dans son exposé, qui devient parfois lyrique, surtout vers la fin de l’ouvrage. Une lecture hâtive pourrait alors faire croire que cet exposé de la physique d’Aristote forme presque une sorte de parenthèse superflue pour l’intelligence de la doctrine alchimique du moine augustin. En réalité, malgré certaines considérations effectivement quelque peu marginales, il n’en est rien, car l’analyse aristotélicienne du changement portant sur les formes substantielles va se révéler capitale pour l’explication de la transmutation métallique. Examinant cet élément central du magistère alchimique qu’est le feu, Quattrami s’exclame en effet :
« Ô grands Philosophes Alchimistes, ils sont si peu nombreux ceux qui ont voulu entendre ce que vous avez dit de façon si claire ! Vous avez dit en effet que ce magistère, il faut le faire à partir d’une seule chose ; que tous les combustibles sont ce combustible avec un seul vase, qui est la figure propre de notre feu, en prévenant et en disant que le vase est divin et est la mesure du feu, pour comprendre le tout dans sa figure, assimilée au matras avec son chapiteau, et aux récipients lutés avec le lut des sages, qui est ce mélange de terre et d’eau, c’est-à-dire la flamme, qui est un mélange d’eau et de cendre, avec un seul four, qui est l’acheminement et le lieu où se fait le feu, en se distillant par bain-marie, qui est la flamme et la fumée, qui est l’humidité tempérée du feu, appelée Balneum maris, c’est-à-dire “eau de mer”, en une seule opération on fait la conjonction et la séparation, la solution et la coagulation, distillation, sublimation, calcination, incinération, fixation, et autres opérations dans des instants sans temps, en passant de l’une à l’autre. »43
17 On voit comment la philosophie naturelle d’Aristote permet à Quattrami de rendre compte de la quasi-miraculeuse transmutation des métaux, en ramenant celle-ci à une suite d’opérations portant sur les formes substantielles et se réduisant à une seule « in istanti senza tempo », « dans des instants sans temps ».
18Il est intéressant de remarquer que Quattrami ne place pas la seule transmutation dans des « istanti senza tempo » mais bien tous les différents processus matériels du grand œuvre, qui se réduisent à une unique opération. Il y a peut-être là un écho de l’objection adressée à l’alchimie par ses adversaires et rapportée par le pseudo-Geber dans la Summa perfectionis. Ceux-ci posaient en effet que l’être et perfection d’un métal lui étant donné de manière instantanée (« subito et instanti ») par une configuration déterminée des astres, qui règlent la génération et la corruption, la transmutation est impossible, puisque l’alchimiste prépare par des opérations successives sa matière à recevoir la forme, et non pas en un instant44. À quoi le pseudo-Geber répondait en faisant valoir que ce n’est pas parce que la préparation de l’œuvre n’est pas instantanée que la matière préparée ne peut recevoir sa forme et perfection en un instant45.
19Selon Quattrami, ces opérations constituant une opération unique « in istanti senza tempo » s’effectuent grâce à la vertu du feu, « notre feu », comme l’appelle Quattrami, feu qui se nourrit en bas dans le monde sublunaire pour monter ensuite vers le haut en se purifiant, et atteindre sa purification absolue dans le cercle de la lune46. C’est grâce à ce feu des alchimistes qui ne fait pas partie des quatre éléments47 que, en une opération unique, peuvent se dérouler toutes les autres opérations « in istanti senza tempo ». Il faut remarquer que pour appuyer ses argumentations sur le feu notre auteur ne recourt plus à Aristote mais d’abord à Théophraste Paracelse48, sans pourtant le mentionner explicitement, puis à Théophraste, le successeur d’Aristote49.
20Quattrami n’utilise pas l’expression « transsubstantiation substantielle » dans une perspective spécifiquement religieuse comme celle, par exemple, où sont comparées la passion des métaux et la passion du Christ, tradition qui trouve sa source dans certains traités alchimiques du xive siècle et se prolonge jusque dans la rhétorique des sermons comme l’ont montré S. Matton pour la France du xviie siècle et S. Fabrizio-Costa pour l’Italie de la même époque50. En effet, le souci fondamental de Quattrami, tout au long de son ouvrage, est de montrer comment les principes de la philosophie naturelle (qui est l’aristotélisme) et ceux de l’alchimie sont compatibles. Lorsqu’il pose le problème de la transformation de la matière en terme de transsubstantiation substantielle, il le fait donc en tant que philosophe de la nature qui ne dispose pas d’un autre terme qui puisse mieux indiquer le changement total et profond. Une fois assurée l’idée de mutation complète à l’alchimie, il utilisera le mot “transmutation” et “transformation” comme synonymes de transsubstantiation. Ce qui n’était pas le cas au début de son explication. D’ailleurs la question de la définition des mots de : transmutation, transformation, transsubstantiation et conversion, était de la plus grande actualité dans la mesure où le Concile de Trente avait évoqué ce problème sémantique pour indiquer la présence réelle du Christ dans l’hostie pendant la messe51, sans recourir pour autant à la notion de miracle, dont, rappelons-le, l’exclusion constituait le point de convergence des divers courants de l’aristotélisme padouan au-delà de ses divisions profondes entre alexandrins et averroïstes. Bien qu’il ne fasse nullement appel à la notion de miracle, Quattrami conçoit néanmoins la transmutation alchimique comme une sorte de “miracle naturel” dans la mesure où elle est le résultat d’une série d’opérations se déroulant hors du temps. En effet il ne place pas la seule transmutation dans les « istanti senza tempo », mais, nous l’avons vu, tous les différents passages matériels de l’Opus, qui se réduisent à une opération unique.
21La transmutation alchimique porte donc sur l’acte substantiel, et cet acte substantiel, nous dit Quattrami : « ne peut être la matière du mouvement ». En effet, si le mouvement transformant les accidents est lié au temps, la transformation substantielle de la matière, elle, n’appartient pas au domaine du mouvement, et relève donc d’une « génération et corruption sans temps »52. Elle ne peut se faire à travers le mouvement, mais elle se situe dans un temps qui n’est pas unité de mesure. Car dans ce temps le passé et le futur ne sont pas reliés par le mouvement.
22Quattrami va donc bien au-delà d’une simple tentative de démonstration de l’absence de contradictions entre la philosophie naturelle et l’alchimie. Cela, les traités alchimiques l’ont toujours dit. Lui essaie d’atteindre à une véritable intégration de l’une en l’autre, à travers un savant mélange des différents aspects de ces deux “philosophies”, qui, en étudiant la nature, s’accordent nécessairement avec les principes de la religion chrétienne, paramètre ultime de la validité ou de la non-validité de la science53.
Notes de bas de page
1 E. Quattrami, La Vera Dichiaratione di tutte le Metafore, Similitudini, & Enimmi degl’antichi Filosofi Alchimisti, tanto Caldei & Arabi, corne Greci & Latini, usati da loro nella descrittione, & compositione dell’Oro potabile, Elissire délia vita, Quinta essenza, & Lapis Filosofico. Ove con un breve discorso della generatione de i metalli, & quasi tutte l’opere di natura, seconda i principij della Filosofia, si mostra l’errore, & ignoranza (per non dir l’inganno) di tutti gl’Alchimisti Modemi. Perfrate Evangelista Quattrami da Gubbio dell’Ordine Eremitano di S. Agostino, Semplicista, & distillatore dell’Illustriss. & Reverendissimo Sig. Card. d’Este, Con Licenza de i superiori. In Roma, Appresso Vincentio Accolti, in Borgonovo, 1587.
2 Pour la vie de Quattrami, cf. G. Tiraboschi, Storia della Letteratura Italiana, t. IX, Modena, Société Tipografica, 1781, pp. 157-158 ; R. Pirotta – E. Chiovenda, « Flora Romana, parte prima : Bibliografia e storia », Annuario del R. Istituto Botanico di Roma, anno X, fasc. I, Roma, 1900, pp. 72- 74 ; G.B. De Toni, « Notizie bio-bibliograftche intomo Evangelista Quattrami », Atti del Reale Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, t. LXXVII, parte seconda, pp. 373-396. La vera dichiaratione... est aussi signalée par J. Ferguson, Bibliotheca Chemica, rééd. London, Derek Vershoyle, Academie and Bibliographical Publications, 1954, vol. II, pp. 232-233.
3 Breve Trattato intorno alla preservatione et cura délia peste : difrate Evangelista Quattrami d’Agubio, dell’ordine Eremitano di S. Agostino semplicista del Illustrissimo, e Revendiss. Signore Cardinale D’Este, Roma, nella Stamperia de Vincentio Accolti, 1586.
4 Tractatus per utilis atque necessarius ad Theriacam, mitridaticamque Antidotum componendam, in quo habentur solutiones tôt controversiarum, quae inter celeberrimos viras adhuc viguere circa ea omnia e quitus Antidata ipsa conficiuntur, nec non e penè innumerabilium errorum fidelis declaratio in publicae utilitatis gratiam, Ferrariae, apud Victorium Baldinum, Typographum Ducalem, 1597.
5 La vera dichiaratione..., p. 186.
6 Ibid., Alli Benigni Lettori, p. [XX]. C’est nous qui numérotons les pages des dédicaces, qui ne le sont pas dans l’édition.
7 Ibid., p. 74 et passim.
8 Ibid., p. 136.
9 Ibid., p. 74.
10 Ibid., p. 50.
11 Ibid., p. 47.
12 Ibid.
13 Ibid., p. 76.
14 Ibid., pp. 92 et 94.
15 La vera dichiaratione..., pp. 225-226.
16 G.B. De Toni, op. cit., p. 382.
17 La vera Dichiaratione..., Alla Santita di Nostro Sig.re Papa Xisto Quinto, p. [I] : « [...] ha scritto un’ opéra che dichiara lutte le metafore, et oscure similitudini de i fîlosofi Alchimisti, per quanto ricerca l’arte dell’Alchimia, atteso che per tali metafore la maggior parte de gThuomini, abbandonano quasi che ogni essercitio, & professione che li conviene, per essere impito il mondo tutto di falsi Alchimisti, tanto di persone religiose, corne anco de laici, che vanno tentando, chi un Principe, chi un Signore, chi un Gentil’huomo, chi un Mercante, & chi altre genti basse & vili, con volerli arricchire in poco tempo [...] »
18 Ibid., p. [II] : « [...] poi che quei tali, che dicono saper simil cose, sono persone astutissime, Che vogliono vivere sempre aile spese d’altri, per esser poverissimi, facendo sofistichi di tal fortissima mistione di tinture varie, bianche & citrine, che spesso ci restano ingannati sin’alli Saggiatori delle zecche, per restare à certi cimenti ordinarij, ma non poi alli longhi, che scopreno ogni inganno : ».
19 Ibid., p. 2.
20 Ibid., p. 32. Agostino Lapini dans son Diario (Diario Fiorentino di Agostino Lapini dal 252 al 1596, ora per la prima volta pubblicato da Gius. Odoardo Corazzini, in Firenze, G.C. Sansoni Editore, 1900, p. 183) signale deux exécutions de faussaires à Florence : « A di primo di febbraio 1573, in lunedi, andarono a giustizia due Lanzi, per avere stampato moneta falsa di valore d’uno scudo Tuna, chiamati piastroni, con impronta ducale e Santo Giovanni. Furono per la prima cosa impiccati per la gola a uno stile e di poi con una catena furono legati per il mezzo, e dato loro fuoco, che in un subito arsono ambedue. »
21 Éd. J.J. Manget, Bibliotheca Chemica Curiosa, Genève, 1702, vol. I, Livre 1, chap. vi – vii – viii, pp. 521-523, et pp. 269-298 de l’édition de W.R. Newman, The Summa Perfectionis of Pseudo-Geber. A critical edition, translation and study, Leiden – New York – Kpbenhavn – Koln, E. Brill, 1991.
22 Éd. J.J. Manget, op. çit., vol. II, chap. xvii, p. 274.
23 Cf. chap. X, éd. J.J. Manget, op. cit., vol. II, p. 36 ; Pretiosa margarita novella, edizione del volgarizzamento, introduzione e note a cura di Chiara Crisciani, Firenze, La Nuova Italia, 1976, p. 133.
24 Peut-être Quattrami se réfère-t-il à ce type d’alchimie lorsqu’il parle de deux sortes de faux alchimistes : les uns « savants » les autres « ignorants », mais il n’est pas question de développement dans le bon sens, p. 30. Quattrami reviendra sur le sujet de façon plus étendue en disant qu’il y a cinq sortes d’alchimistes : l’une « vraie et savante » tandis que les quatre autres sont fausses. Mais parmi ces dernières, il y en a deux « intelligentes » et deux « ignorantes » (cf. Vera dichiaratione, p. 34). Dans cette multiplication des définitions on peut voir une certaine difficulté à cerner le problème.
25 Je renvoie à mon article, « Benedetto Varchi et l’alchimie. Une analyse de la Questione suH’alchimia », Chrysopœia, I (1987), pp. 181-208. L’édition non critique est de Domenico Moreni, Questione sull’alchimia, Firenze, 1827. La question ainsi posée ne changera guère puisque trente-six ans plus tard Francesco Verino Secondo, dans un traité (resté manuscrit, Biblioteca Nazionale di Firenze, Magliabechianus XVI, 78) intitulé Breve discorso intorno all’Arte dell’Alchimia, reprend telle quelle la division opérée par Varchi ; cf. A. Del Fante, « Un testo inedito di Francesco Verino Secondo suif Alchimia », Annali dell’Istituto di Filosofia di Firenze, IV (1982), pp. 75-90.
26 Vannoccio Biringuccio, De la Pirotechnia libri X, Venetia, Stampata per Roffïnello ad Istantia di Curtio Navo, 1540. Nous citons de l’édition de 1550, Li dieci libri de la Pirotechnia, in Vinegia per Giovanni Padoan, a istantia di Curtio Navo, chap. « Dell’arte Alchemica Generalmente », f. 123v.
27 Voir les chapitres IV (« Diverse sorti d’inganni che si fanno ben spesso da falsi alchimisti ») et V (« L’ignoranza de falsi alchimisti »).
28 La vera dichiaratione..., Alla Santita di Nostro Sig.re Papa Xisto Quinto..., p. [III] : « Perche quanto alla vera arte dell’Alchimia, che non è prohibita, corne scrivono tanti filosofï alchimisti, di questa ragguagliarò ciascuno [...] ».
29 Ibid., p. 31 : « Fu piacimento della somma misericordia del Padre etemo, ch’io pervenissi alla cognitione di questa scientia, che chiamano Alchimia, non che io la cercassi, ma la fuggivo & odiavo più che la peste, persuadendomi, che fusse tal cosa una inventione del Demonio. Li scritti di quei filosophi che parlano del lapis, 6 vogliamo dire pietra ftlosofica, li riputavo corne se fussero libri Heretici, & prohibiti, pensando cascar irregulare, & escommunicato, se tal cose havess’io lette, & venutomi talmente gran compassione di quelli meschini, che erano avvilupati in simil’arte, poiche del continuo : mi capitavano per le mani, cercandomi diversi semplici, che gli promettevano di fargli ricchi [...] ».
30 La vera dichiaratione..., p. 34.
31 Trois traictez de la philosophie naturelle, non encore imprimez. Scavoir, Le secret livre du très ancien Philosophe Artephius, traictant de l’ Art occulte et transmutation Métallique, Latin François. Plus les figures hierogliphiques de Nicolas Flamel, ainsi qu’il les a mises en la quatrième arche qu’il a bastie au Cimetiere des Innocents à Paris, entrant par la grande porte de la rue S. Denis, et prenant la main droite ; avec l’explication d’icelles par iceluy Flamel Ensemble Le vray Livre du docte Synesius Abbé grec, tiré de la Bibliothèque de l’Empereur sur le mesme sujet, le tout traduit, par Pierre Arnauld, sieur de la Chevallerie Poictevin, Paris, veuve Guillemot et S. Thiboust, 1612. Sur la question de Nicolas Flamel je renvoie à l’article de R. Halleux, « Le mythe de Nicolas Flamel ou les mécanismes de la pseudépigraphie alchimique », Archives Internationales d’Histoire des Sciences, XXXIII (1983) ; voir aussi C. Gagnon, Description du Livre des Figures Hieroglyphiques attribué à Nicolas Flamel suivie d’une réimpression de l’édition originale et d’une reproduction des sept talismans du Livre d’Abraham, auxquel on a joint le Testament authentique dudit Flamel, Montréal, 1977, et à D. Kahn, postface à Nicolas Flamel, Écrits alchimiques, Paris, 1993, pp. 99-116.
32 Opuscule tres-eccellent de la vraye philosophie, naturelle des metaulx, traictant de l’augmentation et parfection d’iceulx, Avec advertissement d’eviter les folles despences qui se font ordinairement par faute de vraye science. Par Maistre D. Zecaire, Gentilhomme et Philosophe guiennois. Avec le traicte de venerable Docteur Allemant Messiere Bernard Conte de la Marche Trevisane sur le mesme subgiect. En Anvers, par Guillaume Silvius, 1567. Voir R. Crouvisier, Edition critique de /Opuscule de Maistre D. Zecaire, Mémoire de maîtrise d’histoire, Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, Université de Tours, 1990 (dactylographié), et « L’authenticité de l’Opuscule attribué à Maistre D. Zecaire », dans D. Kahn et S. Matton (éd.), Alchimie : art, histoire et mythes, actes du 1er colloque international de la Société d’étude de l’histoire de l’alchimie, Paris, Collège de France, 14-16 mars 1991, Paris, Universitas (sous presse).
33 La vera dichiaratione..., Al Serenissimo et Invittissimo Principe, il Sig. don Alfonso Da Este Duca di Ferrara, p. [VII] : « Ma è interpretata poi falsamente per operationi manuali, & artificiali del vulgo (da chi non intende si alto & divino magisterio della sapientissima Natura.) [...] ».
34 Ibid., p. IX : « [...] ma metalli per similitudine, corne sono per similitudine al sole, Luna, Marte, Mercurio, Giove, Venere, & Saturno, che sono stelle, & non metalli, ma particelle della materia celeste, con li quali metalli (similitudinarij & metaforici, vivi di vita aumentativa, mediante il nutrimento, corne tutti li viventi fanno) si fà la transustantiatione sustantiale d’una specie in l’altra specie differentissima dalla prima, per mani dell’huomo con l’arte dell’Alchimia ».
35 Arnaud de Villeneuve, Novum Testamentum : « maximô de métallo plus infirmo quod transsubstantiatur et transmutatur in nobilissimum videlicet de Saturno quia est magis infirmus et vilissimum inter planetas omnes totius coeli et etiam inter omnia metalla terrae vilior transsubstantiatur in Solem purum » ; J.J. Manget, op. cit., vol. I, p. 706.
36 La vera dichiaratione, pp. 198-199.
37 Rosarium Philosopha mm, chap. XXXII, « De Recapitulatione Totium Magisterii », éd. J.J. Manget, B.C. C, vol. I, p. 676.
38 Summa perfectionis, livre IV, « Operis Totium in Summa Recapitulatio », éd. Manget, vol. I, p. 557.
39 Testamentum, Theorica, chap. I, « De Definitionibus Huius Artis et Planctu Nature, et quid sit theorica et quia practica », éd. Manget, vol. I, p. 708.
40 Pretiosa margarita novella, éd. Manget, p. 31, éd. Crisciani p. 117.
41 La vera dichiaratione..., A Tutti gli Alchimisti che si ritrovano hora, p. [IX-X] : « Perô concluderei ben di certo, che la ragione sola non bastasse quando si potesse verificare con la esperienza sensata, poiche si vedono tal volta certe ragioni, che salvano (corne direm per essempio) le apparenze Matematiche con fondamenti falsissimi, corne si vede per le Teoriche del Copernico, che sono tali calculationi ne i dì nostri, le più giuste, se bene son fondate nel falso, poi che vuole, che la terra sia situata nel quarto cielo, & giri una rivolutione intiera da oriente in occidente in hore 24. & il sole stia immobile, & fermo nel centro del mondo, cose fuor d’ogni sensata ragione, poiche essendo il centro del mondo à ogni altra opinione luogo tenebrosissimo, e esso lo fà splendidissimo per la presenza del sole, che mai si muove (dice esso). ».
42 La vera dichiaratione..., chap. xv, pp. 113-114 : (« Che cosa sia la natura et moto ») : « Onde ne segue, che l’atto sostantiale non può esser materia del moto, & cosl nel predicamento delle sostanze, non ci sarà moto, & per questo, nella generatione delle forme sostantiali, non ci si ritroverà alcuna forma perfetta, che sia contraria all’altra forma sustantiale, ma bene nelli accidenti (corne di sopra si e detto) percioche si fà la mutatione da un contrario nell’altro contrario, corne dalla frigidité alla calidità, & dall’albedine, alla nigredine, ricevendo tal forme dalla contrarietà, il poco, & Tassai. Et perche nelle sostanze non ci e contrarietà vera positiva, ne seguita, che Tatto sustantiale, non può essere materia del moto, & se bene la sustanza si corro[m]pe, si corrompe privative, & non positive del contrario. Imperô che tale transmutatione sustantiale, non è dall’atto all’atto, ma dall’atto alla privatione, e dalla negatione all’atto, non essendo questo propriamente moto, ma generatione & corrutione senza tempo, per esser il tempo la misura del moto. » Pour l’impossibilité du mouvement dans l’instant cf. Aristote, Physique, VI, 3, 234a, 21-31 ; pour l’absence de mouvement dans la substance, ibid., V, 2, 225b, 10- 15.
43 La vera dichiaratione..., pp. 198-199 : « O gran Filosofi Alchimisti, che pochi vi hanno voluto intendere, nelli vostri detti tanto chiari, poi che havete detto farsi questo magisterio d’una sol cosa, che sono tutti li combustibili, detto combustibile con un sol vaso, che e la figura propria di questo nostro fuoco, avvertendolo con dire, che il vaso era divino, & era la misura del fuoco, per capire tutto nella sua figura, assimigliata alla boccia co’l suo capello, & recipiente lutati co’l luto de sapienti, che e questo misto di terra & acqua, cioè la fiamma, che e una mistione d’acqua & cenere, con un sol forno, che e camino & luoco dove si fà il fuoco, destillandosi per bagno marie, che e la fiamma & fumo, che e humidità temperata del fuoco, detta Balneum maris, cioè acqua marina, con una sola operatione far la congiontione & separatione, la solutione & coagulatione, destillatione, sublimatione, calcinatione, incineratione, affîssatione, & altre operationi in istanti senza tempo da una all’altra. »
44 Summa perfectionis, éd. Manget, op. cit., p. 522a, éd. Newman, op. cit., chap. viii (« Sermo generalis de argumentationibus sophistarum artem negantium. De negantibus artem simpliciter »), pp. 275.27-277.2 : « Similiter etiam esse et perfectio datur a stellis tanquam a primis perficientibus et moventibus materiam generationis et corruptionis ad esse et non esse specierum. Hoc autem fit subito et instanti cum pervenit una Stella aut plures ad situm determinatum in firmamento ex motibus a quo datur perfectum esse, quia unaquaque res ex certo situ stellarum acquirit sibi esse in momento. Et non est solus unus situs immo plures et sibi invicem diversi, quemadmodum ipsorum effectus sunt diversi et horum diversitatem et distinctionem adinvicem pernotare non possumus cum nobis sint incogniti et infmiti. Quomodo igitur supplebis defectum in opéré tuo ex ignorantia diversitatum situum stellarum ex motu earum ? Et tamen si situm unius aut plurium stellarum certum quo datur metallis perfectio scires, non tamen opus tuum perficeres. Non enim est alicuius operis preparatio ad suscipiendam formam per artificium in instanti, sed successiva. Ergo operi forma non dabitur cum sit in instanti. » W. Newman commente (p. 644, note 12) : « The idea here is that an exact stellar conjunction can only last for an instant, when one star or a group of them “arrives at a definite position in the firmament...”. But since any alchemical process take an appreciable time to carry out, it must fall under the virtue of more than one précisé conjunction. Therefore, it will be impossible to induce the required form into the subject. »
45 Ibid., chap. 10 (« Sermo in solutionibus artem negantium simpliciter »), éd. Manget, p. 523b, éd. Newman pp. 291.32-292.42 : « Et si dicant perfectionem in instanti dari, et preparationem nostram non in instanti fieri, et concludant ex hoc non perficitur ergo per artificium hec ars, dicimus capita illorum vacua fore ratione humana, et magis bestiis quam viris assimilari. Concludunt enim ex premissis nulla se habentibus habitudine ad id quod illatum est. Tantum enim tenet hec argumentatio, “asinus currit, ergo tu es capra”, quantum et sua, et hoc ideo, quoniam et si non fiat preparatio in instanti, non prohibet tamen hoc, quod forma vel perfectio non possit preparato dari in instanti. Non enim preparatio est perfectio, sed habilitatio ad suscipiendam formam. »
46 Cf. La vera dichiaratione..., p. 190 : « [...] ma nato e generale il fuoco, subito muore, se non hà il nutrimento, dal quale ne nasca sempre nuovo fuoco, dicendo li fdosofi naturali, che solo il fuoco trà tutti li elementi si nutrisce, essendo nel fuoco una natura d’andare perpetuamente in sù & giu, in sù per natura della leggierezza, non già che il fuoco habbia tal natura, ne sia di tale natura, ma saglie seconde natura [...] ». Et p. 191 : « [...] Dove per ventilatione, & traspiratione ne resta vivo, mediante il suo cibo, & espurgatione nel salire che fà in sù, & finito di salire il fuoco al suo luogo, che e la sfera più accosto al cielo della luna, li si conserva puro senza nutrimento, ne più cerca andare in sù, ma si quieta ivi nel suo loco, non scaldando per la rarità, & sottilità délia materia, non ci essendo quasi niente d’attione, per il difetto del corpo combustibile, per non ci esser lì nessuno obietto da scaldarsi, & se pure altera, e permuta l’aere, e nel confine, & non nella sua sfera, non facendo ne anco in quel luoco lume per la rarità. Ma ritornando al suo moto, si dice, che il moto per in sù e seconde la natura, & il moto per in giù il medesimo, per la sua sustentatione, cioè per pigliare il nutrimento per la sua essistenza & roboratione, facendo cosi perpetuamente in sù & in giù [...] ».
47 Cf. id., p. 192 : « [...] Avvertendo però, che quanto si e detto, s’intenda non del fuoco elementale, ma di questo nostro, chiamato ardore & fervore, essendo misto, & non semplice [...] ». Il convient de rappeler ici que le problème du feu et de la chaleur est central dans le développement des théories alchimiques se situant dans la perspective d’une philosophie naturelle aristotélicienne. Car s’il est vrai que les métaux naissent dans les entrailles de la terre grâce à l’exhalaison humide qui détermine ensuite les deux principes du soufre et de l’argent vif, il est vrai aussi que cette exhalaison est causée par la chaleur des cieux. Dans la logique alchimiste qui veut que l’adepte soit le “ministre de la nature’’ et non son artifex, il est fondamental de pouvoir manipuler les deux principes avec une chaleur qui soit la plus proche possible de celle de la nature. Benedetto Varchi avait consacré à cette question un ouvrage intitulé La lezione sui calori où il soutenait la thèse que toute sorte de chaleur obtient les mêmes effets. Cet ouvrage naquit, ainsi que le dit l’auteur lui-même, comme suite à son traité Si l’archemia é vera o no, questione. Celle-ci est datée du 11 novembre 1544 et la Lezione... du 25 décembre de la même année ; cf. Opere di Benedetto Varchi per la prima volta raccolte, con un discorso di A. Racheli intomo alla filologia dell’autore ; aggiuntevi le lettere di Gio. Battista Busini sopra dell’assedio di Firenze, Trieste, Sezione Letterario Artistica del Loyd Austriaco, 1858-1859, vol. II ; sur Varchi cf. U. Pirotti, Benedetto Varchi e la cultura del suo tempo, Firenze, 1971. D’ailleurs il faut souligner que la fragmentation de l’aristotélisme à la Renaissance en « aristotélismes », pour employer l’expression de Charles Schmitt, permet les solutions les plus disparates et les plus contradictoires ; cf. C.B. Schmitt, Problemi delVaristotelismo rinascimentale, Napoli, 1985 ; L. Giard, « L’Aristotélisme padouan : histoire et historiographie », Les Études philosophiques, 1986, n. 3, pp. 281-307.
48 La vera dichiaratione..., p. 225.
49 Ibid., p. 228.
50 S. Matton, « Thématique alchimique et littérature religieuse dans la France du xviie siècle », Chrysopœia, II (1988), fasc. 2, pp. 129-208 ; S. Fabrizio-Costa, « De quelques emplois des thèmes alchimiques dans l’art oratoire italien du xviie siècle », Chrysopœia, III (1989), fasc. 2, pp. 135-162.
51 « [...] per consecrationem panis et vini conversionem fieri totius substantiae panis in substantiam corporis Christi Domini nostri, et totius substantiae vini in substantiam sanguinis ejus, quae conversio convenienter et proprie a sancta catholica ecclesia transsubstantiatio est appellata. » H. Denzinger, Enchiridion Symbolorum et definitionum, quae in rebus fidei et morum a Conciliis Oecumenicis et Summis Pontificibus emanarunt in auditorium usum, Wirceburgi sumptibus stahelianis 1854 anno jubiliari saecularis ab erecto bibliopol. Stahel, Romae, apud J. Spithaver / Leodii, apud Kornicker et Cnusé, / New-York, apud Westermann ; chap. iv, Sessio xiii, pp. 190-191. Le mot conversio dans le sens de transmutatiose retrouve souvent dans le Rosarium philosophorum d’Arnaud de Villeneuve.
52 Voir supra note 42. Quattrami évoque ici en clé alchimique le problème analysé par Aristote de la différence entre l’altération, la génération et la corruption de la matière (De la génération et de la corruption, I, 3, 4).
53 La fin de l’ouvrage est à ce point de vue tout à fait exemplaire. Les dix dernières lignes passent de Galien à Dioscoride et Théophraste, puis à saint Augustin pour s’achever sur la Sainte Trinité.
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