La boîte à outils d’un animateur de DVDP, auto-analyse de la séance
p. 81-97
Texte intégral
1Cette auto-analyse de la séance tente d’esquisser sur ce cas, un répertoire de gestes professionnels mobilisables par un animateur, comme autant d’outils à sa disposition, et transposables en formation. Précisons qu’il s’agit d’une méthode de philosophie avec les enfants parmi d’autres (la DVDP), et qu’il s’agit d’un exemple à analyser afin de trouver des points d’appui pour une pratique, et non d’un modèle à imiter. Ainsi dans cette séance, je gère simultanément au moins trois dimensions distinctes (sans parler de la gestion de différents temps), mais qui s’articulent étroitement (multi-agenda), à l’image des processus de dynamique psychique et sociale – c’est-à-dire l’accompagnement psychologique des individus, et psychosociologique du groupe (confiance, sécurité, non-jugement, accueil et valorisation des intervenants…) – ; des procédures de discussion – soit la visée démocratique de la discussion (installation de différents rôles, qui tournent à mi-séance, rappel des règles de fonctionnement et vigilance sur leur respect…) – ; et des processus de pensée soit la visée philosophique de la discussion, notamment la production de processus de pensée (questionnement et problématisation, production et analyse d’exemples, définition de concepts, distinctions notionnelles, thèses, arguments, objections, etc.).
2Dans une perspective de recherche et de formation d’animateur de DVDP, j’insisterai plus particulièrement sur le troisième aspect, sachant qu’il y a souvent dans mon intervention plusieurs gestes professionnels articulés.
L’accompagnement psychologique et psychosociologique
3L’accueil des interventions, leur valorisation et une posture volontaire de non-jugement mettent les élèves en confiance, et le cadrage du dispositif en sécurité (comme « contenant » des pulsions). Cela passe par plusieurs manières de réagir aux interventions des enfants. Toutes les interventions sont accueillies positivement, le plus souvent explicitement : par exemple avec « d’accord » :
75 Danaé : ben quand on dit c’est pas juste c’est souvent qu’on n’est pas d’accord avec quelque chose
76 Michel T. : d’accord donc tu as l’idée finalement un petit peu de désaccord est-ce que tu pourrais donner un exemple
4Même chose avec « c’est intéressant » (64, 66, 73, 76, 126, 145, etc.) :
97 Candice : ben heu // je sais pas // (en)fin ça dépend heu de quoi pa(r)ce que c’est juste et pas juste (en)fin {rires}
98 Michel T. : oui on voit qu’on rentre dans la/c’est intéressant parce qu’on rentre dans la/dans la complexité de la chose là hein c’est vrai que // ce que tu disais tout à l’heure c’est que des fois on dit c’est pas juste mais en fait c’est un/caprice c’est intéressant hein
5Puis « c’est bien » (59), « merci beaucoup Manon… » (187) etc. Ces interventions sont encouragées par les règles de fonctionnement (priorité au moins-disant, tendre la perche aux muets), et presque systématiquement reformulées (cf. ci-dessus 76, 98), ce qui valorise leur apport. Par exemple, je valorise les initiatives comme celle de Mathéo de demander une minute pour réfléchir au début de la discussion avant de parler :
58 Mathéo : heu bah réfléchir deux p(e)tites minutes avant de parler
59 Michel T. : ça c’est bien pa(r)c(e) que i(l) y a déjà des // heu Mathéo là il nous dit bon:: avant de se précipiter pour parler il faut peut-être un peu réfléchir // donc heu tu nous proposes donc qu’on fasse heu deux minutes un p(e)tit peu donc de silence […]
6Ou encore, je félicite Candice d’avoir réfléchi (111), etc.
La visée démocratique de la discussion
7C’est la dimension politique du dispositif ; contribuer à éduquer à une citoyenneté réflexive dans un espace public scolaire. On est dans le cadre d’une pédagogie coopérative : délégation d’un certain nombre de fonctions aux élèves (président de séance, reformulateur, synthétiseur, discutants, observateurs), dont le pouvoir de donner la parole, avec un système de co-animation aux places symboliques du pouvoir à côté du maître.
8Il s’agit en début de séance d’installer chacun dans son rôle en le lui faisant reformuler et ne le précisant que si nécessaire ; de faire tourner les rôles à mi-séance (183 à 199) pour que le maximum d’élèves soit en apprentissage de différentes fonctions ; puis de faire analyser par chacun la manière dont il a tenu sa fonction, avec ensuite les remarques de l’observateur du rôle pour aider à son analyse (à partir de 342).
9En second lieu, il s’agit d’expliciter les règles de fonctionnement démocratique de la discussion, de veiller à ce que le président de séance les gère au mieux. Ainsi, il y a des moments de co-animation réelle entre moi et le président : il gère sur la forme, alors que je gère prioritairement le fond :
174 Michel T. : alors ça posait la question de savoir pourquoi l’injustice des hommes // vous semble plus importante // que la relative injustice qui sort de la nature ? Qu’est-ce que c’est qui fait que l’injustice chez les hommes c’est quelque chose tellement insupportable ?
175 Mathéo : heu est-ce que *chpeux dire que je donne la parole à la secrétaire ?
176 Michel T. : ça va être dans dans deux minutes ça va être le moment de
177 Mathéo : bon Melvil
178 Michel T. : voilà après Melvil tu donneras la parole à la secrétaire
10À d’autres moments, j’organise avec lui la circulation de la parole : par exemple lorsque je demande au président à qui revient la parole ([83] « la parole à ? ») ; ou lorsque je valorise le fait qu’il tende la perche à un muet (105), et je rappelle alors le droit de se taire :
104 Mathéo : est-ce que Hania tu as quelque chose à dire ?
105 Michel T. : ça c’est très important parce que là donnes la parole à quelqu’un qui a pas levé la main donc tu tends une perche mais on a le droit de se taire ça c’est une/important // très important // à la fois de demander ceux qui veulent s’exprimer mais en même temps ils sont pas obligés très important alors maintenant c’est à qui ?
11Je mets ensuite en valeur le rappel aux règles par Lou alors présidente :
281 Lou : bah:: heu Candice t’as pas le droit de parler
282 Michel T. : eh oui tu es reformulatrice ton travail c’est vraiment d’écouter c/et de comprendre ce que disent les et de le redire et non pas d’exprimer ton propos d’accord très bien le rappel à l’ordre très bien
12Je rappelle également les règles comme le fait que le président donne la priorité aux élèves restés silencieux jusqu’ici (78)… et il interroge un nouvel élève. Enfin, je gère également la coopération en demandant à la classe si elle peut aider un élève à trouver un exemple ([78] « est-ce que quelqu’un peut aider Danaé à trouver un exemple ? ») et en demandant à la classe et au reformulateur de m’aider à comprendre ce que dit un élève ([299] « est-ce que quelqu’un pourrait aider à comprendre ce que Benoît vient de dire ? »). Puis je contrôle le temps en annonçant la clôture de la première demi-heure (185), et la fin de la discussion, et en demandant de baisser les mains quand je parle (199, 339…).
La visée philosophique de la discussion. Esquisse d’une typologie des gestes d’animation philosophique
13Je soulignerai quelques aspects que j’assume pour cette visée : clarification de la compréhension, problématisation, travail de réflexion individuel et collectif à partir d’exemples ; souci de définition et de distinctions conceptuelles ; la vigilance sur la production de thèses, d’antithèses, d’arguments, d’objections ; volonté d’assurer une progression collective de la pensée dans la séance ; aide de chacun à approfondir sa réflexion. Face à cela nous décrirons les actes de langage que l’animateur peut convoquer pour mener à bien ces buts : reformuler, questionner de diverses manières et sur divers objets de discours, valider, s’entretenir, nommer…
Clarifier la compréhension
14On ne peut discuter sans comprendre ce que l’autre dit : c’est pour cela qu’il est important que l’animateur de DVDP s’assure que le sens de ce qui est dit soit partagé. C’est donc dans ce but qu’il reformule et invite aussi les élèves à reformuler. Car, leur apprendre à reformuler, c’est les entraîner à se comprendre. Aussi, la compréhension a-t-elle pour fonctions : pour l’élève, de le conforter comme « interlocuteur valable », entendu et compris, apportant sa pierre aux échanges ; pour le groupe, de clarifier les interventions, d’engranger leur apport, de montrer un lien avec la question traitée ou d’autres interventions, de ralentir le rythme du « trop-plein » d’idées, de permettre de raccrocher après un moment d’inattention, etc. Je reformule très fréquemment les interventions (73, 76, 81, 92, 94, 108, 133, 143, 155, 165, 180, 221, 225, 235, 244, 250, 254, 267, 278, 285, 289, 314, 321, 337). On peut classer les reformulations qui visent à clarifier la compréhension en deux grands types :
15Tout d’abord, la reformulation d’explicitation, qui déplie l’idée : (122) « et donc tu penses qu’il y a des fois où on dit c’est pas juste parce qu’on l’a donné à quelqu’un et qu’on l’a pas donné à nous // mais que en fait c’est parce qu’on est jaloux ? » Ou met vis-à-vis deux interventions successives :
137 Michel T. : donc finalement ça ça // Dimitri dans un premier temps i(l) dit heu // dans les deux cas y injustice parce qu’y en a un qui a satisfaction et l’autre qui a pas satisfaction et puis quand on réfléchit un peu on dit que XXX c’est le hasard // quand c’est le tirage au sort // c’est pas une personne donc qui a décidé et donc bon c’est quand même moins injuste // hein ? // ça c’est une thèse <Lou : par exemple> on on n’est d’accord ou on n’est pas d’accord // oui ?
16Puis la reformulation d’ajustement quand je demande si la personne se reconnaît dans ma reformulation : (128) « d’accord toi tu penses que donc l’injustice finalement elle vient beaucoup des actions des hommes // mais que dès dès lors que c’est le hasard ou le tirage au sort c’est quand même moins injuste que quand c’est une personne qui le fait ? » On note que ma reformulation est souvent interrogative, pour être validée par l’élève (un nombre important de mes reformulations sont explicitement validées par les élèves reformulés). Si je reformule, j’invite également les élèves à reformuler, c’est ainsi que je rappelle le rôle de la reformulatrice (299) : « on va demander à Candice c’est son rôle. » Je demande généralement tout d’abord au reformulateur en titre (113) « tu peux résumer un p(e)tit peu c(e) qu’elle a dit ? », mais aussi au groupe :
305 Michel T. : est-ce quelqu’un peut reformuler pour moi c(e) que vient de dire Benoît s’il l’a compris ?
306 Lou : heu:: heu Manon ?
307 Manon : bah je pense que ce qu’il voulait dire c’est que quand quelqu’un a une plus grosse part que quelqu’un d’autre // et que on va dire qu’en fait il a une grosse part mais qu’en vrai il vou/il allait pas tout manger // et ben il allait laisser ben heu un bout de gâteau et quand il a allait partir et celui qui a eu la plus petite part de gâteau eh ben il allait PEUT-ÊTRE heu:: prendre la la part de gâteau qui était restée dans l’assiette de l’autre
308 Benoît : heu:: c’est pas vraiment ça en fait heu moi je pensais que c’était i(ls) vont faire exprès que:: que tous les invités i(ls) vont être un peu plus content // parce qu’i(ls) vont penser qu’i(ls) ont eu plus que:: que que:: que l’autre qui habitait à la maison mais en fait lui heum lui il savait qu’ils allaient faire ça alors heu // alors en échange il va il va manger heu le gâteau après qu’ils sont partis
17Cela peut être, comme ici, pour m’aider à saisir des propos que je n’ai pas compris. Ici les interventions de Manon et Benoît témoignent aussi du dialogisme du discours.
Susciter l’interrogation et la recherche, problématiser
18Le questionnement est essentiel pour réfléchir et dans les situations de DVDP ordinaires, ce sont les élèves qui choisissent la question qui sera l’objet de la DVDP, l’interrogation vient donc d’eux. Dans cette séance, c’est moi qui propose la question de la justice, car c’est la thématique sollicitée par l’UNESCO pour ce colloque. Tous les enfants ont un vif sentiment de ce qu’est l’injustice. Mais d’après mes expériences de discussions, ils arrivent difficilement à passer du sentiment ressenti d’injustice, pour lequel ils donnent une profusion d’exemples, à une définition plus abstraite de la justice. Par ailleurs, l’injustice est souvent pour eux la manifestation illégitime d’une inégalité, mais souvent aussi la mise en avant de leur intérêt personnel ou de leur simple désir, qui n’est donc pas sur le même registre. Il faut donc en discuter avec eux pour affiner ! C’est pourquoi je vais partir, dans une première partie, des exemples d’injustice qu’ils donnent pour les analyser ; et dans une deuxième partie, à partir toujours d’un exemple (partager un gâteau), explorer avec eux différentes conceptions de la justice.
19Questionner est un geste professionnel particulièrement central dans la conduite d’une DVDP. Quand il s’agit de susciter l’interrogation et problématiser, les questions permettent de lancer la discussion et de mettre les élèves en recherche. D’où mes questions, au début de la discussion : (57) « […] je vous propose donc heu le sujet suivant parce que je pense que les enfants sont extrêm(e)ment sensibles sur la question de l’injustice // POURQUOI // on dit // c’est pas juste // c’est quelque chose certainement que vous dites souvent // c’est pas juste // c’est pas juste […] », et (59) : « pourquoi on dit c’est pas juste » et en début de deuxième partie (199) : « […] à votre avis quelle est la manière la plus JUSTE de couper un gâteau ? »
20Je questionne individuellement, nominativement (62, 81, 170, 210, 212, etc.,) ce qui conduit à cinq mini-entretiens (comme avec Melvil : 216 à 238) soit je questionne le groupe, à la cantonade (59, 66, 78,103, 148, 155, 160, 199, 250, 271, 289, 296, 299, 321, 332), avec des intentions différentes suivant le moment de la discussion. Si je termine la plupart de mes interventions par une question, c’est pour soutenir et faire avancer la recherche.
Analyser à partir d’exemples
21C’est une méthode que de travailler essentiellement à partir d’exemples, ce que je fais dans cette séance. L’exemple est concret, à la portée des enfants, car issu de leur propre expérience. C’est un support pour une analyse plus abstraite. La variété des exemples recherchée ici permet de complexifier l’analyse, car un exemple est toujours limité, contextualisé ; il ne prouve pas grand-chose, et perd sa légitimité de preuve devant un contre-exemple. Il peut illustrer une thèse, en l’exemplifiant (133) : « alors ça c’est intéressant parce que tu exemplifies par rapport à l’expérience que vous avez eue et elle de penser que le tirage au sort c’était beaucoup plus juste que si finalement on avait c/ Yves par exemple ou votre maîtresse mais non ce sera untel ou unetelle ? » L’exemple peut donc avoir plusieurs fonctions dans un échange réflexif.
22Pour les mobiliser l’animateur peut demander un exemple au groupe ([59], [103] : « on essaye de heu de trouver des exemples ») ; à un participant ([86] : « est-ce que tu peux nous clarifier ce que tu viens de dire avec des situations précises ») ; si quelqu’un peut aider un élève à trouver un exemple ([78] : « est-ce que quelqu’un peut aider Danaé à trouver un exemple […] »).
23Il peut également proposer des champs d’application pour trouver des exemples ([88] : « une situation que tu as vécue ça peut être dans ta famille ça peut être disons à l’école ça peut être dans la rue heu ») ; proposer un exemple pour solliciter la réflexion comme je le fais ici (148) : « alors moi je vais vous prendre un exemple heu supposons heu une éruption une éruption volcanique […] » et pour le partage du gâteau comme situation-problème de la deuxième partie (199).
24Ensuite, l’animateur peut aussi souligner l’intérêt de l’exemple pour l’analyse au cours de la séance ([100] : « […] c’est très intéressant disons des exemples parce que cela va pouvoir nous permettre disons de de concrétiser et de déguster un petit peu nos idées […] ») ; demander en quoi un exemple donné illustre la notion discutée ([139] : « ça serait quoi alors à ce moment-là dans l’exemple que tu donnes ? ») ; faire le lien avec un exemple antérieur ([108] : « tu reprends exactement un petit peu avec un autre exemple le cas que tu prenais tout à l’heure tout à l’heure ») ; et enfin étiqueter le genre de support de réflexion « exemple » ([133] : « […] tu exemplifies par rapport à l’expérience que vous avez eue […] ») et qualifier l’exemple des volcans que j’ai donné de « contre-exemple » ([199] : « […] je vous ai proposé un contre-exemple […] »).
Définir des concepts, faire des distinctions conceptuelles
25On pense avec des concepts, ou plutôt d’abord avec des mots, mais au contenu qu’il va falloir préciser dès que l’on réfléchit pour que le mot-notion devienne un concept (processus de conceptualisation). Les distinctions entre notions sont fondamentales pour conceptualiser. D’où mon attention portée dans la séance au langage, trace des processus de pensée. Cela passe donc par des reformulations de différents types : à l’image de la focalisation, quand je ne reprends que le noyau de l’idée émise sans ses tâtonnements, dans une reformulation ramassée en un langage plus abstrait, pour donner aux propos déconnectés de l’exemple un support, une consistance conceptuelle :
312 Lou : heu Hania t’as quelque chose à dire ?
313 Hania : heu:: oui // bah:: que c’est pas juste mais en même temps c’est quand même un peu juste pa(r)c(e) que c’est lui qui a le mieux travaillé // mais pour les autres ça va pas être très juste parc(e) que:: hm pa(r)c(e) que eux aussi i(ls) veulent la part de gâteau voilà
314 Michel T. : toi tu veux dire que si on donne la plus grosse part de gâteau à celui disons qui a le mieux travaillé c’est juste pour lui mais c’est injuste pour les autres ? C’est ça ta position ?
26Cela passe aussi par l’apport, le déplacement ou la validation. Voici quelques exemples concernant, tout d’abord, l’apport : à l’occasion d’une reformulation, j’introduis en 160 les notions d’« intention de nuire » et de « mal » (« […] on peut pas dire qu(il)’y a injustice puisque y a pas d’homme derrière qui avait une intention disons de nuire de faire heu de mal etc […] ») ; puis d’égalité comme « critère » de justice en 267 : « donc c’est un peu le même critère de l’égalité que tu prends ? » repris en 278. Et après une intervention où pointe l’idée, la notion de « besoin » comme autre critère de la justice (285) : « et et tu amènes un autre critère à savoir le le la quantité d’appétit heu de:: de disons de la personne (…) la justice ce serait de donner à chacun selon son/ selon son besoin ce serait ça ton idée ? » Puis j’amène la notion de « travail scolaire » en 311, que je complique avec résultat/travail en 321, pour activer en 335 les notions de « mérite » et de « récompense » ; je caractérise une attitude par le mot de « jalousie » en 120.
27D’autres exemples sur le déplacement et la validation sont ensuite réunis dans ce qui suit : quand je passe du « C’est pas juste » à « injuste » :
66 Michel T. : d’accord/ donc voilà on commence d’abord par donner disons un certain nombre d’exemples et on expliquera après pourquoi on pense que c’est pas juste // là tu me donnes un exemple entre un frère et donc une sœur i(l) y en a une qui se couche plus tard elle est pas:: beaucoup plus âgée tu trouves que c’est donc injuste.
28Puis Lou reprend sur « injustice » en 68 : « ben moi je pense que c’est plutôt pour l’injustice ». Je reprends ensuite le mot « caprice » en 98, prononcé en 93 (« ce que tu disais tout à l’heure c’est que des fois on dit c’est pas juste mais en fait c’est un/caprice »). Enfin, en 117 je fais référence à la notion de « désir » (« finalement si on agit selon son désir et qu’on dit après s’il est pas satisfait donc c’est pas juste eh beuh c’est pas juste c’est pas toujours (xx) on n’a pas toujours raison donc de le dire ». Concernant la validation, le terme « inégalité » est apporté par un enfant en 70, que je valide en 73 (« toi tu dis on dit c’est pas juste parce qu’on constate par exemple qu’il y a une inégalité »).
29Mes questions portent la trace d’exigences intellectuelles : ce peut être des questions de rappel et approfondissement de la question ([330] : « d’accord alors vous vous souvenez de la question donc que j’ai posé la question que j’ai posé c’était quoi ? ») ; de caractérisation des exemples ([120] « c’est de la jalousie ? »), qui demandent en quoi consiste la notion traitée sur l’exemple (139) ce qui conduit l’élève à définir une notion :
138 Lou : si si y a une autre sortie et que y a un un demi-groupe les autres seront avantagés donc heu // c’est bien aussi heu
139 Michel T. : alors là l’injustice dans ce cas-là ça ça serait quoi alors à ce moment-là dans l’exemple que tu donnes ?
140 Lou : bah ça serait pas l’injustice ça serait les deux les deux seraient égaux et et:: ce serait bien
30Il peut aussi s’agir de questions de différenciation quand j’insiste sur les distinctions conceptuelles qui émergent des interventions des élèves ([170] « quelle est la différence alors ? ») ; ou de définition d’un concept comme « l’injustice » :
141 Michel T. : voilà parce que aujourd’hui y en a un qui a pu venir mais la prochaine fois si on doit choisir ça sera à ce moment-là l’autre // à ce moment-là comment tu tu définirais l’injustice à ce moment-là ? Tu peux donner une définition de l’injustice ?
142 Lou : bah moi je dirais c’est pas de l’injustice parce que // les deux auront eu de l’injustice et donc ça sera pas de l’injustice // ça sera les deux pareils en fait
31Je teste ainsi la « zone proximale de développement conceptuel » de l’enfant (être capable de passer d’un exemple concret à une définition abstraite) et en 326 je demande de définir la justice. Il y a une exigence de conceptualisation assez faible dans la séance, contrairement à certaines où je centre beaucoup plus sur ce processus. Probablement parce qu’elle ne porte pas sur la question « qu’est-ce que la justice ? », formulation qui porte directement à conceptualiser, mais sur « pourquoi on dit : c’est pas juste ? », question qui induit comme réponse un « parce que… » appelant une argumentation (voir ci-dessous). Cependant, il y a une progression dans la séance : dans la première partie, on travaille sur des exemples d’injustice, dans la seconde davantage, à partir d’un exemple (partage du gâteau), sur une définition de la justice…
Produire rationnellement des thèses, des arguments, des objections
32La démarche du philosopher élabore des questions qui posent problème, peuvent donc se discuter, pour rechercher et confronter des réponses possibles (des thèses), en tentant de les valider ou de les contester rationnellement. L’argumentation est très présente dans cette séance. L’animateur peut la faciliter en reformulant, questionnant ou apportant des éléments.
33L’animateur peut reformuler les propos des élèves sous la forme d’une thèse ([128] : « toi tu penses que donc l’injustice finalement elle vient beaucoup des actions des hommes mais que dès dès lors que c’est le hasard ou le tirage au sort c’est quand même moins injuste que quand c’est une personne qui le fait ? ») ; de manière à problématiser une thèse ([174] : « alors ça posait la question de savoir pourquoi l’injustice des hommes vous semble plus importante que la relative injustice qui sort de la nature ? qu’est-ce que c’est qui fait que l’injustice chez les hommes c’est quelque chose tellement insupportable ? ») ; ou deux thèses contradictoires sous forme de question alternative :
160 Michel T. : donc on a on a deux thèses là hein ? donc y a la thèse de Lou qui dit dans la mesure où c’est pas quelqu’un qui a provoqué le volcan:: le tremblement de terre ou l’éruption volcanique heu bon heu bah heu c/ on peut pas dire qu(il)’y a injustice puisque y a pas d’homme derrière qui avait une intention disons de nuire de faire heu de mal etc et puis ensuite il y a la position de Dimitri qui dit oui mais bon heu y en a qu(i) ont été blessés y en a qu(i) ont pas été blessés ça ça ça tombe au hasard donc XXX etc c’est finalement disons bon injuste et donc la thèse c’est la nature peut être une source d’injustice alors // la question c’est heu bon voilà (xxx) est-ce que l’injustice vient seulement des hommes ou est-ce qu’elle peut aussi venir disons de la nature1 ? »
34Il peut reformuler un argument en l’étiquetant comme tel ([81] : « d’accord toi tu dis c’est pas juste parc(e) qu’on est obligé de faire un certain nombre de choses qu’on n’aurait pas envie de faire // c’est ça ton argument ? ») ; ou en focalisant la réflexion sur l’exemple-problème (le tirage au sort en 124, puis le hasard sur les volcans, puis le partage du gâteau).
35En outre, l’animateur peut également questionner : en effet, la dimension argumentative est sollicitée quand je demande de formuler un point de vue, une thèse ([153] : « eh voilà heu qu’est-ce qu’elle soutient comme thèse Lou par rapport à l’éruption volcanique ou au tremblement de terre ? ») ; un point de vue contraire ([271] : « est-ce qu’i(l) y a des gens qui pensent que ce ne serait pas injuste s’il y avait des parts inégales ? ») ; d’autres propositions que celle émise (207, 214, 260, 285) ; une thèse différente de celle(s) émise(s) ([214] : « est-ce que vous auriez des solutions tout à fait différentes ? »), ou contraire ([155] : « […] est-ce que quelqu’un soutiendrait une thèse contraire à donc à celle de Lou […] »).
36C’est aussi le cas lorsque je demande de prendre position sur une thèse, soit directement ([158] : « et alors qu’est-ce que qu’est-ce que tu en conclus par exemple ? »), soit par une question alternative ([126] : « d’accord et mais tu devais choisir si tu devais (xxx) voilà soit c’est une personne qui décide dans ce cas-là soit on tire au sort est-ce qu’il y a quelque chose qui te semblerait moins juste ou ou moins juste que l’autre2 ? ») ; ou bien lorsque je demande au groupe s’il est d’accord ou pas avec une thèse émise ([130] : « vous êtes d’accord ou pas avec ce point de vue3 ? »), ou ce qu’il pense d’une ou de différentes solutions (239, 296) ; de défendre son point de vue face à une thèse contraire en donnant un argument ([246] : « et pourquoi ça te semble juste de partager le gâteau en parts égales ? ») ; ou une antithèse ([167] « […] heu ceux qui soutenaient le c/le contraire qu’est-ce que vous leur répondriez ? ») ; et enfin de donner une objection à une thèse (235).
37Enfin, les questions peuvent également se poursuivre si ce qui est dit est un argument ([81] : « d’accord toi tu dis c’est pas juste parc(e) qu’on est obligé de faire un certain nombre de choses qu’on n’aurait pas envie de faire // c’est ça ton argument ? »). En outre l’animateur peut aussi demander des explications pour approfondir ([96] : « explique-nous // tu dis on peut dire c’est pas juste mais au fond c’est pas juste // c’est pas vrai // dis-nous pourquoi précisément tirer au sort ça t’apparaît // au premier abord comme c’est pas juste et puis en y réfléchissant c’est juste ») ou bien demander s’il n’y a pas une contradiction (242, 314).
38L’animateur intervient aussi pour apporter des éléments aux élèves en faisant notamment appel à la complexité ([98] « […] c’est intéressant parce qu’on rentre dans la/dans la complexité de la chose là […] ») ; en nommant « thèse » une proposition4 faite ([155] « de l’injustice c’est un problème uniquement de rapport entre heu entre les hommes ? disons entre les humains ? // heu:: c’est un peu la thèse-là qui est soutenue ») ; en relevant un désaccord ([242] : « donc tu es pas d’accord ? ») ; en soulignant une contradiction ([316] : « alors comment une chose peut-elle être à la fois juste et injuste ? ») ; ou en faisant une objection (258).
39On voit ici comment peuvent se multiplier les gestes autour de l’articulation de ces différents éléments : question-problème, réponse-thèse, argument soutenant la thèse, autre réponse (ex. : antithèse), argument soutenant une autre thèse, objection à un argument, réponse à cette objection… Et c’est ce travail d’articulation qui atteste de l’activité d’une pensée.
Assurer une progression de la pensée dans la discussion
40On peut considérer la discussion comme un texte oral co-construit, car pour qu’il y ait texte il faut qu’il y ait à la fois répétition et progression5 du contenu sémantique. Nous avons vu plus haut que les reformulations que je fais, ainsi que celles que je suscite auprès des élèves, permettent une clarification de ce qui est dit : en cela elles contribuent à la co-construction du discours. Mais une discussion peut vite stagner et tourner en rond, si les exemples se répètent sans élément d’analyse inédit, sans idée nouvelle, sans découverte d’un enjeu, d’une difficulté, d’une alternative, d’une contradiction, d’une autre thèse, d’un nouvel argument, d’une autre définition, etc. Le rôle de l’animateur est alors d’insuffler (anima) une dynamique des échanges entre esprits (animus) sur le fond, d’assurer une progression. Oui, mais comment ?
41Certaines de mes questions tentent de faire progresser la discussion comme lorsque je formule une nouvelle question au début de la seconde partie ([199] : « […] à votre avis quelle est la manière la plus JUSTE de couper un gâteau ? »), ou quand je demande de réagir à un nouvel exemple que j’amène ([148] : « alors moi je vais vous prendre un exemple heu supposons heu // une éruption une éruption volcanique […] »). Certaines de mes questions forcent également les élèves à faire un pas de côté comme en 311 (« alors moi je vais prendre alors si on vous disait je vais être un peu provocateur si on vous disait // il faut donner la plus grosse part de gâteau à celui qui a le mieux travaillé à l’école qu’est-ce que vous répondriez ? »), en introduisant dans la discussion le mérite – autre critère de la justice – et, en 321, le résultat :
321 Michel T. : donc je vais encore compliquer {rires} supposons que quelqu’un dise oui lui il a mieux travaillé // pa(r)c(e) qu’il a obtenu les meilleurs résultats // {rires} et un autre il a un résultat moindre mais lui il a beaucoup travaillé qu’est-ce que c’est qui est plus juste ? De donner la plus grosse part de gâteau à celui qui a le plus travaillé ou à celui qui a eu de meilleurs résultats ?
42Enfin, quand je demande des idées nouvelles, les élèves peuvent être moteurs de cette progression comme en 103 : « est-ce que vous auriez d’autres exemples encore où on dit c’est pas juste ? »
43Une discussion va donc avancer, progresser, mais va aussi trouver l’ancrage de cette progression dans ce qui est dit à savoir la question posée et dans les réponses apportées… L’animateur va donc devoir recentrer régulièrement la discussion en demandant au reformulateur quelle est la question ([330] « d’accord alors vous vous souvenez de la question donc que j’ai posé la question que j’ai posé c’était quoi ? ») ; en rappelant la question ([280] : « ma question c’était est-ce que vous pensez // que si ce gâteau était coupé en parts inégales il y a des cas où ça pourrait être juste et pas injuste ? c’est la question donc que j’ai posée ») ; en recentrant sur la question (296) ; en l’approfondissant par des mini-entretiens (voir plus loin) ; en faisant le lien entre des intervenants et des interventions (314) ; et en faisant un bilan provisoire, une mini-synthèse partielle, qui acte les acquis et permet d’aller plus loin (183) : « […] donc voilà un p(e)tit peu donc où nous en sommes à l’issue donc de:: de cette première partie // donc on a donné des exemples disons un peu heu:: un peu d’injustice hein // et puis heu:: on va voir donc les différents heu arguments qui ont été utilisés à partir des différents exemples qui ont été donnés6 […]. » Je fais cela à la fin de chaque partie (199 et 339), pour montrer le travail effectué par « l’intellectuel collectif » de la classe.
44En fait, je termine presque toutes mes interventions par une question, ce qui relance en permanence la réflexion de chacun et de tous. La difficulté des débutants est de rester secs, de ne pas savoir rebondir sur le kairos qui émerge (une nouvelle notion, distinction, définition, thèse, etc.) ; orienter le groupe vers d’autres voies, déplacer la question, approfondir un point de vue, travailler les alternatives qui alimentent les échanges… D’où des gestes sans arrêt de relance.
Mener des mini-entretiens pour approfondir sa pensée
45Je me suis aperçu après-coup que j’avais favorisé dans cette séance successivement un dialogue-duel de quelques tours de parole avec plusieurs élèves, dont l’apport était renvoyé ensuite à la réflexion du groupe : Candice (85-99), Dimitri (119-129), Lou (132-144) ; Melvil (216-238) ; Benoît (298-310). Et non un travail continu avec le groupe entier, comme je le fais souvent.
Assurer le métalangage réflexif d’une DVDP
46J’introduis au fur et à mesure du débat, pour que les élèves se les approprient, une dizaine de mots-clefs qui nomment et typologisent les processus de pensée : l’exemple, support d’analyse, exemplification de thèse, et parfois argument ; le contre-exemple, déstabilisateur d’une thèse, qui a un statut épistémologique d’argument ; la question, qui pose un problème ; un concept, qui permet de poser le problème, d’enrichir la réflexion ; une distinction conceptuelle, qui oblige à déplacer, complexifier sa pensée ; une thèse, solution au problème soulevé ; une anti thèse, autre solution ; l’argument, qui prouve une thèse ; l’objection, qui contre une thèse ; la contradiction, entre deux thèses ou deux arguments, ou dans une même pensée…
47J’attire l’attention du lecteur sur le tissage entre plusieurs gestes professionnels dans une même intervention. Exemple en 155, on trouve entremêlés : poser une question/au groupe, introduire une notion nouvelle dans la discussion (la justice), énoncer une thèse, la situer en relation à un problème, mettre l’étiquette thèse sur une proposition, reformuler une thèse émise, demander si quelqu’un soutiendrait une thèse contraire…
Les spécificités de cette séance
48On peut remarquer que dans cette séance, contrairement à d’autres, les élèves se posent rarement des questions entre eux, ou à eux-mêmes. Je valorise d’ordinaire ces processus, car ces éléments sont pour moi un signe de dévolution de la question aux élèves, facteur d’enrôlement dans la discussion, et tremplin pour une problématisation. La séance de ce jour-là fait à mes yeux figure d’indicateur car elle était très « conduite »…
49Néanmoins, une dynamique de problématisation de la question s’enclenche peu à peu. Dans la première partie, on cherche des exemples où on dit « c’est pas juste », et on se demande pourquoi dans ces cas-là il y a injustice. Les enfants trouvent ainsi de bonnes raisons : quand on a moins de droits que d’autres en 61, quand on ne peut pas faire la même chose que les autres (61 et 107), quand il y a inégalité en 70 (l’inégalité signe l’injustice), quand il y a désaccord avec quelque chose (75), qui peut créer un conflit (85), quand on manque de liberté en 80. On est ici essentiellement dans l’argumentation.
50Mais la pensée collective se complexifie quand Candice distingue injustice légitime et illégitime (cas du caprice en 85, prolongé par la confusion entre injustice et insatisfaction d’un désir en 112 et 116, ou jalousie en 119-121). On constate aussi qu’il y a eu évolution dans le temps de notre jugement (89-93) : on trouve que c’est injuste ou pas selon l’âge, le point de vue. On travaille alors le paradoxe : on peut trouver injustes au premier abord des choses qui sont justes en y réfléchissant (85 à 95). Exemple le tirage au sort/hasard (95, 123, 132, 147), un petit empêché de jouer avec les grands, mais c’est pour ne pas se blesser (102), ou le bébé interdit de manger n’importe quoi (112). On note aussi qu’on peut rétablir une égalité quand deux injustices se compensent (142).
51Je tente alors, à partir de points de vue différents qui s’expriment ou que je sollicite, de provoquer de la problématisation, souvent par questions alternatives, qui entraînent par-là d’autres points de vue. Par exemple, à propos du tirage au sort, je demande : c’est moins injuste le hasard que l’intention d’une personne (124) ? Plus tard, après l’introduction de la force destructrice de la nature, je demande : l’injustice vient-elle des hommes ou aussi de la nature (148, 160) ? Et en fonction des interventions, j’interroge : s’il y a de l’injustice dans la nature, est-elle moins injuste que l’injustice des hommes (172) ? Et pourquoi l’injustice des hommes pose-t-elle problème (174) ? Ces questions-problèmes font réagir les enfants qui développent des points de vue différents, voire opposés. De la question au problème : je problématise aussi sous forme de thèse (94, 96, 155).
52L’analyse de cette séance a été volontairement centrée, dans une perspective de formation, sur les gestes professionnels de l’animateur. Or, on aurait pu analyser d’autres aspects, notamment les interactions animateur/participants. Elles sont très prégnantes dans cette séance qui alterne des questions à la classe et des mini-entretiens. L’animateur conduit le groupe et les entretiens de manière serrée ; ou encore les interactions entre participants. Elles existent, et les enfants interviennent souvent en référence à des camarades, mais il n’y a pas de dialogues directs entre eux. L’animateur intervient pratiquement une fois sur deux ou trois interventions. Il y a ainsi peu de dynamique interne du groupe, et moins d’esprit coopératif, auquel je suis pourtant attaché. La séance est très « conduite » (un peu trop ?), même si les réponses ne sont pas, me semble-t-il, téléguidées… Le cadre d’une « démonstration publique » n’incite-t-il pas plus ou moins consciemment à une « obligation de résultat » ?
53Pour moi, l’intérêt de cette auto-analyse a été de prendre conscience que des variantes existent à l’intérieur de mon « style » d’animation global de DVDP. Je ne donne pas d’ordinaire cette prééminence aux exemples, mais je vois maintenant l’intérêt qu’ils représentent pour « élargir sa pensée » (Kant). Par ailleurs, l’allure de mes discussions est d’habitude très « problématisante » et « conceptualisante » (c’est en partie le cas dans la deuxième partie), alors qu’elle est ici globalement argumentative. C’est dû certainement à la formulation du sujet, commençant par « pourquoi ». Mais aussi, dans le cas de l’animation de la deuxième partie, à l’expérience de plusieurs séances déjà animées sur la justice qui m’ont montrées que le partage du gâteau est un bon exemple pour faire émerger les différentes conceptions de la justice (égalité, équité et satisfaction des besoins, mérite par l’effort ou le résultat), qui sont entre elles en tension, ce qui incite à une confrontation. Les enfants ont trouvé les deux premières, j’introduis la dernière, mais avec un débat sur les deux sous-critères.
54Enfin, le style me semble plus directif que d’habitude, ce qui a l’avantage de maintenir fortement les exigences intellectuelles.
Notes de bas de page
1 Idem en 296.
2 Voir aussi ci-dessus en 160.
3 Voir en 137, 145, 250 et 289.
4 Il en va de même pour les arguments. Voir en 81 quand je reformule un argument et le désigne comme tel.
5 Nous reprenons ici les méta-règles proposées par Michel Charolles qui précise que pour qu’une suite de phrases constitue un texte, il faut qu’il y ait une répétition qui pose le thème du propos et la progression dans l’information apportée (cf. M. Charolles, « Introduction au problème de la cohérence des textes. Approches théoriques et étude des pratiques pédagogiques », Langue française, vol. 38, no 1, 1978, p. 20).
6 Idem en 296 et 311.
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Paroles de philosophes en herbe
Ce livre est cité par
- Polo, Claire. (2020) Le Débat fertile. DOI: 10.4000/books.ugaeditions.14879
- Point, Christophe. (2021) La Philosophie pour enfants : une piste pour réconcilier enseignement disciplinaire et vie scolaire ?. Studia Universitatis Babeș-Bolyai Philosophia, 66. DOI: 10.24193/subbphil.2021.1.08
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