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Étude des perspectives épistémologiques sous-jacentes au processus de mobilisation d’une pensée critique dialogique chez un groupe de philosophants âgés de 9 à 11 ans

p. 183-203


Texte intégral

1Depuis quelques années, la pratique de la philosophie à l’école est de plus en plus valorisée par des instances internationales comme l’UNESCO qui perçoivent la philosophie comme une école de la liberté propre à stimuler un esprit critique chez les élèves à partir de l’école primaire jusqu’à l’université (UNESCO, 2007, 2011). L’approche à la base de cette recommandation est la Philosophie pour enfants (PPE), conçue par le philosophe Matthew Lipman au début des années 1970. Aujourd’hui, il existe plusieurs variantes de la philosophie pour enfants (désormais PPE), dont la discussion à visée démocratique et philosophique (DVDP1).

2Le but ultime de la PPE est l’amélioration de la qualité de l’expérience individuelle et sociale (Lipman, 2003 ; Lipman, Sharp, Oscanyan, 1980). Dans cette optique, la PPE favorise le dialogue philosophique ou critique entre pairs (Daniel, 2016), dans lequel les élèves sont encouragés par leur enseignant à questionner, à réfléchir, à problématiser, à chercher ensemble (cf. Cassidy et Christie, 2013 ; Lipman et al. 1980 ; Tozzi, 2015). L’objectif pédagogique de la PPE est la mobilisation et le développement d’une pensée critique (désormais PC) chez les élèves.

3Mais la PPE rencontre-t-elle cet objectif ? Avant de confirmer l’impact de la praxis philosophique2 sur la mobilisation et le développement d’une PC, il apparaît logique d’évaluer les échanges entre les élèves à l’aide d’un outil focalisé sur des composantes de la PC. Il va sans dire que l’évaluation ne s’inscrit pas dans une optique de performance ou de concurrence où les résultats serviraient à porter un jugement de valeur sur les compétences des enseignants, ou encore à classifier les élèves. Il s’agit tout simplement de vérifier si la philosophie à l’école rencontre les objectifs qu’elle s’était fixés et si celle-ci réussit à stimuler une PC chez des groupes d’élèves.

4Une revue de la littérature indique que la grande majorité des travaux empiriques qui, depuis les années 1980, analysent l’impact de la PPE sur le développement cognitif des élèves est axée sur l’étude du raisonnement logique (Topping, Trickey, 2007). Il en va de même avec les études sur la DVDP : plusieurs travaux récents ont ressorti des marqueurs linguistiques afin de valider le caractère spécifique des raisonnements déployés pendant la praxis philosophique (cf. Auriac-Slusarczyk, Colletta, 2015 ; Daniel, Pettier, Auriac-Slusarczyk, 2011 ; Fiema, 2014 ; Lebas-Fraczak Auriel, 2015 ; Simon, 2015). À notre connaissance, peu de recherches empiriques ont documenté l’impact de la praxis philosophique sur la mobilisation ou le développement de la PC chez des élèves de 6 à 12 ans.

5Dans ce chapitre, nous introduisons d’abord des définitions de la PC, puis nous décrivons brièvement les composantes du modèle du processus développemental d’une PC dialogique, qui ont servi à l’analyse du verbatim. Ensuite nous présentons nos résultats d’analyse en lien avec le verbatim d’échange « Pourquoi on dit : c’est pas juste ? », initié dans le cadre d’une DVDP. Finalement nous discutons des résultats obtenus en inférant une relation entre le type de questions posées aux élèves par l’enseignant/animateur et la mobilisation de perspectives épistémologiques simples ou complexes par ces derniers.

Pensée critique

6Il n’existe pas une définition consensuelle de la PC. Dans les lignes suivantes, nous présentons des définitions de la PC, en référant aux auteurs les plus cités dans la littérature, à savoir les philosophes américains qui ont initié le concept même de PC. Robert Ennis en est l’initiateur. En 1962, il la définit comme une pensée logique caractérisée par des habiletés cognitives complexes (justifier, évaluer…). Puis il ajuste sa définition pour inclure l’influence de la pensée créative (inventer, associer…) et des attitudes intellectuelles (curiosité, rigueur…). La PC consiste en l’évaluation aussi bien des énoncés et des croyances que des actions afin de faire des choix éclairés (Ennis, 1962, 1985).

7Pour Harvey Siegel, la PC est directement reliée à l’autonomie et à la rationalité : le penseur critique doit être en mesure de fournir les raisons sur lesquelles il a fondé ses actions, ses jugements et ses évaluations. Outre la place prépondérante que Siegel accorde à la logique et à la raison, il soutient la nécessité de développer un « esprit critique », qui se manifeste par le biais des attitudes, des inclinations de la personnalité, des habitudes de l’esprit, et des traits de caractère (Siegel, 1988).

8Pour John McPeck, la PC est l’habileté et la propension à s’engager dans un scepticisme actif et réfléchi afin d’établir les véritables raisons sur lesquelles se fondent diverses croyances. Selon lui, la qualité d’une évaluation est directement associée à la connaissance des critères inhérents à une discipline particulière, c’est-à-dire à une expertise (McPeck, 1981, 1990).

9Pour sa part, Richard Paul établit une distinction entre une PC faible et une PC forte. Il considère qu’une PC est faible lorsqu’elle est motivée par des intérêts égocentriques qui sont mis au service d’un profit personnel ou d’un groupe particulier. Une PC forte se trouve dans l’idéal socratique du questionnement et dans le développement d’attitudes réfléchies et critiques envers des concepts, valeurs, comportements inhérents à la vie. Paul ajoute que les penseurs critiques au sens fort du terme cultivent des traits moraux tels que l’humilité, le courage, l’empathie et l’intégrité (Paul, 1987, 1993).

10Selon Matthew Lipman, les individus ont besoin de la PC pour les aider à distinguer les informations les plus pertinentes parmi toutes celles qu’ils reçoivent, et ce, en fonction des objectifs qu’ils poursuivent (Lipman, 1988, 1995). Sa définition d’une PC se fonde sur trois critères : l’utilisation de critères spécifiques (évaluer les termes des énoncés) ; la sensibilité au contexte (reconnaître que différents contextes exigent différentes applications de règles et de principes) ; et, enfin, l’autocorrection (s’impliquer activement dans la recherche de ses propres erreurs). Par ailleurs, influencé par Dewey et Vygotsky, Lipman considère que la PC advient dans et grâce aux interactions entre pairs (Lipman, 1988, 1995, 2003).

11En résumé, les philosophes fondateurs s’entendent sur un aspect fondamental de la PC, à savoir que ce type de pensée sous-tend une pensée logique, évaluative. En plus, certains d’entre eux enrichissent la notion de PC en y ajoutant un mode de pensée différent, mais capital. Ainsi, Ennis inclut-il dans sa définition d’une PC les habiletés de pensée créative et les prédispositions intellectuelles. Paul établit le caractère moral de la PC en distinguant une PC faible et forte. Et la définition de Lipman sous-entend une pensée attentive et métacognitive.

12Bien que la PC ait été initialement inscrite dans le champ de la philosophie, elle s’insère aujourd’hui dans plusieurs disciplines comme l’éducation, les sciences de la santé, la psychologie développementale et ainsi de suite. Plusieurs théoriciens contemporains ont tendance à inscrire leur définition de la PC dans l’esprit de la multimodalité des philosophes fondateurs du concept, c’est-à-dire qu’ils présentent la PC comme une pensée complexe qui, pour advenir, mobilise un ou plusieurs modes (voir, entre autres, Kpazaï, 2015). Par ailleurs, une majorité de chercheurs issus des champs de la psychologie développementale et de l’épistémologie étudient le développement de la PC chez les adolescents ou les jeunes adultes en réduisant cette dernière au seul mode de pensée logique (Kwack, 2007 ; Winstantley, 2008).

Pensée critique dialogique

13Des subventions du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada nous ont permis d’étudier de manière novatrice la PC et son processus de mobilisation/développement chez des élèves de 4 à 12 ans qui bénéficiaient d’une praxis philosophique dans des pays aux langues et aux cultures différentes3. Nous avons appelé cette PC « dialogique » (désormais PCD) pour marquer le contexte interactif et dialogique dans lequel elle prend place et se construit (voir Dewey, 1960, 1983 ; Vygotsky, 1985). Dans les paragraphes suivants, nous décrivons les composantes intrinsèques d’une PCD qui ont émergé de nos analyses des échanges entre les élèves.

Composantes du modèle du processus de développement

14D’abord, nous avons observé que la PCD se manifeste par le biais de quatre modes de pensée nommément logique, créative, responsable et métacognitive, chacun des modes ayant une fonction déterminante. La pensée logique assure la cohérence des propos et de l’argumentation ; la pensée créative questionne les certitudes et conduit au conflit cognitif, première étape d’une réflexion critique ; la pensée responsable permet l’équilibre entre le droit de s’exprimer et la responsabilité de le faire avec empathie et elle ancre l’évaluation des actes et des règles dans une visée de bien commun et l’argumentation dans un processus de négociation ; enfin, la pensée métacognitive favorise la remise en question de ses propres opinions, croyances et préjugés (et de ceux des autres) en vue d’une amélioration.

15Ensuite, nous avons observé que, dans le discours des élèves, chacun des quatre modes de pensée se mobilisait de manière simple ou complexe4. Pour illustrer le processus de complexification, nous avons eu recours à six perspectives épistémologiques qui se déploient de l’égocentrisme à l’intersubjectivité.

16L’égocentrisme est marqué par l’expression d’unités (et non de relations) concrètes associées à des expériences personnelles et particulières (ex. : « moi… », « mon/ma… »).

17Le post-égocentrisme s’exprime par des unités particulières et concrètes associées aux proches (ex. : « mon frère », « il… »).

18Le pré-relativisme se manifeste par des unités qui se situent dans un environnement familier ; il se distingue par un début de généralisation des points de vue, ces derniers n’étant pas justifiés (ex. : « les amis… »).

19Le relativisme suppose des relations (et non plus des unités) simples et convergentes avec les propos des pairs ; ces relations sont ancrées dans l’expérience quelque peu généralisée d’un autrui connu et présupposent un raisonnement simple ou un début de justification (ex. : « je suis d’accord avec… », « parce que les enfants… »).

20Le post-relativisme se manifeste dans des relations divergentes ancrées dans l’expérience généralisée d’un autrui éloigné ; les relations supposent un raisonnement plus abouti et elles sont justifiées par de « bonnes » raisons (ex. : « je ne suis pas d’accord avec […] parce que… », « les personnes qui vont à la guerre… », « par contre… »).

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Tableau 1 : Modèle opérationnalisé du processus de développement d’une PCD

21L’intersubjectivité se manifeste dans des relations évaluatives et conceptuelles associées à un bien commun ; dans l’intersubjectivité, les élèves s’engagent dans l’argumentation, dans la transformation des perspectives, dans la catégorisation des comportements en principes et valeurs, et dans la correction en vue d’enrichir la représentation du groupe (ex. : « je questionne notre position… », « je me demande si… », « peut-être que… », « les humains/les sociétés… », « si/alors… », « parce que… », « d’un côté/de l’autre côté… »).

22En somme, les perspectives épistémologiques reflètent les représentations que les élèves se font d’eux-mêmes et du monde dans lequel ils vivent : leurs représentations peuvent être centrées sur le moi et les intérêts personnels (égocentrisme) ; elles peuvent prendre en considération les points de vue des pairs (relativisme) ; elles peuvent être orientées vers une compréhension commune ou un bien commun (intersubjectivité). Elles se complexifient à partir des processus de décentration et d’abstraction.

23Enfin, les analyses ont fait ressortir que la progression épistémologique qui se manifeste dans le discours des élèves n’advient pas de manière linéaire ou séquentielle comme le soutiennent notamment les piagétiens et les kohlbergiens, mais qu’elle est plutôt marquée par la récursivité (voir la zone proximale de développement de Vygotsky, 1985). Autrement dit, le processus de développement d’une PCD chez les élèves s’élabore avec des va-et-vient entre le connu et l’inconnu, entre la certitude et l’incertitude, entre le « moi » et le « nous/ils », bref entre les perspectives épistémologiques simples et plus complexes. L’observation du processus récursif de la PCD revêt une importance majeure, car elle permet de constater, non seulement la perspective épistémologique prédominante d’un groupe d’élèves, mais également les apprentissages intégrés par le groupe qui sont en voie d’être dépassés pour laisser la place aux apprentissages en voie de construction.

Analyse d’un verbatim d’échange

24Nous avons utilisé les composantes du modèle du processus développemental d’une PCD pour analyser le verbatim de l’échange « Pourquoi on dit : c’est pas juste ? ». Les analyses ont été faites sur les modes de pensée et sur les perspectives épistémologiques, bien que nous présentions les résultats globaux (sans distinction des modes de pensée) en termes de perspectives épistémologiques.

25Nous n’avons analysé que les interventions directement associées à l’échange, à savoir les interventions 60 à 341. Nous n’avons pas tenu compte des interventions 1 à 59 qui sont un dialogue explicatif des rôles des élèves, ni des interventions 342 à 442 qui étaient un long bilan des élèves sur l’échange.

Analyse globale

26L’analyse des interventions 60 à 341 du verbatim montre que (voir tableau 2), sur le plan épistémologique, 10,6 % des interventions d’élèves se situent dans la perspective de l’égocentrisme, 23 % des interventions se situent dans le post-égocentrisme, 37,2 % dans le pré-relativisme, 29,2 % dans le relativisme et aucune intervention dans le post-relativisme et l’intersubjectivité. La perspective prédominante est donc le pré-relativisme avec un ancrage dans le post-égocentisme et une tendance vers le relativisme.

Perspective épistémologique

 % des interventions

Égocentrisme

10,6 %

Post-égocentrisme

23 %

Pré-relativisme

37,2 %

Relativisme

29,2 %

Post-relativisme

0 %

Intersubjectivité

0 %

Tableau 2 : Résultats à partir d’une analyse globale de l’ensemble du verbatim

27Puis nous avons effectué un regroupement des résultats associés aux perspectives simples (égocentrisme, post-égocentrisme, pré-relativisme) et complexes (relativisme, post-relativisme, intersubjectivité). Pour rappel, les perspectives épistémologiques sont considérées simples lorsqu’elles présupposent le concret et la centration (moi, mes proches) ; en revanche, elles sont considérées complexes lorsqu’elles supposent la généralisation et l’abstraction ainsi que la décentration (l’autre et la société).

28Ce regroupement nous confronte au fait que plus de 70 % des interventions des élèves se situent dans des perspectives simples (voir tableau 3).

Perspectives épistémologiques

 % des interventions

Simples

70,8 %

Complexes

29,2 %

Tableau 3 : Pourcentages d’interventions à partir d’un regroupement des perspectives

29Ces résultats nous ont questionnées puisque, du moins à la fin de l’échange, les propos des élèves sont réfléchis, généralisés et bien articulés, ce qui démontre que ces élèves sont capables de mobiliser des perspectives épistémologiques complexes. Alors pourquoi une nette prédominance des perspectives simples dans les résultats ? Pour comprendre cette dichotomie, nous avons refait l’analyse du verbatim de l’échange, mais à partir d’un découpage en trois parties (interventions 60 à 147 ; 148 à 262 ; 263 à 341). Ce découpage n’est pas basé sur les thèmes de l’échange (éruption volcanique, partage d’un gâteau), mais il est plutôt élaboré à partir des interventions des élèves, allant de la manifestation la plus simple (juxtaposition d’exemples particuliers) à la plus complexe (construction de raisonnements).

Analyse des différentes parties du verbatim

30La première partie du verbatim (interventions 60 à 147) est surtout caractérisée par la recherche d’exemples issus de la vie des élèves afin d’illustrer des situations qui sont justes ou injustes et par la clarification de certains de ces exemples. Le tableau 4 montre que les épistémologies dominantes sont le post-égocentrisme et le pré-relativisme avec chacun 32 % des interventions. En outre, près du quart des interventions (22 %) se situent dans l’égocentrisme et seulement 14 % dans le relativisme. Cette première partie de l’échange se situe donc dans une épistémologie plus simple que l’échange considéré dans sa totalité.

Perspective épistémologique

 % des interventions

Égocentrisme

22 %

Post-égocentrisme

32 %

Pré-relativisme

32 %

Relativisme

14 %

Post-relativisme

0 %

Intersubjectivité

0 %

Tableau 4 : Résultats de l’analyse de la partie 1 du verbatim

31La deuxième partie de l’échange (interventions 148 à 262) se déroule à partir de la proposition de contre-exemples et de questions plus complexes posés par l’animateur (l’exemple de l’éruption volcanique), qui suscitent chez les élèves une réflexion plus généralisée sur l’injustice et qui leur permet d’explorer d’autres causes de l’injustice que celles qu’ils avaient spontanément ressorties à travers leurs exemples. Dans cette partie de l’échange, les élèves généralisent leurs points de vue, définissent des concepts, reformulent des énoncés et les approfondissent. Les données du tableau 5 indiquent que la perspective épistémologique dominante est le pré-relativisme (50 % des interventions), suivie par le relativisme (33 % des interventions). Aucune intervention d’élèves ne se situe dans l’égocentrisme et seulement 17 %, dans le post-égocentrisme. Cette partie de l’échange est donc, sur le plan épistémologique, significativement plus riche que la précédente.

Perspective épistémologique

 % des interventions

Égocentrisme

0 %

Post-égocentrisme

17 %

Pré-relativisme

50 %

Relativisme

33 %

Post-relativisme

0 %

Intersubjectivité

0 %

Tableau 5 : Résultats de l’analyse de la partie 2 du verbatim

32La troisième partie de l’échange (interventions 263 à 341) est marquée par des problèmes à résoudre, l’exploration d’alternatives, la recherche de justifications, et ainsi de suite, provoquant des conflits cognitifs dans l’esprit des élèves, lesquels constituent le point de départ d’un processus de recherche en communauté. Les résultats inscrits au tableau 6 font voir que la perspective épistémologique dominante est le relativisme (39 % des interventions), suivie de près par le pré-relativisme (32 % des interventions). L’égocentrisme et le post-égocentrisme se manifestent respectivement dans 10 % et 20 % des interventions.

Perspective épistémologique

 % des interventions

Égocentrisme

10 %

Post-égocentrisme

20 %

Pré-relativisme

32 %

Relativisme

39 %

Post-relativisme

0

Intersubjectivité

0

Tableau 6 : Résultats de l’analyse de la partie 3 du verbatim

33L’histogramme 1 présente une synthèse des résultats associés aux trois parties de l’échange que nous avons analysées. On observe que la première partie de la DVDP mobilise majoritairement deux perspectives épistémologiques – le post-égocentrisme et le pré-relativisme – ; la deuxième partie mobilise majoritairement le pré-relativisme, alors que dans la troisième partie de l’échange, le relativisme prédomine légèrement. Autrement dit, la partie 2 de la DVDP, portée par une recherche de généralisation, est plus complexe que la première partie qui est caractérisée par la collecte d’exemples, et la partie 3, marquée par la proposition de situations conflictuelles, est plus complexe que les deux premières parties.

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Figure 1 : Complexification épistémologique de la première à la troisième partie de l’échange
Légende : en ordonnées, nombre d’occurrences dans la discussion, en abscisses, parties de la discussion.

34Si l’on regroupe les résultats de l’analyse des trois parties de la DVDP en deux catégories, à savoir les perspectives épistémologiques simples (égocentrisme, post-égocentrisme et pré-relativisme) et complexes (relativisme, post-relativisme, intersubjectivité), l’on observe (voir tableau 7) que le pourcentage des interventions d’élèves inscrit dans les perspectives épistémologiques simples domine dans les trois parties de la DVDP ; que ce pourcentage diminue de manière significative entre la première et la troisième partie (en passant de 86 % à 62 %) ; et que parallèlement le pourcentage des interventions d’élèves inscrits dans les perspectives complexes augmente de manière importante entre la première et la troisième partie (allant de 14 % à 39 %).

Perspectives épistémologiques

Partie 1 de l’échange

Partie 2 de l’échange

Partie 3 de l’échange

Simples

86 %

67 %

62 %

Complexes

14 %

33 %

39 %

Tableau 7 : Pourcentages d’interventions à partir d’un regroupement des perspectives

Discussion

35Dans cette section, nous reviendrons sur les perspectives épistémologiques qui ont été mobilisées par le groupe d’élèves durant la séance « Pourquoi on dit : c’est pas juste ? » et nous établirons un lien avec les stratégies d’animation utilisées, entre autres la recherche d’exemples et la proposition de situations conflictuelles aux élèves.

36Tel que le montrent les résultats des analyses, la première partie de la DVDP est caractérisée par la mobilisation, par le groupe d’élèves, de perspectives épistémologiques simples. Nous soulignons que, puisque le développement d’une PCD est un processus (et non un produit abouti), les perspectives simples ne sont pas acritiques ; elles font partie intégrante du processus développemental et, dans ce sens, elles sont importantes à stimuler chez les élèves. En effet, comme le souligne Dewey, l’esprit ne sera capable de saisir un concept que dans la mesure où sa perception concrète de ce concept aura été préalablement présentée et exploitée (Dewey, 1960). C’est d’ailleurs pourquoi les perspectives simples n’appartiennent pas qu’à l’épistémologie des enfants ; elles sont également mobilisées par les adultes lorsque ces derniers sont confrontés à un nouveau concept à définir, à une nouvelle situation à comprendre, à un nouveau problème à résoudre (Paul, 1987). Dans ce sens, les perspectives simples ne représentent pas un stade irréversible sur lequel la pensée ne revient pas lorsqu’il est dépassé. Grâce au caractère récursif du développement, qui a clairement émergé de nos analyses, les perspectives simples sont plutôt des bases ou des points d’ancrage vers lesquels les élèves (fréquentant l’école primaire ou l’université) reviennent prendre pied à un moment ou un autre de l’échange (Daniel, 2016 ; Forges, 2013 ; Lechasseur, 2015).

37En outre, dans une optique pragmatiste, nous soutenons que les perspectives épistémologiques de l’égocentrisme, du post-égocentrisme et du pré-relativisme ne peuvent pas être dénigrées durant la praxis philosophique, car elles ont comme fondement l’expérience subjective de l’élève, laquelle est indissociable de l’expérience humaine dans son entièreté (Bayles, 1966). Et, dans la mesure où cette subjectivité est intégrée au social, l’intuition, le jugement personnel, l’anecdote ou l’exemple particulier représentent une contribution pour la communauté (Dewey, 1980).

38Le verbatim de la première partie de l’échange nous incite à déduire que la mobilisation de perspectives simples chez le groupe d’élèves est en lien avec la recherche d’exemples particuliers puisque c’est cette stratégie qui a primé. Les écrits sur la narrativité que nous associons à la collecte d’exemples ou d’anecdotes, sont susceptibles de fournir une explication à cet égard.

39De manière générale, la narrativité renvoie à la narration de récits ou d’anecdotes personnels. Bien que la narration d’anecdotes appartienne autant aux adultes qu’aux enfants, c’est chez les jeunes enfants qu’elle prend tout son sens et qu’elle est la plus pertinente. En effet, la narration est une tâche qui est reconnue pour contribuer au développement de l’identité des jeunes enfants. Elle participe également au développement cognitif et linguistique de ces derniers en ce qu’elle fait appel à la mémoire, la maîtrise des règles de la syntaxe, l’intégration de la relation mot-significations ainsi que la compréhension du contexte spécifique dans lequel elle est demandée. Enfin, la narration développe les compétences sociales de jeunes enfants ; se raconter et raconter des histoires est une activité qui leur est naturelle et un moyen qu’ils utilisent spontanément au moment de se socialiser (Quintero, 2010 ; Longobardi et al., 2014 ; Soto, Yu, Henneberry, 2007). En outre, des études démontrent que les enfants sont capables de construire ce type de récit dès l’âge de deux ans. Il est même suggéré que si un enfant n’a pas développé les compétences associées à la narrativité avant l’âge de six ans, il y a risque d’échec scolaire, de difficultés linguistiques et d’inadaptation sociale (Soto, Yu, Henneberry, 2007).

40Sous un autre angle, des études ont démontré que fournir aux élèves des exemples concrets pour les guider vers la compréhension d’un concept complexe leur permet d’accéder plus rapidement et plus justement à sa compréhension. Cependant, ces études effectuées dans le contexte de l’apprentissage en mathématiques et en physique précisent que les exemples seuls ne suffisent pas ; ils doivent être suivis d’une explication personnelle des principes sous-jacents à ce concept (Schworm, Renkl, 2007). D’autres études confirment que, chez des enfants de maternelle, l’explication est une habileté de pensée complémentaire à la formulation d’exemples, d’abord, parce qu’elle permet de s’investir dans la recherche des mots et des enchaînements logiques pour se faire comprendre des pairs, ensuite parce que la capacité d’explication demeure inhérente à la pensée et au discours scientifique, celle-ci étant reliée au développement cognitif (Colletta, Simon, Lachnitt, 2013). Ainsi, la narration d’un exemple et la construction de son explication sont deux tâches complémentaires en ce que l’exemple est un point de départ qui est suivi et enrichi par l’explication. Par ailleurs, il s’agit de deux habiletés de pensée distinctes en ce que l’exemple est une habileté de pensée simple et que l’explication est plus complexe – entre autres pour des enfants de maternelle –, parce qu’elle suppose qu’ils ont à justifier leurs choix, à expliquer comment, et à expliquer pourquoi (Colletta, Simon, Lachnitt, 2013).

41Pour revenir à l’échange « Pourquoi on dit : c’est pas juste ? », à cause du contexte particulier dans lequel il s’est déroulé (l’animateur était inconnu des élèves, l’échange était filmé, des adultes observateurs étaient présents dans la salle) la recherche d’exemples en début de séance était une stratégie tout à fait judicieuse et justifiable. D’autant plus que cette dernière a été souvent suivie d’une demande d’explication. En outre, elle n’a exigé que le tiers du temps de la séance, la suite étant réservée à des questions de l’animateur qui posaient au groupe d’élèves des difficultés cognitives et épistémologiques croissantes.

42Par ailleurs, comme les études précédemment citées le font ressortir, la construction d’exemples particuliers ou d’anecdotes personnelles est une activité simple qui profite principalement aux jeunes enfants. Aussi, il nous apparaît que, dans un contexte où l’échange se déroulerait dans des classes du primaire et du collège où les élèves seraient habitués à réfléchir avec l’enseignant/animateur, et où ils auraient préalablement démontré qu’ils sont capables de s’engager dans des épistémologies complexes, il ne serait alors pas souhaitable de consacrer une grande partie du temps d’échange à la collecte systématique d’exemples ou d’anecdotes personnelles5, du moins si l’on vise le développement cognitif et épistémologique des élèves. Cette stratégie ne ferait que les maintenir dans les zones confortables du connu et de l’acquis, plutôt que de les stimuler vers des zones inconnues qui feraient ainsi émerger dans leur esprit des représentations nouvelles et plus complexes (la zone proximale de développement de Vygotsky).

43Les perspectives épistémologiques simples, bien que faisant partie intégrante du processus développemental d’une PCD, peuvent être dépassées par les élèves de 8 à 12 ans. Des résultats d’analyses indiquent qu’après un ou deux ans de praxis philosophique, des élèves de ces groupes d’âge sont majoritairement mobilisés dans les épistémologies complexes du relativisme et du post-relativisme (Daniel et al., 2005 ; Daniel, Gagnon, 2012 ; Golding, 2009 ; Heinzen, 2014). Dès lors, si les perspectives simples peuvent être dépassées par les élèves, elles doivent l’être afin que la praxis philosophique remplisse son mandat et aide les élèves à devenir des citoyens réfléchis, critiques et engagés ; des citoyens qui participeront à la paix et au dialogue entre les nations (UNESCO, 2011).

44Dans la troisième partie de l’échange, l’analyse du verbatim « Pourquoi on dit : c’est pas juste ? » a révélé que plus du tiers des interventions des élèves reflétaient le relativisme, une perspective charnière dans leur développement épistémologique car elle renvoie à un discours plus généralisé et mieux raisonné que dans les perspectives précédentes, ainsi qu’au désir de communiquer avec leurs pairs (et pas seulement avec l’enseignant). En effet, les élèves se préoccupent moins des réponses adressées à l’enseignant pour participer davantage au dialogue en communauté de recherche. Dans le relativisme, les élèves se décentrent de leurs représentations particulières et concrètes pour construire des représentations plus généralisées, plus ouvertes et plus diversifiées. Autrement dit, ils s’engagent dans la co-construction de relations.

45Mais, encore une fois, lorsque le groupe d’élèves a intégré cette perspective épistémologique, le rôle de l’enseignant consiste à stimuler le groupe vers des perspectives plus complexes. En effet, les relations que les élèves établissent lorsqu’ils se situent dans le relativisme sont convergentes, c’est-à-dire qu’elles appuient et complètent les points de vue des pairs, mais sans les évaluer ni les prioriser. Le risque du relativisme est que l’échange qui aurait débuté sur un préjugé négatif ou une prémisse erronée amplifie ce biais, ou que l’échange tombe dans un relativisme absolu, où tout est accepté et acceptable. Dans son acception absolue, le relativisme se manifeste comme une « tolérance désengagée » qui n’est rien de plus que l’adoption d’une « solution paresseuse » qui conçoit que toutes les réponses sont équivalentes (Sen, 2012, p. 15). Dans ce sens, le relativisme est également une perspective qui doit être dépassée pour atteindre les perspectives épistémologiques du post-relativisme et de l’intersubjectivité.

46Nous soutenons que l’école doit valoriser davantage la praxis philosophique dans les classes, car cette dernière sous-tend un processus de recherche intersubjectif caractérisé par des remises en question responsables et des évaluations constructives en vue d’un bien commun. Le processus de recherche intersubjectif développe chez l’individu l’habitude de « renoncer à la complaisance en soi pour affronter l’autre, dans l’accord et aussi le désaccord » (Collin, 1999, p. 124). Par ailleurs, dans la praxis philosophique, le rôle de l’enseignant/animateur est exigeant en ce qu’il doit mettre de côté son activité traditionnelle du « faire », visant à « produire, à transformer le donné, mais de manière instrumentale » pour s’inscrire dans un « agir » par lequel « quelqu’un initie, commence quelque chose de nouveau, introduit de l’inattendu dans l’enchaînement des faits, de l’inconnu dans le connu, fait surgir de l’évènement sur le fond d’un donné, et cela sans avoir la représentation de son but » (Collin, 1999, p. 114). En d’autres termes, l’enseignant doit devenir un déstabilisateur et un stimulateur.

47Les conflits cognitifs se forment dans l’esprit à la suite de questions ouvertes posées par l’enseignant (pour des listes de questions, voir Daniel, 2013). Les questions ouvertes contribuent à créer une faille dans les certitudes, un doute dans les croyances ou les dogmes ; ce sont des outils pertinents et nécessaires pour stimuler la décentration et l’abstraction chez des groupes d’élèves ; ce sont des interruptions qui déstabilisent les représentations des élèves et permettent d’accéder à une résolution plus éclairée d’un problème auquel ils sont confrontés, ou à des représentations plus complexes et nuancées du monde dans lequel ils vivent. Les conflits cognitifs sont un tremplin pour la mobilisation d’une PCD (Dewey, 1933 ; Golding, 2009 ; Haroutunian-Gordon, 2010 ; Lipman, 2003) ; ils sont indissociables d’une éducation « responsable ».

Conclusion

48Le modèle du processus développemental d’une PCD est un outil d’analyse rigoureux qui a permis de mettre à jour le mouvement épistémologique des élèves, qui s’est complexifié entre le début et la fin de la séance.

49Nous en avons conclu que les questions qui étaient posées aux élèves, notamment les plus fermées, associées à la collecte d’exemples personnels et particuliers (première partie), et celles plus ouvertes, susceptibles de créer des conflits cognitifs dans l’esprit des élèves (troisième partie), avaient le pouvoir de moduler la complexification épistémologique des enfants à l’intérieur du processus de développement d’une PCD.

50Si l’objectif est que les jeunes d’aujourd’hui deviennent des citoyens autonomes, critiques et engagés qui sauront éventuellement transformer le monde qui les entoure, il conviendrait que l’éducation fasse davantage de place à des pédagogies axées sur le questionnement ouvert et la recherche en communauté (comme la PPE et la DVP), et que les enseignants deviennent des déstabilisateurs et des stimulateurs.

Bibliographie

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Notes de bas de page

1 La DVDP a été implantée en France à la fin des années 1990, par le philosophe Michel Tozzi (cf., entre autres, Tozzi, 2001, 2012, 2015).

2 Dans ce chapitre, lorsque nous utilisons les termes « praxis philosophique » et « philosophie à l’école », nous référons à la PPE et à la DVDP de manière générique sans distinguer les spécificités des dispositifs d’animation propres à chacune. En effet, bien que ces dispositifs soient différents, les objectifs des deux approches se rejoignent en ce que toutes deux favorisent les interactions sociales orales entre pairs, en vue de stimuler chez le groupe d’élèves des habiletés de pensée complexe.

3 Dans ces projets de recherche (#410-229-0028 et # 435-2013-0212) d’une durée de 3 ans chacun, les équipes étaient composées des co-chercheurs et collaborateurs suivants : L. Lafortune, R. Pallascio, M. Gagnon, pour le Canada ; E. Auriac-Slusarczyk, pour la France ; T. de la Garza pour le Mexique ; C. Slade et L. Splitter pour l’Australie.

4 Une habileté de pensée n’est pas, en soi, simple ou complexe. Influencées par la thèse de Vygotsky, nous estimons qu’une habileté de pensée est simple dans la mesure où elle apparaît spontanément chez les élèves et qu’elle est complexe lorsqu’elle requiert un apprentissage ou une praxis guidée par l’enseignant. Ainsi, une habileté de pensée complexe en début d’année scolaire peut devenir une habileté de pensée simple en fin d’année, si elle a été régulièrement mise en œuvre et intégrée par le groupe d’élèves. Parallèlement, des expérimentations ont montré que, chez des groupes d’élèves du primaire, une habileté de pensée simple se manifeste dans un discours centré sur le personnel et le concret, et qu’une habileté de pensée complexe se manifeste dans un discours orienté vers le social et l’abstrait.

5 Nous faisons ici référence à une « collecte systématique » d’exemples personnels. Cela n’a rien à voir avec le fait de demander à un élève un exemple pour illustrer ou justifier son point de vue.

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