Chapitre IV. [8, 28]
p. 65-67
Texte intégral
11. Puisque notre but est de chercher le principe premier des choses existantes, ce qui convient dans cette recherche est que nous la fassions précéder par des questions, de la façon que j’ai mentionnée. Or, ce qu’il faut que je commence par dire, c’est : <70a33> est-il possible que le principe de toutes les choses qui existent soit le même – si bien que ce principe serait le principe de la substance, celui de la relation, de la quantité et de la qualité – ou bien, pour chacun de ces genres, le principe de l’un est-il différent du principe de l’autre ?
22. [9] Or, « principe » se dit de multiples façons :
le point de départ du mouvement,
ce en vue de quoi est ce qui est,
l’élément.
3Il convient (donc) que la question vise d’abord les éléments : l’élément de toutes les choses qui sont est-il unique ? ou y a-t-il, pour chacun des genres, des éléments différents des éléments de l’autre genre ? Or, <70a35> il n’est pas juste de dire que les éléments sont pour tous (les genres) les mêmes, de sorte que les éléments de la substance, de la relation, de la quantité et de la qualité seraient les mêmes.
43. Si quelqu’un pense cela, nous lui demandons quel est cet élément, s’il y en a un (seul), ou, s’il y en a plusieurs, quels sont ces éléments ; et s’il est en dehors des dix genres, ou parmi eux.a S’il est en dehors d’eux, il faudra qu’il y ait un autre genre que les dix, et qu’il soit antérieur aux dix. En effet, <70b2s.> l’élément est antérieur aux choses pour lesquelles il est élément. Or, <70b1s.> il n’existe pas de genre commun antérieur à la substance. Nous avons déjà expliqué cela ailleurs, dans un endroit antérieur de notre discours. Si (l’objectant) recule devant cette absurdité et place les éléments sous la substance, il sera nécessaire que <70b3> l’élément de la substance soit l’élément de la relation, de la qualité, de la quantité, de l’action, de la passion et de l’habitus. En outre, (quelque chose) que l’intellect ne peut admettre sera alors nécessaire : que l’élément de la substance soit sous la substance. Or, les éléments sont antérieurs aux choses qui sont composées d’eux, et plus simples qu’elles, de même que les lettres sont antérieures à l’énoncé.
54. Supposons que les éléments ne sont pas sous l’un des genres. Nous demandons à celui qui défend cette thèse s’ils sont (au nombre) des choses qui contiennent l’attribut de toutes les choses qui existent, comme <70b7> « un ». S’il dit que des choses semblables à celles-ci sont les éléments de toutes les choses, nous disons que les choses semblables à celles-ci, il ne convient pas que les choses simples soient qualifiées par elles plus que les choses composées. Et il s’ensuivrait nécessairement de cela que les choses simples ne seraient pas les éléments des composées. En effet, ce qui est qualifié par cela, ce sont les choses composées. Les choses composées seraient (donc) éléments des (choses) simples.
65. De plus, si l’Etant et l’Un sont principes pour les dix genres, et si les principes sont autres que les choses qui naissent à partir d’eux, comme le point est autre que la ligne, l’un autre que le nombre, et la venue à l’être autre que les choses qui viennent à l’être, /11/ (alors) l’Etant et l’Un ne sont pas l’essence de la substance, ni celle de la quantité, ni celle de la qualité, et l’Etant unique n’est pas deux étants. <70b9s.> De cette façon, il n’est pas possible que les éléments de toutes choses soient les mêmes éléments.
76. [9, 24] Quant à (ce qu’ils le soient) par voie d’analogie, cela nous convient, si nous continuons ce que nous avons déjà proposé, et que nous expliquons que <70b10s.> les principes de toutes les choses qui sont sont trois : la forme, la matière et la privation. On a un exemple de ceci dans la substance des (choses) sensibles : la chaleur est comme la forme, le froid comme la privation, et la matière est la chose qui possède ces deux (qualités) en puissance. Dans le domaine de la qualité, la blancheur, dans la couleur, est comme la forme, la noirceur comme la privation, et la chose sous-jacente, à savoir la surface, est analogue à la matière. Et la lumière est comparable à la forme, l’obscurité à la privation, et le corps qui reçoit la lumière est sous-jacent aux deux.
87. [9, 30] <70b16s.> Il n’est pas possible que, de façon absolue, il y ait des éléments qui soient les mêmes pour toutes les choses. Mais il convient qu’ils existent à la façon d’un rapport et d’une analogie. Maintenant, notre recherche ne porte pas sur l’élément des choses qui existent, mais notre intention est seulement de chercher (ce qui est) principe pour elles. Et les deux sont cause pour elles.
98. [10] <70b22s.> Il se peut que le principe soit extérieur à la chose, comme la cause motrice ; mais, quant aux éléments, ils ne peuvent pas être ailleurs que dans les choses qui proviennent d’eux. Ce qui est élément, rien n’empêche qu’on l’appelle principe ; mais (en revanche) <70b23> ce qui est principe n’est pas élément, sans nul doute. En effet, il se peut que le principe moteur soit extérieur à ce qui se meut, mais <70b30s.> le moteur prochain dans les choses naturelles est semblable par la forme. En effet, c’est l’homme qui engendre l’homme.
109. Quant aux choses artificielles, qui existent dans la pensée, (ce moteur) est la forme ou la privation. Un exemple de ceci est la médecine ou l’ignorance de celle-ci, ou (encore) l’architecture et l’ignorance de celle-ci. Dans beaucoup de choses, la cause motrice est la forme. De là vient que <70b33s.> la médecine est d’une certaine façon la santé, car elle est la (cause) motrice. Et la forme de la maison est d’une certaine façon l’architecture. Et c’est l’homme qui engendre l’homme.
1110.b Notre but n’est pas de chercher le moteur prochain ; notre but est de chercher <70b34s.> le moteur premier, à partir duquel se meuvent toutes choses.
Notes de fin
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Thémistius
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