7. Les bovins, l’élevage et l’alpage
p. 177-220
Texte intégral
Le cheptel et le territoire des alpages des Contamines
1Grâce aux documents remontant au Moyen Âge (albergements, reconnaissances, règlements d’alpage), nous connaissons les noms anciens des principaux alpages – et leurs limites topographiques –, ceux de certains lieux réservés au petit bétail (chèvres et moutons étant exclus des bons pâturages), ceux des personnes bénéficiant d’un droit d’alpage puis, plus tard, au xviiie siècle, ceux des propriétaires de chalets construits, la plupart du temps sans autorisation, sur les communaux. Qu’il s’agisse des noms de lieux ou des noms de personnes, certains se sont maintenus jusqu’à nous au fil des siècles alors que d’autres ont disparu de la documentation écrite et même de la tradition orale à une époque indéterminée. Malgré cette évolution tout à fait normale dans la dénomination des lieux et des gens au cours du temps, on remarque une longue continuité dans l’occupation de cet espace pastoral et dans la manière de s’y repérer en se référant au milieu naturel aussi bien qu’aux traces de l’habitat temporaire sur l’alpage.
Les alpages, leurs lieux-dits et leurs limites : une histoire presque millénaire
2Le document le plus ancien sur ces alpages, l’albergement de Béatrice de Faucigny en 1289, ne concerne que les montagnes de Montjovet et des Prés sans mentionner ni lieu-dit ni limite des pâturages. Toutes deux ont conservé leur nom depuis cette époque. Si la signification des Prés est claire, celle de Montjovet (en fait l’actuel Plan Jovet) l’est beaucoup moins dès lors que la référence à Jupiter (latin Jovis) est très douteuse malgré l’existence assurée d’une voie de passage ancienne en direction de la Tarentaise : autrefois, mont ne désignait pas un point culminant mais un col ou un alpage élevé, ce qui est le cas ici ; quant à jovet, il peut se rattacher soit à joux « forêt » (patois zheû), s’il y a eu défrichement d’un bois à cette lointaine époque, soit à un diminutif de joug au sens imagé d’ensellement d’un col comme semble l’indiquer le lieu-dit de tradition orale l’Anbâta « la selle du bât » à l’entrée de l’alpage (vers le pylône EDF).
3En 1467, presque deux siècles plus tard, la reconnaissance des montagnes de Montjovet, de Pré Donprêt, de la Giettaz et de Nant Blanc par Janus de Savoye énumère les confins de ces montagnes « jointes les unes aux autres » selon la formule du texte. Aux lieux mentionnés en 1289 s’ajoutent donc, rive droite du Bonnant et face à la Rollaz, la Giettaz, qui en patois désigne « le pâturage où repose le bétail », « l’enclos pastoral », et Nant Blanc qui correspond à l’actuelle Combe Blanche en rive gauche du Nant de Tré-la-Tête. Les confins sont ensuite cités en s’orientant à l’est à partir du Nant des Lanchers qui passe devant Nant-Borrant, ce qui veut bien dire que les montagnes de la Rollaz et de la Balme sont comprises dans cet espace pastoral.
Une délimitation précise des alpages
4Du Nant des Lanchers, la limite passe par les frêtes et chantelles « arêtes » entre la Giettaz et la Laya, puis l’Eau du Nant Blanc jusqu’à la Tête de Combaz Noire, se dirige au sud vers le glacier de Nant Blanc (sans doute l’actuel glacier de Tré-la-Tête), continue jusqu’au lieu-dit de Frû (localisation inconnue) et au Nant des Lotharets (vers la Croix du Bonhomme, ce nant est toujours la frontière actuelle de la commune des Contamines-Montjoie). De là, la limite descend ce torrent vers l’ouest jusqu’à la Fontaine « source » de Fer (localisation inconnue) puis à l’Eau de la Saze (maintenant le torrent de la Gitte sur l’alpage de la Sausse, commune de Beaufort) pour repartir au nord par la Lanche Contat (localisation inconnue), les Rochassets des Bancs (arête du col du Bonhomme à la Pennaz), le milieu de la Montagne Noire (la Pennaz ?), jusqu’à la Fontaine de Crêt maillet, la Pierre de la Sulp, le Rocher Blanc (localisation inconnue pour ces trois lieux-dits, sans doute au-dessus des Prés).
Une réglementation rigoureuse des pratiques pastorales
5Plus d’un siècle s’écoule encore avant l’octroi par Jacques de Savoye, en 1579, d’un règlement en onze articles requis par les procureurs des communiers des montagnes de Nant Blanc, Montjovet, les Prés, la Giettaz, la Saussa, la Barme. Cette fois, deux nouveaux noms d’alpages sont cités expressément : la Saussa, toponyme qui indique la présence de saules, se situe au-delà du col du Bonhomme et comprend l’actuelle montagne des Cavets sur la commune des Contamines ; la Barme, nom patois de la Balme qui signifie « rocher surplombant, abri sous roche » comme on en voit dans les pâturages des alentours.
6D’autre part, le huitième article indique où doivent être conduites les bêtes sans lait et le menu bétail qualifié de « nuisible » : pour celles du challex de Montjovet, ce sera les Grands Rebans, c’est-à-dire tout le secteur qui s’étend en amont du lac Jovet, sous les Bellaval (vers les Rebanets Chassots), jusqu’à la Tornettaz (peut-être le Rocher du Bonhomme ou Tête à l’Aigle) ; pour celles de la Barme, ce sera la Cottaz es Veis « la Côte aux Veaux » (sous la Pennaz à hauteur de Plan Jovet) jusqu’aux lieux-dits Sur la Penaz (sous les rochers de la Pennaz à hauteur du Plan des Dames) et Lanche froide (localisation incertaine) ; enfin, pour celles de Beaux Prés Cullet (sans doute les pâturages du chalet communal actuel près du lieu-dit Byô Pra qui domine la Balme) et des Prés, ce sera au-dessus des Rochassets des Prés et à la Lanche des Prés (au pied des cols de la Ciclaz et de la Fenêtre).
7Une nouvelle reconnaissance de la « grande montagne commune » de Montjovet, des Prés, de la Giettaz et de Nant Blanc, en date du 14 juin 1590, nous est connue par un mémoire rédigé en français par un particulier, Joseph Marie Nicoud, dans une orthographe très approximative en reprenant l’essentiel des documents antérieurs. Cependant, il cite quelques noms de lieux qui n’étaient pas attestés auparavant : ainsi, il est question des joux « bois » du Fieugier et des Plans (sur le Cugnon), de Nanburant (Nant-Borrant), des Fourgy (les Fours) près la Tornettaz, de Thomasset (en fait les Tovassets « les tufs » sous le col du Bonhomme), de la Pierre de la Fleur « pierre de la crème du lait » (actuelle Pierre de la Fleû sur l’arête de l’aiguille de Rosellette ?) et de la Fenestre des Prés (col de la Fenêtre ou lieu-dit Forclaz, entre Roselette et les Prés).
La richesse toponymique de la tradition orale
8Si les registres de la mappe sarde de 1730 ne donnent que les noms des principaux alpages communaux, les règlements des montagnes communes, sans cesse revus et augmentés aux xviiie et xixe siècles, indiquent avec précision les lieux des pâturages autorisés ou interdits aux moutons et aux chèvres. Très souvent ce sont des noms de lieux qui ne figurent pas sur le cadastre et qui ont été en partie conservés par la tradition orale en patois. Il en est ainsi de Tré les Laits « au-delà des lacs [Jovet] », en patois Tré lou Lè, de la Pâraz de la Moutalat « pente de la motte de beurre », en patois Pâra dè la Moutala (aux Prés), des Corniers (au-dessus de la Balme, sous le pylône des Prés), de la Jorette « petite forêt », en patois zhorèta (sous la Balme), du Crétet de l’Ebai « crête du feu de joie », en patois Krétè dè l’Ébé (aux Prés), des Marmotannes « les gîtes des marmottes » (au nord des lacs Jovet).
9Mais les noms de lieux-dits d’alpage dont on retrouve une trace écrite ne représentent qu’une faible part de ceux que connaissaient les bergers de ces montagnes. L’enquête que j’ai menée avec eux, entre 1980 et 1995, sur la toponymie du secteur situé entre Nant-Borrant et le col du Bonhomme, m’a fourni environ 150 lieux-dits, la plupart sous forme patoise. Effectuée quelques décennies plus tôt, l’enquête se serait révélée plus riche encore.
Les chalets et les montagnards
Chalet et chavanne
10Il faut d’abord rappeler que le mot chalet ne s’entendait autrefois que de l’habitat temporaire sur l’alpage et jamais pour dénommer l’habitation principale en vallée ; plus anciennement, chalet pouvait même être synonyme de gitte/gietta et désigner l’enclos où les vaches passaient la nuit à l’abri de murettes de pierres. Au Moyen Âge, le seul vrai bâtiment de l’alpage fut peut-être la chavanne « cabane », la pièce où l’on fabriquait le fromage. En 1289, c’est seulement une chavanne qui est albergée avec les pâturages de Montjovet et des Prés à Bouson Mugnier et à Jean Gentil le fils (et à ses frères), mais il est noté un peu plus loin qu’une autre chavanne au même lieu a auparavant été octroyée à Pierre don Leys et à ses consorts ; tous les communiers ne sont d’ailleurs certainement pas portés sur ce premier albergement.
Les communiers du Moyen Âge
11En 1467, ce sont 106 personnes qui sont nommées comme albergataires des grandes montagnes, soit elles-mêmes, soit leur veuve, leurs enfants ou leurs frères. Ce nombre élevé de communiers représente une fraction importante de la population du haut de la vallée alors qu’on se trouve encore en pleine stagnation démographique consécutive aux grandes pestes du xive siècle. La plupart des personnes citées possèdent un nom de famille mais quelques-unes sont encores désignées par un simple prénom suivi du hameau de résidence (Martin du Cugnon, les enfants de Pierre des Granges, Mermet de la Revenaz). Plus de la moitié des patronymes ont disparu de la vallée au cours des siècles suivants : Don Guyut, Tonnex, Pugin, Bonjoye, Mérandet, Glibier, Champoutan, etc. En revanche, on trouve déjà des familles de Rey, Jacquemoud, Callamard, Parent, Espritoz, Cuidet, Mollard, Bessat, Nicoud, Revilliod, Mattel, Bouvard, Ros (Roch) à côté de lignées qui se sont éteintes depuis une centaine d’années : Curtet, Ador, Gros, Vuagnoux, Hotte, Quey, Charvey, etc. Les Cuidet, Rey, Jacquemoud et Bessat étaient également présents, aux côtés des Barbier et des Louvier, dans l’albergement d’Armancette de 1368 qui compte plus de 50 noms.
12Une autre liste des communiers des montagnes de Montjovet, des Prés et de Barme dont on ne connaît pas la date exacte (1578 ou plus tôt) fournit les noms de 94 personnes ; certains patronymes de 1467 n’y figurent pas comme Bonjoye, Tonnex, Glibier, Hotte ; de nouvelles dénominations apparaissent mais n’ont pas eu de descendance jusqu’à notre époque comme Mellier, Agnès, Barbaz, Mariétan, Delachenal, etc. Parmi les noms de famille toujours connus de nos jours, on retrouve les mêmes qu’en 1467 auxquels s’ajoutent les Duplan, Rey Raddaz et Duquy ; ces derniers semblent nombreux ainsi que les Parent et les Jacquemoud, mais il y a toujours des personnes dont seul le prénom est cité, suivi du village de résidence (le Cugnon, la Revenaz, le Champelet).
Nouveaux enjeux sur l’alpage
13Vers 1730, la confection de la mappe sarde apporte des éléments nouveaux à la connaissance des montagnes appelées désormais « communaux » (lou kmon en patois). De nombreux bâtiments appartenant à des particuliers, et non plus à la communauté, ont été édifiés sur les pâturages depuis le xviie siècle et vont être cadastrés sous le nom de leur propriétaire. À Montjovet, il y a alors six constructions réparties sur deux rangées : l’une en alignement du seul chalet ancien demeurant actuellement comporte les possessions de Michel Jacquemoz, Joseph Gros et Nicolas Gentil ; l’autre, plus près du torrent issu du lac Jovet, au lieu-dit les Vieux Chalets, comprend les édifices de Nicolas Callamard, François Gros et Jean Bouvard, probablement emportés par une avalanche avant 1848. À la Balme, il y a quatre constructions dont trois à l’emplacement actuel (celle du haut en possession de Joseph Bessat feu Nicolas, celle du milieu propriété de Joseph et Pierre Curtet, celle du bas appartenant à Nicolas Hoste), ainsi qu’une plus au nord-ouest, à droite du chemin (veuve de Nicolas François Demunier) ; à la Rollaz, trois (Rey Nicolas, Gentil Nicolas, Mollard Hugues), cinq aux Prés sur le site des chalets actuels dont au moins deux ou trois à Hugues Mollard de Nivorin ; à la Giettaz, il y a environ huit granges dont deux au curé Claude Gaillard, une à Mollard Léger et une à Hugues Mollard.
14Après la séparation des paroisses de Saint-Nicolas et des Contamines, il est question de vendre ou d’ascenser une partie des communaux pour éteindre la dette des affranchissements des droits seigneuriaux, ce qui se réalisera seulement pour la montagne de la Saussaz ascensée à des montagnards du Beaufortain ou de la Tarentaise dès 1790. Concernant le reste des communaux, cette proposition va susciter jusqu’à la Révolution des divisions dans le conseil des Contamines : les opposants, en majorité originaires de la paroisse de Notre-Dame de la Gorge, sont souvent ceux qui possèdent des chalets sur les alpages et se voient reprocher « leurs usurpations » sur les communaux. De nouvelles constructions « sauvages » ont en effet été édifiées tout au long du xviiie siècle et jusque vers 1815 : dès 1777, on en recense à Montjovet (Jean-Claude Parent), à la Rollaz (Nicolas François Espritoz), à la Balme (Jean-François Mermoud).
15Mais c’est en 1812 que le maire de l’époque, Nicolas Mollard, rédige avec Joseph François Revilliod un « état des bâtiments édifiés sur les communs depuis les mensurations de 1733 et non cadastrés », document qui mentionne aussi les extensions d’édifices déjà cadastrés mais usurpant du terrain communal ; c’est le cas à la Balme pour les chalets appartenant à François Raddaz dit Francœur et à Jean-Claude Raddaz. On va jusqu’à menacer les contrevenants de démolir leurs chalets non cadastrés en cas de refus de bail. Cependant, les tensions semblent bientôt se calmer et on assiste à des compromis suivis de régularisations moyennant indemnités. Dès lors, les nouvelles constructions se poursuivent mais elles se font sur requêtes des particuliers auprès du conseil, comme en 1828 où François Espritoz en sollicite une à la Rollaz et Nicolas Nicoud une à la Giettaz.
Avant le déclin de l’exploitation pastorale
16Durant la première moitié du xxe siècle, la vie pastorale est toujours aussi animée qu’avant 1900, même si les pâturages les plus éloignés commencent à être abandonnés et si quelques chalets d’alpages ont disparu, suite aux caprices du temps et des avalanches. Au cours de ces premières décennies, le fonctionnement des alpages communaux demeure identique à celui du siècle précédent si l’on s’en rapporte aux souvenirs de Robert Bessat (enquête datant de 1990) : les propriétaires ou les locataires exploitants des chalets situés sur les pâturages communaux accueillent les troupeaux (de 20 à 30 vaches) des particuliers ; ceux-ci versent directement la cense à la commune en fonction du bétail inalpé et participent aux corvées d’entretien des chemins et de l’alpage (mener le fumier au printemps) ; naguère, le jour de l’ouverture de l’ensemble des communaux (hormis Jovet, montagne plus tardive) était annoncé par le garde champêtre et la descente se faisait nécessairement à la dèstembre, le 8 septembre, ce qui impliquait de conduire ensuite les vaches aux sourtsé, les « sorties » ou « montagnettes » de la Laya, Combe Noire, Sololieu, la Giettaz, Nant-Borrant, l’Essert, la Chenalette ; pour son travail, le montagnard obtient le lait de la traite d’un jour par semaine (puis de deux jours plus récemment) tandis que le particulier possédant des laitières reçoit son dû en beurre, fromage et sérac. Les gens placent leurs vaches auprès de tel ou tel montagnard en fonction d’affinités, de liens de parenté ou d’habitudes de transmission familiale. Après guerre, la tendance est au regroupement des exploitations pastorales : sur un site d’alpage il n’y a plus qu’un ou deux montagnards qui rachètent ou qui louent les chalets de leurs voisins.
17Ainsi, à la Rollaz, il y avait deux montagnes de 25 à 30 vaches chacune : l’une aux Barbier « Coli » (qui avaient aussi Montjovet) jusqu’en 1918 où elle fut vendue à Vionnet « Cavette » qui la céda à son tour à la grand-mère de Michel Raddaz, Louise Jacquemoud (de 1924 à 1934) avant que n’y aillent Marius Mollard (en location de 1935 à 1942) puis Isidore Cuidet et enfin Michel et Jeanine Raddaz à partir de 1964 ; l’autre à des Bessat de Tresse (Cécile épouse Vionnet et Mandine au « Rat ») qui la vendirent au père de Henri Mollard.
18À la Balme, la maison (le refuge actuel) qui appartenait aux Raddaz est revenue à Robert Gut qui reprend les chalets de Chatelard (bâtiment de fabrication du fromage) et de Cuidet (étable), ce qui lui permet d’accueillir un troupeau de 40 vaches environ.
19À Montjovet, qui sera occupé jusque vers 1930, le chalet des Barbier est vendu vers 1914 à Grange qui loue un temps la montagne (à des Mollard « Carlin » de 1927 à 1929, à des Raddaz) avant de la revendre à Jacquemoud « Botsique » qui achète aussi une montagne à la Giettaz.
20Aux Prés, les derniers bâtiments exploités sont ceux des Monnard (par Élie Bessat et sa famille jusqu’en 1955) et ceux des Roch Dupland (repris par Marius Mollard et sa femme Hortense jusqu’en 1956-1957, puis par Michel Raddaz en 1960).
21La Giettaz constituait davantage une montagnette de printemps et d’automne pour Montjovet qu’un réel alpage, et on y récoltait du foin sur les parcelles privées qu’entoure le domaine communal.
22Les dernières décennies du xxe siècle ont vu la fin d’un mode d’exploitation pastorale qui n’avait que peu changé depuis le Moyen Âge, en emportant une multitude de souvenirs et de connaissances, de tradition essentiellement orale. Cette activité pastorale s’est cependant maintenue sous d’autres formes dans le village et le riche vocabulaire dialectal qui concerne l’élevage et l’inalpage (423 entrées lexicales dans notre enquête) s’est relativement bien perpétué dans le français local, au moins à titre de mots-souvenirs, souvent usités pour dénommer des chalets touristiques ou des maisons rénovées. L’environnement forestier avait suscité chez nos témoins de nombreux récits de vie, celui de l’alpage leur a aussi fourni l’occasion d’évoquer quelques riches heures du temps passé sur les pâturages d’altitude, cet espace si humanisé durant la belle saison mais redevenu, dès les premières neiges, un espace étrange, hanté durant l’hiver par les êtres imaginaires des récits légendaires à l’égal du milieu de la forêt durant la nuit.
7.1. Les bovins
7.1.1. Caractéristiques physiques
23vashe (n. f.) : vache ; avè kè davè vashè « ne posséder que deux vaches » ; gardâ na vashe eû beû « garder une vache à l’étable » (en été pour avoir du lait ou la tenir à l’étable en cas de maladie) ; vashe a lashé « vache laitière ». Les noms donnés aux vaches sont la plupart du temps français (noms de villes, de fleurs, traits de caractère : Fleurie, Picotin, Milan, Turin, Lutèce, Muguet, Lionne, Tigre) alors qu’on leur parle en patois.
24vé (n. m.) : veau ; dou vé « deux veaux » ; on byô vé « un veau gras » ; férè lo vé « vêler » (en mauvaise part pour une femme : accoucher) ; bère man on vé « boire comme un veau » (en lapant goulûment) ; shyé lé Kini y éyan trovâ on vé su lo branlo, i dzan k y érè lo sèrvan, pansâ vi y érè dè zhoune k éyan fé san « chez les Quini ils avaient trouvé un veau sur le branle, ils racontaient que c’était le fait du sèrvan, pensez donc, c’était des jeunes qui avaient fait le coup » (pour les abuser) ; top. : la Keûta é Vé - la Côte aux Veaux.
25fèmé (n. m.) : veau femelle qu’on élève ; on brâvo fèmé « un beau veau » ; fr. loc. : fèmé.
26tsitsou (n. m.) : petit veau (terme enfantin et cri d’appel pour le veau) ; fr. loc. : tsitsou, siçou (en 1889).
27bô (n. m.) : taureau, veau mâle ; mnâ la vashe eû bô « mener la vache au taureau ».
28mozhe (n. f.) : génisse d’environ trois ans ; na groussa mozhe « une grosse génisse » ; na mozhe avanchâ « une génisse précoce » ; na mozhe tardzâ « une génisse tardive » ; fr. loc. : moge, « une jenisse ou moge » (en 1759).
29mozhon (n. m.) : petite génisse de deux ans ; au figuré : gendre qui va habiter chez son beau-père et se retrouve de fait sous son autorité, jeune fille fortement charpentée ; grou mozhon ! « gros veau ! » (insulte à une grosse femme) ; fr. loc. : mogeon-génisson ; top. : la Rèshe é Mozhon - la Rèche aux Mogeons.
30mozhnè (n. m.) : petite génisse à peine âgée de deux ans, jeune génisson.
31mozhnyé (n. m.) : berger qui a la garde des jeunes génisses dans les grands alpages.
32borin-na (n. f.) : belle génisse ou belle vache ; na brâva borin-na « une belle génisse » ; fr. loc. : borinne « belle jeune fille ».
33plata (adj.) : grasse ; fin-na plata « fine grasse, très grasse » (vache à viande).
34étiko (adj.) : maigre (en parlant des veaux et vaches).
35boutchye (adj. et n. m.) : têtu (en parlant d’un taureau) ; on vré boutchye « une personne tout à fait têtue » ; fr. loc. : boutche.
36ékorchére (n. f.) : vieille vache maigre.
37krebyo (n. f.) : vieille vache malade, en mauvais état de santé.
38krôka (n. f.) : vieille vache maigre, vieille femme acariâtre ; fr. loc. : crôque « mauvaise femme ».
39krouye (n. f.) : vieille vache maigre ou maladive ; terme injurieux : « saleté ! ».
40keûrna (n. f.) : corne ; dè keûrnè rlèvâ, boklyâ « des cornes relevées en avant » ; du man dè la keûrna « dur comme de la corne » ; au figuré, « bout d’un champ, coin, recoin » d’où les toponymes : les Corniers, les Cornettes, les Cornes, Côte des Corniers.
41rbikâ (v. intr. ou pron.) : faire une volute, se redresser (en parlant des cornes ou de la queue de la vache) ; au sens figuré, se rebiffer, prendre la mouche ; fr. loc. : se rebiquer.
42ékornâ (v. tr. et pron.) : écorner, se casser une corne ; la vashe s èt ékornâ « la vache s’est écornée ».
43sheûbon (n. m.) : cornillon, racine de la corne ; le s è kassâ lo sheûbon « elle s’est cassé la corne » ; top. : lo Sheûbon - le Cheûbon.
44ryo (n. f.) : anneau, petit bourrelet qui se forme à la corne à chaque vêlage ; n é sat ryè a la keûrna « j’ai sept anneaux à la corne » (disait une femme qui avait eu sept enfants).
45lnèta (n. f.) : auréole autour des yeux caractéristique de la race d’Abondance, « lunette ».
46kornyeûla (n. f.) : cou, gosier de la vache ; fr. loc. : cornieûle.
47gouryan (n. m.) : naseau.
48golyére (n. f.) : fanon de la vache ; fr. loc. : goliére.
49râtèlâ (n. f.) : échine ; fr. loc. : râtèlâ.
50anbâtâ (p. p.) : affaissé, qui a la forme d’une selle, d’un bât, qui n’a pas l’échine droite ; top. : l’Anbâta, Nanbâta.
51kouér (n. m.) : cuir de la vache, peau ; avè lo kouér prè « avoir le cuir pris » (collé aux poumons, manifestation de la tuberculose).
52cho (n. m.) : suif.
53kava (n. f.) : queue ; dèvan kè d arya on atashyéve la kava a na gripa pè pa sè férè éklyafâ « avant de traire on attachait la queue à une patte pour ne pas se faire éclabousser ».
54kouâr (n. m.) : volute au départ de la queue, naissance de la queue ; fr. loc. : couâr.
55s ékouardâ (v. pron.) : se sasser la queue, s’écarteler.
56keûrdâ (n. f.) : nerfs sacrés.
57uvro (n. m.) : pis de la vache ; mta d uvro « amouiller, être prête à vêler ».
58possa, posse (n. f.) : trayon de la vache, mamelle ; fr. loc. : posse « trayon », « sein ».
59épochâ (p. p.) : dont un trayon est sans lait.
60van-na (n. f.) : veine ; la van-na deû lashé « la veine du lait » (examinée par le maquignon).
61neûra (n. f.) : vagin de la vache ; fr. loc. : neûre.
62borsè (n. f. pl.) : bourses, scrotum du taureau.
63sikè (n. f. pl.) : testicules du taureau ; fr. loc. : siques.
64shâtrâ (v. tr.) : châtrer une bête.
65kopâ (v. tr.) : châtrer une bête.
66gripa (n. f.) : patte de la vache ; tnin pè lé gripè « tenir par les pattes, entraver ».
67gripon (n. m.) : chevilles, sabots des animaux (ou d’êtres fantastiques comme le sèrvan), pieds du veau qui sortent en premier au vêlage ; fr. loc. : gripon.
68glyapon (n. m.) : arrière du sabot, onglon.
69botasson (n. m.) : sabot de la vache ; fr. loc. : botasson.
70débotasnâ (v. intr.) : perdre le sabot.
71bôta (n. f.) : enveloppe cornée détachée du sabot, excroissance que l’on coupe ; fr. loc. : bôte.
72pârâ (v. tr.) : couper les excroissances, polir ; pârâ la bôta dèvan l anmontanyeûra « couper les excroissances cornées avant la montée à l’alpage » (pour que les vaches marchent plus aisément).
73pèlyè (n. m. pl.) : poils, pelage ; lou grou pèlyè « la bourre du poil » ; fr. loc. : peillet.
74bâye (n. f.) : tache naturelle ou accidentelle sur le pelage, sur la tête ; fr. loc. : baîlle.
75bâyâ (p. p.) : tacheté, qui porte une tache de couleur.
76bèrdolâ (p. p.) : vache dont la robe a deux couleurs, rouge et blanche.
77boshardâ (p. p.) : vache dont le pelage (ou la tête) est moucheté ; fr. loc. : « deux vaches, l’une noire, l’autre poil bochardé » (en 1705).
78floratâ (p. p.) : vache à deux couleurs présentant des taches blanches, d’où le nom de vache Fleurie.
79patchyôlâ (p. p.) : bariolé (en parlant du pelage).
80lanbardâ (p. p.) : qui a une tache blanche.
81moutèla (n. f.) : vache qui a une tache en forme d’étoile blanche sur le front ; na moutèla y é na vashe avoué n étèla blanshe « une moutèle, c’est une vache avec une étoile blanche », d’où le nom de vache Moutèle.
82muguè : Muguet, nom de vache au pelage rouge.
83vyolatâ (p. p.) : vache au pelage blanc et noir à dominante noire.
7.1.2. Caractère et comportement des bovins
84myan, myanta (adj.) : agréable, qui se laisse caresser.
85karassanta (adj.) : caressante, qui se laisse caresser.
86karassâ (v. tr.) : caresser une bête, la flatter.
87ko-nssan, ko-nssanta (adj.) : qui reconnaît son entourage et ne se laisse approcher que par lui ; fr. loc. : connaissant(e).
88mâmyan, mâmyanta (adj.) : désagréable, qui joue de mauvais tours ; fr. loc. : mâmiant(e) « turbulent(e) ».
89malin, malin-na (adj.) : méchant(e).
90vèrnye (adj.) : agressif, violent (en parlant des vaches qui se battent au printemps à la sortie des étables).
91sarvâzhe (adj.) : sauvage, qui a peur.
92épordzâ (adj.) : effarouché.
93bramâ (v. intr.) : beugler, meugler.
94brâmo (n. m.) : beuglement, cri d’appel ; peûssâ on brâmo a kakon « appeler quelqu’un en criant très fort » ; peûssâ dè brâme « vociférer » ; fr. loc. : brâme.
95bramyé, bramyére (adj.) : qui pousse des beuglements incessants.
96brâma (n. f.) : vache qui pousse des beuglements incessants ; fr. loc. : brâme « personne criarde ».
97mouin-nâ (v. intr.) : meugler doucement, gémir, récriminer ; fr. loc. : mouinner.
98mouin-no (n. m.) : léger meuglement, gémissement, grognement ; fr. loc. : mouinne.
99rulâ (v. intr.) : mugir, hurler (en parlant du taureau).
100kornâ (v. tr.) : encorner, donner un coup de corne ; bin, mâ kornâ « bien, mal encornée » (en parlant d’une vache).
101kounyé (v. tr.) : cogner, taper, donner des coups dans le pis de la vache (en parlant du veau qui tète).
102tapâ (v. tr.) : donner des coups de pieds, taper ; s le tape adé kan on l arye ? « est-ce qu’elle tape toujours quand on la trait ? ».
103tarjé (v. intr.) : trépigner, secouer la patte durant la traite.
104pyatâ (v. intr.) : trépigner, piétiner le sol (spécialement durant le vêlage) ; fr. loc. : piatter.
105druzhnâ (v. intr.) : cabrioler, sauter, s’ébattre ; lo vé druzhe dan son sèrnyeû « le veau cabriole dans son recoin ».
106sarabanda (n. f.) : tapage dans l’étable où les veaux cabriolent.
107kavaché (v. intr.) : donner des coups de queue (surtout durant la traite).
7.1.3. La reproduction et le vêlage
108man-nâ (v. tr.) : mener ; man-nâ la vashe eû bô « amener la vache au taureau » ; man-nâ lo bô « mener le taureau, être en chaleur [en parlant de la vache] » ; fr. loc. : mener « être en chaleur » (en parlant de la vache ou, ironiquement, d’un être humain).
109dmandâ (v. tr.) : demander ; la vashe dmande lo bô « la vache est en chaleur ».
110sèrvi (v. tr.) : saillir ; i fa férè sèrvi la vashe « il faut faire saillir la vache » ; fr. loc. : servir.
111détré (n. m.) : enclos, travail où le taureau saillit la vache ; fr. loc. : détré « réduit servant aux ébats amoureux, garçonnière ».
112klyéron (n. m.) : liquide vaginal de la vache.
113klyérnâ (v. intr.) : perdre le liquide vaginal, mouiller ; le man-ne lo bô, guéta man le klyérne « elle est en chaleur, regarde comme elle mouille ».
114kavalâ (v. tr.) : chevaucher (en parlant d’une vache à nouveau en chaleur) ; sè kavalâ « se chevaucher » ; fr. loc. : se cavaler « coïter ».
115bourdèlâ (v. intr.) : être trop souvent en chaleur, devenir stérile.
116bourikalâ (v. intr.) : être trop souvent en chaleur.
117bovyére (n. f. et adj.) : en chaleur une seconde fois, « taurelière », vache devenue stérile avec l’âge mais encore en chaleur.
118toursa (adj.) : vache stérile un an sur deux, qui ne porte pas de veau depuis plus d’un an.
119vèrda (adj.) : stérile ; kan i rulan i vnyan vèrdè « quand elles mugissent [comme des taureaux] elles deviennent stériles ».
120anpli (v. intr. et tr.) : féconder, être fécondée (en parlant de la vache) ; l a pa anpli « elle n’a pas été fécondée, elle ne porte pas de veau » ; fr. loc. : emplir ou remplir.
121plan-na (adj.) : fécondée, qui porte un veau ; fr. loc. : pleine (en parlant de la vache portante ou, irrespectueusement, d’une femme enceinte).
122tnin (v. intr. et tr.) : être fécondée, porter (le veau), « retenir » ; l an a pa tnon « elle n’a pas retenu ».
123rèvnin (v. intr.) : « revenir » (en parlant de la vache qui n’a pas été fécondée et qu’on doit faire revenir au taureau) ; l è pa rèvnon « elle n’est pas revenue », c’est-à-dire : elle a été fécondée ; fr. loc. : revenir.
124térmo (n. m.) : terme de la gestation (9 mois, 9 jours) ; le sara a térmo dan dou mè « elle vêlera dans deux mois ».
125prèta (adj.) : à terme, sur le point de vêler ; fr. loc. : prête.
126s avanché (v. pron.) : être en avance sur son terme (en parlant de la vache).
127tardzé (v. intr.) : être en retard sur son terme (en parlant de la vache).
128shtè (n. m.) : retard d’une vache sur son terme ; l a kinze zhor dè shtè « elle a quinze jours de retard ».
129agotâ (v. intr.) : tarir ; marpanta pa mé sla vashe, t va la férè agotâ « cesse de tourmenter cette vache, tu vas la faire tarir ».
130agota (adj.) : tarie, sans lait ; fr. loc. : agoutte.
131bzhon (n. m.) : liquide épais qui goutte à peine des vaches taries.
132andrèmèlâ (v. intr.) : avoir le pis qui enfle, qui durcit avant le vêlage ; on mtâve dè téra grassa su l uvro dè lé vashè k andrèmèlâvan « on mettait de la terre grasse [argile] sur le pis des vaches qui enflait » ; fr. loc. : endremèler (pour les pis des vaches ou les seins des femmes).
133vélâ (v. intr.) : vêler ; l a fé lo vé to seû, on a trovâ lo vé a la ryan-na « elle a fait le veau sans aide, on a trouvé le veau dans la rigole du purin ». Kan la vashe è pré dè vélâ on guétse la lna, poué fa vèlyé kan l fâ l éva, fa bin laché férè l éva ; on i vè d abor s al è bin vryâ lo vé, on tante dèdan s on sin lo nâ ; lé gripè fa broudâ a mèrzhe kè la vashe kote s le s éde pa… na vè k al è fôr fâ l éssuyé, lyo balyé on bokon dè sokro, lo férè bavâ. « Quand la vache est sur le point de vêler on regarde les phases de la lune, puis il faut surveiller quand elle fait les eaux, il faut bien laisser expulser la poche d’eau ; on voit tout de suite si le veau est tourné dans la bonne position, on tâte à l’intérieur si on sent le nez ; les pattes, il faut les tirer à mesure que la vache pousse au cas où elle ne fasse pas assez d’efforts… une fois que le veau est sorti il faut l’essuyer, lui donner un peu de sucre, le faire baver. »
134mtâ ba (v. tr.) : vêler ; mtâ ba on fèmé « faire un veau femelle » ; ntra vashe avè mtâ ba on vé a davè tétè : lé zhan vnyan lo guétsé ; Kini a dzè : « Vin yé, i on vré filomène », a savè pa dire fénomène ; sé vé al avè la téta d on bô poué la téta d on fèmé, la vashe a intâ tota égrâ « notre vache avait fait un veau à deux têtes : les gens venaient le voir ; Quini disait : “Venez voir, c’est un vrai philomène”, il ne savait pas dire phénomène ; ce veau avait la tête d’un mâle et la tête d’une femelle, la vache a été toute déchirée » ; fr. loc. : mettre bas.
135amolyé (v. intr.) : être prête à vêler, « amouiller » ; l amolye, l uvro kanfle « elle est prête à vêler, le pis gonfle ».
136sè batre (v. pron.) : se débattre durant le vêlage, être agité, se démener.
137férè l éva (v. tr.) : expulser la poche des eaux avant le vêlage.
138débonatâ (v. tr.) : agrandir le passage pour le veau avec les mains.
139broudâ (v. intr.) : tirer avec force le veau ou un objet quelconque qui est retenu.
140se déférè (v. pron.) : relâcher les nerfs sacrés, se casser.
141kotâ (v. intr.) : pousser pour faire sortir le veau (de la vache) ; fr. loc. : coter.
142s édzé (v. pron.) : prêter aide (en parlant de la vache qui participe aux efforts de l’homme pour le vêlage) ; fr. loc. : s’aider à quelqu’un.
143mâre (n. f.) : matrice ; le fâ la mâre « elle retourne sa matrice ».
144délivro (n. m.) : placenta, délivrance.
145shè (n. m.) : placenta, enveloppe du veau.
146nétèyâ (n. f.) : placenta, délivrance.
147sè nétèyé (v. pron.) : faire le placenta ; apré i balyan bère a la vashe n ékouèlâ dè sokro, dè chikoré, i kope lé kolikè, i sè nétèyan plo vite, dè kou on fâ boulyi dè vin « après on donne à boire à la vache une écuelle de sucre, de la chicorée, ça coupe les coliques, elles se délivrent plus vite, parfois on fait bouillir du vin ».
148afolâ (v. intr.) : avorter ; la vashe a afolâ « la vache a avorté ».
149afolon (n. m.) : veau avorté, avorton.
150byo (n. m.) : animal hermaphrodite, stérile de naissance ; top. : lo Plan eû Byo.
151anbourè (n. m.) : nombril du veau ; souényé l anbourè « laver et essuyer le nombril » ; fr. loc. : embouret.
152kordon (n. m.) : cordon ombilical.
153bourshe (n. f.) : colostrum, premier lait ; on fâ bère la bourshe eû vé pè lo pourzhyé « on fait boire le colostrum au veau pour le purger » ; on an fâ asse bin dè matafan, dè spa dè katèlè « on en fait aussi des matefaims, de la soupe de grumeaux de farine » (avec la seconde traite peut-être).
154léshyé (v. tr.) : lécher ; la vashe léshe poué son vé ; a la vashe on lyo balye dè vin shâ, d orti sè, dè kamomila, d infujon d anshyan-na avoué dè gran-nè dè lin, eû vé dè sokro ou dè sâ (après le vêlage) « la vache lèche donc son veau ; à la vache on lui donne du vin chaud, des orties sèches, de la camomille, des infusions de gentiane avec des graines de lin, au veau on donne du sucre ou du sel ».
155alètsé (v. tr.) : téter ; lo vé vô pa alètsé, i fâ lo férè bère avoué lou dè « le veau ne veut pas téter, il faut le faire boire en lui mettant les doigts dans la gorge » ; d’où vient l’expression courante, en parlant d’un gros buveur : sétse al a pa fâta dè dè pè alétsé (pè bère) « cet individu, il n’a pas besoin qu’on lui mette les doigts pour téter (pour boire) ».
156délètsé (v. tr.) : sevrer un veau ; on délète apré trè mè « on sèvre après trois mois ».
157angraché (v. tr.) : engraisser ; angraché on vé pè lo boushyé « engraisser un veau pour la boucherie ».
158nori (v. tr.) : nourrir ; nori on vé « garder un veau à l’étable ».
159profyétâ (v. intr.) : grossir, prendre du poids (en parlant du veau et, ironiquement, des personnes) ; fr. loc. : profiter « engraisser » (au sens propre et figuré).
7.2. L’étable, les soins et les maladies des vaches
7. 2. 1. L’étable
160beû (n. m.) : étable ; dan lo beû on trove lé vashè poué lou vé a leû rèshe, lou meûton, lé shyévrè, lo kayo eû beû dèré, lé polaye su lo zho, dè kou lou lapin, lo shin ; na vè y avè asse bin lé zhan eû beû « à l’étable on trouve les vaches et les veaux à leur crèche, les moutons, les chèvres, le cochon à l’étable arrière, les poules sur le juchoir, parfois les lapins, le chien ; autrefois il y avait aussi les gens à l’étable » (surtout en hiver) ; lo beû dè lé zhan « la partie de l’étable située derrière les vaches qui était occupée par les habitants de la maison » ; on vré beû « un véritable taudis » (au sens péjoratif) ; top. : lo Beû, la Bovette.
161planshyé (n. m.) : plancher de l’étable.
162solan (n. m.) : plancher des vaches constitué de plateaux de sapin ; lou solan san kouè y an prè lo bolan « le plancher est cuit, il a été attaqué par le champignon du bois ».
163souèrè (n. f. pl.) : poutres ou plateaux où sont encastrés les planchers de l’étable.
164tralè (n. m.) : solive, traverse de l’étable où l’on inscrivait, en grattant le salpêtre, les saillies des vaches, d’où de fréquentes allusions à caractère érotique : poué sla fèna, t a pa eûblâ dè la markâ su lo tralè ? « et cette femme, tu n’as pas oublié de l’inscrire sur la solive ? »
165sèrnyeû (n. m.) : coin du veau enclos de planches ; fr. loc. : sèrgneux.
166dènyeû (n. m.) : anciennement, abat-foin collectif : c’est un placard situé au fond de l’étable où l’on jette depuis une trappe de la grange les rations de foin pour tout le bétail, on redistribue ensuite chaque ration en passant de crèches en crèches ; plus récemment abat-foin individuel : trappe située directement au-dessus de chaque crèche ; fr. loc. : dègneux.
167baranklya (n. f.) : barre le long des murs de l’étable à l’alpage.
168rèshe (n. f.) : crèche de la vache, autrefois sans râtelier ; emplacement de chaque vache à l’étable et, par extension aux personnes, place à table, position à respecter ; va pyé a ta rèshe, a ton lin ! « va donc à ta crèche, à ton lien d’attache ! » ; mtâ a la rèshe « mettre à la crèche », c’est-à-dire rentrer les vaches définitivement à l’étable pour l’hiver ; top. : la Rèshe, la Rèshe é Mozhon.
169rèshyé (n. m.) : planche de la crèche percée d’un trou où est fixée la corde ou la chaîne d’attache de la vache.
170râtèlyé (n. m.) : râtelier au-dessus de la crèche.
171antrèklyeû (n. m.) : paroi en bois aux angles arrondis séparant une crèche de la suivante.
172lin (n. m.) : lien d’attache de la vache ; rèstâ a son lin « rester à sa place » ; seûtâ son lin « casser son attache et gambader dans l’étable » ; fr. loc. : lin.
173koulashe (n. f.) : corde autour du cou de la vache permettant de l’attacher à la fixation de la crèche.
174shan-na (n. f.) : chaîne d’attache de la vache (usage récent).
175anshan-nâ (v. tr.) : enchaîner.
176boklya (n. f.) : anneau de la chaîne, boucle de la courroie de la sonnaille.
177boklyé (v. tr.) : boucler, fermer.
178ryan-na (n. f.) : rigole à purin ; sarvâ la ryan-na « sauter par-dessus la rigole à purin, franchir un obstacle [au sens figuré] » ; fr. loc. : rianne ; top. : les Ryandètè.
179kouryeû (n. m.) : trou d’évacuation du purin se déversant sur la fosse à fumier.
180karlyére (n. f.) : fosse à purin (surtout en alpage) ; kubèlâ dan la karlyére « tomber dans la fosse à purin, se mettre dans de beaux draps [au sens figuré] » ; fr. loc. : carlière/carrière.
181bashé (n. m.) : bassin, abreuvoir ; top. : lo Bachasson, Bachazrouttaz.
182borné (n. m.) : bassin formé d’un tronc d’arbre creusé à la gouge ; kreûzâ on borné « creuser un bassin » ; top. : la Bornache.
7.2.2. Les soins quotidiens donnés aux vaches et le nettoyage de l’étable
183mnyâzhe (n. m.) : soins donnés aux bêtes (breuvage, nourriture), nettoyage du logis ; férè lo mnyâzhe « soigner les bêtes matin et soir, entretenir la maison » ; fr. loc. : faire le ménage.
184anbouâ (v. tr.) : rentrer les bêtes à l’étable ; s anbouâ « s’en retourner à la maison, rentrer chez soi » (en parlant des personnes). Kan on arve a la montanye, i fa eûvri la peûrta, on va almâ dè fouâ pi kri d éva ; on sè vèye kè lé vashè alan pa bère d éva frèda è poué on lé lasse mzhyé, na vèrba apré on va léz anbouâ. Kan on a anbouâ, on sè fa dè kafé, on an bè, on sè vèye kè lé vashè sè keûssissan pa pask y an vou shâ poué lou beû i san frè, y an pa intâ eûvrè, on sè vèye bin k i sè keûssissan pa troué. « Quand on arrive à l’alpage, il faut ouvrir la porte, on va allumer du feu et chercher de l’eau ; on fait attention que les vaches n’aillent pas boire de l’eau froide et puis on les laisse manger ; un moment après on les rentre à l’étable. Quand on les a rentrées, on se fait du café, on en boit, on surveille que les vaches ne se couchent pas parce qu’elles ont transpiré et que les étables sont froides, elles n’ont pas été ouvertes [depuis l’an dernier], on fait bien attention à ce qu’elles ne se couchent pas trop. »
185alin-nâ (v. tr.) : attacher les vaches à leur crèche.
186anrèshyé (v. tr.) : attacher les vaches à leur crèche, rentrer les bêtes à l’étable pour tout l’hiver (vers la Toussaint).
187évèrnâ (v. tr.) : prendre une vache en location pour l’hivernage (la garde du veau payant le foin mangé par la vache) ; prandre na vashe an ivér pè la flânâ « prendre une vache en hiver pour la battre » (en parlant d’une bête insupportable, l’expression s’applique aussi aux personnes indésirables).
188glyètâ (v. tr.) : attacher les vaches à leur place.
189déglyètâ (v. tr.) : détacher les vaches pour les sortir de l’étable.
190shtâ (v. tr.) : faire sortir le troupeau de l’étable, mener les vaches au pâturage ; i fâ shtâ lé vashè dè bouna eûra la vépornâ dè l anmontanyeûra pè lé shtâ eû solè, pè k i sossan bounè sèshè on va léz anbouâ pa tar « il faut sortir les vaches de bonne heure l’après-midi de la montée à l’alpage pour les sortir au soleil, pour qu’elles soient bien sèches on les rentre à l’étable pas trop tard » ; top. : la Zhyèta - la Giettaz.
191abérâ (v. tr.) : abreuver, porter à boire aux vaches à l’étable en hiver, les sortir de l’étable jusqu’à la fontaine au printemps et en automne ; s abérâ « s’étancher la soif » ; top. : louz Abéryeû - les Abérieux.
192bère (v. tr.) : boire ; balyé bère d éva a lé vashè « donner à boire de l’eau aux vaches » ; té ké k i bèvan ? « qu’est-ce qu’elles boivent ? » ; i bèvan d éva « elles boivent de l’eau ».
193tchitchotâ (v. intr.) : laper, boire à la façon des veaux en émettant des bruits de succion ; fr. loc. : tchitchoter « s’adonner à la boisson » (en parlant des personnes).
194govè (n. m.) : seau à deux anses contenant le breuvage de la vache ; fr. loc. : govè.
195govèlyon (n. m.) : petit seau à breuvage ; fr. loc. : goveillon.
196govèlya (n. f.) : contenu du seau à breuvage ; fr. loc. : goveillée.
197gyéshe (n. m.) : seille avec une douve longue munie d’une seule anse pour donner à boire au veau, anciennement pour traire la vache ; balyé lo gyéshe eû vé « donner la seille de breuvage au veau » ; fr. loc. : un guéche (en 1756).
198ma-nlyo (n. f.) : anse, poignée de la seille ; fr. loc. : manoille.
199bâva (n. f.) : bave, écume.
200bavâ (v. intr.) : baver, déborder d’un vase ; i bavan « elles bavent ».
201mouzlyére (n. f.) : muselière du veau.
202boklya (n. f.) : anneau au nez du taureau pour le maîtriser.
203mzhyé (v. tr.) : manger à la crèche, brouter au pâturage ; i mzhan d érba a bôro « elles mangent de l’herbe “à beurre” [qui donne bien du lait] » ; balyé mzhyé a lé vashè « donner à manger aux vaches » (matin et soir avant la traite).
204dnâ (v. intr.) : donner à manger aux vaches, affourager.
205torshon (n. m.) : ration de foin pour un repas ; mtâ ba lou torshon pè lo dènyeû « descendre les rations de foin dans l’abat-foin » ; torche de foin, d’herbes, de plantes ; voir kolyére « bouchon filtre ».
206kanfla (adj.) : gonflée, soûle de nourriture, météorisée ; fr. loc. : gonfle.
207soula (adj.) : rassasiée, repue.
208kopon (n. m.) : seau à breuvage, auge en bois de forme carrée ou trapézoïdale ; breuvage lui-même donné aux vaches : y érè dè peû, dè son, dè bètravè k on molyéve « c’était de la poussière de foin, du son, des betteraves qu’on arrosait d’eau ».
209koureûrè (n. f. pl.) : débris de foin laissés dans la crèche, restes du repas de la vache.
210rmouè (n. m. pl.) : débris de foin laissés dans la crèche, restes du repas de la vache.
211ron-mâ (v. intr.) : ruminer ; le ron-me « elle rumine » ; i rman « elles ruminent ».
212étèrnyeûra (n. f.) : litière des vaches ; y érè dè peû, dè folye sèshè l otan, dè palye dè sèla « c’était des débris de foin, des feuilles sèches l’automne, de la paille de seigle ».
213étédre, étézhre (?) (v. tr.) : mettre la litière sous les vaches : étédre lé vashè.
214étèrlye (n. f.) : étrille.
215étèrlyé (v. tr.) : étriller les bêtes et, au figuré, en parlant de personnes : mettre sur la paille, battre ; s étèrlyé « s’étriller », c’est-à-dire se rendre propre : i fâ s étèrlyé on bokon pè la dmanzhe, lou monchu no guétsan zha preû dè travé « il faut s’étriller un peu pour le dimanche, les touristes nous regardent déjà assez de travers comme ça ».
216kata (n. f.) : parcelle de fumier collée aux poils des animaux ; fr. loc. : cate.
217feûmé (n. m.) : fumier (avec la paille) ; on moué dè feûmé « un tas de fumier » (à proximité de la maison) ; fotre eû feûmé « mettre au fumier », c’est-à-dire jeter au loin.
218klyâro (n. m.) : purin.
219beûza (n. f.) : bouse de vache ; s éklyafâ man na beûza « s’étaler comme une bouse » ; la bouse de vache était utilisée en emplâtres chauds avec du vinaigre bouilli contre les enflures et meurtrissures ; fr. loc. : beûse.
220beûzâ (v. intr.) : faire une bouse, chier ; fr. loc. : beûser.
221pâla (n. f.) : pelle à fumier assez étroite et profonde pour nettoyer la rigole à purin.
222palâ (v. tr.) : sortir le fumier de l’étable ; on palâve lo beû toui lou dou trè zhor mé pa la dmanzhe ; to paré y an avè yon a lé Kantamnè, Mile a Patson, on rozhe k an dzan, ke rèstâve vé l églize, lyo a palâve kè la dmanzhe dèvan l eûra dè la mèssa, poué a sarvâve la gran rota avoué na bèrôta ke vyoulâve adé pè férè komâ louz âtre asse bin kè l ankourâ « on sortait le fumier tous les deux trois jours mais pas le dimanche ; tout de même il y en avait un au village des Contamines, Émile à Patson, on disait que c’était un rouge, qui demeurait près de l’église, lui il ne sortait le fumier que le dimanche avant l’heure de la messe et il traversait la grand-route avec une brouette qui grinçait toujours pour faire enrager les autres et aussi le curé » ; fr. loc. : paller.
223râblo (n. m.) : racloir à fumier ; alinyé on kou dè râblo su na vashe « aligner un coup de racloir sur le dos d’une vache » (indocile) ; fr. loc. : râble.
224râpâ (v. tr.) : racler les bouses ; râpâ lo beû « nettoyer l’étable » ; fr. loc. : râper.
225tran (n. f.) : fourche à fumier avec quatre ou cinq dents ; fr. loc. : tran.
226souère (n. f.) : civière à fumier qu’on portait à deux personnes ; fr. loc. : souère.
227souèryâ (n. f.) : contenu de la civière à fumier.
228bèrôta (n. f.) : brouette à fumier ; fr. loc. : bèrôte.
229bèrotâ (n. f.) : brouettée de fumier.
230bèrotâ (v. tr.) : transporter avec une brouette, un tombereau, faire des allées et venues ; fr. loc. : bèrotter.
7.2.3. Les maladies des vaches
231mèzé mèzala (adj.) : maladif, souffrant (en parlant de la tuberculose des bovins).
232pèrdu, pèrdouâ (p. p.) : perdu, condamné à périr (suite à une maladie incurable ou à un grave accident).
233tèla (n. f.) : toile, férè la tèla « faire la toile blanche » (devant les yeux), « être à l’agonie, se débattre avant de mourir ».
234krèveûra (n. f.) : crevure ; bête qui végète et dépérit, injure aux bêtes et aux gens. ; fr. loc. : creveure.
235krèvâ (v. intr.) : crever, mourir (en parlant des animaux).
236débaraché (v. tr.) : vendre du bétail de réforme ; débaraché na vashe pèrdouâ « se débarrasser d’une vache condamnée à l’abattoir » ; fr. loc. : débarrasser.
237ankrotâ (v. tr.) : enfouir sous terre, enterrer des animaux ; fr. loc. : encrotter.
238pratkâ (v. intr.) : pratiquer des soins, soigner les bêtes malades.
239dézhoyé (v. intr.) : échouer, avoir de la malchance dans ses activités domestiques ; y a dézhoyâ ! « ça n’a pas voulu faire ! » (à l’étable : vaches qui avortent ou ne remplissent pas) ; fr. loc. : déjouer.
240sor (n. m.) : sort jeté, malédiction ; balyé dè sor « jeter des sorts » ; son beû va to dè travé, on l y ara preû balyâ dè sor « tout va mal dans son étable, on lui aura sans doute jeté des sorts ».
241fanzhe (n. f.) : pus.
242flin (n. m.) : fiel, pus ; peûdra dè flin « poudre de fiel » (poudre qui sentait très fort).
243flin-nâ (v. tr.) : percer les abcès : aux oreilles avec les lancettes pour faire jaillir le pus ; au jarret en faisant circuler un linge.
244flamètè (n. f.) : lancettes pour percer les abcès des vaches ; flin-nâ avoué lé flamètè « percer avec les lancettes ».
245sèton (n. m.) : mèche (cordelette) que l’on fait aller et venir dans la plaie d’un animal pour en extraire le pus ; férè koure lou sèton « faire aller et venir les mèches ».
246sètnâ (v. tr.) : percer avec les lancettes aux jarrets, aux côtes, le cuir des vaches qui ont le cuir « pris », collé aux poumons (symptôme de tuberculose), qui ont pris froid, qui ont de l’arthrite, puis y faire aller et venir des mèches ou des tresses de chanvre.
247trècheû (n. m.) : tresse de chanvre utilisée comme mèche.
248trokar (n. m.) : trocart.
249kou dè san (n. m.) : coup de sang ; kan y éyan dè kou dè san, on prènyè lé flamètè poué falyè sèrâ lo kou avoué la fisèla bala lanzhe poué sanyé, bin sanyé, on an tryéve katre, sin litre « quand elles avaient des coups de sang, on prenait les lancettes et il fallait serrer le cou avec de la ficelle bien longue puis saigner, bien saigner, on en retirait quatre, cinq litres ».
250sanyé (v. tr.) : saigner une bête à l’aide des lancettes.
251fyo (n. m.) : kyste des bovins (parasite du cuir), excroissance.
252kourlatâ (v. intr.) : péter, souffler de l’air (indice d’une vache malade).
253fyévra afteûza (n. f.) : fièvre aphteuse (symptômes : bave, pattes fendues, pis écorchés) ; on lé tnyè eû shâ poué on léz abérâve « on les tenait au chaud et on leur donnait à boire ».
254mamita (n. f.) : mammite, inflammation de la tétine soignée avec de l’argile (terre grasse) ; y érè dè lashé kayâ dan l uvro « c’était du lait caillé dans le pis ».
255alon (n. m.) : alun utilisé en pommade.
256klopyérè (n. f. pl.) : maladie des veaux aux genoux, qui les fait boiter.
257lmacheûla (n. f.) : piétin des ruminants, maladie de la corne du sabot de la vache provoquant des crevasses au pied.
258torchon (n. f.) : torsion de matrice de la vache.
259dékroshyé sè (v. pron.) : se décrocher, se déplacer (en parlant du vagin) lors du vêlage.
7.3. L’élevage et l’alpage
7.3.1. L’alpage et son personnel
260montanye (n. f.) : alpage d’été situé sur le communal ou sur le privé, les bâtiments étant la plupart du temps de propriété privée ; tnin na montanye « occuper un alpage, le gérer » (en tant que propriétaire ou locataire) ; fr. loc. : montagne ; top. : la Montagne, la Montagne d’En Bas.
261kmon (n. m.) : pâturage communal (la Rollaz, la Balme, les Prés, Jovet, la Saussaz, etc.).
262propre (n. m.) : pâturage privé (alpages de Roselette, Montjoie, les Besoëns, les Tierces, les Coins, les Meys, la Borgia, la Tierce, la Combaz, la Grevettaz, Nant-Borrant, etc.) ; fr. loc. : propre.
263sourtsâ (n. f.) : montagnette de printemps (juin) et d’automne (miseptembre et octobre) ; totè lé zhan k éyan pa na sourtsâ pè la salyèta poué l otan, i démontanyévan tan kè lé dava « tous ceux qui n’avaient pas de montagnette pour le printemps et l’automne, ils descendaient directement de l’alpage à la vallée » ; kan y éyan dè sourtsé y alâvan lé a la salyèta dèvan kè d alâ an montanye, alor i rtornâvan l otan « quand ils possédaient des montagnettes ils y allaient au printemps avant de monter à l’alpage, puis ils retournaient l’automne » (à la désalpe) ; fr. loc. : sortie.
264prâ (n. m.) : pré, pâturage ; férè mzhyé on prâ « faire manger un pré au printemps » ; prâ dè damou « pâturage de montagne » ; fr. loc. : pra ; top. : le Praz, Pra Jalaz, Prâ Revné, Prâcandu, lo Prâ a Démeugnier, lo Prâ a lé Golye, lo Prâ dé Bèku, lo Prâ dé Byordè, lo Prâ dè la Douè, lo Prâ dè la Kulota, lo Prâ dè la Sèla, lo Prâ des Hypothèques, lo Prâ é Greuli, les Prés, le Pré de Travers, les Prés des Granges, les Prés des Tierces, le Préley, Byôprâ, lé Môlye deû Prâ.
265lanshe (n. f.) : pâturage de montagne en pente ; fr. loc. : lanche ; top. : la Lanshe - la Lanche (la Rollaz, la Frasse, Tresse), Lanche de Travers (la Frasse, mappe n ° 1528), les Lanches de Beaufort (Roselette), lé Lanshè - les Lanches (sur les Granges de la Frasse, la Laya, les Prés), lé Lanshètè - les Lanchettes (la Frasse, Armancette, glacier et aiguille des Lanchettes, entre la Chenalettaz et l’Essert), la Lanshe Frèda - Lanche Froide (la Balme), la Lanche Jacqueme (Combe Blanche), la Lanche à Camtran (les Besoëns, les Coins), la Lanshe dè lé Tor (sur les Roches), la Lanshe deû Zhouli - la Lanche du Joly (sous le col du Joly), la Lanshèta (Molliex), la Lanshe dè la Byolèta (la Tierce), la Lanshe dè l Dou (la Tierce), la Lanshe ryanda (la Combe), la Lanshe dè lé Shamossè (la Combe), la Lanshe dé Pèlagâ (les Prés), Nant du Lancher (Nant-Borrant), lou Lanshyé - les Lanchiers (la Bottière), lou Lanshéron - les Lanchèrons (Miage), Lanches des Chaumes et Lanche Chassure (en 1817, secteur du lac Jovet ?), la Lanche Contat (en 1289 et 1467, vers la Penaz [ ?]).
266anmontanyé (v. tr.) : monter en alpage (en parlant des bêtes) ; s anmontanyé « se rendre en montagne » (en parlant des alpagistes, gardiens de refuge, alpinistes) ; dèman, s i fa bon, on va anmontanyé. Vouè i fa préparâ lou karon, lou sourti deû gran-nyé poué lou gréché. Poué dèman i fadra sè lèvâ étreûra. Alor on sè léve dè gran matin, on arye lé vashè, on ankarne è poué no tsa vya : on man-ne lé vashè pask i san byin foulè, totè, i seûtan poué na vè k on è on bokon louan on lé lâshe, i sè san bin kalmâ. On poye adé brâve to deû, brâve to deû avoué la tâka. « Demain, s’il fait beau, on va monter à la montagne. Aujourd’hui il faut préparer les sonnailles, les sortir du grenier et les graisser. Et demain il faudra se lever à point d’heure. Alors on se lève de grand matin, on trait les vaches, on met les carrons et nous voilà loin : on mène les vaches attachées parce qu’elles sont toutes bien folles, elles sautent, puis une fois qu’on on a fait un peu de route, on les lâche, elles se sont bien calmées. On monte toujours tout doucement, tout doucement avec le sac à dos » ; fr. loc. : emmontagner.
267anmontanyeûra (n. f.) : inalpage ; vora y é lo tan ke désside l anmontanyeûra, na vè y érè myo fiksâ : lo pétre balyéve lo ban pè lou kmon « maintenant c’est le temps qui décide la date de l’inalpage, autrefois c’était davantage fixé : c’était le garde champêtre qui publiait les bans pour les communaux » ; fr. loc. : emmontagneure.
268démontanyé (v. tr.) : désalper ; sè démontanyé « descendre de montagne, rejoindre la vallée » ; on i fassè dire a lé zhan : i vnyan lo matin tou, i partsan avoué lé vashè ; la vèlye on avè zha on bokon nétèyâ, on fornsè dè nétèyé la mézon, on sharzhyéve lé tomè, shâkon san sin, poué kan i vnyè la vépornâ on partsè avoué ntrè vashè, mé on érè pa bounèze dè parti suto kan i fassè bon. On alâve poué dan na sourtsa a la Shnalèta, a Nan Borran, pè trè snan-nè, i dépan deû tan, dè la zhalâ, dè la nè… « on le faisait savoir aux gens : ils venaient tôt le matin, ils partaient avec leurs vaches ; la veille on avait déjà nettoyé un peu, on finissait de nettoyer la maison, on chargeait les tommes, chacun ce qui lui revenait, et quand venait l’après-midi on partait avec nos vaches, mais on n’était pas heureux de partir surtout s’il faisait beau temps. On allait ensuite dans une montagnette à la Chenalette, à Nant-Borrant, pour trois semaines, ça dépend du temps, de la gelée, de la neige… » ; fr. loc. : démontagner.
269démontanyeûra (n. f.) : désalpe ; pè lou kmon la démontanyeûra érè fiksâ a la dèstanbre ; louz âtre démontanyévan d apré la sézon poué l érba, vé lo vantson stanbre dè kou avoué la nè « pour les communaux la désalpe était fixée au 8 septembre ; les autres descendaient selon la saison et l’herbe qui restait, vers le 21 septembre parfois avec la neige » ; fr. loc. : démontagneure.
270dézarpâ, dézèrpâ (v. intr.) : désalper subitement à cause de l’arrivée de la neige, décamper.
271tramouâ sè (v. tr. et pron.) : remuer, se déplacer avec le troupeau d’une montagnette à l’alpage d’été ou réciproquement ; déménager, changer de place (en parlant des piquets de parc) ; pè la bénédikchon dé montanye, lo vyo ankourâ, al atandzè k on sè toui tramouâ « pour la bénédiction des alpages, l’ancien curé attendait qu’on ait tous gagné les montagnes d’été » ; fr. loc. : se tramouer.
272tropé (n. m.) : troupeau ; férè lo tropé « assembler les bêtes à l’alpage » ; on byô tropé « un beau [nombreux] troupeau ».
273bèrlan (n. m.) : troupeau sur l’alpage.
274bétsa (n. f.) : bête, tête de bétail ; t a konbin dè bétsè eû beû ? « tu as combien de têtes de bétail à l’étable ? » ; bourta bétsa ! « sale bête ! ».
275shalè (n. m.) : chalet, habitation de l’alpage ; dan on shalè y a lo dèdan, la shanbra amou louz égra, lo solyé, lou beû (beû dèvan, beû dèré, beû é mozhon), lo bouatè é kayo, lo sèrto, la kava, lo frèdzé « dans un chalet il y a la cuisine, la chambre au sommet de l’escalier, la grange, les étables (étable devant, derrière, des génissons), le coin des cochons, la cave à provisions, la cave à fromages, la cave à lait » ; top. : lou Shalè - les Chalets, les Vieux Chalets, Challex de Montjovet (1578).
276shozâ, sozhâ (n. m.) : chalet en ruines, emplacement d’un ancien chalet d’alpage ; fr. loc. : chosat ; top. : lo Shozâ a Tsôtsè, Tré les Chosats, Au Chosal, le Chosal, les Sojats à Barbier.
277boulyeû (n. m.) : bâtiment d’alpage sommaire en pierres sèches, avec une toiture d’ancelles et de lauzes ; terme disparu du patois actuel, encore attesté en 1891 dans une lettre ; fr. loc. : bouilleux (dans le prix-fait de l’alpage de la Saussaz retrouvé aux archives communales et daté de 1776 : « construire un bâtiment appelé bouilleux, composé d’une clôture à mur crû avec de bonnes pierres qui sont sur l’endroit, de vingt pieds de long et quinze de large, le toit serait de sandoles mélangées avec des liouzes soit ardoises brutes soit pierres plates »).
278bèrzhyé, bèrzhyére (n. m.) : berger, bergère ; ptsou bèrzhyé « petit berger en alpage » ; férè lo bèrzhyé « travailler en alpage, assurer la garde du troupeau » ; top. : la Kyeûshe eû Bèrzhyé.
279montanyâr, montanyârda (n. m. et f.) : alpagiste, patron de l’alpage et toute personne qui inalpe ; fr. loc. : montagnard(e).
280fruitsé (n. m.) : fromager en alpage ; en vallée, gérant de la fruitière.
281pasnyé (n. m.) : berger chargé de placer les piquets d’attache des vaches sur les pâturages du Beaufortain.
282râpabeûza (n. m.) : petit berger essentiellement chargé de racler les étables (d’où son nom) ; mon pâre alâve kri on râpabeûza valdoutan a Morzhè « mon père allait chercher un petit berger valdôtain à Morgex » ; fr. loc. : râpabeuse.
283shatanyé (v. tr.) : inalper, tenir un troupeau en alpage moyennant rétribution en nature ou en argent.
284shatanyeûra (n. f.) : droit d’inalpage des consorts d’un alpage ; fonds de vache possédé sur un alpage ; fr. loc. : chatagneure (en 1648, sur l’alpage de Roselette).
285pâr (n. m.) : parc enclos de barrières ou de simples pierres dressées ; mtâ eû pâr « mettre les bêtes au parc » ; top. : lo Pâr, le Parchet, le Parchi.
286lyakâ (v. tr.) : irriguer l’alpage en début d’automne en déversant le fumier et le purin de la carlière mêlés d’eau dans des rigoles situées en aval.
287abrè (n. m.) : travail routinier et incessant de l’alpage ; remue ménage, tracas quotidien, excès de zèle.
288alan (n. m.) : ennui, temps long, spleen, nostalgie qui s’empare des bêtes et des gens isolés à l’alpage et les incite à fuir vers la vallée.
7.3.2. Le pâturage et les pratiques pastorales : la garde du troupeau, les sonnailles, les combats de vaches
289alâ an shan (lé vashè) (loc. v.) : mener les vaches au pâturage, aller en champ ; al è an shan a la Botsére « il est en champ à la Bottière » ; na vè lo shalno a touâ na vashe an shan vé Prakandu « une fois la foudre a tué une vache en champ vers Pracandu » ; fr. loc. : aller en champ. Au printemps (fin mai début juin), avant l’inalpage, et à l’automne (de la désalpe à la Toussaint), chacun allait en champ sur ses propriétés en vallée ; seules les chèvres pâturaient à part, en lisière de forêt.
290gardâ (v. tr.) : 1. Garder les vaches au pâturage, avoir des bêtes en garde à l’étable ; on an garde anko preû yèna lé dava lo shâtan « on en garde assez souvent une à l’étable en été » (pour avoir du lait à la maison). 2. Avoir en réserve, conserver ; on mzhyéve lou prâ pè férè dè rkordon, to lo tan on gardâve l érba deû mâ tan to pré « on faisait brouter les pâturages (proches du chalet) pour avoir du regain, tout le temps on se gardait de l’herbe pour les jours de gros mauvais temps tout près ».
291apalâ (v. tr.) : appeler, conduire le troupeau ; cris d’appel : vin, vin don, vin-nâ vin, vin, vin don, vin-nâ vin « viens, viens donc, venez viens, viens, viens donc, venez viens » (avec le nom de la vache de tête répété plusieurs fois).
292alâ apré (v. tr.) : suivre le troupeau ; sé shin è preû bon pè alâ apré lou mozhon « ce chien est bien assez bon pour suivre les génissons » ; fr. loc. : aller après.
293akoulyi (v. tr.) : pousser le troupeau, le faire avancer (souvent à l’aide du chien) ; ordre au chien : akouè la ! « chasse-la ! ».
294shanpi (v. tr.) : chasser, faire sauver les bêtes.
295abado, abada (adj.) : en liberté ; laché lé vashè dèfôr abadè « laisser les vaches dehors en liberté » ; fr. loc. : abade.
296a l abada (expr. adv.) : en liberté sur le pâturage ; (bête) détachée à l’étable ; fr. loc. : à l’abade.
297koure (v. intr.) : courir, laisser courir les vaches en liberté sur le pâturage ; i korzan a tota bèrda « elles courent à bride abattue ».
298arô (interj.) : haro, cri pour arrêter les vaches arrivées au pâturage.
299konyètre sè (v. pron. et tr.) : se reconnaître dans un lieu, se rendre compte, reconnaître quelqu’un ; la vashe s è preû konyu an arvan a la Barma « la vache s’est bien reconnue en arrivant à la Balme » ; sla bétsa m a konyu dè louan « cette bête m’a reconnue de loin » ; fr. loc. : connaître « reconnaître ».
300mékonyètre sè (v. pron.) : ne pas reconnaître, se sentir dépaysé (bête à l’alpage qui change d’étable) ; fr. loc. : se méconnaître.
301durâ tan (n. m.) : ennui, temps long, nostalgie de l’étable qui s’empare de certaines vaches à l’alpage ; l a lo durâ tan dè lé dava « elle se morfond de la vallée » ; fr. loc. : dura temps.
302èrbâ (v. intr.) : mettre à l’herbe, faire sortir le troupeau de l’étable pour la première fois de l’année ; èrbâ y é déglyètâ pè lo prèmyé kou « herber c’est détacher les vaches pour la première fois ».
303dékordâ (v. tr.) : dégourdir, promener les vaches pour les déraidir à l’issue de l’hiver ; pè lé dékordâ on lé fassè bère dèfôr « pour les dégourdir on les emmenait boire dehors » (au bachal).
304soué (n. f.) : étendue de pâturage attribuée à chaque repas ; balyé la soué « faire paître par coins » ; kontâ lé soué « compter les portions de pâture » (en fin d’été pour calculer la date de fin d’inalpage) ; kan on avè pa mé d èrba, on kontâve sé soué, kan i fassè bon paskè bin sovan on partsè a la nè ; kan y avè la nè falyè démontanyé toui lo mémo zhor. Mé s i fassè bon, on kontâve lé soué pi on tâ zhor on va a zhu… « lorsqu’on manquait d’herbe, on comptait ses journées de pâturage, quand il faisait beau parce que bien souvent on partait à l’arrivée de la neige ; quand il y avait la neige il fallait démontagner tous le même jour. Mais s’il faisait beau, on comptait les journées de pâturage et puis tel jour on descendait… » ; fr. loc. : soué.
305réglyé (v. tr.) : régler, mesurer la portion de pâturage en comptant ses pas et en fichant le bâton en terre pour marquer la limite à ne pas franchir ; on a réglyâ la soué « on a mesuré l’étendue de la pâture pour un repas ».
306shouma (n. f.) : sieste, repos de l’après-midi, moment où les vaches ruminent ; étre an shouma « être couché sur le pré » ; top. : Lanche des Chaumes, Su lou Shoumyeû.
307shoumâ (v. intr.) : chômer, faire la sieste, se reposer sur le pré.
308chon-nâ (v. tr.) : flairer de-ci de-là, sans manger, ou ne brouter que les meilleures herbes ; fr. loc. : chonner.
309rouzhyé (v. tr.) : brouter à ras ; lo pra a intâ bin rouzhyâ « le pâturage a été entièrement brouté ».
310tâka dè la sâ (n. f.) : besace de sel ; lé damou on mtâve dè sâ su na pyéra pè lou meûton « en montagne on plaçait du sel sur une pierre pour les moutons » ; virelangue : sin san sinkanta fran lo sa dè sâ, mè k an sé eû satsémo « 550 francs le sac de sel, moi qui en suis au septième » ; top. : la Pyéra dè la Sâ.
311rôda (alâ a la) (n. f.) : rôder, aller là où il ne faut pas (au pâturage) ; fr. loc. : aller à la rôde.
312rôdzé, rôdzére (adj.) : qui a l’habitude de rôder, de s’écarter du troupeau.
313kri (v. tr.) : quérir, aller chercher (les vaches) ; alâ kri d éva eû bashé pè abérâ lé vashè « aller chercher de l’eau au bassin pour faire boire les vaches ».
314koratâ (v. tr.) : poursuivre, chasser une vache qui s’écarte du pâturage en lui envoyant le chien aux trousses ; akouè, korata la, va la parâ ! « acouè, poursuis-la, va la ramener ! » ; fr. loc. : corater.
315parâ (v. tr. et pron.) : détourner les vaches du mauvais passage, les ramener au sein du troupeau ; séparer les vaches qui se battent ; se protéger, se défendre : sè parâ lé moshè « éloigner les mouches » ; fr. loc. : parer.
316shaton (n. m.) : gros bâton de berger.
317triko, trika (n. m., n. f.) : bâton pour aller en champ (assez léger, en noisetier) ; balyé on kou dè trika a na rôdzére « donner un coup de bâton à une vache qui s’éloigne du troupeau » ; fr. loc. : un trique.
318moushlyon (n. m.) : moucheron qui pique les bêtes.
319tavan (n. m.) : taon ; lou tavan gri « les taons gris » (très agressifs) ; on vré tavan « personne importune, agressive » ; fr. loc. : tavan.
320vèrmnâ (n. f.) : vermine (moustiques, moucherons, fourmis volantes) ; kan la vèrmnâ è apré lé vashè, i rboutan « quand la vermine s’attaque aux vaches, elles s’enfuient la queue levée ».
321rboutâ (v. intr.) : fuir la queue levée en trompette, prendre la mouche ; lé vashè, i rboutan, i sin l orazhe « les vaches prennent la mouche, ça sent l’orage » ; i ramnan lé vashè vé anje eûrè a mouan k i rboutissan, k y osse dè vèrmnâ, dè kou i vnyan plo vite « ils ramènent les vaches vers onze heures, à moins que celles-ci ne prennent la fuite queue en l’air, qu’il n’y ait de la vermine (taons, fourmis volantes), dans ce cas ils reviennent plus tôt » ; fr. loc. : rebouter.
322passon (n. m.) : piquet d’attache, pieu ; fr. loc. : passon.
323pasnâ (v. tr.) : attacher les bêtes au piquet (pratique du Beaufortain quasi inconnue en Val Montjoie) ; i pasnâvan, y érè leû mouda, pa deû to paré… no on y amâve pa man i fachan an Atalosse… shyé no y éran totè bounè eû beû « ils attachaient au piquet, c’était leur manière, pas du tout pareil… mais on n’y aimait pas comme ils faisaient à Hauteluce… chez nous elles étaient toutes bien au chaud à l’étable ».
324karon (n. m.) : sonnaille de vache en fer forgé de forme oblongue (type « Chamonix ») ; gréché lou karon « graisser les courroies des sonnailles » (la veille de l’inalpage pour assouplir le cuir) ; fr. loc. : carron.
325bron (n. m.) : grosse sonnaille de vache (marmite) ; fr. loc. : bron.
326kanpan-na (n. f.) : sonnaille en bronze en forme de clochette ; fr. loc. : campanne.
327karnâ (v. intr.) : agiter des sonnailles, carillonner ; réveiller les gens en agitant des carrons lors de charivaris.
328ankarnâ (v. tr.) : mettre les sonnailles au cou des vaches au printemps pour la montée aux alpages.
329dékarnâ (v. tr.) : retirer les sonnailles à l’automne ; on dékarne vé Toussan kan lé vashè san a la rèshe poué on akroshe lou karon su na baranklya eû solyé « on enlève les sonnailles vers Toussaint quand les vaches sont mises à la crèche et on pend ces sonnailles sur une barre à la grange ».
330koroué (n. f.) : collier de la sonnaille, courroie en cuir ; fr. loc. : un caron de cuivre avec la corroie en bois (en 1791).
331baté (n. m.) : battant de la sonnaille.
332félâ (v. tr.) : casser une sonnaille qui alors sonne faux ; l è félâ, le snalye pa a drè « elle est cassée, elle ne sonne pas juste ».
333snalyé (v. tr.) : sonner, carillonner, secouer ; snalyé lé snalye a kakon « sonner les cloches à quelqu’un, le secouer » ; fr. loc. : snailler.
334trakeûdnâ (v. intr.) : agiter des sonnailles, carillonner.
335ran-na (n. f.) : reine du troupeau ; ran-na a keûrnè « reine à cornes, victorieuse des combats » ; ran-na a lashé « reine à lait » (meilleure laitière de l’alpage).
336métra (n. f.) : maîtresse du troupeau, reine à cornes qui prend souvent la tête du troupeau en marche.
337batalye (n. f.) : bataille de vaches, nom de vache batailleuse ; férè na batalye, batalyé « faire un combat, combattre ».
338rolyé (v. intr.) : menacer du regard, rouler des yeux noirs (avant le combat) ; fr. loc. : roiller.
339anpounyé s (v. tr. et pron.) : lutter, s’accrocher par les cornes, faire une rixe ; fr. loc. : s’empoigner.
340aplyé s (v. pron.) : s’accrocher par les cornes en combattant.
341kornashyé (v. intr.) : donner des coups de corne répétés ; fr. loc. : cornacher.
7.3.3. Le lait, la traite, la crème, la conservation et le transport du lait
342aryâ (v. tr.) : traire ; aryâ eû peûzhe « traire avec le pouce » (méthode la plus experte) ; aryâ eû pouan « traire avec le poing ».
343aryeûra (n. f.) : traite du lait ; l aryeûra deû matin, a né « la traite du matin, du soir ».
344sala (n. f.) : chaise à traire ; sala k on arye « chaise à traire », basse, à quatre pieds, avec un trou au milieu pour la saisir. Na vè yon dè slou zhoune guide deû payi, on bokon étyeûrno, avè fralyâ na brâva sala dan la kouznâ dè Tré-la-Téta : y érè slatse deû tnansyé, y an fé on pashe pè la ranplaché ; dou trèz an apré, man lo tnansyé rinmâve adé apré sa sala, al a fornè pè an trovâ yèna, na bourta sala a aryâ k al a lin-nâ eû sanzhon dè sa tâka poué k al a shèrotâ lé damou tan k a la kouznâ deû rfuzhe. « Une fois, un de ces jeunes guides du pays, un peu éméché, avait cassé une belle chaise dans la cuisine du refuge de Tré-la-Tête : c’était celle du tenancier, ils ont fait un marché pour la remplacer ; deux trois ans plus tard, comme le tenancier réclamait toujours sa chaise, il a fini par en trouver une, une chaise à traire bancale qu’il a attachée sur son sac à dos et qu’il a transportée jusqu’à la cuisine du refuge. »
345manèyé (v. tr.) : préparer les trayons, faire venir le lait en les massant ; fr. loc. : maneiller.
346ryè (n. m.) : jet, trait de lait.
347soué (n. f.) : quantité de lait donnée à la traite.
348défansâ, défanfâ (v. tr.) : traire à fond, extraire les dernières gouttes de lait, égoutter les trayons ; fâ pa an laché, i fâ lé défansâ pè pa k y agotan « il ne faut pas laisser du lait, il faut égoutter les trayons pour qu’elles ne tarissent pas ».
349shyotnâ (v. intr.) : être longue à traire.
350lèvâ (v. tr.) : enlever ; lèvâ lo lashé « enlever le lait, ne plus en donner » (en parlant d’une vache contrariée) ; lèvâ la pèlèta deû lashé « enlever la peau du lait ».
351deûfa (adj. f.) : facile à traire, douce.
352dura (adj. f.) : difficile à traire, dure ; lé vashè k andrèmèlan san durè a aryâ « les vaches dont le pis durcit sont dures à traire ».
353lashé (n. m.) : lait ; lo lashé pyé aryâ pyé tryâ « le lait frais qui vient d’être tiré » ; lo lashé malâdo « le lait d’une vache malade » qui fait gonfler les tommes ; top. : la Pyéra deû Lashé.
354prin (n. m.) : saleté du lait ; kolâ lo lashé pè voutâ lou prin « couler le lait pour ôter les saletés » ; fr. loc. : prin.
355beûdan-nè (n. f. pl.) : mousse du lait ; férè dè beûdan-nè « faire de la mousse en trayant » ; fr. loc. : beûdannes.
356bloshè (n. f. pl.) : lait bourru ; lé bloshè y é dè lashé pyé aryâ « le lait bourru c’est du lait fraîchement trait » ; fr. loc. : bloches.
357fleû (n. f.) : crème du lait ; laché montâ la fleû « laisser monter la crème » ; top. : la Pyéra dè la Fleû.
358an-nèri (v. intr.) : tourner (en parlant du lait).
359ér (adj.) : aigri ; lo lashé ér i fâ dè tomè durè « le lait qui a tourné, ça fait des tommes dures ».
360transhyé (v. intr.) : cailler accidentellement (si une vache a la mammite).
361kalyé (v. intr.) : cailler ; férè kalyé, laché kalyé « faire cailler, laisser cailler ».
362boulyi (v. tr.) : bouillir, faire bouillir le lait ; lashé boulè « lait bouilli ».
363vèlyé (v. tr.) : surveiller (le lait sur le feu, lors de la fabrication du fromage) ; sè vèlyé « surveiller, être attentif, aux aguets » ; fr. loc. : se veiller.
364miré (v. tr.), mirâ (p. p.) : surveiller, guetter.
365pèlèta (n. f.) : peau sur le lait, pellicule sur un liquide, petite peau ; fr. loc. : pèlette.
366éflorâ (v. tr.) : écrémer.
367éfloryeû (n. m.) : écrémoir en bois, petite louche en bois à fond légèrement incurvé, à manche court et recourbé ; fr. loc. : éflorieû.
368pôshe pèrchâ (n. f.) : écumoire, cuillère percée ; fr. loc. : pôche percée.
369kolâ (v. tr.) : filtrer, couler le lait ; fr. loc. : couler.
370kolyeû (n. m.) : filtre à lait ancien en bois ou passoire métallique ; fr. loc. : colieû, coulliouz (en 1705).
371kolyére (n. f.) : bouchon, filtre en racines ; la kolyére y érè on torshon dè gramon « le filtre consistait en un bouchon de chiendent ».
372frèdzé (n. m.) : cave à lait en alpage ou en vallée : c’est un petit édifice en bois à proximité de la maison, dont le sol est recouvert de lauzes et où circule l’eau du ruisseau ou du bachal ; on y entrepose les bassines de lait (govès ou casses) ; mtâ l éva eû frèdzé « remettre l’eau à la cave » (le jour de l’inalpage) ; fr. loc. : frèdzé.
373ézè (n. f. pl.) : ensemble des récipients en bois pour le lait ; mtâ bounâ léz ézè « mettre combuger les récipients à lait » ; apré san on va guétsé totè léz ézè dè l an passâ, i fa alâ sourti la bourére, i fa alâ mtâ l éva eû frédzé è poué toui lou gyèshe i fa i mtâ bounâ pask i pèr to « après ça on va regarder tous les ustensiles de l’an passé, il faut sortir la baratte, il faut aller remettre l’eau au frèdzé et puis il faut mettre tremper tous les seaux en bois qui perdent tous ».
374sizlin (n. m.) : seau à traire en fer blanc ; fr. loc. : sizelin.
375sèlye (n. f.) : seille, récipient en bois.
376sèlyon (n. m.) : petit seau ; fr. loc. : seillon.
377syôlâ (n. f.) : contenu du seau ; na bounâ syôlâ dè lashé « une bonne traite ».
378man-lyo (n. f.) : anse du seau ; fr. loc. : manoille.
379barakin (n. m.) : petit bidon à main pour le lait, la soupe (aux champs) ; fr. loc. : baraquin.
380topnâ (n. f.) : pot à crème, toupine en grès, en terre, pot pour le beurre fondu.
381kouéklye (n. m.) : couvercle (bidon, marmite, etc.) ; toui lou bron trovan leû kouéklye « toutes les marmites trouvent leur couvercle » (toute femme, même laide, trouve un homme).
382kouéklyé (v. tr.) : couvrir, mettre un couvercle ; t va la kouéklyé ! « tu vas fermer ta gueule ! ».
383kassa (n. f.) : chaudron en cuivre où repose le lait (surtout en alpage) ; na gran kassa « un grand chaudron » ; apropri lé kassè « nettoyer les chaudrons ».
384pèvryé pèvriyé (n. m.) : grand chaudron à lait en cuivre sur l’alpage, accroché à la crémaillère et contenant de 150 à plusieurs centaines de litres ; fr. loc. : pévriyer, pair (en 1705), pairué ou chauderon (en 1771), parolè « petit chaudron » (en 1724).
385branda (n. f.) : boille à lait, grand bidon à lait porté sur le dos grâce à des bretelles, autrefois en bois (douves de sapin) ; portâ la branda a la fruitsére « porter le lait à la fruitière » (matin et soir en hiver : c’était souvent le travail des jeunes et une occasion de rencontres et de farces) ; fr. loc. : brande.
386man-na (n. f.) : mène, transport du lait à la fruitière ; fr. loc. : mène « ramassage du lait ».
387fruitsére (n. f.) : fruitière (bâtiment et société) où l’on livrait le lait à l’automne et en hiver quand on ne faisait plus la tomme à la maison ; férè markâ su lo karnè dè la fruitsére « faire marquer la quantité de lait pesée sur le carnet de la fruitière » ; l anklye Karne, a klyopéve, a rvenyè dè la runyon dè la fruitsére poué al è môr, a tryéve lé tartiflè dè l amou pè i yé bé, a sè shèrzhyéve lé trossè to seû, y érè poué lo dèré ke rèstâve eû beû avoué slé bétsè « l’oncle Carne, il boitait [suite à un accident au bois], il revenait de la réunion de la fruitière juste avant sa mort, il arrachait [dit-on] les pommes de terre depuis le haut pour mieux y voir, il se chargeait lui-même les trosses de foin, ce fut le dernier [du village] qui habita à l’étable avec ses bêtes » ; fr. loc. : faire marquer sur le carnet de la fruitière « faire marquer sur un compte quelconque » (épicerie, bistrot).
7.3.4. Le beurre
388bôro (n. m.) : beurre ; dè bôro fré pyé fé « du beurre frais qui vient d’être fait » ; batre lo bôro « battre le beurre » ; sé k a râpâ lou beû, fâ k a vnyè batre lo bôro « celui qui a nettoyé les étables, il doit ensuite battre le beurre ».
389lashé dè bôro (n. m.) : résidu liquide du beurre, babeurre ; on i bè an mzhyan dè polinta ou on an fâ dè toma « on le boit en mangeant de la polenta ou on en fait de la tomme ».
390ankro (adj.) : rance (en parlant du beurre, du lard) ; fr. loc. : encre.
391bourére (n. f.) : baratte (droite) ; la bourére ryanda « la baratte ronde à manivelle » ; ranché la bourére « rincer la baratte » ; fr. loc. : bourière (en 1724).
392modzeû (n. m.) : bâton de la baratte ; fr. loc. : modzeû.
393rguè (n. m.) : rondelle percée de trous au bout du piston de la baratte : lo rguè deû modzeû « la rondelle du bâton de la baratte ».
394rgâta (n. f.) : rondelle du piston de la baratte.
395tavé (n. m.) : couvercle de la baratte, d’un moule (à beurre, à fromage).
396snyeûla (n. f.) : manivelle de la baratte ronde ; fr. loc. : snieûle.
397trèbè (n. m. pl.) : palettes intérieures percées de trous de la baratte ronde (c’est l’intérieur qui tourne, voir la roue à aubes du moulin) ; en alpage, c’est une baratte plus grande avec une palette fixe, c’est la baratte elle-même qui tourne (modèle plus courant en Beaufortain) ; fr. loc. : trèbè trabè « vieux truc, machine démodée ».
398vryé (v. tr.) : virer, faire tourner la baratte ronde.
399moutâla (n. f.) : motte de beurre conservée en toupine pour les besoins du ménage ; l otan, kan on avè la moutâla, on fassè kouère lo bôro dan on gran bron pi bin s i vèlyé paskè lo bôro a montâve poué a vèrsâve, s on mtâve d éva frèda i vèrsâve anko plo fôr ; alor on sè tnyè na klyâ ou bin na pôshe frèda k on mtâve eû fan deû bron poué kan lo bôro avè kouè lontan, falè k a vnyè klyâro man l éva, on lo mtâve dan la topnâ ; apré on fassè la krashe avoué léz ékonmè « l’automne, quand on avait la motte de beurre, on faisait cuire le beurre dans une grande marmite et puis il fallait bien y surveiller parce que le beurre montait et versait, si on ajoutait de l’eau froide, ça versait encore davantage ; alors on se tenait une clé ou une louche froide qu’on plaçait au fond de la marmite et quand le beurre avait longtemps cuit, il devait devenir clair comme de l’eau, on le mettait dans la toupine ; ensuite on faisait la crache avec les écumes » ; fr. loc. : moutale ; top. : la Pâra dè la Moutâla.
400rgâ (n. m.) : motte, plaque de beurre (sur la table).
401moulo a bôro (n. m.) : moule à beurre s’ouvrant sur le côté, décoré (vaches, fleurs, chalet), d’usage assez récent.
402klyâkâ (v. tr.) : taper, claquer le beurre pour l’égoutter ; klyâkâ la moutâla « taper la motte de beurre ».
403grèvèlè (n. m. pl.) : grumeaux de beurre qui s’agglutinent dans la baratte.
404ékon-ma (n. f.) : écume ; léz ékon-mè « les crasses de beurre fondu ».
405fandre (v. tr.) : fondre ; dè bôro fandu, kouè « du beurre fondu, cuit ».
406krashe (n. f.) : crasses de beurre fondu avec de la farine, se mange au goûter de quatre heures ; la krashe y é dè vyo bôro, t mè dan on pélè, tè lasse fandre poué apré dè farna tan k on vè k y è preû épè, fâ brassâ adé k i brulè pa, fâ laché bin kouère, i lan a rossèyé, brassâ avoué na koulyé an boué, i fâ mtâ dè sokro, kan i preû kouè on mè dan n ékola… la krashe kin drôlo dè nyon ! « la crache c’est du vieux beurre, tu le mets dans une casserole, tu laisses fondre et tu ajoutes de la farine jusqu’à voir que ce soit bien épais, il faut toujours brasser pour que ça ne brûle pas, il faut laisser bien cuire, c’est long à roussir, brasser avec une cuiller en bois, il faut ajouter du sucre, quand c’est bien cuit, on met dans un bol… la crache, quel drôle de nom ! » ; fr. loc. : crache.
407léshe (n. f.) : tranche de pain, tartine ; na léshe dè pan avoué dè bôro « une tartine de beurre » ; top. : Léchettaz (bande de terrain).
7.3.5. Le fromage et le sérac
408ésheûdâ (v. tr.) : chauffer, faire chauffer le contenu du chaudron pendu à la crémaillère dans la borne.
409tantâ (v. tr.) : tâter, prendre la température du lait avec le doigt ou le coude ; sonder un fromage.
410ézi (n. m.) : présure artisanale : liquide aigre servant à faire cailler le sérac, se compose de petit-lait, de florettes (écumes) qu’on fait cailler avec du vinaigre (ce qui ôte l’albumine du lait) ainsi que d’oseille ; mtâ l ézi « faire cailler le sérac ».
411kyé (n. m.) : présure naturelle, caillette de veau ; mtâ lo kyé « emprésurer ».
412ankalyé (v. tr.) : emprésurer ; fr. loc. : encailler.
413prézure (n. f.) : présure actuelle.
414kalyâ (n. m.) : caillé frais avant le brassage, sert à faire la tomme douce (le fromage blanc).
415dékalyé (v. tr.) : remuer le contenu du chaudron avec le brassoir à fromage ; fr. loc. : décailler.
416dékalyeû (n. m.) : brassoir à fromage, autrefois : lo bè d on darbèlin pèlâ « le bout d’un jeune sapin écorcé » ; fr. loc. : décailleû.
417tèla (n. f.) : toile en chanvre pour retirer le fromage du chaudron.
418afanfâ (v. intr.) : être situé au fond du chaudron (en parlant du caillé aggloméré).
419péshon (n. m.) : caillé aggloméré au fond du chaudron après brassage ; sourti lo péshon dan la tèla « retirer le caillé du chaudron dans la toile » ; partazhyé lo péshon d apré la grocheû dè lé tomè « partager le caillé en plusieurs morceaux en fonction de la grosseur des tommes désirée ».
420florètè (n. f. pl.) : écumes qui demeurent quand on a retiré le caillé du chaudron, on s’en sert pour fabriquer le sérac ou on les mange fraîches ; fr. loc. : florettes.
421ézhyotâ égotâ (v. tr.) : égoutter, laisser égoutter.
422anrèshyeû (n. m.) : égouttoir à fromage : large planche rainurée sur le pourtour qui se termine en pointe pour faciliter l’écoulement du petit-lait ; fr. loc. : enrèchieû.
423pranta (n. f.) : petit-lait du fromage ; s on fâ pa lo sèré, on i balye é kayo « si on ne fait pas le sérac, on le donne aux cochons » ; fr. loc. : prante.
424éprantsérè (n. f. pl.) : échelette servant à maintenir la faisselle sur un seau, support du couloir à lait ; fr. loc. : éprantséres.
425fétsére (n. f.) : faisselle autrefois en bois puis en métal où l’on place le caillé pour l’égoutter ; y an intâ fé dan la méma fétsére « ils ont été conçus dans le même moule » ; fr. loc. : fétsére.
426préssa (n. f.) : presse à fromage, instrument à vis utilisé en alpage.
427apèzâ (v. tr.) : charger le fromage pour l’égoutter.
428shèrzhyé (v. tr.) : charger ; shèrzhyé la toma avoué dè grou pè, dè pyérè « charger la tomme de gros poids, de pierres ».
429shèrklye (n. m.) : moule à fromage circulaire utilisé en alpage, recouvert de tavés (couvercles) en bois ; fr. loc. : cercle.
430toma (n. f.) : le fromage, surtout la tomme grassa ou mégra « grasse ou maigre » ; férè la toma « fabriquer le fromage, se cailler » (lait) ou (par analogie) « vomir » ; na groussa toma « une grosse femme molle » ; la toma deûfa « la tomme blanche consommée tout de suite, salée » ; toma éra « tomme flasque » ; mankâ na toma « rater une tomme » (avec du lait qui a tourné) ; fr. loc. : tomme douce.
431pâra (n. f.) : croûte du fromage ; y an zha bin dè pâra, i fara bastou lé mzhyé « elles ont déjà beaucoup de croûte, il faudra bientôt les manger ».
432séron (n. m.) : cirons du fromage ; lou séron i sè mtan pa dan na toma k é pa bouna ; s te vo mzhyé na bouna toma, bin fâ tè vèlyé lyè ke lé ratè antonan, lé ratè van pa antonâ na toma éra ou k é konfla « les cirons ne se mettent pas dans une tomme qui n’est pas bonne ; si tu veux manger une bonne tomme, eh bien il faut surveiller celles que les souris entament, les souris ne vont pas entamer une tomme aigre ou qui a gonflé » ; fr. loc. : séron.
433sérnâ (adj.) : envahi de cirons.
434floratâ (adj.) : fleurie, se dit d’une bonne tomme qui a de belles couleurs (jaune-orangé, rouge).
435kanfla (adj.) : trop faite, gonflée parce qu’il y a eu trop de présure ou si on a utilisé le lait d’une vache malade ; fr. loc. : gonfle.
436lmounâ (v. intr.) : couler, être visqueuse, gluante (en parlant d’une tomme ratée).
437moufa (n. f.) : moisissure du fromage : fin duvet (longs poils blancs) qui recouvre certaines tommes posées sur les trablats.
438mouzi (v. intr.) : moisir ; dè toma mouzouâ « de la tomme moisie » (du fromage mal égoutté qui a gardé du petit-lait).
439vér (n. m.) : ver du fromage ; dè toma vérâ « de la tomme pleine de vers » ; a la salyèta y é lé bordan-nyérè ke mtâvan dè vér « au printemps c’est les grosses mouches à viande qui introduisent les vers ».
440trablâ (n. m.) : planche-étagère où l’on fait sécher le fromage à la cave ; lé damou lou trablâ on lou voutâve dè la kava l ivér, on lou ranzhyéve eû beû, dè kou eû dènyeû, pè k i porèssan pa to ; a la salyèta on lou lavâve poué on tornâve lou plaché « en alpage les planches-étagères on les enlevait de la cave l’hiver, on les rangeait à l’étable, parfois dans l’abat-foin, pour qu’elles ne pourrissent pas totalement ; au printemps on les lavait et on les replaçait » ; fr. loc. : trablat.
441vrè (n. m.) : tourniquet à fromages constitué d’un pieu fiché en terre et atteignant la voûte de la cave ; sur ce pieu sont fixés des plateaux circulaires mobiles autour de cet axe, où sont déposés les fromages qu’on retourne et qu’on sale ; ntron vrè érè anshapâ dan on grou teû « notre tourniquet était enfoncé dans une grosse pierre de tuf » ; fr. loc. : vret.
442sèré (n. m.) : sérac ; lo sèré sè fâ avoué la pranta poué lé florètè « le sérac se fabrique avec du petit-lait et des écumes » ; mtâ fmâ lo sèré su na trablèta dan la borna pè lo férè sèshyé « mettre fumer le sérac sur une étagère dans la cheminée pour le faire sécher ».
443létsâ (n. f.) : petit-lait de sérac.
444grèvyére (n. m.) : gruyère, beaufort.
445dékaran-mâ (n. m.) : tout le produit de l’alpage (beurre, tomme) ; lou montanyar, on avè kè dou zhor pè snan-na dè dékaran-mâ, no, la résta i falyè i balyé é propriyétér dè lé vashè « nous les alpagistes nous n’avions que le produit de deux jours de la semaine, le reste il fallait le donner aux propriétaires des vaches ».
La fabrication de la tomme
446On mtâve la soué dan lo pèvriyé, to lo lashé dè la vèlye, on mtâve ésheûdâ su lo kmâklyo tan k a trante dou santigrade poué apré on mtâve la prézure (na vè on sè sèrvsè deû kyé, lou dèré tan y avè dè prézure, i fassè myo) ; on i lâsse kalyé trè kar d eûra, k i kalyè bin shâ, poué kan y érè kalyâ, on sè mtâve a dékalyé, a braché na bouna dmyeûra k i sè byin fin ; poué apré on i rmtâve su lo fouâ pè i rtornâ ésheûdâ tan k a trante uit ; apré on rtornâve vriyé lo pèvriyé, on lachéve bin alâ eû fan. Kan y érè bin eû fan on prenyè la tèla, on sè mtâve a dou pask y è pèzan, on i lèvâve, on mtâve lo péshon dan la fétsére, byin y apèzâ, byin i sèrâ avoué dè grou kayou dèssu ; poué on vriyéve sovan la toma, byin y égotâ.
447On mettait la traite dans le grand chaudron, tout le lait de la veille, on mettait chauffer sur la crémaillère jusqu’à trente-deux degrés puis on versait la présure (autrefois on se servait de la caillette, les derniers temps il y avait de la présure, ça réussissait mieux) ; on y laissait cailler trois quarts d’heure, que ça caille avec assez de chaleur et quand c’était caillé, on commençait à briser le caillé, à brasser une bonne demi-heure jusqu’à ce que le caillé soit bien fin ; ensuite on replaçait le chaudron sur le feu pour y réchauffer jusqu’à trente-huit degrés ; puis on enlevait à nouveau le chaudron du feu, on laissait bien déposer au fond. Quand c’était bien au fond on prenait la toile, on se mettait à deux parce que c’est lourd, on la levait, on plaçait le caillé dans la faisselle, il fallait bien le presser, bien le serrer avec de gros cailloux dessus ; on retournait souvent la tomme, il fallait bien l’égoutter ».
448On la lachéve tota la né, on mtâve na tèla sèshe, na bouna tèla sèshe ; lo landèman on la sourtè dè la fétsére poué on la salâve pè laché la plasse pè n âtra. On lé mtâve poué eû sèrto, on avè pa tan dè bon sèrto cho, on boushyéve lé bédè avoué dè tèpé pè pa k i soflè, pask i lé fassè kanflâ. On lé mtâve su lou trablâ, falè toui lou zhor lé vriyé poué lé salâ, y é d yeûvra kan i vnyè la fin deû shâtan. On i fassè la vépornâ tandzé kè lé vashè éran en shan, dè kou la né s on avè pa lo tan.
449On la laissait toute la nuit [dans la faisselle], on mettait une toile sèche, une bonne toile sèche ; le lendemain on la sortait de la faisselle, on la salait pour laisser la place pour une autre. On mettait les tommes à la cave, on avait pas tellement de bonnes caves ici, on bouchait les fentes avec des mottes de gazon pour que ça ne souffle pas à l’intérieur ce qui les aurait fait gonfler. On les mettait sur des étagères, il fallait tous les jours les retourner et les saler, c’était beaucoup de travail quand venait la fin de l’été. On le faisait l’après-midi quand les vaches étaient en champ, parfois le soir si l’on n’avait pas le temps.
La bénédiction des alpages
450Pè san, lo vyou ankourâ al atandzè k on sè toui amou, k on sè toui tramouâ, no on érè a la Tyérsa, du tan dè ntrou paran al alâve a la Konba ; na vè ne mè rapalo, y érè lo zhor k on sè tramouâve ; al érè arvouâ poué lé vashè éran totè foulè man kan on è pyé arvouâ, i san totè arvouâ dan lo dèdan ; l ankourâ al avè prè na vaske k érè lyé, vè l’ankourâ ka bènssè na vashe a la Konba ; poué la vashe s è rviya, l a sourti poué pamé ; l ankourâ on lo vèyè vnin dè louan, al avè lé komnè poué lé montanye : i fassè dè zhornâ, a shoumâve pa, a montâve amou la Borzhya poué la Konba poué a travèrsâve lé a la Tyérsa, lé Mé, lou Bèzouan, la Grevèta.
451Pour ça, l’ancien curé attendait qu’on soit tous à l’alpage, qu’on ait tous remué depuis les montagnettes, nous on était à la Tierce, du temps de nos parents il allait à la Combe ; une fois je me souviens, c’était le jour qu’on remuait ; il était arrivé et les vaches étaient toutes folles comme quand elles viennent d’arriver, elles sont toutes arrivées jusqu’à la cuisine ; le curé, il avait pris une vache qui se trouvait là, oui [je me souviens] le curé qui bénissait une vache à la Combe ; puis la vache s’en est retournée, elle est sortie de la maison et puis voilà ; le curé on le voyait arriver de loin, il avait les communaux et les montagnes particulières [à bénir] : ça faisait de bonnes journées, il ne chômait pas, il montait à la Borgia puis à la Combe, puis il traversait là à la Tierce, aux Meys, aux Besoëns, à la Grevettaz.
Montagnes et usages pastoraux du Beaufortain et du Val Montjoie
452A Atalosse i fachan pa man no : i pasnâvan, i sè lèvâvan, y alâvan aryâ avoué la lantèrna to lo tan è poué i déglyètâvan y érè nouv eûrè passâ, y érè leû mouda pa deû to paré ; a trèz eûrè deû matin y éran abade pè aryâ ; no on déglyètâve, y éran louan dè dépasnâ, pa dè lé sourti, i lé rantrâvan pa ; shyé no y éran totè bounè eû beû ; to paré y éyan dè byô tropé poué dè balè montanye mé sleû k éran poure an Atalosse y éran vré poure poué sleû k éran rsho éran dè vré reshe, y érè to dè gran montanye kè cho on avè dè komnè : dan lé komné on mtâve preû dè vashè, é Pré y an a avou na santan-na, mé alor kè lé vashè deû payi, i passâve lo pétre, i tot inskri, tan dè vashe a sétse, tan dè vashe a sétse ; pè lou komnè i publiyévan lo zhor dè l eûvrèta, la bala féta k on fassè lo zhor dè l eûvrèta, no lou propriyétér on avè lo drè d alâ la vèlye, on danshyéve a la Barma.
453À Hauteluce ils ne faisaient pas comme nous : ils attachaient au piquet, ils se levaient, ils allaient toujours traire à la lueur de la lanterne puis ils ne détachaient du piquet qu’à neuf heures passées, c’était leur manière de faire, pas du tout pareil ; à trois heures du matin ils étaient debout pour traire ; nous on détachait les vaches [pour aller en champ], ils étaient encore loin de les détacher du piquet, pas de les sortir de l’étable puisqu’ils ne les rentraient pas ; chez nous elles étaient toutes bien au chaud ; ils avaient quand même de beaux troupeaux et de belles montagnes d’alpage mais ceux qui étaient pauvres à Hauteluce étaient vraiment pauvres et ceux qui étaient riches étaient très riches, c’était de grandes montagnes privées alors qu’ici on avait des communaux : dans les communaux on mettait aussi beaucoup de vaches, aux Prés il y en a eu une centaine, mais alors, que des vaches du pays, ça passait le garde champêtre, c’était tout inscrit, tant de vaches à un tel, tant de vaches à un tel ; pour les communaux on publiait le jour de l’ouverture, quelle belle fête on faisait le jour de l’ouverture, nous les propriétaires on avait le droit de monter la veille, on dansait à la Balme.
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