Argumentation et problématisation à l’épreuve du doute, un modèle pour décrire la construction de la « philosophicité » dans une DVDP
p. 219-238
Texte intégral
Introduction
La « philosophicité » des échanges dans les DVDP
1Au cœur des DVDP se trouvent deux principes fondamentaux inter-dépendants qui font qu’une discussion puisse être à la fois démocratique et philosophique. Le premier concerne la coopération, donnée en même temps par la co-animation solidaire de la discussion via les rôles complémentaires1 et par la coopération sur le fond, renvoyant à une recherche de validité commune, lorsque par exemple un élément apporté par un élève est repris et développé par un autre élève ou par plusieurs. La confrontation est vécue elle aussi sur le mode coopératif, car la démarche argumentative n’est pas un exercice rhétorique visant à persuader l’autre, mais une confrontation entre idées, mise au service de la construction de sens (Tozzi, 2015). D’où le deuxième principe, celui d’une « nécessité rationnelle de fonder la validité de son propos et de déconstruire les réponses toujours trop vite données » (Tozzi, 2007) ». Par ailleurs, Michel Tozzi souligne l’importance d’un autre élément qui définit la « philosophicité » d’une réflexion : « un questionnement authentique sur les problèmes de sens et de valeur posés à la condition humaine, une (auto) interrogation sur ses certitudes et celles d’autrui. » La compétence philosophique de problématiser est également présente dans la démarche de recherche partagée. Cela nous amène à supposer que le questionnement, habituellement envisagé comme étant individuel, peut être aussi coopératif. Or, se questionner suppose un espace : celui du doute.
2Nous faisons ainsi l’hypothèse que l’argumentation et la problématisation, de par leur visée de mise en question de la validité d’une réponse, pour l’une, et de la certitude elle-même, pour l’autre, participent ensemble à la construction de la « philosophicité » dans un dialogue philosophique. Ainsi, l’activité de justification, de questionnement et de coopération pourraient fournir ensemble les indicateurs nécessaires pour observer comment se construit la « philosophicité » dans les interactions entre les élèves.
Le choix du doute
3Notre contribution propose une analyse qui suit à la trace « linguistique » l’activité de douter dans le but d’éclairer la construction de la « philosophicité » autour de la notion de « mise en question ». Le doute apparaît dans les deux démarches déjà évoquées : la validation argumentative par une autocritique du locuteur (remise en question de ses propres réponses) ou par une opposition/restriction face aux réponses proposées par les interlocuteurs ; et la problématisation, ou la manière-même de mettre un problème en question. Celle-ci, en contexte dialogique, mesure à la fois la distance entre le locuteur et la question traitée, et la distance que le locuteur prend par rapport aux réponses des interlocuteurs. Michel Meyer (2009) appelle cet intervalle une « différence problématologique » qui permet de garder une distinction ouverte entre la question et les réponses. La problématisation intervient presque comme une activité métacognitive fournissant bon nombre d’indices sur le caractère philosophique de l’échange.
4Notre choix s’appuie sur deux raisons. La première est liée aux caractéristiques de la discussion analysée. Dans la DVDP, les élèves se livrent d’abord à une démarche de justification et fournissent tour à tour des exemples et des raisons à la question initiale. Par la suite, ils réfléchissent à un exercice de partage d’un gâteau, qu’ils sont invités à faire de la manière la plus juste possible. Nous identifions ainsi dans la structure-même de la discussion une première démarche fortement argumentative, et une deuxième davantage problématisante.
5Cependant, une deuxième raison nous engage sur les traces du doute. Celle-ci concerne l’intérêt et la motivation des élèves pour entrer dans une communauté de recherche, dans une coopération réflexive, et par ce moyen d’anticiper sur la « philosophicité » de leur échange. Dans son ouvrage Thinking in Éducation, Matthew Lipman avait préconisé une condition préalable pour un engagement des élèves dans le dialogue philosophique, dont la responsabilité incomberait à l’animateur. Voici l’extrait auquel nous faisons référence :
Des enseignants peuvent poser des questions et les élèves peuvent y répondre sans qu’aucun des deux partenaires éprouve le moindre doute ou embarras et sans qu’il soit vraiment fait appel à une pensée authentique. […] Un obstacle peut cependant surgir et rendre inévitable la recherche : on peut se trouver confronté à une aberration, une contradiction, un imprévu, qui nécessiteraient réflexion et approfondissement. […] Il faudrait prévoir un espace disponible pour ce qui peut faire l’objet de doutes ou de problèmes. On pourrait ainsi capter l’attention nécessairement relâchée des élèves. Ce serait une stimulation à former une communauté de recherche. (Lipman, 2006, p. 33-34)
6Aussi, une interrogation constitue le point de départ de notre recherche : est-il possible d’identifier un espace consacré au doute dans la DVDP analysée ? Si oui, nous aimerions savoir comment les élèves l’investissent et comment l’animateur participe à sa création. Curieux avant tout de découvrir comment les élèves s’emparent du doute lorsqu’ils participent à la recherche philosophique, nous avons choisi de nous concentrer principalement sur leurs conduites langagières et réflexives.
7Cette contribution commence par expliciter le paradigme théorique dans lequel nous nous situons pour circonscrire l’acte de douter. Elle présente par la suite les choix méthodologiques permettant l’observation du doute pour l’illustrer ensuite avec des extraits du corpus. Enfin, nous proposons un modèle d’analyse philosophique et linguistique du doute qui mobilise à la fois des actes philosophiques sous-tendus mais aussi des éléments de nature énonciative et discursive que sont la situation d’énonciation et de co-énonciation, la modalisation ou l’attitude du locuteur à l’égard de ce qu’il énonce, et enfin les rôles actantiels (« Proposant », « Opposant » ou « Tiers ») des locuteurs dans le discours. Nous faisons le pari que ce modèle permet d’explorer, à partir de traces langagières et des habiletés de pensée mobilisées, les conditions de l’expression du doute dans une discussion philosophique. Il pourrait ainsi éclairer non seulement les moments philosophiques présents dans une discussion mais aussi l’exigence même de « philosophicité » des échanges. Le modèle devra par la suite être testé, ajusté et stabilisé en l’appliquant à d’autres discussions.
Paradigme pragmatiste et pragmatique du doute
8Dans la démarche de problématisation du doute, nous avons retenu trois repères théoriques issus d’approches philosophiques et éducatives d’orientation pragmatiste, qui ont d’ailleurs fortement inspiré la pratique de la philosophie avec les enfants.
Une conception philosophique originale
9Mise en évidence par Claudine Tiercelin (2005), dans un ouvrage mettant le doute lui-même en question, la démarche pragmatiste du doute inclut deux conceptions originales, clairement anticartésiennes et « anti-sceptiques » : celle de Charles Sanders Peirce (1877), axée sur le rapport entre le doute et la croyance et celle de Ludwig Wittgenstein (1987), davantage axée sur la certitude. Pour ces auteurs, le doute s’appuie forcément sur des croyances. Ainsi peut-on exiger du locuteur qu’il justifie ses doutes, au même titre que ses certitudes. Si l’on accepte que certaines choses doivent être douteuses pour que d’autres ne le soient pas, il devient donc nécessaire de justifier le doute.
10Peirce fera du doute la raison d’être de toute pensée : « la seule justification du raisonnement, c’est de calmer le doute. » (Peirce, 1958, vol. 1, p. 166). En effet, le sémiologue et philosophe américain inscrit le doute dans la démarche générale de la recherche, en l’abordant tour à tour sous l’angle épistémique, psychologique et logique. Il observe d’abord que le doute et la croyance sont « deux états d’esprit au sentir différent […] la même différence que celle qu’il y a entre le rouge du bleu ou le plaisir de la douleur » (ibid., vol. 1, 172). Mais le sentiment n’étant pas suffisant, une deuxième différence, cette fois pratique, peut être observée entre une habitude qui détermine nos actions et une absence d’habitude correspondant au moment du doute (ibid., vol. 1, p. 221). Enfin, en parlant du doute, il évoque un inconfort épistémique, « un état de malaise et [d’] insatisfaction dont on cherche, en luttant, à se libérer pour atteindre l’état de croyance » (ibid., vol. 1, p. 166).
11Cette description a été reprise dans la même tradition pragmatiste par John Dewey (1910) et poursuivie plus tard par Lipman (2006) qui confère au doute un rôle davantage épistémique. La pensée réflexive et chacune de ses opérations réfléchies se caractérisent par deux traits essentiels : d’abord un état de perplexité, d’hésitation ou de doute, suivi d’une activité comprenant des recherches dirigées vers la découverte d’autres faits qui servent à confirmer ou infirmer l’opinion suggérée, dans un processus de validation.
La visée éducative du doute
12Peirce et Dewey ont également fortement influencé la conception de « communauté de recherche philosophique » qui sera introduite par Matthew Lipman dans le champ de l’éducation. En s’inspirant de ses prédécesseurs, Lipman (2006) développe une méthode pour éduquer la pensée. Il s’agit d’organiser une discussion dans laquelle les élèves cherchent ensemble une solution, grâce à une démarche qui permet d’éliminer au fur et à mesure, par une activité critique, les raisonnements non pertinents. Pour lutter contre toute paralysie de la pensée, pour développer la réflexion et une pensée authentique, celui-ci souligne la nécessité de « prévoir un espace disponible pour ce qui peut faire l’objet de doutes ou de problèmes » (Lipman, 2006, p. 34). Le doute est alors « institutionnalisé et légitimé », grâce à l’acte de questionner. Dès lors, l’auteur reprend la description de l’acte de pensée proposée par Dewey, pour présenter l’acte de questionner en deux mouvements : « la question apporte le doute dans les esprits » et « le doute marque le début de la recherche » (ibid., p. 103). Pour Lipman, le questionnement devient ainsi fondamental en éducation, car il permet à la fois une évaluation critique des opinions et une ouverture vers une recherche collaborative. Cela explique pourquoi la place de la critique (rationalité) est pondérée par celle de la créativité (subjectivité) et par le souci de l’autre (inter-subjectivité). Il en résulte un nouveau concept défendu par Matthew Lipman : la « raisonabilité ».
13On retrouve chez Michel Tozzi (2007) la même finalité éducative attribuée au doute à travers deux des compétences philosophiques visées par la pratique des DVDP : la problématisation et l’argumentation. Observons que l’activité argumentative à visée éducative consiste à fonder et à objecter, dans un mouvement de confrontation entre les idées, et non pas entre les personnes. En cela, elle se distingue clairement de toute démarche argumentative rhétorique. Et pourtant, serait-il possible dans un contexte interactionnel et ouvert à la négociation, d’isoler dans l’activité argumentative l’élément rationnel (logos), sans prêter attention à la subjectivité (éthos) et à l’intersubjectivité (pathos) ? Certainement pas, et un des points à questionner dans cette approche éducative rationaliste est justement le caractère universel de l’auditoire implicitement visé.
Le doute dans les théories argumentatives
14Les recherches actuelles sur l’argumentation mettent l’accent sur l’importance du dialogue dans l’activité argumentative, modélisée sous la forme des positions contradictoires en interaction. L’argumentation inclut cette fois le pathos et l’éthos, le dernier renvoyant entre autres à la polyphonie et donc à la construction et prise en charge d’un « point de vue » (Plantin, 2015), dorénavant PDV.
15« Le déclencheur de l’activité argumentative est la mise en doute d’un PDV. » (Plantin, 2005, p. 52). Mettre en doute et douter se distinguent comme étant des actes sous-tendus par des rôles argumentatifs distincts : d’une part remettre en question une proposition revient à s’y opposer, alors que douter suppose de sortir d’une confrontation directe de type opposition-proposition pour finalement suspendre tout assentiment à une proposition, qu’on la rejette ou qu’on l’envisage à titre d’hypothèse : « La communication est pleinement argumentative lorsque cette différence [opposition discours/contre-discours] est problématisée en une Question, et que se dégagent nettement les trois rôles actanciels de Proposant, d’Opposant et de Tiers. » (ibid., p. 63). Finalement le rôle joué dans le dialogue par celui qui doute (le Tiers) va graduellement de l’ignorant, qui « ne sait pas », vers le « sans opinion », pour arriver enfin à celui qui, en voulant se prononcer en état de cause, suspend son assentiment.
Trois acceptions du doute
16Nous pouvons ainsi définir trois types de situation dans lesquelles le doute intervient : lorsqu’il y a hésitation dans l’expression d’un PDV d’un locuteur impliquant une modalité de possibilité ou d’incertitude ; lorsqu’il y a réaction ou remise en question d’un PDV exprimé par un interlocuteur (critique, restriction, désaccord) ou par le locuteur lui-même (autocritique) ; et enfin lorsqu’un locuteur refuse de donner son assentiment à un PDV, et suspend donc son jugement tout en gardant le doute ouvert (problématise). Ces trois distinctions seront présentes dans l’analyse proposée ci-après, dans l’objectif de donner une perspective nuancée de l’expression du doute : soit comme indicateur d’incertitude (D1), soit comme une modalité de mise en question donc argumentation (D2), soit comme un outil de problématisation (D3).
Outils d’analyse
Indicateurs de l’activité de douter
17Comment observer le doute, cet état d’esprit qui n’est pas visible directement, voire impossible à observer lorsqu’il se passe uniquement dans la tête d’un locuteur ? (Sasseville, Gagnon, 2007). Tout d’abord, il s’agit de regarder les paroles et les autres comportements langagiers qui accompagnent cet état d’esprit. Lorsqu’un participant dit, en présageant cet état, « je doute », « je ne suis pas sûr », « je ne sais pas trop », « il se pourrait », « peut-être », « ça dépend » etc., il donne des indices, mais en aucun cas des preuves qu’il est en train de douter. Nous pouvons également prêter attention à la manière dont un locuteur exprime ses idées : lorsqu’il hésite (éprouve un embarras dans l’élocution, réalise des ratures orales) ou devient silencieux, où lorsqu’il envisage ses idées sous la forme d’une hypothèse ou d’une possibilité, il est possible qu’il soit dans un état de doute. Une autre façon d’examiner le doute, et c’est peut-être d’ailleurs le cas le plus fréquent, est d’observer l’absence de certitudes. La modalisation dans la langue est par conséquent un excellent outil d’observation du rapport qu’entretient le locuteur avec sa propre production, des positions énonciatives qu’il prend vis-à-vis des opinions qu’il met en scène (Vion, 2012) et du rapport qu’il négocie ainsi avec ses co-énonciateurs (De Nuchèze, Colletta, 2002). Enfin, l’intonation, les mimiques et les gestes complèteraient le panel de ressources à exploiter. Néanmoins, nous avons choisi de nous intéresser ici uniquement aux ressources verbales.
18L’analyse de l’expression du doute a nécessité au préalable la transcription des paroles de l’animateur et des élèves, puis un travail d’annotation (réalisé avec un logiciel de traitement multimodal, ELAN® https: // tla.mpi.nl/tools/tla-tools/elan/) et d’analyse à l’aide de critères définis à partir des références théoriques. Nous avons donc tenté de combiner des outils d’analyse philosophique et des outils d’analyse linguistique.
19Portant intérêt aux rapports entre la pensée et le langage, nous avons procédé à la mise en place de différents tamis pour filtrer les expressions du doute. Le modèle élaboré à partir de ces éléments invite l’analyste à regarder d’abord les actes de pensée, appelés aussi « habiletés de pensée » (Lipman, 2006). Parmi une multitude d’habiletés qui ont été détaillées à la suite des travaux de Lipman (Sasseville, Gagnon, 2007, p. 13), c’est l’acte de douter qui nous intéresse spécifiquement. À celui-là nous associons de près des habiletés comme : questionner, problématiser, complexifier, contredire, nuancer, reconnaître l’ignorance, s’autocorriger, etc. ; tandis que d’autres habiletés sont associées de plus loin, en ce qu’elles participent d’ordinaire à la réalisation de celles-ci. Aussi, pour s’autocorriger, il est nécessaire d’évaluer des raisons, en passant par exemple par l’établissement des critères etc. Ou encore pour nuancer, on peut être amené à distinguer et contextualiser, voir apporter des contre-exemples. Disons que les habiletés directement associées au doute conservent un caractère plus général permettant d’inclure également d’autres actes de pensée plus spécifiques.
Actes de philosopher (Tozzi, 2007) | Conceptualiser – Problématiser – Argumenter |
Habileté de pensée (Sasseville, Gagnon, 2007) | Douter / Hésiter / Reconnaître l’ignorance / S’autocorriger (D1) |
Point de vue (Vion, 2012 ; Rabatel, 2003) | PDV non explicite / PDV justifié / PDV qui s’oppose / PDV nuancé / PDV repris / PDV suspendu / PDV co-énoncé etc. |
Modalisation | Éléments lexicaux : |
Rôles argumentatifs (Plantin, 2005) | Proposition / Opposition – Restriction / Tiers |
20Un deuxième tamis est celui des conduites linguistiques. Il y a d’abord le PDV, que Rabatel (2003) définit comme étant l’expression linguistique d’une perception subjective qui rend compte d’une opinion particulière manifestant à la fois la saisie des objets du monde et la façon dont le sujet les saisit. Le PDV peut avoir des statuts différents, selon la fonction qu’il remplit dans la logique du discours : non explicité, justifié, repris, opposé, suspendu etc. Parmi les modalisateurs, on compte les marqueurs syntaxiques qui accompagnent dans le discours la réalisation de ces actes (marqueurs lexicaux : verbes, adverbes, semi-auxiliaires-modaux ; morphologiques : modes verbaux etc.) et qui nous amènent à examiner la manière dont les participants expriment leur idées. Enfin, pour la dimension interactionnelle, nous nous sommes intéressées aux rôles joués par les participants dans l’argumentation visant soit la verbalisation d’une problématique soit la verbalisation d’un argument ou d’un contre-argument. Le tableau 1 reprend les éléments évoqués ci-dessus.
Thématique et spécificités de la discussion
21Dans une approche empirique et interactionniste, la prise en compte des spécificités du dispositif peut permettre d’évaluer, par exemple dans le cadre de la discussion analysée, la réalisation ou non des conditions préalables d’une coopération et d’une confrontation entre des PDV. Les métadonnées nous fournissent des informations notamment sur la dynamique de la discussion : malgré un aspect fortement argumentatif caractérisant les interventions (les élèves justifient beaucoup leur PDV, apportent des exemples etc.), presque aucun échange n’expose une confrontation directe entre un « Proposant » et un « Opposant », comme le souligne Claire Polo2, mais il est le plus souvent médié par l’animateur. En effet c’est l’animateur qui met en scène les remises en questions principalement par de nombreux épisodes de reformulation (analysés par Michel Tozzi p. 84 et suiv. du présent volume). Cela nous permet de distinguer les prises de rôle spontanées de celles médiatisées par l’animateur, et de mesurer le degré d’autonomie des habiletés présentes chez les participants.
22Quant à la thématique de la discussion, nous avons déjà distingué deux parties. Dans la première, à partir de la question « Pourquoi on dit : c’est pas juste ? », les élèves sont invités ouvertement à argumenter, à chercher des exemples et des raisons. Dans la seconde, à partir d’une situation concrète de partage de gâteau : « quelle est la manière la plus JUSTE de couper un gâteau ? » (199), les élèves doivent faire des propositions pour partager un gâteau, tout en expliquant leur choix. Dans notre étude, on pourrait s’attendre à trouver davantage d’occurrences du doute liées à l’argumentation dans la première partie que dans la deuxième, et des occurrences du doute liées à la problématisation plus nombreuses dans la seconde partie que dans la première. C’est une hypothèse que nous allons confronter aux données du corpus.
Résultats de l’analyse
23Pour mieux se représenter les événements de la discussion en lien avec l’activité de douter – dans une approche d’abord descriptive –, nous disposons des mesures suivantes : le nombre total de tours de parole (TP) des élèves ; le nombre total de PDV exprimés par les élèves ; le nombre des TP qui contiennent un ou des PDV ; la distribution de ces TP avec PDV dans l’ensemble des TP des élèves ; le nombre total d’habiletés de pensée (HP) mobilisées par les élèves dans la discussion ; la distribution des HP dans l’ensemble des TP qui contiennent un ou des PDV ; le nombre d’actes de douter (AD) et selon le type de doute (D1, D2 et D3) - dans l’ensemble des HP mobilisées ; le nombre d’éléments de modalisation (M) et leur ratio par rapport au nombre de TP avec PDV ; enfin le nombre de rôles argumentatifs (RA) exercés par les élèves dans l’interaction.
Habiletés de pensée et actes associés au doute
24Le nombre total d’interventions des élèves (231) représente, par rapport à l’ensemble de la discussion, un peu plus de la moitié du nombre total de prises de paroles. Les mesures ci-dessous (tableau 2) montrent qu’un tour de parole d’élève sur quatre exprime un PDV (26 %). Tous les TP ne contiennent pas de PDV, c’est le cas des réponses positives (« oui ») ou négatives (« non ») ; des confirmations (« c’est ça ») ; des actes de langage simples (« je ne sais pas ») ; lorsque l’élève se voit attribuer le rôle de distribuer la parole et nomme le prochain locuteur (« je vais donner la parole à… ») ; des interpellations faites par ceux-ci (« est-ce que tu as quelque chose à dire ? ») ; les TP qui se réduisent à des hésitations (« parce que enfin », « heu ») etc. Observons également qu’il existe des TP qui contiennent plus d’un PDV et c’est, en effet, le cas de deux interventions que nous allons présenter dans les illustrations.
Nb TP élèves | Nb PDV | Nb TP avec PDV | Pourcentage de TP avec PDV/TP | |
Discussion (partie 1 et 2) | 231 | 63 | 61 | 26 % |
25Comme certains TP ne contiennent aucune habileté de pensée, nous avons choisi de rapporter le nombre d’habiletés de pensée au nombre d’interventions exprimant un PDV. Comme présenté dans le tableau 3, un élève mobilise en moyenne 3 habiletés de pensée dans une intervention où il exprime un PDV. Parmi de nombreuses autres habiletés on retrouve le doute et les actes associés au doute que nous regroupons ainsi : hésiter – douter – reconnaître l’ignorance – s’autocorriger (D1) ; nuancer – contredire – contre-exemple – contextualiser (D2) ; questionner – problématiser – chercher – complexifier (D3). Nous observons également que les actes de doute représentent environ 1/3 des habiletés de pensée. Cela montre un degré non négligeable de problématisation et de remise en question dans les prises de position des élèves.
26En détaillant les trois types de doute mobilisés par les élèves selon l’exercice qu’ils réalisent, nous obtenons les résultats suivants :
27Nous observons que dans la première partie de la discussion les actes d’opposition ou de restriction (D2), et ceux exprimant un doute ouvert (D3), sont plus nombreux que dans la seconde (le double) ; alors que le doute comme indicateur d’incertitude (D1) est davantage présent dans la seconde partie (deux fois plus que dans la première).
28Notre hypothèse selon laquelle il y aurait plus d’activité argumentative et, par conséquent, plus de D2 dans la première partie de la discussion par rapport à la seconde se vérifie si l’on considère D3 comme faisant partie de l’activité argumentative. En revanche, la seconde partie ne se caractérise pas par du doute ouvert (D3), comme nous l’avons supposé, mais par une présence importante d’hésitation, d’absence de certitude et d’auto-remise en question (D1). Cela peut nous rendre attentif à une distinction à opérer entre une auto-interrogation ou questionnement de sens (l’acception de la problématisation, selon Michel Tozzi), qui serait spécifique à une situation d’énonciation, et une problématisation en contexte argumentatif, liée davantage à la co-énonciation.
La place de la modalisation
29Nous avons observé que pour formuler une opinion et entrer dans une activité de justification, les participants s’appuient sur la modalisation. Ainsi, ils expriment leur attitude par rapport à ce qu’ils énoncent : « bah:: je pense que y a un p(e)tit peu de l’injustice » (157) ; « donc *chpense que:: bah même si quelqu’un travaille mal // heu bah i(l) devrait avoir autant de nourriture que tout le monde » (318) ; mais aussi leur attitude par rapport à leur propre énonciation : « i(l) y a un exemple mais je l’ai pas j’l’ai pas passé quoi c’est pas vrai » (95) ; « on le pense vraiment // (en)fin on le pense peut-être mais pas beaucoup beaucoup » (68). Les deux types de modalisation peuvent coexister dans la même intervention (169) : « … c’est vrai que les personnes // si elles l’auraient su elles l’auraient (x) donc y aurait peut-être personne de mort mais heu j(e) trouve que la nature c’est en fait eh ben c’est comme l’homme sauf que heu c’est pas la même chose. »
30Les mesures effectuées nous montrent (cf. tableau 5 ci-après) que les élèves utilisent en moyenne 3 modalisateurs dans une intervention contenant un PDV, avec des variations allant de 2 modalisateurs par intervention dans la première partie à 4 modalisateurs dans la seconde. Les interventions des élèves sont généralement longues, ce qui laisse suffisamment d’espace à l’expression de la subjectivité (modalisation), mais peut-être au détriment d’une dynamique interactionnelle.
Discussion | TP avec PDV | Nb. Modalisations | Ratio Modalisations/TP avec PDV |
Partie 1 | 37 | 79 | 2,13 |
Partie 2 | 24 | 95 | 3,95 |
Total 1+2 | 61 | 174 | 2,85 |
31Parmi les formes les plus fréquentes de modalisation on compte les verbes d’opinion (« je crois », « je trouve », « je pense ») dont des verbes qui expriment clairement le doute ou l’absence de certitude (« je sais pas trop », « je crois », « je trouve que », « il me semble que »). Il y a ensuite des adverbes modalisateurs (« normalement », « sûrement », « justement », « vraiment ») avec des formes qui expriment clairement le doute (« peut-être », « un peu », « pas forcément »). Les élèves utilisent également les semi-auxiliaires modaux (« on peut avoir », « ça peut être », « on peut pas faire autrement », « on peut pas le savoir ») ainsi que le mode conditionnel pour envisager les choses sous l’angle de la possibilité plutôt que sous l’angle de la certitude.
Présence de rôles actantiels argumentatifs
32Nous avons observé la distribution des rôles actantiels dans la discussion selon le type de rôle et selon l’exercice réalisé. Les rôles argumentatifs s’exprimant à l’aide des actes de pensée, nous avons regardé leur présence par rapport à l’ensemble d’habiletés (exprimer une opinion, donner une raison, un exemple ou un contre-exemple, problématiser etc.)
Tableau 6 : Distribution des rôles argumentatifs, selon le type d’exercice
33Les rôles argumentatifs sont plus nombreux dans la première partie de la discussion que dans la deuxième (45 contre 29). On voit, dans la première partie, que 42 % des habiletés de pensée correspondent à l’expression d’un rôle actantiel, les postures de « Proposant » étant les plus nombreuses. Nous remarquons que tous les rôles de « Tiers » se manifestent dans la première partie qui propose aux participants un exercice à visée argumentative. Autrement dit, dans la discussion analysée, les participants problématisent lorsque l’exercice est clairement argumentatif, et ne problématisent pas ou peu lorsqu’ils s’engagent dans l’exploration d’hypothèses, comme c’est le cas dans la deuxième partie. Cela pourrait être une piste de travail pour les enseignants ou les animateurs qui souhaitent encourager chez les élèves la pratique et le développement d’une habileté comme celle de problématiser.
34En résumé, dans la première partie, où les élèves sont invités à formuler des exemples de situation où on dit « c’est pas juste », il y aurait davantage d’expressions du doute lié à l’activité argumentative (problématisation et remise en question des PDV) et donc à la co-énonciation. En revanche, la seconde partie, dans laquelle les élèves font des propositions dans le cadre de la résolution d’un problème de partage, se caractérise par la présence de l’incertitude exprimée au niveau de l’énonciation, et également par une présence plus importante de modalisation.
Illustrations
35Nous présentons d’abord deux situations contenant plus d’un PDV, et dans lesquelles le doute participe à l’évolution d’un PDV à l’autre. À la question posée par l’animateur : « Pourquoi on dit : c’est pas juste ? », Melvil donne (61) un PDV justifié, en évoquant son expérience de frère ainé. Il utilise le critère de l’âge pour évaluer les droits dans la fratrie. Ainsi selon lui, dire « ce n’est pas juste » renvoie à une réalité : « c’est vraiment pas juste », car ce n’est pas juste que sa petite sœur puisse avoir plus de droits que lui. Et voilà comment Lou, quelques tours plus tard, reprend l’exemple de Melvil :
68 Lou : ben moi je pense que c’est plutôt pour l’injustice (en)fin:: des fois i(l) y a des injustices par exemple heu justement l’exemple de Melvil il était bien (en)fin::: // des fois i(l) y a des frères et des sœurs qui ont des injustices mais des fois c’est toi qui a/qui a plus de chance et des fois c’est l’autre qui a plus de chance donc des fois on dit c’est pas juste // mais (en)fin on le pense vraiment // (en)fin on le pense peut-être mais pas beaucoup beaucoup
36On est donc en présence d’un PDV repris, permettant à Lou de nommer cette réalité – l’« injustice ». Dans certains cas (« des fois » marquant une restriction), il y a de l’injustice. Mais Lou parvient à accentuer à la fois la certitude avec laquelle on pense cette injustice (« on le pense vraiment ») et le fait que celle-ci ne résiste pas à l’examen de la réflexion (« on le pense peut-être mais pas beaucoup beaucoup »). Elle propose donc un deuxième PDV qui problématise le concept même d’injustice, en s’appuyant sur l’exemple de Melvil mais en introduisant la perception de l’injustice : chacun subit à son tour l’injustice. La modalisation participe à ce processus, car « je pense » initialement utilisé pour exprimer une opinion devient « on le pense » pour exprimer un énoncé à portée plus générale. « On » introduit ici un énoncé pris en charge par la locutrice, s’agissant d’un « je » ou d’un « nous » engagés. D’ailleurs l’adverbe de modalisation, « vraiment », va dans le même sens de l’implication. Et pourtant la locutrice s’en sert pour interroger le sentiment d’injustice. En employant un modalisateur du doute, « peut-être », Lou exprime cette opposition par l’utilisation du connecteur restrictif « mais », et à nouveau une modalité, cette fois un quantificateur restrictif, « pas beaucoup », dont la répétition augmente l’effet visé. Finalement, le caractère problématique résulte du degré de réalité que l’on accorde à ce sentiment d’injustice.
37Le deuxième TP se prête à une analyse similaire. Voici l’intervention de Candice qui apporte un PDV englobant différents sens de l’expression « c’est pas juste » :
85 Candice : moi je pense qu’(il) y a plusieurs (en)fin heu // plusieurs sens de c’est pas juste parce que y a/heu (il) y a // c’est pas juste qui peut créer un conflit par exemple heu qui est vraiment dans l’inégalité heu // par exemple heu : // je sais pas trop {rires} // (il) y a aussi heu le c’est pas juste bah un peu heu // capricieux on va dire // (en)fin qu’on pense pas trop // qui est plutôt heu heu c’est pas juste heu mais en fait c’est juste (en)fin heu voilà et ben après heu ça dépend des situations mais
38Candice mobilise de nombreuses habiletés de pensée : elle asserte un PDV (« je pense »), complexifie la notion d’injuste, en lui attribuant plusieurs significations ; distingue entre un effet de l’injustice et un caprice ; recherche un exemple, même si elle ne le trouve pas immédiatement, ce qui lui donne l’occasion de reconnaître son ignorance ; tente de définir le mot « capricieux » (« on va dire // (en)fin qu’on pense pas trop »). Le PDV asserté mais nuancé évolue vers un PDV problématique, identifiable par son expression paradoxale (« c’est pas juste mais en fait c’est juste »). Pour comprendre ceci, suggère l’élève, il est nécessaire de contextualiser (« ça dépend des situations »). Les deux illustrations analysées combinent une restriction et une problématisation, le rôle de « Tiers » se préfigurant à chaque fois dans la logique argumentative des échanges.
39Dans les illustrations ci-après, nous analysons deux interventions de la seconde partie de la discussion, pour voir comment se croisent les rôles actanciels argumentatifs et l’expression du doute. Au problème du partage du gâteau, un élève propose une solution inédite et surprenante : partager le gâteau en parts égales et, s’il y a quelque chose qui est particulièrement bon sur le gâteau (caramel, chocolat ou chantilly), on le donne au chien pour éviter toute injustice. Émilie, qui n’est pas d’accord avec cette solution, se positionne ainsi :
241 Émilie : bah moi *chpense pas que c’est une très bonne idée heu de
242 Animateur : donc tu es pas d’accord ?
243 Émilie : oui voilà // parce que (en)fin *chpense que bah:: la part où y a plein de caramel de/(en)fin *chpense qu’on devrait couper les parts égales normalement // et que bah tant pis pour le (en)fin *chais pas on donne les parts heu normalement aux personnes et:: et voilà dans l’ordre où elles sont tout ça et on va pas (en)fin on va pas marcher heu:: à l’autre bout de la table pour donner la meilleure part à quelqu’un on la donne à la personne qui est en face de nous et voilà // donc si
40Émilie évalue la proposition faite auparavant et doute de sa pertinence (« *chpense pas que c’est une très bonne idée »). La reformulation de l’animateur (« donc tu n’es pas d’accord ») lui permet de confirmer son opposition (« oui voilà »). Elle s’affirme donc comme « Opposant » et tout de suite comme « Proposant » en apportant sa réponse : « *chpense qu’on devrait couper les parts égales normalement // et que bah tant pis pour le », on comprend alors qu’il s’agit de la garniture, point sur lequel elle reviendra dans le tour suivant. Émilie poursuit en proposant un critère pour partager : comme ça vient, « dans l’ordre ». Elle évalue la position contraire de la sienne (privilégier certains en leur donnant les meilleures parts) : « on va pas (en)fin on va pas marcher heu:: à l’autre bout de la table pour donner la meilleure part à quelqu’un. » On observe qu’elle utilise le conditionnel (« on devrait couper ») ou des expressions qui exprime l’absence de certitude (« *chais pas on donne les parts heu »). L’animateur lui demande de justifier pourquoi il lui semble juste de partager en parts égales, occasion pour Émilie de revenir sur le problème qu’elle essaie de soulever, sans qu’elle soit véritablement comprise par l’animateur :
247 Émilie : bah:: parce que:: (en)fin // le chocolat et tout ça bah on peut pas en mettre plus d’un côté ou pas (en)fin on essaie d’en mettre un peu // partout et bah après *chpense que c’est bien coupé normalement donc même si y a un endroit où y en a un peu plus c’est pas grave vu que à la base c’est un gâteau et c’est pas obligé (en)fin y a des gâteaux où y a rien d(e)ssus i(ls) sont natures donc ça sert à rien de vouloir une part où y a plein d(e) choses
41L’élève renforce graduellement son opposition en évaluant la raison qu’elle donne et en faisant remarquer que la garniture n’est pas importante ; enfin elle finit par apporter la raison déterminante selon laquelle un gâteau c’est un gâteau et c’est ça qui est essentiel, le reste n’est qu’accessoire (« ça sert à rien de vouloir une part où y a plein d (e) choses »). Dans sa posture d’« Opposant », Émilie remet en question la solution proposée par Melvil mais non pas pour le convaincre qu’il a tort. Elle ne prend pas véritablement le rôle d’un « Tiers », car elle prend position et assume son PDV. D’ailleurs, elle utilise de nombreux modalisateurs, que nous avons indiqués en italique dans les citations. L’élève soulève une problématique et s’engage dans une démarche qui questionne mais qui n’est pas reconnue comme tel dans la logique des échanges.
42Cette illustration nous montre le passage presque imminent d’un doute vécu sous l’angle de l’incertitude énonciative à un doute engagé dans la situation argumentative conduisant à la problématisation.
Conclusion
43Il nous semble indispensable d’analyser d’autres extraits pour mieux observer comment le doute peut être articulé avec les activités d’argumentation et de problématisation. Arrivée au terme de cette analyse, nous proposons une esquisse de modèle du doute dans un contexte interactionnel, qui devra être testé sur d’autres discussions philosophiques, en vue d’être amélioré et validé.
44Nous remarquons qu’il y a deux niveaux de l’expression du doute : un niveau intra-individuel, où le doute exprime un questionnement de sens, un embarras, une hésitation (1), voire une immobilisation de la pensée (3) ; et un niveau inter-individuel, où le doute s’exprime dans la co-énonciation comme un acte de mise en question de ses propres idées (2), ou de celles des autres (5), voire comme un acte d’évaluation « neutre » des positions en jeu (6). Lorsqu’un « Proposant » construit sa propre proposition sous la forme d’une mise en doute de la proposition d’autrui, il cesse d’être « Proposant » et devient « Opposant » (4). C’est pourquoi, le doute ne peut s’exprimer chez le « Proposant » que sous la forme d’une absence de certitude (1).
Contexte dialogique et interactionnel | Proposant | Opposant | Tiers |
Attitude du locuteur dans l’énonciation | Doute/ incertitude | Autocritique | Suspension du jugement |
Attitude du locuteur dans la co-énonciation | (4) | Critique | Problématisation |
45Au terme de notre analyse de la séance « Pourquoi on dit : c’est pas juste ? », sous l’angle de l’expression du doute observée chez les participants, nous souhaitons conclure d’abord par un constat : dans cette discussion, l’animateur a clairement amené les enfants à se questionner (individuellement) sur, ou à questionner (collectivement) la validité des réponses proposées dans l’espace d’interaction. Par conséquent, le doute nous a paru être un des indices le plus appropriés pour observer des compétences philosophiques à l’œuvre (comme présentées dans notre introduction). L’activité de problématisation, identifiée à partir des différents rôles argumentatifs joués par les participants dans la discussion, montre que ceux-ci sont soucieux non seulement d’apporter des arguments pour justifier ou contredire les propos mais aussi pour évaluer les arguments. Certes, l’activité argumentative est orchestrée par l’animateur mais nous avons pu identifier dans la discussion quelques moments de problématisation où le doute des participants crée véritablement des ouvertures (qui seront exploitées ou non) dans la recherche commune.
46Nous conclurons notre analyse également par une hypothèse qui invite à poursuivre l’enquête sur la place du doute dans les discussions philosophiques : encourager l’expression d’un doute individuel (perplexité, embarras, questionnement) dans le contexte d’interaction entre pairs, pourrait-il amené les élèves à être de plus en plus préoccupés non seulement par la validation des réponses, mais aussi par la quête du sens ? Si oui, il serait intéressant de voir comment la discussion philosophique et le travail de l’animateur peuvent endosser cette tâche.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Cf. l’article de Claire Polo du présent ouvrage, et plus particulièrement les pages 106 et suiv.
2 Cf. p. 100 du présent ouvrage.
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Paroles de philosophes en herbe
Ce livre est cité par
- Polo, Claire. (2020) Le Débat fertile. DOI: 10.4000/books.ugaeditions.14879
- Point, Christophe. (2021) La Philosophie pour enfants : une piste pour réconcilier enseignement disciplinaire et vie scolaire ?. Studia Universitatis Babeș-Bolyai Philosophia, 66. DOI: 10.24193/subbphil.2021.1.08
Ce chapitre est cité par
- Vernant, Denis. (2021) La philosophie en dialogue. Studia Universitatis Babeș-Bolyai Philosophia, 66. DOI: 10.24193/subbphil.2021.3.02
Paroles de philosophes en herbe
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