Biographie sommaire (1469-1527)
p. 11-17
Texte intégral
1Ces écrits mineurs s’inscrivent dans une vie et un travail qui se répartissent aisément en quatre périodes distinctes.
2De 1469 à 1498, Niccolò a vécu à Florence son enfance, son adolescence et sa jeunesse dans une famille aux origines nobles qui a fourni à la cité de nombreux magistrats de haut rang, mais une famille ramenée alors à une gloire et un niveau de vie bien plus modestes. Il reçoit néanmoins une éducation humaniste et suit les apprentissages scolaires typiques des familles aisées donnés par un maître privé, pendant lesquels il apprend le latin et, par goût plus encore que par nécessité, fréquente assidûment les historiens de l’Antiquité. Suivant une conception traditionnelle qui place la poésie aux origines et au sommet de la littérature, et dans une cité où, sous l’impulsion de Laurent le Magnifique, on plaçait si haut les arts en général et l’art poétique en particulier, c’est à la forme et aux compositions poétiques que Machiavel confi e ses premiers espoirs d’une carrière d’écrivain et commence avec diverses pièces une œuvre poétique qui s’étalera sur toute sa carrière : chants de carnaval, sonnets, épigrammes, capitoli, intermèdes musicaux et autres poésies d’occasions variées, dans le goût populaire de la littérature florentine du Quattrocento. Il ne se prive pas par ailleurs des divertissements et plaisirs de son âge, d’amours et d’amitiés, comme le laisse penser à maintes reprises sa correspondance épistolaire fournie, qui montre un Machiavel bon vivant, plaisantin, voire parfois libertin, aux diverses aventures extraconjugales qu’il ne cache pas. D’ailleurs, pour ce qui concerne les Statuts pour une société de plaisirs – renversement parodique égrillard de l’ordre moral et religieux – qui ne peuvent être antérieurs à 1504, il n’est pas sûr qu’ils ne soient pas à attribuer à une époque bien plus tardive. En avril 1498, éclatent en ville des émeutes contre les fidèles de Savonarole, qui dicte la conduite des Florentins depuis quatre ans, et à cette occasion est tué Francesco Valori, chef laïque du parti savonarolien, peu avant l’arrestation et la chute du célèbre moine prédicateur. Machiavel décrira Francesco Valori dans ses Portraits de citoyens florentins comme un administrateur méritant, consciencieux et efficace, sans parti pris, que caractérise essentiellement un sens profond de la patrie.
3De 1498 à 1512 : une intense activité publique au service de la République florentine. Nommé secrétaire de la République florentine à la mort de Savonarole, Machiavel vécut ensuite quatorze années d’intense activité publique, administrative et diplomatique. À la tête de la seconde chancellerie de la république – en quelque sorte un sous-ministère des Affaires étrangères, auquel s’ajoute presque aussitôt la sécurité du territoire – il est employé à la rédaction de multiples lettres, dépêches ou actes officiels, rapports et comptes rendus de réunions et d’assemblées, et se trouvera chargé de la coordination des activités militaires ainsi que de missions très diverses : de représentation, d’observation, de communication, de contrôle, d’inspection ou de négociation. À l’automne 1501, il épouse Marietta Corsini, qui lui donnera cinq enfants. L’année suivante Piero Soderini est élu gonfalonier à vie de la République florentine et, à partir de ce moment, se multiplient les missions diplomatiques. En sa qualité de secrétaire au service de la République de Florence, Machiavel se trouve de plus en plus souvent envoyé en mission hors de Florence, en Italie du Centre, à Rome et en Toscane surtout, mais aussi à l’étranger, en France, en Suisse ou en Allemagne. Ces missions sont souvent pour lui l’occasion de composer nombre d’écrits politiques liés à ses fonctions et missions ponctuelles tels que, pour donner quelques exemples parmi les textes précisément datés : en avril 1499 le Discours à la magistrature des Dix sur les affaires de Pise (De rebus pistoriensibus) ; en septembre 1501 le texte sur Les Affaires de Pistoia ; en mars 1503 il rédige pour le gonfalonier Soderini un discours sur la réforme des finances de la République : les Paroles à prononcer sur le projet de loi de finances ; en mai le texte Sur la nature des Français (De natura gallorum) ; en juillet-août De la manière de traiter les populations du Val di Chiana révoltées ; en 1506 un Discours sur l’organisation militaire de l’État florentin, et à partir de ce moment il lève, organise et dirige une milice dans le territoire florentin, dont il s’occupera entièrement jusqu’en 1511 ; en juin 1508 il rédige le Rapport sur l’Allemagne ; en septembre 1509 un Discours sur l’Allemagne et sur l’empereur ; en octobre 1510 un Portrait de la France ; en octobre 1512 un Portrait de l’Allemagne. Au milieu de ces multiples écrits politiques figurent également les quatre Capitoli (1506-1512), poésies allégoriques sur, respectivement, l’ingratitude, la fortune, l’ambition et l’occasion, ainsi que les deux petits poèmes en tercets entrelacés que Machiavel désigne comme Decennali, qui racontent de manière synthétique la décennie d’histoire de Florence et de l’Italie depuis 1494, année fatidique de la descente de Charles VIII en Italie, jusqu’en 1504 pour le premier, et jusqu’en 1509 pour le second commencé plus tard, en 1514, et resté inachevé.
4De 1513 à 1519 : le moment de l’inactivité politique. À la fin de l’été 1512, Florence ne résiste plus face à la pression des troupes espagnoles et pontificales de la « Sainte Ligue », et le gonfalonier Piero Soderini est contraint d’abdiquer et de quitter la ville. Le cardinal Jean de Médicis et son frère Julien rentrent alors à Florence avec l’aide des Espagnols, et instituent un nouveau régime de gouvernement. Machiavel, marqué par l’ancien régime et soupçonné d’avoir pris part à un complot contre les Médicis, vivra ensuite sept années de disgrâce pendant lesquelles, après une période relativement brève d’incarcération et de torture, il sera éloigné des affaires. Assigné à résidence pendant une année, c’est dans son petit domaine personnel de l’Albergaccio à Sant’Andrea in Percussina, à quelques lieues de Florence, que Machiavel s’éloigne bien malgré lui des lieux du pouvoir, contraint de se retirer des affaires, cantonné dans une inactivité pesante, suscitant pessimisme et amertume. Là, il médite sur le sort de l’Italie, ronge son frein et trompe l’oisiveté dans une intense activité d’écriture en espérant séduire les dirigeants médicéens et obtenir un emploi par une rentrée en grâce tant espérée auprès du nouveau régime. Le 10 décembre 1513 il écrit à son ami Francesco Vettori qu’il a composé Le Prince (De Principatibus). Il espère vainement entrer au service de Julien de Médicis, le fils de Laurent le Magnifique, désormais à la tête du gouvernement à Florence, et dédie Le Prince à Laurent de Médicis le Jeune. Au milieu de l’année 1515, il commence sans doute à fréquenter la libre académie qui se réunit dans les jardins du palais Rucellai, les Orti Oricellari, ce lieu privilégié de discussions érudites entre jeunes gens de l’aristocratie florentine aux tendances républicaines, mécènes et gens de culture. La fréquentation d’un milieu d’amis cultivés (Cosimo Rucellai, Battista della Palla, Iacopo Nardi, Zanobi Buondelmonte, Luigi Alamanni, Giambattista Gelli) lui permet d’échanger des propos savants, mais aussi historiques et politiques, tout en continuant d’espérer un retour en grâce. Il y a alors probablement donné lecture de divers passages de ses Discours sur la première décade de Tite-Live, commencés dès 1513. Inspiré par la lecture du Roland furieux de l’Arioste, dont il déplore dans une lettre l’absence de son nom au rang des poètes contemporains cités par l’Arioste, Machiavel compose en décembre 1517 le poème satirique et burlesque en tercets L’Asino, inspiré d’Apulée, qui met en scène le travestissement du narrateur en âne. Très probablement écrite en 1518, sa comédie La Mandragore, qui ne sera peut-être jouée que deux ans plus tard, offre alors dans sa préface versifiée l’image célèbre d’un auteur rempli d’amertume pour une inactivité professionnelle forcée qui dure, et dont il n’arrive pas à voir la fin en dépit de tous les efforts faits pour regagner la confiance des dirigeants de la cité. Certains placent également en 1518 (mais d’autres en 1526) la nouvelle comique et grinçante de L’Archidiable Belphégor qui met en scène un diable venu sur terre pour faire l’expérience de l’humanité quotidienne et de la vie conjugale dans une famille florentine et qui, épouvanté, s’enfuit précipitamment de notre monde. Et c’est en 1519 qu’il commence à rédiger le dialogue de l’Art de la guerre.
5De 1520 à 1527 : le retour aux affaires. Au cours des sept dernières années de sa vie, Machiavel parvient à renouer avec la vie publique de Florence. Engagé comme historien officiel des Médicis par le Cardinal Jules de Médicis, il est chargé de rédiger notamment les « annales et chroniques » de Florence, tâche dont il s’acquittera en 1525. Il recommence également à remplir diverses missions publiques, mais de plus modeste importance au regard de toutes celles qui autrefois lui furent confiées : la première dès l’été 1520 quand il part pour une obscure mission de récupération de créances à Lucques pour le compte de la République et d’une compagnie de marchands. Là, il rédige en quelques semaines la Vie de Castruccio Castracani de Lucques, une biographie dans le genre historique mais passablement aménagée. À la fin de l’année il compose le Discours sur les choses de Florence après la mort de Laurent de Médicis le Jeune, destiné au pape Léon X, sur demande du Cardinal Jules de Médicis. En août 1521 paraît l’édition de l’Art de la guerre. Entre 1523 et 1524 Machiavel rédige l’Histoire de Florence. En janvier 1525 a lieu la première représentation de la Clizia, une nouvelle comédie, autobiographique probablement, mettant en scène ironiquement sa propre passion pour la jeune cantatrice Barbara Raffacani Salutati, à laquelle sont adressées également diverses poésies. Et au printemps, Machiavel se rend à Rome présenter au pape, Jules de Médicis, connu désormais sous le nom de Clément VII, les six premiers livres de son Histoire de Florence que le Cardinal Jules lui-même lui avait commandée. C’est à l’automne 1525, ou peut-être 1524, que l’on situe généralement aujourd’hui la rédaction d’un petit traité de linguistique digne du plus grand intérêt, le Discours sur le sujet de notre langue, dont la paternité intégrale n’est toujours pas admise par tous. Participant d’une polémique qui fera long feu au cours du siècle, Machiavel y défend âprement la thèse de la supériorité sur toute autre de la langue florentine d’usage contre le purisme et la langue de cour. Et l’on peut supposer que l’Exhortation à la pénitence a été écrite en 1526. Après une année 1526 politiquement et militairement très agitée en Italie par l’imminence de la guerre, pendant laquelle Machiavel est passablement sollicité pour diverses missions, le gouvernement médicéen tombe une fois encore et le nouveau régime écarte Machiavel du secrétariat de la nouvelle chancellerie. Il tombe malade peu après et meurt le 21 juin 1527.
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