Légende de Makaia’anui
p. 53-58
Texte intégral
1’Akau’i* était parti de Hiva ’Oa. Il vint ici à Ua Pou, dans la vallée de Hakamo’ui*. La pirogue aborda à Hakamo’ui. Ceci fait, ’Akau’i fit l’échange de son nom avec Pa’etini*, le chef de Hakamo’ui. Pa’etini dit à ses sujets :
2– Allez mâcher le kava, que d’autres aillent allumer le four pour cuire le cochon.
3Voici que ses sujets allèrent faire cuire au four les os de cochon desséchés par le soleil, et le crâne sans chair. ’Akau’i dit alors :
4– Pourquoi cela, mon nom ?
5Pa’etini dit :
6– C’est pour l’accompagnement de notre kava à tous deux, mon nom.
7’Akau’i dit alors :
8– J’ai un cochon qui demeure là-bas, à Hiva ’Oa, dans la vallée de Hanapa’aoa*. Le nom du cochon est Makaia’anui*, sa longueur est de sept brasses.
9Le cochon au four de son ami de nom Pa’etini fut cuit. Ils mangèrent tous deux, en compagnie de leurs sujets, le cochon de Pa’etini. ’Akau’i s’étonna de l’action de Pa’etini, de ces os de cochon sans chair et avec beaucoup d’os lors de leur découverte, devenus le même cochon avec sa graisse, délicieux, délicieux. ’Akau’i vit alors que Pa’etini était un homme qui avait du mana. ’Akau’i dit à Pa’etini :
10– Je vais retourner à Hiva ’Oa.
11Pa’etini dit :
12– Ne te hâte pas de repartir, attends deux jours.
13Après deux jours passés à Hakamo’ui, ’Akau’i s’en retourna. Pa’etini dit à ses sujets :
14– Filtrez le kava.
15Quand il fut filtré, on exprima le liquide, on puisa dans le plat de bois. On alla depuis l’intérieur des terres de Hakamo’ui jusqu’au rivage. Lorsqu’on fut arrivé au rivage, on tira la pirogue jusqu’aux brisants. ’Akau’i dit à son ami de nom Pa’etini :
16– Dis à un homme d’apporter ma coupe de kava sur la proue de la pirogue, devant.
17On hissa la voile, ’Akau’i monta sur la pirogue, les gens poussèrent la pirogue, elle fila. La pirogue de ’Akau’i descendit depuis l’intérieur de la baie de Hakamo’ui, elle descendit vers le large. La pirogue de ’Akau’i descendit, descendit par l’océan. On entendit alors une voix humaine dans le firmament :
18– Moe’eito ! Je me poserai chez Pahi’ei*, chez Pahiku’a*1.
19La voix monta au-dessus de la tête de ’Akau’i, l’urine des deux filles mangeuses de kōputu de l’O’ave* descendit, elles crièrent :
20– Nous nous poserons, titi et hōhō !
21Les yeux de ’Akau’i regardèrent alors vers le haut. Comme il regardait, c’étaient deux femmes, et les deux filles retournèrent sur une branche de tīa’e. La pierre de ’Akau’i alla droit sur la branche de tīa’e, elle se brisa complètement, les jeta au pied du buisson ; les deux filles étaient mortes. Les pierres qui avaient été lancées sur les deux filles étaient les deux pierres de ’Akau’i pour faire des ricochets sur l’eau, c’étaient deux galets, l’une des pierres faisait du feu.
22’Akau’i revint alors depuis le large de Pa’aumea* jusque vers le large de Hakamo’ui. Les gens qui avaient poussé sa pirogue le virent. Ils dirent :
23– Voyez cet homme là-bas !
24Après avoir regardé, ils dirent :
25– Allons voir tous les deux à qui appartient cette pirogue.
26Elle avait été aperçue par ces deux hommes depuis Hakateivi*. Lorsqu’ils arrivèrent à Vaitumu’ua*, il fut clair que c’était la pirogue de ’Akau’i. Les deux hommes continuèrent à marcher pour aller tirer la pirogue. Tout bien examiné, il était tout à fait vrai que c’était ’Akau’i. Ils repartirent aussitôt vers l’intérieur des terres jusqu’à la maison. En voyant son ami de nom, Pa’etini dit :
27– Pour quelle raison reviens-tu, mon ami de nom ?
28’Akau’i dit :
29– Ami, le vent est mauvais.
30Pa’etini dit encore à ses sujets :
31– Allez de nouveau ramasser des os.
32Pa’etini ne savait assurément pas encore que son mana venu de l’O’ave s’était abattu. On ferma le four où cuisait le cochon. Les gens allèrent prendre un bain d’eau douce. Ils se rassemblèrent le soir, bien sûr, pour manger. Puis on alla ouvrir le four à cochon. Tandis qu’on l’ouvrait, les os aussi bien que les plantes2 étaient brûlés et réduits en cendres. ’Akau’i mangea de la pōpoi pour accompagner le kava. ’Akau’i dit alors :
33– Qui donc t’a dit, ô Pa’etini, mon ami de nom, que d’un cochon mort tu pourrais obtenir de nouveau de la graisse et de la chair ? Je vais te faire voir un cochon avec de la chair.
34On passa une nuit de sommeil. Aux premières rougeurs du matin, ’Akau’i monta vers l’intérieur sur la crête de Ha’eku’ata’ata’a*. Dès son arrivée, ’Akau’i cria pour appeler son cochon :
35– Makaia’anui !
36Le cochon se réveilla à Hanapa’aoa. Ses oreilles écoutaient le son de sa voix : d’où venait-il ? Au deuxième appel, c’était Hiva ’Oa ; au troisième appel, Nuku Hiva ; au quatrième appel, ’Ua Huka. Le cochon ne cessait pas d’écouter d’où venait le son de la voix. Au cinquième appel de ’Akau’i, ce fut Hatuiva* ; au sixième, Tahuata. Le cochon ne cessait d’écouter d’où venait le son de la voix de ’Akau’i. À la septième fois où la voix retentit, ce fut à Ua Pou ; la voix devint claire dans les oreilles du cochon. Le cochon se mit debout dans son enclos et quitta l’intérieur de la vallée de Hanapa’aoa. Des gens allèrent l’attacher, ils ne purent l’attraper. Il nagea dans la mer.
37Nageant depuis Hanapa’aoa, nageant, nageant, il parvint à aborder à Pa’aumea, sur les rochers. Il fit levier sur les rochers de Pa’aumea, ce qui fait que cet endroit s’appelle désormais « la Dent de Makaia’anui ». Il continua à monter depuis le rivage jusqu’à Tete’oteuhi’au, il continua à monter par le chemin. Les bonites qui s’étaient prises dans ses poils se détachèrent. Arrivé à Teavaite’aki*, il fouilla du groin pour faire de l’eau bourbeuse où se coucher. Après son bain, il écouta le son de la voix de ’Akau’i. Makaia’anui continua à monter par le chemin de Hakamo’ui. À son arrivée du côté de Ha’epapa*, les gens aperçurent Makaia’anui, les gens s’exclamèrent :
38– Qu’elle est grosse, cette bête !
39Le cochon descendit devant, avec derrière lui la foule des gens de Hakamo’ui, de la tribu des Ati Papa*. ’Akau’i arriva à Patekamo*, le cochon arriva à Niuniu. Les gens arrivèrent à Kaohe, il continua à descendre accompagné des gens à Vaipou’i, il grimpa de l’autre côté. Pa’etini le vit ; les gens étaient en train de pousser des exclamations depuis loin à l’intérieur des terres. À son arrivée vers le devant de la maison de Pa’etini, ’Akau’i était assis sur le sol. Makaia’anui arriva à côté de lui, le cochon grogna devant ’Akau’i. ’Akau’i lui dit :
40– Meurs !
41Makaia’anui mourut. Lorsqu’il fut tout à fait mort, ’Akau’i dit à la population :
42– Allumez le four.
43La population alluma le four. ’Akau’i dit alors à Pa’etini :
44– Voici le cochon, mon ami, c’est un cochon avec du souffle et de la chair.
45Pa’etini eut honte, assurément. Le cochon fut ouvert en deux. Quand ce fut fini de l’ouvrir, on arrangea les pierres du four, on le mit dans le four et on recouvrit ce cochon. Lorsque le four fut fermé, ’Akau’i fit alors connaître à Pa’etini ce qu’il avait à lui dire, il lui parla en ces termes :
46– Voilà pourquoi est brisé le mana que tu manifestais à partir des os de cochon. Lorsque je suis parti d’ici ce même jour, j’ai reçu l’urine des deux filles mangeuses de kōputu de l’O’ave. Je suis retourné sur mes pas et je leur ai lancé des pierres. Voici l’une des pierres qui nous ont servi à tous deux à nous amuser sur la rivière à Vai’aki et que j’avais enveloppées dans mon pagne.
47La population dit :
48– Le cochon est cuit.
49On disposa des feuilles de bananier pour servir de nappe. On découpa son cochon, ceci fini, on mangea. Tous les gens qui mangeaient ne suffirent pas à finir de manger Makaia’anui ; ils filèrent, ils en avaient par-dessus la tête. On partagea le cochon entre les parents : les Ati Papa en donnèrent à ceux de Tuhipū, de Nā’iki*, de Pēhā. Ce cochon Makaia’anui faisait sept brasses de long.
Notes de bas de page
1 Il y a probablement dans ces deux noms le souvenir d’un refrain pour accompagner le mouvement de la balançoire.
2 Les feuilles de ces plantes servent à envelopper les paquets de nourriture déposés au four.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Récits marquisiens
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://0-freemium-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3