I. Les derniers éclats des pierreries
p. 43-69
Texte intégral
Je raffole des bijoux, comme de toutes les choses futiles et belles dont l’inutilité rehausse le prix. C’est à les contempler que j’ai pris l’idée d’écrire une « Salomé ». L’image m’en est apparue, casquée d’or, dans un ruissellement de pierreries43…
1« Clé de la dernière cassette spirituelle », la pierrerie est aussi celle de tout le courant symboliste : la prolifération du motif suit la courbe d’un mouvement qui s’épuise d’excès dans les premières années du siècle, et l’ambiguïté de ses valeurs en épouse les définitions floues. Dans son abondance, la pierre précieuse « estampille » bientôt toute œuvre symboliste tout en présageant sourdement de l’extinction proche d’un imaginaire. L’importance de ce motif tient d’abord aux deux domaines qu’il intéresse : poétique et thématique. On sait que le symbolisme, féru de « manifestes », a peu à peu multiplié les tentatives de définitions de l’« Idée », du « symbole », de l’« enveloppe sensible », pour tenter une alliance entre art et « idéalisme ». Ces théories, héritant des thèses de Swedenborg sur les « correspondances », ont ouvert deux directions au courant : celle du « surnaturalisme » (tout droit issue des correspondances verticales), celle des synesthésies sensibles (en relation avec les correspondances horizontales). Et on comprend aisément que la pierrerie est au carrefour des deux : susceptible de se faire l’image sensible de l’Idée (première direction), elle peut tout aussi bien être le foyer d’un simple miroitement sensible. On a vu quelle était l’option retenue par la poétique mallarméenne : en deuil d’un Idéal à jamais perdu, la pierrerie se faisait le vecteur d’une reconstruction de la nécessité au creux du poème. La métaphore du vers – « traînée de feux sur des pierreries » – et celle du « miroitement en dessous » prenaient donc largement leurs distances avec une poétique du pur et simple symbole. Or la toute fin du mouvement symboliste – nous nous intéressons ici à l’extinction de ce courant – va en quelque sorte « déborder » l’héritage mallarméen, et cela dans le double sens des correspondances verticales et horizontales. La pierre oscille bientôt entre allégorie et vain joyau, deux directions qui vont inévitablement fragiliser le motif. Que restera-t-il, dans ces conditions, de sa fonction « compensatoire » ? L’évolution thématique suit une courbe analogue : l’engouement fin de siècle pour la femme gemmée est l’aboutissement d’une relation exsangue au naturel ; or si la pierre précieuse devient un sommet de l’artifice, quelle peut être la pérennité d’un motif dont la valeur n’est plus que décorative ?
2Un lien étroit associe ainsi les derniers sursauts d’une poétique qui remotive la fonction du symbole et les dernières convulsions d’une nature travestie. C’est ce rapport qu’il nous faut mettre en évidence, dans une traversée cursive du dernier symbolisme, autour des poètes du Mercure de France, de La Revue Blanche ou de La Vogue, parmi les assidus des « mardis » de Mallarmé… à l’ombre de Des Esseintes et de Gustave Moreau.
Symbolique ou symbolisme ?
3Nulle trace ne demeure du Traité des pierres précieuses que Mallarmé, aux dires de Villiers, projetait de composer. Sans préjuger des raisons pour lesquelles le traité ne vit pas le jour, nous serions tentés de voir là tout ce qui sépare l’auteur d’Hérodiade des derniers symbolistes. De fait, Mallarmé recourt très peu au lexique spécialisé de l’orfèvre : un rapide relevé lexical indique la présence abondante des termes « pierreries », « pierre précieuse », « joyau », une prédilection pour le « diamant », mais nulle précision plus poussée.
4Les pierres précieuses se présentent pourtant comme un authentique langage, qui a ses lois, ses codes et tout pour séduire l’imaginaire des symbolistes. Non seulement le pouvoir de réfléchir la lumière fait d’elles une lucarne vers l’invisible, le vecteur d’une traversée du sensible vers l’intelligible, mais chaque pierre possède aussi un ensemble de significations qui s’accordent à ses caractéristiques physiques. Il existe de fait une « symbolique des gemmes », héritière de l’herméneutique médiévale, qui, après avoir séduit nombre d’exégètes mystiques, connaît un nouveau sursaut dans les dernières années du xixe siècle. Cette symbolique prend sa source dans le passage de l’Apocalypse consacré à la description de la Jérusalem céleste, dont les douze assises sont chacune ornées d’une pierre bien précise (dans l’ordre : jaspe, saphir, calcédoine, émeraude, sardonyx, sardoine, chrysolithe, béryl, topaze, chrysoprase, hyacinthe et améthyste). Sur ce socle biblique, et en liaison étroite avec la symbolique des couleurs, l’herméneutique médiévale proposait alors une véritable lecture des pierres précieuses reposant sur un système de renvois systématiques entre le sensible et l’intelligible. Parfaitement transparente au sens indicible dont elle était le reflet, la pierre précieuse devenait l’une des pièces maîtresses d’un univers tissé d’allégories et entièrement dirigé vers le Principe unique, clé de voûte de ce symbolisme universel. Aussi le symbolisme fin de siècle, en quête d’une unification des éléments sensibles, marqué par une religiosité diffuse, ne pouvait-il que réactiver une telle tradition. Qu’il choisisse ou non de faire l’économie de Dieu, il allait bientôt se passionner pour une « science » suffisamment imprécise pour entrer en écho avec sa propre indécision.
5De fait, la traversée des manifestes symbolistes donne une image de la nébuleuse des théories idéalistes alors en vigueur. Comme le souligne Gustave Kahn, il est impossible de dégager une quelconque unité du symbolisme :
Il fallait expliquer qu’il y avait symbole et symbole, symbole religieux, symbole pour Rose-Croix, symbole pour symboliste, variété de symboles pour chaque symboliste44.
6Si tous s’accordent sur le principe d’une liaison entre sensible et intelligible, le statut de cet intelligible reste néanmoins des plus flous. De Moréas, qui affirme dans son manifeste initial : les « apparences sensibles [sont] destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec les Idées primordiales45 », à Kahn pour qui « le but essentiel de notre art est d’objectiver le subjectif (l’extériorisation de l’Idée) au lieu de subjectiver l’objectif (la nature vue à travers un tempérament)46 », deux interprétations des correspondances « verticales » se dessinent clairement : les « Idées primordiales » de Moréas réactivent manifestement une tradition néo-platonicienne, quand le « subjectif » de Kahn renvoie à une intériorité confuse, à des états de conscience insaisissables et indicibles.
7C’est précisément dans cette confusion que la symbolique des gemmes va trouver les raisons de son nouvel essor. Assez diverse pour illustrer des définitions contradictoires, elle va se donner elle-même comme un miroir sensible des interrogations du symbolisme. Nous choisissons, pour l’éclairer, deux interprétations fin de siècle de cette symbolique des gemmes. Toutes deux nourrissent une réflexion autour des relations confuses entre pierre et symbole ; toutes deux laissent s’immiscer dans le langage des pierres une nébuleuse de doutes, qui annonce déjà la fin du symbolisme.
Des pierres « mortes » aux pierres « loquaces47 »: sur le chemin de Damas de Huysmans
8De part et d’autres de 1892, date de la conversion de Huysmans, À rebours (1884) et La Cathédrale (1898) s’allument de « reflets réciproques ». Chaque motif d’À rebours, Bible de l’esprit décadent, trouve sa réplique inversée dans les chapitres-travées de La Cathédrale. Huysmans, dans un tel mouvement, prend vigoureusement à rebours l’évolution attendue ; il choisit singulièrement de remotiver le symbole, quand le roman de 1884 témoigne précisément d’une tendance décisive de la modernité artistique : les pierres y sont muettes, vidées de signification, véritables signes réifiés ; la chose est préférée au symbole, le mutisme du sens à l’éloquence sacrée. Cependant, d’une valeur vide à une valeur pleine, des pierres muettes aux pierres disertes… le passage est-il si simple ? Des couloirs souterrains plus obscurs pourraient bien relier la cathédrale de Chartres et la chambre de Des Esseintes.
9La préface écrite par Huysmans « vingt ans après le roman » propose, il est vrai, la clé du passage entre les deux séries de pierres précieuses :
Le chapitre des pierreries, je l’ai repris dans La Cathédrale en m’en occupant alors au point de vue de la symbolique des gemmes. J’ai animé les pierres mortes d’À rebours. Sans doute, je ne nie pas qu’une belle émeraude puisse être admirée pour les étincelles qui grésillent dans le feu de son eau verte, mais n’est-elle point, si l’on ignore l’idiome des symboles, une inconnue, une étrangère avec laquelle on ne peut s’entretenir et qui se tait elle-même parce qu’on ne comprend pas ces locutions ? Or elle est plus et mieux que cela.
Sans admettre avec un vieil auteur du xvie siècle, Estienne de Clave, que les pierreries s’engendrent ainsi que des personnes naturelles d’une semence éparse dans la matrice du sol, l’on peut très bien dire qu’elles sont des minéraux significatifs, des substances loquaces, qu’elles sont, en un mot, des symboles. Elles ont été envisagées sous cet aspect depuis la plus haute Antiquité et la tropologie des gemmes est une des branches de cette symbolique chrétienne si parfaitement oubliée par les prêtres et les laïques de notre temps et que j’ai essayé de reconstituer en ses grandes lignes dans mon volume sur la cathédrale de Chartres48.
10De fait, le chapitre iv d’À rebours pousse jusqu’à la caricature la vacuité symbolique des pierres précieuses. À la recherche de pierres destinées à orner la carapace dorée de sa tortue (on reviendra sur la valeur de ce passage), des Esseintes en vient bientôt à ne plus fonder son choix que sur deux critères : le premier est purement esthétique (rehausser la couleur terne du tapis et de la tortue), le second, mondain (surenchérir sur la valeur précieuse des pierres, un bon nombre d’entre elles étant devenues communes) :
Le choix des pierres l’arrêta, le diamant est devenu singulièrement commun depuis que tous les commerçants en portent au petit doigt ; […], quant aux topazes, brûlées ou crues, ce sont des pierres à bon marché, chères à la petite-bourgeoisie qui veut serrer des écrins dans une armoire à glace49.
11Au terme de sa longue investigation, des Esseintes jette finalement son dévolu sur « un mélange de pierres réelles et factices », seul susceptible de faire naître une « harmonie fascinatrice et déconcertante50 ».
12La Cathédrale prend manifestement le parti inverse : le mutisme d’À rebours cède sa place à une surcharge de significations héritées des diverses traditions symboliques. À travers le filtre d’une narrationprétexte, Huysmans déploie un historique circonstancié de la symbolique des gemmes depuis le texte de l’Apocalypse jusqu’aux exégètes du xviie siècle. Au fil de ce recensement scrupuleux, la pierre est tour à tour rapportée à une vertu, à une figure de l’Ancien et une du Nouveau Testament, à un saint ou encore à une qualité de la Vierge. Cette traversée de l’herméneutique médiévale, où se succèdent Marbode, Conrad de Haimbourg, Innocent III, Corneille de la Pierre, sainte Mechtilde, sainte Hildegarde, présente cependant un ensemble d’effets pervers qui viennent déstabiliser l’édifice des symboles. Huysmans ne ménage pas l’abondance des références, qui très vite s’enchaînent selon un ordre chaotique. Qui plus est, chaque série de pierreries forme une litanie de noms dont pâtit la clarté de chacun des symboles ; ces longs inventaires de pierreries, de vertus, de noms de saints suscitent dès lors une confusion dans l’esprit du lecteur, et le texte, dans ses longs déploiements scintillants, en appelle finalement à l’imagination visionnaire. La surcharge verbale a bel et bien paralysé les facultés critiques et intellectuelles d’un lecteur désormais rendu à la posture du fidèle. En outre, ce parcours dans la symbolique des gemmes est ponctué de commentaires, qui en soulignent le caractère « très confus ». Durtal note à cet égard :
Les motifs qui ont décidé le choix de certaines pierres sont si faiblement prouvés que l’on pourrait substituer une gemme à une autre sans modifier pour cela la signification de l’allégorie qu’elles énoncent. Elles sont une série de synonymes pouvant se suppléer, à une nuance près en somme51.
13Ainsi, les pierres précieuses ne sauraient constituer un rigoureux ensemble d’« allégories » (Huysmans, il est vrai, maintient le terme) : le lien entre l’élément sensible et la signification est beaucoup trop lâche pour ne pas paraître arbitraire. « L’herméneutique des pierres est vague52 poursuit Durtal, les acceptions sont issues de rapprochements plus ou moins contraints, de trames d’idées plus ou moins ténues53. » Certes cette symbolique des gemmes constitue à chaque époque un ensemble qui a ses lois et sa cohérence, mais elle ne présente en soi aucun caractère de nécessité. En fin de compte, l’harmonie entre les éléments du système en vient à l’emporter sur le sens dévolu à chaque pierre. Durtal conclut ce passage consacré aux pierres précieuses sur une remarque teintée de dépit et d’amertume : « Il y a là surtout affaire d’harmonie et de goût et peu ou pas de symbole54. » Que constate-t-on, sinon que l’« harmonie fascinatrice et déconcertante » recherchée par des Esseintes a trouvé sa fidèle réplique dans le propos de Durtal ?
14Tandis qu’il avait volontairement refusé toute signification aux pierres dans À rebours, Huysmans a introduit dans La Cathédrale une profusion de significations tout aussi déstabilisante. L’effet en est identique : le rayonnement, le miroitement, le scintillement de toutes ces acceptions prennent le pas sur la définition d’un pur et simple alphabet des pierres55. Finalement, les deux séries de pierreries d’À rebours et de La Cathédrale divergent dans leurs projets, mais se rejoignent dans leurs effets.
15Qu’elles soient « mortes » ou « loquaces », les pierreries de Huysmans ont détourné le danger inhérent à toute symbolique des gemmes : celui de l’allégorie, qui aurait aboli le miroitement et fait disparaître chaque pierre derrière une signification dont la caution transcendante, qui plus est, se trouve en cette fin de siècle largement contestée.
À l’ombre de l’imaginaire fin de siècle : une tératologie minérale
16Le symbolisme offre l’exemple très original d’une symbolique des gemmes contemporaine. Quand Huysmans rendait compte de l’herméneutique médiévale, Louis Denise, l’un des fondateurs du Mercure de France, assidu du Chat noir, en livre une version très remaniée, qu’il publie dans sa revue sous le titre : La Merveilleuse doxologie du lapidaire (numéros de février et de mars 1893). Usant à souhait d’une prose artiste, l’auteur choisit de placer son traité sous le signe du Mallarmé des « Fenêtres ». Précisant les conditions de sa lecture des « vénérables lapidaires, tels Épiphane, Isidore de Séville, Marbode », il ouvre son texte sur un ton des plus spleenétiques :
Aux jours mornes, aux jours pesants, aux jours d’angoisse et de misère…
[…] L’horizon ? Non pas ce verbe d’azur où la liberté s’éploie. Mais plutôt un mur de brouillard sale, épais, qui se rapproche lentement, inévitable, raréfiant l’air : l’âme s’abandonne froidement à l’asphyxie56.
17Dans ce contexte, la lecture des lapidaires médiévaux présente l’effet d’une grâce divine, qui jetterait ses feux dans les vitraux anciens d’une cathédrale « pleine de silence et de ténèbres57 ». La métaphore du vitrail alors très en vogue (on la trouve chez Tailhade et Gourmont) se greffe tout naturellement sur le lexique de l’orfèvrerie et trouve son prolongement dans le topos de la mémoire-miroir : cette rencontre d’Épiphane, Isidore de Séville et Marbode a littéralement projeté son image dans l’esprit de l’auteur, qui devient ainsi le réceptacle d’un réseau de symboles. Aux dires de Louis Denise, l’écriture du traité s’apparente alors à une simple transcription, quand elle a tout d’une interprétation très fin de siècle de la symbolique médiévale :
Mais au miroir de la mémoire, à notre insu, certes, les généreuses gemmes avaient laissé comme un reflet de leur splendeur.
Des symboles s’élaborèrent, des transparences luirent, des analogies pour nous encore un peu hautaine s’imposèrent58.
18Le traité décline ensuite les symboles attachés respectivement à l’onyx, l’opale, l’améthyste, la topaze, l’émeraude et le diamant, en développant autour de chacun une méditation imagée qui s’apparente à une traversée de la Géhenne. Un réseau de sens semble pouvoir s’en dégager. Les pierres paraissent, au premier abord, disposées le long d’un parcours qui conduirait des puissances maléfiques aux attributs divins. La « malfaisante onyx, pierre d’ombre et d’insomnie, déchaîne par le monde les lémures rongeurs de l’envie et les démons familiers du sarcasme59 », quand le diamant est défini comme le « gemme de réconciliation et d’amour60 ». En suivant une progression dictée par les couleurs, le traité s’écarte donc manifestement de territoires obscurs (l’onyx est souvent noir) et troubles (l’opale) pour gagner la transparence et la clarté (l’émeraude et le diamant). Mais ce parcours se révèle dans le détail beaucoup plus sinueux, car chacune des pierreries comporte deux faces contradictoires, l’une pure, l’autre impure. Dès lors, Louis Denise déploie au fil de son traité une véritable tératologie morbide, qui inverse radicalement la symbolique des gemmes médiévale. Comme une hydre de l’Herne, d’obscures puissances maléfiques viennent se porter sur chacune de ces gemmes et rendre illusoire toute éventuelle victoire sur l’empire des ténèbres. La pierre se retrouve, dans ces conditions, au centre de renversements permanents ; elle devient bientôt une oxymore déconcertante dont il est difficile d’épuiser les significations. Prenons l’exemple de l’opale : les « colorations changeantes » de cette pâle pierre précieuse en font l’image des larmes, expression de la souffrance et de l’« amertume du désespoir ». En même temps, l’opale irisée laisse deviner « un arc-en-ciel » qui devient le « rayonnement de la Miséricorde » : « En cette larme vient de se révéler, encore que confusément, le caractère non définitif de la souffrance61. » Dans un style tout autant teinté de mysticisme confus, le diamant est présenté à la fois comme le « hiéroglyphe de la mort » et comme l’image de « la réconciliation et de l’amour62 ». Chacune de ces pierreries déploie ainsi le sinueux récit d’une âme et se fait, dans sa « naturelle éloquence », la gardienne de puissances contradictoires.
19Qui plus est, Louis Denise envisage de singulières filiations entre ses pierres et nous propose d’assister dans de courts récits à l’authentique genèse des gemmes. L’améthyste violette, par exemple, résulterait d’une alliance entre le saphir bleu et l’escarboucle rouge, qui se traduirait de la sorte : « L’Humilité (l’Améthyste) procède de l’Intelligence, qui est Saphir, par la notion exacte et dédaigneuse qu’elle a de la laideur, et de la Foi, qui est escarboucle63… » Par là, Louis Denise cherche de toute évidence à atténuer la sécheresse de l’allégorie. Il s’agit, comme pour l’oxymore précédemment évoquée, d’assouplir au moyen du récit et de l’imaginaire la rigidité inhérente à toute symbolique des gemmes.
20Cette « déformation » de l’herméneutique médiévale porte, on le pressent, toutes les marques de l’engouement décadent pour l’occultisme, le satanisme et le mysticisme noir. En se faisant l’expression trouble du Mal, la pierre des anciens lapidaires a bel et bien changé de mue. Elle devient le levier de toute la lutte du symbolisme finissant contre les assauts d’un rationalisme et d’un positivisme en plein essor. Le texte de Louis Denise est de fait ponctué de remarques, où éclate toute la haine d’une génération :
Car de même que l’ongle qui n’adhère plus à la chair est un ongle mort, de même la Science hasardeuse et sans mandat, matrice des hideuses disputes, ne saurait aboutir qu’au néant64.
21Ainsi se voient tour à tour réévaluées l’« ancestrale naïveté » et la fable, « expression parabolique et détournée de la Vérité65 », tandis que le texte n’oublie pas de glisser un hommage à Ruysbroeck ou de soumettre au lecteur une nouvelle version de la quête du Graal.
22Dans un tel contexte, on aura mesuré toute la portée de cette nouvelle « symbolique des gemmes » : greffer un imaginaire contemporain sur l’herméneutique médiévale pour échapper au positivisme ambiant, tout en se gardant de la raideur scolastique.
23Finalement, choisir de suivre les métamorphoses d’une pierre à travers ces traités (celui que rapporte Huysmans, celui que réécrit Louis Denise), c’est aussitôt voir surgir toute l’étendue des difficultés auxquelles l’adepte de pierres précieuses est confronté66. Car celles-ci constituent un langage à la fois trop clair et trop obscur, hésitant entre signe, symbole et allégorie. L’« enveloppe sensible » (soit le signifiant) n’est pas assez arbitraire pour être celle d’un pur signe langagier, mais elle l’est trop pour être celle d’un symbole clair. Aussi le poète doit-il nécessairement traduire la valeur de chacune de ces pierreries, qui verse alors dans l’allégorie. À cela s’ajoute une seconde difficulté. La première était d’ordre sémantique, celle-là a trait à la fragilité de cet « Idéal » auquel rêvent les symbolistes et qui couronne la nouvelle symbolique des gemmes. L’engouement pour les pierres précieuses s’épanouit sans aucun doute dans un climat « idéaliste », mais cet idéalisme demeure des plus flous : la mode mystique de la fin du siècle rejoue en fait consciemment cette mort des étoiles dont Mallarmé s’était fait le chantre amer. L’Idée que vise toute symbolique des pierres est donc aussi fugace et illusoire qu’un simple reflet coloré.
24Cette approche des relations entre pierre et symbole nous reconduit en définitive vers Mallarmé : son « choix » de ne pas écrire le Traité des pierres précieuses annoncé prend ici tout son sens. Si l’Idéal n’est plus, il est vain de réactiver une tradition herméneutique qui n’a plus de raison d’être. Aussi, l’Idéal sera désormais l’objet d’une élaboration exclusivement poétique ; pour cela, nul besoin de poser des pierres précieuses à même la page, le spectre du Parnasse en renaîtrait aussitôt. Les pierres miroiteront donc dans leurs scintillantes et néanmoins confuses différences.
25Reste que la pierre précieuse n’est pas seulement au cœur d’un questionnement poétique, mais au centre d’un imaginaire : celui-ci reproduit les tensions et ambiguïtés ici découvertes.
Un apogée de l’« artificialisme »
D’une nature figée à une nature faussée
26La nature de l’imaginaire symboliste est à la fois fanée et miroitante : automnale dans de nombreux motifs de décrépitude, de pourrissement, d’abandon, elle semble courir à une mort dont l’hiver serait le cercueil précieux et éclatant. Figée, désertée de toute vie, et bientôt scintillante, choisirait-elle de s’« abolir » définitivement ?
27Le goût du raffinement ne suffit pas à expliquer la présence de la matière précieuse dans un cadre naturel (les symbolistes usent à l’envie de la feuille-émeraude, de l’oiseau-saphir, de la goutte-cristal, du fruit-rubis…). C’est bel et bien tout le procès d’une nature exsangue qu’engage la génération fin de siècle. Stuart Merrill, ainsi, dresse dans un « Nocturne » dédié à Huysmans le tableau d’une nature qui s’embaume elle-même, dans l’intention manifeste de railler tout l’héritage romantique :
La blême lune allume en la mare qui luit,
Miroir des gloires d’or, un émoi d’incendie.
Tout dort. Seul, à mi-mort, un rossignol de nuit
Module en mal d’amour sa molle mélodie67.
28La mare aux accents mortifères se fait l’indice d’une agonie plus générale du naturel, que traduisent le chant douloureux d’un rossignol moribond (jeu sonore entre « mort », « mal » et « molle ») et plus loin la disparition de l’élément végétal :
Chaque feuille s’efface en des brouillards subtils.
Du zénith de l’azur ruisselle la rosée
Dont le cristal s’incruste en perles aux pistils
Des nénufars flottant sur l’eau fleurdelisée.
29Les deux métaphores minérales (« Miroir des gloires d’or » ; « rosée / Dont le cristal s’incruste en perles ») magnifient cette nature figée et perturbent finalement son opposition à l’artifice. Non seulement « cristal » et « or » signent la victoire de l’artifice sur une nature mise à mal, mais la nature exsangue ne semble pouvoir subsister qu’à la seule condition d’être embaumée et ornée. La poésie, on l’aura pressenti, est l’instrument de cette métamorphose. La densité métaphorique des deux derniers vers désigne clairement le travail poétique comme le vecteur de cette victoire sur le naturel. Ainsi, la mort annoncée de la nature est moins déplorée que glorifiée : elle devient le tremplin de l’entreprise poétique.
30Nourrissant une prédilection pour les eaux stagnantes et miroitantes, le symbolisme voit ainsi proliférer les métaphores minérales dans un climat de torpeur et d’engourdissement. Dans ces conditions, l’onirisme a tout loisir de prendre son essor : au foisonnement végétal fait place une nature minéralisée, bientôt réfractée et déjà idéalisée. Henri de Régnier, dans Tel qu’en songe (1892), poursuit ainsi une rêverie minérale à la tonalité très baudelairienne :
Il est un port
Avec des eaux d’huiles, de moires et d’or
Et des quais de marbre le long des bassins calmes,
Si calmes
Qu’on voit sur le fond qui s’ensable
Passer des poissons d’ombre et d’or
Parmi les algues68.
31Là encore, la moire et l’or ne sauraient être réduits à des traits de préciosité mais participent d’un brouillage systématique des catégories attendues. De fait, les quelques traces de vie sont ici sujettes à caution : les poissons évoluent dans des eaux lourdes (« eaux d’huile », « fond qui s’ensable ») et, recouverts d’une pellicule d’or à l’image de la tortue de Des Esseintes, ils en viennent à se figer bientôt. Les irréalisations successives prennent le relais : les poissons croisent une « Tête de proue » qui se révèle n’être qu’un simple reflet, et la scène dérive finalement dans le songe. Non seulement la nature s’est figée, mais elle ne subsiste plus que comme un pâle souvenir :
Le souvenir s’ensable d’oubli et l’ombre
Du soir est toute tiède du jour mort.
32Le port aux eaux « d’huile, de moires et d’or » embaume en définitive le rêve baudelairien, en mariant les images minérales à la pesanteur d’une réalité paralysée et engourdie. Reflets argentés ou dorés, miroitements et scintillements signent bel et bien l’exil, le retrait ou l’abandon d’une réalité pleine et profuse.
33Si la nature ne relève plus que du songe, si ses derniers éclats ne sont plus que des mirages, nature et artifice seraient-ils parfaitement réversibles ? Le goût des symbolistes pour les pierreries trahirait-il le projet faustien d’inverser le naturel ? Dans cette hypothèse, la pierre précieuse ne serait plus l’indice d’une nature froide, inerte et désertée mais un appel à se substituer à elle en enfreignant tous les codes.
34Il est un thème éloquent qui parcourt le symbolisme, celui de la fleur-pierre ; d’héritage mallarméen (songeons à Hérodiade), ce thème autorise les renversements les plus vertigineux : non seulement la fleur naturelle est souvent comparée au joyau (nous retrouvons le modèle étudié ci-dessus), mais les pierreries deviennent des simulacres de fleurs. Dans le premier cas, il s’agit, on le rappelle, d’embaumer une nature mortifère qui gagne alors en pureté et en « idéalité ». Remy de Gourmont en offre un bel exemple dans ses Litanies de la rose69 :
Rose couleur d’or pur, ô coffre-fort de l’idéal, rose couleur d’or pur, donne-nous la clé de ta vertu, fleur hypocrite, fleur du silence.
Rose couleur d’argent, encensoir de nos rêves, rose couleur d’argent, prends notre cœur et fais-en de la fumée, fleur hypocrite, fleur du silence.
35Qu’elle soit jalousement close sur l’idéal ou maîtresse des rêves vaporeux, la rose de Gourmont se délivre victorieusement du sensible, pour bientôt ne plus se refermer que sur un vide silencieux (« fleur hypocrite… »).
36Huysmans développe quant à lui le second cas, poussant à son point extrême le phénomène d’inversion entre nature et artifice dans le chapitre IV d’À rebours déjà évoqué. Des Esseintes s’y emploie à rehausser sa tortue d’une carapace d’or, qu’il orne d’une fleur en pierres rares. Ce passage annonce, bien sûr, le chapitre sur les fleurs monstrueuses (chap. viii) dans lequel le héros s’entoure de « fleurs naturelles imitant des fleurs fausses70 ». Or l’entreprise débouche, dans le cas de la tortue comme dans celui des fleurs, sur une mise à mal de l’élément vivant : la composition de fleurs minérales achève la tortue ; quant aux fleurs monstrueuses, elles présentent à des Esseintes le miroir de cette nature viciée dont il est lui-même rongé.
37Dans un poème composé en hommage à Huysmans, « Effeuillement71 », Jean Lorrain propose quant à lui un parfait juste milieu entre la rose-pierre de Gourmont et la pierre-fleur d’À rebours. Une chambre « haute et tiède » où s’épanouit à souhait un goût du fané très mallarméen (« vieux ciboire » ; « tapis » d’« ancien lampas » ; « étoffes brochées » aux « vieux ors »…) livre le spectacle d’une rose à l’agonie. Formé de dix quatrains, le poème est manifestement doté d’un cadre : le premier quatrain est repris en fin de poème, et l’effet de clôture qui en résulte surenchérit sur l’isotopie de l’enfermement dominant par ailleurs le poème :
Dans un vieux ciboire d’étain
S’effeuille, morne et douloureuse,
Une rose d’automne ocreuse
D’un jaune de soleil éteint72.
38Notons que la préposition initiale accentue cet effet d’enchâssement. Le réseau métaphorique s’emploie ensuite à pervertir l’opposition entre sensible et factice. La rose ocreuse se confond bientôt avec les « étoffes brochées », dont les « vieux ors appesantis » / « Semblent réfléchir amortis » / « les tons de ses feuilles séchées ». Cette première métamorphose subie, la fleur en connaît une seconde sous l’effet d’une pâle lumière naturelle que filtre un « grand vitrail limpide et clair ». Dès lors, la rose « aux tons pourris » se fait « transparente fleur d’ambre » – rappelons que l’ambre, substance résineuse fossilisée, à mi-chemin entre le végétal et le minéral, présente la vertu de conserver les corps. Les comparaisons sont donc dépassées dans le sens d’une authentique transfiguration :
[un ciel]
Dont les gris de cendre attendris
Font de la rose aux tons pourris
Une transparente fleur d’ambre73.
39Suivant en cela un goût du raffinement morbide très symboliste, la clausule du poème en vient finalement à renverser cette « chose pauvre et laide / Qu’est l’effeuillement d’une fleur » en « exquise douleur ».
40En définitive, ces phénomènes d’inversion entre nature et facticité éloignent ces pièces poétiques de tout éventuel « impressionnisme » littéraire. Insistance est faite chaque fois sur une transfiguration de la nature, désormais affranchie de la contingence des phénomènes sensibles. La pierre précieuse n’orne pas une nature luxuriante, mais elle la fige dans son agonie et bientôt se substitue à elle. L’art a donc reconstruit un sensible factice selon des lois qui lui sont propres. Lorsque Remy de Gourmont, critique d’art, oppose impressionnisme et symbolisme, il souligne combien l’« impression » subit chez le second le filtre d’une analyse qui, la « décomposant » pour la « recomposer », s’emploie à en ruiner la contingence :
Deux écoles néanmoins restent en présence : les Impressionnistes et les Symbolistes ; ceux qui tendent à transposer sur la toile, vive et crue, l’impression pure et simple, toute objective, qu’un aspect des choses a produite sur leur imagination sensorielle ; – ceux qui décomposent cette impression pour la recomposer à loisir selon la volonté d’exprimer en leurs œuvres non pas des fuyances, mais des permanences, des significations éternelles, représentations voulues définitives74.
De l’artifice à l’artefact
41La pierre pouvant impunément se substituer à la fleur, le monde des symbolistes n’est bientôt plus qu’un palais de glaces où triomphe l’illusion. Il n’existe plus d’hétérogénéité entre le naturel et l’imaginaire, entre l’extériorité radicale et l’intériorité des phénomènes de conscience, entre les choses et les signes. Sur les facettes de la pierre précieuse, toute réalité se dissout en reflets. La fin du symbolisme manifeste alors dans le choix de ses mythes privilégiés la déroute d’un idéalisme poussé à son point extrême. Le mythe de Narcisse, expression accomplie d’un véritable engouement pour les thèses des idéalistes allemands se diffusant dans les dernières années du siècle, polarise dans ce contexte tout l’imaginaire d’une génération. De fait, on pressent aisément que les motifs du miroir et de la pierrerie puissent être l’image parfaite d’une clôture de la conscience sur elle-même et, dans la droite ligne du personnage d’Hérodiade, l’expression du solipsisme le plus poussé. Bien qu’omniprésent dans le symbolisme, nous n’étudierons pas ce mythe en tant que tel75, mais soulignons combien, chez Villiers de l’Isle-Adam, le personnage devient l’authentique allégorie de ses rêveries idéalistes :
Tu ne seras que ta création. Le monde n’aura jamais, pour toi, d’autre sens que celui que tu lui attribueras. […] Puisque tu ne sortiras pas de l’illusion que tu te feras de l’univers, choisis la plus divine76.
42Valéry, séduit par le modèle du Narcisse, résumera la thèse de son maître :
Il connut qu’il n’est d’autre univers que la conception même qui s’en réfléchit dans la Pensée. Il se comprit enfermé dans les illusions […]. La meilleure prérogative de l’Esprit lucide et poétique, c’était pour lui cette liberté idéale, ce pouvoir de choisir en quelque sorte son Être et de se créer une seconde fois par l’objet même sur lequel il se pose77.
43Les dernières années du symbolisme décadent poussent l’entreprise de Villiers jusqu’à la caricature ; mysticisme, occultisme, satanisme se développent pour satisfaire les renversements les plus attirants. Les alliances oxymoriques fleurissent : la pureté est désormais diabolique et la stérilité prolifique ; quant à la femme couverte de joyaux, elle est bientôt l’objet d’un culte paradoxal. Ces renversements généralisés affectent alors directement la valeur de la pierre précieuse : elle qui rehaussait jusqu’alors une nature insuffisante est maintenant la marque d’une mystification fondamentale. Nombre de poèmes symbolistes conjuguent le leitmotiv de la froideur avec celui de la duplicité : le joyau impose une distance et indique une tromperie. Louis Dumur surenchérit sur ce motif récurrent, en faisant de la matière précieuse elle-même l’objet d’une illusion :
Cruelle, vous m’avez tendu de belles chaînes
Où l’or, les perles et les gemmes scintillaient :
Ivre, je m’en chargeai et vous remerciai
D’avoir voulu que je baisasse vos pieds frêles78.
44Les séduisantes chaînes se révèlent des fers, où l’amant est tenu au servage d’un amour factice :
Quand je me réveillais, mes chaînes n’étaient plus
Que les entraves exécrables de ce fer
Qui brise maintenant mes membres et me tue.
45Dans cette perspective, le topos du regard-pierrerie subit une évolution analogue : de froid, il se fait traître. Ces yeux où luit la « dolente émeraude d’une effrayante luxure » (Lorrain) ouvrent, pour Gilkin, « leurs bleuâtres blessures / Que l’éternel mensonge ronge79 ». La froideur du regard n’est pas sans rappeler la nature inerte et désertée, exposée précédemment ; le passage de la froideur à la facticité rejoint la confusion entre naturel et artifice qui en était le prolongement.
46Dans un tel contexte, le mythe de Salomé va subir une évolution significative, à laquelle les transformations du motif minéral vont activement participer. Qu’en est-il des « jardins d’améthyste » de la chaste Hérodiade – celle de l’« Ouverture ancienne » et de la « Scène » ? Qu’en est-il de cette virginité et de cette stérilité reflétées sur les facettes du minéral ? Bientôt, sans attendre la nouvelle Hérodiade (celle des « Noces »), l’améthyste, symbole de chasteté, vient couvrir de ses reflets factices le corps serpentin de nouvelles Salomés. Dans Les Vergers illusoires – le titre à lui seul est éloquent –, André Fontainas élabore un bref conte en vers autour d’une Hérodiade perverse et délaissée :
Sous le diadème de perles ruisselantes
Et de saphirs en leurs griffes d’or
Parmi de blonds cheveux qui se déroulent et ondulent
Sur son col pâle et ses épaules lentes
En un manteau de pourpre où le brocart exulte
La princesse des Jeux et des Joies du manoir80.
47Levant ses regards en « aubes d’améthystes », la nouvelle Hérodiade n’est qu’attente de son roi absent, roi dont elle promet d’enlacer le cou de « [s]es bras lourds d’une désireuse étreinte / Que chargent les pierreries de bracelets d’orgueil. » La surcharge du motif en infléchit peu à peu la valeur : autrefois indices de stérilité, les pierreries présagent maintenant d’un désir aussi dévorant que menaçant. La vierge s’inverse en « femme fatale », à l’image de la blanche Hérodiade de 1866 devenue l’Hérodiade sensuelle et sanglante des années 90. L’abondance des pierreries signale bientôt la prolifération d’une vermine dont le corps féminin serait le gardien81.
48En hommage à Moreau, Stuart Merrill transpose cette prolifération menaçante dans un ballet où dansent de multiples Salomés. La sobriété du titre retenu (« Ballet ») et le choix de la forme « sonnet » entrent en contraste ironique avec la véritable danse de sabbat que le poète nous donne à entendre, autant qu’à voir :
Ballet
À Gustave Moreau
En casques de cristal azur, les baladines,
Dont les pas mesurés aux cordes des kinnors
Tintent sous les tissus de tulle roidis d’ors,
Exultent de leurs yeux pâles de paladines.
Toisons fauves sur leurs lèvres incarnadines,
Bras lourds de bracelets barbares, en essors
Tentants vers la lueur lunaire des décors,
Elles murmurent en malveillantes sourdines :
Nous sommes, ô mortels, danseuses du Désir,
Salomés dont les corps tordus par le plaisir
Leurrent vos heurs d’amour vers nos pervers arcanes,
Prosternez-vous avec des hosannas, ces soirs !
Car, surgissant dans des aurores d’encensoirs,
Sur nos cymbales nous ferons tonner vos crânes82.
49Dans le plus pur style décadent, Stuart Merrill témoigne ici d’un goût du clinquant et de la surcharge trop ostensible pour ne pas être l’objet de son ironie. L’harmonie imitative est poussée jusqu’à la caricature : les allitérations en gutturales des deux premiers vers laissent déjà entendre la danse macabre des victimes et se prolongent dans un jeu de paronomases multiples (« pâles » / « paladines » ; « bras » / « bracelets » / « barbares » ; « lueurs » / « lunaires » ; « leurrent » / « heurs »). Quant à la préciosité du lexique, elle conduit l’écriture artiste aux confins de l’hermétisme : les vocables archaïsants (« paladines ») répondent aux vocables pittoresques (« kinnors »). Ainsi se trouve transposée au plan stylistique la surcharge ornementale du peintre dont les deux « Salomés » exposées au Salon de 1876 (Salomé dansant devant Hérode et L’Apparition) furent de fracassants succès. Mais la version de Stuart Merrill vient en accentuer plus encore le caractère ostentatoire. Notons que l’éclat des pierres précieuses n’est plus que sonore (« casques de cristal » ; « bracelets barbares ») ; par-là, il semble aussi factice que la scène dans son ensemble. Le sonnet de Merrill se donne alors comme un simulacre verbal, qui n’est pas sans rappeler la parodie d’Hérodias proposée par Laforgue dans sa « Salomé » (Moralités légendaires) : Hérode Antipas, devenu Emeraude-Archétypas, y est la caricature d’un mythe devenu « archétype » lui-même, un mythe qui désormais a vécu. Symbole accompli de la décadence, le mythe de Salomé s’est, à l’image des pierreries, dénaturé lui-même.
50Ainsi, la pierre précieuse ne jette plus que des reflets frelatés et ne couvre plus que les corps monstrueux de créatures imaginaires. Le symbolisme finissant rejoue sur la scène de son théâtre noir une dernière Apocalypse, en annonçant la venue d’un Antéchrist paré de joyaux. Albert Samain lui donne le visage de l’Androgyne et, partant, renverse le rêve cher à Péladan. Renvoyant chez ce dernier à l’Unité primitive perdue (c’était alors l’Idée autosuffisante), l’Androgyne d’Albert Samain monte des Enfers ; l’être diabolique, « aux grands yeux phosphorescents / fleurit au charnier d’or d’un monde en pourriture83 »:
L’antéchrist de la chair visite les damnés…
Voici venir les temps de l’Androgyne.
51Là encore, la pierre n’affiche plus que sa propre fausseté : non seulement la robe de l’Androgyne est d’« or vert aux joyaux bruissants », mais elle couvre une « chair de vierge acide ». La couleur de l’or est factice, en accord avec un corps indissociablement vierge et luxurieux.
52Finalement, la pierre n’est plus qu’un artefact. Elle s’est faite pendant un temps l’image de l’artifice et l’expression du rejet d’une nature vide et décevante ; puis elle a proliféré et perdu la richesse de ses significations. Image de la fausseté, elle devient sa propre victime : son emploi n’est bientôt plus que gratuit. C’est désormais le symbole lui-même qui est factice ; la pierrerie a été prise au piège qu’elle avait tendu au naturel.
Vers un épuisement du motif
53La pierre précieuse est désormais l’emblème d’une mise à distance de l’immédiat ; elle est non plus seulement un symbole de l’artifice, mais un symbole artificiel ; dans ces conditions, elle va inévitablement développer autour d’elle une multiplicité de discours seconds. Car qu’est-ce que le métadiscours, sinon un degré supérieur de l’artifice, une médiation supplémentaire par rapport au naturel ? La pierre relèverait de l’antiphysis au point de pouvoir se commenter bientôt elle-même, prononcer son propre éloge, mimer son éclat et pasticher sa gloire.
Le pastiche : une oraison funèbre ?
54Noël Arnaud, préfaçant Les Gestes et Opinions du docteur Faustroll, pataphysicien, propose de lire dans cette œuvre de Jarry une synthèse miroitante et élogieuse de la constellation symboliste :
En produisant ces textes d’apparence romanesque […], Jarry sert à la fois, et mieux que personne, le symbolisme et le traverse en le vrillant de son plus précieux diamant : Faustroll est le « chef-d’œuvre » du symbolisme car fait de toutes ses merveilles et aussi son éclatement hors du temps en myriades d’étoiles qui vont illuminer notre siècle84.
55L’éloge sonne étrangement, et Jarry rend un hommage bien pardoxal au symbolisme : dressant un diagnostic ironique, il annonce l’agonie irréversible du mouvement.
56L’œuvre se présente comme un voyage burlesque, inspiré de Rabelais, à travers les contrées d’un imaginaire pays du symbolisme (une Utopie symboliste). Panorama truculent et bouffon de toute une génération, elle lance un double éloge à la poésie de son temps : par son sens du détail et de la saillie, Jarry épingle quelques traits pittoresques de chaque symboliste dont il pastiche chaque fois le style ; dans son projet global, par ailleurs, il répond au rêve mallarméen du « Livre » : Faustroll n’est pas seulement une galerie de portraits, mais aussi une mise en pratique de la Pataphysique. Car il s’agit de créer une œuvre totale susceptible d’être lue dans tous les sens et, partant, d’accéder à l’« éthernité ».
57Choisissons trois poètes – trois étapes – du voyage du faustien Faustroll, qui retracent notre parcours dans le symbolisme : Mallarmé (chap. xix : « De l’île de Ptyx »), Henri de Régnier (chap. xx : « De l’île de Her, du Cyclope et du grand Cygne »), et Laurent Tailhade (chap. xxii : « De la grande Église de Muflefiguière »).
58Concentrant tous les traits du pittoresque mallarméen (« le plaid » ; les « œufs à la coque peinte » ; deux colonnes comparées à des « tuyaux de Pan ») et quelques emprunts à l’œuvre (« l’incarnat des nymphes »), le chapitre xix s’est ouvert sur une longue description de l’île de Ptyx, préparant la venue du seigneur des lettres (« le seigneur de l’île », des « auréoles bleues autour de la tête »). La description s’attarde sur l’étrange matière qui compose l’île :
L’île de Ptyx est d’un seul bloc de la pierre de ce nom, laquelle est inestimable, car on ne l’a vue que dans cette île, qu’elle compose entièrement. Elle a la translucidité sereine du saphir blanc, et c’est la seule gemme dont le contact ne morfonde pas, mais dont le feu entre et s’étale, comme la digestion du vin. Les autres pierres sont froides comme le cri des trompettes ; elle a la chaleur précipitée de la surface des timbales. […] On n’y percevait plus les accidents des choses, mais la substance de l’univers […]85.
59Se mêlent ici un ton ironiquement métaphysique (« substance de l’univers » / « accidents des choses »), une froide objectivité associée contre toute attente au lexique de l’intériorité (« translucidité sereine » / « dont le contact ne morfonde pas »), et un ensemble de paradoxes (le « saphir blanc » ; « la chaleur de la pierre »). Le pastiche, subtilement sarcastique, prolonge le projet « absolu » et utopique de Mallarmé, et en offre une doublure burlesque (notons la comparaison avec la digestion du vin). En outre, ce chapitre xix trouve lui-même sa réplique dans le chapitre xxxviii (remarquons le jeu sur les nombres) intitulé « Du soleil, solide froid », chapitre placé dans le Livre VIII (Ethernité) explicitement consacré aux théories pataphysiciennes. Le ptyx, dont Jarry écrit qu’il semble « un soleil purgé des parties opaques ou trop miroitantes de sa flamme86 », se redouble donc dans le soleil de la Pataphysique, « globe froid, solide et homogène87 ». Finalement, ce soleil-ptyx rayonne au centre de la constellation symboliste recréée par Jarry : la constellation qui, pour Mallarmé, était une image de l’œuvre absolue et nécessaire, n’est plus que le miroir du mouvement symboliste dont Mallarmé lui-même, prince de cette utopie, serait le « froid soleil ». Songeons au soleil sur lequel Laforgue, de son sourire grinçant, referme la « Complainte de la ville de Paris » : « autopsies et convois salués sous la vieille Monotopaze du soleil88 ». Jarry, comme Laforgue, sonne le glas des étoiles autant que celui d’une poésie éprise d’absolu.
60Le chapitre consacré à Régnier prolonge cet éloge aux accents d’oraison funèbre. L’île de Her du cyclope Régnier (le célèbre monocle…), est elle aussi composée « d’une seule gemme », « encorbellée de fortifications octogonales89 ». Jarry s’attarde sur le motif privilégié du poète, ces eaux immobiles et les jeux spéculaires qu’elles engendrent. Notons la tonalité sombre dominant le chapitre ; elle est sans aucun doute un effet de pastiche, mais elle dresse avant tout le portrait d’une époque qui joue avec les reflets dans le deuil interminable de l’Idéal : « et les deux miroirs parallèles du sol et du ciel sauvegardent comme deux aimants éternellement face à face leur réciproque vacuité90 ».
61Le pastiche de Tailhade est, quant à lui, teinté d’une ironie cinglante à l’égard des pierres précieuses. Présentant le poète anarchiste, auteur des Vitraux, dans le rôle d’un prêtre-templier à la « terrifique forme guerrière et sacerdotale », Jarry ajoute : « Des mailles d’aubergeon, alternées de rubis-balais et de diamants noirs tissaient sa chasuble ?91. » Tous les travers du symbolisme décadent affleurent ici : le goût pour un lexique sophistiqué (l’« aubergeon », qui désigne un petit haubert, est un emprunt à Rabelais), la recherche de l’expression choisie (le « rubis balais » existe bel et bien, mais Jarry raille l’association bouffonne des deux termes) et le recours à l’oxymore (le « diamant noir » n’est pas sans rappeler les paradoxes alambiqués développés autour du mystérieux ptyx). Finalement, ce « prédicateur gemmé », qui rappelle Faustroll lui-même (« Il empila sur son index droit des bagues, émeraudes et topazes, jusqu’à l’ongle, le seul de ses dix qu’il ne rongeât pas, et arrêta la file d’anneaux par une goupille perfectionnée en molybdène, vissée dans l’or de la phalangette à travers l’ongle ?92 »), concentre sur sa chasuble la caricature d’un mouvement toujours au bord de l’autoparodie.
62Entendons bien : ce n’est pas seulement le pastiche, en soi, qui serait le symptôme du caractère moribond de son objet. Le pastiche de Jarry a très précisément dépeint toutes les difficultés et contradictions inhérentes au symbolisme. Les trois fragments de Faustroll retracent bel et bien les étapes par lesquelles notre étude du symbolisme est passée, pour en souligner le destin cruel :
- Déroute face à un Idéal défunt qu’une poésie éprise d’absolu tend à compenser par ses propres pouvoirs, au risque de l’utopie (le ptyx de Mallarmé).
- Exil dans un monde de purs reflets (l’île de Her).
- Repli sur le vain joyau ornemental (la chasuble du prédicateur gemmé).
63Le sarcasme de Jarry, quant à lui, relève déjà d’une forme de dépassement : le symbolisme a vécu, tandis que la veine fantaisiste dont l’auteur de Faustroll se reconnaît congédie les pierreries, ces dernières traces d’une exigence d’Idéal désormais surannée.
De l’adhésion au rejet
64Jarry ouvre déjà les portes à un « Esprit nouveau » délivré de toutes pierreries. Le symbolisme connaît cependant une autre métamorphose, qui nous intéresse d’autant plus qu’elle va encourager le passage de l’ère de la pierre précieuse à celle de la pierre brute. Elle est le fait d’un poète qui manifeste un rejet des pierres précieuses à la mesure de la séduction qu’elles ont pu exercer sur l’imaginaire de sa jeunesse.
65La « nuit de Gênes » introduit une fracture décisive dans l’imaginaire minéral dominant l’œuvre poétique de Valéry : la crise poétique et intellectuelle de 1892 rejette très clairement les pierreries dans un passé symboliste dont l’auteur de La Jeune Parque entend brusquement se délivrer. Une traversée rapide de l’œuvre valéryenne révèle la mutation radicale subie par le motif de la pierre et permet de mesurer tout ce qui oppose les premiers poèmes et l’Album de vers anciens d’une part, Charmes et les « mélodrames » de l’autre.
66Même dans sa période symboliste, Valéry manifeste déjà l’indépendance d’un goût sûr. Son recours abondant aux pierres précieuses est davantage une marque d’admiration à l’égard de ses maîtres Huysmans et Mallarmé qu’une allégeance globale à tous les aspects d’une « mode » symboliste et décadente. À l’auteur d’À rebours, Valéry avoue sa réticence pour l’œuvre de Gustave Moreau :
Il me souvient de la grande déception que j’ai eue quand, très échauffé par les folles et furieuses descriptions d’Huysmans dans À rebours, je vis enfin quelque œuvre de Moreau. Je ne pus me tenir de dire à Huysmans que c’était gris et terne comme un trottoir93.
67Manifestement, la magie de l’ornement n’opère plus sur un poète qui, conscient de l’exigence mallarméenne, est déjà à la recherche de la clé qui ouvrira sa propre « Cassette spirituelle ». À cet égard, la comparaison entre les deux « Narcisse », l’un antérieur, l’autre postérieur à la nuit de Gênes, met clairement en évidence la torsion que Valéry fait subir à l’héritage mallarméen. On sait que « Narcisse parle » est tout droit issu de la révélation produite par la découverte d’« Hérodiade » : en 1889, Valéry est saisi à la lecture d’un premier fragment, celui du miroir (« Ô Miroir ! J’ai de mon rêve épars connu la nudité ») ; il fait part de sa fascination à Pierre Louys, qui lui envoie en septembre 1890 un second fragment de la « Scène » (« Oui c’est pour moi, pour moi seule que je fleuris, déserte »). Valéry entreprend alors la composition de ce « Narcisse parle », qu’il publie dans La Conque le 15 mars 1891. Sur bien des points, le texte se présente comme une réécriture d’« Hérodiade » :
Hélas ! L’image est douce et les pleurs éternels !…
À travers ces bois bleus et ces lys fraternels
Une lumière ondule encore, pâle améthyste
Assez pour deviner là-bas le Fiancé.
Dans ton miroir dont m’attire la lueur triste,
Pâle améthyste ! ô miroir du songe insensé !
68Les « jardins d’améthyste » de la chaste Hérodiade trouvent leur réplique dans la « pâle améthyste », miroir où Narcisse quête éperdument son image. S’ajoutent au saphir (« Je languis, ô saphir, par ma triste beauté »), la « lèvre de gemme » et les métaux précieux :
Voici mes bras d’argent dont les gestes sont purs…
Mes lentes mains dans l’or adorable se lassent
D’appeler ce captif que les feuilles enlacent
Verse des pleurs lointains en des urnes d’argent
69La mutation est ensuite radicale, qui oppose ce Narcisse de 1891 et les Fragments publiés dans Charmes. Le reflet des pierreries semble désormais inapte à traduire l’exigence d’une authentique connaissance de soi. Valéry, redoublant en cela parfaitement les paroles de Mallarmé dans son entretien avec Jules Huret, commente de fait l’évolution entre ses deux « Narcisse » :
À cette époque, les poètes disposaient volontiers de tous les trésors du langage des lapidaires. Ils dispensaient les pierreries dont ils croyaient enrichir leurs ouvrages. Depuis, la poésie a connu les restrictions ; nous sommes devenus plus simples, plus pauvres94.
70Derrière ce souci de sobriété et cette modestie apparente se profile l’élaboration de tout un projet poétique qui, se portant aux sources mallarméennes, choisit de rejeter le vain ornement, de répondre à la présence du « calme bloc », pour enfin imposer sa propre version de la « constellation ».
71Relevons, en guise de transition, quelques éléments éloquents. Le nouveau Narcisse s’est délivré des pierreries, et c’est désormais dans les méandres de la mémoire et dans les replis du songe, qu’il s’emploie à poursuivre une image mouvante et fugace de lui-même :
Gardez-moi longuement ce visage pour songe
Qu’une absence divine est seule à concevoir !
Sommeil des nymphes, ciel, ne cessez de me voir95 !
72Le monde est maintenant une chambre d’échos que parcourt sa « Voix », voix souple et mélodieuse qui, remplaçant le regard aux froids miroirs et à la pureté fallacieuse, devient le nouvel instrument de connaissance :
La voix des sources change, et me parle du soir ;
Un grand calme m’écoute, où j’écoute l’espoir96.
73Des pierres ne demeure finalement qu’un roc où résonne l’écho d’une interrogation inquiète, délivrée des sortilèges de l’identité et confrontée à ses propres brisures :
Écho lointaine est prompte à rendre son oracle !
De son rire enchanté, le roc brise mon cœur,
Et le silence, par miracle,
Cesse !… parle, renaît, sur la face des eaux97…
74L’harmonie s’est bel et bien brisée. Rejetant avec son passé symboliste l’esthétisme, l’éclat et la convention, Valéry poursuit désormais le sens à l’ombre d’un roc obscur – en souvenir du « prince amer de l’écueil98 ».
Notes de bas de page
43 O. Wilde, cité par Ernest Raynaud, dans La Mêlée symboliste, tome II, 1890-1900. Portraits et souvenirs, Paris, La Renaissance du Livre, 1920, p. 133.
44 G. Kahn, Les Origines du symbolisme, Paris Albert Messein éditeur, 1936, 2e éd., p. 58.
45 J. Moréas, « Un manifeste littéraire : le Symbolisme », le Figaro, 18 septembre 1886.
46 G. Kahn, La Vogue, 28 septembre 1886.
47 J. K. Huysmans, « Préface écrite vingt ans après le roman », dans À rebours, Gallimard, « Folio », 1977, p. 63.
48 Ibid., p. 63.
49 À rebours, op. cit., p. 129.
50 Ibid., p. 130.
51 J. K. Huysmans, La Cathédrale, Paris, Plon et Nourrit, 1930, p. 260.
52 Ibid., p. 262.
53 Ibid., p. 270.
54 Ibid., p. 271.
55 Par ailleurs, les pratiques de Des Esseintes ne sont pas si éloignées, selon Marc Fumaroli, des Exercices des jésuites du xvie finissant qui « développaient une pédagogie de l’imagination et des sens en revêtant les Idées théologiques d’apparences sensorielles ». Voir « Préface » dans À rebours, op. cit., p. 35.
56 L. Denise, « La Merveilleuse doxologie du lapidaire », Mercure de France, février 1893, p. 146.
57 Ibid., p. 147.
58 Ibid.
59 Ibid., p. 148.
60 L. Denise « La Merveilleuse doxologie du lapidaire », op. cit., p. 223.
61 « La Merveilleuse doxologie du lapidaire », op. cit., p. 149.
62 Anthologie du Mercure de France, op. cit., p. 201.
63 « La Merveilleuse doxologie du lapidaire », op. cit., p. 153.
64 Ibid., p. 148. Il s’agit ici d’un commentaire de l’onyx (onyx-ongle).
65 Ibid., p.150.
66 Soit l’onyx : il symbolise, pour Conrad de Haimbourg cité par Huysmans dans La Cathédrale, « les dons multiples des grâces [de la Vierge] » et pour Corneille de la Pierre, la « candeur ». Louis Denise en fait quant à lui l’« évocatrice des spectres et des esprits d’effroi ». Notons, du reste, que l’onyx est omniprésent dans les scènes les plus inquiétantes des récits fin de siècle – ainsi de cette statue d’un androgyne en onyx noir qui cache son sexe derrière une tête de mort, à la toute fin de Monsieur Phocas de Jean Lorrain. En somme, l’onyx a autant de significations que d’occurrences.
67 S. Merrill, « Nocturne », Les Gammes (éd. Vanier, 1887) dans La Poésie symboliste, Seghers, choix et présentation de Bernard Delvaille, 1971, p.256.
68 H. de Régnier, « Il est un port… », Tel qu’en songe, dans La Poésie symboliste, op. cit., p. 287.
69 R. de Gourmont, Litanies de la rose, Mercure de France, 1892.
70 J. K. Huysmans, À rebours, op. cit., 1977, p. 187.
71 J. Lorrain « Effeuillement », dans Les Griseries, Tresse et Stock, 1887.
72 « Effeuillement », vers 1-4.
73 Nous soulignons.
74 R. de Gourmont, « Les premiers salons », Mercure de France, mai 1892.
75 Notons sa présence chez Lorrain – « Narcissus », dans L’Ombre ardente, 1897 ou « Nar-kisskiss » dans Princesses d’ivoire et d’ivresse ; chez Iwan Gilkin – « Narcisse » dans La Nuit, 1897 ; chez Valéry – de « Narcisse parle », dans Album de vers anciens 1890-1900 aux « Fragments du Narcisse », dans Charmes, 1922 ou encore chez Camille Mauclair qui dresse dans un essai intitulé : « Fraternités idéales » le portrait du poète en Narcisse (Mercure de France, février 1893, no 39).
76 Villiers de l’Isle-Adam, Œuvres complètes, vol. IV, Paris, Mercure de France, 1914, p. 40.
77 P. Valéry, « Villiers de l’Isle-Adam », publié dans la revue Tel Quel, no°4, hiver 1961, p. 5.
78 L. Dumur, « Cruelle… », dans Anthologie du Mercure de France 1890-1910, op. cit., p. 103.
79 Gilkin, « Le désir » dans La Nuit, Fischbacher, 1897, repris dans La Poésie symboliste, op.cit., p. 166-167.
80 A. Fontainas, Les Vergers illusoires, Librairie de l’Art indépendant, 1892, p. 5.
81 Huysmans, dans sa célèbre description des toiles de Gustave Moreau, assimile de fait les bijoux de Salomé à des insectes grouillant sur son corps :
Sur sa robe triomphale, couturée de perles, ramagée d’argent, lamée d’or, la cuirasse des orfèvreries dont chaque maille est une pierre, entre en combustion, croise des serpenteaux de feu, grouille sur la chair mate, sur la peau rose thé, ainsi que des insectes splendides aux élytres éblouissants, marbrés de carmin, ponctués de jaune aurores, diaprés de bleus d’acier, tigrés de vert paon,
À rebours, op. cit., p. 143.
82 S. Merrill, Les Fastes, Vanier, 1891, repris La Poésie symboliste, op. cit., p. 257.
83 A. Samain, « Vision » dans Le Chariot d’or, Mercure de France, 1901, repris dans La Poésie symboliste, op. cit., p. 180.
84 N. Arnaud, « Préface » dans Alfred Jarry, Gestes et Opinions du docteur Faustroll, pataphysicien, suivi de L’Amour absolu, Gallimard, « Poésie », 1980, p. 11.
85 Ibid., p. 51-52.
86 Ibid., p. 51.
87 Ibid., p. 103.
88 J. Laforgue, « Grande complainte de la ville de Paris », dans Les Complaintes, Garnier-Flammarion, 1997, p. 137.
89 A. Jarry, Gestes et Opinions…,op. cit., p. 53.
90 Ibid., p. 54.
91 Ibid., p. 57.
92 Ibid., p. 20.
93 Valéry cité par Robert Delevoy, dans Le Symbolisme, op. cit., p. 53.
94 P. Valéry, « Sur les “Narcisse” », Œuvres I, Gallimard, « La Pléiade », 1960, p. 1588.
95 P. Valéry, « Fragments du Narcisse », dans Poésies, Gallimard, « Poésie », 1966, p. 62-63.
96 Ibid.
97 Ibid., p. 65.
98 Mallarmé, Un coup de dés dans Igitur, Divagations…, op. cit., p. 421.
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