Chapitre V. [10, 11]
p. 69-71
Texte intégral
11. La situation à son sujet est claire : il est une substance. En effet, il est principe de la substance, et il n’est pas possible que le principe de la substance soit autre chose qu’une substance. Il est le principe de la substance et le principe de <71a1> toutes les choses qui sont. On ne peut échapper1 à une déclaration comme celle-là (en se fondant sur) ce qui a été établi2 auparavant, puisque les autres choses ne sont que des accidents, <71a2> des états de la substance et des mouvements de celle-ci. Il convient que nous cherchions ce qu’est cette substance qui meut tout ce corps (visible), s’il convient que nous posions qu’elle est <71a3> une âme, ou qu’elle est un intellect, ou autre qu’eux deux, puisque nous nous gardons soigneusement de condamner3 le principe premier à (avoir) un des accidents qui sont nécessaires pour les autres choses qui sont.
22. Or, dans les autres choses qui sont, il y a ce qui est en puissance, /12/ et le fait que la chose soit <71a5> à des moments différents dans des états différents, et qu’elle ne persiste pas dans un unique état. Les choses qui admettent la génération et la corruption sont celles qui se trouvent dans cet état, car on trouve en elles qu’<71a6s.> une même chose est tantôt en puissance tantôt en acte. <71a7> Un exemple de ceci est le fait que le vin existe en acte à l’issue d’un mouvement de fermentation, et qu’il existe en puissance à un autre moment, lorsque les ceps dont il naît sont dans la vigne elle-même4. Et la chair est tantôt en acte, tantôt en puissance dans les éléments dont elle naît.
33. <71a8> Quand nous disons « en puissance » et « en acte », nous ne voulons pas dire autre chose que la forme et la matière. Nous entendons par forme <71a9> la forme qui peut exister séparée, ou le composé de la matière et de la forme. Quant à la (forme) séparée, elle est comme la lumière et l’obscurité, s’il était possible qu’elles soient séparées de l’air. Quant à (ce qui est) composé de celles-ci, il est à l’exemple du corps sain et du corps malade. <71a10s.> J’entends par « matière » la chose qui peut-être le substrat de deux états, comme le corps. En effet, il est tantôt sain, tantôt malade. Et la chose qui est tantôt en acte, tantôt en puissance, ne change pas seulement à cause des éléments qui se trouvent dans les choses qui en sont composées, c’est-à-dire à cause de la forme et de la matière, mais aussi à cause de choses extérieures à la chose (et) qui la meuvent, dont la matière n’est peut-être pas la même que celle des choses qui en proviennent, et dont la forme n’est pas la forme (de celle-ci), mais une autre.
44. Il convient que cette chose soit ferme (ment établie) dans ta pensée si tu veux chercher la cause première. En effet, certaines causes motrices coïncident quant à la forme avec la chose qui se meut (et sont) proches d’elle ; et d’autres en sont plus éloignées. La cause prochaine [11], c’est <71a15> par exemple le père ; quant au soleil, il est cause plus éloignée, et, plus éloigné que le soleil, (il y a) l’écliptique. <71a16> Ces choses ne sont pas causes à la façon dont la matière (l’est) pour la chose qui advient, ni à la façon d’une forme, ni (non plus) à la façon d’une privation, mais elles ne sont que motrices, non qu’elles coïncident quant à la forme (et qu’elles soient) prochaines comme le père, mais elles sont plus lointaines et agissent plus fortement. En effet, elles sont aussi principes des causes prochaines.
55. [11, 5] <71 a17s.> Dans la recherche sur la cause première, qu’il soit également ferme (ment établi) dans ta pensée que certains principes sont universels, et certains séparés (et) particuliers, et que les véritables principes ne sont pas les universels, mais les séparés (et) particuliers. Comme cet (objet concret) est principe pour cet (objet concret), et qu’un homme parmi les hommes est la cause d’un homme parmi les hommes. Ce n’est pas l’universel, car <71a19s.> l’universel n’existe pas. Mais <71a22> cet (homme concret) est le père de cet (homme concret), et cette eau, par exemple, est cause de cette eau. Quant à l’universel, si on le pose (comme) cause, il sera cause pour l’universel, comme la substance est cause pour la substance, et le quantum pour le quantum. Quant aux principes qui sont véritablement principes, il convient que nous les cherchions dans les choses séparées. En effet, la matière n’est pas de façon absolue matière de l’homme, mais <71a28> c’est ta matière qui est ta matière, et ma matière qui est ma matière, de même que ta forme est ta forme, et ma forme ma forme, /13/ non la forme universelle, mais la forme séparée. Il en est de même pour ce qui meut.
66. Nous avons désormais expliqué comment les principes de toutes choses peuvent être les mêmes, et comment ils ne peuvent pas être les mêmes. En effet, les principes peuvent être les mêmes de trois façons :
- <71a33> soit de façon universelle,
- soit par rapport et analogie,
- <71a34s.> soit en ce que les principes de la substance sont les principes de toutes choses.
7Or l’être, pour toutes les choses, ne vient que de la substance. Et si elles viennent de la substance, il est clair qu’elles viennent des principes de la substance.
87. Toutes ces choses, il faut que nous commencions par les mentionner et nous en assurer. Ensuite, nous établirons la signification du principe à la recherche duquel nous sommes. Nous revenons donc à notre propos à partir de ce qui a été avéré parmi ce dont nous avons quelque peu fait mention.
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