25. Un cas à part : K. X.
p. 347-362
Texte intégral
1Début janvier 1926, l’hebdomadaire L’Insurgé1 commence à publier La Filière, feuilleton nanti du tonitruant sous-titre : Roman de Misère et de Haine, majuscules comprises. La signature n’est pas pour ses lecteurs celle d’un inconnu : il s’agit de K. X., pseudonyme sous lequel se cache, à peine d’ailleurs, un dénommé Marcel Beloteau. Cet écrivain, dont des nouvelles avaient paru dans L’Humanité, qui était également collaborateur du Libertaire et dont la dernière entreprise littéraire ayant laissé une quelconque trace est la publication d’une feuille éphémère, Le Journal de l’homme aux sandales (organe du scientisme intégral), mérite tout particulièrement une discussion, de par l’originalité de sa production et les débats qu’elle a suscités, dans le cadre d’une histoire de la littérature anarchiste de l’entre-deux-guerres.
2Peu d’informations précises nous sont restées sur Beloteau. Léo Malet, qui a quelque peu fréquenté les milieux libertaires dans sa jeunesse, le présente en ces termes dans son autobiographie La Vache enragée :
J’ai rencontré le « broquilleur » Marcel Beloteau (c’était le vrai nom de K. X.) chez André Colomer, le jour même de mon arrivée à Paris. […] Il ne vivait, à l’époque, et depuis plusieurs années, que de l’exercice d’une industrie délictueuse appelée « broquille ». Il se promenait sur les marchés et, derrière une ménagère, s’exclamait :
– Oh, madame, vous venez de laisser tomber quelque chose !
Et alors il sortait d’un papier de soie une gourmette ou une petite chaîne… La bonne femme :
– Ah non, ce n’est pas à moi…
– Tiens, comme c’est curieux ! Quelle trouvaille… Ah, moi j’aurais préféré trouver un kil de rouge ! Mais c’est quand même du jonc. J’en ai rien à faire… Après tout, personne ne nous a vus, on peut aller au fade. Ça vaut à peu près tant, je vous le vend deux thunes…
Cette escroquerie était basée sur la malhonnêteté de la plupart des citoyens. La bonne femme disait :
– Tiens, c’est pas cher. Ça fera plaisir à ma fille…
Attention ! Ces trucs-là étaient poinçonnés et tout, comme de l’or ! Fabriqués exprès pour des types qui marchaient à la broquille2.
3Une description physique plus précise et plus tardive nous est donnée par un ancien gérant du Libertaire, Nicolas Faucier :
Il me revient aussi le souvenir d’un individu assez bizarre – par ailleurs charmant camarade et dont je fis plus tard plus ample connaissance quand je devins, comme lui, correcteur – tout vêtu de noir, avec un long capuchon, hiver comme été, les pieds nus chaussés de spartiates et les ongles d’orteil passés au rouge. Nous l’appelions « l’homme aux sandales » du nom d’un brûlot argotique qu’il publiait sous le titre Le Journal de l’homme aux sandales et dont il nous déposait quelques exemplaires avec force commentaires sur notre « tiédeur » et notre « avachissement »… Il nous donnait aussi pour le Libertaire des contes truculents, à caractère social qu’il signait K. X. (son nom était Belloteau [sic]) et qui étaient très goûtés des lecteurs3.
4À cela, ajoutons encore une allusion rapide et gentiment ironique dans une annonce de sa participation à un « grand débat contradictoire » au siège même de L’Insurgé, sis, on le notera, rue Auguste-Blanqui, sur le thème : « Faut-il assassiner les Intellectuels ? » : « Mardi prochain K. X., en chair et en os, en os, surtout, défendra sa thèse scientiste : Il faut assassiner les Intellectuels. La séance promet d’être chaude4. » Qui était donc Beloteau ? Lui-même se présente orgueilleusement comme un marginal, comme un membre de la pègre, se construisant de semaine en semaine et d’article en article une image d’illégaliste convaincu et défendant avec ardeur les tenants de la reprise individuelle, tout en spécifiant : « il y a quelque dix ans que je ne fraye plus le Milieu5 ». Sur ce ton quelque peu comiquement lyrique qui lui est propre, il va jusqu’à affirmer, parlant à la fois de lui-même et de la tâche qu’il se donne à travers son écriture : « J’ai toujours vécu de vols et de rapines, je suis l’homme de la Nuit qui apporte ici-bas la Lumière6. » En dépit de cet autoportrait en bandit non repenti, il semble presque prendre plaisir à effaroucher les anarchistes qui lui offrent l’hospitalité sur leurs pages en laissant planer le doute, et parfois plus, d’une familiarité honteuse avec les milieux policiers. Brutus Mercereau, qui collabore aussi à L’Insurgé, et qui l’estime « doué d’un certain talent », s’inquiète de ces affirmations :
On a supposé que K. X. était peut-être un agent provocateur, doublé d’un mouchard à la solde de la Tour Pointue. Or, la réponse que K. X. fit à ces insinuations, n’a pas laissé de m’ébranler profondément. Il nous dit, dans l’un de ses papiers, qu’il est allé à différentes reprises à la Préfecture, en se présentant comme un donneur, et réclamant des subsides, pour les services qu’il pourrait rendre à la police, si l’on voulait bien tenir compte des indications précises qu’il se faisait fort d’apporter à ces Messieurs de la Rousse.
Monsieur K. X. serait-il par hasard un loufetingue intermittent, ou bien mieux encore, un joyeux fumiste se complaisant à se payer cyniquement le profil avantageux de nos irréductibles têtes… de con ? Mystère7 !…
5Nous reviendrons plus tard sur cette interrogation, qui n’est peut-être pas aussi secondaire ni aussi insignifiante qu’elle en a l’air. Quoi qu’il en soit, il n’est guère étonnant de voir des textes en l’honneur du vol, même conçu de la façon la plus prosaïque qui soit, dans un journal comme L’Insurgé – dont le titre complet est Journal d’action révolutionnaire et de culture individualiste – dont le gérant est André Colomer – qui se situe dans la mouvance individualiste du mouvement et ne peut donc que montrer de la sympathie pour l’illégalisme, que les gestes de la bande à Bonnot avaient porté sur le devant de la scène et qui suscitaient toujours bien des débats dix ans plus tard8. Cette mouvance a toujours montré une appréciation particulière pour les tenants de la reprise individuelle, les illégalistes et les propagandistes par le fait, depuis l’épopée des Travailleurs de la nuit d’Alexandre Jacob9, qui commettent (selon diverses évaluations) entre cent cinquante et cinq cents cambriolages de 1900 à 1903, et celle des « bandits tragiques » de Bonnot en 1911-1912. Au-delà de ces voisinages idéologiques ou de toute sympathie personnelle, voyons maintenant quelle était la nature de l’écriture de K. X. et quels messages elle pouvait véhiculer.
6La création littéraire de K. X. prend trois formes : l’écriture de nouvelles, la rubrique régulière (intitulée d’abord « Propos d’un pirate » et ensuite rebaptisée « Propos d’un correcteur »), dans laquelle il présente ses thèses scientistes et s’adonne à des polémiques diverses, et enfin la publication du « roman » La Filière, qui combine narration littéraire, autobiographie et argumentation polémique.
7Les nouvelles et les contes, qui lui vaudront des appréciations flatteuses de la part de « collègues » écrivains et bien des commentaires décapants de la part de militants, mettent en scène des marginaux, des prostituées, des apaches, des souteneurs, des voleurs en tous genres et se gardent bien de proposer quelque morale que ce soit. La réaction de la part de certains militants aux écrits de K. X. est suffisamment véhémente pour que le journal décide de lancer un débat parmi ses lecteurs pour déterminer si ses articles ont bien leur place dans une feuille libertaire. Cela donne : « Notre concours-référendum. Que pensez-vous de K. X.10 ? » Parmi les réponses reçues, celle de l’écrivain Henri Poulaille mérite une attention particulière :
Ce que je pense de K. X ?
Du bien, beaucoup de bien.
Un type entier, avec des défauts, sans doute, excès d’individualisme. Mais, est-ce que cela rime à quelque chose de reprocher à un individu d’être soi, voire envers et contre tous ?
K. X. parle argot, écrit l’argot, en voilà une raison de chicaner ?
Il y a quelques années, Marcel Martinet me signalait les proses qu’il publiait de K. X. dans sa page littéraire de L’Humanité. Il les appréciait fort. […] Aujourd’hui où toute la littérature pue le chiqué, où tous les pissencre parlent de ce qu’ils connaissent le moins, K. X. offre l’originalité de n’écrire que de ce qu’il possède bien, de ce qu’on connaît à fond : le monde de la pègre chanté avec accompagnement de musique par tant de faiseurs11.
8Ce type de jugement semble équivaloir à un certificat d’authenticité. Poulaille ne s’occupe de K. X qu’en tant qu’écrivain, évitant soigneusement de se prononcer sur la question de la plus ou moins grande utilité de réserver tant d’encre et de papier par semaine au genre de textes qu’il produit, dans un journal de propagande aux moyens très restreints. Les appréciateurs de K. X. suivent d’ailleurs dans l’essentiel ce schéma, reconnaissant à l’auteur une authenticité qui est en elle-même une valeur, et l’opposant à une fausse expression populaire, diluée à l’usage du public bourgeois, qui serait, elle, proposée par les écrivains publiés par les grandes maisons d’édition. Ainsi, même lorsqu’on le critique pour telle ou telle raison (en particulier une vulgarité volontiers affichée et son habitude de traiter systématiquement tous ceux avec qui il est en désaccord de « têtes de con »), on ne manque jamais de noter que « ses récits du monde apache […] qu’il écrit un peu mieux que ce fourneau de Francis Carco, sont vivants et colorés12 », ou qu’il s’agit de « fantaisies argotiques littéraires de la plus originale venue […] des pages remarquables de verbe et de couleur13 ». Dans La Filière, K. X. défend son utilisation de ce langage en revendiquant pour lui des qualités propres qu’il voudrait pouvoir compter comme des lettres de noblesse14. Divers passages du roman sont consacrés à la critique du monde littéraire et des prétentions des auteurs consacrés d’utiliser une langue qu’ils ne maîtrisent pas pour parler de choses dont ils n’ont pas connaissance. La Filière apparaît dès lors comme une tentative de restituer la réalité effective de la vie d’une collectivité qui a été trahie par des représentations déformées et insuffisantes :
[…] ça doit être un milieu spécial qu’ils décrivent ou font vivre sur la scène, un milieu de pègres se trouvant quelque part par là, dans la planète Mars… J’ai jamais compris qu’dalle à leurs conneries écrites ou parlées… et cependant, tonnerre de dieu, ch’uis pas stupide ! […] Les figures de cav’ qui ont couché la Pègre dans les livres ou l’ont portée sur les tréteaux n’ont eu qu’un souci : gagner du pèze en disant des conneries et en écrivant des conneries, l’écrivain qui tente de décrire un milieu auquel il est étranger, un écrivain qui ne se raconte pas lui-même, est un saligaud ; une histoire juive ne peut être exposée que par un Juif ; une histoire de la pègre ne peut être écrite que par un hors-la-loi, tous les livres qui traitent de la pègre doivent composer le bûcher sur lequel certains saligauds doivent monter, on ne plaisante pas avec la Pègre, l’écrivain de la Pègre est encore à venir, il vient… je crois qu’un jour, on rigolera cinq minutes…
9Albert Simonin est bien venu, mais seulement en 1953. Encore faudrait-il savoir si K. X. était encore là pour le juger… Dans cette dernière affirmation, cependant, le « romancier » illégaliste anticipe une conception extrême du réalisme qui deviendra, dans la dernière décennie du siècle, un dogme indiscutable auprès des littérateurs du « politiquement correct ».
10Ceux des contributeurs à L’Insurgé qui se rangent parmi ses opposants basent leurs arguments sur des questions d’utilité, de clarté du message, de morale. C’est cela principalement qui heurte certains lecteurs qui se plaignent du fait que de l’espace précieux leur est consacré et qui ne comprennent pas comment « M. K. X. prétende servir le mouvement libertaire sous quelque forme que ce soit en rapportant complaisamment une conversation de souteneur pick-pocket et rôdeur de barrière, et cela sans la faire suivre de commentaires ou conclusions quelconques15 », et trouvent énervants ces textes « écrits dans une langue on ne peut moins académique et animés d’un esprit remarquablement jemenfoutiste en ce qui concerne la question sociale16 ». D’aucuns déplorent que le style par trop vert de K. X., où épithètes et insultes abondent, nuise à la réputation du journal, et affirment qu’ils hésitent à passer leur exemplaire à des sympathisants potentiels de peur de donner une mauvaise impression de ce que cela signifie que d’être anarchiste. D’autres encore s’indignent du fait que les théories scientistes de l’auteur le portent à critiquer les anarchistes au moins aussi souvent qu’il critique leurs adversaires, et ils revendiquent contre elles le « droit au Romantisme17 ». Plusieurs, enfin, lui en veulent de s’exprimer surtout en argot, estimant qu’il est essentiel que les publications du mouvement véhiculent des idées claires, présentées en une langue transparente pour être à la portée de tous les lecteurs.
11Le référendum offre donc l’occasion aux animateurs de l’hebdomadaire de morigéner gentiment ceux de leurs lecteurs qui se prononcent le plus âprement contre les articles de ce collaborateur d’un genre très particulier. Les critiques exprimées à l’égard de K. X. deviennent un miroir de ce qui ne va pas dans le monde libertaire, des habitudes de pensée fossilisées qui empêchent, estime-t-on, la progression du mouvement. Georges Vidal s’explique : « Tous disent : “Les papiers de K. X., ce n’est pas de la Propagande.” J’en conviens. Et il se trouve que la Propagande (avec un grand P, n’oubliez pas) est le dernier Dieu des Anarchistes. » De même :
Les détracteurs de K. X. […] estiment que ses articles ne sont pas le moins du monde “éducatifs”. Ils ont peut-être raison en ce sens que K. X. ne fait pas de récits suivis d’une conclusion rigoureusement empreinte de morale anarchiste. Plus, il a banni de ses récits toute conclusion, et toute morale.
12Ce qui est un défaut impardonnable pour les uns devient ainsi pour les autres le symbole d’une transformation progressive de la façon de concevoir le travail de diffusion des idées libertaires, délaissant la propagande traditionnelle qui a montré son peu d’efficacité.
La Filière, « roman » faute de mieux
13Publié en dix-neuf feuilletons hebdomadaires18, La Filière est nanti d’un début arbitraire in medias res et d’une fin brusque caractéristiques d’une utilisation décontractée des conventions narratives, typique de certaine production libertaire, qui prête au texte un ton tout à fait moderne. Le reproche d’oublier toute morale (si ce n’est carrément le reproche d’immoralité) est on ne peut plus pertinent en ce qui concerne ce roman – puisqu’on veut bien l’affubler de ce nom – qui est sans aucun doute privé de toute conclusion irréfragable. S’il propose une leçon, elle est telle que les lecteurs de l’hebdomadaire – surtout ceux habitués à concevoir l’écriture seulement en fonction de la propagande – pouvaient être excusés de ne pas savoir l’identifier d’emblée. L’intrigue du roman est élémentaire et reproduit un topos récurrent de l’écriture libertaire : la confrontation avec la Justice. La narration à la première personne met en scène un héros nommé Bidôt, qui se définit lui même un « hors-laloi », un illégaliste qui se confronte à des « légalistes ». En dépit du nom d’emprunt, les discours du personnage, qui reprennent à plusieurs reprises, pratiquement mot à mot, les antiennes habituelles de la critique sociale qu’on trouve dans les rubriques de K. X., ne peuvent qu’effacer toute différence entre narrateur et auteur dans l’esprit du lecteur, renforçant par là l’effet de réalité du texte et sa valeur de témoignage. Bidôt, arrêté pour avoir essayé de voler un sac à main, est emmené en prison où il subit divers interrogatoires. Depuis la cellule où il passe la nuit, il « converse » avec les voisins des cachots d’à côté en tapotant en code sur les murs. Comme il est récidiviste et frappé d’interdiction de séjour, il serait « relégable » et pourrait donc être expédié à Cayenne. Par chance, il tombe sur un commissaire accommodant et ne quittera le Dépôt que pour la prison de la Santé. L’histoire se termine à cinq heures du soir, heure à laquelle les détenus doivent se coucher, avec l’évocation du silence irréel qui s’abat sur la prison.
14Le roman est construit autour de l’alternance de discussions théoriques et de descriptions minutieuses de la vie des prisonniers et des abus qu’ils subissent aux mains de gardiens souvent indifférents ou cruels. Le discours propose un renversement de la morale sociale, que Bidôt présente ainsi : « le genre humain est composé de voleurs, les voleurs francs, tels que moi…. et les autres… la pègre ignoble, les voleurs légaux, les légalistes19… ». Cette observation ne pousse pas pour autant le personnage à se présenter comme une victime de la société, ni ne le conduit à des conclusions proudhoniennes sur le vol comme vrai visage de la propriété, qui lui feraient préconiser l’élimination de celle-ci. Bidôt se lance au contraire dans un portrait valorisant d’une société parallèle qui – même si elle n’est pas celle, malgré les apparences, qui tient le couteau du côté du manche – n’en est pas pour autant méprisable à ses yeux :
Oui citoyen-juge, la Pègre, la véritable pègre, […] la pègre composée d’hommes vivant toujours seuls, seuls même parmi les autres auxquels parfois ils se mélangent, c’est-à-dire à la fausse pègre, celle des balsmusettes, des bistrots, la véritable pègre ne manque pas d’hommes intelligents, elle compose une sorte d’aristocratie, aussi loin de la fausse pègre qu’un bourgeois peut l’être d’un aristocrate qui ne serait pas de nos jours, d’un aristocrate du passé…
15L’idée d’aristocratie toute particulière qu’il revendique ne trouve pas son origine dans l’histoire, mais bien dans un des succès de la littérature de masse de son époque. Elle calque une représentation feuilletonesque, œuvre d’ailleurs d’un auteur anarchiste :
Si vous aimez les romans populaires monsieur le juge, vous trouverez dans une œuvre de Michel Zévaco, un type d’homme auquel s’apparente quelque peu, sentimentalement, l’homme de la pègre véritablement : Pardaillan, la force physique en moins, naturellement.
Le véritable hors-la-loi, le véritable est un homme à qui tout travail manuel pénible est impossible […].
16La distinction entre le hors-la-loi et le commun des mortels telle qu’il l’ébauche est d’abord affaire d’espèce, de nature. À cette condition première vient s’ajouter l’analyse. À la question « Pourquoi ne travaillez-vous pas ?… », le personnage répond sans hésiter :
J’peux pas ! j’ai essayé pus d’dix fois, dans dix métiers différents, j’peux pas !… les ouvriers sont haineux et stupides, les patrons ou contremaîtres j’peux pas les encaisser, i sont la même chose que les ouvriers avec le pouvoir en plus… Il règne une grande misère morale ici-bas, c’est la faute des orientateurs du mouvement humain.
17Une telle constatation, empreinte d’un pessimisme fondamental, rend évidemment impossible tout espoir de révolution, tout bouleversement utile de l’ordre social, en postulant que les classes travailleuses ne sont en réalité aucunement différentes de leurs exploiteurs. En même temps, toutefois, apparaît la suggestion que la situation est double : aux insuffisances naturelles de l’homme il faut encore ajouter une autre influence funeste : les méfaits de ceux qui se sont érigés en ses « orientateurs ». Le hors-la loi, dans son refus orgueilleux de l’existant, parvient alors à identifier les mécanismes qui empêchent l’humanité d’atteindre au bonheur et suggère des mesures à prendre :
[…] un hors-la-loi est un scientifique qui s’ignore, l’homme des gestes utiles !… Combien monsieur le juge s’accomplit-il ici-bas, quotidiennement, de gestes utiles et utiles seulement à la conservation de l’humanité dans les temps et espaces ? Pas beaucoup, monsieur le juge !… et on pourrait, le geste tranquille et la conscience au repos, envoyer au cimetière les neuf dixièmes des travailleurs de tous les pays !…
– Hein ?… eh bien ! vous avez trouvé la solution du problème social, elle est radicale !
– C’est une façon de parler, et ces travailleurs ne sont pas responsables de leurs gestes inutiles, de leurs gestes de mort ; ce qui est inutile ici-bas est nuisible, cela représente un gaspillage d’intensité humaine, laquelle intensité est déjà quasi nulle ; ces travailleurs ne sont pas responsables, ce sont les saligauds qui les orientent, qu’il faut supprimer, les célèbres tribuns, les immenses écrivains, les incommensurables philosophes20.
18Le roman de K. X., on le voit, poursuit un but triple : valorisation de la langue de la pègre, description réaliste des rapports humains entre ses membres (déformés par les préjugés dans les représentations convenues qu’on sert normalement aux lecteurs) et tentative d’identifier et de dénoncer les forces qui agissent contre le plus grand bien de l’humanité, qu’il identifie dans les politiciens et les intellectuels. Pour parvenir à ce dernier but, il faut tout d’abord faire place nette de la mythologie progressiste qui voit en l’ouvrier, en tant que catégorie, la force de l’avenir. K. X. s’attelle à la tâche avec des accents nettement stirnériens :
Les gens qui disent à l’ouvrier : tu es majeur, sont des saligauds, des doubles-saligauds, saligauds s’ils le lui disaient sans arrière-pensée de domination : l’ouvrier livré à lui-même ne peut que se détruire, il n’est que de le regarder dans toutes les circonstances de sa vie, je le répète, pour se rendre compte de cette vérité évidente, qui crève les yeux. […] Les réformateurs sociaux sont des saligauds parce que ce sont des imbéciles qui ne connaissent rien des gestes utiles à la conservation de l’humanité et présentent aux peuples, comme vérités scientifiques et sociales, des vérités qui ne sont pas vraies, pervertissent le cerveau de l’ignorant et font leurs choux gras des fléaux qu’ils sèment sur la terre : la division, la haine, la guerre, la révolution et l’individualisme… Ça leur permet de manger, à ces braves réformateurs, qui ont bien les bras retournés, mais n’ont pas le courage d’un hors-la-loi.
19La dénonciation de l’hypocrisie des gouvernants, même mâtinée d’un mépris peu déguisé pour le peuple-enfant qui se laisse mener par le bout du nez, semblerait devoir être suffisante pour révéler une parenté de fond entre K. X. et les anarchistes, parmi lesquels – chez les individualistes surtout – la confiance béate en l’homme n’est pas toujours de rigueur. Mais une fois de plus le truand-écrivain n’hésite pas à polémiquer sur des tons virulents même avec les seuls qui lui tendent une perche, et se prend à critiquer non seulement les anarchistes, mais l’anarchie elle-même, avec des tons qu’on croirait choisis exprès afin de susciter les réactions de rejet les plus violentes :
L’anarchie, c’est le gouvernement ( !) de l’Individu ; alors, comme tous les individus sont différents, objectivement et subjectivement, on imagine sans peine ce que pourrait être le chaos anarchiste, si l’anarchie aujourd’hui triomphait…
20Ailleurs, il écrivait déjà sans se gêner, avec un plaisir certain de la provocation : « Je ne suis pas anarchiste et je n’ai pas de morale21 », et le titre de première page du premier numéro de son journal, poussant la chose encore plus loin, clamera en caractères gras et soulignés : « Il faut détruire les anarchistes22 ! » Le fait est, toutefois, qu’il n’y a pas qu’eux qui sont voués aux gémonies…
Scientisme, individualisme et anti-individualisme
21Poulaille, on l’a vu, estimait que K. X. péchait par « excès d’individualisme ». De la part d’un écrivain aux sympathies collectivistes, ce jugement peut facilement se comprendre. À la lecture des articles de K. X., cependant, il serait facile de parvenir à des conclusions très différentes. Tout, jusque dans le pseudonyme qu’il adopte, semble en effet indiquer en lui un adversaire déterminé de l’individualisme. Le pseudonyme est élucidé dans le premier de la série d’articles qui paraissent dans L’Insurgé à partir du mois de mars 1926 sous le titre « Propos d’un correcteur » : « Moi […] il ne m’est jamais venu l’idée de revendiquer une individualité, je suis K. X. : cas inconnu, ou plutôt mouvement inconnu : le mouvement universel. – Nous sommes tous des cas X23. » Dans les discours qu’il tient dans cette série d’articles, K. X. joue sur deux tableaux. D’un côté, il refuse fermement la moindre individualité, identifiant en elle la force honnie qui mène à toutes les confrontations, à toutes les guerres et à tous les malheurs. Les fameux « orientateurs » des destins humains, qui font régulièrement sa cible – ces artistes, ces écrivains, ces philosophes traités sommairement de « têtes de cons » –, représentent des exemples flagrants d’individualités néfastes, dont les activités admirées par la masse contribuent à l’éclatement des énergies humaines, à leur parcellisation et à leur affaiblissement, à une lutte continuelle entre individus qui veulent s’affirmer, au préjudice de la collectivité. De l’autre, il fait montre d’un pessimisme tel envers la nature humaine en général, et par conséquent envers toute forme d’organisation sociale, quelle que soit son orientation politique ou idéologique, qu’il parvient à se mettre à dos l’aile collectiviste du mouvement aussi bien que l’aile individualiste.
22Nous avons déjà eu l’occasion de remarquer comment dans le milieu des anarchistes individualistes se dessine, dans les deux premières décennies du xxe siècle, un mouvement anti-intellectuel radical qui voit dans l’écrivain, à l’instar de Carlyle, et très probablement sans le savoir, mais négativement, une autre incarnation du prêtre et du roi24. Les artistes, quelle que soit leur orientation, sont alors dénoncés comme « des êtres puérils et sans virilité [à la] sensibilité morbide » souffrant de « névrose », « des hallucinés […] épris d’artificiel25 ». L’homme moderne doit pouvoir se passer de leurs services envenimés et compter sur la science positive pour que se dévoilent à lui les beautés concrètes du monde. Le refus de toute forme d’expression artistique est motivé par son inutilité pratique, que ces militants estiment évidente :
Je considère inutile pour moi de lire des poésies d’Alfred de Musset, de Verlaine, de Baudelaire et même de Clovis Hugues […]. Je dis que ceux qui ont imprimé ces poésies […] ont perdu leur temps, puisqu’ils ont fait du travail inutile. […] « La vie anarchiste » telle que je l’entends est une vie de bonheur, de joie, dans la nature et par la science, et non une existence de rêveries et de pleurnicheries sentimentales26.
23Les jugements sont tranchés et ne laissent guère de place au doute :
Les Intellectuels sont des déséquilibrés, chacun sait cela ! […] l’écrivain [est un] parasite ignorant la joie du geste producteur et pour lequel « penser » n’est plus la manifestation des facultés psychiques mais un « métier » c’est-à-dire la fonction rémunératrice qui mène à l’inconscience et à la postérité. Économistes, Littérateurs, Philosophes, Journalistes, nous devons les combattre sans trêve27.
24K. X. adhère entièrement à cette école de pensée, protestant sans cesse contre « les gestes inutiles » des intellectuels et se présentant comme un scientiste convaincu. Plus que cela encore, il est le seul scientiste28, le seul qui a su identifier le plus grand danger qui menace le développement harmonieux de l’humanité… Et c’est là que les choses se compliquent, au grand dam des pauvres lecteurs de L’Insurgé qui ont de la peine à saisir la logique étrangement contradictoire qui régente l’analyse que fait K. X. de l’existence humaine29. En effet, K. X. reconnaît dans l’individualisme « un mouvement normal de l’Univers dont on peut suivre la courbe ». C’est en cela qu’il admet lui-même n’être ni plus ni moins qu’une manifestation de ce mouvement, ainsi que chaque représentant du genre humain. Ayant pris conscience de cet état, il le rejette en faveur d’un autre individualisme plus vaste, qui engloberait l’espèce humaine dans son ensemble et en ferait une supra-individualité (un « dieu », il utilise lui-même ce terme30) capable alors de s’imposer à une nature indifférente ou hostile. L’individualisme limité des hommes singuliers, les efforts individuels, les tentatives des gens de se démarquer des autres, ouvreraient, eux, en un sens opposé à celui qu’il préconise, faisant le jeu d’un Univers (la majuscule est sienne) prisonnier d’une loi d’entropie qui le conduit inexorablement vers la désagrégation totale. Le savoir sous toutes ses formes, sauf les formes scientifiques et vérifiables – c’est-à-dire mathématiquement prouvées et ne dépendant pas d’une opinion susceptible d’être discutée et infirmée31 –, ce savoir véhiculé selon lui par les « artistes » – catégorie honnie qui comprend tout ce qui n’est pas la science – travaille ainsi malgré les apparences pour l’affaiblissement des pouvoirs de l’homme. Quant à ses représentants :
Ces gens-là ne sont pas des novateurs, croyez-moi, ce ne sont que des mouvements normaux de l’Univers, dans lequel tout tend à la désagrégation, à la dissolution, à l’individualisme. Tout tend à se fondre dans ce super-individualisme qu’est l’Univers, cet insaisissable Univers32 !
25Tout le travail de propagande de K. X. s’oriente donc vers un seul et unique objet :
[La diffusion de] la vérité contrôlable qui fera de l’humanité un corps bien équilibré, dont les mouvements d’ensemble déséquilibreront l’Univers, et assureront la durée de l’Homme, dans le temps et l’espace, diviniseront l’humanité. […] L’instruction scientifique dresse l’homme contre l’Univers. Et l’homme n’a pas d’autre ennemi que le mouvement universel33.
26Il est peu étonnant que cette conclusion ait pu paraître douteuse à des militants qui s’étaient habitués à croire que l’homme avait des ennemis beaucoup plus palpables, tels l’armée, le capital, l’Église et d’autres institutions tout de même plus faciles à cerner que l’Univers. Les critiques avaient alors bon jeu, qui s’amusaient à identifier dans les écrits de K. X. des contradictions patentes, telle, par exemple – la plus évidente –, celle entre la condamnation expresse de l’individualisme et la revendication d’une position exceptionnelle, inspirée d’un individualisme aristocratique d’essence romanesque, pour sa propre classe à lui, celle des truands. Ou alors, tout aussi évidente, la contradiction entre sa dénonciation de la littérature comme gaspillage de temps et sa décision de se servir de ses propres armes pour la combattre34. L’invocation de l’élimination pure et simple de tous les obstacles à son programme (« Potence ! Guillotine ! », sont ses adjurations constantes) fait qu’il n’est guère difficile de l’accuser de vouloir recréer, sous des couleurs scientistes, une république platonicienne dont tous les créateurs seraient bannis. L’espèce de mysticisme scientiste qu’il élabore – fait d’oppositions intemporelles entre d’énormes abstractions (l’Humanité, l’Univers) et appuyé par des raisonnements fumeux soutenus par les béquilles d’une agressivité verbale hors norme – était par conséquent peu fait pour susciter l’enthousiasme unanime même des anarchistes – catégorie toutefois plus disposée que bien d’autres à analyser avec bienveillance toute théorie nouvelle, d’où qu’elle vienne.
27La tâche, peu évidente en elle-même, d’extraire des articles et des fictions de K. X. une théorie qui en constituerait la véritable moelle, la raison d’être finale et unique – tâche qui semble devoir s’imposer si on fait confiance aux affirmations souvent réitérées de l’auteur et qu’on choisit de tenter de le suivre sur le chemin qu’il trace – ne devrait pas faire perdre de vue un fait autrement plus significatif : K. X. est bien avant toute chose un écrivain. Le scientiste radical et bruyant est frère de sang des intellectuels qu’il dénonce. Lui-même est heureusement très loin de se prendre toujours aussi au sérieux qu’on le prend, et à la suite de quelque appel enflammé au meurtre immédiat de tous les artistes, il n’hésite pas à ajouter :
J’peux pas m’empêcher d’me marrer en écrivant les lignes ci-dessus ; si je n’écoutais que ma sensibilité, ma sentimentalité, c’est-à-dire la Bête qu’il y a en moi, j’aurais plutôt écrit le contraire, mais, j’aurais eu tort35…
28À d’autres moments, il semble se trouver en accord avec le jugement de Brutus Mercereau, qui voyait en lui, on s’en souvient, « un loufetingue intermittent » :
Il y a deux individus en moi, et la preuve du bien-fondé de cette affirmation se trouve dans l’ensemble de mes écrits.
La bataille violente que se livrent en moi ces deux êtres antagonistes font que lorsque je relis mes écrits, je me demande parfois, à certains passages, si je suis sain d’esprit36 ?
29Betrand Russell, le philosophe anglais, estimait que :
Il serait totalement injuste de juger la doctrine anarchiste, ou les opinions de ses représentants les plus en vue, par de tels phénomènes ; il n’en reste pas moins que l’anarchisme attire bien des personnages qui se situent à la lisière de la folie ou de la criminalité ordinaire37.
30Le cas de K. X. paraît devoir, en partie du moins, tomber dans ces zones grises, et à la lecture de sa prose il semble parfois légitime de se demander s’il a véritablement raison quand il affirme : « Je sais qu’on va crier au fou. Je serai peut-être fou demain, mais aujourd’hui je ne le suis pas38. » Ce qui est indéniable est que cet auteur tout à fait sui generis a su produire un corpus d’écrits empreints d’une très forte originalité et d’un humour décapant, en une langue n’appartenant qu’à lui qui le met dans la même catégorie que d’autres écrivains argotiques libertaires, tels Émile Pouget et Jehan Rictus. De plus, l’œuvre de K. X. offre en son microcosme un résumé saisissant des forces et des faiblesses d’une grande part de la création littéraire libertaire publiée dans les journaux militants par les militants eux-mêmes : importance fondamentale de la vérité (la vie) au-dessus de la vraisemblance (la fiction) ; témoignage personnel de nature autobiographique ou autofictionnelle ; dénonciation des tares de la société et analyse de ses manquements ; tentative (parfois confuse ou incomplète) de proposer des solutions générales ; expression originale (à travers le choix du langage) ; mépris des règles traditionnelles de la narration et des genres qu’elle prétend adopter. On voit que malgré le mal qu’il ne peut s’empêcher de dire des anarchistes, K. X. avait en effet sa place bien marquée parmi eux.
Notes de bas de page
1 Journal hebdomadaire qui paraît entre mai 1925 et juillet (ou août) 1926. Parmi ses collaborateurs on remarque Émile Armand, Sébastien Faure, Henry Poulaille, Han Ryner et Brutus Mercereau (R. Bianco, Un siècle de presse anarchiste d’expression française, 1880-1983).
2 Cité dans C. Pérolini, « De la Trilogie noire à La Vache enragée. L’espace autobiographique chez Léo Malet », disponible sur : https://web.archive.org/web/20050106001412/http://www.mauvaisgenres.com/trilogie_noire1.htm [consultéle4novembre2013]. L’auteur y fait remarquer que Malet a donné le même métier, avec une description très semblable, au narrateur du roman noir La Sueur aux tripes.
3 N. Faucier, Pacifisme et anti-militarisme dans l’entre-deux-guerres : 1919-1939.
4 V. Truchet, « Nos débats », L’Insurgé, no 29, 21 novembre 1925. Le débat, qui était annoncé comme devant avoir eu lieu à la Salle de l’utilité sociale le mardi 24 novembre, prévoyait également la participation d’Henry Marx, un écrivain socialiste. Dans un article du 5 décembre qui en fait un bref compte rendu, K. X. mentionne les noms d’un avocat Barquissaux, d’Arnyvelde (anagramme d’André Lévy, un auteur ami du poète André Salmon) et du poète Lucien Banville l’Hostel. La maigreur remarquable de K. X. semble attestée aussi par les commentaires d’un autre contributeur au même journal, qui parle de « son épouvantaillesque silhouette » (Mauzès, L’Insurgé no 22, 3 octobre 1925).
5 « Propos d’un pirate », L’Insurgé, no 16, 22 août 1925.
6 Cité par L. Malet, La Vache enragée.
7 B. Mercereau, « Que pensez-vous de K. X. ? ». K. X. se moque joyeusement de Mercereau dans un article de décembre de la même année, le qualifiant d’« alcoolique fini » et l’accusant d’être responsable de son retard à une réunion du Club des Insurgés (et d’y être arrivé éméché) pour l’avoir entraîné à picoler en sa compagnie dans des bistrots.
8 André Colomer a publié dans La Revue anarchiste « Le roman des “bandits tragiques” », texte à la gloire de Bonnot et consorts, conçu comme une réponse à la parution du très contesté Chez les Loups de André Lorulot.
9 Sur ce personnage, voir l’excellente biographie de B. Thomas, Jacob.
10 L’Insurgé publiera ainsi sous ce titre général et pendant plusieurs semaines de suite, des interventions de personnages ou militants connus, tout aussi bien que de lecteurs communs. Répondent notamment à la question Georges Vidal, Jules Rivet, Brutus Mercereau, Victorin Truchet, A. Respaut, Henry Poulaille, Mauzès, René Ghislain, Ernestan, ainsi que d’autres camarades qui « regrette[nt] de ne pouvoir signer plus clairement ».
11 H. Poulaille, « Que pensez-vous de K. X. ? ».
12 J. Rivet, « L’humour subversif ».
13 G. Vidal, « Que pensez-vous de K. X. ? ».
14 « […] les mots ou les phrases d’argot français ont toujours plusieurs sens et sont, en général, intraduisibles en français […]. Un autre exemple : “sorgue”, ce mot égale nuit, mais contient cependant des nuances intraduisibles, comme tout l’argôt [sic] d’ailleurs, la traduction exacte de l’argôt est impossible… »
15 Ernestan, « Que pensez-vous de K. X. ? ».
16 G. Vidal, « Que pensez-vous de K. X. ? ».
17 P. Madel, « Le droit au Romantisme », L’Insurgé, no 26, 19 septembre 1925.
18 De début janvier au 15 mai 1926. Les éditeurs de L’Insurgé semblent fâchés avec Archimède. Il y a trois feuilletons no 3, pas de no 4, cinq feuilletons no 5, pas de no 6, 7 ou 8…
19 Cette argumentation était utilisée systématiquement par les illégalistes pour justifier leur position. Alexandre Jacob déclarait : « Plus un homme travaille, moins il gagne ; moins il produit, plus il bénéficie. Le mérite n’est donc pas considéré. Les audacieux seuls s’emparent du pouvoir et s’empressent de légaliser leurs rapines. Du haut en bas de l’échelle sociale tout n’est que friponnerie d’une part et idiotie de l’autre. Comment voulez-vous que, pénétré de ces vérités, j’aie respecté un tel état de choses ? » (A. Jacob, Les Travailleurs de la nuit, p. 9)
20 Dans un article précédent, K. X. s’en prenait déjà aux intellectuels en des tons virulents, et préfigurait une cité, plus platonicienne que chez Platon, où : « Il n’y aura pas d’artiste, pas d’idéaliste dans la cité des scientistes, il n’y aura que des mouvements utiles à la conservation de l’Homme. Il n’y aura que des physiciens, dans la cité scientifique. » (« Propos d’un pirate ». L’Insurgé, no 26, 31 octobre 1925)
21 Ibid. Ce qui ne l’empêchait évidemment pas de se contredire quand il le voulait, en affirmant : « … et cependant… je suis aussi un anarchiste, un scientiste et un anarchiste… » (« Propos d’un pirate », L’Insurgé, no 23, 10 octobre 1925)
22 Il est vrai que cette injonction vient en troisième, après deux autres reliées. Le titre complet est : « Sus aux artistes ! L’individualiste, voilà l’ennemi ! Il faut détruire les anarchistes ! »
23 « Propos du’n Qorec teur » [ce dernier bout de mot à l’envers], L’Insurgé, no 45, 13 mars 1926. Il est à noter que le mot « correcteur » est régulièrement mal épelé, d’une façon différente, pour chaque article. Le texte lui-même paraît parfois à l’envers. Avant cette série, K. X. en avait publié une autre sous le titre « Propos d’un pirate ». La transition entre les deux séries est expliquée en ces termes : « Pirate égale correcteur (correcteur typographique), celui-là, comme celui-ci, corrige les déséquilibres… déséquilibre d’argent, déséquilibre d’harmonie… typographique. » (L’Insurgé, no 44, 3 mars 1926)
24 Voir, le chapitre 1 du présent ouvrage.
25 Levieux, « L’Art & la Vie ». On peut encore citer dans cette mouvance Paraf-Javal, qui publiait dans L’Anarchie force articles.
26 A. Lorulot, « L’art et la vie anarchiste ».
27 L. Israel, « L’ignorance des intellectuels ».
28 « Les philosophes scientifiques (j’en connais un, où est l’autre ?) » (« Propos d’un pirate », L’Insurgé, no 21, 26 septembre 1925).
29 « […] cela fait à peu près un an que je lis ses articles : d’abord dans le Libertaire, ensuite à L’Insurgé. Cela commence par la Physique, la Science, les Scientistes. Qu’est-ce que tout ça ? Moi j’en sais rien, j’ai pas été longtemps à l’école. Depuis que je suis les cours de K. X. je ne suis pas plus avancé. » (lettre anonyme publiée dans L’Insurgé, no 22, 3 octobre 1925)
30 « Je prétends que l’humanité scientifiée serait un dieu en voie de formation » (« Propos d’un pirate », L’Insurgé, no 23, 10 octobre 1925).
31 « Toute vérité discutable est une erreur. De la discussion n’a jamais jailli la lumière. » (« Les étranges propos », Le Journal de l’homme aux sandales, no 1, juin 1928)
32 Ibid. Et encore : « La matière brute […] tend aussi vers l’idéal anarchiste : l’individualisation des molécules qui la composent ! Individualisation égale : Désagrégation, toute matière brute ou vivante tend à se désagréger !… L’humanité est un corps. » (L’Insurgé, no 23, 10 octobre 1925)
33 K. X., « Tribune libre. De l’instruction ». On remarquera comment cette conclusion rapproche K. X. du point de vue de Kolney, qui concevait également une lutte continuelle entre l’homme et la nature.
34 « J’avais donc, il y a environ quatre ans, une fois fixé définitivement sur la nocivité de l’Art dans quelque domaine qu’il puisse s’exercer, pris la résolution de combattre l’Artiste, par le moyen du livre et du journal […]. » (« Propos d’un pirate », L’Insurgé, no 13, 1er août 1925)
35 « Propos d’un pirate », L’Insurgé, no 24, 17 octobre 1925.
36 « Propos d’un pirate », L’Insurgé, no 26, 31 octobre 1925.
37 « It would be wholly unfair to judge Anarchist doctrine, or the views of its leading exponents, by such phenomena ; but it remains a fact that Anarchism attracts to itself much that lies on the borderland of insanity and common crime. » (B. Russell, Proposed Roads to Freedom, disponible sur : http://www.gutenberg.org/cache/epub/690/pg690.txt [consulté le 25 octobre 2013])
38 « Les étranges propos », Le Journal de l’homme aux sandales, no 1, juin 1928.
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