L’influence de la Summa perfectionis du pseudo-Geber
p. 65-77
Texte intégral
1La Summa perfectionis du pseudo-Geber a été rédigée entre les années 1260, date de la composition des trois grands Opéra de Roger Bacon, et les premières décennies du xiiie siècle, où Pietro d’Abano écrivit son Conciliator. Ainsi que je l’ai montré ailleurs, le véritable auteur de cette Summa perfectionis est très probablement Paul de Tarente, un franciscain mal connu de l’Italie du Sud1. Cet auteur – que nous nommerons “le pseudo-Geber” ou, par souci de brièveté, “Geber” – utilisa le Liber septuaginta du quasi-mythique Jābir ibn Hayyān comme une sorte de modèle pour son propre ouvrage ; mais sa Summa reste, nous allons le voir, une œuvre profondément originale dans plusieurs domaines, et son influence peut être qualifiée d’un mot : énorme. De fait, les doctrines de la Summa perfectionis sous-tendent les plus anciennes parties des vastes corpus alchimiques attribués à Albert le Grand, à Arnaud de Villeneuve et à Raymond Lulle, ce que j’ai prouvé grâce à un examen des sources et en mettant les textes en parallèle sur doubles colonnes dans mon récent livre, The Summa perfectionis of Pseudo-Geber2. La Summa perfectionis fournit par conséquent un point de départ logique, et même obligé, pour une étude d’ensemble de l’alchimie depuis le Moyen Âge jusqu’à l’aube des Temps modernes.
2Je me propose ici d’analyser les principaux thèmes que les écrivains alchimistes des siècles suivants tirèrent de la Summa perfectionis. Je me concentrerai sur une poignée de textes centraux pour la diffusion des idées de la Summa. Je passerai ensuite au xviie siècle, afin d’illustrer la remarquable longévité de la tradition gébérienne en alchimie. Mais il me faut commencer par donner un rapide aperçu des principales caractéristiques de la Summa perfectionis.
3Comparée à ses sources, la Summa perfectionis présente quatre caractéristiques remarquables. La première, c’est qu’elle contient une longue préface didactique énonçant les qualités nécessaires au futur alchimiste. Celui-ci doit être instruit en philosophie naturelle mais également désirer faire des expériences pratiques, sinon il ne sera pas invité à goûter les mets les plus choisis du « banquet » apprêté par l’alchimie. Il doit aussi être raisonnablement riche, afin de n’être pas consumé par la pauvreté avant d’avoir achevé l’œuvre. Il doit, pour la même raison, être en bonne santé, car s’il est en proie à la fièvre ou lépreux, il sera incapable d’accomplir les opérations nécessaires à l’art. Enfin, nous dit Geber en faisant écho au Liber septuaginta de Jābir ibn Hayyān, il est d’un grand secours que l’alchimiste soit l’un de ceux que Dieu a choisis pour recevoir le donum Dei. Bien qu’il doive quelque chose au De perfecto magisterio du pseudo-Aristote, ce préambule en forme d’avertissement diffère de celui de tous les traités antérieurs par la minutiosité et le soin avec lequel l’auteur essaie de dissuader ceux qui voudraient se faire alchimistes de surestimer leur possibilités. Chaque fois que nous rencontrerons un tel prologue dans des œuvres plus tardives, nous pourrons nous attendre à y trouver une influence de la Summa.
4Une seconde caractéristique de la Summa perfectionis réside dans son omniprésente théorie corpusculaire. Se fondant sur des sources médicales et philosophiques, le pseudo-Geber développe une théorie selon laquelle les métaux et les minéraux sont composés de minuscules particules séparées par des pores. Décrivant les composants des métaux, le mercure et le soufre, il écrit :
« [...] nous disons que chacun d’eux est d’une composition très solide et d’une substance uniforme, et cela parce qu’en eux les particules de terre sont unies per minima aux particules d’air, d’eau et de feu, d’une manière telle qu’aucune d’elles ne peut être séparée des autres dans la résolution. »3
5Les termes clés sont ici l’expression per minima. Elle véhicule l’idée que les éléments sont composés de minimae partes qui se combinent pour former des composés plus grands. Le processus alchimique de calcination, par exemple, qui correspond à ce que nous nommerions une oxydation par exposition à la chaleur, s’explique par l’entrée de particules de feu dans les pores d’un métal vil. Le feu chasse alors les particules de soufre contenues dans le métal, laissant une forme de mercure pure et fixée. Semblablement, la Summa perfectionis explique la corrosion de métaux vils tels que le fer et l’étain en supposant que leurs particules de mercure sont séparées par de gros corpuscules de terre. Ces particules terreuses créent de larges interstices entre les corpuscules de mercure, permettant une entrée facile des agents corrosifs. Ce que nous voyons alors sous l’aspect de rouille ou de vert-de-gris superficiels, ce sont en réalité les particules terreuses chassées hors des métaux. Tout cela est expliqué en termes de minimae partes : les plus grosses d’entre elles sont désignées par l’expression grossae partes, tandis que les plus petites sont appelées subtiles partes. Chaque fois que nous rencontrons cette théorie corpusculaire dans un contexte alchimique, nous pouvons soupçonner une influence directe ou indirecte de la Summa perfectionis.
6La troisième innovation de la Summa perfectionnis est la théorie “gébérienne” des « trois médecines » ou des « trois ordres de perfection ». Le dernier livre de la Summa expose longuement l’idée qu’un élixir ou « médecine » alchimique (un agent transmutatoire) peut opérer selon différents degrés d’intensité. Une médecine du premier ordre est celle qui produit simplement un changement superficiel, au niveau d’une illusion. Un bon exemple en serait la production de laiton par addition de tuthie (oxyde de zinc) au cuivre. Un tel produit frauduleux peut être aisément détecté au moyen de la coupellation ou de la cémentation. Une médecine du second ordre, en revanche, est une médecine qui accomplit un réel changement, mais produit seulement l’une des différences spécifiques d’un métal noble : absence de terrestréité, couleur jaune ou blanche, non-volatilité, point de fusion et poids de l’or ou de l’argent. Le processus de calcination, qui brûle le soufre non fixé d’un métal mais laisse inchangées les autres différences spécifiques, constitue un bon exemple d’un changement du second degré. Enfin, une médecine du troisième degré est une médecine qui produit un changement réel en ce qui concerne toutes les différences spécifiques d’un métal vil, le convertissant en or ou en argent véritables.
7La théorie gébérienne des trois médecines, bien que fondée sur de vagues allusions trouvées dans le Liber septuaginta de Jābir ibn Hayyān, est immédiatement distinguable sous plusieurs rapports de celle de ce dernier. Tout d’abord, le Liber septuaginta se réfère bien à trois ordres, mais ceux-ci ne diffèrent qu’au regard de la quantité de métal qu’un agent transmutatoire peut changer en or ou en argent. Ensuite, pour Jâbir une médecine du troisième ordre est la plus faible des trois, n’étant capable de transmuter qu’un centième seulement du métal que peut transmuter une médecine du premier ordre : la Summa perfectionis renverse cette hiérarchie, faisant d’une médecine du premier ordre la plus faible, et d’une médecine du troisième ordre la plus puissante. La Summa diffère encore du Liber septuaginta en ce qu’elle explique ses médecines dans les termes de sa propre théorie corpusculaire. Une médecine du troisième ordre est plus puissante précisément parce que ses particules sont plus minuscules que celles d’une médecine du premier ordre, ce qui leur permet de s’infiltrer plus profondément dans un métal vil, en sorte qu’elles peuvent adhérer d’une façon permanente dans ses profondeurs. Cela non plus ne se trouve pas chez Jābir. Pour nous résumer, chaque fois que nous sommes en présence d’un alchimiste parlant de trois ordres ascendants de perfection, il est sûr qu’il suit la Summa perfectionis.
8La quatrième grande innovation de la Summa consiste en ce que Lynn Thorndike appelait la théorie du « mercure seul ». Thomdike rencontra cette théorie chez des auteurs du xive siècle tels que John Daston, Bemardus Trevirensis et Petrus Bonus, et la qualifia de « théorie de la transmutation prévalente aux xive et xve siècles »4. Pour reprendre les termes de Thomdike, la théorie du “mercure seul” consiste dans la croyance que « le vif-argent est la médecine des métaux, [et que] le soufre étranger ou commun est la cause de leur imperfection ». Ce vif-argent est supposé contenir en lui-même son propre soufre : c’est ce soufre « interne » qui permet au mercure de se congeler en un métal parfait.
9La théorie du “mercure seul”, comme je l’ai montré dans mon livre5, se trouve déjà dans la Summa perfectionis. Ainsi que l’écrit Geber, « il est manifeste que les corps contenant plus de vif-argent sont d’une plus grande perfection, et [... J ceux qui en contiennent moins, d’une moindre perfection »6. Le pseudo-Geber démontre alors ce fait en s’appuyant sur diverses données. Le vif-argent s’amalgame plus facilement avec l’or et l’argent qu’avec le plomb ou le fer, par exemple, ce qu’il considère comme une preuve que les métaux précieux contiennent plus de vif-argent que les métaux vils. Semblablement, avec son poids spécifique de 13,59, le vif-argent est plus dense que tout autre métal connu de lui, à l’exception de l’or, lequel a un poids spécifique de 19,3. Sans doute encore plus important pour Geber, toutefois, est le fait que le vif-argent peut être converti en un solide avec « fusion métallique » sous la forme de sublimé corrosif (HgCL2) : ce composé fond à 276° C sans brûler ni se sublimer, tandis que le soufre fond et brûle à 112,8° C seulement.
10Après avoir exposé sa théorie selon laquelle le mercure abonde dans les métaux nobles, Geber poursuit : « Veillez donc ardemment dans tous vos travaux à ce que le vif-argent prédomine dans le mélange, et si vous pouvez perfectionner avec le seul vif-argent, vous serez un investigateur de la plus précieuse perfection [...] »7. Ainsi le mercure est « l’unique pierre. Tunique médecine [...] à laquelle rien d’étranger n’est ajouté »8. Par conséquent, l’alchimiste doit imiter la nature dans sa fabrication de l’or : puisque la nature a produit le métal le plus précieux à partir du mercure seul, de la même façon l’alchimiste doit produire sa plus parfaite médecine à partir de vif-argent purifié, subtilié.
11La théorie de la Summa perfectionis qui fait du mercure seul la source des métaux précieux et pose que l’alchimiste doit en conséquence le prendre pour source de son élixir, reflète la croyance du pseudo-Geber que l’alchimiste doit suivre la nature partout où cela est possible. Cette conception fondamentale, qui le contraignit à rejeter l’usage de produits tirés de poils, de chair ou de plantes, est absente du Liber septuaginta. C’est un fait qu’une des caractéristiques les plus saillantes de l’alchimie du xive siècle est son rejet de la Dreckapotheke de l’alchimie arabe et de la première alchimie latine, au profit d’amalgames mercuriels : cette focalisation sur le mercure seul est le produit direct de la rigoureuse insistance de la Summa pour que l’alchimiste emploie le même matériau que la nature elle-même dans la production d’un métal parfait.
12Les thèmes que nous avons identifiés comme caractéristiques de la Summa perfectionis sont donc au nombre de quatre. Ils incluent l’insistance du pseudo-Geber sur les dispositions mentale, physique et économique correctes qui doivent être celles de l’alchimiste, sa théorie corpusculaire omniprésente, avec son vocabulaire caractéristique de mixtio per minima, grossae partes et subtiles partes, sa théorie des trois niveaux ascendants de médecine, et son invention de la théorie du mercure seul. Examinons maintenant quelques traités alchimiques du Moyen Âge tardif qui ont recours à ces théories. Ces textes comprendront la Semita recta du pseudo-Albert le Grand, le Rosarius qui commence « Iste namque liber nominatur Rosarius », attribué à Arnaud de Villeneuve, et le Testamentum du pseudo-Raymond Lulle. Nous aborderons ces ouvrages dans leur ordre chronologique probable.
13La Semita recta, ou Libellas de alchimia, faussement attribuée à Albert le Grand, peut avoir été écrite dès la fin du xiiie siècle (par exemple Vat. Pal. lat. 978). Ce texte, comme je l’ai montré en 19859, est pour une large part une compilation de passages entiers de la Summa perfectionis, auxquels le pseudo-Albert a ajouté un certain nombre de recettes pratiques. Ainsi la Semita reproduit les passages de la Summa concernant la composition du mercure, la sublimation, la calcination, etc. À la différence de la Summa, cependant, les recettes de la Semita incluent beaucoup de réactifs “organiques”, tels que le sal alkali obtenu à partir de cendres de chêne, l’oleum tartari obtenu à partir de lie de vin, et le sal ammoniac tiré de produits animaux. Le pseudo-Albert n’a pas assimilé la doctrine gébérienne du mercure seul, qui trouve son fondement philosophique dans l’imitation de la nature.
14En vérité, l’on pourrait dire que la principale tendance de la Semita recta est d’éliminer les éléments philosophiques et théoriques de la Summa perfectionis au profit d’une orientation plus pratique. Ainsi le pseudo-Albert ignore-t-il sereinement la théorie corpusculaire de la Summa, et néglige-t-il d’exposer celle des trois médecines. En sus des passages mentionnés ci-dessus, sa principale dette envers la Summa consiste dans sa réécriture de l’introduction de Geber à propos des conditions auxquelles doit satisfaire l’artifex. Le pseudo-Albert les énonce sous forme de huit préceptes, à savoir que l’alchimiste doit garder le secret, avoir une seconde demeure pour lui servir de laboratoire, observer les temps convenables pour travailler, se garder de la paresse, suivre l’ordre correct du travail, user uniquement de vaisseaux de verre, éviter les princes et les puissants, posséder enfin les fonds nécessaires pour achever l’œuvre avec succès.
15On peut supposer que la Semita recta représente un premier stade dans la réception de la Summa perfectionis, avant que l’originalité de ce dernier texte eût été pleinement appréciée. Le pseudo-Albert écrit sous la forte influence de traités comme le De aluminibus et salibus, attribué à Rāzī, et le De perfecto magisterio du pseudo-Aristote. C’est pourquoi il se borne à emprunter à la Summa des passages choisis et des topiques, sans intégrer dans son ouvrage le fondement rationnel global de cette Summa. Cette situation commença à changer dans les premières décennies du xive siècle, ainsi que nous allons le voir maintenant.
16Le Rosarius qui commence par « Iste namque liber nominatur Rosarius », supposé être d’Arnaud de Villeneuve, fut probablement composé avant 1332, puisque le Testamentum du pseudo-Lulle, qui fait usage du Rosarius, porte cette date dans son colophon. Thomdike considérait ce Rosarius comme le plus ancien élément du corpus arnaldien, et je n’ai rien trouvé qui contredise ouvertement cette vue. Ce Rosarius peut légitimement être qualifié de commentaire de la Summa perfectionis, vu que la majeure partie du texte est faite d’extraits et d’une exposition de la Summa. Thorndike pensait que le Rosarius était la source de la théorie du mercure seul, et de fait cette théorie est exprimée à chaque page du Rosarius.
17À la page 664 de l’édition de Manget, par exemple, le Rosarius affirme la chose suivante : « Il faut que celui qui recherche cette science soit d’une volonté constante dans son travail [...] vu que notre art n’est pas achevé par une multitude de choses, car il est un. Il n’y a en effet qu’une pierre, une médecine, à laquelle rien d’étranger n’est ajouté ni retiré, sauf que certaines superfluités sont enlevées »10. C’est évidemment là une citation mot pour mot de la Summa 11.
18Le Rosarius continue en expliquant que « notre médecine est la plus pure et la plus subtile substance tirée de la matière du vif-argent [...] Ce n’est pas le vif-argent dans sa propre nature, ni dans son entière substance, mais plutôt une partie du vif-argent »12. Cette affirmation de la théorie du mercure seul est de nouveau empruntée directement à la Summa13 : l’idée est ici que le mercure donnant une médecine alchimique doit être purifié et subtilié avant de pouvoir réellement transmuter un métal.
19S’il est clair que le Rosarius a pillé la Summa perfectionis pour sa théorie du mercure seul, il y a peu d’indices qu’Arnaud ou le pseudo-Arnaud ait été intéressé par le corpuscularisme de cette Summa. La principal visée du texte semble résider dans le désir de son rédacteur de fusionner l’alchimie de Geber avec celle du pseudo-Avicenne, l’auteur du De anima in arte alchimia, qui emploie un système numéro-logique complexe afin de séparer les quatre éléments des métaux. Mais les éléments les plus importants du Rosarius sont manifestement tirés de la Summa perfectionis: tout comme Arnaud commence avec la théorie gébérienne du mercure seul, de même termine-t-il avec sa théorie des trois médecines. Le dernier chapitre du Rosarius est une « Récapitulation de tout le magistère » modelée sur le chapitre du même nom à la fin de la Summa. Il est inutile de citer ici en entier le Rosarius. Arnaud affirme, cependant, que l’intentio de tout l’ouvrage, c’est que la pierre bien connue, le mercure, doit être sublimée au premier degré, en sorte qu’elle soit nettoyée de toute superfluité. Alors le mercure doit être fixé et volatilisé jusqu’à ce qu’il puisse rester paisiblement dans le feu. Puis il doit être traité avec du mercure non fixé, être dissous, sublimé et fixé de nouveau, de nombreuses fois. Il en résultera que le pouvoir de la médecine transmutatoire sera doublé, puis multiplié par dix, par cent, et ainsi de suite. Tout cela est une réécriture sans grande modification des derniers chapitre de la Summa.
20Il est aisé de relever des éléments gébériens dans le Rosarius. Ils se rassemblent autour de la théorie du “mercure seul” de la Summa perfectionis et de sa description des trois médecines. Quoique les mêmes loci réapparaissent dans le Testamentum du pseudo-Lulle, ils y sont beaucoup moins faciles à extraire car ils y sont ensevelis dans une masse d’autres matériaux. Le Testamentum, je l’ai déjà dit, se donne pour avoir été achevé en 1332. Michela Pereira a récemment soutenu avec force que ce texte est le plus vieux membre du corpus lullien, lequel contient plus de cent traités alchimiques distincts14. Comme beaucoup, sinon la plupart, des ouvrages lulliens tardifs renvoient au Testamentum, il s’ensuit que ce dernier fut un disséminateur essentiel des concepts clés de l’alchimie gébérienne.
21Il est difficile de dire si le Testamentum dérive directement de la Summa perfectionis, vu qu’il peut avoir puisé sa connaissance de l’alchimie gébérienne dans ce Rosarius que nous venons de décrire. En effet le Testamentum ne cite pas seulement le Rosarius en de nombreux endroits, il va même jusqu’à mentionner explicitement Arnaud : « C’est ce tempérament [des quatre éléments] qui doit être choisi, comme dit Arnaud de Villeneuve dans son chapitre xiv, qui commence “Omnia sub termino definito”, etc. »15. En réalité, cet incipit est celui du chapitre xxiv (livre II) du Rosarius16 que nous avons analysé ci-dessus.
22Enfoui à l’intérieur des complexes spéculations et des figurae lulliennes du Testamentum, c’est bien en effet un noyau d’alchimie gébérienne que nous y rencontrons, même si la majeure partie de cette alchimie paraît provenir du Rosarius. La théorie du “mercure seul” apparaît à la page 719 de l’édition de Manget, lorsqu’il est affirmé qu’il n’y a qu’« une seule pierre » et « une seule médecine »17, et à la page 731 lorsqu’il est dit que la pierre des philosophes n’est « pas composée de vif-argent dans sa propre substance, ni dans son entière nature [...] mais en partie de lui [...] »18. De telles affirmations sont répétées à différentes occasions dans le Testamentum, mais sans cette fréquence qui est celle du Rosarius. Cependant il est un autre point où le Testamentum fait un large usage de motifs gébériens : en de nombreux endroits il emploie en effet la théorie corpusculaire de la Summa d’une manière assez intéressante.
23A la page 715, par exemple, le Testamentum avance que la solution d’une substance se produit par « une réduction des grosses particules en de très petites et très subtiles, c’est-à-dire par une réduction du grossier en simple »19. On a tout simplement ici une adaption de la théorie gébérienne des minimae partes, incluant bien ses termes spécifiques « subtil » et « grossier ». Le mercure, précisément parce qu’il est si subtil, peut infiltrer les pores d’un métal donné, et se mélanger per minimas partes. Semblablement, à la page 737, le Testamentum continue de décrire la composition d’esprits volatils dans les termes suivants : « [...] ladite humidité et ladite terrestréité sont subtilement mélangées ensemble per minimas et insensibiles petias, en sorte qu’un minimum de terre sèche et un minimum d’humidité – jusqu’à la quantité d’un grain de chaque, et les autres en quantité semblable – sont unis ensemble de telle manière que ni l’un ni l’autre ne peut être séparé des particules de son genre »20. C’est problablement là une élaboration du passage que nous avons cité plus haut, où la Summa affirmait que la « forte composition » du mercure et du soufre était due à l’étroite liaison de leurs corpuscules élémentaires. Le Testamentum pousse sur plusieurs points encore plus loin sa philosophie corpusculaire, expliquant, par exemple, que si le sel peut se dissoudre dans l’eau, c’est parce que les particules d’eau sont normalement séparées par des interstices « remplis d’air subtil », et que les particules de sel déplacent cet air lorsqu’elles entrent en solution ; comme il n’existe pas de réel vide dans la nature, l’air subtil est remplacé par de plus grosses particules de sel, qui font s’épaissir l’eau si suffisamment de sel se trouve dissous. Un passage apparenté21 décrit la précipitation de sels par un métal subissant une dissolution dans de l’acide à partir de la supposition que les particules de sel sont liées avec des particules d’eau dans la solution, mais que les particules d’eau sont assez petites pour pénétrer dans les pores du métal dissous, tandis que celles du sel dissous sont trop grosses. En conséquence le sel se trouve séparé de l’eau et précipite, tandis que le métal entre en solution et est « imprégné » par l’eau.
24Ces intéressantes spéculations corpusculaires du Testamentum doivent être considérées comme des élaborations de la théorie de la matière trouvée dans la Summa perfectionis. Elles sont tout aussi sûrement dérivées de l’alchimie gébérienne que la théorie du mercure seul ou la conception des trois degrés de médecine. Mais avec le Testamentum nous commençons à percevoir un mouvement d’écart par rapport à la stricte dépendance de la Semita recta et du Rosarius à l’égard du texte même de la Summa. Tôt dans les années 1330, les idées de la Summa ont été absorbées jusqu’à un certain point par le courant principal de l’alchimie, en sorte que l’origine de ces doctrines peut passer inaperçue si l’on n’est pas familier avec leur source. Ce courant se prolonge jusqu’à la première période de l’âge moderne et culmine sans doute au xviie siècle, où nous rencontrons des auteurs alchimiques qui rejettent complètement le pseudo-Geber tout en faisant un usage intensif de ses théories.
25Même si je parais faire un saut excessif, je voudrais donc dire, dans le temps qui me reste, quelque chose sur le xviie siècle et son utilisation de la Summa perfectionis. Je me limiterai au milieu anglais du milieu du xviie siècle. Une telle analyse micro-historique, bien qu’évidemment sélective, servira à montrer que la Summa continuait d’exercer une profonde influence, à la fois directement et indirectement, dans le foyer même de la révolution scientifique.
26Robert Boyle, l’auteur de The Sceptical Chymist, écrivit une dissertation non publiée Of the Atomical Philosophy, dans laquelle il dresse une liste des restaurateurs de l’atomisme antique au début de l’Europe moderne. Cette liste inclut des candidats aussi évidents que Descartes et Gassendi à côté de « notre justement célèbre compatriote Sir Kenelme Digby »22. Ce Digby est bien sûr l’auteur des Two Treatises of Bodies and Soul publiés à Paris en 164423. Digby était un représentant du dernier corpuscularisme aristotélicien, en partie dérivé de la tradition des minima naturalia si brillamment exposée par Anneliese Maier dans son Die Vorläufer Galileis im 14. Jahrhundert24. Mais ce n’est pas l’interprétation d’Aristote que donna Digby qui nous intéresse ici.
27Vers la fin de son traité Of Bodies, Digby, comme Boyle, énumérant un certain nombre d’autorités ayant soutenu la philosophie corpusculaire, écrit : « c’est ce que firent Hippocrate et Galien, et leur maître Démocrite, et avec eux les meilleures écoles de médecins ; c’est ce que font les alchimistes, avec leur maître Geber, dont nous avons cité plus haut la maxime sur ce sujet [...] »25. De prime abord cette liste peut apparaître comme une tentative désespérée de recruter des autorités pour le camp corpusculariste. Mais la référence à Hippocrate et à Galien est en fait solidement fondée sur le De elementis secundum Hippocratem de Galien, qui commence par affirmer qu’un élément doit être défini comme la plus petite partie d’un corps. De même, en ce qui concerne la référence à Geber, le « maître » des alchimistes, on peut montrer qu’elle renvoie directement à la théorie corpusculaire de la Summa.
28La « maxime » de Geber à laquelle se réfère Digby se trouve à la page 277 du traité Of Bodies. Digby y écrit que « selon la maxime de Geber, Quod non ingreditur non immutat, aucun corps ne peut en changer un autre à moins qu’il ne pénètre en lui, et, se mêlant à lui, ne fasse effectivement qu’un avec lui »26. De fait, il s’agit là d’une citation exacte, tirée du chapitre « Sur ceux qui nient l’art à partir de sa supposition dans les gemmes, le verre et choses semblables »27 de la Summa perfectionis. Geber y explique que les « sophistes »« ont tenté de produire des changements dans des corps en usant de verre et de gemmes, et ils échouèrent, parce que ce qui ne pénètre pas n’altère pas » 28.
29Mais pourquoi Digby utilise-t-il cette assertion à l’appui de sa philosophie corpusculaire ? La réponse ne peut être trouvée que si nous sautons cinquante-sept chapitres dans la Summa perfectionis, pour arriver au traitement général des médecines, où Geber affirme qu’une médecine doit être intimement et profondément mêlée avec un métal pour pouvoir réellement le transmuter. Comment cette pénétration d’un corps métallique peut-elle s’effectuer ? « La méthode consiste à dissoudre ce qui pénètre et à dissoudre ce qui ne pénètre pas, et à mélanger les deux solutions. Car ce qui rend quelque chose capable de pénétration, c’est ce qui lui est joint per minima, grâce aux très petites particules »29.
30L’idée de base est ici qu’une médecine alchimique doit être réduite en minimae partes pour qu’elle puisse se mélanger avec un métal vil : ce n’est qu’alors que peut avoir lieu une véritable transmutation. Dans ces conditions, Digby avait raison d’affirmer que la maxime de Geber « quod non ingreditur non alterat » exprime le point de vue que la matière se compose de particules, et que le « maître » des alchimistes appartient avec Gassendi et Descartes au camp des philosophes corpuscularistes.
31Digby était non seulement un ami de Robert Boyle, mais encore un membre du même groupe scientifique, le cercle des savants et réformateurs baconiens qui se rassemblaient autour de Samuel Hartlib dans le Londres du milieu du xviie siècle. Ce cercle était le lieu de diffusion de certains des plus célèbres écrits alchimiques de la révolution scientifique : les œuvres attribuées à Eirenaeus Philalethes Cosmopolita. Bien que le plus célèbre de ses écrits soit certainement l’Introitus apertus ad occlusum regis palatium, c’est dans son De metallorum metamorphosi que Philalethes expose sa théorie de la transmutation métallique ; et comme nous allons le voir, il est grandement redevable à Geber.
32Le De metallorum metamorphosi de Philalethes renferme la théorie que les métaux vils sont en réalité de l’or immature, et contiennent sa substance in potentia en même temps qu’une humidité superflue dont ils n’ont pas été expurgés en raison de leur coction incomplète dans les entrailles de la terre. C’est cette immature humidité qui est responsable des défauts des métaux vils, tels que la friabilité, la corrosibilité et un bas point de fusion.
33Après avoir apporté la preuve que les métaux sont tous composés d’une matière substantiellement identique qui ne diffère qu’en maturité et pureté, Philalethes explique que ce qui est nécessaire pour une transmutation, c’est un « agent homogène qui excelle en pouvoir digestif »30, et que cet agent est simplement de l’or « digéré au plus haut degré possible »31. Un tel or digéré peut pénétrer complètement les métaux, les teintant et les fixant de telle sorte qu’ils perdent leur volatilité et leur bas point de fusion. Déjà l’or naturel, si l’on en emploie une once pour dorer six livres d’argent, s’unit à tel point avec les très petites particules de la surface de l’argent qu’on peut l’étirer jusqu’à l’épaisseur d’un cheveu sans que nul argent ne soit visible. Mais l’or qui aura été alchimiquement digéré deviendra beaucoup plus subtil encore que l’or naturel, et sera ainsi capable de pénétrer les profondeurs mêmes du métal vil et de le colorer depuis l’intérieur jusqu’à l’extérieur. En fait, poursuit Philalethes, un tel or digéré sera ardent, en raison de ce qu’il appelle la « loi de disproportion en subtilité entre les quatre éléments »32.
34La « loi de disproportion » de Philalethes signifie que les quatre éléments représentent différentes tailles des corpuscules constituants que Philalethes nomme minimae partes ou minima, et que ces minimae partes doivent être de même taille pour qu’une réelle union puissent se produire. Ainsi des particules d’eau ne peuvent s’unir avec celles du feu ou de l’air parce que les premières sont trop grosses par rapport à la subtilité des dernières.
35Après avoir exposé cette conception corpusculaire, Philalethes entreprend de développer en détail une théorie de la transmutation artificielle. Revenant à son idée que les métaux varient seulement en degré de pureté et de digestion, Philalethes remarque que les alchimistes doivent en conséquence trouver un agent qui à la fois digère la substance métallique et supprime ses impuretés. Voici ses termes :
« Notre Arcane (parce que c’est une substance spirituelle homogène) pénètre per minima dans de tels métaux imparfaits, et ce qu’il rencontre de semblable à lui, il s’en empare et par sa force supérieure il le protège contre la violence du feu brûlant et il le conserve par sa fixité plus que parfaite, pendant que l’ardent Vulcain dévore de sa flamme le combustible, et lorsque celui-ci a été consumé par le feu, il reste de l’or ou de l’argent purs [...] »33
36Cette théorie est une élaboration de la conception gébérienne selon laquelle la transmutation dépend de la pénétration, et la pénétration elle-même de la réduction d’une substance en minimae partes. Philalethes veut simplement dire que l’or digéré, dont la substance a été réduite en minuscules particules semblables à celles du feu, peut pénétrer dans la substance d’un métal vil per minima, et s’unir dans ce métal vil avec les plus minuscules particules métalliques. Le reste du ci-devant métal vil sera alors brûlé par le feu du raffineur, qui ne laissera que du pur or ou argent transmuté.
37La dette du De metallorum metamorphosi de Philalethes à l’égard de Geber apparaîtra évidente à quiconque aura pris la peine de comprendre la Summa perfectionis. Cependant, en différents endroits de son traité, Philalethes fait des commentaires dépréciatifs à l’égard de Geber, indiquant que celui-ci appartient avec Arnaud et Lulle aux « séducteurs des néophytes »34. Faut-il voir dans ces commentaires comme un rideau de fumée avec lequel Philalethes tenterait de dissimuler au lecteur peu vigilant sa véritable source ? Encore que cela puisse partiellement être le cas, Philalethes tire en réalité la plus grande partie de son alchimie gébérienne de l’Epistola ad Thomam de Bononia écrite par Bemardus Trevirensis dans la seconde moitié du xive siècle. Bernardus donne dans ce texte un exposé valable de la théorie gébérienne des minimae partes, affirmant par exemple que « la cause du poids est le mélange intrinsèque des [éléments] per minima, parce que l’eau ne souffre pas que la terre ait des pores [...] »35.
38Nous voyons ainsi qu’au xviie siècle il était possible d’adopter les plus importantes théories inventées par le pseudo-Geber sans même savoir que l’on suivait la Summa perfectionis. Nous pouvons en trouver un dernier et très intéressant exemple dans l’ouvrage de Robert Boyle, An Historical Account ofa Dégradation ofGold, made by an Anti-Elixir : a Strange Chymical Narrative. Dans ce curieux texte, Boyle explique comment lui fut donné un prétendu « anti-élixir » qui convertissait de l’or métallique ordinaire en une fragile matière grisâtre défiant à la fois la coupellation et la réduction avec de l’antimoine. Boyle avait été intrigué par cette substance qui, dit-il, altérait la « malléabilité, la couleur, l’homogénéité, et, qui plus est, le poids spécifique » de l’or, « et tout cela au moyen d’une si minime portion de poudre injectée, que [...] la médecine accomplit cet acte puissant [...] sur près d’un millier de fois [...] son poids d’or [...] »36. Ainsi Boyle avait-il reçu un élixir qui transformait l’or dans ses différences spécifiques les plus caractéristiques ; bien plus, le rapport de la médecine au métal était de un à mille. Les remarques conclusives de Boyle sont du plus grand intérêt pour qui tente de retracer l’influence de Geber :
« [...] en sorte que s’il était convenable d’appliquer à cet anti-élixir [...] ce que disent du véritable élixir divers philosophes chymiques, lesquels auront la vertu de leur pierre accrue dans une telle proportion qu’elle transmutera tout d’abord seulement dix fois son poids, après le second tour, une centaine de fois, et après le suivant, un millier de fois, notre Poudre peut être appelée dans leur langage une médecine du troisième ordre. »37
39Tout comme la médecine du troisième degré de Geber pouvait réellement transmuter en or un métal vil en changeant simultanément toutes ses différences spécifiques, et dans une proportion de un à cent ou de un à mille, ainsi l’anti-élixir de Boyle pouvait dégrader de l’or dans toutes ses différences spécifiques, et dans la même proportion. Cependant, un autre passage du traité de Boyle montre que ce dernier n’était pas conscient de la véritable origine de cette théorie, car il l’attribue à « Lully »38 plutôt qu’à Geber.
40Des trois auteurs que nous avons examinés, seul Kenelme Digby semble avoir fait un effort pour à la fois lire et comprendre la Summa perfectionis. Eirenaeus Philalethes et Robert Boyle se contentent de tirer leur alchimie gébérienne respectivement de Bemardus Trevirensis et du pseudo-Lulle, et paraissent tout à fait inconscients de leur dette indirecte envers Geber. Une telle dette ne laisse cependant d’exister, et j’espère avoir montré que l’erreur d’attribution commise par Boyle et Philalethes avait déjà été faite dès les années 1330 par le pseudo-Lulle lui-même. À cette époque déjà l’alchimie gébérienne avait pénétré le courant principal de la pensée alchimique et était devenue l’héritage intellectuel commun de ceux à qui la chimie semblait apporter d’importantes indications sur la structure et la nature de la matière. La communauté des alchimistes européens du xive siècle s’est ainsi approprié la théorie corpusculaire de Geber, sa conception des trois médecines et sa théorie du “mercure seul”. Mais, comme nous l’avons montré, ces idées continuèrent de produire des effets féconds durant la haute époque de la révolution scientifique.
Notes de bas de page
1 Cf. W. Newman, « New Light on the Identity of “Geber” », Sudhoffs Archiv, 69, 1985, pp. 76- 90, « The Genesis of the Summa perfectionis », Archives internationales d’histoire des sciences, 35 (1985), pp. 240-302, et The Summa perfectionis of Pseudo-Geber, cité note suivante.
2 The Summa perfectionis of Pseudo-Geber. A critical edition, translation and study, « Collection de travaux de l’Académie internationale d’histoire des sciences », tome 35, E.J. Brill, Leiden. New York. København. Köln, 1991.
3 Summa perfectionis, <24>, éd. W.R. Newman, op. cit., p. 322, 13-18 : « In genere vero dicemus quod unumquodque ipsorum est fortissime compositionis et uniformis substantie, et illud ideo, quoniam in eis per minima partes terree taliter partibus aereis, aqueis, et igneis sunt unité, ut nulla ipsarum alteram in resolutione possit dimittere. »
4 A History of Magic and Experimental Science, t. III, New York, 1934, p. 58 : « prevailing theory of transmutation in the fourteenth and fifteenth centuries ».
5 The Summa perfectionis of Pseudo-Geber, pp. 204-208.
6 Id., p. 489 : « [...] manifestum est corpora maioris esse perfectionis que plus argent ! vivi sunt continentia, et que minus, minoris sunt perfectionis. »
7 Id., p. 489 : « Studeas igitur in tuis omnibus operibus argentum vivum in commixtione superare. Et si per solum argentum vivum perficere poteris, preciosissime perfectionis indagator eris [...] ».
8 Id., p. 263 : « [...] lapis unus medicina una [...] cui non addimus rem aliquam extraneam [...] ».
9 W. Newman, « The Genesis of the Summa perfectionis », pp. 246-249.
10 J.J. Manget, Bibliotheca chemica curiosa, Genève, 1702, I, p. 664b : « Oportet igitur inquisitorem hujus scientiæ constantis voluntatis esse in opere [...] quoniam in rerum multitudine ars nostra non perficitur : una enim est. Est enim lapis unus, una medicina, cui nil extranei additur, nec diminuitur, nisi quod superflua removentur. »
11 Cf. Summa Perfectionis, <6 >, éd. W.R. Newman, op. cit., p. 263, 25-28 : « Est enim lapis unus medicina una in quo magisterium consistit cui non addimus rem aliquam extraneam nec minuimus nisi quia in preparatione superflua removemus. »
12 J.J. Manget, Bibliotheca chemica curiosa, I, p. 665a : « Relinquitur ergo, medicinam nostram esse purissimam & subtilissimam substantiam, quæ ex argenti vivi materia originem suam ducit, & ex illa creata est. Non est autem materia argenti vivi in sua natura, nec in sua substantia tota, sed fuit pars illius. »
13 Cf. Summa Perfectionis, < 37 >, éd. W.R. Newman, op. cit., p. 355, 25-29 : « Consideratio vero rei que perficit est consideratio electionis pure substantie argenti vivi. Et est medicina que ex materia illius sumpsit originem, et ex illa creata est. Non est autem ilia materia argentum vivum in natura sua, nec in tota sui substantia, sed fuit pars illius. »
14 Cf. M. Pereira, « Stratificazione dei testi nella tradizione degli scritti alchemici pseudolulliani », dans : Le edizioni dei testi filosofici e scientifici del’500 e del ‘600, a cura di G. Canziani e G. Paganini, Milano : Franco Angeli, 1986, pp. 90-97, et The Alchemical Corpus attrihuted to Raymond Lull, (Warburg Institute surveys and texts, XVIII), London : The Warburg Institute, University of London, 1989, pp. 6 sqq.
15 Testamentum, xxxviii, éd. Manget, Bibliotheca chemica curiosa, I, pp. 731b-732a : « Et istud temperamentum debet eligi, sicut dicit Arnaldus de Villa Nova in suo Rosario in cap. 14. quod incipit : Omnia sub termino definito, & c. in fine, & c. »
16 Cf. éd. Manget, p. 673a.
17 Éd. Manget, p. 719b : « Et ideo tibi dicimus, quòd non est nisi unus solus Lapis, [...] & una sola medicina [...] ».
18 Id., p. 731a : « non est argentum vivum in tota sui substantia, nec in tota sui natura [...], sed in parte de ipso est [...] ».
19 Id., p. 715b : « diminutio partium grossarum in minutissimas partes & subtilissimas, vel reductio grossi in simplex ».
20 Ici., p. 737b : « [...] dictum humidum & dictum terrestre simul miscentur subtiliter, & per minimas, & insensibiles petias, sic ut minimum terrestris sicci & minimum humidi ad quantitatem unius grani de uno, & ad quantitatem similem de alio congregentur simul tali modo, quòd unum nec aliud separetur à partibus generis sui [...] ».
21 768a et 740b.
22 Royal Society, Boyle Papers XXVI, f. 162r : « our deservedly famous Countryman Sr Kenelme Digby ».
23 Two Treatises : In the one of which, The Nature of Bodies ; in the other, The Nature of Mans Soule, is looked into : in way of discovery of the Immortality of Reasonable Soules, London, 1645, dorénavant cité comme Two Treatises of Bodies ans Soul.
24 Roma, 1949, pp. 179-196.
25 Two Treatises of Bodies and Soûl, p. 425 : « The same do Hippocrates and Galen : the same, their Master Democritus ; and with them the best sort of Physitians : the same doe Alchymistes, with their Master Geber ; whose maxime to this purpose, we cited above [...] ».
26 Two Treatises of Bodies and Soul, p. 277 : « according to that maxime of Geber, Quod non ingreditur non immutat : no body can change another unlesse it enter into it, and mixing itself with it do become one with it ».
27 Cap. <22> (« Sermo de negantibus artem ex illius suppositione in gemmis et vitro et similibus »), éd. W.R. Newman, p. 317.
28 Id., p. 317 : « experti sunt per vitrum et gemmas in corporibus alterationes facere et non potuerunt, quia non alterai quod non ingreditur ».
29 Id., pp. 577-578 : « Et est modus per dissolutionem eius quod ingreditur et dissolutionem eius quod non ingreditur, et per mixtionem ambarum solutionum. Facit enim ingressivum esse quod ei per minima coniungitur. »
30 Eirenaeus Philalethes, De metallorum metamorphosi, éd. Manget, Bibliotheca chimica curiosa, II, p. 678a : « Agens Homogeneum digestiva vi pollens [...] ».
31 Id., II, p. 682a : « est namque Aurum in supremum gradum digestum ».
32 Id. II, p. 678a : « ex lege disproportionis in subtilitate inter Elementa quatuor [...] ».
33 Id.. II, p. 682a : « Arcanum proin nostrum (quia Spiritualis Substantia homogenea) istiusmodi metalla imperfecta per minima intrat, & quod simile invenerit, apprehendit, & præpollenti sua vi ignis flagrantis violentia défendit, & fixitate suâ plusquam perfecta retinet, interea Vulcanus ardens combustibile quoque flamma sua depascitur, quo per ignem consumpto, purum remanet Aurum, Argentumve ».
34 Cf. id., p. 679a : « Tandem quidam Artis ut ut periti, tamen invidiâ ad hoc incitati, scabiosè atque deceptoriè valdè rem tractant, & sub veræ doctrinæ promissis, miserrimis imposturis Tyrones seducunt : sic Geber, Arnoldus, LuIIius, cæterique ferè omnes, inter quos haud unus reperitur candidus scriptor, & si ullus obscurè, tamen valdè rem tradens reperietur. »
35 Éd. Manget, Bibliotheca chimica curiosa, II, p. 405b : « Item causa ponderis, est intrinseca eorum per minima permixtio : quia aqua non patitur terram poros habere [...] ».
36 An Historical Account, éd. Birch, 1772, vol. IV, p. 378 : « and ail this by so very inconsiderable a portion of injected powder, that [...] the medicine did thus powerfully act [...] upon near a thousand times [...] its weight of gold [... 1 »
37 Id., p. 378 : « [...] so that if it were fit to apply to this anti-elixir [...] what is said of the true élixir by divers of the chymical philosophers, who will hâve their virtue of their stone increased in such a proportion, as that at first it will transmute but ten times its weight, after the next rotation an hundred times, and after the next to that a thousand ; our powder may in their language be stiled a medicine of the third order. »
38 Id. p. 373.
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