« Les cris de la fée »
p. 109-124
Texte intégral
1Le célèbre sonnet de Nerval, El Desdichado, s’achève sur une série de six monosyllabes où culmine l’évocation de la disparue par la « lyre d’Orphée ». En faisant un titre de cette coda, j’ai conscience d’en changer la tonalité et peut-être le sens. J’isole le second terme d’une alternance, et pour cela je supprime le premier monosyllabe, « et ». Je sépare la « fée » de la « sainte », alors que ce sont deux visages d’Eurydice. J’annonce des cris qui peuvent se faire entendre en dehors du poème, soit avant lui, soit après lui. Mais ces différentes opérations me permettent de mieux définir mon projet, plus ambitieux que l’explication d’un hémistiche. Je voudrais essayer de préciser la nature de ces cris et, pour cela, de mieux les écouter dans El Desdichado, mais aussi dans les légendes que ce sonnet rappelle et dans d’autres poèmes, d’André Breton, d’Octavio Paz, qui le prolongent ou qui prolongent ces cris. Ils sont une manière de point de convergence entre Les Chimères, Arcane 17 (1945) et Piedra de sol (Pierre de soleil), un grand poème écrit à Mexico en 1957 qui, dans la traduction de Benjamin Péret, vient clore l’édition française du recueil Liberté sur parole.
Le génie du lieu
2La fée est inséparable du génie du lieu. On peut même dire qu’elle le constitue. La Dame du lac de Brecknock ou Morgane, la Dame de l’île perdue, l’île d’Avallon, en sont des exemples illustres. Nerval y est sensible, comme le prouve le chapitre IV de la première partie d’Aurélia : le rêveur se croit transporté sur les bords du Rhin, dans la maison d’un oncle maternel, qui fut un peintre flamand et dont « les tableaux ébauchés étaient suspendus çà et là ; l’un d’eux représentait la fée célèbre de ce rivage » (p. 674)1.
3La fée est donc l’éponyme d’un lieu. Ainsi peut s’expliquer la note de Nerval sur le manuscrit Éluard d’El Desdichado : « Mélusine ou Manto. » Les deux suggestions, apparemment si différentes, se rejoignent au moins en cela. Dans l’Énéide (X, 198-200), Virgile explique que sa ville natale porte le nom de la fatidica Mantus. C’est le fils de Manto et du fleuve Tuscus qui le lui a donné. Il est difficile de traduire fatidica par fée puisque les fées passent pour être nées au Moyen Âge. Mais on reconnaît aisément dans fatidica la racine de fatum et de fata, d’où vient notre mot fée. Dès 1843 Alfred Maury proposait de voir dans les fées les descendantes des nymphes, appelées parfois fatuae2. La fonction première de la fée est de dire, et en particulier de dire le nom du lieu.
4Différentes étymologies ont été proposées pour le nom de Mélusine. Des sept manuscrits mélusiniens que possède la Bibliothèque nationale l’un s’intitule Le Livre de Luzignen (il a été publié par Francisque Michel à Niort en 1854), un autre Le Livre de la vie de Mellusigne. Mélusine est la « mère Lusigne » ou, mieux, la « mère des Lusignan ». C’est elle qui a fait construire la ville et le château de Lusignan. Jean d’Arras le précise dans le livre fondateur, Le Roman de Mélusine, qu’il composa de 1387 à 1393. L’auteur était le libraire et le relieur du duc Jean de Berry, compagnon de du Guesclin pendant la guerre de Cent ans, qui avait reconquis sur les Anglais un certain nombre de forteresses et de châteaux du Poitou. Il avait ainsi acquis le château de Lusignan et il avait demandé à Jean d’Arras de « mettre en roman » l’histoire de la fondation de la forteresse de Lusignan et du lignage dont elle a été le berceau. Mélusine est deux fois fée : elle dit le nom du lieu, elle enfante des êtres qui porteront le nom de Lusignan. À lui seul, ce nom pourrait être un cri.
5Sans remonter nécessairement au roman de Jean d’Arras ou au poème de Couldrette, que rima au début du xve siècle le chapelain des seigneurs de Parthenay, Nerval pouvait se rappeler le passage de La Vie de Rancé (1844) où Chateaubriand évoquait Mélusine sans la nommer :
Aujourd’hui, on ne voit plus glisser dans les ombres ces chasses blanches dont Charles-Quint et Catherine de Médicis croyaient entendre les cors parmi les ruines du château de Lusignan, tandis qu’une fée envolée faisait son cri3.
6Dans le texte de Nerval, comme dans celui de Chateaubriand, Mélusine n’est pas nommée. Le rejet du nom dans une glose rend plus sensible encore cette lacune. Mais il suffit du lieu et du nom du lieu pour que Mélusine soit présente. Nerval l’a introduit dès le vers 9 d’El Desdichado quand Lusignan s’est glissé entre Amour et Phébus d’une part, Biron d’autre part. La géographie magique de Nerval (pour reprendre le titre de l’essai de Jean-Pierre Richard dans Poésie et profondeur) doit sa magie au nom de lieu, et ce nom seul rappelle la présence de la fée.
7Le déshérité a perdu sa terre et son nom. Ces deux pertes sont indissociables. Il s’est d’abord défini comme « le prince d’Aquitaine », puis il semble avoir été pris d’un doute. Il a demandé d’autres lieux — le Pausilippe d’Octavie (p. 644) ou des Lettres à Aurélia (p. 837)4. Il a rêvé d’autres identités :
Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
8Retrouvant sur la « lyre d’Orphée » les « cris de la fée », il s’identifie une fois encore à Raymondin de Lusignan, l’époux de Mélusine, sans avoir même besoin de la nommer. L’éponyme est transparent sous l’anonyme.
9Pourtant, pas plus que le nom, le lieu n’est fixé à la fin d’El Desdichado. Il existe des Lusignan d’Occident comme Raymondin et des Lusignan d’Orient, comme ce Guy de Lusignan que Voltaire a mis en scène dans Zaïre. On connaît aussi une thèse des origines orientales de Mélusine. Ursin, dans un article « Sur Mélusine » publié en décembre 1831 dans les Annales de la Société académique de Nantes (vol. 2, p. 404-418), suggérait que le mythe de Mélusine a été importé en Gaule par les nations indo-germaniques ou scythiques. Nerval pourrait donc retrouver par Mélusine le sol de son pays natal aussi bien que l’Orient qui le hante. À la recherche du nom et du lieu, El Desdichado est sollicité entre tant de noms et tant de lieux qu’il ne peut que poursuivre sa destinée de chevalier anonyme et errant. Le lieu fixe est devenu un lieu mobile. Il en est bien ainsi dans le chapitre 2 de la première partie d’Aurélia quand, au terme d’une soirée, un ami du narrateur veut le reconduire chez lui :
L’un d’eux, nommé Paul, voulut me reconduire chez moi, mais je lui dis que je ne rentrais pas. Où vas-tu ? me dit-il. — Vers l’Orient ! (p. 758).
10Le lieu mélusinien peut être partout et nulle part. Il se déplace vers l’Ouest dans Arcane 17, si du moins il doit se confondre avec l’évocation initiale de la Gaspésie, de l’île Bonaventure et du rocher Percé. À la fin du premier grand mouvement du livre et avant la grande évocation des cris de Mélusine qui en constituera le second, André Breton a ménagé une savante transition toute nervalienne. Le prince d’Aquitaine, la tour abolie transparaissent dans la description de « la pierre qui monte » où « s’arc-boutent, transpercés de tous les rayons de la lune, les contreforts des vieux châteaux d’Aquitaine et d’ailleurs »5. La « tour de Mélisande » qui s’y ouvre conduit, par un début d’homophonie, à la tour de Mélusine. Sur les bords de la Vonne, on chercherait en vain aujourd’hui les murs du château de Lusignan. Mais on y chercherait aussi en vain les sapins et le petit lac qu’y imaginait Breton. Il ne suffit pas au lieu mélusinien d’être mobile. Il est le lieu qui échappe au lieu. Dans le poème d’Octavio Paz, Pierre de soleil, il se confond avec le corps de la femme, d’une femme au nom oublié à laquelle il faut en donner plusieurs pour parvenir à l’invoquer. Le premier d’entre eux est Mélusine :
he olvidado tu nombre, Melusina,
Laura, Isabel, Perséfona, Maria
J’ai oublié ton nom, Mélusine,
Laure, Isabelle, Perséphone, Marie6.
11Le poème commence par une longue incantation du lieu parce qu’il veut être une incantation du corps féminin. Le paysage pourrait être d’abord celui de la douce vallée de la Vonne :
un sauce de cristal, un chopo de agua,
un alto surtidor que el viento arquea,
un ârbol bien plantado mas danzante,
un caminar de rio que se curva,
avanza, retrocede, da un rodeo
y llega siempre.
un saule de cristal, un peuplier d’eau,
un haut jet d’eau arqué par le vent,
un arbre bien planté quoique dansant,
un cheminement de rivière qui s’incurve,
avance, recule, vire
et arrive toujours.
12Mais au fur et à mesure qu’on avance, les noms de lieux se multiplient comme sont venus s’ajouter d’autres noms à celui de Mélusine — Laure, Isabelle, Perséphone, Marie et aussi Héloïse, Phyllis ou Carmen. La fugue conduit à une véritable strette du lieu : Christopher Street, le Paseo de la Reforma, Oaxaca, l’hôtel Vernet, Bidart, Perote, Madrid (la tentation de l’Orient ne s’est pas encore exercée sur Paz aussi fortement que par la suite). Cette strette du lieu est aussi une strette du nom, car les deux sont ici aussi indissociables :
nombres, sitios,
calles y calles, rostros, plazas, calles
estaciones, un parque, cuartos solos,
manchas en la pared, alguien se peina,
alguien canta a mi lado, alguien se viste,
cuartos, lugares, calles, nombres, cuartos.
noms, lieux,
rues et rues, visages, places, rues,
gares, un parc, chambres seules,
des taches sur le mur, quelqu’un se peigne,
quelqu’un chante à côté de moi, quelqu’un s’ habille,
chambres, lieux, rues, noms, chambres.
13Cette multiplicité presque délirante n’altère pourtant pas l’unité initiale, qui reste fondamentale. « Tous les noms sont un seul nom, / Tous les visages un seul visage7 », et Paz a choisi pour épigraphe à Pierre de soleil le premier quatrain d’Artémis8, le retour de la Treizième dans la première, dans la seule. Sans doute, Artémis est un poème de la sainte plus que de la fée. Mais le rapprochement s’impose entre le vers 8 :
La rose qu’elle tient, c’est la Rose trémière.
14et le chapitre 6 de la première partie d’Aurélia où apparaissent au rêveur trois femmes travaillant dans une pièce, les analogues des trois Parques, les Tria Fata et donc peut-être les plus anciennes fées9. Nerval précise d’ailleurs que ces tisseuses ont « des doigts de fée » (p. 772), et celle qu’il suit « entour[e] gracieusement de son bras nu une longue tige de rose trémière » (p. 773). Il se produit alors une étrange métamorphose. Le corps de la fée devient paysage, un jardin qui prend les dimensions de la nature entière :
[…] elle se mit à grandir sous un clair rayon de lumière de telle sorte que peu à peu le jardin prenait sa forme, et les parterres et les arbres devenaient les rosaces et les festons de ses vêtements ; tandis que sa figure et ses bras imprimaient leurs contours aux nuages pourprés du ciel. Je la perdais ainsi de vue à mesure qu’elle se transfigurait, car elle semblait s’évanouir dans sa propre grandeur. « Oh ! ne fuis pas ! m’écriai-je… car la nature meurt avec toi ! » (p. 773).
15La transformation rappelle celle de certaines nymphes d’Ovide, la nymphe Lotis devenue jujubier (Métamorphoses, IX, 347-349) ou surtout la nymphe Daphné devenue laurier (I, 548-556)10. Dans le poème d’Octavio Paz, le corps de la femme devient paysage, non plus pour échapper à la poursuite de l’amant, mais pour inviter à une exploration éperdue :
voy por tu talle como por un río,
voy por tu cuerpo como por un bosque
je vais par ta taille comme par une rivière,
je vais par ton corps comme dans un bois11.
16Dans Arcane 17 il est bien précisé que la métamorphose intervient à l’heure du cri. « À l’instant du second cri », le ventre de Mélusine « est toute la moisson d’août », « ses bras sont l’âme des ruisseaux qui chantent et parfument »12. Par sa disparition, la femme aimée est créatrice d’espace. Agriopè la sauvage devient Argiopè à la voix claire, et surtout Eurydice, le génie de l’espace13.
Le secret d’un corps
17La première disparition d’Eurydice est sa mort même quand, se promenant parmi les herbages14 ou, plus précisément, parmi les épis15, cette « moisson d’août » qu’évoque Breton, un serpent la pique. La première disparition de Mélusine suit le moment où son secret a été découvert par Raymondin. Dans le roman de Jean d’Arras, il a été poussé par son frère le comte de Forez à la surprendre quand elle prenait son bain dans un grand bassin de marbre :
Jusqu’au nombril, elle avait l’apparence d’une femme, et elle peignait ses cheveux ; à partir du nombril, elle avait une énorme queue de serpent, grosse comme un tonneau pour mettre des harengs, terriblement longue, avec laquelle elle battait l’eau qu’elle faisait gicler jusqu’à la voûte de la salle16.
18Mélusine ne part pas immédiatement, mais dès le premier reproche que son époux lui fait.
19Cette première disparition pourrait être l’instant du premier cri. Rien ne dit dans le texte d’Ovide qu’Eurydice crie quand le serpent la pique. Dans celui de Virgile (Géorgiques, IV, 460), ce sont les Dryades ses compagnes qui crient (Dryadum clamore) quand elle meurt. Dans le roman de Jean d’Arras, Mélusine pousse, au moment où elle s’élance par la fenêtre, une plainte douloureuse et un profond soupir17.
20Nous trouvons l’équivalent de ce cri dans le chapitre 10 de la première partie d’Aurélia, et c’est aussi le premier cri qu’on y entend :
Le cri d’une femme, distinct et vibrant, empreint d’une douleur déchirante, me réveilla en sursaut ! Les syllabes d’un mot inconnu que j’allais prononcer expiraient sur mes lèvres… Je me précipitai à terre et je me mis à prier avec ferveur en pleurant à chaudes larmes. — Mais quelle était donc cette voix qui venait de résonner si douloureusement dans la nuit ? Elle n’appartenait pas au rêve ; c’était la voix d’une personne vivante, et pourtant c’était pour moi la voix et l’accent d’Aurélia…
J’ouvris ma fenêtre ; tout était tranquille, et le cri ne se répéta plus. — Je m’informai au-dehors, personne n’avait rien entendu. — Et cependant, je suis encore certain que le cri était réel et que l’air des vivants en avait retenti… (p. 786-787).
21Ce rêve suit la mort d’Aurélia (chap. 7). Le cri, présenté après dans le texte, fut-il contemporain de l’événement ? Est-ce le cri d’une morte ou d’une vivante ? Nerval maintient l’ambiguïté pour suggérer le passage d’un monde à l’autre, et en tout cas l’idée d’une correspondance entre eux. Est-ce l’appel d’Aurélia ou celui d’une « femme souffrante » qui, par hasard, aurait crié dans les environs de sa demeure ? Il se refuse lui-même à trancher, car le syncrétisme féminin, devenant ici le syncrétisme du cri féminin, se reforme. Après tout, chez Ovide, la voix du deuil conduit par les Dryades n’était-elle pas comme la voix d’Eurydice mourante et morte ?
22« Le premier cri de Mélusine », écrit Breton dans Arcane 17, « ce fut un bouquet de fougère commençant à se tordre dans une haute cheminée, ce fut la plus frêle jonque rompant son amarre dans la nuit, ce fut en un éclair le glaive chauffé à blanc devant les yeux de tous les oiseaux des bois ». Le motif de l’oiseau est également présent à la fin du chapitre 10 de la première partie d’Aurélia, mais au bénéfice d’une comparaison toute différente entre les cercles d’oiseaux à l’approche d’un orage et les ombres irritées du Styx qui fuient « en jetant des cris » quand un vivant ose descendre dans le monde des morts à la recherche d’Eurydice ou d’Aurélia (p. 787). Telle est bien l’apparente distinction entre Eurydice et Mélusine : la première disparaît aux Enfers, la seconde, plongeant dans le lac voisin, est reprise par la nature vivante, par ce que Breton appelle « la vie panique »18. En associant sans les nommer Mélusine et Eurydice dans El Desdichado, Nerval renforce l’ambiguïté de la morte-vivante.
23Dans Pierre de soleil, le poète est lui-même Raymondin, dépossédé de Mélusine dont il a surpris le secret. Il la voit fuir, tomber, et il ne lui reste d’elle que son cri, ce premier cri :
yo vi tu atroz escama,
Melusina, brillar verdosa al alba,
dormias enroscada entre las sabanas
y al despertar gritaste como un pájaro
y caiste sin fin, quebrada y blanca,
nada quedó de ti sino tu grito,
y al cabo de los siglos me descubro
con tos y mala vista, barajando
viejas fotos.
j’ai vu ton atroce écaille,
Mélusine, l’aube briller, verdâtre,
tu dormais lovée dans les draps,
en t’éveillant tu as crié comme un oiseau
et tu es tombée sans fin, brisée et blanche,
de toi il n’est rien resté que ton cri,
et après des siècles je me découvre
avec de la toux et une mauvaise vue, remuant
de vieilles photos19.
24Paz est celui qui renverse le plus systématiquement le mythe d’Éros et Psyché en un mythe nouveau de Mélusine et de Raymondin. Le secret de Mélusine est surpris non dans un bassin, mais dans les draps, à l’aube d’une nuit d’amour. Il est le secret d’Éros puisqu’il est le secret du corps érotique.
25Un autre motif doit alors être repris, celui du serpent. L’« atroce écaille » n’est autre que le secret du corps de Mélusine, le sexe associé à une image honteuse. Dans le roman de Jean d’Arras, Raymondin n’éprouvait nul dégoût après avoir vu dans son bain la femme-serpente. En cela, comme l’a noté Laurence Harf-Lancner, sa réaction « n’est pas celle du héros des contes mélusiniens, qui a un mouvement d’horreur et de recul devant le spectacle qu’il a surpris20 ». Raymondin découvre la fée en sa femme, et son amour s’en trouve augmenté. Mais peut-être en sait-il trop désormais et, pour être allé trop loin, cet amour connaîtra le reflux.
26Devant la serpente, André Breton ne veut éprouver que de l’émerveillement. Le secret de ce corps est un secret surréaliste :
Mélusine après le cri, Mélusine au-dessous du buste, je vois miroiter ses écailles dans le ciel d’automne. Sa torsade éblouissante enserre maintenant par trois fois une colline boisée qui ondule par vagues selon une partition dont tous les accords se règlent et se répercutent sur ceux de la capucine en fleurs21.
27Le serpent mélusinien est la merveille même, cette « queue merveilleuse, dramatique, se perdant entre les sapins dans le petit lac qui par là prend la couleur et l’effilé d’un sabre22 ». S’il fallait en chercher l’équivalent dans le poème d’Octavio Paz, ce serait celui de la rivière qui serpente, métamorphose insistante du corps féminin parmi ses divers avatars cosmiques. Le mal serait plutôt cette fois l’aridité, la réduction à la pierre de soleil, au désert. Le cri serait celui de toutes les victimes qui, comme les noms de femme et comme les lieux, ne constituent qu’une victime : Agamemnon et Socrate, Moctezuma et Robespierre, Lincoln et Trotski, Madero et le Christ23.
28Le serpent, ou sa variante le dragon, est un motif lui-même ambigu dont la connotation est le plus souvent maléfique. Eurydice a été attaquée, selon Virgile, par « un serpent d’eau monstrueux » (l’expression latine, immanem hydrum, met en valeur l’hydre, le monstre). Le dragon tué par Cadmos a laissé la semence des futurs spartoi, ces guerriers qui s’entretuent et dont les cinq survivants seront pourtant des bâtisseurs, comme la fée-serpente : Nerval fait place deux fois à ce motif dans Les Chimères (« Antéros », « Delfica ») et il l’associe à celui de Daphné. Si Mélusine est une serpente, c’est parce qu’elle a commis une faute dont elle a été punie, comme ses deux sœurs Melior et Palestine, par sa mère Présine (elle avait enfermé son père dans une montagne). Quand elle quitte Raymondin, elle lui révèle que son indiscrétion l’a éloignée d’une possible délivrance :
Hélas ! mon ami, si tu ne m’avais pas trahie, j’étais sauvée de mes peines et de mes tourments, j’aurais vécu le cours naturel de la vie, comme une femme normale, je serais morte normalement, avec tous les sacrements de l’Église, j’aurais été ensevelie en l’église de Notre-Dame de Lusignan et on aurait célébré comme il se doit des messes de commémoration pour moi. Mais maintenant tu m’as replongée dans la sombre pénitence que j’avais longtemps connue, à cause de ma faute. Et cette pénitence, je devrai maintenant la supporter jusqu’au jour du Jugement, parce que tu m’as trahie. Je prie Dieu qu’il veuille te pardonner24.
29La modification est importante. Devenue fée-serpente par sa propre faute, Mélusine au moment du premier cri devient entièrement serpent (« Et lors se mue en une serpente grant et grosse et longue de la longueur de XV pieds »). Cette métamorphose apparemment complète et définitive s’accompagne d’une tombée de la nuit profonde (cf. Aurélia, Ire partie, chap. 6) : « Des voix disaient : “L’Univers est dans la nuit !” » (p. 773). Après la mort d’Aurélia, se déploie pour le survivant le rêve cosmique, le cauchemar plutôt de « hideux reptiles serpent[ant], s’élargis[sant] ou s’arrondis[sant] au milieu de l’inextricable réseau d’une végétation sauvage » (p. 776). De la masse des monstres, dans le chapitre 8, s’échappent des cris, et au pire moment de la mêlée apparaît « une femme, […] qui crie les cheveux épars, se débattant contre la mort » (p. 779). Fut-elle sauvée ? Le narrateur s’avoue incapable de le dire. Mais il est difficile de dissocier de ces cris l’apparition douloureuse du cri de femme sur lequel s’achève la première partie d’Aurélia. Tout s’organise autour de la représentation de la femme au milieu des forces du mal, et elle est d’autant plus menacée qu’elle expie la faute de celui qui prétendait l’aimer, sa trahison (le thème est présent dans toute cette première partie d’Aurélia).
30Dans une allégorie qu’on peut trouver un peu pesante, Breton fait de Mélusine l’image de la femme soumise à de terribles épreuves, « grande victime de ces entreprises militaires » dont la seconde guerre mondiale est la plus récente. Nouvelle Eurydice aussi, elle doit traverser « ces enfers auxquels la voue sans son secours plus que problématique la vue que l’homme, en général, porte sur elle »25. Son grand cri de protestation, le « grand cri de refus et d’alarme de la femme26 », c’est la version moderne du cri de la fée. L’évocation que fait Octavio Paz de « Madrid, 1937 » dans Pierre de soleil pourrait s’enchaîner à celle de Breton, qu’il connaissait bien : cris des femmes quand on sonne l’alarme, ultime refuge de deux nudités enlacées. Car chez l’un et l’autre l’espoir doit l’emporter. C’est la vision lumineuse, dans le texte de Breton, de Mélusine et des « serpents de ses jambes (qui) dansent en mesure au tambourin27 ». C’est, dans le poème de Paz, l’hydre de la chair nue, le serpent de deux corps qui s’unissent :
[…] las desnudeces enlazadas
saltan el tiempo y son invulnerables,
nada las toca, vuelven al principio,
no hay tú ni yo, manana, ayer ni nombres,
verdad de dos en solo un cuerpo y alma,
oh ser total…
les nudités enlacées
franchissent le temps et sont invulnérables,
rien ne les touche, elles reviennent au commencement,
il n’y a toi ni moi, demain ni hier ni noms,
ni double vérité dans un seul corps, une seule âme,
être total28.
31Le poème s’achève sur une vision toute matérialiste de la destinée humaine après la mort, de l’éparpillement du corps dans le monde. Mais ce monde n’est-il pas le corps féminin ? Même s’il n’est plus qu’un corps de pierre, la réduction de toute liquidité à l’aride, ne laisse-t-il pas l’espoir des « pronoms enlacés29 » ?
32Car en définitive, le secret du corps féminin n’est autre que le secret de la mort même. Le serpent est responsable de la mort d’Eurydice. Devenue entièrement serpent, Mélusine disparaît dans ce qui est bien une sorte de mort :
[…] elle manifestait tant de douleur et faisait un tel tapage que c’était horrible à entendre et à voir. Les habitants du pays en étaient frappés de stupeur. Et elle s’en alla ainsi jusqu’à Lusignan, elle en fit trois fois le tour, poussant des cris déchirants, et se lamentant avec une voix de femme ; les habitants de la forteresse et ceux de la ville étaient fort intrigués et ne savaient que penser ; ils voyaient la forme d’une serpente, et pourtant c’était la voix d’une femme qui en sortait30.
33La fin de la première partie d’Aurélia rappelle cette évocation qui avait aussi frappé Chateaubriand. L’« atroce écaille » de Mélusine, comme le dit Octavio Paz, est le point sensible de sa mortalité ou, si l’on ose le rapprochement apparemment incongru, son talon d’Achille. Si cette écaille se confond, comme je l’ai suggéré plus haut, avec le sexe féminin, elle est le lieu secret de la maternité, de l’enfantement d’êtres à leur tour voués à la mort. C’est pourquoi dans Pierre de soleil, Mélusine cède la place progressivement à Perséphone, dont Eurydice a redoublé l’aventure. La « reine de l’aube » est aussi la « dame de la nuit », le « corps du monde » est aussi la « maison de la mort »31. André Breton ne nie pas cette mort qui est en la femme, mais il veut la dépasser :
[…] la mort corporelle même, la destruction physique de l’œuvre n’est, en l’occurrence, pas une fin. Le rayonnement subsiste, que dis-je, c’est toute la statue, plus belle encore si possible, qui, en s’éveillant à l’impérissable sans rien perdre de son apparence charnelle, fait sa substance d’un croisement sublime de rayons32.
34Pourtant Mélusine supportait si mal d’avoir donné la mort en même temps que la vie à ses enfants que lorsque l’un d’eux allait mourir, elle faisait entendre son cri sur les hauteurs de Lusignan. Raymondin l’a accusée de leur avoir laissé ce défaut. C’est le reproche qui peut le plus la toucher. Il est cause de sa disparition et de son premier cri. Ce cri ne signale pas seulement la disparition de la fée serpente, il dissocie la femme de la serpente, il abandonne Mélusine à cette seule condition animale. Le cri de la fée est le cri de la fin de la fée.
La nouvelle Sibylle
35En venant annoncer la mort de ses enfants, Mélusine est prophétesse. C’est l’une des fonctions essentielles de la fée. Elle était déjà indiquée par le mot utilisé par Virgile pour désigner Manto : fatidica. Diseuse du lieu, elle était aussi la diseuse du fatum, dans une sorte de redoublement du dire. Les Parques étaient des fées avant la lettre puisque, comme elles, elles décidaient du destin des hommes à leur naissance. Isidore de Séville dans ses Etymologiae identifiait nettement les Parques et les Fata33, et il en est demeuré quelque chose dans ces « fées marraines » que le Moyen Âge a multipliées avant que ne les retrouve un contemporain de Nerval, Baudelaire, pour l’un des poèmes en prose du Spleen de Paris, « Le Don des fées ». Le substantif fée (fata), le verbe faer, l’adjectif faé gardant tous un lien avec le concept de destin34.
36Cette acception nouvelle pourrait sembler de peu d’importance quand on commente El Desdichado. Mais elle constitue un nouveau point de convergence entre Manto, qui est fille de Tirésias, et Mélusine, qui a aussi le pouvoir de prédire l’avenir. Brian Juden a retenu cette justification de la note du manuscrit Éluard et précisé que Nerval avait pu lire dans le livre de D. Monnier, Du Culte des esprits dans la Séquanie (1834), que Mélusine avertissait par ses cris Lusignan et ses descendants de la mort de l’un des leurs35. Il est plus important encore de remarquer que dans Le Roman de Mélusine de Jean d’Arras Mélusine vient rôder autour de Lusignan aux approches de la mort de Raymondin. Ses fils reconnaissent sa voix et se mettent à pleurer. Alors « elle s’inclina vers eux et poussa un cri si terrible qu’il sembla à tous ceux qui l’entendirent que la forteresse s’effondrait36 ».
37Seules des analogies diffuses permettent d’aller de cet épisode à la première partie d’Aurélia et d’y découvrir des traits mélusiniens. Dès le chapitre 2, la femme aimée est porteuse d’une prophétie ambiguë qui concerne sa mort ou celle du narrateur :
Un soir, vers minuit, je remontais un faubourg où se trouvait ma demeure, lorsque, levant les yeux par hasard, je remarquai le numéro d’une maison éclairé par un réverbère. Ce nombre était celui de mon âge. Aussitôt, en baissant les yeux, je vis, devant moi une femme au teint blême. Je me dis : « C’est sa mort ou la mienne qui m’est annoncée ! » Mais je ne sais pourquoi j’en restai à la dernière supposition, et je me frappai de cette idée, que ce devait être le lendemain à la même heure (p. 757).
38C’est lui qui pousse des « cris d’effroi » quand il voit dans son rêve la Mélancolie de Dürer, qu’on pourrait définir comme une fée de la mort. Le cri de la femme succède, je l’ai dit plus haut, à l’annonce de la mort d’Aurélia dans le texte.
39Le narrateur reste hanté par l’idée de sa propre mort. La seconde partie d’Aurélia s’ouvre sur la disparition d’Eurydice, mais continue immédiatement par cette notation : « C’est moi maintenant qui dois mourir sans espoir ! » (p. 788). Sainte quand elle fait un dernier effort pour le sauver (p. 795), elle est fée quand elle vient l’avertir, comme le Spectre vient avertir Don Juan, qu’il reste peu de temps37. Une femme chante près de lui : il croit reconnaître dans sa voix la voix d’Aurélia, sur son visage les traits d’Aurélia (p. 799-800). Mais cette voix vient sans doute encore lui parler de sa mort future. Cette sollicitude continuelle est exprimée aussi dans Artémis et elle est une justification du perpétuel retour de la même :
Celle que j’aimai seul m’aime encor tendrement :
C’est la Mort — ou la Morte… Ô délice ! ô tourment !
40On comprend dès lors la substitution progressive de Perséphone à Mélusine dans Pierre de soleil, ce poème de Paz, placé sous le signe de l’Artémis de Nerval. De « fée marraine » devenue « fée amante »38, Mélusine vient faire humer à son élu l’odeur de sa future fumée. La chute n’est plus celle de la fée-serpente au moment du premier cri, elle est celle de Raymondin, ou du poète, de sa naissance à l’heure de sa mort :
caigo sin fin desde mi nacimiento,
caigo en mi mismo sin tocar mi fondo,
je tombe sans fin depuis ma naissance,
je tombe en moi-même sans toucher mon fond39.
41Breton, dans Arcane 17, écarte les images de mort. Mélusine — Élisa, sa nouvelle compagne — lui a plutôt permis de sortir de la « nuit du tombeau », de « la […] grande ombre [qui] était en [lui] »40. Ce qu’il appelle « le second cri » de Mélusine est celui qui accompagne son retour, sans que ce retour soit annonciateur d’une mort prochaine pour celui qui en est le bénéficiaire. C’est pourquoi des images heureuses viennent en suggérer la teneur : une « descente d’escarpolette dans un jardin où il n’y a pas d’escarpolette », « l’ébat des jeunes caribous dans la clairière », « le rêve de l’enfantement sans la douleur »41. Je serais même tenté d’ajouter : le rêve de l’enfantement sans la perspective de la mort de l’être futur.
42Aurélia est une Eurydice deux fois perdue (p. 788), et même plusieurs fois perdue. Tout son passé finit par apparaître au narrateur comme la longue descente aux enfers d’un nouvel Orphée (p. 824). Pour Breton Mélusine est aussi « la femme perdue, celle qui chante dans l’imagination de l’homme, mais au bout de quelles épreuves pour elle, ce doit être aussi la femme retrouvée42 ». L’Étoile morte d’El Desdichado, l’étoile perdue d’Aurélia est une « étoile retrouvée », « celle du grand matin », en fait « deux étoiles conjointes aux rayons alternés » : « Elle est faite de l’unité même de ces deux mystères : l’amour appelé à renaître de la perte de l’objet de l’amour et ne s’élevant qu’alors à sa pleine conscience, à sa totale dignité ; la liberté vouée à ne se bien connaître et à ne s’exalter qu’au prix de sa privation même. »43 Une fois encore, on peut prendre Breton en flagrant délit d’allégorisme didactique, pour cet arcane 17 du tarot qui est précisément l’Étoile. Mais il est clair qu’il veut donner une fin heureuse à la traversée nervalienne des Enfers et aux cris de la fée modulés sur la lyre d’Orphée.
43Pierre de soleil s’achève aussi sur un retour, qui n’est autre qu’un recommencement. Après une traversée du monde et du corps mélusinien qui a été une traversée de sa mortalité jusqu’au don de soi à la pierre, Octavio Paz retrouve le paysage initial :
un sauce de cristal, un chopa de agua,
un alto surtidor que el viento arquea,
un arbol bien plantado mas danzante,
un caminar de rio que se curva,
avanza, retrocede, da un rodeo
y llega siempre :
un saule de cristal, un peuplier d’ eau,
un haut jet d’eau arqué par le vent,
un arbre bien planté quoique dansant,
un cheminement de rivière qui s’ incurve,
avance, recule, vire
et arrive toujours44.
44Ainsi peut-être, au retour des Enfers, le héros d’outre-tombe retrouve-t-il la Sibylle qui l’a guidé, dans le paysage qu’il a laissé. Mélusine ou Manto aura été cette nouvelle Sibylle, comme elle aura été la nouvelle Eurydice, comme elle aura été la fée ou la sainte. C’est la modulation de la lyre d’Orphée qui passe de l’une à l’autre comme Orphée passa d’une rive à l’autre de l’Achéron. Le poète lui-même a modulé, dans El Desdichado comme dans Aurélia, sur des motifs mythiques si finement associés qu’ils finissent par se superposer. Breton et Paz, se plaçant explicitement sous le patronage de Nerval et l’emblème de Mélusine, ont modulé à leur tour les cris de la fée. Mais ils ont voulu passer du mineur au majeur, de la disparue à la retrouvée, du premier cri à un second cri qui est devenu presque un cri de triomphe, ou du moins d’espoir. El Desdichado en contenait la possibilité dans ses derniers mots. Il fallait relever le défi, et la tour abolie.
Notes de bas de page
1 Sauf indication contraire, les références sont faites à l’édition par Henri Lemaître des Œuvres de Nerval, Garnier, 1966.
2 Alfred Maury, Les fées au Moyen Âge, Ladrange, 1843 ; Laurence Harf-Lancner, Les fées au Moyen Âge. Morgane et Mélusine, la naissance des fées, Champion, 1984, p. 17.
3 Chateaubriand, Atala, René, Vie de Rancé, éd. Henri Guillemin, Milieu du monde, no 13, p. 319
4 Dans les deux textes la phrase est la même : « Je pris par les petites rues derrière Chiaia et je me mis à gravir le Pausilippe au-dessus de la grotte. »
5 Arcane 17, rééd. dans la coll. « 10/18 », no 250, p. 55.
6 Octavio Paz, Libertad bajo palabra, Mexico, Fondo de Cultura economica, 1960, p. 240 ; Liberté sur parole, coll.« Poésie-Gallimard », p. 164.
7 todos los nombres son un solo nombre, / todos los rostros son un solo rostro (241/165).
8 Bizarrement orthographié « Arthémis » dans l’édition espagnole, p. 237.
9 Sur ce point voir Laurence Harf-Lancner, op. cit., p. 17.
10 Cet arrière-plan de métamorphose se trouve évidemment dans le premier quatrain de Delfica dans Les Chimères, et plus encore dans l’autre version, A J-y Colonna, où l’olivier plaintif peut faire songer à la métamorphose d’un pâtre en olivier dans les Métamorphoses d’Ovide (XIV, 512-526) et où l’image finale, culminante, est celle du « laurier vert » (transférée dans « Myrtho »).
11 Piedra de sol, p. 239/262.
12 Arcane 17, p. 66.
13 Agriopè est le premier nom connu de l’épouse d’Orphée, dans le Léontion d’Hermésianax de Colophon (iiie siècle av. J.-C. ; le fragment a été transmis par Athénée). Jacques Heurgon est partisan de la leçon Argiopè, « à la voix claire », nom très répandu dans l’onomastique grecque et particulièrement béotienne (voir son article fondamental « Orphée et Eurydice avant Virgile » dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, École française de Rome, De Boccard, 1932, t. XLIX, p. 14). Le nom d’Eurydice appliqué à l’épouse d’Orphée apparaît pour la première fois dans le pseudo-Moschos, Chant funèbre en l’honneur de son maître Bion. Pour J. Heurgon c’est « une appellation très générale et dont le sens exact s’est vite effacé ». On y reconnaît pourtant l’adjectif eurus — vaste, dont je tire l’invitation à l’espace.
14 Ovide, Métamorphoses, X, 8-10. […] nam nupta per herbas / Dum noua Naiadum turba comitata uagatur, / Occidit in talum serpentis dente recepto.
15 Cette tradition s’est vite imposée, et jusqu’au début de l’Orphée aux Enfers d’Offenbach. Elle a le mérite de rappeler l’analogie troublante qui existe entre le sort de Perséphone (la fille de Déméter, la déesse du blé) et celui d’Eurydice (cette analogie était déjà soulignée dans les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes). Cette évolution « agricole » se retrouve dans l’évolution du mythe de Mélusine, comme l’a montré Emmanuel Le Roy Ladurie dans son article « Mélusine ruralisée » (Annales, mai-août 1971, p. 604-622), repris dans Le Territoire de l’historien, Gallimard, 1973, p. 281-298.
16 Jean d’Arras, Mélusine, mis en français moderne par Michèle Perret, préface de Jacques Le Goff, Stock, 1979, p. 230.
17 « Et lors fist un moult doulereux plaint et un moult grief souspir, puis sault en l’air, et laisse la fenestre, et trespasse le vergier. »
18 Arcane 17, p. 64-66.
19 Piedra de sol, p. 244/167-168.
20 Les fées au Moyen Âge, p. 172.
21 Arcane 17, p. 59.
22 Ibid., p. 60.
23 Piedra de sol, p. 250-251/176 : le dernier cri évoqué est celui du Christ au mont des Oliviers, autre cri nervalien dans Les Chimères.
24 Jean d’Arras, Mélusine, p. 251.
25 Arcane 17, p. 60.
26 Ibid., p. 61.
27 Ibid., p. 64.
28 Piedra de sol, p. 246/170.
29 Ibid., p. 254, « al reino de pronombres enlazados ».
30 Jean d’Arras, Mélusine, p. 259.
31 Piedra de sol, 253/177.
32 Arcane 17, p. 68.
33 Isidore de Séville, Etymologiae, éd. W.-M. Lindsay, Oxford, 1911, VIII, 11, 92 et 93.
34 Voir le chapitre « Des êtres faés » dans le livre cité de L. Harf-Lancner, p. 59 et suiv.
35 Voir Brian Juden, Traditions orphiques et tendances mystiques dans le romantisme français, Klincksieck, 1971, p. 699 et la n. 209.
36 Traduction citée, p. 281-282.
37 Nouvelle image qui s’introduit dans le chapitre 3.
38 Sur ces deux aspects de la fée voir le livre cité de Laurence Harf-Lancner, 1re partie, chap. 2.
39 Piedra de sol, 253/178.
40 Arcane 17, p. 74.
41 Ibid., p. 66.
42 Ibid., p. 60.
43 Arcane 17, p. 118-119.
44 Piedra de sol, 254/179. C’est la reprise des dix premiers vers du poème, et Paz conserve même les deux points comme ponctuation finale.
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Mythocritique
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