La science de l’homme
p. 17-18
Texte intégral
1La pensée de Reid est une philosophie de la rupture et de la réaction face à une certaine impasse de l’idéalisme représentatif issu de Locke. Devant la disparition philosophique du monde matériel opérée par Berkeley, suivie par celle du sujet pensant avec Hume, accompagnée d’une prise de distance envers la raison, une reconstruction s’impose. Celle-ci devient possible grâce aux nouveaux fondements inspirés de la philosophie naturelle qui gagne son indépendance. La méthode de ce que nous appelons la science se porte au secours de la spéculation proprement philosophique. Nous nous intéresserons aux implications de ce scientisme nouveau qui constitue dans l’homme, à la fois son objet et son sujet. Cela nous portera à étudier le fonds cartésien qui apparaît dans l’évidence et dans l’innéité des principes du sens commun. Le danger du solipsisme étant inhérent à l’entreprise cartésienne, nous nous pencherons sur la manière originale adoptée par le philosophe écossais pour s’en affranchir et nous étudierons comment son naturalisme lui permet d’éviter les pièges du conceptualisme solipsiste que l’on peut trouver, par exemple, chez Berkeley.
2À son tour, ce naturalisme nous amènera à l’étude de l’aspect formel de l’idéalisme de Reid et de ses rapports avec les théories transcendantales de Kant, à travers lesquels il se montre à la fois plus dogmatique et moins métaphysicien que son illustre contemporain. On a parfois vu en Reid un philosophe de second ordre, incapable de soutenir la comparaison face à la révolution représentée par la pensée kantienne. Pourtant, le penseur de Koenigsberg n’a pas trouvé de successeurs dignes de ce nom et n’a pas véritablement permis à la philosophie de défendre sa primauté face aux avancées de la science matérialiste du xixe siècle. À l’inverse, Reid, en dépit de sa modestie clairement affichée et de sa méfiance envers la métaphysique, permet en fin de compte à celle-ci de s’affirmer comme science face à la science et de fournir une réponse de type inductif aux positivistes et donc de les contrer sur leur propre terrain. Tout en suivant une voie parallèle à celle de Kant, il tente d’aboutir à l’affirmation de la légitimité et de la vérité d’un savoir inductiviste appliqué à l’homme. Il annonce ainsi l’avènement des sciences humaines. Ayant défini la philosophie comme science, il reste à la doter de cette méthode empirico-inductive qui fit la gloire de Newton et permit au savoir de l’ancienne philosophie naturelle de se dégager de l’autorité fallacieuse des systèmes synthétiques et dogmatiques. Reid tente la transposition de cette méthode de l’objet extérieur au sujet à un objet intérieur à lui, c’est-à-dire au sujet lui-même. Nous évaluerons les tentatives menées par la philosophie du sens commun pour se rallier à l’induction et s’opposer à l’hypothèse alors qu’elle lui reste malgré tout apparentée. La méthode inductive se révélant finalement impropre à l’objectif essentiellement dogmatique assigné au sens commun, il nous appartiendra de définir la méthode effectivement suivie par Reid, celle qui, derrière l’induction se montre plutôt comme une démarche tautologique.
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