Cabanis, homme de l’art
De la sensibilité d’organe à la sensibilité d’esprit. Un itinéraire intellectuel
p. 91-107
Texte intégral
1Selon l’article « Philosophie » de l’Encyclopédie,
[…] le nom de Philosophie demeura toujours vague, et comprit dans sa vaste enceinte, outre la connaissance des choses divines et humaines, celle des lois, de la médecine, et même des diverses branches de l’érudition, comme la Grammaire, la Rhétorique, la Critique, sans en excepter l’histoire et la Poésie.1
2Il résulte de ce qui précède que le champ sémantique de la notion de philosophie est suffisamment flou depuis l’origine pour qu’on puisse y ranger aussi bien les spéculations d’ordre moral et métaphysique que les sciences, les arts et les belles-lettres. Descartes ne dit-il pas lui-même en 1644 :
[…] ainsi toute la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale, j’entends la plus haute et plus parfaite morale, qui présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse. Or comme ce n’est pas des racines, ni du tronc des arbres, qu’on cueille les fruits, mais seulement des extrémités de leurs branches, ainsi la principale utilité de la philosophie dépend de celle de ses parties qu’on ne peut apprendre que les dernières.2
3Depuis l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle, la philosophie s’attache à acquérir et approfondir toute connaissance, quel que soit son objet, par l’exercice de la raison, d’où son affinité élective avec de multiples disciplines dont les sciences exactes. À Athènes, au temps de Thalès, les Grecs appellent philosophie l’ensemble des connaissances humaines et, en 1852, la faculté de philosophie remplace à elle seule la faculté des lettres et la faculté des sciences. Treize cours forment les enseignements dispensés : littérature générale, explication et analyse des prosateurs et poètes grecs, rhétorique et philologie, philosophie, astronomie et mathématiques, histoire naturelle, histoire ancienne et Antiquité grecque, histoire moderne, statistique, archéologie et histoire de l’art, physique, chimie générale et langues orientales3.
4C’est dans ce contexte philosophique, scientifique et littéraire que l’on se propose d’explorer l’œuvre de Pierre Jean Georges Cabanis, médecin, philosophe et homme de lettres au tournant des Lumières, à travers une illustration de sa conception de la sensibilité, telle que définie dans son œuvre maîtresse intitulée Rapports du physique et du moral de l’homme4, suite de douze mémoires, dont six furent d’abord lus en 1796-1797 à l’Institut (classe des sciences morales et politiques), puis réunis dans le recueil de cette société, les douze mémoires étant publiés in extenso en 1802.
5Quelques éléments de sa biographie vont nous renseigner sur la diversité de ses contributions philosophiques, scientifiques et littéraires. Fils d’un avocat et cultivateur installé à Yssandon, non loin de Brive, Pierre Jean Georges Cabanis naît à Cosnac le 5 juin 1757. Placé à sept ans chez deux prêtres du voisinage, dont l’un a cédé sa cure à l’autre, « il donne quelques signes de talents5 » qui laissent présager un certain succès pour peu qu’il s’oriente dans la bonne voie. Ses premières années de jeunesse sont agitées. À dix ans, il entre au collège de Brive, tenu par des doctrinaires, où il restera quatre ans :
[…] on s’aperçut dans les basses classes que la sévérité ne réussissait pas avec lui, et quelques rigueurs déplacées commencèrent à donner à son caractère une roideur dont il ne s’est corrigé que tard.6
6En seconde, il évolue – encouragé par un maître à sa convenance –, devient docile et studieux par affection et manifeste des talents précoces ainsi qu’une vive curiosité pour les belles-lettres et les grands maîtres de la poésie et de l’éloquence. L’année de sa rhétorique ne lui est pas aussi heureuse. Révolté par les mauvais traitements qu’on lui inflige au pensionnat, il redouble d’entêtements et de provocations, se laisse accuser d’une faute qu’il n’a pas commise et se fait renvoyer dans sa famille. Il y restera un an, mais trouve dans la sévérité paternelle plus de désagréments que de réelles solutions à ses difficultés :
[…] son âme se révolta et s’aigrit de plus en plus ; dès ce moment, il ne fit plus rien. Enfin, au bout d’un an, son père sentit bien qu’il fallait tenter d’autres moyens que ceux de la rigueur. Il le mena lui-même à Paris et, reconnaissant bientôt que sa surveillance ne pouvait avoir sur lui aucune influence utile, il le livra à lui-même, au milieu de cette grande ville, à l’âge de quatorze ans.7
7Ce pari était téméraire, mais Cabanis, devenu libre, reprend ses études et les poursuit avec passion, attiré aussi bien par les lettres que par les sciences. Deux ans s’écouleront dans cette existence indépendante et studieuse où il s’emploie à lire les philosophes anciens et modernes jusqu’à Voltaire, Rousseau et Locke, quand il reçoit inopinément une lettre de son père le rappelant dans sa famille. Il n’y donnera pas suite car, au même moment, on lui propose d’accompagner à Varsovie un dignitaire polonais, le prince Massalski, évêque de Wilna, en qualité de secrétaire. Il se hâte d’accepter autant par désir de voyager que par crainte des représailles paternelles face à cette résolution. Il part en 1773, âgé de 16 ans, et reviendra en 1775 à Paris après deux ans de séjour en Allemagne et en Pologne. Il a alors dix-huit ans. Une expérience précoce et l’apprentissage de la langue allemande paraissent être les seuls fruits qu’il récolte de ce voyage. Il fallait donc rattraper le temps perdu, ce à quoi il s’emploie avec ardeur et son père, rassuré par ses efforts, se résout à subvenir à ses besoins pendant encore deux ou trois ans à Paris. Lié d’amitié avec le poète Roucher8 qui jouit alors d’une grande célébrité, il s’éprend de poésie et envoie à l’Académie française la traduction d’un fragment de l’Iliade9 pour le prix de poésie. Non seulement Cabanis concourt, mais il entreprend aussi la traduction intégrale du poème d’Homère, dont deux fragments paraissent dans les notes du poème des Mois (1799) de Roucher. L’Académie ne le remarque pas, mais plusieurs hommes de goût en jugent autrement. C’est de cette époque que datent ses premiers essais littéraires. Les succès de société que ces essais lui procurent, les invitations, les lectures et les applaudissements de quelques cercles de renommée, ne lui en imposent guère. Son père l’exhorte d’ailleurs à choisir une profession ; il se décide alors pour la médecine dont
[…] les études variées offraient une ample pâture à l’activité de son esprit et dont les fonctions exigent un exercice continuel du corps, qui était devenu pour lui le plus pressant besoin. Sa mauvaise santé même influa sur son choix, et il y fut encore plus particulièrement confirmé par le médecin Dubreuil, dont il avait réclamé les secours, et qui s’offrit à lui servir de guide dans cette nouvelle carrière.10
8Cabanis travaille six ans sous les précieux conseils de ce maître qu’il vénère, le suivant au chevet des malades, à l’hôpital et à domicile, le consultant sur tout ce qu’il voit, sur tout ce qu’il lit, ne se laissant distraire de ses études que par les soins qu’exige sa santé. À cette époque, les études médicales sont moins longues et moins complexes que de nos jours et s’appuient surtout sur l’étude des livres et la tradition orale. Sans négliger l’anatomie ni l’observation clinique et tout ce qui compose la pratique de l’art, Cabanis, par la tournure de son esprit et l’influence de ses goûts littéraires, se concentre sur la philosophie de la science et préfère la lecture des grands maîtres et la méditation, marquant ainsi sa prédilection pour les théories vitalistes de Barthez et de l’école de Montpellier11. Toutefois, son assiduité au travail et sa santé délicate lui rendent nécessaire le séjour à la campagne et il choisit Auteuil. C’est dans ces circonstances que Turgot présente à Cabanis, alors âgé de 21 ans, Anne-Catherine de Ligniville, veuve d’Helvétius12, « cette excellente et respectable femme qui lui a toujours servi de mère et qu’il a chérie comme un fils tendre et dévoué13 ». Comme son état de santé inspirait de la compassion, « madame Helvétius lui proposa de venir se réparer à Auteuil14 » et de partager l’intimité du cercle restreint de ses hôtes habituels à demeure, l’abbé Morellet et l’abbé de Laroche. Le salon de Mme Helvétius, succursale de la loge des Neuf Sœurs, dont il deviendra membre en 1778, se tenait d’ailleurs dans cette maison d’Auteuil. Il y fera son apprentissage de la sociabilité et de la mondanité en y voyant passer une kyrielle d’hommes marquants, tels le baron d’holbach, Jean-Baptiste Le Roy, Bougainville, Mercier-Dupaty, Saint-Lambert, Chastellux, Chamfort15, Condorcet, Chateaubriand16, Gallois, Garat, Ginguené17, Roucher, Roussel, Thomas, Condillac, Franklin18, Jefferson, Malesherbes, Thurot, Volney, Marie-Joseph Chénier et Daunou. C’est ensuite dans le salon de Turgot, ami de son père, et de Holbach qu’il côtoie plusieurs années de suite Diderot, d’Alembert et d’autres hommes de lettres de renom. Il y rencontre Destutt de Tracy, chef de file des Idéologues19, qui paraît avoir exercé le plus d’influence sur son esprit et sur sa réflexion, puis Laromiguière, Fauriel, Jacquemont, Andrieux, Richerand, Alibert et Pariset. Turgot le présente en 1778 à Voltaire qui le complimente sur sa poésie, mais lui suggère qu’il n’est pas un grand admirateur de l’original d’Homère. Tous ces hommes déjà célèbres – ou en passe de le devenir – font partie de cette société d’élite au milieu de laquelle Cabanis passe les plus belles années de sa vie.
9Reçu médecin en 1783, il semble faire ses adieux à la poésie par son Serment d’un médecin, libre adaptation poétique du serment d’Hippocrate. Le 5 novembre de la même année, il conclut un étrange contrat avec Antoine Mesmer pour être initié aux arcanes de son fluide universel et de ses passes magnétiques pour guérir les malades dans un baquet de limaille de fer20. En décembre 1788, Cabanis termine dans le salon de Mme Helvétius la rédaction du Degré de certitude de la médecine, ouvrage dans lequel il plaide la cause des médecins en démontrant toute la dignité de leur art. L’impression du livre n’aura lieu que dix ans plus tard.
10Cabanis désirait ardemment l’avènement de la Révolution française de 1789 et la salue par de vives acclamations à ses débuts, ce que corrobore l’abbé Morellet dans ses Mémoires. Le 15 juillet 1789, il se rend à Versailles pour annoncer à Garat, à Volney et à quelques-uns de ses amis ce qui s’était passé la veille à Paris. C’est alors qu’il entre en relation avec Mirabeau dont il devient le médecin, le collaborateur et l’ami :
[…] ce fut le 15 juillet 1789 que je le vis [Mirabeau] pour la première fois. J’avais été témoin la veille, dans la journée, de grands mouvements qui agitaient la capitale. J’avais appris le soir la prise de la Bastille, et les circonstances sanglantes qui précédèrent ou qui suivirent cette expédition […]. Quand il [le roi] fut sorti, j’entrai dans l’enceinte des députés. La plupart d’entre eux ignoraient ou ne savaient qu’imparfaitement ce qui s’était passé la veille à Paris : j’avais plusieurs nouvelles importantes à leur apprendre. Mirabeau me suivait des yeux, tandis que je parlais à cinq ou six de ses collègues : il demanda mon nom à Garat le jeune et à Volney, tous deux mes amis intimes et comme il avait vu ce nom au bas de quelque morceau de littérature, échappé à ma première jeunesse, il m’aborda avec l’intérêt qu’il ne manquait jamais de témoigner à toutes les personnes auxquelles il supposait des talents, ou même seulement de l’instruction.21
11De 1789 à 1793, il publie différents rapports commandités par le Directoire du département de Paris, dont les Observations sur les hôpitaux (1789), le Travail sur l’éducation publique (1791) et Quelques principes et quelques vues sur les secours publics – parus entre 1791 et 1793 –, en vertu desquels il préconise plusieurs grandes réformes de la médecine, dont la création de cliniques, de maternités et d’hôpitaux de cinquante lits au maximum en lieu et place des grands hôpitaux et de l’hôtel-Dieu où sont admis toutes sortes de malades dans des salles communes abritant des lits à deux, quatre ou six places, laissant se côtoyer sans vergogne les vivants et les morts.
12Pendant la Terreur, il se voit écarté de la vie publique en raison de sa qualité de girondin et se tient en retrait pendant son séjour à Auteuil. En 1796, après la Terreur, Cabanis épouse Charlotte de Grouchy, la belle-sœur de Condorcet, et retrouve, grâce au soutien de Ginguené et Clément, ses amis Idéologues, des responsabilités politiques et scientifiques. En cette année 1796, il est élu membre de l’Institut national des sciences et des arts, en 1797, professeur de clinique à l’école de médecine de Paris et, en 1798, représentant du peuple au Conseil des Cinq-Cents. Garat le charge de mettre en forme les remarques qu’il a faites sur l’organisation de l’enseignement médical.
13Dans son Rapport au Conseil des Cinq-Cents sur l’organisation des écoles de médecine (séance du 29 brumaire de l’an VII), Cabanis insiste sur la nécessité de développer les études cliniques et les études vétérinaires, ce qui témoigne de sa contribution essentielle à l’évolution de la médecine en France. Par ailleurs, dans son Coup d’œil sur les révolutions et la réforme de la médecine, il fait œuvre d’historien de la médecine :
[…] relatant le temps ou les poètes et les héros exercent l’art de guérir, ceux où les prêtres païens s’en emparent pour réunir la double puissance que donne sur notre faiblesse la crainte de la mort et l’espoir de l’immortalité, l’auteur examine l’époque où la philosophie, observant les faits, fit de la médecine une science exacte.22
14Il fait paraître par ailleurs, dans la Décade philosophique23, une lettre sur la doctrine de la perfectibilité humaine. Mme de Condorcet lui adressera en retour ses Lettres à Cabanis sur la sympathie24.
15Il est encore au Conseil des Cinq-Cents lors du 18 Brumaire. Moins glorieuse pour la postérité restera l’implication directe de Cabanis à ce coup de force où il contribue à la prise de pouvoir de Bonaparte et rédige la proclamation du Corps législatif au peuple français du 19 brumaire, croyant agir dans l’intérêt de la République. Gratifié d’un poste de sénateur et fait commandeur de la Légion d’honneur, il siégera très peu au Sénat. La société d’Auteuil qui, en l’an III, s’était retrouvée à l’Institut ou dans les écoles normales, allait maintenant se retrouver au Sénat conservateur et au Tribunat25. Toutefois, trompé et dépité devant le cours des événements, l’ascension de Bonaparte et la confiscation une à une de toutes les libertés, il abandonne la politique non sans avoir tenté en 1802 un contrecoup de force, tôt déjoué par Fouché. À partir de ce moment-là, les dîners du tridi26 cessent et ceux qui y participaient se réunissent de temps à autre chez Destutt de Tracy à Auteuil et chez Mme de Staël qui, à la même époque, donne à dîner à Mathieu de Montmorency et à des personnages marquants du parti royaliste.
16Notons que Bonaparte jouissait d’une réputation de sauveur dans le salon de Madame Helvétius, et Cabanis, « toujours ardent, s’enthousiasmait pour le Général qui devait arrêter la France sur la pente anarchique où elle allait tomber27 ». Lors de son passage à Auteuil, Napoléon s’entretiendra d’ailleurs longuement avec Cabanis et le gagnera définitivement à sa cause ; à cette occasion, s’étonnant devant Mme Helvétius de la petitesse du parc d’Auteuil, celle-ci lui retourne cette fameuse réplique : « vous ne savez pas, Général, tout le bonheur qu’on peut trouver dans trois arpents de terre28 ». Les devoirs imposés à Cabanis dans le cadre de ses fonctions politiques n’entravent pas ses travaux littéraires et philosophiques.
17En effet, en 1797, Cabanis traduit en français un choix de neuf textes recueillis dans ses Mélanges de littérature allemande29 constitués de fragments divers, dont six nouvelles du célèbre romancier allemand Auguste Gottlieb Meißner30, à savoir Gustave Lindau (extrait du voyage de Branko), Roxane (épisode de l’histoire de Massoud), Les Filles de Guillaume d’Albanak, Le Chien de Melaï, La Vertu héroïque chez les peuples de l’Orénoque, Diego de Colmenarès, puis une pièce de théâtre de Goethe, la Stella, une élégie de Thomas Gray, Le Cimetière de campagne, et enfin l’Idylle de Bion sur La Mort d’Adonis. C’est donc en tant que traducteur et introducteur en France d’un auteur allemand de nouvelles qu’il acquiert symboliquement le statut de passeur de littérature étrangère. À ce propos, il est intéressant de relever que Cabanis avoue n’avoir consenti à éditer son ouvrage que pour répondre aux « pressantes invitations » de Mme Helvétius et la distraire ainsi de sa mélancolie. On notera que ces Mélanges de littérature allemande sont agrémentés de deux traductions, du grec et de l’anglais, qui témoignent non seulement de son érudition polyglotte et de sa connaissance approfondie de la philologie, mais aussi de son art de mêler les genres divers sans autre propos que celui de distraire sa bienfaitrice.
18Sans se hasarder à un tour d’horizon exhaustif de la littérature allemande du XVIIIe siècle finissant, Cabanis en signale l’évolution récente :
[…] Mais la littérature allemande a dans ces derniers temps changé totalement de face ; ceux qui ne la connaissent que par les premiers recueils qu’on a publiés en France, ne la connaisse plus. Au commencement du siècle, à peine en existait-il quelque faible annonce.31
19Puis, s’adressant à Mme Helvétius dans la préface, il se livre à un véritable exercice de critique littéraire et évoque les auteurs à la mode en résonance avec sa propre sensibilité :
Plusieurs morceaux de la littérature allemande vous étaient déjà connus : vous aviez lu la plupart de ceux qu’on a publiés en français ; les poésies de Haller, quelques fragments de Wieland, de Gellert, de Lessing, de Zacharie vous avaient frappée par le caractère propre à cette nation réfléchie et sensible. Vous aviez surtout été charmée des peintures si pures et si vraies de Gessner : ce mélange d’images riantes et gracieuses, de sentiments tendres et délicats, d’élégance et de simplicité de mœurs, ne pouvaient manquer d’agir vivement sur votre âme. Gessner semblait avoir écrit particulièrement pour vous […]. Sans égaler Goethe, Meissner n’a pas peu contribué à perfectionner la langue de la prose. Il paraît avoir senti surtout la nécessité d’abréger, de simplifier la phrase. La sienne est presque toujours courte et rapide : il resserre ses cadres, il rapproche les traits frappans, à la manière de plusieurs écrivains français ; et son style a un jet et une vivacité qui ne sont qu’à lui.32
20Voilà qui en dit plus long que toute autre forme d’exégèse sur la sensibilité de Cabanis à l’esthétique de la prose allemande, même si son œuvre d’adaptateur du texte allemand au goût français et sa poésie le rangent plutôt dans la catégorie des minores. Pour Cabanis, l’appréciation du beau serait de l’ordre de l’ébranlement de la sensibilité. Le plaisir esthétique renverrait au vécu corporel, il agirait au plus profond de notre être, éventuellement à notre insu. Certains critiques en ont conclu qu’on ne pouvait être « plus éloigné de l’idéalisme romantique », tout en reconnaissant sa proximité avec Stendhal33. Selon eux, la beauté serait, chez Cabanis, placée sous le signe de l’intense et de l’énergie et tiendrait du ravissement. Mais n’est-ce pas là un point de vue réducteur qu’il convient de nuancer ?
21Comment eût-il été possible à Cabanis, en effet, de ne pas explorer la sensibilité du bout de sa lorgnette de médecin physiologiste ? Pour autant, faut-il en conclure qu’il se réduit à cette conception univoque du saisissement ? Certes pas, car la sensibilité d’organe n’exclut nullement l’exaltation des sentiments comme l’illustre sa « doctrine de la sympathie », même encore balbutiante dans sa « Lettre à Thurot34 ». Cabanis y développe son point de vue sur les arts et montre que « s’emparer de la faculté sympathique est une condition indispensable de tous les arts ». En outre, il énonce d’autres arguments de sa « doctrine de la sympathie35 » qui, tout en rendant compte de la finesse de sa propre sensibilité et de la subtilité des nuances qu’il perçoit dans l’analyse des émotions, explicitent comment le fait d’éprouver seul ou de partager un ressenti avec autrui modifie la nature des émotions, des rapports au monde et du vécu :
[…] sans doute, il faut sentir sa propre douleur pour la faire partager aux autres ; mais la manière de l’exprimer n’est pas toujours la même ; il ne suffit pas toujours de pleurer pour rendre sa douleur touchante : souvent elle touche d’autant plus qu’on a moins pleuré ; et même certaines douleurs ne sont partagées par les spectateurs, que lorsque celui qui les éprouve, sans les dédaigner entièrement, n’a pas l’air de vouloir les rendre l’objet de l’attention, et celui d’une attention longtemps soutenue […] quand un homme est seul, il ne sympathise qu’avec lui-même, ou plutôt il est en relation avec tout l’univers ; tout se rapporte à lui. Survient-il une seconde personne, ces deux personnes sentent dès lors en commun : les relations qui s’établissent aussitôt entre eux les identifient (soit pour s’approuver mutuellement, soit pour se combattre) avec l’ensemble des idées qui forment l’existence morale de l’un et de l’autre. Une troisième, une quatrième, une cinquième personne arrivent successivement, les rapports changent encore.36
22Peut-on lui reprocher d’avoir tenté de théoriser et rationaliser ce qui fait le génie de l’homme en cherchant à établir des règles qui permettent de remonter des effets aux causes de la sensibilité quand d’autres, en son siècle et plus tard, ont donné eux aussi dans le panneau de la rationalisation du psychisme ?
23Paraît en outre, en 1797, le second ouvrage, intitulé Du degré de certitude de la médecine, et évoqué plus haut, dans lequel Cabanis, selon Étienne Pariset, « ruine les adversaires de la médecine avec leurs propres armes37 ». Le 18 brumaire de l’an VII, il prononce un discours au Conseil des Cinq-Cents en offrant la nouvelle édition du Dictionnaire de l’Académie française à propos duquel il déclare : « ce fut par les immortelles productions du génie littéraire des Français que commencèrent les conquêtes de leur langue dans toute l’Europe38 ». On ne s’étonnera pas de trouver dans ce discours des considérations personnelles sur l’énergétique de la langue française en ce XVIIIe siècle finissant :
[…] le passage de la monarchie à la république a fait subir à la langue elle-même une intéressante révolution […] ; au milieu même de ces secousses révolutionnaires, la langue a pris une certaine énergie, une hardiesse, une indépendance qu’elle n’avait pas auparavant.39
24Sur le plan de la philosophie de la médecine, la théorie de Cabanis postule que
[…] l’homme est doué d’une sensibilité vive, que toutes les scènes de la vie développent, et qui même est susceptible d’un accroissement, en quelque sorte, indéfini, puisque cet accroissement est toujours proportionné à celui des connaissances ou des idées, et surtout à la multiplication des rapports qui unissent les individus entre eux. Mais la sensibilité de l’homme ne peut pas augmenter, sans que la prise qu’ont sur lui toutes les causes d’impressions quelconques augmente également : il devient donc par degrés plus susceptible de plaisir et de peine ; et, à mesure qu’il agrandit ainsi son existence, le système entier de ses besoins, de ses affections, de ses désirs, s’étend dans une progression qui semble n’avoir point de bornes.40
25Dans son œuvre maîtresse intitulée Rapports du physique et du moral de l’homme, Cabanis définit ainsi l’objet de son travail :
Permettez donc, citoyens, que je vous entretienne aujourd’hui des rapports de l’étude physique de l’homme avec celle des procédés de son intelligence ; de ceux du développement systématique de ses organes avec le développement analogue de ses sentiments et de ses passions : rapports d’où il résulte clairement que la physiologie, l’analyse des idées et la morale, ne sont que les trois branches d’une seule et même science, qui peut s’appeler, à juste titre, la science de l’homme.41
26Moreau de la Sarthe, hôte du salon de Mme Helvétius et disciple de Cabanis, explique dans l’Encyclopédie méthodique42 que
[…] les idées les plus neuves et les plus importantes de l’auteur [Cabanis], que l’on pourrait regarder comme le fond de sa doctrine, sont développées dans son deuxième et troisième mémoire, consacré à l’histoire des sensations : expression qu’il emploie dans l’acception la plus étendue, en l’appliquant à tous les organes qui se trouvant liés entre eux et avec le cerveau, par le système nerveux, doivent être regardés comme des organes des sens.43
27Et il développe la théorie cabanisienne de la sensibilité d’organe :
Les sensations intérieures et générales que Locke et Condillac avaient entièrement oubliées dans leurs savantes analyses, ont leur siège dans tous les organes, mais principalement dans tous les viscères. Elles se développent dans l’exercice plus ou moins facile des fonctions, sous l’influence des maladies, à l’époque des changements ou des révolutions qui constituent les âges ; enfin, dans tous les cas où plusieurs causes occasionnelles de trouble, d’irritation, sont assez puissantes pour édifier l’état des sentiments, les opérations de l’esprit, la marche et le cours des idées.44
28Il explicite son point de vue sur le rôle des viscères dans la genèse de la sensibilité organique par l’exemple suivant :
Ainsi donc, les idées riantes ou sombres, les sentiments doux ou funestes, tiennent alors directement à la manière dont certains viscères abdominaux exercent leurs fonctions respectives.45
29C’est donc par la mise en exergue du rôle des sensations ou des impressions internes, vues comme étant à l’origine de nombreuses idées et maladies, que Cabanis dégage sa « théorie de l’instinct, des sympathies, des penchants primitifs et des déterminations primordiales de la sensibilité46 », ce que l’on appellerait aujourd’hui le déterminisme.
30Pour Cabanis, toutes nos idées viennent des sens. Cette thèse s’inscrit dans le contexte plus général de sa doctrine, énoncée dans la préface des Rapports, où il récuse toute notion de dualisme entre le corps et l’esprit chez l’être humain :
Mais depuis qu’on a jugé convenable de tracer une ligne de séparation entre l’étude de l’homme physique, et celle de l’homme moral, les principes relatifs à cette dernière étude, se sont trouvés nécessairement obscurcis par le vague des hypothèses métaphysiques. Il ne restait plus, en effet, après l’introduction de ces hypothèses dans l’étude des sciences morales, aucune base solide, aucun point fixe auquel on pût rattacher les résultats de l’observation et de l’expérience. Dès ce moment, flottantes au gré des idées les plus vaines, elles sont, en quelque sorte, rentrées avec elle dans le domaine de l’imagination ; et de bons esprits ont pu réduire à l’empirisme le plus borné, les préceptes dont elles se composent.47
31On a reproché à Cabanis de s’être davantage préoccupé des rapports du physique avec le moral, c’est-à-dire de l’influence de l’âge, du sexe, du tempérament, des maladies, du régime et du climat sur la formation des idées et des habitudes, que des rapports du moral avec le physique. Pourtant, le onzième mémoire des Rapports traite précisément de ces interactions du moral et du physique sous l’angle de l’influence du système cérébral – organe de la pensée et de la volonté – sur les autres organes en excitant, paralysant ou dénaturant leurs fonctions. Si l’auteur y reconnaît volontiers que l’imagination et les idées chagrines peuvent retentir négativement sur l’organisme voire perturber la santé, il en est encore au stade des hypothèses et l’on est bien loin de la théorie freudienne de la névrose et de la découverte de l’inconscient.
32Cabanis meurt frappé d’apoplexie le 5 mai 1808 à l’âge de 51 ans après plusieurs attaques cérébrales antérieures restées sans suite depuis le printemps 1807. Il lègue à la postérité une œuvre considérable pour la philosophie et l’histoire de la médecine, la réforme des institutions et des études médicales, notamment en matière de santé publique pour l’amélioration du sort des malades, des pauvres et des fous. Il n’est pas anodin qu’il ait réclamé que les fous fussent traités avec douceur à une époque où l’on préconisait leur castration. Aujourd’hui, c’est par la rue Cabanis que l’on accède à l’hôpital Sainte-Anne de Paris où les jeunes étudiants en psychiatrie viennent se former en clinique et en thérapeutique aux célèbres « présentations de malades ».
33Au carrefour des sciences, de l’histoire et de la littérature au tournant des Lumières, Cabanis apparaît comme un héritier de la tradition hippocratique des médecins philosophes, continuateur du sensualisme de Condillac et passeur de littérature étrangère, fidèle à l’esprit des Idéologues. L’étude de la sociabilité des cercles qu’il fréquente le situe parmi les élites éclectiques de la société d’Auteuil, que l’on retrouve aussi bien dans les salons mondains les plus en vue de Paris que dans la loge des Neuf Sœurs où se côtoient les meilleurs esprits du temps, et chez les Idéologues de l’Académie des sciences morales et politiques qui ambitionnent de renouveler les savoirs par l’analyse des idées. Passeur à double titre puisqu’il transpose, comme il le dit lui-même, la philosophie dans la médecine et la médecine dans la philosophie, il y fait passer aussi l’histoire et les belles-lettres48, comme on le voit aussi bien par la poétisation de son serment de médecin que par la clarté, l’élégance et la limpidité de son style, sachant mêler considérations scientifiques approfondies et références littéraires inattendues comme au chapitre xvi des Rapports, relatif aux habitudes morales :
[…] Mme de Staël a même essayé de tracer, dans un ouvrage plein d’idées profondes et de vues neuves, la ligne de démarcation entre la littérature du Nord et celle du Midi, qu’elle regarde comme formant les deux grandes divisions de toute littérature connue : et quoiqu’on puisse ne pas être de son avis dans la préférence qu’elle donne à celle du Nord, il est impossible de nier qu’elle ne les ait caractérisées l’une et l’autre, avec autant d’exactitude que de talent.49
34Son point de vue sur le rôle et la valeur de la littérature dans les sciences nous est expliqué au chapitre vi de Coup d’œil sur les révolutions et la réforme de la médecine comme suit :
[…] on voit combien sont absurdes les déclarations des médecins pédants contre les études littéraires des jeunes élèves. Ce n’est pas qu’un style oratoire ou des ornements poétiques puissent jamais être de bon goût et de bon ton dans la langue des sciences ; ils en doivent au contraire être bannis avec beaucoup de sévérité : mais les sciences ont aussi leur éloquence propre ; et celle-là, bien loin d’altérer la vérité, l’épure et lui donne l’énergie du pouvoir. Un langage précis, élégant, et même quelquefois animé, annonce des idées dont un sentiment vif et distinct a fourni les premières impressions, dont une réflexion scrupuleuse a mis en ordre tous les matériaux, dont un jugement sévère a resserré la chaîne, pour en démontrer d’avance toutes les conclusions. Plusieurs écrivains, d’ailleurs estimables, doivent la plupart de leurs erreurs au style barbare qu’ils se sont permis.50
35On est donc ici dans l’affirmation d’une littérature au service de l’art de guérir et de philosopher, dépouillée d’artifice poétique et épurée d’une métaphysique sulfureuse, pour construire la « science de l’homme » et œuvrer pour une humanité meilleure et plus éclairée.
Notes de bas de page
1 Diderot et d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, article « Philosophie », Neuchâtel, Samuel Fauche, 1751-1765, t. 12, p. 512.
2 Descartes, Les Principes de la philosophie, lettre-préface, dans Œuvres philosophiques, édition d’Alphonse Garnier, Paris, hachette, 1835, t. 1, p. 192.
3 Edmond About, La Grèce contemporaine, Paris, hachette, 1854 (3e édition), p. 248.
4 Pierre Jean Georges Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, Paris, Baillière, 1844 (8e édition).
5 Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, « Cabanis » (notice autobiographique reprise par Pierre-Louis Ginguené), Paris, Thoisnier-Desplaces, 1843, t. 6, p. 298.
6 Ibid.
7 Ibid.
8 Jean-Claude Bésuchet, Précis historique de l’ordre de la franc-maçonnerie, t. 2, Paris, Rapilly, 1829, p. 250-251.
9 XXIVe livre, v. 439 et suiv.
10 Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, op. cit., t. 6, p. 298.
11 Cabanis n’est pas de l’école de Bichat qui était alors celle de Paris, il est de celle de Barthez, dite de Montpellier ; il n’admet pas seulement des propriétés, des facultés, il admet un principe, un être distinct : « Quelque idée que l’on adopte, dit-il au Mémoire IV, sur la cause qui détermine l’organisation, on ne peut s’empêcher d’adopter un principe que la nature fixe ou répand dans les liqueurs séminales ». On se reportera à l’article « Cabanis » du Dictionnaire des sciences philosophiques par une société de professeurs et de savants, Adolphe Frank (dir.), Paris, hachette, 1875, p. 225-230.
12 Sur Helvétius (1715-1771), fils d’un médecin et membre de l’Académie des sciences, voir Jean-Claude Bésuchet, Précis historique de l’ordre de la franc-maçonnerie, op. cit., t. 2, p. 139-141.
13 Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, op. cit., t. 6, p. 298.
14 André Morellet, Mémoires inédits sur le dix-huitième siècle et sur la Révolution française, Paris, Ladvocat, 1823, t. I, chap. xix, p. 380.
15 Sur Chamfort (1741-1794), homme de lettres, membre de la loge des Neuf Sœurs peu après sa création, voir Jean-Claude Bésuchet, Précis historique de l’ordre de la franc-maçonnerie, op. cit., t. 2, p. 56-57.
16 Selon Antoine Guillois, Chateaubriand « qui devait bientôt renier les idées d’Auteuil a cherché, dans ses Mémoires d’Outre-Tombe, à jeter la déconsidération et le mépris sur ses anciens amis. Sainte-Beuve, dans Chateaubriand et son groupe littéraire, a vengé la mémoire de Ginguené et de Chamfort en rétablissant tout simplement la vérité et en opposant l’Essai sur les révolutions aux Mémoires d’outre-tombe » (Le Salon de Mme Helvétius. Cabanis et les idéologues, Paris, Calmann-Lévy, 1894, p. 66).
17 Sur Pierre-Louis Ginguené, membre de l’Institut et de la loge des Neuf Sœurs, voir Jean-Claude Bésuchet, Précis historique de l’ordre de la franc-maçonnerie, op. cit., t. 2, p. 130-131.
18 Sur Benjamin Franklin (1706-1790), autre membre de la loge des Neuf Sœurs, voir ibid., p. 120-122.
19 Continuateurs de l’école de Condillac. C’est Destutt de Tracy qui, en 1796, propose le mot « idéologie » dans une série de Mémoires sur la faculté de penser pour remplacer l’ancienne métaphysique et la vieille psychologie en déterminant les voies où doit s’engager la nouvelle philosophie ou « science des idées ».
20 Voir Antoine Guillois, Le Salon de Mme Helvétius, op. cit.
21 Pierre Jean Georges Cabanis, Journal de la maladie et de la mort de Mirabeau (1791), dans Œuvres complètes, t. 2, Paris, Didot, 1823, p. 4-6.
22 Note infrapaginale de Pierre-Louis Ginguené dans l’article « Cabanis » de la Biographie universelle ancienne et moderne, op. cit., t. 6, p. 298.
23 1794-1807.
24 Sophie de Grouchy, marquise de Condorcet, Lettres sur la sympathie suivies des lettres d’amour, édition de Jean-Paul de Lagrave, Montréal/Paris, L’étincelle, 1994.
25 Antoine Guillois, Le Salon de Mme Helvétius, op. cit., p. 137.
26 Le tridi est le troisième jour de la décade dans le calendrier révolutionnaire. Sous le Directoire, « Garat, Cabanis, Destutt de Tracy, Thurot, Gallois, Jacquemont, Le Breton, Laromiguière, Marie-Joseph Chénier, Andrieux, Ginguené, Benjamin Constant, Daunou dînent, le tridi de chaque semaine, chez un restaurateur de la rue du Bac, et y parlent politique, littérature ou métaphysique. En 1802, Cabanis et Chénier s’entendent, par l’intermédiaire de Jacquemont, alors chef du bureau des Sciences au ministère de l’Intérieur, avec Moreau pour renverser le Premier consul qui avait déjà détruit presque entièrement la liberté. Fouché, mis sur les traces de ce complot, fit dire à Cabanis et à ses amis qu’il en était instruit. Les dîners du tridi cessent et les amis ne se voient plus régulièrement qu’aux réunions d’Auteuil » (voir François Picavet, Les Idéologues, Essai sur l’histoire des idées et des théories scientifiques, philosophiques, religieuses, etc. en France depuis 1789, Paris, Alcan, 1891, p. 31).
27 Ibid., p. 126.
28 Antoine Guillois, Le Salon de Mme Helvétius, op. cit., p. 126.
29 Pierre Jean Georges Cabanis, Mélanges de littérature allemande, Paris, Smits, an V de la République [1797].
30 Né le 3 novembre 1753, mort le 20 février 1807, et considéré comme l’inventeur du roman historique (voir Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, article « Meißner », Paris, hachette, 1876, p. 1367).
31 Pierre Jean Georges Cabanis, Mélanges de littérature allemande, op. cit., « Dédicace à Mme Helvétius » dans la préface.
32 Ibid.
33 Jean-Louis Cabanès et Guy Larroux, Critique et théorie littéraire en France (1800-2000), Paris, Belin, 2005, p. 16.
34 Pierre Jean Georges Cabanis, « Lettre à Thurot », dans Œuvres posthumes, Mélanges, Paris, Bossange Frères et Firmin Didot, 1825, t. 5, p. 354. Dans cette lettre, il définit ainsi sa doctrine de la sympathie : « Un homme n’agit sur les autres, ou ne leur fait partager ses idées et ses sentiments, qu’en se mettant avec eux dans un état de sympathie qui fasse sentir et penser ceux qui écoutent ou regardent, en commun avec celui qui parle ou qui se sert de tout autre langage, soit naturel, soit artificiel. Ce qui se passe à cet égard dans la plus insignifiante conversation, a lieu de la même manière dans les discours les plus étudiés. C’est ainsi que les chefs-d’œuvre de l’éloquence et de la poésie produisent tous leurs effets et c’est encore ainsi que le peintre, le sculpteur, le musicien s’emparent de l’attention du spectateur ou de l’auditeur, et font passer dans son âme l’idée ou les sentiments qu’ils ont en vue de lui communiquer. S’emparer de la faculté sympathique est une condition indispensable à tous les arts, mais ce talent lui-même tient toujours au sentiment de la convenance » (ibid.).
35 Cabanis poursuit : « Mais ici je trouve quelque chose de plus particulier, qui peut fournir à la doctrine de la sympathie quelques vues nouvelles, et à l’usage qu’on peut en faire dans les arts, quelques moyens de plus, ou une explication moins vague et moins incomplète de certains effets produits » (ibid.).
36 Ibid.
37 « Notice historique et littéraire sur Cabanis », lue par Étienne Pariset à l’Athénée de Paris, reprise dans la Biographie universelle ancienne et moderne de Louis-Gabriel Michaud, op. cit., article « Cabanis », t. 6, p. 301.
38 Pierre Jean Georges Cabanis, Discours au Conseil des Cinq-Cents, en offrant au Conseil la nouvelle édition du Dictionnaire de la « ci-devant » Académie française, séance du 18 brumaire de l’an VII, Paris, Imprimerie nationale, an VII [1798-1799].
39 Ibid.
40 Pierre Jean Georges Cabanis, « Lettre à Thurot », dans Œuvres posthumes, Mélanges, op. cit., t. 5, p. 23-24.
41 Pierre Jean Georges Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, op. cit., p. 62.
42 L’Encyclopédie méthodique, dite « Panckouke », monument de 210 volumes in-4 °, dont 157 de textes sur 2 colonnes, et 53 de planches, renferme 13 volumes consacrés à la médecine et 3 à la chirurgie, dont la parution s’échelonne entre 1787 et 1830.
43 Moreau de la Sarthe, article « Moral », dans « Dictionnaire de médecine », dans Encyclopédie méthodique, Pancoucke, t. 10, 1821, p. 255, col. G.
44 Ibid (cité par Daniel Teysseire, « “Comme un fils tendre et dévoué” : Cabanis et Mme Helvétius », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century [Oxford], n ° 374, 1999, p. 61).
45 Ibid.
46 Ibid.
47 Pierre Jean Georges Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, op. cit., p. 43.
48 Pierre Jean Georges Cabanis, Œuvres complètes, op. cit., t. I, p. 349-350.
49 Pierre Jean Georges Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, op. cit., p. 464.
50 Pierre Jean Georges Cabanis, Œuvres complètes, op. cit., t. I, p. 350.
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