L’enfant et la lune : Gabriel du Bois-Hus
p. 221-248
Texte intégral
1Louis XIV n’était pas encore le roi-soleil. Cependant, sa naissance promettait déjà aux hommes le même bonheur que le premier cri du Christ. Tout commence pour les deux élus, non par un lever de soleil, mais par la venue de la nuit et de celle qui la porte seule en son sein. L’enfant-roi et l’enfant-dieu naissent sous le signe d’une lune qui les berce du haut du ciel.
Les formes de la lune
2La première vision de la lune la montre tel un phénix. Les neuf mois précédant la naissance des deux élus sont rythmés par la lune. Tantôt pleine et enceinte,
Celle qui vient sur l’horizon
Est grosse du dieu que j’adore.1
3Tantôt lune-croissant, berceau pour l’enfant :
Son croissant, neuf fois son tombeau,
À neuf fois été son berceau,
Son lit natal, son lit funèbre,
Le bûcher où son corps s’est dissous peu à peu,
La fournaise célèbre
Où le même s’est fait des restes de son feu.
Ce Phénix des astres errants,
Lune à tant d’âges différents
Et fille et mère de soi-même,
Commençait à sortir du neuvième trépas,
Et son visage blême
Reprenait sa vigueur et ses premiers appas.2
4La lune efface l’étoile des Rois Mages. Messagère, elle est en même temps mère de Dieu, « grosse » de l’enfant qui va naître. À cette forme maternelle, la lune ajoute au cœur du monde, un rythme régulier. Le chiffre neuf préside à la naissance des enfants et son apparence dessinerait même, pour un rêveur de mots, l’union d’une courbe et d’un cercle, d’un berceau et d’une forme ronde comme un ventre. Le signe, en illustrant une idée de la nature, recevrait un sens déniant tout arbitraire de la langue : il serait la reproduction d’un état naturel. Cette alternance du croissant et de la pleine lune évoque en tout cas un temps cyclique qui fait sans cesse passer de la vie à la mort, du « tombeau » au « berceau ». La lune, identifiée au phénix, se meurt lorsqu’elle devient berceau (elle se « dissout ») mais annonce aussitôt la venue d’un enfant par sa forme de croissant qui grossit en un cercle plein, tel le ventre maternel. Des cendres savent donner naissance et sépulture à un astre, et inversement. Ce sont avec ces bribes de lune que naîtront le coucher et la vie.
5De cette lune phénix naît alors une figure de femme ambiguë, mi-amazone, mi-accoucheuse. Incarnant cette lune, deux déesses, Diane et Lucine se partagent ses attributs, mais toutes deux ont le visage d’une femme douce et maternelle. L’amazone et la femme fatale n’ont pas leur place dans l’univers de Du Bois-Hus, à moins qu’elles ne rendent les armes.
L’illustre déesse des mois,
Quittant son arc et son carquois,
Descend avecque eux dedans l’onde.
Son croissant est sa barque, où l’hameçon en main
Fait de sa tresse blonde,
Elle pêche à loisir les perles du Jourdain.3
6Les armes de la chasse, l’arc et les flèches, sont remplacées par un hameçon moins incisif, fait d’une matière inoffensive, des cheveux4. La métamorphose est réalisée par le trait courbe commun aux armes et à l’hameçon. La forme originelle de la lune est préservée dans le dessin et les mouvements de la déesse. Dans cette réduplication du même trait, le changement se fait sans heurt : la descente aux Enfers n’est plus qu’un voyage vers « l’onde ». La « tresse » de la femme n’est pas, comme dans les poèmes aux images mortes, l’un des filets où se prend le cœur des hommes. Elle est une forme courbe, qui pêche des « perles », une pêche précieuse, quasi miraculeuse. La tresse-hameçon retrace le croissant de lune devenu barque. La lumière et les rayons de la lune, en descendant dans l’onde, perpétuent dans l’univers la forme courbe de leur berceau originel. Le lien du croissant et du berceau réapparaît plus loin, explicitement5 : avant de le décrire directement, il a fallu le présenter d’une manière figurée. Du Bois-Hus donne ainsi un fondement mythologique aux esquisses de la lune : la Bible montre au travers du baptême du Christ dans les eaux du Jourdain, une naissance symbolique6. La réunion du croissant de lune transformé en barque et d’un fleuve-berceau donne à cette vision la force d’une création cosmogonique : en se baignant dans les eaux baptismales, le croissant se transforme ensuite en berceau.
7Inlassablement le rêveur joue ainsi des formes courbes de la lune, de l’arc à l’hameçon, ultimes avatars du croissant, jusques aux perles rondes comme une pleine lune. Tout rappelle « l’enflure » du ventre maternel. La plongée lumineuse de la lune annonciatrice de vie dans les eaux, les transforme en bassins de lumière, et la lune en mère. Inversement, l’eau de Diane est féconde en perles tandis que la déesse lunaire devenue simple pêcheuse perd sa fonction guerrière : l’eau dissipe les dangers, de la brûlure du feu à la violence des armes. Le monde s’adoucit, et l’on trouve, de la lune à l’eau, le refuge d’un ventre maternel.
8La lune, identifiée avec une puissance maternelle, veille sur l’enfant : la déesse Lucine préside comme la lune aux accouchements7. Son nom mêle harmonieusement ses lettres initiales à celles de la lune, tout en déposant dans l’esprit du rêveur une touche de lumière par son étymologie, lux. Comme Lucine, la lune provoque les accouchements : de la naissance à la création, la lune est partout présente.
9Du ciel à la terre, sous l’égide de cette lune maternelle, se suivent des figures de femme en une longue cohorte de mères ou toutes au moins nourrices : la Palestine, « nourrice du fruit amoureux », du Christ, Iris, « nourrice des fleurs », et Amalthée, la nourrice de Jupiter8. L’univers est maternel, de ses formes à ses habitants. À l’instar de la lune, tombeau et berceau pour le nouveau-né comme pour elle-même, le « ventre » de Marie et de la Reine, mère de Louis XIV, sont un refuge pour l’enfant, « le logis le plus doux », un « adorable sein9 ». Les signes de la vie et ceux de la mort se confondent, un « ventre » avec « un antre10 », vocables masculins comme les précédents refuges, l’étable de la nativité et les « cimetières » de tombes « bossus », bombés à la manière des ventres protégeant les enfants. Si la vie s’oppose à la mort, les vocables entre eux sonnent à l’unisson la confusion de la fin et du commencement : tout devient semblable à la lune, berceau et tombeau. En se perdant dans une telle union, le rêveur finit par supplier Marie de ne pas laisser sortir de son ventre l’enfant : le faire naître, c’est l’exposer à l’horreur du monde et à une mort certaine, lui donner la vie, c’est donner la mort.
Dans les tristes bras de cet antre,
Ah ! Ne l’exposez pas au froid de la saison,
Gardez-le en votre ventre,
Il ne peut être mieux qu’en sa propre maison ?11
10Il faut conjurer une telle menace. Et l’univers maternel nous fait revenir sur nos pas d’enfant. Le temps de la lune est d’emblée lié à ce retour en arrière, comme pour inverser ce temps solaire qui ne cesse de fuir : le temps cyclique de la lune oscille entre la lenteur et la rapidité, dans un mouvement inverse de celui du soleil.
Temps lunaire contre temps solaire
11Louis, pour être confondu avec le Christ, doit naître sous le signe de la Vierge, une nuit de pleine lune. Le rythme même de la lune s’impose :
La Vierge […]
Monte sur l’horizon, et va plus lentement !12
12Les mouvements ralentis de la Vierge atténuent la fuite trop rapide du temps, mais de l’autre côté, on reproche sa lenteur au soleil :
Soleil, hâte le pas et que n’amènes-tu
Cette heureuse journée ! […]
Ton pas rapide et violent,
À mon amour paraît trop lent.
Soleil fais naître ma lumière, […]
Royale Aurore, à quel dessein
Retenez-vous dans votre sein,
Mon cœur, ma lumière, mon Ange ?
Naissez, jeune Soleil où le jour vient périr
Pour aller vers le Gange,
Faire un cours tout contraire et ne jamais mourir !13
13Il existe deux lenteurs distinctes : l’une veut tout ralentir pour faire naître l’enfant sous le signe d’une puissance maternelle, l’autre voudrait retarder l’instant de cette naissance, et faire languir l’impatient. Le temps solaire met ici le rêveur en colère car il désire aller plus rapidement vers la naissance de son roi, en suivant le tempo allegro, celui de la joie. Au soleil paresseux se substitue un « Jeune soleil » qui naît quand le jour se meurt, à l’ouest, marche à rebours – il fait « un cours tout contraire » –, et se dirige vers un fleuve du côté de l’est, le Gange, là où le soleil se lève. Le temps lunaire est substitué au temps solaire : la lune se déplace en sens contraire de la rotation diurne, de l’ouest vers l’est, selon un rythme décrit justement comme tantôt plutôt rapide, tantôt plutôt lent. Le mouvement de la lune est treize fois plus rapide que celui du soleil. La science confirme la rêverie de l’auteur.
14Le cycle des saisons réglé par la lune14 s’écarte lui aussi du temps linéaire : il allie le moment présent avec les moments passés et futurs et propose ainsi une coïncidence des temps :
Ah ! Voici le printemps au milieu des hivers,
Le jour dans les ténèbres,
Le soleil aux rayons des nuages couverts.15
15Le temps, qu’il soit saison (« printemps », « hiver »), moment de la journée (« jour » ou « ténèbres ») ou humeur du ciel (le temps qu’il fait, « soleil » ou « nuages »), confond tous les visages qui devraient s’opposer ou au moins se suivre au rythme de sa fuite. Les prépositions (« dans » ; « aux » ; « au milieu de ») sont d’ailleurs si fréquentes dans les vers du poète que la conception même de l’espace semble étroitement liée à cette obsession de l’imbrication. Le regard sait cependant distinguer une chose de son contraire. Le temps cyclique naît d’une rêverie pleine d’espérance, d’un impossible mélange de vie et de mort, de chaleur et de froidure, de lumière et d’ombre.
16À l’instar de la lune les êtres convoqués sont inscrits dans ce temps. Les deux enfants naissent sous le signe de la lune et sont marqués par son cycle. Louis et le Christ sont nés lorsque la lune était pleine, reprenant ainsi sa vigueur et ses premiers appas. Comme la lune est fille et mère d’elle-même, berceau et tombeau, le futur roi et Jésus jouent deux rôles : ils se font naître, rejoignent ce paysage où tout se marie à son contraire. Jésus est tout à la fois, père et fils de Marie, celle qui est justement
Une vierge qui enfante son père.16
17Le Christ aurait déjà existé pour enfanter Marie, avant de naître d’elle.
Et devant qu’il fût Homme,
Nos ancêtres jadis en avaient fait leur Roi.17
18Les hommes ont vu dans le passé naître le futur, comme Du Bois-Hus voit au milieu de l’hiver jaillir le printemps. Lorsque Louis naît à son tour, il supplie la nature de suivre cet étrange cours et lui ordonne de rajeunir18. La comparaison de Louis avec le Christ fait croire que le même être renaît toujours pour le bonheur des hommes. Leur nom rappelle leur origine commune : Jésus est « Théandre », qui lie ses origines divines (theos) et humaines (andros) ; Louis est « Théagène », par sa naissance (genos) fils de Dieu. Le poème s’ouvrait déjà sur une confusion annoncée du ciel et de la terre19. À l’instar du Christ, Louis reprend sur son visage les traits de ses parents, et se confond avec eux :
Il avait la moitié du visage du Père et tenait l’autre moitié de la Mère.20
19Cette ressemblance fait de Louis un être mixte qui distingue cependant le masculin du féminin. L’androgyne n’est-il pas d’ailleurs présenté par bon nombre de mythologies dans ses liens avec la lune21 ?
20L’union de la figure royale avec la lune ne se limite pas au motif du cycle et de l’être double. La végétation, rythmée par un temps cyclique, apparaît naturellement dans ce paysage lunaire. Elle y dessine à grands traits le visage de Louis. Les saisons lunaires font naître et mourir périodiquement les fleurs. De même, Louis, cet être lunaire, est lié au passé par une tige qui n’est plus métaphorique : les hommes
Adorèrent la tige
Qui promettait un fils aux vertus de Louys.22
21Louis XIV est la fleur ultime d’une longue lignée de héros que termine son père, Louys. Il joint « en son corps le sang de mille rois ». Selon Du Bois-Hus, une fleur naît avec la venue de la constellation de la Vierge : le lys, fleur-symbole de la royauté fleurit en même temps que l’enfant-roi23.
22Le corps même de l’enfant possède une marque de naissance. D’abord comparée au coutelas de Scanderberg24, elle est finalement décrite comme « un diadème ». À la forme courte et large, parfois courbe du coutelas est préférée la forme ronde du diadème. Le nouveau roi porte dans sa chair les contours variables de la lune, berceau ou cercle… L’enfant se confond avec sa mère poétique.
23La lune a véritablement tout réglé. De l’heure de la naissance au visage de l’enfant, elle laisse des traces de son passage, et tout élément sur terre semble vouloir nous révéler son origine lunaire.
24La lune, fille et mère d’elle-même, oblige le temps à entrer dans cette étrange filiation où l’enfant porte les marques de sa mère, où tout s’unit à son contraire. Lorsque le soir tombe et que la lune luit, les rites du passage du jour, sa lumière, sont repris. Mais la nuit ressemble à un jour dont elle ne garde finalement que les qualités. L’aurore et le crépuscule sont semblables. Le crépuscule est auroral. La coïncidence de ces deux temps est nécessaire dans ce monde, paradoxale dans le nôtre.
25L’aurore marque le début du jour et dans l’univers de Du Bois-Hus, elle explique les raisons de sa présence à cette place : elle est « la fille et la mère du Jour25 », prise dans le même élan cyclique que la lune. De cette aurore la nuit conserve les « larmes » que les autres poètes convoquent plutôt pour la rosée du matin :
Les larmes du soir tombent dessus les fleurs.26
26Les larmes de la nuit miment une chute qui les distingue des pleurs de l’aurore en les rendant plus ambiguës et moins douces. Cependant la naissance des deux temps est similaire. Rien ne change dans leur alternance, ni leur lumière, ni leur entrée. Si les larmes de l’aurore naissent avec les brumes matinales, le brouillage des couleurs du paysage nocturne accompagne néanmoins les larmes de la nuit : l’instant de cette rencontre entre des éléments contraires perdure dans les vers. La nuit miraculeuse, instant démesurément agrandi par les centaines de vers du rêveur, ne nous fait pas tomber brutalement dans ce paysage étrange : sa venue ressemble à l’apparition du jour, et l’on nous emmène en pente douce dans un monde où tout descend vers son contraire, sans que cette chute ne soit brutale. Ceux qui évoluent tout en haut dans le ciel se lovent tout au creux de la terre, du soleil qui va « entrer dans la mer », des astres « tombés en ces pays nouveaux » jusques aux oiseaux, « à couvert dans le sein des forêts27 », le sein des bois dédoublant le ventre de la lune. Le Christ, également venu du ciel, se blottit dans un refuge devenu berceau, « une sépulture / que le temps a cavée au fond d’un vieux rocher28 ». La terre conçoit ainsi un berceau dans le tombeau, le refuge et « la sépulture ». Au cœur de la vieille pierre naît le jeune enfant. La lune imprime son rythme à l’espace et remplace le mort par le vivant, l’ancien par le nouveau, tout en montrant que l’un jaillit du cœur de l’autre.
27Le monde porte les formes contraires de la lune, il en retient aussi la couleur paradoxale, en tentant de préserver dans la nuit, une autre qualité du jour. La pâleur de la lune gagne la nature et décolore le monde.
La nuit entrant dans l’univers,
Couvre le sommet des montagnes,29
28Contrairement aux paysages nocturnes habituels, ce ne sont pas des voiles de ténèbres qu’elle dépose sur les monts. Cette nuit n’est plus sombre : elle est éclairée par la blancheur de la lune, et « la générale pâleur30 » du monde est comparable à l’intensité du jour :
Les torches qu’elle allume en la place du jour [sont]
Plus belles que l’Aurore31
29Nous n’avons plus une vision bien nette entre cet éclat aveuglant des torches de la nuit et ce brouillard que le coucher du soleil trace à l’horizon : nos regards ne peuvent se porter que sur le presque rien de l’univers. Le ciel, à la nuit venue, entremêle
Quelques brins d’écarlate et d’or,
Qui paraissent attachés encore
À quelques pièces de nuages.32
30Des « brins » aux « pièces », le rêveur se perd dans de petits fragments et ne voit plus que des restes de rayons. Le rouge de l’écarlate et le jaune de l’or ne sont plus que des traces : n’est-ce pas là un décor qui ne fait plus que paraître ? La lune ne naissait-elle pas justement « des restes de son feu » ? Le monde n’est plus perçu que par Sfumato, dans une vision pointilliste, un regard presque myope non sur les formes mais seulement sur les couleurs qui se meurent. L’unique couleur et l’unique forme qui subsistent, sont celles de cette lune-phénix et de sa fleur blanche.
31Le paysage ainsi dessiné fait jaillir au cœur de la nuit, son contraire, l’intense lumière. Cette nuit fabuleuse où naissent les enfants bénis de Dieu, transforme l’alternance de la lumière et de l’ombre pour les unifier :
Tous les jours et les nuits sont également clairs.
32La nuit ne rivalise plus avec le jour. Une lumière uniforme éclaire le monde. La nuit, comme le crépuscule et l’aurore, choisit les mêmes rites de passage que le jour, mais reste placée sous le signe de la lune.
33Cette blancheur surnaturelle de la nuit existe dans la nature. La couleur rouge réduite à quelques brins dans le coucher du soleil, est alors refusée. La nature voit ses fleurs pâlir : les rayons de lune métamorphosent tout.
Les anémones et les fleurs
Pâliront partout où ses fleurs
Mouilleront le bord du rivage ; Et si jadis, le sang d’un malheureux berger
Leur a peint le visage,
Le sang de ces beaux yeux les va faire changer.33
34À la tache de sang sur la fleur, sang jailli de la plaie mortelle d’Ajax et d’Hyacinthe et qui, pour Ovide, explique la couleur rouge sombre de certaines fleurs34, est substituée une couleur pâle, diaphane venue des larmes coulant des yeux de l’enfant. Le sang a perdu sa couleur et ne dessine plus que la blessure qui le fait couler, comme elle fait couler les larmes. Les larmes tachent la fleur avec leur blancheur diaphane. Cette couleur rouge trop vive est désormais refusée partout :
Petites Nymphes des jardins,
Quittez vos nœuds incarnadins,
Vos bas rouges, vos jupes jaunes !
Mourez jeunes beautés, mettez bas votre orgueil,
Tulipes et péaunes,
Quittez votre écarlate, habillez-vous de deuil !35
35Le jaune et le rouge, clair comme de l’incarnat, ou plus sombre en écarlate, mais toujours éclatant, sont des couleurs de femme, ainsi peintes sur des habits qui cachent les jambes, bas ou jupes. Mais ces voiles sont remplacés par des vêtements de deuil. Cette nouvelle couleur leur est imposée car leurs teintes sont vives et contrastent trop avec la fleur de lune. La pâleur exigée par la fleur de lune n’est cependant pas terne, ni négative. Le rêveur tente seulement de faire ressembler toutes les compositions florales à la fleur emblématique des rois et de la pureté, le lys. Cette fleur s’épanouit mieux que les autres parmi ces végétaux privés de leurs teintes naturelles.
36Cette fleur est choisie entre toutes les autres. Le lys36 naît à la pleine lune. Il est aussi l’enfant symbolique de l’eau : le « lys à la face blême » est aussi « fils des pleurs37 ». Le lys paraît en même temps que l’enfant Jésus et l’enfant-roi, comme un symbole de leur douleur : il naît des larmes versées contre le sort de l’enfant-dieu. Cette blancheur naturelle du lys, signe de la douleur, envahit avec les rayons de lune l’univers. Elle marque aussi bien la naissance du Christ que celle du roi. La mythologie chrétienne fait revivre cette fleur : elle tisse entre Marie, Ève et elle-même des liens insécables : Ève s’enfuit du paradis en versant des larmes qui se transforment en lys, et le poète préserve l’union de la larme et du lys, cette « blancheur sanglotante » qu’évoquera Mallarmé. Le lys de la Vierge est le symbole de sa pureté. Or, l’enfant-roi naît sous le signe de la Vierge, à la saison où les lys fleurissent. Le fil liant le lys et la lune ne nous étonne plus guère : ces larmes tombées sur le monde pour devenir blanches fleurs, liées à la constellation de la Vierge et à la générale pâleur du monde, relatent à leur manière la création d’un monde hésitant entre le haut et le bas, le lys et les cieux blancs, la fleur et la Voie lactée, l’étoile blanche sur terre, et l’étoile blanche dans les airs, la lune. Deux gouttes de lait tété au sein de Junon endormie étaient tombées de la bouche d’Hercule encore enfant. L’une a fait naître le lys, l’autre a créé la Voie lactée38. Nous montrerons plus loin le lien du lys et du lait. Pour l’heure, notons que la blancheur du lys est seulement troublée par la couleur de son pollen posé sur des anthères, des brindilles couvertes de cette teinte rouge au cœur de la fleur. Le dessin du coucher du soleil, en mêlant des brins de rouges à des traces de blanc, reprend finalement l’aspect du lys. La fleur de lys, emblème royal et pourtant distinct du lys naturel, est confondue avec le végétal dans l’esprit du rêveur. Elle s’oppose par sa blancheur pure à d’autres emblèmes rebelles et violents que les soldats du père de l’enfant-roi ont finalement réussi à soumettre au lys. Le souvenir de cette opposition entre l’emblème royal et les armoiries des ennemis arborant des lions revient :
Les Lys ne sont que de lait, leurs Armoiries sont du sang.39
37Comme les larmes coulant sur les fleurs et leur donnant une teinte blanche, le liquide jailli du lys inonde de sa pureté le monde, et s’oppose comme les larmes au sang rouge. Le lys nourrit, le lion détruit. Cette opposition isole le lys dans un monde de douceur hostile à toutes les bêtes voraces – il préférera l’aigle inoffensif. Même si elles sont symboliquement liées à la royauté, elles déchirent la chair de leur proie. Pour accueillir les enfants, les liquides aux teintes trop vives et leur violence disparaissent, et avec elles, les bêtes sauvages, même seulement héraldiques. Seul demeure ce liquide nourricier.
38L’image d’un être suffirait à faire peur au rêveur. Cette force de l’image est d’ailleurs l’une des sources de sa rêverie sur le lys. Du Bois-Hus évoque Thomas Francini40 et sa fontaine qui peut dessiner avec de l’eau les formes d’un lys. L’artifice du sculpteur d’onde trace un perpétuel retour au même, œuvre diaphane, mêlant tout et son contraire : Francini a réussi à imprimer sur le lys d’eau les mouvements de la lune. Le signe choisi pour symboliser la naissance de ce roi, ce lys, n’a ainsi jamais plus de force pour le rêveur que lorsqu’il est dessiné par les eaux et créé par l’artifice de l’homme, à partir d’un élément naturel qui coule en traçant ses contours :
Au départ de leur lit natal,
Les longues chutes de cristal
Forment les chiffres de leurs maîtres,
Les Naïades du lieu conduisant leur emploi
Les façonnent en lettres
Qui font voir les beaux noms du dauphin et du roi. […]
Il écrit avec l’eau dessus le front de l’air,
Et forme une écriture
Qui demeure toujours et ne fait que couler.41
39L’architecte a modelé l’eau et l’air pour forger des signes. L’écriture liquide du paysage, d’une forme étrangère à la nature, artificielle, n’en garde pas moins les propriétés de sa substance et ne cesse de « couler ». Que le chiffre renvoie à des figures naturelles, comme le neuf des mois lunaires, ou que la matière naturelle reprenne des lettres imaginées par les hommes, le sens de ce chiffre et de cette matière demeure. Au contraire, comme le chiffre neuf, l’écriture des hommes et le langage de la nature nient également tout arbitraire de la langue et de l’œuvre naturelle : tout a une signification, du chiffre aux accidents contrôlés du paysage. La matière ne se livre plus au hasard des créations naturelles mais est guidée et reçoit une forme signifiante. Le nom de Louis est un « nom d’eau » et dans ce contexte, nul ne sait si le complément désigne la manière dont apparaît ce nom ou sa matière même42. La lune établit pour l’heure une nouvelle poétique du texte et du monde. Le lys d’eau choisi pour emblème est pris, comme ceux qu’il matérialise, dans un cycle infini d’éternel recommencement :
Voir un lys que cet élément
Fait et défait chaque moment,
Sans le ravir à l’œil qui l’aime,
Un miracle de l’art que sa matière fuit
Sans sortir de lui-même,
Et le fuyant sans cesse incessamment le suit.43
40La sculpture liquide de Thomas Francini appartient désormais au monde de Du Bois-Hus : le lys d’eau, à l’image de la lune et de l’univers, meurt et renaît sans cesse en lui-même, déchiré et unifié par sa forme et sa matière qui se suivent et se fuient, dans un mouvement aussi paradoxal que cette union de vie et de mort. L’œil qui savait distinguer tout et son contraire, aperçoit à la fois ce qui est visible et ce qui ne l’est plus, le lys d’eau et son absence, sans que jamais l’une de ces visions ne remplace l’autre. Deux motifs ajoutent leur blancheur diaphane à celle du lys : la lune et l’eau. Le début du rêve sur les matières coïncide avec l’apparition de cette couleur. Comme l’imagine le rêveur, les rayons lunaires envahissent toutes les formes élémentaires du monde, leur lèguent leur couleur, leur goût pour la coïncidence des contraires et les créations précieuses comme un lys, l’union du réel et de l’imaginaire. En voyant couler l’eau dans les vers, nous ne nous étonnerons guère de retrouver en elle chacune des qualités de la lune, de son temps à sa teinte. Le lys n’était finalement qu’une invite à une rêverie sur les matières.
Rêverie sur les matières : l’air et l’eau
41Il manquait une qualité pour faire de ce monde blanc et paisible, un refuge maternel : la chaleur. Liée à l’air, elle est la première à reprendre la confusion du réel et de l’imaginaire : elle apprend à désirer le feu imaginaire plutôt qu’un feu réel, comme sont élus le lys d’eau et la nuit surnaturelle. Elle nous fait entrer de son souffle dans cet univers blanc où même les éléments négatifs s’effacent devant de précieuses substances.
42Après l’évocation du refuge, on demande pour sécher les larmes de l’enfant nu :
Que l’haleine d’un animal
Fasse la chaleur qui l’anime.
43Et on formule la même demande au printemps :
Agréable saison, bel âge des Zéphyrs,
Viens ranimer sa vie,
Et réchauffe son corps de leurs chastes soupirs.44
44De cette chaleur semblable à celle d’un ventre maternel vont naître les paradoxes d’une rêverie sur le feu. Dans ces vers, le feu semble devoir se couler dans l’air, « haleine », « Zéphyrs » ou « soupirs », pour chauffer le corps de l’enfant. Le Christ, est l’auteur de nos jours, se confond avec un « Dieu des feux » :
Le Dieu des feux et des amours
Qui donne la chaleur aux jours
Est couché tout nu sur la paille,
Craignez, craignez mortels qui l’honorez si peu,
Qu’enfin il ne s’en aille,
N’ayant point de matière à nourrir ce beau feu.
Vous devez être l’aliment
Du glorieux embrasement
Que méditent ses belles flâmes ?
Ces mystiques brasiers ne brûlent pas les corps !
Ah ! Donnez-leur vos ames !
Vous ne sauriez avoir de plus divines morts.45
45La brûlure s’oppose à la chaleur, le feu réel au feu métaphorique. Si l’un enflamme la paille et les corps, l’autre s’alimente avec les âmes pour entretenir son brasier. Il ne se satisfait pas de la paille qu’il n’enflamme pas. C’est de cette paille éteinte qu’il donne un peu de chaleur au corps de l’enfant. Tout paraît réclamer à l’univers cette chaleur humaine du fond du corps pour lier les âmes aux flammes inoffensives. Comme dans le corps du poème, la rime inverse l’orthographe d’« ame » et de « flâme », au lieu d’âme et flamme46. Pour un rêveur des mots, la flamme proche de l’air, du souffle, dans la confusion des matières, se livre naturellement à l’âme née du souffle de l’esprit : animus associe le souffle, l’air et l’esprit. L’âme naîtrait naturellement de la flamme et à l’inverse celle-ci s’éteindrait sans « l’aliment » de l’âme qui la fait renaître. Le lien des deux vocables est alors tissé dans la graphie même : « flâme » en vient à ressembler à « âme ». L’haleine des animaux et l’âme des humains s’unissent pour réchauffer le corps dans cette confusion du passé et du présent d’une langue, de ses sons et des matières qu’elle désigne. Le feu du poète ne s’éteint donc pas avec de l’eau et n’embrase pas la paille : il se nourrit de l’âme, d’un souffle placé dans le cœur, de cette âme qui a l’évanescence de l’air respiré. Les dangers du feu fondu dans l’air sont neutralisés. Il n’émane de lui qu’éclat et chaleur, mixte naturel de feu et d’air.
46Le rêveur surpasse cependant la nature et fait de son feu imaginaire, un élément se nourrissant de l’air. Si le feu ne se mêle à l’eau qu’en s’y fondant, l’air et le feu, en revanche, fusionnent : il faut enflammer les ombres
Un escadron d’astres nouveaux,
Faits d’artificieux flambeaux,
Consomme les nuages sombres,
[…]
Et pour brûler les ombres
Les étoiles de l’Art allument tous les airs.47
47L’art remplace la nature et le feu, choisit les nuages pour aliment : il devait tout à l’heure, se nourrir des âmes, de ces souffles humains ou de l’haleine des animaux. Plus incisive, de la dévoration à la brûlure, cette chaleur trop intense met l’accent sur l’intensité de l’éclat de ce feu, cette autre qualité de l’élément imaginé, qui détruit l’ombre. L’air est allumé comme s’il prenait feu. Certes, ce feu, en brûlant l’air, montre une fusion de deux matières. Mais, de leur union naît un nouvel élément, la lumière, éclatante mais inoffensive pour les humains. Le feu de ce monde imaginaire ne brûle pas. Il offre à nos regards un rayonnement sans pareil48.
48À cette chaleur s’opposent en plus de la dangereuse brûlure, l’éclair et le tonnerre. La lumière divine ou imaginaire est douce et efface toute trace des orages, ce « Dieu n’a plus de tonnerre » ; « il naît parmi les orages […] pour les dissiper49 ». Mais cette opposition du tonnerre et de l’éclat du feu ne doit pas nous abuser. Dans un monde où tout s’unit à son contraire, il est un endroit qui, en observant les mouvements liés des deux figures du feu, feu imaginaire et feu réel, nous révèle l’origine du feu naturel. Le tonnerre est inséparable de ce qui s’oppose à lui, la douce lueur de la vie.
49Une rêverie illustre cette ultime union des contraires : les nuages font naître en leur cœur tout et son contraire. Si le soleil devient ici le maître d’œuvre de ces naissances, la lune imprime encore à ces nuées son double visage, tombeau et berceau des hommes et d’elles-mêmes. La matière cache son antimatière, et le feu naît de la rencontre du soleil et des nuages. Les formes des nuages sont ignorées, alors que les autres rêveurs perdent leur temps à les montrer. Il existe pour Du Bois-Hus deux sortes de nuages. Ils s’opposent tout en se mêlant les uns aux autres par leur couleur et leur matière. Leur teinte et leur relation au soleil nous apprennent à les distinguer50.
50Il y a des nuages devenus « corps sombres, noirs, […] dont la matière est épaisse et fumante et qui sont composés d’exhalaisons séditieuses et de vapeurs ennemies ». Ils propagent leur substance, « vapeurs », « exhalaisons » et « fumée », comme s’ils voulaient envahir le monde de leur couleur et de leurs matières noires. Ces « exhalaisons » s’opposent à l’haleine qui réchauffe l’enfant : elles sont pleines « d’impuretés ». Le nuage sombre est un nuage sale, loin de la blancheur du lys. Ses couleurs ne sont que « propres à peindre un tableau sanglant de la désolation de la nature ». Comme à la tombée du jour l’écarlate s’efface devant l’éclat de la lune blanche, la destruction des nuages de sang est l’œuvre d’une intense clarté, celle du soleil. La lune-phénix se dissout en de multiples cendres pour redevenir elle-même, le soleil « dissout » ces nuages et les disperse en « pluies », « orages », « grêles », « tonnerres ». Le soleil se mélange à l’air humide, se transforme en éclair. Les nuages portent en eux, à l’instar de la lune, leur propre mort : « arsenaux des foudres et des matrices ordinaires des tempêtes », ayant « toujours la guerre dans leur ventre », ces nuages sont détruits en enfantant cette violence. Même les mouvements des substances terrifiantes sont calqués sur ceux de la lune. Les nuages sont tombeau et berceau d’eux-mêmes.
51Au cœur de ces nuages, il y a d’autres nuages. Ces nuages soufflent aussi leur substance, mais leurs vapeurs sont « plus douces », leurs exhalaisons « plus innocentes ». Ces vapeurs ont une odeur « musquée » et sous l’effet du soleil deviennent « rosée », et non grêle. Elles ne doivent pas enfanter pas des tonnerres mais « se distiller plus aisément en douces pluies dans le sein des plaines ». À la violence des tempêtes se substituent ici la douceur et la distillation qui déposent goutte à goutte la rosée, le lait ou l’eau d’ange dans le monde. Une opposition chromatique apparaît : les nuages sombres cachent en leur sein des nuages blancs. Cette blancheur naît de leur transparence : alors que les nuages sombres brouillaient les regards, les nuages aux douces pluies reflètent tout et deviennent « glaces naturelles » pour les astres. Le soleil « se plaît à déployer ses blanches lumières, [les allumant] de ses beaux feux ». La blancheur des nuages ne veut pas enflammer le monde comme les porteurs de tempêtes, mais brûler elle-même. De cette fusion du feu et du nuage naît l’arc-en-ciel, Iris. Au lieu de s’amuser avec les formes des nuages, le rêveur impose à ces étranges vapeurs une courbe définie contrastant une fois de plus avec l’anarchie des nuages sombres qui se dispersaient : « arcs », « couronnes », ou « honorable diadème », le soleil en fait finalement « d’autres soleils ». Étrange alchimie qui du mélange du soleil avec les nuages crée de la « grêle » s’ils sont sombres, ou de la pluie douce, s’ils sont clairs ; de l’orage ou l’éclat du feu, de l’informe ; des ronds, du sang ou de la blancheur. Le soleil réagit avec les couleurs et non avec les matières. Sa flamme se nomme éclair et grêle, mi-pierre, mi-eau, s’il se mélange à la couleur noire ; éclat multicolore et pluie musquée, sensuelle et chaude, s’il trouve sur le chemin de ses rayons, des nuages diaphanes.
52L’alliance des nuages sombres et des nuages clairs ne nous trouble pas : les contraires se mêlent justement pour créer les substances les plus précieuses. La nuit voyait naître l’enfant-dieu, l’enfant de lumière. Comme elle, les univers les plus sombres font naître ces substances lumineuses. Les orages, bien trop violents pour le monde de douceur du rêveur, y retrouvent une place, lorsqu’ils surpassent les rayons du soleil et redonnent un aspect plus agréable à leurs éclairs :
53C’est durant les orages et les tonnerres que les conques enfantent les perles et, où les rayons du soleil sont impuissants, les éclairs de foudre font ces petits miracles51.
54La violence détruit les matières trop fragiles, du corps des hommes au bois des arbres mais elle crée des substances dures et éclatantes. Le couple formé par le soleil et l’air fait naître des merveilles liquides, pluie douce, arc-en-ciel, l’alliance de forces extrêmes et de la pierre (la coquille des conques) enfante des matières minérales et précieuses, toujours liées à l’eau : aux perles nées des conques et des brûlures des orages s’ajoute le « cristal » créé dans « les affreuses montagnes de Scythes où six mille hivers sont enterrés ». Le cristal jaillit de la froidure. Il est secondé par le diamant caché dans les parois épaisses et trop dures du rocher. Il existe même une matière qui allie l’œuvre du soleil à celle des tempêtes et des orages, comme une synthèse de ces forces pourtant contraires : « l’ambregis52 ». Cette merveille retient d’abord les créations du soleil : elle est « rosée du ciel » et « cendre des soleils ». Telle la pluie, cette rosée métaphorique se pose en douceur sur la terre et se mêle à l’eau réelle, « l’écume des vagues », comme « échappée des boîtes de senteurs ». L’eau a soudain une odeur. Mais elle n’apparaît qu’à la fin des tempêtes, enfantée par elles : « parmi la bave et les restes de la fougue de cet Élément irrité », elle prend l’apparence d’une rosée « pétrifiée ». L’ambregis unit ainsi en son cœur, le soleil à la violence des tempêtes, la douceur de la rosée et sa senteur musquée à l’âpreté de la pierre, de la bave et des eaux en colère. Née dans les cendres du soleil, elle ressemble au phénix en apparaissant lorsque même la tempête se meurt. Les images, comme la lune, n’en finissent jamais de renaître.
55L’air se métamorphose en substances qui émanent de lui : fumée, nuages ou âme. L’eau se lie davantage à des formes qui ne dépendent pas d’elle et qu’elle se contente de recueillir, formes animales plutôt qu’élémentaires. Mais, comme l’air, le destin de l’onde reste lunaire. L’eau est d’ailleurs une sorte de matérialisation de la lune.
56Une autre figure apparaît ainsi au côté de l’ambregis. Elle n’impose au monde ni nouvelles matières ni nouvelles couleurs mais offre aux nuages de nouveaux rythmes les rendant aussi paisibles. L’alcyon choisit la mer pour berceau et voit aussi le jour lorsque se taisent les tempêtes. Il se confond avec l’aigle qui naît au milieu des nuages pour les dissiper53. Telle était déjà l’œuvre du soleil. À l’instar des astres ou du soleil consommant les nuages de leurs rayons, l’alcyon efface les nuées. Marquant le retour de la paix, l’aigle et l’alcyon évoquent la blanche colombe : l’aigle est l’emblème volé par les ennemis de la France, « oiseaux fugitifs / Aigles depuis cent ans captifs », qui ne « [volaient] plus que sur les drapeaux étrangers54 ». Pour faire de cet aigle en fuite un oiseau de paix, les Français lui ont « coupé les ailes55 »: il ne peut plus voler où ne vole le roi… Étrange imaginaire qui pour calmer les orages, coupe les ailes d’un oiseau et le fait ensuite renaître au milieu de ces mêmes orages pour les détruire : l’oiseau vainqueur n’est pas un guerrier s’envolant vers les hauteurs, il est un être qui se pose tout au creux de la terre, sur les eaux, ou à l’horizon, pour « rendre sa bonasse ordinaire à la nature ». À la violence des orages l’oiseau préfère un rythme plus régulier, figuré par le calme des eaux, la « bonasse » ; le soleil, se contentait d’imposer des formes, de la blancheur, de la douceur. L’alcyon naissant à la fin des orages ressemble aux nuages adoucis qui évoluent parmi des nuages plus sombres.
57L’eau cache en son sein un autre animal : influencé par les mouvements de la lune, selon les Anciens, il préfère surgir « dans les orages. L’on voit paraître le dauphin […] dans les tempêtes56 », tel un frère jumeau de cet alcyon qui faisait taire en naissant le mauvais temps. La constellation de la Vierge luit symboliquement dans le ciel lorsque naît Louis et suggère aux hommes de l’identifier à Jésus. De même, la présence des dauphins dans l’eau en colère au moment où Louis voit le jour, en des temps troublés, illustre la fonction du futur roi. Cette coïncidence naturelle montre aussi dans le corps des dauphins, la confusion de l’air des tempêtes et de l’eau de mer57. L’enfant portera même symboliquement une couronne faite de deux dauphins : pris pour emblème, le dauphin naît aussi avec Louis. Sa forme ressemble au diadème découvert sur le corps de l’enfant. L’étymologie du dauphin parachève cette union : il naît d’un rapprochement avec le delphus, cet utérus maternel58. La couronne en rond et la simultanéité des naissances, cette présence maternelle de l’eau muée en berceau lorsqu’elle devient furieuse et se livre au feu, le sens caché de l’animal lunaire, tous reprennent bien cette union du paysage lunaire : couple formé par la figure maternelle et le monde en rond où tout prend son sens dans une naissance, cette confusion même de l’homme et de l’animal, de cet enfant portant sur sa tête deux dauphins.
58L’eau salée, rythmée par les orages et leurs violences, peut être remplacée par une eau plus douce aux mouvements plus lents, une eau paresseuse. Les nuages sombres s’opposent par leur aspect, leur violence et leurs créations aux nuages plus clairs. De même, l’eau douce par sa forme se distingue de l’eau salée. Mais comme pour les nuages, le poète souligne l’origine commune de ces deux eaux contraires. L’eau douce s’incarne en un animal justement lunaire, qui fait coïncider les tempêtes des dauphins et la paix de l’alcyon : la couleuvre oscille entre la langueur et l’élan de vie. Animal dont Dieu a coupé les pattes, elle prend la place de l’oiseau sans ailes.
59Après une longue hésitation, les eaux de la Seine se jettent dans la mer et,
Elles commencent à se reconnaître […] à la vue de leur élément, dont la présence réveille leur nature endormie, elles y courent à la hâte, elles y entrent à la foule et elles se précipitent avec impétuosité dans le sein de la Mer.59
60À la vue de sa mère, l’enfant retrouve son essence et son origine. La reconnaissance du sang correspond à la réminiscence de l’onde salée pour les eaux, de l’ambregis aussi, rosée imaginaire du ciel, pour l’onde, sa source, de la « bave » à « l’écume » des vagues : les eaux cachaient leur « nature ». La vue de la mer « réveille » leurs souvenirs. Le sein dans lequel elles meurent, est celui qui les a fait naître. Elles se laissent prendre dans le temps cyclique de la lune. De ce temps cyclique et lunaire, le fleuve conserve la forme et peint dans son lit des cercles : il tourne sur lui-même faisant des « îles et des tours ». Sa fonction même est d’« [environner] un palais ». Le fleuve qui « roule vers Rouen » esquisse par son verbe un mouvement circulaire naturellement choisi par la ville qu’il atteint : l’espace impose ses formes. À ces formes circulaires s’ajoute l’hésitation des eaux qui sans cesse reviennent en arrière :
Elles semblent vouloir rebrousser et combattre leur propre naturel, elles reviennent à moitié chemin et se révoltent contre leur cours.60
61Les eaux hésitent à partir, elles adoptent alors le rythme des marées, des eaux qui se retirent et s’élancent, guidées par le mouvement de la lune, qui va et vient avant d’être prise dans son cycle… Les eaux reculent du terme vers le commencement pour atteindre un berceau-tombeau. À ces deux mouvements correspondent deux rythmes opposés : l’élan de la course finale est précédé d’une langueur et d’une paresse qui font « lentement couler » les eaux. La métaphore de la couleuvre61 nonchalante est ainsi motivée. Le corps de cette couleuvre rappelle aussi les méandres du fleuve ; son nom « coule » comme les eaux, « roule » et finit par se jeter à la « foule62 ». Le choix de la couleuvre pour incarner l’eau n’est en cela pas innocent : par ses mues successives, elle se laisse guider par les saisons de la lune. Associée au motif de la fécondité63, elle rentre dans le jeu des relations instaurées entre la lune et la maternité. Au xviie siècle, l’enflure désigne la morsure du serpent venimeux comme l’état d’une femme enceinte : le sein de Lucine est « enflé d’un trésor animé64 » ; en voyant l’enfant Jésus pleurer, le poète invective l’onde :
Ruisseaux, délicieux serpents,
Qui vous glissiez à pas rampants
Parmi les herbages et les plaines,
Grossissez-vous des pleurs qui mouillent ce beau corps.65
62Les ruisseaux en grossissant prennent l’enflure d’un ventre et recueillent en leur sein la douleur de l’enfant. Étrange fonction pour un serpent si souvent décrié dans l’univers chrétien. La lune et son bestiaire réunissent les êtres les plus antithétiques, le Christ et le serpent pleurent en toute sym-pathie : l’élément liquide résout tous les conflits, de l’eau douce du ruisseau à l’eau salée des larmes. Même devenue serpent, l’eau garde son rôle de refuge, de ce ruisseau gros comme une mère, jusqu’aux fleuves transformés en « vases », en « buyes66 ». La couleuvre pourrait apparaître dans son ambivalence sexuelle : elle pénètre les herbages tout en grossissant comme un ventre maternel. L’animal est hermaphrodite comme les enfants-rois. La lenteur de l’onde prend alors tout son sens : son origine se trouve dans sa composition. À la douleur succède l’eau nourricière :
Quelques sources n’ont que du lait
Qu’elles distillent à souhait
Dans le sein aimable des prairies,
Ce miracle naissant par un pouvoir divin
A changé les fontaines
Dont les plus beaux canaux ne roulent que du vin.67
63L’eau s’est transformée en deux substances riches, lourdes et épaisses : l’une maternelle, le lait, l’autre grisante, le vin. Le mouvement étrange et inversé du lait vers le « sein » des prairies fait renaître une image morte. La blancheur de l’eau n’est pas un rêve : dans un monde pâle et blanc, elle est le reflet de la couleur lunaire. Une équation onirique additionnant la lune au lait retrouverait la formule de la Voie lactée, mélange de nuage et de lait. En se reflétant dans l’eau, la lune viendrait en baigner la terre.
64Une troisième substance naît de ce lait « distillé » comme un alcool qui rappelle une présence céleste. Le lait et le vin sont synthétisés dans les méandres de l’eau : « L’eau d’ange est l’élément de l’eau68 ». Exprimée d’une plante et tirée d’un alambic, c’est une eau diaphane, végétale, parfumée. Distillée comme le lait, elle peut devenir liqueur. Son nom d’ange lui donne la blancheur du lait et sa distillation, le feu du vin. Étrange alchimie qui fait de cette eau, l’aliment de l’enfant sacré. Telle est l’origine de la lenteur de cette eau épaisse coulant vers la mer.
65L’eau suit les mouvements de la lune. Elle est comme elle nourrice du monde. Même si le poète multiplie les images de l’aurore, c’est dans ce monde imaginaire et nourricier que perdure le sens de cette accumulation, et non dans un jeu purement poétique et plein d’artifices69.
Gouttes, filles des beaux matins,
Yeux des fleurs, astres argentins,
Nourritures des prés humides,
Étoile des jardins, douces sueurs des cieux,
Cristaux, perles liquides…70
66La rosée condense ces métaphores, les qualités de l’eau et du feu : chaude et éclatante. Ses gouttes sont brillantes et précieuses qu’elles soient perles, cristaux ou étoiles, astres couleur d’argent. La « nourriture » et les « sueurs », liquides chauds venus des Cieux, suggèrent l’épaisseur de cette rosée, nourricière comme l’eau douce. Bientôt, les gouttes se transforment en « ruisseau » puis en « fleuve », le Jourdain. À son tour, il devient « trésor de perles, perles liquides ». De strophe en strophe, des fleurs jusques aux fleuves naît un paysage liquide fait de gouttes, telle la Seine se dirigeant vers la mer et se transformant en un immense océan. De nourrice l’eau devient mère d’elle-même, de la rosée jusqu’à la mer : les vocables sont entraînés dans ce monde et gardent les traces de ses substances originelles. Le fleuve des perles montre d’abord les gouttes de rosées et l’eau transparaît partout : les jeux vibratoires des [r] de « ruisseau » et « rosée » mue en « astres », « fleurs », « sueurs »,« cristaux », nous emportent naturellement vers le « Jourdain » et ses « perles » ; l’alternance du [z] et du [s] dans « rosée », « rosée » et « gouttes », « gouttez » (comme dans « fleurs » ou « filles ») forgent des liens inconnus entre ces mots baignés par la même onde. Leurs lettres se ressemblent comme leur matière, des « r » liquides aux « s/z » mimant les méandres ou le bruit d’un serpent. Ils ont la même origine, les mêmes racines. L’eau, mère d’elle-même, laisse dans ses noms sa trace, comme la lune dans le monde. Comme elle, l’eau renferme tout et son contraire, de sa surface à ses profondeurs. Ultime avatar de la lune, l’eau reprend tous ses aspects : rythme, forme, couleur et maternité.
67Si le soleil se couche à l’horizon et commence la fusion des lumières nocturnes et diurnes, l’eau unit deux substances : « l’onde et la flamme si voisines » de même que « les feux du ciel [qui] sans peur nagent dedans la mer71 ». Le mélange de l’eau et du feu garde l’éclat du feu, de l’eau son miroitement liquide. L’eau n’éteint pas la flamme : les matières se mêlent sans se dissoudre l’une dans l’autre. L’enfant qui naît dans un tel univers, montre à son tour un étrange ballet de l’eau et du feu et son « bel œil nage au milieu de ses pleurs », un éclat de lumière (un « feu intense ») au milieu des larmes. Tout naît de son contraire. L’eau, fleuve ou larmes des yeux, des pétales ou du ciel, est la matière d’un tel monde.
68L’écriture se confond avec ce temps cyclique : « la voix imprimée » doit « publier jour et nuit cet Œuvre glorieux72 ». Les vers comme lui reviennent sans cesse sur eux-mêmes, sur le même thème, renaissent toujours, ignorant le jour solaire.
69La voix est finalement à l’image de l’univers imaginaire que nous avons décrit : elle oublie l’alternance de la lumière et de l’ombre, des heures sombres et claires pour le cycle continu des mêmes mots : le soleil est invisible la nuit, la lune est toujours visible dans le ciel, même le jour. Deux temporalités contraires interviennent dans ce paysage : une alternance fondée sur l’opposition et la mort permanente ; un cycle fondé sur la renaissance constante, la continuité de la vie, le tombeau jouxtant toujours le berceau. L’écriture prend corps en se laissant mener par elles. Comme sur le berceau des élus, des fées président à la naissance de Louis comme des poèmes de Du Bois-Hus. La plupart sont des figures maternelles ou le deviennent peu à peu, et confondent les mythologies les plus diverses : Lucine s’unit alors à Diane ou à Marie. Le cycle des mythes est ainsi pris dans le cycle lunaire qui confond sans fin la vie et la mort, l’aurore et le crépuscule et rêve d’un monde phénix. Le monde lunaire se complaît dans un entre-deux indéfinissable et ses habitants hésitent comme entre des espaces distants qu’ils tentent de confondre dans leur être : mi-homme, mi-femme ; mi-dieu, mihomme ; mi-mère, mi-enfant. Le temps cyclique qui les fait naître autorise, en effet, toutes les confusions. Né du souffle du poète, de son inspiration, le décor oscille entre deux matières qui se complètent et qui finissent par rejoindre l’univers lunaire : les multiples figures de l’air, air enflammé, souffles, savent aussi créer des formes mouvantes, des nuages dont les couleurs, variant imperceptiblement, sont capables de reproduire la dualité de cette lune, mi-créatrice, mi-destructrice, mi-céleste, mi-terrestre, et d’inventer un temps rythmé par des événements les plus contraires. L’eau reprend de même cette dualité et reste polymorphe en s’incarnant dans les figures de l’alcyon ou du dauphin, en s’amusant, devenue fontaine, à renaître de ses gouttes. Toutes ces formes unissent en leur corps la lune à la figure royale. D’autres objets, plus secondaires, s’amusent à confondre cette présence obsessionnelle de la lune, de la fascination pour le roi et de ce temps. La rêverie peint ainsi sous l’égide de la lune un lys, qui mêle à sa blancheur, une pureté lunaire, et vient finalement même se poser sur le fronton des ouvrages poétiques comme sur les représentations du roi. Le lys envahit les descriptions : le titre et le sujet des œuvres suffisent à créer un univers littéralement symbolique où chacune des strophes, des images ou des rimes, entre en correspondance avec une autre partie obsédante, royauté et divinité, nuit, lys et lune.
70Alors que nos quatre autres poètes se complaisaient à imaginer des espaces à la mesure de leur imaginaire, Du Bois-Hus semble ainsi davantage s’assurer de la cohérence temporelle de ses vers et de son paysage et seule la forme arrondie de la lune, indéfiniment redupliquée, autorise à dessiner ce paysage. Dans cette ronde cyclique le poète sait entraîner l’univers religieux du Christ et de la Vierge, l’univers royal des nouveaux rois et de leurs lys, l’univers mythologique, l’univers élémentaire et naturel. La coïncidence des contraires n’est donc plus seulement rhétorique, elle touche à la rêverie même du poète dont la volonté syncrétique atteint toute chose, chaque élément cachant sous son apparence, un autre objet semblable, rond, lunaire et fascinant.
Notes de bas de page
1 À l’exception du Prince illustre, qui n’a pas été réédité depuis 1645 (Paris, Rocolet), toutes les citations son extraites de l’édition critique d’A. Poli réunissant les œuvres de G. Du Bois-Hus publiées en 1641. La Nuit des nuits, Le Jour des jours, Le Miroir du destin ou La nativité du Dauphin du ciel, La Naissance du Dauphin de la terre et le tableau de ses aventures fortunées, Bologne, Casa Editrice Prof. Riccardo Pàtron, 1967. La Nuit des nuits, Première partie, v. 1853-1854, p. 154.
2 Le Jour des jours, Première partie, v. 3292-3304, p. 210. Ces strophes sont construites sur une alternance de trois octosyllabes, d’un alexandrin, d’un hexasyllabe et enfin d’un alexandrin.
3 La Nuit des nuits, Première partie, v. 1840-1845, p. 154.
4 Cette association des cheveux et de l’hameçon se retrouve souvent dans la poésie du début du xviie siècle et n’a aucune connotation burlesque.
5 Le Jour des jours, Première partie, v. 3293-3304, p. 210.
6 Le Christ est aussi le christ-ichtus, poisson.
7 Le Jour des jours, Première partie, v. 3277, p. 209 ; v. 3300, p. 210.
8 La Nuit des nuits, Première partie, v. 2027, p. 160 ; v. 2176, p. 165 ; le Miroir du destin, v. 5389, p. 286.
9 La Nuit des nuits, Première partie, v. 2291 et v. 2295, p. 169. Au xviie siècle, sein et ventre sont synonymes.
10 La Nuit des nuits, Première partie, v. 2286, p. 169.
11 Ibid., v. 2286-2289, p. 169.
12 Le Jour des jours, Première partie, v. 3407-3410, p. 213.
13 Ibid., v. 3422-3423 ; 3425-3428 ; 3437-3442, p. 214.
14 M. Eliade, « La Lune et la mystique lunaire », Traité d’histoire des religions [1949], Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », 1990, chap. IV, p. 139-164.
15 La Nuit des nuits, Première partie, v. 1975, p. 158.
16 Ibid., v. 1914, p. 156.
17 La Nuit des nuits, Seconde partie, v. 2511-2512, p. 179.
18 La Nuit des nuits, Première partie, v. 2041, p. 161.
19 Le sonnet liminaire, Aux deux dauphins du Ciel et de la Terre, se clôt sur ce vers : « Si le nombre en fut deux, l’Amour n’en a fait qu’un » (v. 1723, p. 147).
20 « L’Horoscope de Monsieur le Dauphin », Le Miroir du destin, v. 4957-4958, p. 271.
21 M. Eliade, « Morphologie et fonction des mythes », Traité d’histoire des religions [1949], Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », 1990, chap. XII, p. 344-366.
22 Le Jour des jours, Première partie, v. 3261-3262, p. 208.
23 Les liens plus précis de la lune et du lys sont examinés plus loin.
24 Cette marque de naissance annonçait pour ses contemporains la victoire de ce héros albanais (1403-1468), qui réussit à remporter de nombreuses victoires sur les Ottomans. Les ouvrages qui lui furent consacrés dans les siècles suivant l’identifièrent souvent à Alexandre le Grand.
25 Le Prince illustre, p. 9 et cité par J. Rousset, L’Intérieur et l’extérieur, Paris, Corti, 1968, p. 111.
26 La Nuit des nuits, Première partie, v. 1803, p. 153.
27 Ibid., v. 1789, p. 152 ; v. 1837, p. 154 ; v. 1809, p. 153.
28 Ibid., v. 1928-1930, p. 157.
29 Ibid., v. 1799-1800, p. 153.
30 Ibid., v. 1805, p. 153.
31 Ibid., v. 1855, p. 154.
32 Ibid., v. 1810-1813, p. 153.
33 La Nuit des nuits, v. 2212-2217, p. 166.
34 Ovide, Métamorphoses, Paris, Garnier, GF, 1966, liv. XIII v. 382-398 ; liv. X, v. 162-219. Le poète latin confond la fleur tachée avec le lys que Du Bois-Hus substitue à toutes les autres fleurs : « voici que le sang, qui, s’épanchant sur le sol, avait teint le gazon, cesse d’être du sang. Une fleur naît dont l’éclat surpasse celui de la pourpre tyrienne et dont l’apparence serait celle des lis, si sa couleur n’était de pourpre, et celle des lis, d’argent. »
35 La Nuit des nuits, Première partie, v. 2242-2247, p. 167.
36 Voir Le Lys (sans nom d’auteur), Paris, Michel Aveline éditeur, 1993.
37 La Nuit des nuits, Première partie, v. 2258-2259, p. 168.
38 On trouve plusieurs herbiers contenant cette histoire du lys. Le plus connu alors est celui de J. Gerard, un herboriste anglais (The Herball, or the Final History of Plantes), datant de la fin du xvie siècle. Il est possible que Du Bois Hus ait consulté un herbier liant justement la puissance royale et les plantes, Le Jardin du roi très chrétien LXIII, publié à Paris, Rue du Four en 1623, et écrit par Pierre Vallet. On trouve plusieurs herbiers contenant cette histoire du lys. Le plus connu alors est celui de J. Gerard, un herboriste anglais (The Herball, or the Final History of Plantes), datant de la fin du xvie siècle. Il est possible que Du Bois Hus ait consulté un herbier liant justement la puissance royale et les plantes, Le Jardin du roi très chrétien LXIII, publié à Paris, Rue du Four en 1623, et écrit par Pierre Vallet.
39 Le Prince illustre, Paris, Rocolet, 1645, p. 2.
40 Ce sculpteur florentin (1571-1651) appartient à une famille d’architectes au service des rois de France (Henri IV, Louis XIII et Louis XIV). Il est le premier à être nommé avec son frère « intendant des eaux et des fontaines royales ». Il réalise ainsi non seulement les fontaines (certaines auront jusqu’à dix-huit jets d’eau) mais est aussi chargé de construire des aqueducs capables d’acheminer l’eau jusqu’à ces fontaines.
41 Le Jour des jours, Seconde partie, v. 4245-4250 ; v. 4260-4262, p. 246.
42 D’autant que la phonétique désigne le « l » de Louis comme une liquide.
43 Le Jour des jours, Seconde partie, v. 4269-4274, p. 246. Ce rapprochement de la fuite et de la suite est omniprésent chez les poètes baroques (notamment J. de Sponde et J.-B. Chassignet) lorsqu’ils dessinent la fuite du temps. On retrouve d’ailleurs ce lien chez A. de Vermeil (« Muzain », v. 1-4, p. 51) dans son évocation de la torture d’Ixion et de sa roue :
Tu te fuis, tu te suis, maudissant tes amours ;
Quand tu finis ton rond tu commences ton cours,
Tourbillon éternel du destin qui se joue.
Cependant alors que chez les poètes baroques, le lien désigne l’impossibilité d’arrêter le temps et la vie éphémère de l’homme, Du Bois-Hus fait de ce cycle un infini recommencement : au supplice d’Ixion et à l’humaine et mortelle condition, il substitue le phénix et le miracle d’une renaissance perpétuelle.
44 La Nuit des nuits, Première partie, v. 1949-50, p. 158 ; v. 2047-2049, p. 161.
45 Ibid., v. 1960-71, p. 158.
46 On ne trouve qu’une seule fois flame et ce dans le Miroir du destin, v. 5767, p. 299.
47 Le Jour des jours, Seconde partie, v. 4766-4772, p. 263.
48 Jean Rousset, L’Intérieur et l’extérieur, Paris, Corti, 1968, p. 112 et suiv., voit dans ces quelques vers le triomphe de l’artifice célébré par le poète contre la nature, et l’exaltation de l’art par lui-même. Plutôt que l’artifice, notre étude du feu montre qu’il s’agit d’une alchimie. On mélange des éléments naturels et on observe leur réaction. Le feu de Du Bois-Hus conserve certaines qualités naturelles du feu, l’éclat et la chaleur. Il tente d’en retrouver la composition : dans le trajet des vers revenant sans cesse sur le même mélange, haleine chaude, Zéphyrs chaleureux, âme nourricière ou nuages brûlant de lumière, ces qualités naissent toutes deux d’une fusion de l’air et du feu. Le feu imaginaire n’est pas un feu d’artifice, il est parfait, euphémisé, nullement dangereux. Il garde en lui des forces capables de rejoindre ce monde vivant dans la confusion des couleurs, des formes et des matières.
49 La Nuit des nuits, Première partie, v. 1956, p. 158 ; Le Jour des jours, argument de la Première partie, v. 3114, p. 203.
50 Le Prince illustre, p. 7-9.
51 Ibid., p. 65.
52 Ibid., p. 66.
53 Le Miroir du destin, v. 5330, p. 284.
54 La Nuit des nuits, Seconde partie, v. 2813-2814, p. 190.
55 Ibid., v. 2835, p. 190.
56 Le Jour des jours, argument de la Première partie, v. 3115, p. 204 ; voir aussi Le Miroir du destin, v. 5330-5331, p. 284 ; v. 5347, p. 285 : le dauphin naît dans un « berceau d’orages », et reste le « monarque des airs ».
57 L’âme donne la vie au corps et l’air existe dans la composition de toute chose : il est un souffle qui se mêle à toutes les matières.
58 C. G. Jung, Métamorphoses et symboles de la libido, Paris, Montaigne, 1932, p. 241.
59 Le Jour des jours, argument de la Première partie, v. 3190-3193, p. 205.
60 Ibid.
61 Le Jour des jours, Seconde partie, v. 4061, p. 239. Le fleuve est une couleuvre (Danube, Seine) seulement dans les vers. Le texte en prose montre les mouvements d’une eau paresseuse. Tous deux entrent ainsi dans un système d’écho et de décodage du sens de ces mouvements.
62 « À la foule » : dérive de « fouler » qui signifie justement « presser plus ou moins fortement une substance qui a un certain degré de mollesse dans le fleuve ». La paresse du fleuve était ici réprimée par ses eaux qui se précipitent et se heurtent (se foulent les unes les autres) en se jetant dans le fleuve.
63 M. Eliade, « La Lune, la femme et le serpent », Traité d’histoire des religions [1949], Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », 1990, chap. IV, 52, p. 149-150.
64 Ibid., v. 3272, p. 209.
65 La Nuit des nuits, Première partie, v. 2194-2197, p. 166.
66 La Nuit des nuits, Première partie, v. 2201, p. 166. Les « buyes » sont, d’après Furetière, des cruches ou vaisseau (vases) à mettre de l’eau.
67 Le Jour des jours, Seconde partie, v. 4179-4184, p. 243.
68 Ibid., v. 4377, p. 250.
69 Ce jeu est remarqué par J. Rousset, dans L’Intérieur et l’extérieur, Paris, Corti, 1968, p. 112 et suiv. : « Un édifice volontairement ingénieux, dans lequel l’insistance sur les procédés concentre l’intérêt sur les ressources du style et sur la virtuosité du poète artificier. »
70 La Nuit des nuits, Première partie, v. 2188-2192, p. 166.
71 Ibid., v. 1836 et v. 1831, p. 154.
72 Ibid., v. 3460-1, p. 215.
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