L’iconographie et l’iconologie sous le règne du roi Henri III, roi de France et de Pologne d’après des médailles et des jetons
p. 141-153
Texte intégral
1Alors que l’art du portrait sur les médailles était tombé en décadence sous le règne du roi François Ier, dès son accession au trône, Henri II, remédia à l’abaissement de cet art, employant dans la nouvelle Monnaie qu’il créa1, des médailleurs de talent, qui laissèrent de lui et de ses fils, des portraits originaux.
2De ces graveurs en médailles, l’artiste qui a laissé le plus beau portrait du roi Henri III, fut le médailleur sculpteur Germain Pilon2, qui conformément aux procédés de fonte de ses devanciers italiens a réalisé la série des portraits des Valois dans laquelle on relève les effigies originales du roi Henri II, de Catherine de Médicis, des rois Charles IX et Henri III ; tous ces visages sont modelés en bas-relief.
3Artiste consciencieux, amoureux de la vérité, Germain Pilon fut déterminé à rechercher dans les visages la ressemblance exacte, saisissant dans les moindres aspects l’expression physique, à travers laquelle s’exprime la vie morale. Tel est le portrait qu’il fit du roi Henri III, qui a pour titulature au pourtour : HENRICVS. S. DEI. GRACIA. FRANCORVM . ET . POLONIAE . REX.3. Le médaillon est daté de 1575.
4Le visage du roi est vivant, de trois-quarts à droite ; le front haut et dégagé, le nez droit, un peu large ; la bouche dénote un sentiment de mépris, teinté de lassitude. Mais tout le reflet de l’âme du roi, de ses traits de caractère, réside dans son regard inquiétant, à la fois fuyant et cynique, chargé de duplicité et de perspicacité. C’est le roi décidé à régner, à exercer son autorité absolue, malgré ses attitudes hésitantes, changeantes et louvoyantes.
5II est coiffé d’une élégante toque ornée de pierres précieuses, et d’une aigrette retenue par un bijou. Revêtu d’un vêtement brodé d’or sur lequel un collier à triple rang de perles, d’ambre et d’or, dénote l’élégance recherchée du roi (Pl. I, 1). Cette élégance que Ronsard avait flétrie lorsqu’il avait mis Charles IX en garde contre cette même coquetterie qui aux yeux du poète ne convenait pas à un roi.
Ne vous montrez jamais pompeusement vêtu.
L’habillement des Rois est la seule vertu.
Que vostre corps reluise en vertues glorieuses,
Et non par vos habits de perles précieuses4.
6Pourtant ce portrait du roi Henri III, par Germain Pilon, est celui-là même où il apparaissait à ses sujets aux heures de triomphe et de fête. Cependant, tout autre seront des portraits que ce même artiste a gravé du roi Henri III, à l’avers de médailles, où le souverain est revêtu de l’armure, l’écharpe drapée autour des épaules, retenue sur l’épaule droite par un bijou ; le plus souvent le roi est tête nue.
7Tel est le portrait gravé à l’avers de la médaille qui commémore le sacre du roi en 1575. Au pourtour on relève la même titulature que sur le médaillon précédent ; le roi est lauré, cuirassé, il porte une fraise l’écharpe drapée autour des épaules, et un médaillon. Le visage est grave ; on y retrouve la même expression dans le regard et dans la bouche que celle relevée sur le médaillon.
8Outre Germain Pilon deux médailleurs ont laissé du roi des portraits différents, ce sont les graveurs Alexandre Olivier5, auquel on doit une médaille où Henri III est en vis-à-vis avec son frère Charles IX médaille datée de 1573, qui laisse un portrait du roi de Pologne, en buste, lauré et cuirassé, sans grand intérêt iconographique. Par contre le médailleur Claude de Héry6 qui a gravé un portrait de Henri III, comémorant la fondation de l’Ordre du Saint-Esprit, laisse du souverain le visage d’une personnalité toute autre, où celui-ci apparaît jeune, rappellant le duc d’Anjou adolescent, romantique, sentimental ; visage d’un être émotif, de cette émotivité qu’il s’est efforcé de cacher tout au long de son règne. Portrait original, où Claude de Héry a exprimé une vision particulière de son souverain, unique dans l’iconographie de celui-ci (Pl. II, 2). Cependant, on y retrouve, notamment dans la forme du nez et dans cette expression méditative, peut-être une influence du portrait peint sur bois de Henri III, attribué à Jean Decourt7, qui date de 1573, qui serait celui présenté à Charles IX mourant, qui voulut demander pardon à son frère, le roi de Pologne (Pl. II, 3).
9Toutefois l’iconographie du roi Henri III est marquée par l’influence qu’eut sur les artistes le si beau médaillon coulé dans le bronze par Germain Pilon ; influence qu’on relève, notamment, sur un crayon noir et sanguine, attribué également à Jean Decourt, daté d’environ 1580. Le roi est en buste, de trois-quarts à droite ; il porte une petite toque de plumes, ornée sur le devant d’une aigrette retenue par un bijou en forme d’étoile. Sur le manteau, sans broderie, il porte le cordon de l’Ordre du Saint-Esprit (Pl. I, 2).
10Le regard du roi a la même expression inquiétante que sur le portrait coulé par Germain Pilon, et les mêmes caractéristiques dans le visage : le front haut et dégagé, un nez un peu fort, la bouche méprisante. Ce portrait conservé au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale8, a servi de type d’après lequel furent exécutés, en peintures, plus ou moins ressemblantes au modèle, et aussi gravé sur des médailles la plupart des portraits qui ont popularisé le visage de Henri III. Tel est le portrait publié par Jacques De Bie, dans son ouvrage intitulé : « Les vrays portraits des Roys de France » paru en 1636. Portrait inspiré, pour ne pas dire copié, avec quelques variantes d’après l’original attribué à Jean Decourt. Portrait où le regard du roi, les traits du visage, traduisent avec une insistance certaine, et le regard redoutable, et l’énergie déterminée du roi (Pl. II, 1). Bien différent sera ce portrait du roi Henri III, prématurément vieilli, gravé sur une médaille dont la titulature pour la première fois, et la seule fois, comporte le mot PIVS, tandis que le numéral « 3 » est supprimé. La titulature au pourtour est donc : HENRICVS. PIVS. DEL GRACIA. FRANCORVM. ET. POLONIAE. REX. A l’exergue la date : 15889.
11Le roi est en buste de profil à droite, lauré, richement cuirassé, portant l’écharpe drapée autour des épaules, retenue sur chaque épaule par un bijou ; la croix du Saint-Esprit attachée à un cordon apparaît au-dessous du buste (Pl. III, 1).
12Au revers, deux compositions allégoriques divisées en deux registres diamétralement opposés.
13Sur l’une sont symbolisées, à la fois, la réconciliation apparente du roi Henri III avec le duc de Guise, et la vaine promesse des subsides. Au pourtour ces deux mots : HAEC MVLTIS, séparés au centre, en haut, par un soleil sortant des nuages, dardant ses rayons entre deux initiales : L.H., qu’il faut lire : LIBERALITAS REGIS. Dans le champ, deux bras mouvant de nuages, dont les mains tiennent respectivement, l’une une corne d’abondance renversée, qui répand des fleurs sur des personnages debouts, venant de la droite ; le roi, devant eux, assis sur son trône tend ses bras vers eux qui symbolisent « son bon peuple », sur lesquels, l’autre main, renverse une bourse de laquelle s’échappent des pièces de monnaie d’or, que d’aucun s’empressent de ramasser. Alors les deux mots gravés au pourtour résonnent de tout leur sens : HAEC MVLTIS : « Voici ce que le roi fait pour beaucoup » (Pl. III, 2 a).
14Après avoir fait pivoter la médaille, sur le second registre est symbolisée « la Rencontre des deux Rois », Henri III, roi de France et de Pologne, avec Henri III, roi de Navarre, après vêpres, le 30 avril 1589, au château de Plessis-les-Tours.
15Au pourtour ces mots : HAEC CVNCTIS, qui sont séparés, en haut, au centre, par un soleil sortant des nuages, dardant ses rayons sur deux mains jointes, type ordinaire de la Foi dans les médailles antiques. Au-dessus de celles-ci, de chaque côté des rayons solaires, deux initiales : F.H., qu’il faut lire : FIDES HENRICI, « bonne Foi d’Henri ».
16Dans le champ, entrant par une des portes fortifiée du château de Plessis-les-Tours10, Henri III de Navarre, nue tête, suivi de plusieurs personnes s’avance vers le roi de France tenant dans la main gauche une branche d’olivier, tandis que le roi, assis sur son trône, tient l’étendard timbré aux trois fleurs de lis ; derrière lui des cavaliers sur trois rangs parallèles, tiennent des oriflammes.
17Au-dessous des deux mains jointes, debout, entre Henri III de Navarre et le roi de France, un chien, symbole de la fidélité, comme s’il était nécessaire de conforter le sens de l’allégorie et de la légende : FIDES. HENRICI HAEC CVNCTis/ « Bonne Foi d’Henri, voici ce qu’il fait pour tous »11 (Pl. III, 2 b).
18Cette médaille d’une facture médiocre, fut donnée au Cabinet royal des Médailles et Antiques, en 1710, elle était en or.
19A cette époque la lecture des initiales ayant posé un problème, le Directeur de la Monnoye des Médailles, Nicolas Delaunay, présenta cette médaille à l’Académie Royale des Médailles et Inscriptions, qui, à la séance du 8 avril 1710, après avoir examiné la pièce, a conclu cet examen en ces termes : « Ce Monument, au reste, a un caractère d’esprit et de beauté par rapport au goust et aux conjonctures de ce temps-là.
20On y dit d’un costé qu’il faut se reposer absolument sur la Foy du Prince, puisqu’il la garde également à tout le monde : FIDES HENRICI HAEC CUNCTIS. Et de l’autre, qu’on doit d’autant plus s’empresser de retourner à Luy que c’est un Roy libéral et attentif à récompenser les gens de mérite, de quelqu’estat qu’ils soient : « LIBERALITAS RÉGIS HAEC MULTIS »12.
21Cette conclusion par l’Académie, chargée de sous-entendus, confirme le symbolisme des allégories de chacun des deux registres. Le docte Compagnie a-t-elle supputé le sens satirique de cette médaille, à l’encontre du roi Henri III, qui a dû être frappée sur ordre de la Ligue, après l’assassinat des Guises, pour stigmatiser, et la trahison du souverain vis-à-vis des Ligueurs, et le non respect des engagements pris au sujet des subsides ; enfin, l’ultime preuve de la duplicité de ce souverain que fut la « Rencontre » avec Henri de Navarre ?
22C’est alors que le mot PIUS, gravé à l’avers de la médaille, résonne comme une accusation chargée d’ironie ; de la même manière, qu’au revers la corne d’abondance renversée qui répand des fleurs sur les Ligueurs, et la bourse de laquelle tombent des pièces d’or, pour témoigner au peuple que le roi est généreux et secourable, sont autant d’images de dérision, dont le sens satirique n’échappe pas. Quant aux mains unies, au-dessus de la « Rencontre des deux Rois », cette Foi n’est-elle pas mise en doute par la présence d’un chien, qui apparaît comme pour en conforter le serment de Fidélité ?
23De la subtile iconologie de cette médaille, avers et revers, il faut savoir y distinguer les allusions aux trahisons du roi vis-à-vis de la Ligue comme vis-à-vis de ses sujets ; ses renoncements successifs aux engagements pris ; son incapacité à imposer son autorité et à respecter ses serments. Aussi les Ligueurs ne veulent-ils plus la reconnaître pour roi, c’est le sens qu’ils donnèrent à ce médaillon uniface coulé dans le bronze, de médiocre facture, inspiré du portrait original de Jean Decourt. Henri III y apparaît, en buste de profil à gauche vieilli, comme sur la médaille précédente. Au pourtour, aucune titulature ; le roi ne porte aucun insigne de royauté, ni aucun bijou (Pl. III, 4). C’est le souverain destitué dans la réalité figurative, dont les Liguers mettront fin à sa souveraineté d’autre façon que par un portrait ; par l’assassinat.
24Sans doute, l’iconologie aux revers de médailles officielles du règne de Henri III, n’offre pas dans les thèmes des allégories une grande originalité. En effet, on y relève des allégories reprises à des devises de médailles frappées sous le règne du roi Charles IX, telle par exemple, pour ne donner d’un exemple, la médaille au revers de laquelle sont gravées le thème des neufs Muses13. Sans originalité, non plus, les deux médailles sur lesquelles, le roi apparaît tête nue revêtu de son armure, monté sur son cheval, marchant sur l’une à gauche, sur l’autre à droite, se distinguant seulement par les légendes gravées au pourtour14, dont le sens flatteur compare la puissance du roi de France à celle d’Alexandre, tout en rappelant que Henri III, avait reçu, à sa naissance, le prénom du grand roi de Macédoine15. Cependant une seule médaille, dans son iconologie, et par sa légende reflète la mentalité profonde de l’époque ; c’est celle qui a pour légende la devise du roi : MANET ULTIMA COELO, dont l’allégorie sera composée de trois couronnes, deux faisant allusion à ses couronnes de souverain de France et de Pologne, et la troisième à son mérite reconnu par l’Éternel16 (Pl. IV, 7). La valeur des symboles, comme le sens de la légende, dépassent la réalité brutale des antagonismes entre le roi et les Ligueurs, et entre le roi et les « Réformés » pour chercher leur justification dans une approbation supérieure qui est celle de la Foi en Dieu.
25Cette même Foi, elle dominera dans l’iconologie des allégories aux revers de médailles et de jetons frappés sous les règnes des rois Antoine de Navarre, et Henri de Navarre, comme elle se poursuivra tout au long du règne du roi Henri IV, roi de France. Quel paradoxisme, que celui que Henri III de Navarre va mettre dans le symbolisme de l’épée au moyen de laquelle il fera la conquête de son royaume, justifiant son emploi en raison du don que Dieu lui en a fait.
26Dès 1587, après la victoire qu’il remporta à Coutras, il fit frapper une médaille, dont l’allégorie du revers, évoque le symbolisme consacré à l’épée.
27A l’avers, au pourtour : HENRI III. DEI. GRATIA. REX . NAVARRAE. PRIMVS . PRINCEPS . FRANCORVM.
28Le roi de Navarre est en buste de profil à droite, revêtu de l’armure, l’écharpe drapée autour des épaules, nouée sur l’épaule gauche tête nue, le visage émacié (Pl IV, 1).
29Au revers, ces mots inscrits au pourtour : SIC . VINCERE . CERTVM. 1587. Une main mouvant d’une nue, armée d’une épée en brise une autre. L’épée qui est brisée en son milieu, surgit du sol, entourée de branches fleuries, qui sont les mêmes que celles qui tomberont de la corne d’abondance renversée sur les Ligueurs au revers de la médaille satirique. Cette épée brisée symbolise la mort du duc de Joyeuse tombé au combat de Coutras17 (Pl. IV, 2). La main qui tient l’épée qui a brisé celle qui sort de terre, elle, elle surgit des nuages, rappelant que c’est celle qui fut reçue par Antoine de Navarre des mains de Dieu, transmise par ce dernier, à sa mort, à son fils, héritier de la couronne de Navarre : Henri III de Navarre. Une médaille confirme ce don fait à Antoine de Navarre au revers de laquelle, au pourtour on lit ces mots : AVXILIVM . MEVM. A . DOMINO., tirés du Psaume 120.
30Dans le champ, Antoine de Navarre debout, de profil à droite, vêtu à l’antique, la tête ceinte de la couronne royale, tend la main droite pour prendre l’épée qui lui est remise par une main céleste qui sort des nuages. Devant lui, debout, les uns près des autres, de trois-quarts à droite, quatre dieux couronnés avec leurs attributs : Jupiter, Eole, Neptune et le Temps18.
31A l’exergue cette sentence : IN. FILII . HOMINVM . NON . EST . CERTVM. (Pl. IV, 3). Ce don de Dieu transmis par son père, Henri de Navarre le considérera comme l’arme dont il sera autorisé de se servir par Dieu même : DEVS . DEDIT . ET DABIT . VT119.
32Cette approbation prêtée à l’Éternel elle intervient pour confirmer la légitimité de l’avènement du roi Henri III de Navarre au trône de France, à la mort du roi Henri III, roi de France et de Pologne. En effet, c’est au moyen d’un jeton, dont la devise fut composée par Sully qu’il est rappelé que cet héritier légitime a été choisi par l’Éternel. Voici en quels termes Sully décrit cette devise et en explique le sens : « Sur la fin de l’année 1589, à cause que le Roy de Navarre avoit esté reconnu pour tel, sur une montagne attribuée à un Saint, – entendez St-Cloud – en faisant allusion à ce qui est dit au second Psaume touchant David, vous baillastes à sa Majesté, en corps de devise, un haut Mont sur lequel il tomboit du Ciel une couronne, et pour âme ces paroles : CONSTITVTVS . REX . SVPER . SION (Pl. IV, 4)20.
33Ces mots qui constituent l’âme de la devise sont inspirés comme le corps de celle-ci, à la fois du contexte même du second Psaume, et du verset 6 de celui-ci : « EGO . AUTEM . CONSTITUTUS . SUM . REX . ABEO . SUPER . SION . MONTEM . SANCTUM . EJUS ».
Mais moi j’ai été roi par Lui (Yaveh)
Sur Sion, sa montagne sainte.
34Cette croyance en l’intervention du pouvoir divin, elle s’est exprimée aux Pays-Bas Espagnols à la nouvelle de la mort du roi de France Henri III, conjointement à l’avènement du roi Henri de Navarre au trône de France. Ce fut en des termes violents, passionnés, que furent accueillis les deux événements. Voici ce très beau texte, trop peu connu : « Lorsqu’il semblait que le crime, et l’infâmie, allaient s’emparer du Royaume de France ; à la destruction de la Liberté humaine, de la crainte de Dieu, et de l’autorité légitime établie en la place de la divinité même, la Bonté divine s’est déclarée si évidemment pour le bon Parti, que le sérénissime Roy de Navarre est parvenu à la qualité de Roy Très Chrétien, et qu’il se trouve en l’état de maintenir la précieuse Liberté de ses sujets.
35La reconnaissance que nous inspire une protection du Ciel si marquée nous oblige d’ordonner qu’on en rende grâce à Dieu avec humilité, et qu’on le supplie de cœur et de bouche, qu’il lui plaise de continuer à répandre ses faveurs sur sa Majesté, à la gloire de son nom, à la consolation des Chrestiens affligés, et à l’avènement de la Liberté et de la Religion. C’est le sens qu’on a voulu exprimer par la médaille suivante : A l’avers un cheval blanc, et celui qui est dessus, à qui sort de la bouche une épée tranchante, et qui combat des Roys et des Princes, des milliers. Au haut, de la pièce un Ange vole dans les airs pour inviter les oiseaux au Festin du Grand Dieu. A l’exergue : Dieu Tout-Puissant règne. 1590. Au revers : « La Reste et le Faux Prophète jetés dans l’abîme de Feu La Reste est prise »21 (Pl. IV, 5 et 6).
36L’iconologie de cette médaille illustre les versets 6, 11 à 20, du chapitre 19 de l’Apocalypse.
37On y relèvera, notamment, l’évocation de « l’épée tranchante » qui sort de la bouche du cavalier qui monte le cheval blanc, qui est l’illustration du verset II :
Puis je vis le ciel ouvert,
Et voici, parut un cheval blanc ;
Celui qui le montait s’appelle Fidèle et Véritable...
De sa bouche sortait une Épée.
38Ne peut-on pas voir dans le symbole de cette « épée tranchante » un rapprochement fait avec l’épée que Henri de Navarre reçut, par l’intermédiaire de son père Antoine de Navarre, don de Dieu, à propos de laquelle Henri IV fit graver sur un jeton ces mots : dvo. protegit . vnvs. « Une seule épée protège deux Royaumes ». Dans le champ figure une épée dressée ?
39Cette épée, qui apparaît aux revers de maints jetons et de maintes médailles, figure sur un tableau anonyme, où Henri IV est représenté donnant la Paix civile et religieuse à la France en 158922.
40Rien de surprenant que dans l’iconologie des devises de médailles et de jetons, comme dans les œuvres peintes, cette épée, don de l’Éternel, quelque soit l’événement commémoré, symbolise les victoires civiles et religieuses, toutes dominées par cette certitude d’intervention de volonté divine. Comment aurait-il pu en être autrement, à l’heure où tous les esprits s’étaient « jetés dans la vision de Dieu ».
41Alors cette troisième couronne que le roi de France avait fait graver au revers de trois médailles, au pourtour desquelles, invariablement, la légende rappelait l’espoir qu’il mettait dans l’Éternel, de cette ultime récompense : MANET ULTIMA COELO ; Aurait-elle été, à ses yeux, celle qu’il aurait mérité pour avoir mené des luttes parfois incertaines, d’autres fois cruelles, contre les « Réformés », ou pour avoir de longue date préparer le trône de France à Henri de Navarre ?
42Laissons à cette Renommée ailée, radiée, qui proclame les mérites de Henri III à travers le monde : sva circvit orbe fama23, (Pl. IV, 8) celui d’annoncer le règne de Henri IV, voulu par ce souverain qui avait eu à subir tant d’impostures de la part de la Ligue, par laquelle il fut assassiné alors qu’il avait voulu instituer la Liberté, celle, précisément, qu’il confia au roi de Navarre.
Pl. I


Pl. II



Pl. III




Pl. IV








Notes de bas de page
1 Henri II fut le premier souverain qui institua un tailleur général des Monnaies, comme en témoignent les termes des Lettres Patentes qu’il donna à Château-Thierry en août 1547. Cf. Archives Nouvelles, Zib 69, f° 286. Et l’Édit de Fontainebleau « sur le règlement des Monnoye du Roy et officiers d’icelles du 3 mars 1554, détermine définitivement « les attributions et les devoirs du tailleur général ». Cf. Archives Nouvelles, ZIB 66, f° 35.
2 Mazerolle (F.), Les médailleurs français du XVe au milieu du XVIIe siècle, Paris, MDCCCCII, t. I, p. XXX. – N. Rondot, Les médailleurs et les gravures en Monnaies, Jetons et Médailles en France, Paris, MDCCCCIV, p. 35 à 40. – J. Babelon, Germain Pilon, Paris, 1927.
3 Des titulatures, gravés au pourtour des médaillons des Valois par Germain Pilon, celle du roi Henri III est la seule dont le déterminatif numéral est en chiffre arabe.
4 Ronsard, Œuvres complètes, éd. Lemonnier, Lebègue, Silver. L’institution pour l’adolescence de Charles IX, t. IX, v. 165 à 167.
5 Mazerolle (F.), op. cit., p. 40, n° 168. – Trésor de Numismatique et de Glyptique, depuis Charles VII jusqu ’à Louis XVI. Première partie. Médailles françaises, pl. XXI, n° 1.
6 Mazerolle (F.), op. cit., t. II, p. 39, n° 160. – Trésor de Numismatique, op. cit., Première partie, pl. XXII, n° 6.
7 Dimier (M.L.), Histoire de la peinture de portrait en France au XVIe siècle, Paris, 1924-1926, t. I, pl. 33, p. 97 et T. II, pp. 177 et 181, n° 753. – Ch. Maumené et Louis d’HarCourt. Iconographie des Rois de France, de Louis IX à Louis XIII, Première partie, Paris, 1928, p. 190, n° 275, pl. 275-9.
8 Bibliothèque Nationale de Paris, Est. Na 22, Bt 4, fol. 11 (ancien n° 118). – Maumené et d’Harcourt, op. cit., p. 192, n° 281, pl. 281, 15.
9 La date de 1588, gravée au-dessous du portrait du roi, ainsi que le mot PIVS, font allusion à l’Édit d’Union, enregistré à Paris le 21 juillet 1588, dont la « Rencontre du roi Henri III avec Henri de Navarre, au Château de Plessis-les-Tours, le 30 avril 1589, constituaient un démenti formel aux clauses du serment prêté par le roi.
10 Cette porte fortifiée ogivale, est reproduite sur une estampe du XVII siècle, concernant l’ancien château de Plessis-les-Tours, conservée à la Bibliothèque municipale de Tours (Est. 5), dont nous devons à l’obligeance de Mme Laurent, conservateur, de nous avoir signaler ce précieux document (Pl. III, 3).
11 Mazerolle (F.), op. cit., t. II, p. 75, n° 359. – Trésor de Numismatique, Première partie, op. cit., pl. XXIII, n° 8. (Lerrevers seulement).
Aucun de ces deux auteurs, n’ont cherché à expliquer le sens iconologique de ce revers. Cette médaille frappée, mesure 46 mill. La reproduction, pl. III, avers et revers est agrandie au double.
12 Registre Journal des Délibérations et des Assemblées de l’Académie Royale des Médailles et Inscriptions, depuis novembre 1709 jusqu’au mois de septembre 1710. Arch. Acad. Inscriptions et Belles-Lettres.
13 Mazerolle (F.), op. cit., t. II, p. 27, n° 106. – Trésor de Numismatique. Première partie, op. cit., pl. XXV, n° 8. – G. Schlumberger, Numismatique du Béarn, t. II, pl. XIV, n° 40. – J. Jacquiot, Hommage à Étienne De Laune, célèbre graveur et médailleur français du XVIe siècle. Pour le quatrième centenaire de sa mort, 1519-1583, ds.. Bulletin du Club français de la Médaille, 1983, n° 89, p. 73, fig. 55.
14 Mazerolle (F.), op. cit., p. 55, nos 255, 256 et 257. – Trésor de Numismatique. Première partie, op. cit., pl. XXI, n° 9 et pl. XXII, n° 9.
15 Ce fut le 17 mars 1565 à Toulouse, lors de sa confirmation, qu’Alexandre-Édouard, prit officiellement le nom de Henri, en souvenir de son père, le roi Henri II
16 Trois médailles furent frappées avec au pourtour pour légende la devise du roi ; elles sont datées, respectivement de 1575, l’année du Sacre ; de 1577, l’année où Henri III prit la décision de créer l’Ordre du Saint-Esprit ; enfin la troisième, non datée, frappée vers 1588. Cf. Mazerolle (F.), op. cit., p. 53, n° 248 et p. 54, n° 265. – Trésor de Numismatique, Première partie, op. cit., pl. XXI, n° 10, et pl. XXII, n° 2.
17 Pierre de l’Estoile mentionne cette médaille avec une légende différente : « SIC VINCIER OMNES ». C.f. H. Omont, Registre Pierre de l’Estoile, ds ; Mémoires de la Société de l’Histoire de Paris, 1900, p. 16. – P. Bordeaux, note, in Procès-verbaux de la Société française de Numismatique, in Revue de Numismatique, 1901, p. LXVI-LXVII. – F. Mazerolle, op. cit., t. I, p. XCVII.
18 Mazerolle (F.), op. cit., t. II, pp. 27 et 28, n° 106. – Trésor de Numismatique, Première partie, op. cit., pl. XXV, n° 8. – Schlumberger, op. cit., pl. XIV, n° 40. – J. Jacquiot. Des légendes de Médailles et de Jetons empruntées à l’Ancien et au Nouveau Testament, de la Renaissance au XVIIIe siècle, in. Bulletin de l’Histoire du Protestantisme français, pp. 398-399, pl. III, fig. 1 et 2.
19 Mazerolle (F.), op. cit., t. II, p. 69, n° 320. – Trésor de Numismatique, Première partie, pl. XXIX, n° 6. Sur chacune de ces médailles les couronnes représentées offrent des variantes.
20 Mémoires de Maximilien de Béthune, duc de Sully, principal ministre de Henri Le Grand. Recueil des devises baillées au Roy pour mettre dans ses Jetons en chaque année, depuis l’année 1589, juses en la présente 1601, t. II, pp. 439-440. – J. Jacquiot, A propos des Médailles du Sacre des Rois de France. Une sculpture de la maison de Tristan, dit l’Hermite, sise à Tours a-t-elle servi de type pour les médailles du Sacre de Henri IV ? ds. Bulletin trimestriel de la Société Archéologique de Touraine, t. XXXIX, 1981, pp. 913 à 926, pl. I, fig. 4.
21 Van Loon (Gérard), Histoire métallique des XVII Provinces des Pays-Bas depuis l’abdication de Charles-Quint jusqu’à la Paix de Bade, en M. DCCXVI traduit du Hollandais, A La Haye, M. DCCXXII, vol. I, Part. I, Liv. V, pp. 400-401.
22 Curtis (Jean-Louis), Avènement de Henri IV, ds. Célébration Nationale 1989, pp. 47 et 48, et représentation du tableau anonyme conservé au Musée du Château de Pau.
23 Le type de cette Renommée ailée, radiée est repris du revers d’une médaille frappée pour Henri II, en 1551. Médaille qui commémorait un premier traité signé par le roi de France, Henri II, avec Maurice de Saxe et les Réformés luthériens « pour la restauration de la Liberté de la Patrie allemande ».
La reprise par Henri III, du même thème de devise au revers de la médaille qui proclame ses mérites, et tout particulièrement l’avènement de Henri de Navarre au trône de France, peut-être regardée comme l’expression de la « restauration de la Liberté de la Patrie française ».
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