Teka a’akakai no Hakatauniua
p. 59-78
Texte intégral
1C’est la légende de Hakatauniua*.
2Ses frères cadets : Kue’etahitihau* ; le cadet suivant : Kapetumakavai* ; le cadet suivant : Ruiruiapukatea* ; le cadet suivant : Etiemetetoatakahiti*. ’Apeku’a* était leur sœur. Ils habitaient ensemble. Leur frère aîné, le premier-né, était né dans l’eau douce, c’était Hakatauniua. Venait ensuite Kue’etahitihau, il était né dans l’eau douce. Venait ensuite Ruiruiapukatea, il était né à côté des rochers qui sont au bord de la mer. Venait ensuite Tohatahiti, puis leur sœur ’Apeku’a.
3Le temps passa, passa, ils devinrent grands. Puis ’Apeku’a devint enceinte. Elle demeura avec son enfant, son ventre grossit, elle mit au monde cet enfant. C’était un garçon auquel on donna le nom de Potateuatahi. Cette femme éleva son fils, elle l’éleva, il grandit. Alors qu’il avait huit ans, cet enfant dit à sa mère qu’il allait jouer. Sa mère lui dit :
4– Ne t’en va pas, tu vas être pris par l’ogre.
5Le jeune homme dit :
6– Il n’y a pas d’ogre.
7Le lendemain, le jeune homme alla encore dans les bois pour jouer. Puis il partit voir du pays. Sa mère ne voulait pas qu’il aille voir du pays. C’est pourquoi il resta auprès de sa mère. Il y resta longtemps. Lorsqu’il se fut écoulé à peu près un an, il dit à sa mère :
8– Je vais aller couper un arbre pour me faire une pirogue.
9Sa mère lui dit :
10– Va couper ta pirogue Ti’ate’ani1.
11Le lendemain de bonne heure, il monta couper la pirogue. Il n’était pas arrivé auprès de sa pirogue qu’il rencontra l’ogre Haneamotua. Haneamotua salua Potateuatahi par des paroles de bienvenue :
12– Viens, chef, viens, allons boire le kava tous deux.
13Le jeune homme chercha la coupe pour boire le kava et il dit au chef :
14– Où est ta coupe pour boire le kava ?
15Haneamotua lui dit :
16– Bois directement dans le plat, chef.
17Potateuatahi avait une hache à la main. Pendant que Potateuatahi buvait le kava, Haneamotua lui arracha la hache des mains et le frappa à la nuque. Du sang apparut sur la poitrine d’’Apeku’a sa mère. ’Apeku’a dit dans sa demeure :
18– Potateuatahi est mort.
19Potateuatahi dit à Haneamotua :
20– Tu ne pourras pas me faire périr.
21Haneamotua lui dit :
22– Tu pleures ! Est-ce que Ti’ate’ani s’abattra pour toi ?
23– Il s’abattra pour moi, dit Potateuatahi.
24– Tu pleures ! Est-ce que l’écrevisse rouge2 nagera pour toi depuis Vavau* ? dit Haneamotua.
25– Elle nagera pour moi, dit Potateuatahi.
26’Apeku’a se rendit chez ses frères, elle s’écria :
27– Kue’etahitihau, hé !
28– Oui, s’écria Kue’etahitihau.
29– C’est de ton neveu qu’il s’agit, de Potateuatahi, il est mort.
30Kue’etahitihau s’écria :
31– On l’a donné simplement à Haneamotua.
32’Apeku’a s’écria encore :
33– Kapetumakavai, hé !
34– Oui, répondit Kapetumakavai.
35– Il s’agit de ton neveu, de Potateuatahi, il est mort.
36– On l’a donné simplement à Haneamotua, s’écria Kapetumakavai.
37’Apeku’a s’écria encore :
38– Ruiruiapukatea, hé ! Il s’agit de ton neveu, de Potateuatahi, il est mort.
39– On l’a simplement donné à Haneamotua, dit Ruiruiapukatea.
40’Apeku’a s’écria encore à l’adresse d’un autre frère :
41– Etietetoatahiti, hé !
42– Oui.
43– C’est de ton neveu qu’il s’agit, de Potateuatahi, il est mort.
44Etietetoatahiti lui cria :
45– Descends chez Hakatauniua.
***
46– Hé, Tāheta* ! Hé, Hakatauniua ! Hé, Puaikatapa’ahi*3 ! Hé, Hamamatehe’e’eo*4 ! Les vagues se dressent comme des montagnes, petite vague, grosse vague.
47Elle cria sept fois. Au premier cri, la mer arriva à ses pieds. À la vague suivante, elle arriva à ses genoux, à la vague suivante, elle arriva à ses cuisses, à la vague suivante à sa poitrine, à la vague suivante à ses aisselles, à la vague suivante de nouveau à ses cuisses. À la septième vague, ’Apeku’a flotta.
48Tāheta répondit alors :
49– Oui.
50– Il s’agit de ton neveu, de Potateuatahi, il est mort.
51– Monte, et passe chez Etie’etetoatahiti, et dis à la population de barrer ma rivière sur une longueur de sept brasses, d’allumer mon four de sept brasses, je viendrai bientôt, avant l’aube.
***
52Hakatauniua arriva dans la rivière. ’Apeku’a descendit avec un pagne. Hakatauniua s’écroula dans le feu. Alors se détachèrent les morceaux de roc, les coraux, la roche sableuse, les murènes, les pieuvres, les oursins noirs, les oursins crayon. Alors son corps d’être humain naquit du roc. Son nom fut Tāheta. On cessa de l’appeler Hakatauniua. Puis Tāheta prit un bain d’eau douce. Sa sœur lui donna un pagne à se mettre et il monta à la maison. Tāheta dormit avec sa sœur ’Apeku’a dans sa demeure.
***
53Le matin, Tāheta et ’Apeku’a allèrent aviser leurs sujets d’aller couper Ti’ate’ani. La population obéit à Tāheta et ’Apeku’a et alla couper Ti’ate’ani. Ti’ate’ani s’abattit sur le sol. On l’ébrancha, ensuite on tailla Ti’ate’ani. Lorsque la population eut achevé de tailler Ti’ate’ani, Tāheta dit :
54– Allez chercher une inflorescence de cocotier pour Ti’ate’ani.
55On fixa sur Ti’ate’ani les bois qui tiennent le balancier et on fixa le balancier. Quand ce fut achevé, ils partirent tous deux pour la guerre.
56Il avait un frère aîné, Tūhakanā*. Ils combattirent tous deux. Ils commencèrent par se battre à coup de tête. Bataille ! bataille ! bataille ! Au premier coup de tête, pan ! pan ! La tête de Tūhakanā s’enfla. Bataille ! bataille ! bataille ! Ils combattirent poitrine contre poitrine. Tūhakanā est complètement vaincu. Bataille ! bataille ! bataille ! Ils combattirent genou contre genou. Tāheta et Tūhakanā échangèrent des coups. Tūhakanā est complètement vaincu. Haneamotua exhortait Tūhakanā :
57– Ne te laisse pas battre, Tūhakanā, bataille ! bataille ! bataille à coups de pied !
58Tūhakanā fut saisi par le pied, son pied fut tout raccourci, ses deux pieds enflèrent, enflèrent jusqu’à sa tête. Bataille ! bataille ! bataille avec les mains ! Ils se donnent des coups, Tūhakanā est saisi par les mains, tous ses doigts sont cassés, tout le corps de Tūhakanā s’enfla, s’enfla. Finalement, on alla chercher Pāhaka’ima’oa* pour ramasser les gens tués par les coups.
59Etietetoatahiti allait par terre, c’était Pāhaka’ima’oa qui ramassait les gens. On mit Ti’ate’ani à la mer et Tāheta partit avec sa sœur, avec Pāhaka’ima’oa et avec ses pagayeurs au nombre de seize. Ils se rendirent dans la vallée où il y avait Haneamotua. Etietetoatahiti alla par terre. C’est lui qui partit le premier. Haneamotua fut arraché de sa maison par Pāhaka’ima’oa et transporté dans la pirogue, dans Ti’ate’ani, devant ’Apeku’a et Tāheta. ’Apeku’a coupa le nez de Haneamotua.
60– Hou ! Cela fait mal, dit Haneamotua.
61La voix d’’Apeku’a se fit entendre :
62– Ça, c’est Potateuatahi, chef !
63Elle coupa ensuite ses deux oreilles. Haneamotua dit encore :
64– Hou ! Cela fait mal.
65’Apeku’a lui dit :
66– Ça, c’est Potateuatahi, chef !
67Elle coupa les joues. Haneamotua dit :
68– Cela fait mal.
69– Ça, c’est Potateuatahi, chef !
70Elle coupa ensuite les paupières de Haneamotua et dit :
71– Ça, c’est Potateuatahi, chef !
72Haneamotua mourut. Il fut coupé comme on coupe du bois. Telle fut la mort dont il mourut, une mort qui consiste à être découpé, pour venger Potateuatahi. On trancha la tête de Haneamotua pour en faire une figure de proue de Ti’ate’ani.
***
73Etietetoatahiti tuait les sujets en allant par terre. Sept quarantaines d’hommes mouraient chaque jour. Pāhaka’ima’oa les saisissait depuis la pirogue. Tāheta dit à Pāhaka’ima’oa :
74– Eh bien alors ? C’est lourd ?
75Pāhaka’ima’oa répondit :
76– Il y en a sept quarantaines.
77Tāheta dit :
78– Soulève-les.
79Pāhaka’ima’oa les souleva dans la pirogue. ’Apeku’a coupa la tête de ces gens pour en faire des figures de proue à Ti’ate’ani. D’autres gens mouraient encore à terre, sept quarantaines. Pāhaka’ima’oa les saisit et les porta dans la pirogue. ’Apeku’a coupa encore la tête de ces gens pour en faire des figures de proue à Ti’ate’ani. On ne regardait pas les têtes, on prenait aussi bien les têtes des vieilles femmes, les têtes des vieillards, les têtes des hommes, les têtes des femmes, les têtes des petits enfants, les têtes des jeunes filles, les têtes des jeunes gens.
***
80Lorsque la guerre fut achevée, Tāheta alla dans son pays avec ’Apeku’a sa sœur, bien sûr, et Pāhaka’ima’oa. Plus tard, Tāheta prit une femme. Il vécut longtemps avec elle, si bien qu’elle devint enceinte.
81Son ventre grossit. Elle était enceinte de sept mois. Lorsqu’elle alla se baigner à la rivière, elle fit une fausse couche, l’enfant tomba dans l’eau et fut entraîné par le courant dans un trou de mer. La nuit, ses deux grands-mères rêvèrent que cet enfant venait les trouver. Il disait aux deux vieilles :
82– Venez me chercher dans le trou d’eau de mer Tehutaitini*.
83La vieille qui avait un défaut de langue dit à la vieille qui parlait correctement :
84– Eh, amie ! Réveille-toi, notre petit-fils est au bord de la mer dans une flaque d’eau de mer.
85Elles descendirent : lorsqu’elles arrivèrent, l’enfant flottait dans la flaque. Elles le soulevèrent de la flaque et le mirent sur le bord. Elles le défirent en commençant par les oreilles, et il se détacha de ses enveloppes. On lui donna le nom de Vakauhi*. Le petit-fils était donc Vakauhi. Ses deux grands-mères étaient Hi’ihi’ikaha* et Tau’apepe*. Ses deux grands-pères étaient Hopekoutoki* et Motuha’iki*.
86Hi’ihi’ikaha et Tau’apepe élevèrent Vakauhi, depuis le moment où il tomba du ventre de sa mère jusqu’au moment où il fut capable de s’asseoir. Hopekoutoki et Motuha’iki continuèrent à l’élever jusqu’à ce qu’il fut capable de marcher à quatre pattes. Le temps passa, passa, Vakauhi marchait. Les deux vieilles continuèrent à l’élever.
87Vakauhi grandit. Vakauhi alla jouer dans la brousse. Ses deux grands-mères lui dirent :
88– Ne va pas jouer loin, il y a un ogre. Va jouer seulement près d’ici.
89Le lendemain, O’ohatu* arriva avec d’autres enfants. Il cria à Vakauhi :
90– Vakauhi, nous allons nous baigner !
91Vakauhi alla à la mer se baigner avec les autres enfants. Il prit un bain de mer. Le soir, il sortit de l’eau et rentra à la maison. Le lendemain, O’ohatu revint avec les autres enfants. Il cria à Vakauhi :
92– Viens, allons dans la mer.
93– Allons-y, s’écria Vakauhi.
94Les enfants allèrent encore prendre un bain de mer. Ils se baignèrent dans la mer et, le soir, sortirent de l’eau. Puis O’ohatu, Vakauhi et les autres enfants remontèrent chez eux.
***
95Le lendemain encore, ces enfants retournèrent se baigner à la mer. O’ohatu dit à Vakauhi :
96– Prenons avec nous nos fruits d’arbre à pain, nos hameçons, nos lignes pour pêcher le poisson qui accompagnera notre arbre à pain.
97– Oui, s’écria Vakauhi.
98Les enfants s’en allèrent. Ils prirent un bain de mer. Après le bain, ils allèrent pêcher à la ligne. Les autres enfants prirent des blennies. Quant au poisson que prit Vakauhi, c’était une carangue grise et une carangue tachetée de vert. Voilà le poisson qu’il avait pris. Son hameçon était une épine de pandanus, sa ligne était faite de feuilles d’ananas. Lorsqu’ils eurent fini leur pêche, ils allèrent cuire leurs fruits d’arbre à pain. Les enfants de la bande d’O’ohatu firent vraiment cuire leurs fruits d’arbre à pain dans le feu. Vakauhi fit cuire le sien au bord du foyer. Au bout d’un certain temps, le fruit d’arbre à pain de Vakauhi fut cuit. Vakauhi dit :
99– Mon fruit d’arbre à pain se craquelle.
100Vakauhi retourna son fruit d’arbre à pain, ceux des autres enfants n’étaient toujours pas cuits. Vakauhi pela son fruit. Lorsqu’il eut fini de le peler, les enfants de la bande d’O’ohatu allèrent voler le fruit de Vakauhi.
101Vakauhi partit en pleurant à cause de sa nourriture et du plat qui l’accompagnait qui avaient été volés par les autres enfants. Vakauhi monta chez lui sans avoir mangé de fruit d’arbre à pain ni de poisson. À son arrivée à la maison, les deux grands-mères lui dirent :
102– Comment se fait-il que tes yeux soient rouges ?
103Vakauhi répondit :
104– Ils sont rouges parce que j’ai plongé dans la mer.
105Il mangea avec ses deux grands-mères, il fut rassasié, la nuit tomba.
***
106Le lendemain matin, Vakauhi et les enfants de la bande d’O’ohatu allèrent prendre un bain de mer. Ils avaient emporté des fruits à pain, leurs hameçons et leur ligne. Ils prirent un bain de mer. Après le bain, les enfants de la bande d’O’ohatu allèrent à la pêche avec Vakauhi. Les enfants de la bande d’O’ohatu pêchèrent, mais ne prirent que des paoko. Vakauhi pêcha lui aussi, il attrapa des va’u, des peti, des mapio. Lorsqu’ils eurent fini de pêcher leur poisson, ils allèrent faire cuire leurs fruits à pain. Les autres enfants firent cuire les leurs ; ils ne furent pas cuits rapidement. Vakauhi cuisit le sien, il fut aussitôt cuit. Vakauhi dit :
107– La peau de mon fruit à pain se craquelle.
108Le fruit de Vakauhi se trouva cuit, il le pela. Les enfants de la bande d’O’ohatu s’emparèrent alors du fruit à pain de Vakauhi ainsi que de son poisson. Vakauhi s’enfuit en pleurant. O’ohatu ne savait pas que les enfants s’étaient emparés du poisson et du fruit à pain de Vakauhi. Quand les enfants eurent fini de manger, O’ohatu arriva et dit :
109– Hé, Vakauhi ! As-tu pris ton repas ?
110– Non, dit Vakauhi. Mon fruit à pain et mon poisson ont été pris par les enfants.
111O’ohatu dit aux enfants :
112– Qui vous a dit de manger la nourriture de Vakauhi ?
113Les enfants n’ouvrirent pas la bouche. Quand O’ohatu prit son repas, il donna à Vakauhi un quartier de fruit à pain et du poisson. O’ohatu et Vakauhi furent rassasiés. O’ohatu rentra chez lui avec sa bande d’enfants et Vakauhi.
114Ses deux grands-mères lui dirent :
115– Qu’est-ce qui t’a rendu tout rouge ?
116– C’est dans la mer que je suis devenu rouge, dit Vakauhi.
117– À bien y regarder, tu as le visage de quelqu’un qui a pleuré, dirent ses deux grands-mères.
118– Oui, dit Vakauhi.
119– Que s’est-il passé ? dirent ses deux grands-mères.
120– Quand mon fruit à pain est cuit, on me le prend ; quand j’ai attrapé un poisson, on me le prend. Les enfants de la bande d’O’ohatu m’ont donné des coups de bâton dans la mer.
121– Vakauhi, regarde-nous bien, dirent les deux grands-mères.
122La vieille femme qui parlait normalement partit d’un côté, la vieille femme qui avait un défaut de langue partit de l’autre. Vakauhi resta en retrait. Les deux grands-mères de Vakauhi, Hi’ihi’ikaha et Tau’apepe, se mirent à esquiver des coups. L’une lançait quelque chose à l’autre, l’autre esquivait et quand l’une lançait un citron, l’autre esquivait le coup, elle sautait en l’air. Les deux grands-mères dirent à Vakauhi :
123– Si les autres enfants prennent ton fruit à pain et ton poisson, frappe-les avec un bâton et s’ils te lancent des choses, saute en l’air.
124Ses deux grands-mères lui dirent :
125– Si tu pêches encore du poisson et si tu attrapes par exemple des va’u, des peti, des mapio et d’autres poissons encore, pense bien sûr à la part de Tāheta, ton père.
***
126Le lendemain, O’ohatu et sa bande d’enfants arrivèrent de la montagne, ils s’écrièrent :
127– Viens, Vakauhi.
128– Apporte un fruit à pain et une ligne, s’écria O’ohatu.
129– Allons, dit Vakauhi.
130Ils allèrent se baigner dans la mer. Après le bain, ils pêchèrent à la ligne. Les autres enfants pêchèrent : ce furent des patuki qu’ils attrapèrent. Vakauhi pêcha des poissons : des mapio, des va’u et d’autres espèces de poissons. Lorsqu’ils eurent fini de pêcher, les autres enfants allèrent s’emparer du poisson de Vakauhi. Vakauhi prit des pierres et les lança sur les enfants. Les enfants se mirent à pleurer. Certains enfants pensèrent :
131– Ce garçon est devenu fort.
132– C’est vrai, dirent les autres.
133Vakauhi fit cuire son fruit à pain. Il ne fut pas plus tôt cuit que les enfants s’en emparèrent. Alors Vakauhi prit un bâton et leur tapa sur la tête.
***
134Voilà ce qui arriva aux enfants de la bande de O’ohatu : ils n’allèrent plus prendre le fruit à pain et le poisson de Vakauhi. Ce fut fini, ils remontèrent chez eux. Vakauhi arriva chez lui et laissa deux poissons pour lui et ses grands-parents et apporta les autres chez son père. Vakauhi monta chez son père et sa mère avec les poissons. Vakauhi dit alors :
135– Où est Tāheta ?
136– Ne sais-tu pas que ton père ne s’éveille qu’au bout de sept jours ? lui dit sa mère.
137– Voici votre poisson à tous deux, dit Vakauhi.
138– Laisse-le sur le paepae.
139Vakauhi rentra chez lui, il prit son repas. Il fit nuit, il alla dormir. Le lendemain, Vakauhi alla encore pêcher à la ligne avec ses amis. O’ohatu et les enfants de sa bande prirent un bain de mer avec Vakauhi. Après le bain, ils s’en allèrent sur la plage. Vakauhi alla pêcher à la ligne avec les enfants de la bande d’O’ohatu. Vakauhi attrapa du poisson : des popi, des va’u, des kopau, des haka. Pendant ce temps, les enfants de la bande d’O’ohatu attrapèrent des ta’aiao, des matu’au et d’autres espèces de poissons. Ils finirent de pêcher et allèrent prendre un autre bain de mer. Quand ils eurent fini, O’ohatu dit :
140– Rentrons à la maison.
141Ils montèrent. Vakauhi prit son poisson et monta chez lui. À peine arrivé chez lui, il dit à ses grands-mères :
142– Voilà notre poisson. Je vais aller porter celui de mon père et de ma mère.
143– Vas-y, lui dirent-elles.
144Vakauhi monta. À peine arrivé, il regarda le poisson qu’il avait apporté la veille : il était resté sur place, on ne l’avait pas mangé. Il s’était abîmé.
145– Vous n’avez pas mangé votre poisson ? dit Vakauhi.
146Il laissa le poisson et dit :
147– Voici votre poisson.
148– Laisse-le sur le paepae.
149Vakauhi retourna et arriva chez lui. Ses deux grands-mères lui dirent :
150– Comment cela s’est-il passé ?
151– On n’a pas mangé le poisson que j’avais apporté l’autre jour, dit Vakauhi. Il était tout gonflé et il empestait à la ronde.
152– Demain, lui dirent-elles, lorsque tu apporteras encore le poisson de ton père et de ta mère, en l’apportant, laisse-le sur le paepae de ton père et de ta mère, laisse-le et descends en courant. Quand tu verras que la maison n’est plus visible, que tu es éloigné, tu reviendras sur tes pas pour écouter ce que dit ton père.
153– C’est entendu, dit Vakauhi à ses deux grands-mères.
***
154Le lendemain, O’ohatu et sa bande d’enfants arrivèrent encore de la montagne. O’ohatu s’écria :
155– Vakauhi, viens pêcher et prendre un bain de mer.
156Les enfants et O’ohatu partirent avec Vakauhi. Ils arrivèrent au rivage. Ils prirent un bain. Après le bain, ils allèrent pêcher à la ligne. Vakauhi pêcha, il attrapa des uhipu, des va’u, des haka. Les enfants de la bande d’O’ohatu en attrapèrent aussi : des revi, des tekape, des nohu nohu. Après la pêche, ayant attrapé assez de poissons, ils prirent à nouveau un bain de mer. Après le bain O’ohatu dit :
157– Cela suffit, il va bientôt faire nuit, rentrons.
158Vakauhi et ses amis sortirent de l’eau et s’en allèrent sur la plage. Ils prirent leur poisson et montèrent jusque chez eux. Vakauhi dit :
159– Voici votre poisson, je vais aller porter le poisson de mon père et de ma mère.
160Vakauhi monta. Il arriva à la maison de son père et de sa mère. Vakauhi regarda le poisson qu’il avait apporté la veille ainsi que celui des jours précédents : on ne l’avait pas mangé, il était resté à l’endroit où il l’avait laissé, le poisson empestait, il était complètement abîmé. Vakauhi dit :
161– Où est Tāheta ?
162– Ne sais-tu pas que ton père ne s’éveille qu’au bout de sept jours ? dit sa mère.
163Vakauhi laissa le poisson en disant :
164– Voici votre poisson à tous deux.
165– Laisse-le sur le paepae, dit sa mère.
166Vakauhi le laissa et redescendit. Quand les contours de la maison de son père et de sa mère eurent disparu, Vakauhi revint sur ses pas pour écouter les paroles que son père, c’est-à-dire Tāheta, murmurait. Vakauhi alla aussitôt derrière la maison et écouta les paroles injurieuses pour lui que murmurait son père. Vakauhi écouta. Tāheta disait :
167– Cet enfant n’est pas à moi, il descend de la victime. C’est un enfant né d’un œuf. Il a été emporté par la rivière jusque dans une vasque d’eau de mer. Cet enfant est un enfant qui n’est pas de ma descendance, il n’est pas à moi, il est à ses deux grands-mères qui ont fait un rêve pendant la nuit.
168Tāheta murmurait encore :
169– Je ne mangerai pas son poisson, c’est le poisson du fils qui descend d’une victime.
***
170Vakauhi pleura derrière la maison de son père et de sa mère. Vakauhi creusa son puits aux larmes derrière la maison de Tāheta, son père, et de sa mère. Après quoi il revint chez lui et dit à ses deux grands-mères :
171– Demain, j’irai couper un arbre pour me faire une pirogue.
172– Ne te presse pas de le couper. Coupe-le la semaine prochaine.
173– Ce sera demain, dit Vakauhi.
174Le lendemain matin, Vakauhi prit son repas, se rassasia et monta chez O’ohatu et lui dit :
175– Demain nous irons couper un arbre pour nous faire une pirogue.
176– Entendu, dit O’ohatu.
177Il monta dans la montagne. Il coupa l’arbre, il s’abattit, il le façonna, puis redescendit chez lui. À son arrivée, ses deux grands-mères lui dirent :
178– L’arbre pour ta pirogue s’est-il abattu ?
179– Oui, dit Vakauhi.
180– Il n’est pas abattu, lui dirent-elles. Il se dresse là-haut avec toutes ses ramures.
181– Ça alors ! dit Vakauhi.
182Le lendemain, Vakauhi monta à nouveau pour couper l’arbre pour faire sa pirogue. En chemin, il le vit qui se dressait avec ses ramures et ses branches. Vakauhi le coupa de nouveau, il s’abattit, il trancha les branches puis redescendit chez lui. Ses deux grands-mères lui dirent :
183– L’arbre pour ta pirogue est-il abattu ?
184– Oui, dit Vakauhi.
185– L’arbre pour ta pirogue se dresse là-haut ! lui dirent-elles.
186– C’est vrai, dit Vakauhi. Ça alors !
187Elles lui dirent alors :
188– Quand tu monteras encore dans la montagne pour couper l’arbre pour ta pirogue, quand il sera abattu, émonde les petites branches et les feuilles pour t’en recouvrir par-devant. Tu te coucheras dessous. Attends un peu, tu entendras la voix de deux hommes. Ils diront : « Qu’est-ce qui fera s’abattre pour de bon Tevakatapuahikona*5 ? C’est ce qui fait uiui, c’est ce qui fait uaua, c’est la feuille retournée, c’est la feuille brillante, c’est ce qui fait aoao. »
189Le lendemain matin, Vakauhi monta, arriva à proximité et coupa l’arbre. L’arbre pour sa pirogue s’abattit par terre, il émonda les branches et se cacha sous l’endroit qu’il avait recouvert des branches de l’arbre. Puis il prêta l’oreille aux paroles des deux vieillards. Les deux vieillards s’écriaient depuis l’autre côté de la vallée :
190– C’est ce qui fait uiui
191« C’est ce qui fait uaua
192« C’est la feuille retournée
193« C’est la feuille brillante
194« C’est ce qui fait aoao.
195Les deux vieillards ne furent pas plus tôt arrivés qu’ils se mirent à mettre debout l’arbre pour la pirogue. Vakauhi attrapa les deux vieillards par les jambes.
196– Ordure, ordure, ordure, dirent les deux vieillards.
197– Voilà que vous jurez maintenant ! dit Vakauhi. C’est vous les deux hommes qui essayaient de mettre debout l’arbre de ma pirogue !
198Les deux vieillards lui dirent :
199– Retourne chez toi.
200Les deux vieilles femmes lui demandèrent :
201– Comment cela s’est-il passé ? As-tu pris les deux hommes ?
202– Oui, répondit Vakauhi.
203– Quelles sont les paroles que tu les as entendus dire ?
204– J’ai entendu ce que disaient les deux vieillards, dit Vaakauhi : « Qu’est-ce qui fera s’abattre pour de bon Tevakatapuahikona ? C’est ce qui fait uiui, c’est ce qui fait uaua, c’est la feuille retournée, c’est la feuille brillante, c’est ce qui fait aoao. »
205Les deux grands-mères lui dirent :
206– Il te faut cuire un repas. « Ce qui fait uiui » veut dire : va pêcher du poisson. « Ce qui fait uaua » : fais cuire un cochon au four. « La feuille retournée » : c’est le taro, il faut que tu prépares du poke. « La feuille brillante » : il te faut filtrer le kava. « Ce qui fait aoao » : c’est la canne à sucre qu’on mange.
207Le repas préparé au four se trouva cuit, Vakauhi l’apporta à ses deux grands-pères. Pendant que Vakauhi était en route, avec la nourriture, Tevakatapuahikona se trouva achevée, on la laissa aller sur ses rouleaux. Les deux grands-pères mangèrent la nourriture préparée par Vakauhi.
***
208La pirogue finie, Hopekoutoki et Motuha’iki dirent à Vakauhi :
209– Descends au bord de la mer et grimpe pour chercher des palmes sur le cocotier qui est sur le paepae de Tāheta, ton père, mais prends garde de te tenir fermement avec les bras.
210Vakauhi descendit alors auprès du cocotier, le cocotier s’allongea alors. Hi’ihi’ikaha et Tau’apepe s’écrièrent alors :
211– Hé, Vakauhi, tiens bon, voici le vent, c’est le vent d’est.
212Le cocotier se pencha vers Fatu Hiva. Le cocotier se raccourcit. Vakauhi alla couper les palmes, le cocotier s’allongea de nouveau. Les deux grands-mères crièrent :
213– Hé, Vakauhi, tiens bon, voici le vent, c’est le vent d’ouest.
214Le cocotier s’abattit vers Hiva ’Oa. Le cocotier se raccourcit de nouveau. Vakauhi alla encore couper des palmes, le cocotier s’allongeait, les grands-mères crièrent encore :
215– Hé, Vakauhi, tiens bon, voici le vent, c’est un vent du nord, c’est le vent froid de la nuit, le vent qui transperce les maisons.
216Le cocotier pencha vers Tahuata, il se raccourcit, Vakauhi fit tomber à coups de pied toutes les palmes, toutes les noix, jusqu’aux rafles mêmes, il enleva tout. Le cocotier s’appelait Teniuaifiti*. Vakauhi prit les palmes, les inflorescences de cocotiers avec les toutes jeunes noix pour sa pirogue. Les palmes étaient destinées à fournir des feuillages décoratifs pour la pirogue. Vakauhi emporta les palmes et les inflorescences vers l’intérieur, pour en faire des ornements et des feuillages décoratifs pour sa pirogue. Ses deux grands-pères, Hopekoutoki et Motuha’iki, lui enseignèrent :
217– Quand tu transporteras ta pirogue, tu dois entonner un nunu’u : « Tāheta ui, Tāheta ua… »
218On porta la pirogue sur l’épaule jusqu’à la mer. Le nunu’u prit fin. Il y avait une pirogue plus en arrière, celle d’O’ohatu, le nunu’u d’O’ohatu était celui qui convient à l’aîné : « Par terre, par mer, he ! ho ! » Ils tirèrent les deux pirogues sur le rivage et les mirent à la mer. O’ohatu et ses sujets montèrent dans sa pirogue, Vakauhi et ses sujets montèrent sur sa pirogue. Les deux pirogues partirent sur l’océan. Vakauhi pêcha des bonites au leurre. Il en prit trois. Il s’arracha des cheveux et attacha les bonites ensemble avec ses cheveux. Il dit à O’ohatu :
219– Fais approcher ta pirogue, je vais faire passer mes sujets dans ta pirogue. Apporte ces deux bonites à Tāheta, notre père. Retourne avec nos deux peuples, moi je ne retournerai pas, je n’ai pas de père, je n’ai pas de mère. Mon puits aux larmes est derrière la maison de notre père et de notre mère. Apporte cette bonite-ci à mes grands-parents. Quand Tāheta te demandera : « Où est Vakauhi ? », réponds-lui : « Il a disparu. »
220La pirogue d’O’ohatu revint à terre avec les deux tribus. Tāheta regarda depuis la terre : il n’y avait qu’une pirogue, l’autre manquait. La pirogue d’O’ohatu avec les deux tribus aborda à terre. Tāheta demanda :
221– Où est Vakauhi ?
222– Voici tes bonites, dit O’ohatu. Vakauhi les a attachées avec ses cheveux. Vakauhi a dit qu’il ne reviendrait pas. Pourquoi reviendrait-il ? Il n’a ni père ni mère. Le puits aux larmes de Vakauhi est derrière la maison.
223Tāheta se mit à pleurer. Il partit effectuer des recherches sur les rochers. En route, il vit un jeune homme qui se tenait sur un cap. Tāheta dit :
224– Jeune homme, as-tu vu Vakauhi ?
225– Je ne l’ai pas vu, dit le jeune homme.
226Mais ce jeune homme-là n’était autre que Vakauhi lui-même. Tāheta alla vers l’ouest par les rochers sur un autre cap. Il vit quelqu’un, un homme adulte. Tāheta lui demanda :
227– As-tu vu Vakauhi ?
228– Je ne l’ai pas vu, dit cet homme.
229Tāheta s’avança de nouveau en suivant les rochers. Tāheta rencontra un vieillard. Il lui dit :
230– As-tu vu Vakauhi ?
231– Je n’ai pas vu Vakauhi, dit le vieillard.
232Tāheta vit une maison dans cette vallée. Il faisait nuit. Il monta alors jusqu’à cette maison. À son arrivée, il y avait un homme dans la maison. Tāheta dit alors à cet homme :
233– Toi qui es là, n’as-tu pas vu Vakauhi ?
234L’homme répondit alors :
235– En fait de Vakauhi, il n’y a ici que moi.
236Il fit nuit noire. Vakauhi dormait. Ses deux grands-mères arrivèrent depuis l’intérieur avec une gourde de parfum. C’était de l’huile qui formait le parfum qui était à l’intérieur de la gourde. Au col, en haut de la montagne, les deux gourdes de parfum furent ouvertes par les deux grands-mères de Vakauhi, ce qui fit que Tāheta éternua, éternua ! Vakauhi dit :
237– Voilà pour le mal que tu m’as fait ! Il est juste que tu meures !
238Les deux vieilles femmes continuèrent à descendre en direction de la mer, elles ouvrirent de nouveau la gourde de parfum. Tāheta éternua, éternua encore, éternua ! Vakauhi dit :
239– C’est ta mort, maintenant.
240Tāheta éternua sept fois et ce fut la mort de Tāheta. Vakauhi dit :
241– Tu sauras désormais que je suis ton enfant. Toutes ces fois où je suis venu chez toi avec mon poisson, où tu ne mangeais pas mon poisson et où tu disais que je n’étais pas ton enfant !
242Tāheta mourut.
243La légende de Tāheta est finie.
Notes de bas de page
1 « Le mât du ciel ».
2 L’écrevisse rouge fait partie de ces animaux qui peuvent indiquer la mort d’une personne au statut remarquable.
3 « Oreille de corail ».
4 « Qui ouvre une bouche de corail ».
5 Nom de la pirogue.
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Récits marquisiens
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