IV. Sur les fleuves
Sôbolos rios
p. 71-85
Texte intégral
1. Balada de Paris
Posso escrever um poema como um fogo
Esta noite em Paris
E duas vezes a palavra mar
E duas vezes a palavra verde
Ou talvez os teus olhos
Esta noite em Paris
Posso escrever um poema como um barco
Para lado nenhum e toda a parte
E duas vezes a palavra longe
E duas vezes a palavra perto
Ou talvez os teus olhos
Esta noite em Paris
Posso escrever um poema como um porto
Por minhas naus achado e saqueado
E sete vezes a palavra rota
E sete vezes a palavra perigo
Ou talvez o teu corpo
Esta noite em Paris
Posso escrever um poema como lâmina
Em minhas mãos aberta : faca e rosa
E cinco vezes a palavra espada
E cinco vezes a palavra lua
Ou talvez os teus dedos
Esta noite em Paris
Posso escrever um poema como um sul
Subitamente aberto em tua boca
E sete vezes a palavra trigo
E sete vezes a palavra vinho
Ou talvez um adeus
Esta noite em Paris
2. Balada de Lisboa
Em cada esquina te vais
Em cada esquina te vejo
Esta é a cidade que tem
Teu nome escrito no cais
A cidade onde desenho
Teu rosto com sol e Tejo
Caravelas te levaram
Caravelas te perderam
Esta é a cidade onde chegas
Nas manhãs de tua ausência
Tão perto de mim tão longe
Tão fora de seres presente
Esta é a cidade onde estás
Como quem não volta mais
Tão dentro de mim tão que
Nunca ninguém por ninguém
Em cada dia regressas
Em cada dia te vais
Em cada rua me foges
Em cada rua te vejo
Tão doente da viagem
Teu rosto de sol e Tejo
Esta é a cidade onde moras
Como quem está de passagem
Às vezes pergunto se
Às vezes pergunto quem
Esta é a cidade onde estás
Como quem nunca mais vem
Tão longe de mim tão perto
Ninguém assim por ninguém
3. Balada de Leninegrado
Com Maiakovski pelas ruas fora
Conjugas o presente no passado
E há versos como salvas do Aurora
A rebentar por dentro da palavra agora
Em Leninegrado
Marinheiros do Báltico e operários
Caminham para o sonho nunca ousado
Proletários
De todos os países onde estais ?
Um sonho para sempre e nunca mais
Em Leninegrado
Como o Neva que passa para o mar
Como o Neva que passa que não fique
Senão em nós o velho brado
Da última canção de um bolchevique
Porque é terrível nunca mais ousar
Com Maiakovski em Leninegrado
4. Balada do poema que não há
Quero escrever um poema
Um poema não sei de quê
Que venha todo vermelho
Que venha todo de negro
Às de copas às de espadas
Quero escrever um poema
Como de sortes cruzadas
Quero escrever um poema
Como quem escreve o momento
Cheiro de terra molhada
Abril com chuva por dentro
E este ramo de alfazema
Por sobre a tua almofada
Quero escrever um poema
Que seja de tudo ou nada
Um poema não sei de quê
Que traga a notícia louca
Da história que ninguém crê
Ou esta afta na boca
Esta noite sem sentido
Coisa pouca coisa pouca
Tão aquém do pressentido
Que me dói não sei porquê
Quero um poema ao contrário
Deste estado que padeço
Meu cavalo solitário
A cavalgar no avesso
De um verso que não conheço
Que venha de capa e espada
Ou de chicote na mão
Sobre esta noite acordada
Quero um poema noitada
Um poema até mais não
Quero um poema que diga
Que nada há que dizer
Senão que a noite castiga
Quem procura uma cantiga
Que não é de adormecer
Poema de amor e morte
No reino da Dinamarca
Ser ou não ser eis a sorte
O resto é silêncio e dor
Poema que traga a marca
Do Castelo de Elsenor
Quero o poema que me dê
Aquela música antiga
Da Provença e da Toscana
Vinho velho de Chianti
Com Ezra Pound em Rapallo
E versos de Cavalcanti
Ou Guilherme de Aquitânia
Dormindo sobre um cavalo
E com ele então dizer
O meu poema está feito
Não sei de quê nem sobre quê
Dormindo sobre um cavalo
Quero o poema perfeito
Que ninguém há-de escrever
Que ele traga a estrela negra
Do canto e da solidão
Ou aquela toutinegra
De Camões quando escrevia
Sôbolos rios que vão
Que venha como um destino
Às de copas às de espadas
Que venha para viver
Que venha para morrer
Se tiver que ser será
E não há cartas marcadas
Só assim poderá ser
O poema que não há
1. Ballade de Paris23
Je peux écrire un poème pareil à un feu
Cette nuit à Paris
Et deux fois le mot mer
Et deux fois le mot vert
Ou bien peut-être tes yeux
Cette nuit à Paris
Je peux écrire un poème pareil à un bateau24
Vers nulle part et en tous lieux
Et deux fois le mot loin
Et deux fois le mot près
Ou bien peut-être tes yeux
Cette nuit à Paris
Je peux écrire un poème pareil à un port
Par mes nefs découvert et mis à sac
Et sept fois le mot route
Et sept fois le mot danger
Ou bien peut-être ton corps
Cette nuit à Paris
Je peux écrire un poème pareil à une lame
Dans mes mains ouverte : couteau et rose
Et cinq fois le mot épée
Et cinq fois le mot lune
Ou bien peut-être tes doigts
Cette nuit à Paris
Je peux écrire un poème pareil à un sud
Subitement esquissé sur ta bouche
Et sept fois le mot blé
Et sept fois le mot vin
Ou bien peut-être un adieu
Cette nuit à Paris
2. Ballade de Lisbonne
À chaque coin de rue tu t’en vas
À chaque coin de rue je te vois
Voici la ville où se trouve
Ton nom écrit sur le quai
La ville où je dessine
Ton visage avec soleil et Tage
Des caravelles t’ont emmenée
Des caravelles t’ont perdue
Voici la ville où tu arrives
Tous les matins de ton absence
Si près de moi si loin
Si hors d’être présente
Voici la ville où tu te trouves
Comme celui qui ne rentrera plus
Tellement à l’intérieur de moi tellement que
Jamais personne pour personne
Et chaque jour tu reviens
Et chaque jour tu t’en vas
Dans chaque rue tu m’échappes
Dans chaque rue je te vois
Tellement malade à cause du voyage
Ton visage de soleil et de Tage
Voici la ville où tu demeures
Comme celui qui est de passage
Parfois je me demande si
Parfois je me demande qui
Voici la ville où tu te trouves
Comme celui qui plus jamais ne viendra
Si loin de moi si près
Personne donc pour personne
3. Ballade de Leningrad
Avec Maïakovski25 parcourant les rues
Tu conjugues le présent au passé
Et il y a des vers pareils à des salves de l’Aurore26
Qui éclatent au-dedans du mot maintenant
À Leningrad
Matelots de la Baltique et ouvriers
Marchent vers le rêve jamais osé
Prolétaires
De tous les pays où donc êtes-vous ?27
Un rêve pour toujours et plus jamais
À Leningrad
Comme la Neva qui passe vers la mer
Comme la Neva qui passe que seul
Subsiste en nous le vieux hurlement
De la dernière chanson d’un bolchevik
Car c’est terrible de ne plus jamais oser
Avec Maïakovski à Leningrad
4. Ballade du poème qui n’est pas
Je veux écrire un poème
Un poème de je ne sais quoi
Qu’il vienne tout rouge
Qu’il vienne tout noir
As de cœur as de pique
Je veux écrire un poème
Tels des sorts croisés
Je veux écrire un poème
Comme celui qui écrit le moment
Odeur de terre mouillée
Avril avec de la pluie à l’intérieur
Et le bouquet de lavande que voici
Par-dessus ton oreiller
Je veux écrire un poème
Qui soit tout ou rien
Un poème de je ne sais quoi
Qui apporte la folle nouvelle
De l’histoire à laquelle nul ne croit
Ou bien cet aphte dans la bouche
Cette nuit dénuée de sens
Peu de chose Peu de chose
Tellement en deçà du pressenti
Que j’en souffre je ne sais pourquoi
Je veux un poème contraire à
Cet état que j’endure
Mon cheval solitaire
Chevauchant sur l’envers
D’un vers que je ne connais pas
Qu’il vienne portant cape et épée
Ou avec un fouet à la main
Sur cette nuit éveillée
Je veux un poème-soirée
Un poème à n’en plus
Je veux un poème qui dise
Qu’il n’y a rien à dire
Sinon que la nuit punit
Quiconque cherche une chanson
Qui ne serve pas à endormir
Poème d’amour et de mort
Au royaume du Danemark
Être ou ne pas être voilà le sort
Le reste n’est que silence et douleur
Poème qui porte la marque
Du château d’Elseneur28
Je veux le poème qui m’offre
Cette musique ancienne
De Provence et de Toscane
Du vin vieux de Chianti
Avec Ezra Pound à Rapallo29
Et des vers de Cavalcanti30
Ou bien Guillaume d’ Aquitaine31
Dormant sur un cheval
Et dire alors avec lui
Mon poème est fait
De je ne sais quoi ni sur quoi
Dormant sur un cheval
Je veux le poème parfait
Que nul n’écrira jamais
Qu’il apporte l’étoile noire
Du chant et de la solitude
Ou bien cette fauvette
De Camoëns lorsqu’ il écrivait
Sur les fleuves qui vont32
Qu’il vienne comme la destinée
As de cœur as de pique
Qu’il vienne pour vivre
Qu’il vienne pour mourir
Advienne que pourra
Car il n’y a pas de cartes marquées
Il ne pourra être que comme ça
Le poème qui n’est pas
Notes de bas de page
23 Le terme de balada renvoie à un chant de Coimbra caractérisé par l’engagement politique et la qualité littéraire des textes ; il est généralement accompagné à la guitare classique. Naturellement, la ballade est, à l’origine, une chanson à strophes, le plus souvent avec refrain, qui s’inscrit dans la tradition courtoise des troubadours ; par exemple, Dante en compose une dans Vita Nuova, que Manuel Alegre cite dans son recueil.
24 Il s’agit d’une allusion au poème d’Arthur Rimbaud, Le Bateau ivre, qui symbolise pour certains le destin voyageur du poète et, pour d’autres, l’espérance dans la victoire de la Commune.
25 Vladimir Maïakovski (1893-1930) adhère au parti bolchevique à l’âge de quinze ans, ce qui lui vaut plusieurs arrestations et onze mois de prison. Il restera néanmoins fidèle sa vie durant à l’idéologie révolutionnaire. En 1912, il participe à la création du groupe futuriste, croyant, comme de nombreux autres jeunes artistes de l’époque, que la révolution sociale allait coïncider avec la révolution dans l’art.
26 Il s’agit du navire de guerre utilisé au moment de la Révolution d’Octobre 1917. Il est aujourd’hui à quai à Saint-Pétersbourg (Leningrad), qui fut au cœur des événements de la révolution russe : il a été transformé en musée dédié aux héros de la révolution bolchevique.
27 Le Manifeste communiste, rédigé par Marx et Engels de décembre 1847 à janvier 1848, se termine par la célèbre formule : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous. ».
28 Hamlet, prince du Danemark est une tragédie de William Shakespeare ; cette œuvre, publiée en 1603, est très connue, grâce notamment à la tirade d’Hamlet : « Être ou ne pas être : telle est la question. » (William Shakespeare, Hamlet, prince de Danemark, trad. par André Gide, in Œuvres Complètes, textes présentés par H. Fluchère, Paris, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », 1977, acte III, sc. 1, p. 651).
29 Ezra Pound est né en 1885 aux États-Unis. En quête constante de l’avant-garde, cet esthète quitte l’Amérique pour la trouver à Londres en 1908, puis à Paris en 1921. Il quittera Paris en 1923 pour la chercher à Rappalo, en Italie, pensant la trouver dans le fascisme italien. Pound pratique diverses formes d’art : la musique, la poésie, la peinture, la sculpture. En 1912, il crée l’école poétique « Imagiste », qui vise à dépouiller le style de tout superflu. Son engagement aux côtés de Mussolini lui vaut d’être condamné en 1945. Ramené aux États-Unis, il est reconnu comme malade et interné jusqu’en 1958. Il retourne en Italie pour parachever son œuvre et il décède à Venise en 1972.
30 Guido Cavalcanti (v. 1250-1300) fut un poète florentin que Dante présente souvent comme « le premier de ses amis ». Tous deux faisaient partie de la confrérie initiatique des fidèles d’Amour, que Dante mentionne dans la Vita Nuova, laquelle est d’ailleurs particulièrement adressée à Cavalcanti ; leurs œuvres se caractérisent par le même symbolisme amoureux, la Dame y représentant la sagesse, à laquelle le fidèle accède par l’amour divin.
31 Guillaume IX d’Aquitaine (1071-1227), qui tenait sa cour à Poitiers, est le plus ancien troubadour connu. Son œuvre poétique marque le début de l’âge d’or de la littérature en langue occitane. Homme à femmes, excommunié pour avoir répudié son épouse légitime, il est l’auteur d’une poésie joyeuse, souvent grivoise ; mais il a aussi chanté l’amour pur, qui s’adresse à une dame souveraine que le poète sert sans rechigner.
32 Ce vers ainsi que le titre de cette quatrième partie du recueil, « Sur les fleuves », ressuscitent une ville idéale, la ville de Sion que Luís de Camões met en scène dans son poème Babel e Sião (Babel et Sion). Dans ce texte, Camoëns, qui paraphrase le Psaume 136, oppose la ville biblique de Sion – la Jérusalem céleste – à Babylone, laquelle est présentée comme le lieu de l’exil, d’où la nostalgie de Sion ressentie douloureusement par le sujet poématique. Il s’agit donc d’une double intertextualité, puisque de Camoëns nous sommes renvoyés à la Bible, et plus précisément à la ballade de l’exilé contenue dans le psaume de David, où l’on peut lire : « Nous nous sommes assis sur le bord des fleuves de Babylone, et là nous avons pleuré en nous souvenant de Sion. ». La première strophe du poème de Camoëns renvoie d’emblée au thème de l’exil : « Près des fleuves qui traversent / Babylone, je m’assis / et je me mis à pleurer/mes souvenirs de Sion,/ ce que j’y avais connu. » (« Babel et Sion », in Luís de Camões – La poésie lyrique (une anthologie portugais / français), trad. par Maryvonne Boudoy et Anne-Marie Quint, Bordeaux, L’Escampette, 2001, p. 43). Notons que cette quatrième partie intitulée « Sur les fleuves » n’existait pas dans la première version du recueil.
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