Conclusion
p. 165-166
Texte intégral
1Nous espérons l’avoir démontré : le miracle de Laon tel que le véhiculent notamment les récits de Postel, Boulaese, Héricourt et Faye n’entretient que peu de liens avec la religion populaire. L’événement de base, quel qu’il fût, servit avant tout aux élites catholiques intellectuelles et politiques, qui le mirent au service des causes les plus diverses. Ces élites, comme nous l’avons dit, se subdivisent en quatre groupes, pas tout à fait distincts l’un de l’autre. Il y a d’abord le milieu intellectuel apocalyptique et concordiste, qui cherche le soutien espagnol pour l’impression du Nouveau Testament syriaque et de la Bible en arabe. C’est le milieu de Postel et aussi, en partie, de Boulaese. Il y a ensuite le milieu clérical romain modéré (parfois timoré), avec ses sympathies rationalistes. Ce milieu est représenté par Héricourt. Troisièmement, nous avons affaire au milieu représenté par Boulaese, qui essaie de concilier plusieurs points de vue : le gallicanisme, le papisme, l’apocalyptique et le projet de la concorde, qu’elle soit nationale ou universelle. Enfin, nous avons la tendance représentée par Jean de Bours et Barthélemy de Faye : il s’agit des gens cultivés, influents, de tendance gallicane, fortement préoccupés par le nombre croissant de leurs pairs qui se tournent vers la « religion prétendue réformée », récusant ainsi la doctrine de la présence réelle. Il ne faut toutefois jamais perdre de vue le fait que ces élites étaient à tout moment redevables aux simples gens de la Picardie et à leur complaisance, grâce à laquelle il se passa en 1566 à Laon un événement « X » qui acquit une importance suffisante pour attirer l’attention des plus hautes sphères de l’Eglise et de l’Etat, à Paris, Rome et Madrid1. Les récits de cet événement « X » fournissent un excellent témoignage de la diversité des catholicismes français à l’époque des guerres de religion.
2Modérés, outrés, concordistes, apocalyptiques ou raisonnables, parfois hébraïsants, plus ou moins ambigus dans leur attitude envers la papauté, ces catholicismes se réclament tous de l’autorité ultime du roi de France. Au nom de cette autorité, tous défendent avec ardeur la présence réelle, le sacrifice de la messe et le statut des miracles.
Notes de bas de page
1 Au sujet des rapports entre histoire des idées et histoire sociale, ainsi qu’au sujet de l’importance des « personnages de deuxième ordre » pour l’historien, cf. notamment les Actes du séminaire donné en anglais par Michel Foucault à l’Université de Vermont en 1982, et édités sous le titre : Technologies of the Self. A Seminar with Michel Foucault, éd. L. H. Martin, H. Gutman, P. H. Hutton, Londres, 1988, 10-19.
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