Chapitre XIII. L’oubli de l’histoire : Machiavel et la question religieuse
p. 237-250
Texte intégral
1La question du rapport de Machiavel aux Anciens a fait l’objet d’une réflexion approfondie de la part de Gennaro Sasso, dans trois volumes intitulés Machiavelli e gli antichi. Il se livre là à une identification des sources et à leur interprétation avec une acribie et une érudition vertigineuses, voire écrasantes – un travail poursuivi sous une autre forme par Giorgio Inglese, dans ses différentes éditions des textes de Machiavel1. La question des rapports de Machiavel avec la religion, ou encore celle de « la religion de Machiavel », traitée notamment par Alberto Tenenti2, se prolonge, pour sa part, dans certaines interrogations sur ce que l’on pourrait désigner comme le « machiavélisme » de Machiavel, plus centrées sur l’attitude de l’homme Machiavel vis à vis de la religion, caractérisée par l’anticléricalisme du milieu de la chancellerie. Il s’agit ici de nous interroger plus précisément sur le rapport entre la vision machiavélienne de l’Antiquité et son interprétation de la religion, en tant que phénomène historique.
Critique religieuse et oubli de l’histoire
2Dans les Discours sur la première Décade de Tite-Live, Machiavel propose une lecture que l’on pourrait qualifier d’historico-philosophique de l’histoire italienne en clef de religion. Cette lecture (qu’il développe en particulier au chapitre xii du livre I et au chapitre ii du livre II des Discours) fait de la perte de la religiosité antique la cause ou plus exactement la raison de la ruine de l’Italie. D’un point de vue méthodologique, son approche se fonde d’une part sur une lecture strictement historique du phénomène religieux ; d’autre part, sur la fonction strictement politique de la religion civile. On se demandera comment Machiavel articule cette vision de l’histoire italienne très polémique à l’égard de l’Église de son temps, à la reprise de certaines problématiques antiques.
3On mènera cette interrogation essentiellement dans les Discours sur la première Décade de Tite-Live, en partant de l’hypothèse de lecture suivante : Eugenio Garin a défini la Renaissance comme la conscience historique de soi par confrontation à un passé considéré comme révolu3. Chez Machiavel (en tout cas dans les Discours), cette conscience se traduit par la constatation d’une mutation fondamentale qui sépare l’Antiquité de son temps. Celle-ci porte sur deux points, étroitement liés entre eux : d’une part, l’oubli de la virtú antique et des leçons politiques des Anciens, et de l’autre, la perte de l’amour de la liberté et la vie dans l’esclavage4. Les raisons en sont humaines : l’oubli des leçons politiques des Anciens vient de l’ignorance de ce que serait une véritable imitation de l’Antiquité à même de se traduire dans des actes5. Quant à la perte de l’amour de la liberté, ou plus exactement du « vivre libre », c’est-à-dire du vivre sous ses propres lois (vivere civile) dans la mesure où il s’incarne de la manière la plus accomplie dans le régime républicain, elle vient essentiellement d’un fait historique : la conquête romaine qui a « éteint toutes les républiques et tous les vivre-civils »6.
4Dès lors, l’histoire va consister, pour Machiavel, dans une remontée des effets aux causes, ou plus exactement aux raisons – remontée opérée par une démarche rationnelle qui se borne à énoncer des possibles rationnels fondés sur la logique des conduites humaines. Cette démarche est la sienne dans l’avant-propos au livre I des Discours précédemment cité : 1) Constatation : « lorsque je considère l’honneur que l’on attribue à l’antiquité » dans l’art, « et lorsque je vois d’autre part » que les grandes actions dont font état les histoires sont admirées plutôt qu’imitées, voire fuies et que « de cette antique virtú, il ne nous est resté aucun signe, je ne puis m’empêcher de m’en étonner et de m’en désoler à la fois ». 2) Conjecture sur les causes : « Je crois que cela vient de… » – suit l’énoncé de l’hypothèse machiavélienne, à savoir l’ignorance des histoires. 3) Machiavel peut alors revenir à la constatation de départ, mais formulée maintenant comme un effet : « de là vient que la multitude de ceux qui lisent [les histoires] prend plaisir à la variété des accidents qu’elles contiennent, sans penser à les imiter, jugeant l’imitation non seulement difficile, mais impossible »7.
5On trouve une démarche semblable livre II, chapitre ii, malgré une organisation légèrement différente de l’argumentation, qui part ici du passé : 1) Les peuples antiques étaient libres et « il est facile de comprendre d’où vient chez les peuples cette affection du vivre libre » et la haine de la tyrannie. Suit l’énoncé de « la raison ». 2) Constatation d’un changement entre les temps antiques et les temps modernes concernant l’amour de la liberté et conjectures sur les raisons de ce changement : « Quand je me demande d’où peut bien venir que, dans les temps antiques, les peuples étaient plus amoureux de la liberté que dans ces temps-ci, je crois que cela vient de… ». Suit l’énoncé des raisons. 3) Machiavel revient alors à l’énoncé de la différence entre temps anciens et temps modernes, formulé comme un effet des causes énoncées : « Ces éducations et ces fausses interprétations font qu’on ne voit pas, dans le monde, autant de républiques qu’on en voyait dans l’antiquité, ni par conséquent, chez les peuples, autant d’amour de la liberté qu’alors »8.
6Où l’hypothèse d’une mutation fondamentale entre religion antique et religion moderne intervient-elle dans cette interrogation ? Elle le fait à titre de cause secondaire des deux phénomènes qui font l’objet de l’interrogation de Machiavel. Pour expliquer le mauvais usage des histoires, Machiavel émet la conjecture suivante :
Je crois que cela ne vient pas tant de la faiblesse à laquelle la présente religion a conduit le monde, ou du mal qu’a fait à de nombreux pays et cités chrétiennes une paresse ambitieuse, que du fait de ne pas avoir une vraie connaissance des histoires, qui vient de l’incapacité à les lire en en tirant le sens et en en goûtant la saveur9.
7De même, au chapitre ii du livre II des Discours, la religion n’intervient qu’à titre de cause secondaire de la désaffection des contemporains à l’égard de la liberté : « notre religion nous ayant montré la vérité et la vraie voie, elle nous fait porter moins d’estime à l’honneur du monde ». La faute revient à « la lâcheté des hommes qui ont interprété notre religion selon la paresse et non selon la virtú »10. L’interprétation de la religion selon la virtú fait référence aux leçons de l’histoire romaine en matière de religion, seule susceptible d’en proposer un modèle de bon usage. L’interprétation fausse de la religion, qui fait d’elle un facteur de retrait du monde et d’affaiblissement des hommes, repose sur l’ignorance des leçons de l’histoire romaine en matière de religion, ce qui fait de celle-ci un cas particulier de mauvais usage des histoires.
8On peut donc déjà dire que la critique de la religion catholique et de la politique papale, mise en perspective sur le long terme par l’opposition générale entre antiquité et époque contemporaine, s’inscrit dans une problématique plus large qui est celle de la connaissance historique, synonyme de bon usage des histoires. En tant que cas particulier de mauvais usage des histoires, l’interprétation fausse de la religion renvoie comme à une réponse possible, à l’histoire antique et à ce qu’elle dit de la religion des Romains, telle que Machiavel la définit dans les chapitres xi à xv du livre I des Discorsi. Mais si l’on recherche plus généralement les causes de l’ignorance des histoires, on est renvoyé cette fois à une ignorance qui concerne la nature et les phénomènes naturels11. Cela revient à penser l’historique en termes de naturel : si tout est historique, tout est aussi naturel, dans le sens où les États politiques et les religions comme les hommes sont des éléments de la nature, des « corps mixtes » soumis à la génération et à la corruption, mais selon des processus constants dictés par les mouvements du ciel.
9Du même coup, le théâtre de cette histoire s’élargit considérablement : il n’est plus l’Italie, mais le monde. Et dans l’avant-propos au livre II des Discours, Machiavel appliquera la théorie précédemment énoncée à l’histoire universelle :
Et lorsque je pense à la façon dont ces choses procèdent, je juge que le monde a toujours été d’une même manière, et qu’en lui il y a toujours eu autant de bon que de mauvais, mais que ce bon et ce mauvais varient de pays en pays, comme on le voit pour ce que l’on sait des royaumes antiques, qui variaient les uns par rapport aux autres par la variation des coutumes, mais le monde restait le m ême12.
10La constance des éléments qui constituent le monde d’une part, les variations auxquelles elles donnent lieu de l’autre (variations du bon et du mauvais), se font en fait à l’intérieur d’un « monde » qui se conserve identique dans les altérations de ses éléments composants. Mais le changement d’échelle vaut aussi pour les religions, désignées par Machiavel sous le nom de « sectes ». La religion catholique et romaine n’est plus la seule envisagée, dans le cadre géographique restreint de l’Italie contemporaine, élargi à la chrétienté et opposé au monde romain antique : Machiavel considère maintenant « les sectes » (turque ou ultramontaine) au même titre que les États politiques et les pays dans lesquels elles fleurissent13.
11Si donc la critique de la religion contemporaine renvoie directement à une remontée vers des causes humaines et à une alternative antique que Machiavel recherche chez les historiens romains, la démarche de connaissance sur laquelle repose le retour à l’Antiquité lui-même met en jeu, plus radicalement, une causalité physique. On reviendra successivement sur ces deux points.
La religion des Romains
12Avec la religion romaine, Machiavel met en place les éléments d’une religion selon la virtú ; une religion guerrière qui servira à la fois de repoussoir et de modèle, en sous-main, aux théoriciens de la Raison d’État catholique : certains ne feront que substituer aux Romains les personnages de l’histoire sainte et à la religion romaine, la religion catholique. Ainsi, c’est contre l’affirmation de Machiavel selon laquelle le christianisme a affaibli les hommes que Giovanni Botero formulera sa proposition d’un christianisme belliqueux, dans la « Digressio in Nicolaum Macchiavellum » du De regia sapientia (1583)14, et Juan Marquez, dans Il Governador christiano (1602), une politique fondée sur l’histoire sainte qui témoigne de ce que la religion chrétienne n’a pas désarmé le monde, mais stimule, au contraire, ceux qui la professent par la promesse de biens éternels15.
13L’idée que la supériorité de l’État romain réside dans sa religion comme facteur constitutif du peuple romain en tant que tel vient directement de Polybe16 lorsqu’il écrit, au livre VI des Histoires :
Il me semble que la particularité la plus importante où se marque la supériorité de l’État romain réside dans les idées religieuses (en tè peri theôn). Et je pense que Rome doit sa cohésion à cela même que l’on blâme chez les autres peuples, je veux dire la superstititon (deisidaimonian)17.
14Machiavel trouve aussi chez Polybe l’idée que ne pas imiter les anciens Romains sur ce point est une faute politique : « Je crois donc qu’en introduisant dans le peuple les notions sur les dieux et les idées sur l’au-delà, les Anciens n’ont pas agi à la légère et au hasard : la légèreté et l’absurdité sont bien plutôt le fait des Modernes qui rejettent tout cela »18. Ce qui vaut pour les Grecs du temps de Polybe vaut pour les Italiens du temps de Machiavel. Il reste à montrer que les conditions de possibilité d’une telle imitation sont bien remplies : ce sera la fonction de la philosophie naturelle.
15La particularité des Romains, selon Machiavel, est d’avoir su interpréter la religion selon la virtú. Dans quel sens ? Dans les Discours, Machiavel envisage la religion dans sa dimension institutionnelle, de deux points de vue : dans les institutions qui la constituent (ordini), et dans les hommes qui la fondent (ordinatori)19. D’emblée, les institutions religieuses sont associées aux institutions militaires, et les « fondateurs de religions » comparés aux « fondateurs de républiques ou de royaumes » (ordinatori)20.
16Si la religion romaine se caractérise par son interprétation « selon la virtú », c’est qu’elle facilite l’introduction d’une armée. Il y a donc une priorité des institutions religieuses sur les institutions militaires qui confère le premier rang aux fondateurs de religion sur les fondateurs d’États dans la hiérarchie des personnages qui méritent la louange, et la première place pour le blâme et l’infâmie aux « destructeurs de religions », devant les destructeurs d’États. C’est ce qui fait la supériorité de Numa, fondateur de la religion romaine, sur Romulus, fondateur de l’État romain : « s’il fallait discuter pour savoir à quel prince Rome fut plus redevable, à Romulus ou à Numa, je crois plutôt que Numa obtiendrait la première place »21. La raison avancée par Machiavel est la suivante : « parce que là où il y a de la religion, il est facile d’introduire l’armée et là où il y a une armée et pas de religion, on peut difficilement introduire celle-là [sc. une armée] »22.
17Chez Machiavel, à la suite de Polybe, la religion est donc un facteur d’identification du peuple romain comme tel, à double titre : d’une part, elle identifie le peuple romain comme peuple en armes ; d’autre part, la fidélité aux serments, autre élément fondamental de la religion des Romains, l’emporte chez eux sur la fidélité aux lois et même sur l’amour de la patrie23 – on sait ce qu’elle deviendra chez le prince machiavélien, dans un monde en proie à la corruption.
18Mais on s’aperçoit aussi que la supériorité de la religion vient moins de ce qu’elle représente un acquis institutionnel, que de la « facilité » qu’elle apporte dans la constitution d’une armée efficace. Elle ne constitue donc pas une supériorité du gouvernant vis à vis du temps et de la fortune et ne garantit son pouvoir qu’autant que la fortune lui est favorable24. Dans ce sens, la religion semble n’être qu’un instrumentum regni entre les mains d’un prince qui veut faciliter l’introduction de nouvelles institutions (leggi straordinarie), au même titre que la force, nécessaire quand on veut tout changer (fare ogni cosa in quello stato di nuovo) : c’est le cas de David, qui dut avoir recours à « des manières cruelles et ennemies de toute vie non seulement chrétienne mais humaine »25.
19Si la religion est un instrumentum regni entre les mains des gouvernants, il faut alors l’envisager selon deux point de vue : celui des gouvernants et celui du peuple26. La religion est l’instrument par lequel les princes renforcent leur autorité (autorità), lorsqu’ils jugent qu’elle sera insuffisante pour persuader le peuple de la nécessité de changer les lois. De la part du prince, elle repose sur la simulation (Numa simulait de s’entretenir avec une nymphe ; un prince « prudent et connaisseur des choses naturelles » devra favoriser « l’opinion des miracles », quand bien même il la juge fausse)27. Chez les sujets, elle se manifeste comme une « crainte de Dieu »28 qu’ils reportent sur le prince et qui a cette supériorité sur la crainte d’un prince qu’elle ne cesse pas avec la mort de celui-ci – on retrouve « la peur du mystère et cette sorte de recours au drame »29 dont parle Polybe pour décrire la religion des Romains dans sa composante spectaculaire, caractéristique des rites, des oracles et des haruspices qui constituent les principales manifestations du culte divin à Rome.
20La religion romaine n’a donc pas le caractère chrétien d’un rapport entre le croyant et Dieu, mais elle se manifeste essentiellement avec les caractères d’une religion ancienne : le culte divin (entendu, à la manière de Cicéron, comme soin et recueil de tout ce qui a rapport à ce culte, selon l’étymologie de « religio : ex relegendo »)30 ; l’association entre religion et justice31 – même si le raisonnement que Machiavel prête aux Romains concernant les oracles (« parce qu’il leur était facile de croire que ce Dieu qui pouvait te prédire ton bien ou ton mal futur, puisse aussi te le concéder »32), fait plutôt référence à un Dieu pour qui c’est la même chose que savoir et pouvoir, qu’à un Dieu avec lequel on entretient des relations de type commercial (do ut des).
21Quoi qu’il en soit, il est indéniable que la religion romaine selon Machiavel comporte un élément de croyance. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser à première vue, la croyance n’est pas seulement le fait des sujets ; autrement dit, la religion n’instaure pas seulement un rapport entre manipulateurs et manipulés, mais elle suppose de la part des gouvernants une attitude autre que le cynisme (que Machiavel appelle « témérité ») : une attitude « prudente »33. Le bon usage de la religion suppose que les gouvernants partagent avec les gouvernés au pire le sens des limites à ne pas franchir, au mieux un ethos commun. Plutôt que d’utilisation cynique de la religion par des gouvernants éclairés, mettant la croyance du côté de gouvernés bornés, il faudrait donc envisager une sorte de hiérarchie des opinions qui fait de l’utilisation de la religion l’apanage d’une élite (à Rome, souvent la noblesse, d’après les exemples donnés par Machiavel).
22En fait, du côté des gouvernants, la religion relève de la prudence. Or si la prudence ne consiste pas à dénigrer la religion, elle ne consiste pas non plus à se prononcer sur sa vérité ou sur sa fausseté. Ce point est particulièrement clair au livre I, chapitre xii, lorsque Machiavel décrit l’attitude que doivent avoir les gouvernants envers elle :
Ils doivent favoriser toutes les choses qui naissent en faveur de [la religion] et contribuer à leur accroissement ; et il doivent le faire d’autant plus qu’ils sont prudents et connaisseurs des choses naturelles. Et parce que les sages ont observé cette pratique, est née l’opinion des miracles, que les religions célèbrent, quelque fausse qu’elle soit ; parce que les hommes prudents les amplifient, quel que soit le principe dont ils naissent34.
23Dans le domaine de la politique, la nature et l’origine des miracles – qu’il s’agisse de manifestations surnaturelles ou de phénomènes naturels – n’a pas à entrer en ligne de compte. Pour les gouvernants romains, la vérité ou la fausseté des miracles, leur caractère naturel ou surnaturel est accessoire : ils n’ont pas à l’égard de ces phénomènes l’attitude du philosophe de la nature, même dans le cas où ils en auraient les connaissances. Il s’agit pour eux de savoir faire varier les points de vue et d’abandonner celui de la science pour adopter celui de la prudence35.
24Dans ces conditions, n’y a-t-il pas une certaine ironie à ce que l’échec de Savonarole constitue l’exemple sur lequel Machiavel conclut les chapitres qu’il consacre à la religion romaine, pour accréditer la possibilité d’une imitation36 ? On sait ce que Machiavel pense de lui : pour s’être servi de la religion, il n’a pas connu pour autant les règles de l’agir politique et a faussement établi un lien de cause à effet entre la ruine des républiques et les péchés des hommes, alors qu’il faut attribuer celle-ci aux péchés des princes37 ; le « prophète désarmé » n’a pas su non plus aller jusqu’au bout de son action en armant le peuple38. « Esprit ambitieux et partisan », il n’a pas observé les lois qu’il avait lui-même fait édicter, ce qui l’a conduit à sa perte39.
25Et pourtant, Machiavel lui reconnaît des qualités qui accréditent la possibilité de reproduire, au nom de la religion, des actions que les Romains avaient accomplies en leur temps. La première est la capacité à asseoir son autorité sur l’inspiration divine en prétendant qu’il parlait avec Dieu (à la manière de Numa qui prétendait fréquenter une nymphe), mais cette fois auprès d’un peuple – le peuple florentin – qui, contrairement au peuple romain du temps de Numa, n’est « ni ignorant, ni rustre »40. La permanence, chez les hommes, de la crainte de Dieu, peut alors rendre compte de la possibilité d’une imitation. Mais Machiavel reconnaît aussi une autre capacité à Savonarole : celle d’avoir ramené l’État florentin à son principe par la création du Grand Conseil, fusionnant le conseil du peuple et la commune qui existaient à l’époque de la fondation de la ville. En cela, Savonarole a contribué au retour de la liberté à Florence : « après 1594 », écrit Machiavel, « Florence ayant retrouvé ses anciennes institutions avec l’aide de frère Jérôme Savonarole… »41. Ce faisant, Savonarole reproduisait une pratique romaine attestée par Tite-Live, selon laquelle « si l’on veut qu’une secte ou une république vive longtemps, il est nécessaire de la ramener souvent vers son principe »42. La raison du caractère bénéfique de tels retours aux origines vient en effet, dit Machiavel, de ce qu’en toute origine il y a « quelque bonté » qui, « au cours du temps, se corrompt » et corrompt le « corps » auquel elle est attachée. Les religions et les États politiques sont ici considérés comme des corps susceptibles d’altérations, de corruption et de mort.
26C’est donc en définitive sur ce point que porte l’imitation, lorsque Machiavel écrit, pour conclure : « Que personne ne s’effraye de ne pouvoir faire ce que d’autres ont fait ; parce que les hommes, comme nous l’avons dit dans la préface, sont nés, ont vécu et mourront toujours selon un même ordre »43. Ce qui autorise l’imitation, c’est donc sans doute moins la crainte de Dieu que la commune soumission des hommes, des religions et des États politiques à des cycle identiques de vie et de mort, caractéristiques des corps naturels qu’une action humaine a le pouvoir de ralentir. L’imitation renvoie à la connaissance historique en tant qu’elle se fonde sur la connaissance de la nature et des phénomènes naturels.
27Il faut donc remonter aux causes de l’oubli des histoires, en ce qu’elles mettent en jeu, plus généralement, l’ignorance de la nature et des phénomènes naturels.
Les conditions de l’imitation
28Tout au long des Discours, Machiavel fait référence à une image du monde et à une philosophie naturelle sur laquelle il ne s’estime pas compétent et qu’il formule toujours sous forme plus ou moins hypothétique. Ces hypothèses sont de nature philosophique, mais elles peuvent aussi avoir leurs origines chez les médecins ou chez les historiens, comme l’anakuklôsis polybienne qu’il adopte comme un axiome44.
29Son attitude à l’égard de l’origine et de la nature des signes prodigieux qui précèdent « les grands accidents » et des prophéties qui les prédisent est à cet égard exemplaire ; il les constate et les relate, mais avoue son ignorance sur l’origine et les causes : « D’où cela vient, je n’en sais rien (…) ». Et il ajoute : « la raison de cela doit être, je pense, discutée et interprétée par des hommes qui possèdent la connaissance des choses naturelles et surnatuelles, que, pour notre part, nous ne possédons pas »45. On sait que Machiavel prête la connaissance des choses naturelles à certains gouvernants, mais elle est plus directement l’affaire des philosophes – à moins qu’il faille voir là une référence au prince-philosophe que, sur le modèle du philosophe-roi platonicien, le platonisme florentin a eu pour mission de promouvoir, au temps de Laurent le Magnifique. Machiavel formule en effet l’hypothèse suivante :
Il se pourrait bien que cet air étant, comme le veut certain philosophe, rempli d’intelligences qui, par une vertu qui leur est naturelle, prévoient les choses futures, par compassion pour les hommes, elles les avertissent par de tels signes, pour qu’ils puissent se préparer à se défendre46. [Mais il ne pousse pas plus loin l’investigation sur les causes et conclut : ] Quoi qu’il en soit, on voit que telle est la vérité et que toujours après de tels accidents se produisent des choses extraordinaires et nouvelles dans les pays47.
30Ce qui compte est la régularité des effets, où réside la seule vérité sur laquelle puissent se régler une réflexion historique et une action. Or cette régularité fait référence à deux principes : 1) Les mouvements du ciel qui impriment au soleil, aux éléments et aux hommes un cours régulier et 2) Un monde qui se conserve identique dans les changements de ses éléments composants. Sur ces deux points, auxquels je me bornerai, Machiavel reprend des problématiques antiques, notamment sous la forme d’une objection à la doctrine philosophique de l’éternité du monde qui s’avère être une adhésion détournée de sa part.
31« À ces philosophes qui ont voulu que le monde ait été éternel, je crois que l’on pourrait répliquer que si une telle antiquité avait été réelle, la raison aurait voulu que la mémoire remontât à plus de cinq mille ans »48. La suite du raisonnement s’impose-t-elle ? Rien n’est moins sûr, car dire : or elle ne remonte pas à cinq mille ans, donc le monde n’est pas éternel, ce serait être Épicurien, s’il faut en croire Giorgio Inglese qui identifie comme d’origine épicurienne l’argument qui tire de la limitation des mémoires humaines la réfutation de l’éternité du monde49. Mais dire, avec Augustin – dans un passage du De civitate dei (XII, 10-11) que le même G. Inglese identifie comme ayant peut-être servi à Machiavel de base polémique50 – que « grâce aux livres sacrés nous pouvons compter presque six mille ans depuis la création de l’homme », c’est à la fois parler de création de l’homme et remonter à une antiquité si éloignée qu’elle tend à accréditer l’éternité du monde ! Quoi qu’il en soit de la validité de l’objection et surtout des sous-entendus dont elle est porteuse, Machiavel y introduit une restriction qui revient tout simplement à la renverser : « [la raison aurait voulu que la mémoire remontât à plus de cinq mille ans] si l’on ne voit pas que ces souvenirs des temps s’éteignent pour plusieurs raisons, dont une partie vient des hommes et l’autre du ciel »51.
32Gennaro Sasso a dressé l’éventail de toutes les références possibles – antiques, médiévales et humanistes – autour de ce chapitre52 et mon but n’est pas de revenir sur celles-ci. Je remarquerai seulement que cette thèse semble être la formulation philosophique de ce que Machiavel avait déjà exprimé dans les deux avant-propos aux livres I et II des Discours : l’uniformité des mouvements qui animent « le ciel, le soleil, les éléments et les hommes » inscrit ceux-ci dans un cercle sans commencement ni fin, de la même façon que la terre ronde et finie, à la surface de laquelle se déplacent le bien et le mal, donne l’image d’un monde qui reste le même dans l’infinité de ses variations.
33Mais Machiavel ne va pas jusqu’au bout du raisonnement qui reviendrait à conclure clairement à l’éternité du monde. C’est sans doute que son attention porte moins sur l’énoncé philosophique lui-même, que, comme toujours, sur la remontée vers des causes qui puissent rendre compte de l’effet d’oubli : les causes humaines, avec « les variations des sectes et des langues » ; les causes célestes ou naturelles, avec la maladie, la famine et les déluges.
34Il faut donc établir une distinction claire entre « le monde » et « les choses du monde », dans le sens où le premier est, sinon éternel, du moins toujours identique à lui-même, alors que les secondes sont animées de mouvements réguliers de vie et de mort (« toutes les choses du monde ont une fin à leur vie »). Par « les choses du monde », Machiavel entend notamment « les corps mixtes comme le sont les républiques ou les sectes »53. La « variation des sectes » ou des religions intervient ainsi comme cause de l’oubli de l’Antiquité. Il la désigne, avec la variation des langues, comme une cause d’origine humaine. Dès lors, la « secte chrétienne » n’est qu’une secte parmi d’autres et elle intervient comme une cause d’oubli de la religion qui l’a précédée immédiatement. Seule son incapacité à éteindre la mémoire de la langue latine nous vaut, selon Machiavel, d’avoir gardé la mémoire des grandes actions des « hommes excellents » de l’Antiquité, malgré les « persécutions » auxquelles elle s’est livrée, alors que la religion romaine a réussi à anéantir complètement celle des Étrusques, avec leur langue, et elle est destinée à être anéantie pas la secte qui lui succèdera.
35Ce texte est sans doute, selon Giorgio Inglese54, le témoignage le plus direct de l’antichristianisme philosophique de Machiavel, – antichristianisme philosophique, parce que c’est en termes de philosophie qu’il s’exprime et aux philosophes qu’il s’adresse. L’insertion du christianisme comme une secte parmi les autres dans un mouvement qui le destine à mourir correspond en effet, selon lui, à la réélaboration par Machiavel du thème de l’horoscope des religions, selon lequel certaines grandes conjonctions célestes scandent la naissance et la mort des religions, mais sans « l’aspect providentiel (qui permettait, en général, d’accorder l’horoscope à la révélation : la fin du christianisme et l’avènement de l’Antéchrist faisaient partie de la dimension apocalyptique) »55. Seule reste la dimension chronologique, qui veut qu’« en cinq ou six mille ans ces sectes varient deux ou trois fois »56.
36Les religions sont ainsi intégrées aux « variations » des « choses du monde » dont Machiavel fait la théorie générale au chapitre i du livre III et dont il désigne les différentes sortes :
C’est une chose très véritable que toutes les choses du monde ont une fin à leur vie. Mais celles qui parcourent entièrement le cours qui leur est généralement ordonné par le ciel sont celles qui ne perdent pas l’ordonnance de leur corps, mais le gardent ordonné, ou qui le gardent sans altération, et s’il s’altère, c’est pour son salut et non pour sa perte. Et parce que je parle des corps mixtes que sont les républiques et les sectes, je dis que les altérations salutaires sont celles qui les ramènent à leurs principes57.
37On se trouve face aux cas suivants : soit pas d’altération, soit altération ; et dans ce dernier cas, l’altération est soit salutaire, soit fatale. Le premier cas, notamment, pose un problème : comment peut-il y avoir mort sans qu’il y ait altération du corps ? Le cas des corps mixtes que sont les républiques a l’avantage de faire comprendre ce qu’il faut entendre par absence d’altération, par altération salutaire et par altération fatale.
38Au chapitre ii du livre I, on sait que Machiavel emprunte à Polybe, sans le nommer, les modalités de la succession des républiques ; il s’agit d’un cycle naturel. Polybe avait écrit : « voilà le cycle complet (anakuklôsis) des régimes, voilà l’ordre naturel, en fonction de quoi les systèmes politiques changent et se transforment jusqu’à revenir à leur état initial »58 (il s’agit de la monarchie, l’oligarchie, l’ochlocratie et de leurs formes défectueuses). Machiavel reprend l’idée, mais il y apporte une nuance non négligeable, mise en évidence par Eugenio Garin et par Gennaro Sasso :
Tel est le cercle que décrivent toutes les républiques qui ont existé et qui existent. Mais il arrive rarement que les mêmes régimes reviennent, parce que presque aucune république ne peut avoir une vie si longue qu’elle puisse passer plusieurs fois par ces mutations et rester sur pied. [En général, à l’occasion de tels changements qui la fragilisent, elle subit une annexion par un autre État]. Si cela n’était pas – ajoute Machiavel – une république serait à même d’accomplir le cycle des régimes à l’infini59.
39La théorie polybienne des cycles réalise idéalement une mutation indéfinie, à l’intérieur d’un monde dont on peut penser qu’il n’a pas eu de commencement et qu’il n’aura pas de fin. Mais c’est compter sans un autre élément : une tendance de la matière à se corrompre qui altère le cycle jusqu’à menacer de l’interrompre. Dans le monde machiavélien, les républiques vivent et meurent sans que l’on puisse envisager une mutation indéfinie. Cela met-il en cause l’éternité du monde ? Oui, puisqu’il y a corruption de la matière, si la matière n’est pas éternelle ; non si la matière est éternelle, ou dans la mesure où le monde reste le contenant immuable des « choses du monde ». Toute la question est de savoir si, à la circulation d’une quantité constante de bon et de mauvais dans le monde correspond celle d’une quantité constante de matière ; bref, si l’on peut penser l’altération en termes de déplacement et de conservation.
40Quoi qu’il en soit, il existe une médecine de tous les corps mixtes et donc aussi du genre humain (pensé en termes de « génération ») et des États, qui lutte contre la corruption de la matière60. Qu’en est-il de cette médecine ? Elle peut être naturelle ou humaine. Le processus naturel désigne le fait que la nature se purge, en réduisant le nombre des hommes par les maladies, les famines et les inondations, pour assurer un nouveau commencement à l’humanité61 :
La nature, comme cela arrive dans les corps simples lorsqu’ils atteignent [une] trop [grande quantité] de matière superflue, accomplit plusieurs tours par elle-même et opère une purgation qui est salutaire pour ce corps ; c’est ce qui arrive dans le corps mixte de la génération humaine : lorsque tous les pays sont remplis d’habitants au point que ceux-ci ne peuvent plus y vivre ni ne peuvent aller ailleurs parce que tous les lieux sont occupés et pleins, et lorsque la ruse et la méchanceté humaines ont atteint leur limite, il est nécessaire que le monde se purge d’une de ces trois manières, pour que les hommes, moins nombreux et humiliés, vivent plus commodément et deviennent meilleurs62.
41De la même façon, les hommes peuvent pourvoir au renouvellement interne des républiques et des religions pour leur éviter une altération fatale : dans ce cas, ils ne font qu’imiter la nature lorsqu’elle s’adonne à l’auto-médication63. Le retour au principe se fait alors « non par accident intrinsèque, mais par prudence intrinsèque », la prudence humaine venant prolonger et renforcer l’auto-régulation naturelle. Machiavel « naturalise » ainsi l’histoire, en proposant de la lire en termes de physiologie et de médecine des corps politiques ou religieux. Qu’il s’agisse de la « prudence » romaine au chapitre iii du Prince, pensée sur le modèle de la médication des crises et de la phtisie, ou d’une médecine savonarolienne plus impure parce que s’exerçant à un stade élevé de corruption, elles considèrent que ce qui est historique vit et meurt, est soumis à la génération et à la corruption.
42Ainsi, les conditions de possibilité d’une imitation des Anciens qui se trouve au fondement de la connaissance historique et de l’art politique correspondent sinon à la thèse métaphysique de l’éternité du monde qui relève de la connaissance philosophique et non historique, du moins à l’adoption d’une image du monde toujours identique à lui-même dans les variations des éléments qui le composent, eux-mêmes soumis à des processus constants. En tant que « choses du monde » apparentées aux « républiques », les religions sont envisagées sous un angle strictement politique et le christianisme, réduit à la fonction d’obstacle pour l’héritage antique.
43La critique de la religion catholique et de la politique papale, mise en perspective sur le long terme par l’opposition générale entre antiquité et époque contemporaine, s’inscrit ainsi dans une problématique plus large qui est celle de la connaissance historique, synonyme de bon usage des histoires. En tant que cas particulier de mauvais usage des histoires, l’interprétation fausse de la religion renvoie comme à une réponse possible, à l’histoire antique et à ce qu’elle dit de la religion des Romains. Mais si l’on recherche plus généralement les causes de l’ignorance des histoires, on est renvoyé cette fois à une ignorance qui concerne la nature et les phénomènes naturels. Si donc la critique de la religion contemporaine renvoie directement à une remontée vers des causes humaines et à une alternative antique que Machiavel recherche chez les historiens romains, la démarche de connaissance sur laquelle repose le retour à l’Antiquité lui-même met en jeu, plus radicalement, une causalité physique qui ne relève pas de la compétence de l’historien, mais dont celui-ci doit savoir reconnaître les effets.
Notes de bas de page
1 G. Sasso, Machiavelli e gli antichi e altri saggi, op. cit. ; sur Platon, Aristote et Polybe, voir également L. Gerbier, « La réception paradoxale de la philosophie politique antique chez Machiavel », Internationale Zeitschrift für Philosophie, 2, 2002, p. 228-254.
2 A. Tenenti, « La religione di Machiavelli », dans Id., Credenze, ideologie, libertinismi tra Medioevo ed età moderna, Bologna, Il Mulino, 1978, p. 175-219.
3 E. Garin, Il ritorno dei filosofi antichi, Napoli, Bibliopolis, 1994.
4 Voir la distinction entre le « vivere libero allora » et le « vivere servo » de maintenant dans Niccolò Machiavelli, Discorsi, éd. cit., II, ii, p. 253.
5 Voir supra, chap. vii, p. 149.
6 Discorsi, éd. cit., II, ii, p. 252. Sauf indication contraire, toutes les traductions sont de nous.
7 Ibid., I, prœmio, p. 103-104.
8 Ibid., II, ii, p. 249-252.
9 Ibid., I, prœmio, p. 104.
10 Ibid., II, ii, p. 252.
11 Voir supra, chap. vii, p. 145-146 ; chap. viii, p. 166.
12 Discorsi, éd. cit., II, prœmio, p. 242.
13 Ibid.
14 « Quoniam supra demonstratum est a Deo Opti. Max. bella, victoriasque pendere, minuenda hoc loco est Nicolai Macchiavelli opinio. Is enim non inepte minus, quam false, asserere ausus est, Christi domini nostri legem homines ad rem bellicam, militaremque, virtutem ineptos efficere ». La conclusion est la suivante : « Non potest ulla esse vera, sine pietate, fortitudo, pietas autem, extra Ecclesiam Christianam nulla est. Itaque mihi, omnem superiorum aetatum memoriam repetente, semper videtur gloria militaris cum religione fuisse conjuncta ». Giovanni Botero, « In Nicolaum Macchiavellum digressio », dans Juan Marquez, De regia sapientia libri tres, Mediolani, apud P. Pontium, 1583, chap. vii, p. 12 ; p. 14 (p. 12-14).
15 Juan Marquez, Il Governador christiano (1602), éd. fr., Nancy, Garnich, 1621. La critique de Marquez porte sur deux points : 1) « Le politique Machiavel parla inconsiderement lors qu’il dit que la religion chrestienne avoit rendu les hommes laschez et viles de courage, et donné le monde comme en proye au plus vicieux », et 2) « Le Politique faut lourdement de croire que le Prince doit traiter les choses de Religion par raison d’Estat ».
16 Les cinq premiers livres des Histoires de Polybe ont été traduits en 1452 par Niccolò Perotti ; le livre VI circule en traduction à Florence au temps de Machiavel (E. Garin, Machiavelli fra politica e storia, éd. cit., p. 9 ; 14).
17 Polybe, Histoires, l. VI, texte et trad. par R. Weil et Cl. Nicolet, Paris, Les Belles Lettres, 1977, 56, 6-7, p. 139.
18 Ibid., 56, 12, p. 140.
19 « Ei parrà forse ad alcuno che io sia troppo trascorso dentro nella istoria romana, non avendo fatto alcuna menzione ancora degli ordinatori di quella republica né di quelli ordini che alla religione e alla milizia riguardassero ». Discorsi, éd. cit., I, ix, p. 131.
20 Ibid., I, x, p. 134. Les Suisses représentent la version moderne de cette association : ils sont à la fois les meilleurs en matière de religion et en matière militaire. Ibid., II, xvi, p. 287.
21 Ibid., I, xi, p. 139.
22 Ibid. Guichardin critique Machiavel et donne la préséance à Romulus (F. Guicciardini, Considérations à propos des Discours de Machiavel, éd. cit., sur I, xi, p. 77-78).
23 Discorsi, éd. cit., I, xi, p. 138-139.
24 La hiérarchie se renverse lorsque l’on se place du point de vue de la conservation de son état par le prince soumise aux variations des « temps » ou de la « fortune », car dans ce cas, Romulus l’emporte sur Numa. « Da questo piglino esemplo tutti i principi che tengono stato : ché chi somiglierà Numa lo terrà o non lo terrà secondo che i tempi o la fortuna gli girerà sotto ; ma chi somiglierà Romolo, e fia come esso armato di prudenza e d’armi, lo terrà in ogni modo, se da una ostinata ed eccessiva forza non gli è tolto ». Ibid., I, xix, p. 161. Voir supra, chap. viii, p. 174.
25 Ibid., I, xxvi, p. 170, mais David est « excusé » par sa fin et en I, xix, Machiavel le désigne comme un « très excellent » homme (p. 160). Voir également les exemples développés par Machiavel en I, ix, p. 131-134.
26 Machiavel formule cette division des points de vue dans l’épître dédicatoire du Prince.
27 Discorsi, éd. cit., I, xi, p. 139 ; I, xii, p. 142.
28 Ibid., I, ix, p. 138.
29 Polybe, Histoires, éd. cit., 56, xi, p. 140.
30 C. H. Ratschow, art. « Religion », dans Historisches Wörterbuch der Philosophie, t. VIII, col. 634.
31 Discorsi, éd. cit., III, i, p. 342.
32 Ibid., I, xii, p. 142.
33 Cette ignorance cause la perte d’Appius Pulcher, Discours, I, xiv. Sur ce chapitre, Guichardin écrit : « je ne tiens pas pour certain que les capitaines des armées usèrent avec ruse de l’autorité des auspices et des augures mais je crois que, surtout dans les premiers temps, leurs cœurs étaient occupés de cette religion » (Considérations à propos des Discours, éd. cit., p. 81).
34 Discorsi, éd. cit., I, xii, p. 142.
35 Bodin reformulera plus tard très clairement ce double point de vue sur la religion, à propos de la religion juive : « post Hebraeorum historias inquiremus ; sed ita ut initio Reipublicae instituendae rationem, potius intellegamus, quam religionem : quae ad tertium historiae genus spectat [sc. historia divina], et altiorem desiderat contemplationem ». J. Bodin, Methodus, éd. cit., p. 117 a.
36 Sur les jugements de Machiavel concernant Savonarole, voir la lettre à Ricciardo Becchi, 9 mars 1498 ; Discorsi, éd. cit., I, xii et xlv.
37 Il Principe, éd. cit., chap. xii, p. 80 ; L’Asino, dans Machiavelli, Tutte le opere, a cura di M. Martelli, Milano, Bompiani, 1993, chap. v, p. 967.
38 Il Principe, éd. cit., chap. vi, p. 36.
39 Discorsi, éd. cit., I, xlv, p. 206-207.
40 Ibid., I, xi, p. 141.
41 Ibid., I, xlv, p. 206.
42 C’est le titre du chapitre i du livre III des Discorsi, éd. cit., p. 341.
43 Ibid., I, xi, p. 141.
44 Il y a là sans doute un trait de méthode machiavélienne : ne pas citer Polybe confère à ses affirmations un statut particulier, rationnel plus qu’historique.
45 Discorsi, éd. cit., I, lvi, p. 230.
46 Ibid. Giorgio Inglese renvoie à Cicéron, De divinatione I, 30, 64 (dans N. Machiavelli, Discorsi, G. Inglese (ed.), Milano, Rizzoli, 1984, p. 281, n. 9), mais aussi à une idée répandue.
47 Discorsi, éd. cit., I, lvi, p. 230.
48 Ibid., II, v, p. 260.
49 G. Inglese cite Lucrèce, De natura rerum (V, 324-344), dans Discorsi, G. Inglese (ed.), éd. cit., p. 399, n. 2.
50 Ibid., p. 400.
51 Discorsi, éd. cit., II, v, p. 260. Nous soulignons.
52 G. Sasso, Machiavelli e gli antichi, op. cit., p. 167-399.
53 Discorsi, éd. cit., III, i, p. 341.
54 Dans Discorsi, G. Inglese (ed.), éd. cit., p. 400, n. 2.
55 Ibid., p. 401-402, n. 11.
56 Discorsi, éd. cit., II, v, p. 261.
57 Ibid., III, i, p. 341.
58 Polybe, Histoires, éd. cit., VI, ix, x, p. 79.
59 Discorsi, éd. cit., I, ii, p. 112.
60 Sur cette question, voir désormais Laurent Gerbier, Histoire, médecine et politique – Les figures du temps dans Le Prince et les Discours de Machiavel, thèse de doctorat de l’Université de Tours, décembre 1999 ; Id., « Médecine et politique dans l’art machiavélien de la prévision », Nouvelle revue du xvie siècle, XXI, 1, p. 25-42.
61 C’est dans ce sens que Machiavel parle de « commencement du monde (Nel principio del mondo) », au début des Discours. Il s’agit là, en effet, de l’origine des communautés politiques, où les hommes vivaient dispersés avant de se réunir pour se reproduire et mieux se défendre contre les bêtes sauvages. Il y a donc moins commencement du monde qu’un des recommencements de l’humanité, un moment décimée par les maladies, les famines et les inondations envoyées par le ciel. Discorsi, éd. cit., I, ii, p. 110.
62 Ibid., II, v, p. 262.
63 « E perché tutte le azioni nostre imitano la natura… » Ibid., II, iii, p. 255.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mousikè et aretè
La musique et l’éthique de l’Antiquité à l’âge moderne
Florence Malhomme et Anne-Gabrielle Wersinger (dir.)
2007
Unité de l’être et dialectique
L’idée de philosophie naturelle chez Giordano Bruno
Tristan Dagron
1999
Aux sources de l’esprit cartésien
L’axe La Ramée-Descartes : De la Dialectique de 1555 aux Regulae
André Robinet
1996