Chapitre VI. Action humaine, action naturelle, action divine dans les Essais de Montaigne
p. 125-138
Texte intégral
1Par la division entre action humaine, action naturelle et action divine, il s’agit de prendre une vision d’ensemble du problème de l’action dans les Essais. Mais ce point de départ nous expose d’entrée de jeu à un risque à peu près certain : qu’il ne soit pas possible de remonter de l’action humaine à l’action naturelle et à l’action divine, du fait même qu’il n’est pas possible, pour la raison humaine, de remonter à une connaissance de la nature et de Dieu. L’établissement du champ et du statut de l’action dépend étroitement, en effet, de l’impossibilité de connaître comme impossibilité d’établir des rapports de cause à effet, et dans le cadre d’une connaissance humaine comprise comme connaissance historique ou descriptive, ou encore connaissance par les effets, comme impossibilité de remonter de l’effet à la cause. Dans ce sens, la question de l’action est étroitement liée à celle du scepticisme de Montaigne.
2En effet, l’action naturelle et l’action divine sont inconnaissables ; quant à l’action humaine, sa nature est pour le moins problématique, dans le sens où l’on ne peut pas remonter de l’exécution à l’intention, l’exécution n’étant pas entièrement en notre pouvoir, mais au pouvoir de ce que l’on désignera comme « la fortune ». Dès lors, l’action humaine nous en apprend plus sur la fortune que sur nous ; sur le pouvoir de la fortune que sur notre propre pouvoir. Selon toutes les apparences, la fortune gouverne le monde : « la plupart des choses du monde se font par elles-mêmes. Fata viam inveniunt. L’issue autorise souvent une très inepte conduite. Notre entremise n’est quasi qu’une routine, et plus communément considération d’usage et d’exemple, que de raison »1. L’automatisme naturel renvoie à la routine humaine : là où la fortune est maîtresse des effets, l’imitation est maîtresse des desseins et des arts, et non la raison, destituée de la paternité de nos actions comme elle l’est de la connaissance de ce qui nous meut. Et c’est vrai de la plupart des arts2. Le discours sceptique qui dit, en I, 27, que « c’est folie de rapporter le vrai et le faux à notre suffisance », et donc, de « ramener à la mesure de notre capacité et suffisance (…) les bornes et limites de la volonté de Dieu, et de la puissance de notre mère nature »3, dit aussi que, ne connaissant pas l’étendue de notre capacité, nous échappons nous-mêmes à nos propres prises (III, 8).
3Et pourtant, il y a des discours humains sur les trois types d’actions, mais ces discours sont injustes, en tant qu’ils se trompent d’objet et qu’ils opèrent par là un renversement dans l’ordre des choses : ramener l’action humaine à notre mesure, c’est attribuer ses effets à la partie supérieure de l’âme censée nous gouverner : à la raison, maîtresse de la volonté et de la prudence. Ramener à notre mesure la puissance de la nature, c’est faire de nous-mêmes le centre du monde et le but de toutes les actions naturelles. Ramener la puissance divine à notre mesure, c’est tomber dans l’anthropomorphisme : l’« enfermer sous les lois de notre parole », en disant : « Dieu ne peut faire ceci ou cela »4, ou, avec la « témérité » de certains philosophes, soumettre Dieu, comme nous, à la destinée ou à la nécessité naturelle5.
4La question est donc de savoir s’il y a un discours sur les actions humaines qui échappe à l’illusion de maîtrise, un discours sur les actions naturelles qui échappe à l’anthropocentrisme, et un discours sur les actions divines qui échappe à l’anthropomorphisme. Sans doute, comme aux philosophes pyrrhoniens, il faudrait « un nouveau langage »6… Cependant, le langage humain dispose de mots pour parler de ce que l’on ne comprend pas. Montaigne en fait l’inventaire en I, 56 : « (…) Le dire humain a ses formes plus basses et ne se doit servir de la dignité, majesté, régence du parler divin. Je lui laisse, pour moi, dire, verbis indisciplinatis7, fortune, destinée, accident, heur et malheur, et les Dieux, et autres phrases, selon sa mode »8. C’est donc des formes de ce « dire humain » et des opinions qu’elles autorisent que l’on partira, en se demandant ce que peut un dire spécifiquement humain pour caractériser les différentes formes d’action (humaine, naturelle et divine) et tracer les limites de leurs champs respectifs.
La fin et les moyens
5Le « dire humain » est constitué de mots, mais aussi de manières de poser les questions que Montaigne partage avec ses contemporains. Un point central est la référence à la place de « la fortune » dans les actions humaines – point de vue que Montaigne partage avec Machiavel. Or les rapports entre les actions humaines et la fortune ont leur symptôme : le fait que « par divers moyens on arrive à pareille fin ». C’est le titre du premier essai (I, 1), que Montaigne reprend en I, 24 sur les conjurations, sous le titre : « Divers événements de même conseil ». Il partage sur ce point la constatation de Machiavel, désespérant, comme il le fait souvent, de comprendre quoi que ce soit aux actions des hommes, lorsqu’il écrit, dans les Ghiribizzi al Soderini (1506) : « (…) on voit des conduites (governi) variées faire advenir une même chose » et « on peut aboutir à une même fin en œuvrant différemment »9. Je partirai de cette constatation commune aux deux auteurs pour montrer comment la réflexion de Montaigne sur les rapports des actions humaines à la fortune passe par la médiation machiavélienne (qui centre ce rapport sur l’art de la guerre, où la fortune semble s’exercer plus fortement), pour replacer le débat sur le terrain de l’éthique : la question de l’action a d’abord été une question militaire avant d’être une question éthique10.
6On connaît l’hypothèse émise par Machiavel pour rendre raison de cet état de choses : le succès d’une entreprise ne vient pas de l’adaptation des moyens à la fin, mais de la capacité de l’acteur à varier en fonction des variations des « temps » et de « la fortune », dictées par les mouvements et les influences célestes11. L’échec fréquent de cette rencontre a des conséquences éthiques et théoriques : il amène à conclure que « la fortune varie et commande aux hommes et les tient sous son joug », et à dénoncer comme une vaine science l’astrologie divinatoire qui croit que le sage peut « commander aux étoiles et aux destins »12. De même, le fait de désolidariser l’action de l’intention interdit de penser l’action en termes de prudence et conduit à la penser en termes de saisie de l’« occasion », comme poïèsis, information d’une matière : au chapitre vi du Prince, Machiavel interprète ainsi l’action des héros fondateurs :
Et, si l’on examine leurs actions et leur vie, on ne voit pas qu’ils aient reçu rien d’autre de la fortune que l’occasion, qui leur donna la matière pour pouvoir y introduire cette forme qui leur parut bonne : et, sans cette occasion, la vertu de leur esprit se serait éteinte, et, sans cette vertu, l’occasion serait venue en vain13.
7Il reformulera son interprétation au chapitre xxv du Prince, en mettant l’accent sur la nécessité d’agir :
La fortune faisant varier les temps, et les hommes restant obstinés dans leurs façons, ceux-ci sont heureux quand ils sont en accord entre eux [sc. les temps et leurs façons] et, quand ils sont en désaccord, malheureux. Moi, j’estime quand même qu’il vaut mieux être impétueux que circonspect, car la fortune est femme et il est nécessaire, si l’on veut la culbuter, de la battre et de la bousculer14.
8La virtú s’exerce ainsi à la fois comme adaptation à la fortune et comme combat contre elle, unifiant les deux adages : « fortes fortuna adjuvat » et « virtus domitor fortunae »15.
9Montaigne ne tire pas d’autres conclusions de la constatation que « par divers moyens on arrive à pareille fin » : l’impossibilité à « fonder un jugement constant et uniforme » sur « un sujet » aussi « merveilleusement vain, divers et ondoyant que l’homme »16 le fait conclure à l’impuissance de la prudence humaine et, dans des termes beaucoup plus radicaux, à sa « vanité » : « tant c’est chose vaine et frivole que l’humaine prudence ; et au travers de tous nos projets, de nos conseils et précautions, la fortune maintient toujours la possession des événements »17. Mais loin d’être paralysante, cette situation définit le champ d’une philosophie de l’action : « nous sommes nés pour agir »18. Tout le problème est de savoir ce que cela signifie pour Montaigne.
10Il semble clair qu’il partage avec Machiavel une même vision de l’action, qui ne se définit plus comme la réalisation prudente d’un projet, mais désolidarise le résultat de la conduite suivie, les effets des causes, et déplace la question en-dehors de l’homme, dans son rapport avec la fortune. La destitution du sujet par rapport à l’acte se traduit par la dissociation : l’ouvrage échappe à l’ouvrier, qui devient incapable d’en juger19, mais aussi par le renversement (l’effet précède l’action) : la gloire, qui est « le pur ouvrage de la fortune », « marche » souvent, comme une ombre, « avant le mérite »20, ou encore, l’action donne une consistance au sujet après coup : Montaigne est lui-même produit par son livre21. On retrouve là, attribuée au sujet en tant que destitué de la paternité de ses actes, une pratique que Machiavel identifiait comme une tactique politique de diversion : l’agitation de Ferdinand d’Espagne, insaisissable par l’analyse, du fait même qu’elle n’est l’effet d’aucun projet22.
11Comme Machiavel, Montaigne pense le rapport à la fortune dans les termes de la saisie de l’occasion et de l’information d’une matière : c’est le cas d’un naturel qu’il reconnaît comme le sien : « Cette condition de nature (…) veut être échauffée et réveillée par les occasions étrangères, présentes et fortuites. Si elle va toute seule, elle ne fait que traîner et languir. L’agitation est sa vie et sa grâce. Je ne me tiens pas bien en ma possession et disposition. Le hasard y a plus de droit que moi »23.
12Mais le schéma est généralisable ; il s’applique à l’ensemble des esprits : dans l’essai I, 8 intitulé « De l’oisiveté », Montaigne se livre à une expérience de méditation du type de celle de Descartes avant la lettre, comme l’a montré Frédéric Brahami24. Il n’arrive pas à une première vérité, mais à l’expérience d’une activité de l’esprit « sans ordre et sans propos »25, dans laquelle « l’âme qui n’a point de but établi, elle se perd »26. Au début de l’essai, Montaigne a éclairé cette expérience par une comparaison qui revêt pour nous une importance particulière : « ainsi en est-il des esprits. Si on ne les occupe à certain sujet qui les bride et contraigne, ils se jettent déréglés, par ci par là, dans le vague champ des imaginations (…) »27. Il compare d’abord l’esprit à une terre en jachère : « Comme nous voyons des terres oisives, si elles sont grasses et fertiles, foisonner en cent mille sortes d’herbes sauvages et inutiles, et que, pour les tenir en office, il les faut assujétir et employer à certaines semences, pour notre service ». Il les compare ensuite aux pertes menstruelles des femmes qui « produisent bien toutes seules des amas et pièces de chair informes, mais que pour faire une génération bonne et naturelle, il les faut embesogner d’une autre semence »28. La fécondité de la nature comme celle des êtres humains nécessite l’introduction d’une forme dans une matière, conformément à la leçon d’Aristote29.
13Mais en déplaçant la question du rapport de l’homme avec la fortune du champ de l’action politique et militaire à celui de l’esprit, Montaigne déplace la question du bonheur et du malheur ou de la mauvaise et de la bonne fortune, du champ de la politique et de la réussite de l’action, à celui des représentations : dans ce sens, « la fortune ne nous fait ni bien ni mal ; elle nous en offre seulement la matière et la semence, laquelle notre âme, plus puissante qu’elle, tourne et applique comme il lui plaît, seule cause et maîtresse de sa condition heureuse ou malheureuse »30. Il ouvre ainsi un champ : celui de la maîtrise des représentations, qui est aussi celui de l’éthique.
14L’ennemi est maintenant le mal : la pauvreté, la douleur, la mort. Or si le mal et le bien sont affaire de représentations, seule une forme de mal leur échappe en partie : la douleur. « Ici, tout ne consiste pas en l’imagination. Nous opinons du reste, c’est ici la certaine science qui joue son rôle. Nos sens même en sont juges »31. La douleur est « le pire accident de notre être »32 ; en cette qualité, elle est l’ennemi contre lequel il s’agira de lutter de nos propres armes, dans des termes qui restent ceux de la lutte de la virtú contre la fortune : « et est folie de s’attendre que fortune elle-même nous arme jamais suffisamment contre soi. C’est de nos armes qu’il la faut combattre : les fortuites nous trahiront au bon fait »33. Ici, « les armes propres » ne sont pas une armée de citoyens, mais « le plaisir », arme unique contre les trois sortes de maux : la pauvreté (il s’agit alors de vivre « au jour la journée »), la douleur et la mort. Le plaisir est en effet « notre but », dans le sens où, « en la vertu même le dernier but de notre visée c’est la volupté »34. C’est donc le plaisir comme « usage » de la vie qui est la vertu véritable.
15Mais la figure décisive de la fortune, c’est la mort, dans la mesure où elle est le seul mal inévitable et où, dans ce sens, elle prend les traits de la « destinée » ou plus généralement du « destin ». C’est donc dans la lutte contre cet ennemi que nous retrouverons la double attitude d’opposition et de conciliation caractéristique du combat entre la vertu et la fortune. Comme le prince machiavélien se prépare à la guerre par les actions, en reconnaissant le pays et en anticipant les rencontres sur le terrain, et par l’esprit, en fréquentant les livres d’histoire35, le combat contre la mort prend, chez Montaigne, la forme d’un exercice : « Il est incertain où la mort nous attende, attendons-la partout »36. Sans « aller au-devant » d’elle – exercice pratiqué par certains philosophes – chacun peut aussi s’« apprivoiser à elle »37, voire trouver, « de tant d’espèces d’imaginations » pour se persuader de mépriser la mort ou de supporter la douleur, « une le plus selon son humeur »38.
16On voit donc comment Montaigne reprend les termes classiques du combat de la vertu contre la fortune, transportés par Machiavel sur le terrain de la politique comme art de la guerre, pour les replacer sur le terrain du combat de la vertu contre le mal, à la suite de la constatation du décallage, dans l’action humaine, entre les moyens et les résultats. Mais l’impossibilité de remonter des effets aux causes qui conduit à penser l’action comme saisie de cette figure de la fortune qu’est l’occasion, laisse entière la question de l’ordre des causes dans la nature et celle, connexe, de savoir dans quelle mesure nous sommes les causes des effets que nous produisont : qu’est-ce qui dépend de nous ? Montaigne pose la question dans l’essai qu’il consacre à « la vertu » (II, 29), en reprenant le raisonnement classique qui rejette le fatalisme stoïcien.
Fortune et liberté
17« La dispute du Fatum », ou discussion philosophique sur le destin et ses enjeux éthiques, fournit à Montaigne les termes philosophiques d’un découpage du réel selon l’ordre des causes, dans lequel Dieu réserve une place pour l’action humaine :
Ce que nous voyons advenir advient ; mais il pouvait autrement advenir ; et Dieu, au registre des causes des avènements qu’il a en sa prescience, y a aussi celles qu’on appelle fortuites, et les volontaires, qui dépendent de la liberté qu’il a donné à notre arbitrage, et sait que nous faudrons parce que nous aurons voulu faillir39.
18Ce qui arrive n’arrive pas du fait de la connaissance qu’en a Dieu, mais en raison de causes, au nombre desquelles il faut mettre le hasard et la volonté humaine. De ces causes que les Péripatéticiens situaient dans le monde sublunaire40, Montaigne exclut donc clairement le fatum, le destin ou la destinée au sens de durée de vie préfixée, même si le « dire humain », voire la nature elle-même (dans sa prosopopé) continuent d’utiliser le terme41. S’il n’y a de causes que volontaires ou fortuites, il faut mettre la fortune au rang des causes fortuites comme synonyme de hasard, même si le langage désigne aussi par « fortune » la rencontre entre le volontaire et le fortuit et lui donne, de ce fait, l’apparence de la finalité42.
19« La fortune » et « le sort » sont donc bien deux noms pour désigner une seule et même causalité ; Montaigne le confirme dans l’expression qu’il donne de l’origine fortuite de la gloire : « De faire que les actions soient connues et vues, c’est le pur ouvrage de la fortune. C’est le sort qui nous applique la gloire selon sa témérité »43. Mais la fortune contient aussi une finalité apparente que nous lui attribuons faussement, du fait de la perception fausse que nous avons d’un bonheur et d’un malheur dont notre âme est la seule responsable. Ce trait est la marque d’un anthropocentrisme qui fait rechercher aux hommes dans le ciel les causes – mais aussi les signes – de leurs malheurs, alors que ceux-ci résident pour la majeure partie dans leurs représentations, et pour une moindre part dans l’usage de leur volonté confrontée au hasard. L’action correspondante est la divination – ce que Montaigne appelle « les pronostications »44. Le rejet du destin implique donc le rejet de la divination sous toutes ses formes, témoignage de « la forcenée curiosité de notre nature » qui nous projette dans un avenir sur lequel nous n’avons, en réalité, aucune prise, et qui a son correspondant historique dans la défaillance des oracles45. « J’aimerais mieux régler mes affaires par le sort des dés que par ces songes », dit Montaigne ; il dit plus loin : « ces vanités ».
20Or le rejet de la divination n’est pas sans poser des problèmes. Il oblige notamment à trouver une explication à un phénomène comme le démon de Socrate, qui semble être un cas de divination. Montaigne ramène le démon de Socrate à « certaine impulsion de volonté, qui se présentait à lui sans attendre le conseil du discours ». Et il généralise : « chacun sent en soi quelque image de telles agitations d’une opinion prompte, véhémente et fortuite (…), faibles en raison et violentes en persuasion – ou en dissuasion »46. La volonté est ici du côté du fortuit, sans fondement dans la raison (« le discours »). Elle relève d’une réflexion sur l’action prompre que Montaigne poursuit dans les essais 10 à 12 du livre I, et où l’action, définie comme capacité à saisir l’occasion, se dit aussi en termes d’action prompte, dans laquelle nous sommes mus par des représentations qui entraînent l’adhésion de la volonté en dehors du consentement de la raison. Ces actions, souvent heureuses, sont plus du côté de la fortune que de nous47. Dans ce cas, la volonté s’exerce en dehors de toute référence à la raison et à la prudence, et son efficacité pour le bien ne peut lui venir que d’« une âme épurée, comme [celle de Socrate], et préparée par continuel exercice de sagesse et de vertu »48. Mais chez un homme comme Montaigne qui dit devoir plus à son heureuse nature qu’à sa vertu49, ces inclinations « pourraient être jugées tenir de quelque inspiration divine »50.
21Il y a donc un exercice de la volonté qui témoigne, dans le cas de Socrate, d’un degré de vertu proche des exemples les plus « incroyables » (II, 29) et qui, dans ce sens, tient du miracle, mais dont Montaigne ne laisse pas de juger les manifestations « téméraires et indigestes »51 ; chez Montaigne lui-même, il témoigne « de quelque inspiration divine ». Quel est le sens de ce retour de la divination ? Si l’exclusion du destin élargit d’autant le champ de la causalité volontaire, ce n’est pas au profit de la raison, mais soit pour la rejeter du côté du hasard et des « circonstances voisines »52 du fait de son inconstance, soit pour la confier à des interventions divines semble-t-il ponctuelles (relevant donc moins de la providence que de la grâce), du type de celle que l’on trouve à la fin de l’Apologie de Raymond Sebond, et qui se manifestent chaque fois que l’homme prétend à la « divine et miraculeuse métamorphose »53.
22On peut donc, dans certains cas, remonter d’une volonté humaine vouée au hasard, à une action divine. Mais on peut se demander si, du hasard à Dieu, il n’y a pas aussi une autre voie, strictement humaine, qui consiste dans la vertu extrême de savoir se laisser aller au hasard comme à quelque chose qui n’est plus à craindre. C’est l’attitude de certains grands hommes de l’Antiquité à l’égard des conjurations : César « s’en remettant à la garde des dieux et de la fortune »54, ou Alexandre, « souverain patron des actes hasardeux ». Dans leur cas, hasarder sa vie signifie ne pas craindre la mort. On dira alors à juste titre que « rien de noble ne se fait sans hasard »55. Cette attitude a ses faux semblants : la « nonchalance bestiale »56 qui rend indifférent à la mort, et à l’opposé, le fatalisme et l’argumentation sur laquelle il repose : la « raison paresseuse » qui conclut du destin à l’inutilité de l’action. Paradoxalement, la soumission absolue au fatum produit les apparences d’une vertu extraordinaire – et en tout cas efficace – à la guerre, à savoir, les mêmes effets que ceux produits par la lucidité sceptique à l’égard de la véritable nature de l’action humaine. Ici, la représentation (« l’image » de la « destinée fatale ») intervient pour aiguiser le courage en désolidarisant l’action de ses effets.
23Nous restons donc, en principe au moins, maîtres de nos actions en tant qu’êtres doués de volonté. Encore faut-il distinguer la volonté des effets ; l’intention de la réalisation. À la question : « Qu’est-ce qui dépend de nous ? », Montaigne répond : l’intention. De sorte que « c’est l’intention qui juge nos actions » :
Nous ne pouvons être tenus au-delà de nos forces et de nos moyens. A cette cause, parce que les effets et exécutions ne sont aucunement en notre puissance, et qu’il n’y a rien en bon escient en notre puissance, que la volonté : en celle-là se fondent par nécessité et s’établissent toutes les règles du devoir de l’homme57.
24Si le devoir se limite aux intentions, c’est que les effets ne dépendent pas de nous, mais de la fortune. La liberté humaine est sauvegardée, mais n’a-t-elle aucune chance de se traduire dans des actes ? Elle le fait dans « les opérations de l’âme, où est le vrai siège de la vertu », par opposition à la gloire, « pur ouvrage de la fortune »58. Montaigne distingue ainsi le manifeste de l’occulte, caché dans les profondeurs de l’âme, où s’exercent les seules actions qui puissent être dites nous appartenir. D’où une opposition entre ce qui apparaît et ce qui reste caché, entre le public et le privé. La soumission à l’ordre politique n’empêche pas que « notre commerce fini, ce n’est pas raison de refuser à la justice et à notre liberté l’expression de nos vrais ressentiments »59. On peut alors se demander s’il n’existe pas différents degrés d’emprise de la fortune sur nos actions.
25Machiavel avait transporté la thématique du combat de la vertu contre la fortune dans la politique, entendue comme art de la guerre ; chez Montaigne aussi, il semble que la fortune s’exerce plus largement dans ces deux domaines : la politique, où réussissent les moins habiles60, et la guerre, où la prudence ne peut se substituer à la fortune61 et où les conduites témoignent de la désolidarisation du sujet et de l’action – ainsi la conduite des généraux carthaginois qui punirent « les mauvais avis de leurs capitaines », sans tenir compte de l’« issue heureuse » qu’ils avaient su donner au conflit62. C’est que « les mouvements publics dépendent plus de la conduite de la fortune, les privés, de la notre ». Cette distinction, que Montaigne formule à propos du talent de Tacite à « mêle[r] à un registre public tant de considérations des mœurs et inclinations particulières »63, reprend une distinction que faisait Plutarque entre deux genres d’histoires : le récit historique, centré sur les guerres et le général, et les vies, centrées sur le particulier. Montaigne définit « ceux qui écrivent les vies » comme ceux « qui s’amusent plus aux conseils qu’aux événements, plus à ce qui part du dedans qu’à ce qui arrive au dehors »64. On retrouve la distinction entre ce qui est au pouvoir de notre volonté et ce qui relève de la fortune. Il y a donc bien un champ d’activité pour la liberté et la vertu humaines, même si elles sont prises d’une part dans des mouvements de la volonté qui tiennent plus du hasard que d’une raison défaillante, et d’autre part, dans des « mouvements publics » qui dépendent plus encore du hasard, du fait de leur généralité.
26On a vu les conséquences sur l’action humaine de la réduction de la fortune au hasard. Quelles sont-elles sur ce que nous pouvons savoir de l’action naturelle et de l’action divine ? En dépouillant la fortune du masque de la finalité, en renonçant au fatalisme stoïcien et à la divination, on cesse de soumettre Dieu à la nécessité. Mais ne risque-t-on pas alors d’avoir à faire à un Dieu à la manière d’Épicure qui ne se soucie pas des affaires des hommes, et d’être contraint, comme on l’a vu, de réintroduire une forme de divination ? D’autre part, en réduisant la causalité à la volonté humaine et au hasard, que fait-on des causes naturelles ? Leur caractère inconnaissable et le désintérêt pour leur explication, dans une tradition que Montaigne fait remonter à Socrate65, ne conduisent-ils pas à réduire toute action naturelle au hasard ?
Action naturelle et action divine
27Comme les actions humaines, les actions naturelle et divine nous restent inconnues ; « ès choses naturelles, les effets ne rapportent qu’à demi leurs causes ». On observe dans la nature le même trouble du rapport entre la cause et l’effet qu’entre l’intention et l’action chez les hommes, mais sans doute plus pour les mêmes raisons. De même que nous sommes inconnaissables à nous-mêmes, la nature nous est inconnaissable. Mais lorsqu’il s’agit de la cause divine,
Quoi cette-ci ? – dit Montaigne – elle est au-dessus de l’ordre de nature ; sa condition est trop hautaine, trop éloignée et trop maîtresse pour souffrir que nos conclusions l’attachent et la garrottent. Ce n’est par nous qu’on y arrive, cette route est trop basse. Nous ne sommes non plus près du ciel sur le mont Cenis qu’au fond de la mer ; consultez-en pour voir avec votre astrolabe66.
28Ici, le décalage entre cause et effet vient de la faiblesse de notre raison, mais aussi de l’éminence de la cause, dans une nature où intervient le surnaturel.
29Le trouble du rapport entre les causes et les effets dans la nature se traduit de deux façons : l’action naturelle se manifeste à nous sous la forme d’un principe de diversification à l’infini qui touche aussi la raison, l’expérience, les événements et jusqu’aux arts humains : « La raison a tant de formes (…). L’expérience n’en a pas moins »67. Comme si la variété de la nature était à l’origine de « l’inconstance de nos actions », on assiste à une sorte de naturalisation de l’action humaine, prise dans le mouvement naturel de diversification qui caractérise les productions de la nature : « il n’est aucune qualité si universelle en cette image des choses, que la diversité et variété. (…) La ressemblance ne fait pas tant un, comme la différence fait autre. Nature s’est obligée à ne rien faire autre, qui ne fût dissemblable »68. Pour désigner ce mouvement, Montaigne emploie l’expression très large de « formes » (qui désigne aussi bien les manières d’être que les manières de penser et que la forme, par opposition à la matière). La géographie contemporaine inscrit cette « infinie différence et variété » dans « la seule distance des lieux »69 ; mais la géographie ancienne et l’expérience montrent que la « variété » défie notre compréhension concernant la continuité des formes naturelles : les monstres de Pline et d’Hérodote révèlent « des formes métisses et ambiguës entre l’humaine nature et la brutale » ; et la vision d’« un enfant monstrueux » conduit Montaigne à conclure :
Ce que nous appelons monstres ne le sont pas à Dieu, qui voit en l’immensité de son ouvrage l’infinité des formes qu’il y a comprises, et est à croire que cette figure qui nous étonne se rapporte et tient à quelque autre figure de même genre inconnue à l’homme. De sa toute-sagesse il ne part rien que bon et commun et réglé, mais nous n’en voyons pas l’assortiment et la relation70.
30Il inscrit ainsi dans une continuité naturelle qu’il attribue à l’action d’une nature riche et foisonnante n’obéissant à aucun principe d’économie, mais à la sagesse impénétrable de Dieu, ce qu’Aristote attribuait au hasard (l’information manquée par résistance de la matière)71.
31Mais nous percevons aussi, sinon des lois à proprement parler, du moins un « progrès ordinaire » de la nature dans lequel est pris le rythme de la vie, mais « aussi les créances, les jugements et opinions des hommes [dans la mesure où] elles ont leur révolution, leur saison, leur naissance, leur mort, comme les choux »72 – non seulement notre vie, donc, mais aussi tout ce que Tacite faisait figurer au « registre » des « accidents publics »73, et Montaigne à l’actif du hasard. Tout cela est aussi soumis au cycle de la naissance, de l’épanouissement, du déclin et de la mort réglé par le lieu, le climat et les influences célestes74. Le domaine du naturel a ainsi tendance à envahir celui de toutes les activités humaines et Montaigne fonde le commerce lui-même dans la « générale police » selon laquelle « la naissance, nourrissement et augmentation de chaque chose est l’altération et corruption d’une autre »75.
32La nature suit donc deux voies qui apparaissent comme des manifestations affaiblies de ce que l’on désigne par les noms de hasard et de nécessité, d’automaton et de Fortune (ou Destin) : un principe de diversification qui génère apparemment du désordre et de l’aléatoire, mais cache une continuité infinie et incompréhensible, et un « progrès ordinaire » qui incline mais ne nécessite pas, le hasard continuant sans doute à subsister au niveau local avec les causes fortuites ou les « circonstances voisines ».
33D’où le postulat d’une finalité naturelle comme véritable entreprise de démystification. En I, 3, Montaigne écrit :
Ceux qui accusent les hommes d’aller toujours béant après les choses futures (…) touchent la plus commune des humaines erreurs, s’ils osent appeler erreur chose à quoi nature même nous achemine, pour le service et la continuation de son ouvrage, nous imprimant comme assez d’autres cette imagination fausse : plus jalouse de notre action que de notre science76.
34Il y a une sorte de ruse de la nature qui nous détourne du souci de nous-même, mais aussi de la vaine curiosité, pour nous projeter vers l’avenir en nous jetant dans une action dont le seul but est de prolonger son action à elle. Dans ce sens, d’une part elle entretient une illusion, mais d’autre part, elle nous ramène à notre but naturel, puisque « nous sommes nés pour agir »77. L’action naturelle est celle de la vie – du moins pour ce qui concerne notre monde, vraisemblablement animé78.
35Montaigne définit la vie comme « un mouvement matériel et corporel, action imparfaite de sa propre essence, et déréglée »79. On peut comprendre le caractère d’imperfection du mouvement vital en rapprochant cette définition des opinions des Anciens sur le devenir, que Montaigne emprunte au traité de Plutarque Que signifiait ei, en II, 12 : « ce qui commence à naître ne parvient jamais jusques à perfection d’être. Pour autant que ce naître n’achève jamais, et jamais n’arrête, comme étant à bout. Ains, depuis la semence, va toujours se changeant et muant d’un à autre »80. Dès lors, la mort fait partie du cycle continuel de renouvellement de la vie. Dans sa prosopopée, la nature peut donc dire aux hommes : « où que finisse votre vie, elle y est toute. L’utilité du vivre n’est pas en l’espace, elle est en l’usage »81 : la fonction de la vie est pleinement remplie dès lors que le cycle, long ou court, est réalisé. Quant à la mort, elle n’est qu’une action de la vie parmi d’autres82.
36Dès lors, « servir [la vie] selon elle »83 consiste à agir conformément à la nature de la vie même, en interprétant le précepte delphique « connais-toi toi-même » en termes de faire, d’usage de soi, dans le sens d’art et de métier. « Mon métier et mon art, c’est vivre », déclare encore Montaigne84 :
Ce grand précepte est souvent allégué en Platon : fais ton fait et te connais (…). Qui aurait à faire son fait, verrait que sa première leçon c’est connaître ce qu’il est et ce qui lui est propre. Et qui se connaît ne prend plus l’étranger fait pour le sien : s’aime et se cultive avant toute autre chose85.
37Montaigne ne se limite pas par là à prendre position dans la dispute sur la suprématie de la contemplation ou de l’action. Pensant l’action en termes de faire, de fabrication, il désigne l’essence de l’homme comme un faire et non comme un résultat : « ce ne sont mes gestes que j’écris, c’est moi, c’est mon essence »86. Dans la mesure où ce faire consiste à s’adapter à sa propre nature, et ce faisant, à la grande nature, il y a une « naturalisation » de l’activité humaine qui tend à réduire d’autant le champ d’exercice de la volonté. Dans ce cas, l’automatisme de « l’innocence accidentelle et fortuite »87 d’une complexion peu déréglée comme celle de Montaigne, proche des animaux, mais aussi de Dieu, est-elle aussi ou plus valable que la vertu extrême consistant dans le combat contre des penchants eux aussi extrêmes ? Montaigne envisage les problèmes que ne manquent pas de soulever les deux positions88.
38Dès lors, tout son travail sera de dissocier l’action divine du souci de l’homme : « la main de son gouvernement se prête à toutes choses de pareille teneur, même force et même ordre ; notre intérêt n’y apporte rien ; nos mouvements et nos mesures ne le touchent pas »89. Ce n’est pas dire que Dieu n’intervient pas dans les actions humaines, mais qu’il y intervient autrement que nous ne pensons : « il use bien plus souvent de sa justice que de son pouvoir et nous favorise selon la raison d’icelle, non selon nos demandes »90. Contrairement à ce qui se passe chez Bodin, le pouvoir n’est donc pas le mode privilégié par Dieu pour se communiquer aux hommes ; ce type d’intervention « extraordinaire » reste rare. Dieu use d’autres moyens, en se mettant à leur portée par les sacrements et les prières (le Notre Père, révélé)91, mais aussi en brouillant à dessein les « interprètes et contrerôleurs ordinaires de [ses] desseins » par « la variété et discordance continuelle des événements »92 : « Dieu nous voulant apprendre que les bons ont autre chose à espérer et les mauvais autre chose à craindre que les fortunes ou infortunes de ce monde, il les manie et applique selon sa disposition occulte et nous ôte le moyen d’en faire sottement notre profit »93. En fin de compte, c’est en réintroduisant la finalité divine, comme il l’avait fait pour la finalité naturelle, qu’en l’absence d’une philosophie de la nature qui ait un statut autre que celui de fiction, Montaigne échappe à un monde soumis au hasard.
Notes de bas de page
1 Montaigne, Essais, éd. cit., III, 8, p. 933.
2 « Or je dis que, non en la médecine seulement, mais en plusieurs arts plus certaines, la fortune y a bonne part ». Ibid., I, 24, p. 127.
3 Ibid., I, 27, p. 179.
4 Ibid., II, 12, p. 527.
5 Ibid., p. 528.
6 Ibid., p. 527.
7 Par des mots indisciplinés. A prendre littéralement : sans discipline, en tant que ces mots ne correspondent pas à un savoir constitué (disciplina).
8 Essais, éd. cit., I, 56, p. 323.
9 « Ghiribizzi al Soderini » (Caprices à Soderini), dans Machiavel, Le Prince, introduction, traduction, postface, commentaire et notes de J.-L. Fournel et J.-Cl. Zancarini, texte italien établi par G. Inglese, Paris, PUF, 2000, p. 510-511, traduction légèrement modifiée. Voir également la lettre du 9 avril 1513 à Francesco Vettori.
10 Dans son analyse comparative de l’utilisation de la maxime « Par divers moyens on arrive à pareille fin » par Machiavel et par Montaigne, Hugo Friedrich a mis en évidence la différence de leurs positions sur l’utilisation de l’histoire : là où Machiavel cherche à formuler le plus systématiquement possible des éléments d’application de la maxime aux situations politiques concrètes, Montaigne renvoie dos à dos les exemples et ne conclut pas. H. Friedrich, Montaigne (1949), trad. R. Rovini, Paris, Tel-Gallimard, 1968, p. 161-163.
11 « Ghiribizzi al Soderini », éd. cit., p. 513-515.
12 Ibid., p. 414-515.
13 Machiavel, Le Prince, éd. cit., chap. vi, p. 73.
14 Ibid., chap. xxv, p. 203. Voir aussi le « Capitolo della fortuna ».
15 Voir Rudolf Wittkower, « Chance, Time and Virtue », Journal of the Warburg Institute, I, 1937, p. 313-321.
16 Essais, éd. cit., I, 1, p. 9.
17 Ibid., I, 24, p. 127.
18 Ibid., I, 20, p. 89.
19 Ibid., III, 8, p. 939.
20 Ibid., II, 16, p. 464.
21 Ibid., III, 9, p. 980.
22 Machiavel, Le Prince, éd. cit., chap. xxi et surtout lettre du 29 avril 1513 à Vettori. Voir infra, chap. vii, p. 153-155.
23 Ibid., I, 10, p. 40 ; voir R. Aulotte, « Montaigne et la notion de kairos », dans Montaigne et la Grèce, actes du colloque de Calamata et de Messène (23-26 septembre 1988), Paris, Aux Amateurs de Livres, 1990, p. 153-163.
24 F. Brahami, « Figures sceptiques de la subjectivité : Montaigne et Pascal », Bulletin de la société des amis de Montaigne, 8e série, N° 11-12, juillet-décembre 1998, p. 27-36.
25 Essais, éd. cit., I, 8, p. 33.
26 Ibid.
27 Ibid., p. 32.
28 Ibid.
29 Aristote, Génération des animaux ; Métaphysique Z et H.
30 Essais, éd. cit., I, 14, p. 67.
31 Ibid., I, 14, p. 55.
32 Ibid., p. 56.
33 Ibid., p. 66.
34 Ibid., I, 20, p. 81-82.
35 Machiavel, Le Prince, éd. cit., chap. xiv.
36 Essais, éd. cit., I, 20, p. 87.
37 Ibid., II, 6, p. 371 ; II, 11, p. 423.
38 Ibid., I, 14, p. 67.
39 Ibid., II, 29, p. 709. Sur la question de la fortune chez Montaigne, voir H. Friedrich, Montaigne, op. cit., p. 334-336.
40 Ils y ajoutaient la nature des choses (L. Guillermit et J. Vuillemin, Le Sens du destin, Neuchâtel, La Baconnière, 1948).
41 Essais, éd. cit., I, 20, p. 95. Il oppose le dessein au destin pour caractériser le décalage de l’effet par rapport au but : « S’il en est mésadvenu au premier, il ne s’en faut pas prendre à ce sien bon dessein, et ne sait-on, quand il eût pris le parti contraire, s’il eût échappé la fin à laquelle son destin l’appelait (…) » Ibid., I, 24, p. 128. Voir également I, 20, p. 444.
42 Aristote définit la fortune « une cause par accident, survenant dans les choses qui, étant en vue de quelque fin, relèvent en outre du choix ». Physique, II, 197 a 5. Sur la question du destin, voir Cicéron, De fato et L. Guillermit et J. Vuillemin, Le Sens du destin, op. cit.
43 Essais, éd. cit., II, 16, p. 621.
44 « Ceci ai-je reconnu de mes yeux, qu’és confusions publiques les hommes étonnés de leur fortune se vont rejetant comme à toute superstition, à rechercher au ciel les causes et menaces anciennes de leur malheur ». Ibid., I, 11, p. 44.
45 Ibid., p. 41.
46 Ibid., p. 44.
47 Ibid., I, 10-12.
48 Ibid., I, 11, p. 44. La vertu de Socrate s’exprime aussi dans les termes de la rencontre : « un long exercice des préceptes de la philosophie ayant rencontré une belle et riche nature » (II, 11, p. 151-152).
49 Ibid., II, 11, p. 427.
50 Ibid., I, 11, p. 44.
51 Ibid. Voir aussi : « Et rien ne m’est à digérer fâcheux en la vie de Socrate que ses extases et ses démoneries. Rien si humain en Platon que ce pourquoi ils disent qu’on l’appelle divin » (III, 13, p. 503-504).
52 Ibid., II, 1, p. 334.
53 Ibid., II, 12, p. 604.
54 Ibid., I, 24, p. 131.
55 Ibid., p. 129.
56 Ibid., I, 20, p. 86.
57 Ibid., I, 7, p. 30.
58 Ibid., II, 16, p. 621.
59 Ibid., I, 3, p. 16.
60 Ibid., III, 8, p. 932-933.
61 Ibid., p. 934.
62 Ibid., p. 933.
63 Ibid., p. 940.
64 Ibid., II, 10, p. 416.
65 Ibid., I, 26, p. 159-160. Voir Cicéron, Tusculanes, V, iv, 10.
66 Ibid., II, 12, p. 531.
67 Ibid., III, 13, p. 1065.
68 Ibid. Sur cette question, voir Paul Mathias, Montaigne ou l’usage du monde, Paris, Vrin, 2006, p. 44-48.
69 Ibid., II, 12, p. 525.
70 Ibid., II, 30, p. 713.
71 Aristote, Génération des animaux, l. IV, chap. iii et iv.
72 Essais, éd. cit., II, 12, p. 575.
73 Ibid., III, 8, p. 942.
74 Montaigne trouve une formulation de cela dans les textes sapientiaux : « nous ne sommes ni au-dessus, ni au-dessous du reste : tout ce qui est sous le Ciel, dit le sage, court une loi et fortune pareille ». Ibid., II, 12, p. 202. Voir aussi I, 20, p. 176-177.
75 Ibid., I, 22, p. 107.
76 Ibid., I, 3, p. 15.
77 Ibid., I, 20, p. 89.
78 Ibid., II, 12, p. 525.
79 Ibid., III, 9, p. 314. Sur cette définition, voir André Tournon, « Action imparfaite de sa propre essence… », dans Montaigne : scepticisme, métaphysique, théologie, V. Carraud et J.-L. Marion (éd.), Paris, PUF, 2004, p. 33-47.
80 Ibid., II, 12, p. 602.
81 Ibid., I, 20, p. 95.
82 « Voilà pourquoi se doivent à ce dernier trait toucher et éprouver toutes les autres actions de notre vie ». I, 19, 154. C’est nous qui soulignons.
83 Ibid., III, 9, p. 988.
84 Ibid., II, 6, p. 379.
85 Ibid., I, 3, p. 15.
86 Ibid., II, 6, p. 379.
87 Ibid., II, 11, p. 427. Mais aussi : « En cette université, je me laisse ignoramment et négligemment manier à la loi générale du monde. Je la saurai assez quand je la sentirai. Ma science ne lui saurait faire changer de route. Elle ne se diversifiera pas pour moi ». Ibid., III, 13, p. 1073.
88 « Dieu est bon par sa nature, l’homme par son industrie, qui est plus ». Ibid., II, 12, p. 531. Mais aussi : « Serait-il vrai que pour être bon à fait, il nous le faille être par occulte, naturelle et universelle propriété, sans loi, sans raison, sans exemple ? » Ibid., II, 11, p. 422 ; voir également p. 428.
89 Ibid., II, 12, p. 529.
90 Ibid., I, 56, p. 318.
91 Ibid., I, 56, p. 318.
92 Ibid., I, 32, p. 215.
93 Ibid., p. 216.
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