D’Alembert et ses correspondants
Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie
p. 33-53
Texte intégral
Sciences et belles-lettres
1L’espace de débat et d’échanges que crée d’Alembert dans ses écrits, publiés et épistolaires, est aussi un espace où se définissent les rôles et les pouvoirs du savant, entre lettres et sciences. Lorsque Charles Pougens publie après la mort de d’Alembert, en 1799, un ensemble de textes constitué pour moitié de correspondances, il présente ces Œuvres posthumes de d’Alembert1 comme pouvant « servir de suite » aux Mélanges de l’auteur. Ces Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie sont peut-être l’ouvrage le plus lu du vivant de d’Alembert. Il les complète plusieurs fois et ils sont l’objet de nombreuses éditions. Les lettres publiées par Pougens lui ont été cédées par la femme de Condorcet, légataire de d’Alembert, et avaient peut-être déjà été préparées pour l’édition par l’auteur lui-même.
2Les premiers Mélanges de 1753 ont apporté la reconnaissance littéraire à d’Alembert grâce à ce lieu de passage, entre science et philosophie, érudition et diffusion des connaissances, traditions et Lumières, qu’est le « Discours préliminaire », repris du tome I de l’Encyclopédie, mais cette fois-ci détaché de l’entreprise de la Société des gens de lettres auteur du Dictionnaire pour être repris sous le nom de d’Alembert2. L’édition de 17593 ajoute les Éléments de philosophie, lesquels précisent la pensée de d’Alembert sur l’ordre et le contenu des différents savoirs. Encensé à travers l’Europe comme l’un des plus habiles « géomètres », le secrétaire de l’Académie française, fermement engagé dans la lutte philosophique, s’est fait de nombreux ennemis. Via la correspondance et les périodiques, l’analyse de ces disputes, qui n’en sont pas moins des dialogues, permet de mieux évaluer le délicat positionnement dans la république des lettres de deux approches encore mal distinguées, mais déjà opposées : scientifique et littéraire4. Ainsi Desessarts reprend-il complaisamment les propos acides de l’abbé Sabatier de Castres :
Mais ne doit-on pas convenir qu’il [d’Alembert] a trop abusé de cette réputation [de bon littérateur], en voulant établir dans les lettres certains paradoxes qui tendent à dénaturer les genres et que l’esprit géométrique, si nous entendons par ce mot la justesse des idées, aurait dû être le premier à réprouver ? […] En exigeant des vers renforcés de pensées ; en préférant dans les vers les pensées à tout autre mérite, n’est-ce pas en bannir ce qui en fait l’agrément et la vie, l’imagination ? Assujettir les fictions, les images, la hardiesse, les écarts de la poésie au ton lourd et pénible de la vérité, c’est ôter à l’esprit humain ces charmes séducteurs qui l’attachent, le captivent et lui font goûter le vrai qu’ils ont embelli.5
3C’est en effet bien là, dans ce rapport à la vérité, que vont se jouer une partie des expertises de la Société des gens de lettres et le transfert, ou du moins la volonté de transfert de l’aptitude à parler vérité, du théologique vers le géométrique. Il n’est que de suivre le raisonnement de d’Alembert à l’article « Géomètre » de l’Encyclopédie :
La Géométrie a parmi nous des censeurs de tous les genres. Il en est qui lui contestent jusqu’à son utilité ; nous les renvoyons à la préface si connue de l’histoire de l’Académie des sciences, où les mathématiques sont suffisamment vengées de ce reproche6. Mais indépendamment des usages physiques & palpables de la Géométrie, nous envisagerons ici ses avantages sous une autre face, à laquelle on n’a peut-être pas fait encore assez d’attention : c’est l’utilité dont cette étude peut être pour préparer comme insensiblement les voies à l’esprit philosophique, & pour disposer toute une nation à recevoir la lumiere que cet esprit peut y répandre. C’est peut-être le seul moyen de faire secoüer peu-à-peu à certaines contrées de l’Europe, le joug de l’oppression & de l’ignorance profonde sous laquelle elles gémissent. […] Faites naître, s’il est possible, des géometres parmi ces peuples ; c’est une semence qui produira des philosophes avec le tems, & presque sans qu’on s’en apperçoive. L’orthodoxie la plus délicate & la plus scrupuleuse n’a rien à démêler avec la Géométrie. Ceux qui croiroient avoir intérêt de tenir les esprits dans les ténebres, fussent-ils assez prévoyans pour pressentir la suite des progrès de cette science, manqueroient toûjours de prétexte pour l’empêcher de se répandre. Bientôt l’étude de la Géométrie conduira à celle de la méchanique ; celle-ci menera comme d’elle-même & sans obstacle, à l’étude de la saine Physique ; & enfin la saine Physique à la vraie Philosophie, qui par la lumiere générale & prompte qu’elle répandra, sera bientôt plus puissante que tous les efforts de la superstition ; car ces efforts, quelque grands qu’ils soient, deviennent inutiles dès qu’une fois la nation est éclairée.7
4Comment d’Alembert a-t-il mis en pratique ce discours prosélyte qui fait de la géométrie la fondation de la pensée, et même de la « saine » pensée ? Comment cette représentation de la science s’est-t-elle diffusée au travers de ses relations, quels ont été les liens entre ses ouvrages et sa correspondance ? Nous n’évoquerons ici que quelques aspects de ces interactions, dont certaines sont en partie connues, avec Voltaire ou Frédéric II, par exemple, mais d’autres restent à découvrir8 : beaucoup d’inconnus de la république des lettres et des sciences ont ainsi souhaité correspondre avec le « flambeau de l’Europe », jetant des passerelles entre des mondes qu’il nous importe d’identifier. Nombre de jeunes mathématiciens entrent en contact avec lui dès le milieu des années 1750, mais également des musiciens, des littéraires, des voyageurs désireux de faire connaissance avec l’auteur du « Discours préliminaire ». Ainsi Alessandro Verri, venu rencontrer les philosophes et découvrir l’Europe en compagnie de Beccaria en 1766-1767, écrit-il à son frère Pietro, demeuré à Milan : « Quant à d’Alembert, il me semble être le plus grand et le meilleur de tous les Philosophes. Simple et aimable comme un ange dans la conversation. Je l’adore véritablement9. »
5Si d’Alembert, reconnu comme « grand géomètre » depuis son entrée à l’Académie des sciences en 1741 et la publication de ses traités physico-mathématiques entre 1743 et 1749, est d’emblée reconnu comme « philosophe » et même comme « le plus grand » par Verri en 1766, il le doit bien sûr à son amitié avec Voltaire10 mais plus encore à l’Encyclopédie. Pour nombre des lecteurs du Dictionnaire, le « Discours préliminaire » reste la porte d’entrée vers le monde ordonné des connaissances naturelles. Le Discours identifie les branches de l’arbre de la connaissance selon un ordre encyclopédique, en proposant une organisation génétique des savoirs et une circulation de l’un à l’autre, réifiée par le « Système figuré ». Ce tableau hérité de Bacon et de la Cyclopædia de Chambers peut et doit être lu de multiples façons, ne serait-ce que parce qu’il est une illustration à la fois du « Discours préliminaire » de d’Alembert et de l’« Explication détaillée » de Diderot, selon des épistémologies compatibles mais non superposables, à l’image des multiples usages et lectures de l’ensemble de l’Encyclopédie, dans ses différentes versions.
6Notons tout d’abord que cette division n’est pas une division disciplinaire11 mais, au moins en partie, un tableau à double entrée, soit par la fonction requise (mémoire, raison ou imagination), soit par l’objet appréhendé (selon ses qualités abstraites ou physiques).
7Si l’on regarde de plus près ce « Système figuré », on voit qu’un même objet, une planète par exemple, peut d’abord (de gauche à droite) être appréhendé :
- par la mémoire, qui garde la trace de l’« histoire » des objets et de leur recension par les hommes ;
- par la raison, qui peut s’en saisir soit comme objet abstrait soumis à des lois générales et à un calcul physico-mathématique, soit comme objet singulier soumis à une classification ;
- par l’imagination, qui s’en empare pour construire des fictions.
8Cette facette de la distinction entre sciences et belles-lettres est reprise à l’article « érudition » (signé de d’Alembert) :
On a réservé le nom de science pour les connoissances qui ont plus immédiatement besoin du raisonnement & de la réflexion, telles que la Physique, les Mathématiques, & c. & celui de belles-lettres pour les productions agréables de l’esprit, dans lesquelles l’imagination a plus de part, telles que l’éloquence, la Poésie, & c.12
9La circulation et les « passages » entre ces trois branches, mémoire, raison, imagination, sont innombrables dans l’Encyclopédie, et traités par chacun des auteurs ou des sources dans une imbrication souvent complexe. Nous ne développerons pas ici la stratégie plus tard mise en place par d’Alembert dans ses Éloges, genre relevant de la mémoire et de l’imagination, dans un style qui n’a d’autre objectif que d’établir une certaine forme de vérité sur le rôle de l’académicien. Rappelons simplement pour notre propos que d’Alembert, en tant que secrétaire perpétuel de l’Académie française, lit à partir de 1774 des éloges de membres de cette dernière, « oubliés » par ses prédécesseurs. Ces éloges, dont il publie une partie en 1779, mettent en scène, directement ou a contrario, les vertus attendues de l’académicien scientifique. D’Alembert y traite de la place de la science dans le savoir, et surtout dans la construction du lien essentiel entre attitude scientifique et attitude morale, lien qu’explicitait le paragraphe de l’article « Géomètre » cité plus haut13.
10Cela posé, nous examinerons donc la pratique concrète des échanges de d’Alembert tout au long de sa carrière académique, en repérant en particulier les points scientifiques ou littéraires sur lesquels il est sollicité par une multitude d’amateurs peu connus, et la manière dont ces demandes s’articulent avec les modifications des représentations scientifiques et littéraires de la fin de l’Ancien Régime.
La correspondance de d’Alembert
11Mais tout d’abord, quelle place la correspondance scientifique tient-elle dans la correspondance générale de d’Alembert, en volume bien sûr, en statut ensuite, et comment celle-ci s’intègre-t-elle dans le réseau de ses échanges sociaux ?
12Le corpus des lettres de ou à d’Alembert conservées comprend environ 2 300 lettres, y compris les lettres « ostensibles » que sont les lettres publiées dans les périodiques, les lettres ouvertes et les épîtres, ou encore les mémoires et textes écrits sous forme de lettres (2 165 lettres sans compter ces lettres ostensibles). Sur la figure 2 où sont indiqués les principaux correspondants étrangers à l’emplacement d’où ils écrivent, on reconnaît les correspondants scientifiques les plus importants de l’académicien parisien : Lagrange (turinois puis berlinois), Euler (à Berlin puis Saint-Pétersbourg au moment de leurs échanges), Cramer (genevois) et Frisi (milanais).
13D’Alembert conservait assez peu les lettres qu’il recevait (sauf celles de Voltaire, Frédéric II et Lagrange), mais à partir du moment où il devient célèbre, voire très célèbre, vers 1770, ses lettres sont souvent conservées par les destinataires. En effet, si l’on exclut la correspondance avec Voltaire, Frédéric II et Lagrange, nous connaissons 1 186 lettres, dont seul un tiers (390) est adressé à d’Alembert. De surcroît, la moitié de ces lettres (190) est connue par un brouillon, une copie faite par l’expéditeur ou une publication, et non par un manuscrit envoyé que d’Alembert a conservé. Un examen plus attentif montre que les lettres conservées par d’Alembert (et parvenues jusqu’à nous) sont les lettres de Voltaire et Frédéric II, ses deux correspondants les plus assidus, les lettres scientifiques (Lagrange, Euler, Laplace) et les lettres de polémique ou de louange. Quelques lettres semblent aussi, parce qu’il y subsistait du papier blanc, avoir été gardées pour servir de brouillon à ses calculs.
14Divers indices matériels montrent que d’Alembert a conservé ces lettres reçues dans un objectif de publication ou de réponse publique, comme celles que publie Pougens, et qu’elles relèvent donc bien d’un « mélange de littérature, d’histoire et de philosophie ». On sait qu’après la mort de Voltaire, sa correspondance a été rassemblée pour publication, et que d’Alembert a confié à Panckoucke ou Condorcet les lettres de Voltaire qui étaient en sa possession. C’est ainsi qu’elles ont été réunies aux lettres de Voltaire à d’Alembert dont une grande partie a ensuite été rachetée par le prince d’Orange, d’où leur appartenance actuelle aux collections de la reine des Pays-Bas. D’Alembert a confié ses papiers quelques jours avant sa mort à son ami et exécuteur testamentaire, Condorcet, ce qui explique que les 200 lettres diverses qu’il avait reçues et parfois annotées pour publication, ainsi que les 79 lettres de Lagrange, se soient retrouvées dans les papiers de Condorcet, à la trajectoire complexe, aujourd’hui conservés en partie à la bibliothèque de l’Institut14. Au passage (de la Révolution, des différentes transmissions ?), la correspondance entre d’Alembert et Condorcet a malheureusement disparu. De nombreuses correspondances (Cramer, Frisi, Dutens, Duché, par exemple) ne sont connues que pour moitié, d’autres uniquement parce qu’elles sont mentionnées par des tiers.
15Une première estimation des fantômes (lettres explicitement attestées mais non conservées) double cette quantité. Si l’on tient compte des échanges épistolaires connus par allusion, mais dont nous n’avons aucune trace, on arrive à une correspondance générale d’au moins cinq ou six mille lettres échangées.
16Il a été question plus haut d’environ 2 300 lettres conservées, l’approximation tenant bien sûr au fait que l’on trouve régulièrement de nouvelles lettres, mais également aux frontières fluctuantes de la définition de ce qu’est une lettre au XVIIIe siècle. L’ambivalence entre privé et public tient à la fonction et au choix polémiste de certains écrivains scientifiques des Lumières, et particulièrement de d’Alembert : la lettre réellement épistolaire et la lettre académique ou la lettre ostensible, voire la lettre-mémoire sont parfois difficiles à distinguer entre elles. La spécificité fonctionnelle est celle d’une correspondance d’académicien où l’ambiguïté existe toujours entre la fonction de secrétaire d’une académie et le rôle d’homme de lettres, et la spécificité polémique est celle qui s’exerce par exemple dans l’écriture des mémoires ou essais intitulés « lettres », lettres non épistolaires dont chaque cas est à examiner séparément.
17La correspondance de d’Alembert avec Lagrange présente toutes les caractéristiques d’une correspondance scientifique : information, médiation, légitimation. On y trouve des calculs, des démonstrations, des idées mathématiques, mais également des recommandations pour des places ou la mise en œuvre de réseaux, ainsi que des jugements, des débats qui créditent ou discréditent certaines positions. Et par chance, on lit aussi dans la lettre du 2 mars 1765, sous la plume de d’Alembert, la définition claire d’une stratégie de « fausses lettres » pour les Mémoires de Turin, dans le paysage éditorial du XVIIIe siècle recomposé par l’inflation des journaux, leur diffusion et leur poids discursif :
À l’égard de ce que vous me proposez, mon cher et illustre ami, d’insérer un Ouvrage de ma façon dans vos Mémoires, c’est un honneur auquel je suis très-sensible et auquel je désire fort de pouvoir répondre. Mais comme je veux éviter les tracasseries avec l’Académie, où je ne donne point de Mémoires par les raisons que je vous ai dites, et même avec l’Académie de Berlin, où depuis longtemps je n’en envoie pas non plus, voici ce que je pourrais faire : ce serait de vous écrire une grande Lettre où je traiterais fort sommairement différentes matières et où (ce qui est plus important et plus cher pour moi) j’aurais occasion de vous rendre, sans avoir aucun air de flatterie, la justice que vous méritez. Vous pourriez donner à cet écrit le titre d’Extrait de différentes Lettres de M. d’Alembert à M. de La Grange ; ce serait comme une espèce d’analyse des principales choses que je dois traiter dans le quatrième Volume de mes Opuscules. Voyez si cela vous convient, et, en ce cas, dites-moi dans quel temps il faudra que cela soit prêt.15
18Ce mémoire, puis d’autres, ont en effet paru sous le titre de lettres, et les lecteurs, comme les éditeurs ultérieurs, les ont pris pour telles. Ces mémoires sont peu différents, quant à leur contenu mathématique, des lettres « réelles » échangées avec Lagrange, lesquelles, comme les lettres de Varignon ou Leibniz, puis d’Euler, ont souvent été lues en séance d’académie, parfois publiées. Cette reconnaissance est justement ce qui permet à un statut d’« auteur scientifique » d’émerger. Le texte est expertisé puis légitimé par un petit groupe de pairs, qu’ils expriment leur accord ou leur réprobation comme le montrent les polémiques dont les journaux se font l’écho. Mais ce texte est à tout le moins reconnu et non pas passé sous silence comme la kyrielle de mémoires que les académies reçoivent et oublient.
19L’inégalité de la répartition des lettres sur la période 1741-1783 permet un premier pointage des événements marquants de la carrière de d’Alembert, correspondant à différentes modalités de « passage » entre science et littérature.
20D’Alembert rédige ses grands traités scientifiques entre 1743 et 1756, alors qu’il est déjà entré à l’Académie des sciences (en 1741). Il n’en gravit le dernier échelon qu’en 1756, ce qui fait définitivement de lui un « grand géomètre », au sens où le mot « géomètre » s’emploie au XVIIIe siècle comme synonyme de « mathématicien ». Il s’est par ailleurs fait connaître par le « Discours préliminaire » de 1751, comme coéditeur de l’Encyclopédie, renommée qu’il exploite avec la première édition des Mélanges en 1753, contenant le provocateur Essai sur les gens de lettres, et surtout la réédition de son « Discours préliminaire », ce qui est une façon, à la fois d’en assurer une diffusion plus grande, et d’investir le texte comme « auteur ».
21Dans cette première période, peu de lettres, mais denses, comme ses échanges avec Euler et Cramer, ainsi qu’avec le monde des salons, Mme Du Deffand ou Mme de Créquy. Il ne subsiste que peu de traces des échanges autour de l’Encyclopédie, période d’intenses travaux entre 1746 et 1758. On peut penser qu’une partie des échanges étaient oraux, et que la part écrite l’était sous forme de billets aujourd’hui disparus, comme les papiers des libraires autres que leurs comptes. De façon générale, de nombreux indices montrent que la correspondance conservée de cette période, sans doute la plus mondaine de d’Alembert, est très lacunaire.
22Il est alors également très présent à l’Académie royale des sciences, qui tient deux séances d’une après-midi chacune par semaine. À partir de son élection à l’Académie française, lorsque les séances sont simultanées, sa préférence va aux trois séances hebdomadaires de la française. Une partie des échanges pouvait donc se dérouler lors de ces séances, dont nous n’avons aucune trace, ni directement ni indirectement16.
231759, année dont presque aucune lettre n’est parvenue jusqu’à nous, est pourtant une année charnière pour le philosophe. À cette date paraît la seconde édition de ses Mélanges, riche des Éléments de philosophie, de l’éloge de Montesquieu extrait du tome III de l’Encyclopédie, et d’autres petits textes, alors que d’Alembert vient de quitter avec fracas la codirection de l’Encyclopédie, désormais « interdite ». Fin des traités, début des Opuscules (1761-1783, neuf volumes), fin du travail encyclopédique, autre forme de la lutte philosophique, en tandem avec Voltaire.
24Si les séances académiques, comme le courrier électronique aujourd’hui, nuisent aux échanges papier, les voyages en revanche donnent clairement une impulsion aux correspondances. D’Alembert lui-même a très peu voyagé, mais il a noué des amitiés avec beaucoup de visiteurs, hume, Galiani, Caracciolo et le très intéressant voyageur Louis Dutens, « passeur » à de nombreux points de vue, depuis une préface aux Œuvres de Leibniz demandée à d’Alembert jusqu’à une levrette blanche que Mlle de Lespinasse aurait aimé le voir lui importer d’Angleterre.
25Les brusques accroissements des échanges épistolaires de d’Alembert17 avec Voltaire, Frédéric II et Lagrange sont toujours corrélés à des voyages. Le premier pour rendre une rapide visite à Frédéric II à Wesel en 1755, le second pour voir Voltaire à Genève en 1756, source non seulement du fameux article « Genève », mais également point de départ d’une amitié ancrée dans les combats voltairiens, « écrasez l’Infâme ! ». Enfin, le dernier voyage à Ferney en 1770, en compagnie de Condorcet, consolide les liens avec Voltaire et devient le point de départ des échanges entre Condorcet et Voltaire.
26Entre-temps, la guerre de Sept Ans à peine achevée, d’Alembert s’est empressé d’aller rendre hommage au monarque prussien. C’est à partir de ces quelques mois communs que va se développer l’amitié épistolaire avec Frédéric II, sans que d’Alembert n’ait jamais voulu aller au-delà. Les discussions de vive voix permettent au brillant philosophe18 d’établir un lien que la relation épistolaire et les échanges de bons procédés suffisent à tenir vivace.
27Par ailleurs, le statut de correspondant privilégié de Voltaire (à partir de 1756) et de Frédéric II (à partir de 1763), largement donné à voir par les périodiques, contribue à modeler l’image du savant philosophe, à la croisée des compétences et des reconnaissances, à la croisée des recommandations, également.
28C’est bien ce qui va se jouer entre d’Alembert et Lagrange, unis par leur pratique mathématique, mais également par l’initiative que prend le premier de « placer » le second comme directeur de la classe mathématique de l’académie de Frédéric II, lorsqu’Euler part pour Saint-Pétersbourg en 1765.
29Nous entrons alors dans les pleines années d’activité « littéraire » de d’Alembert, mais aussi politique, d’abord avec la direction de l’Académie des sciences en 1769, le secrétariat de l’Académie française en 1772, la proximité avec le ministère Turgot de 1774 à 1776, et enfin la rédaction et la publication de ses Éloges en 1779. Cette activité littéraire se double d’une activité scientifique avec la publication de huit volumes d’Opuscules entre 1761 et 1781.
30Mais une autre activité, elle aussi tributaire des voyages, cette fois-ci des étrangers vers la France, va contribuer à enrichir la correspondance de d’Alembert. Cette activité est la tenue du « salon » quasiment quotidien qui est ouvert tous les soirs chez d’Alembert et Mlle de Lespinasse, rue Saint-Dominique, à partir de la fin 1764. C’est dans ce salon que vient hume, pendant ses deux années parisiennes, mais aussi Dutens, Galiani, Caracciolo, les ambassadeurs des pays du Nord et même de l’Espagne éclairée, comme le marquis de Mora. Ils y côtoient Condorcet, Morellet, l’abbé Arnaud, Turgot, Marmontel. Mlle de Lespinasse meurt en 1776, et avec elle une partie de l’énergie de d’Alembert. Mais, en même temps que Mlle de Lespinasse, meurt le ministère Turgot, dans lequel d’Alembert et Condorcet avaient tant investi.
31Bien entendu, cette analyse tient compte du type de lettres échangées et d’une estimation des lettres perdues, en particulier presque toute la correspondance entre d’Alembert et Mlle de Lespinasse ou entre d’Alembert et Condorcet.
« Liberté, vérité, pauvreté » : le rôle d’un passeur
32Terminons par quelques figures illustrant sous différents jours ce passage entre science et littérature, que l’on voit évoluer vers une plus grande séparation, non pas nécessairement des modèles, mais des pratiques : Cramer en 1748, Necker en 1765, Ray et Dutens en 1766, Laplace en 1769, Roubin en 1773, Bernardin de Saint-Pierre en 1774-1776.
33La correspondance de d’Alembert avec le mathématicien genevois Gabriel Cramer, après le passage de ce dernier à Paris, montre l’intrication des transmissions scientifiques et littéraires :
Les meditations les plus profondes, mon cher monsieur, sont agreablement troublées par des lettres comme les votres, & mes travaux ne sont pas assés importans pour que je ne les sacrifie pas au plaisir de m’entretenir avec vous. Je sens toute la perte que nous avons faite en vous perdant, et je suis charmé que vous vouliés bien me permettre de m’en dedommager quelquefois. Vous ne pouviés refuser votre amitié à l’estime que j’en fais, et je voudrois vous avoir donné de plus grandes preuves de la mienne, et du cas infini que je fais de vous à tous égards. Je n’ay pas besoin de vous dire que vous ne devés point prendre cela pour un compliment : ce seroit me faire une espece d’injure, & je suis bien plus sensible à la réputation d’homme sincere qu’a toute autre ; je l’ay cherchée aux depens de ma propre fortune. Croyés donc que je ne connois personne qui réunisse à la fois plus de connoissance, plus d’esprit, plus de Philosophie speculative & pratique, plus de goût, et un caractère plus aimable dans la societé ; voilà ce que je pense de vous, et ce que je mourois d’envie de vous dire après l’avoir dit a toutes nos connoissances communes.
Plus j’examine la Theorie de la lune19 […].
Nous n’avons de livres nouveaux qu’une Histoire des Sarrasins traduite de l’anglois, qu’on dit bonne, et que je n’ay pas lûe, & l’histoire de Jovien par l’abbé de la Bleterie qui me paroit bien ecrite, mais d’un style, ce me semble, un peu trop oratoire. Les comediens françois ont donné une Péruvienne qui a eté renvoyée le meme jour à Cusco. On a trouvé que ses lettres valoient mieux que sa personne. Nous avons deja beaucoup de materiaux pour l’Encyclopedie, et des parties considerables toutes faites.20
34Avec Cramer, le passage se fait d’égal à égal en terme de compétence, mais d’Alembert a également formé et soutenu de jeunes mathématiciens, sans que la postérité les ait retenus, comme le frère du financier bien connu, Louis Necker (1730-1804), qui écrit à un autre correspondant genevois de d’Alembert, Georges-Louis Le Sage :
M. d’Alembert est un homme d’un commerce charmant. Je le vois tous les jours à toute heure. Particulièrement nous vivons ensemble depuis sept heures et demie du soir à neuf heures et demie […] il est extrêmement obligeant et communicatif, j’en reviens toujours avec l’esprit enrichi de quelques nouvelles connaissances.21
35Ainsi formé, le jeune scientifique écrit pour l’Encyclopédie et devient correspondant académique de d’Alembert. Cette prometteuse entrée dans la carrière est mise à mal en 1760 par le rocambolesque adultère de Louis Necker avec Mme Vernes. Cet épisode permit à Voltaire de railler les Genevois :
[…] et ces bons mariages de Genève ? Qu’en diriez-vous ? Votre professeur Necker n’allait point à la comédie, mais il besognait la femme de Vernes le marchand […] qui n’allait pas à la comédie, mais a sanglé un coup de pistolet à Necker le professeur […].22
36Mais d’Alembert ne protège pas que de jeunes bourgeois gagnés par la passion des sciences, puisqu’il est sollicité, avec succès, par un prêtre désireux de sortir un jeune prodige mathématicien d’une destinée misérable :
L’intérêt général que vous prenez en qualité de philosophe au progrès des sciences, l’intérêt particulier que votre goût pour les mathématiques vous donne pour tout ce qui y a rapport, et enfin votre dévouement au bien public me portent à prendre la liberté de m’adresser à vous ; voici le sujet de cette démarche : j’ai découvert dans nos cantons des Vosges au commencement de cette année un enfant que je crois destiné, ou propre à être un jour un très grand mathématicien.23
37D’Alembert a placé les jeunes savants qu’il estimait, en particulier à l’école militaire, comme Laplace que lui avait recommandé un professeur de philosophie de Caen et auquel il écrit :
Il est juste de vous laisser la satisfaction d’annoncer à M. l’abbé de Laplace sa bonne fortune. Vous pouvez lui dire qu’il est sûr d’une place de professeur de mathématique à l’école militaire ; et lui répéter les conditions […]. Si ces conditions lui conviennent, il faut 1 ° qu’il me l’écrive sur-le-champ, car je pars le 7 septembre à la campagne […]. J’espère que M. l’abbé de Laplace, par son zèle, son assiduité et sa bonne conduite, fera honneur à ma recommandation. J’oublie de vous dire qu’il n’aura que trois à quatre heures à donner, tous les matins, à la classe, et que le reste du temps sera à lui […].24
38Lorsqu’en 1765 Lagrange propose à d’Alembert de rédiger la préface d’une édition des œuvres de Leibniz, celui-ci refuse et le travail éditorial revient à Dutens, occasion, lorsque le Tourangeau cosmopolite vient à Paris, de nouer une amitié qui ira jusqu’à trouver la petite chienne blanche désirée par Mlle de Lespinasse :
Vous aurez su sans doute l’arrivée de notre ami à Berlin, il m’y paraît très content, et le Roi très content de lui, c’est là ce qu’ils m’ont écrit l’un et l’autre […]. Mlle de Lespinasse […] se flatte aussi que vous n’avez pas oublié la commission dont vous avez bien voulu vous charger, de lui chercher une petite levrette blanche et de la lui apporter. Si votre retour devait tarder encore quelque temps, elle vous serait très obligée de vouloir bien remettre cette petite levrette à M. le comte Véry, gentilhomme milanais, qui est actuellement en Angleterre, d’où il doit revenir bientôt en France.25
39Quand bien même la flatterie est présente (d’Alembert « flambeau de l’Europe »), la notoriété littéraire va de pair avec l’utilité scientifique (« Si vous jugez utile cette nouvelle méthode ») :
Puis-je me flatter, Monsieur, que n’ayant pas l’honneur d’etre connu de vous, je seray cependant assez heureux, pour que vous daigniés me répondre : je conviens qu’un scavant tel que vous peut s’en dispenser, sans qu’on aye lieu de s’en plaindre ; votre temps est trop pretieux, trop utile au public, pour que vous en perdies une partie en d’ennuieuses correspondances : puisqu’avec raison on vous regarde comme le flambeau de l’europe, c’est vers vous qu’il faut aller pour etre éclairé. […]
Navigant sur la mer Baltique avec le regiment de Perigord dans lequel j’avois l’honneur d’etre lieutenant, je m’amusois quelque fois a evaluer en lieues marines une portion de cercle parallèle à l’équateur […]. Feuilletant dernièrement le cours de mathématique de M. Bezout […]
Si vous jugez utile cette nouvelle methode je vous l’enverrois un peu plus detaillee pour etre inseree dans les memoires de l’Academie.26
40Enfin, à partir du 20 juillet 1774, lorsque Turgot devient ministre de la Marine, et plus encore à partir du 26 août lorsque Louis XVI le nomme ministre d’état et contrôleur général, Mlle de Lespinasse et d’Alembert sollicitent Condorcet qui appuie leurs demandes auprès de Turgot, en particulier pour Bernardin de Saint-Pierre27. Condorcet écrit à Turgot, dès la fin juillet :
Vous vous souvenez du livre du chevalier de Saint-Pierre, et quoique vous n’ayez point partagé notre enthousiasme, vous devez convenir que c’est l’ouvrage d’un homme d’esprit et d’un homme honnête. Il a même des vertus, de la noblesse, du désintéressement, de la reconnaissance ; il souffre le malheur et la pauvreté avec courage.
Il dépend de votre département, et vous pouvez le servir et l’employer. Vous avez un si grand besoin de gens honnêtes pour opposer à toute la canaille des Colonies, des ports et des bureaux, que je me crois obligé de vous annoncer tout ce que je connais d’honnêtes gens.28
41Le ton est donné d’emblée : il s’agit de recommander sur des mérites réels (Saint-Pierre avait une formation d’ingénieur) et utiles à tous. L’attestation est collective, émanant implicitement du cercle de Mlle de Lespinasse (« notre enthousiasme »). La pauvreté de Saint-Pierre est présentée comme une vertu, à rapprocher de son désintéressement. On retrouve la vertu prônée par d’Alembert pour l’homme de lettres dans l’Essai sur les gens de lettres, vertu qui lui permet de supporter « avec courage », comme le dit Condorcet, les effets de son indépendance et de sa liberté par rapport aux différentes asservissements. En d’autres termes, Condorcet traduit cette vertu en « honnêteté » qui le différencie des « canailles », gouvernées par l’intérêt individuel et non par l’intérêt du bien public.
42Avec Cramer, l’ami et égal, mathématicien et philosophe, qui voit la vie mondaine par les yeux de ses amis, « passent » des informations scientifiques tout autant que littéraires. À l’autre bout du spectre de la notoriété scientifique, on trouve le prêtre Ray, maillon d’un circuit de promotion sociale prônée par des philosophes louant le mérite par opposition à la naissance. Que d’Alembert, dont de nombreux Éloges reprennent cette thématique, ait conservé les lettres de Ray ne doit pas nous étonner. Le réseau scientifique de d’Alembert le met également en relation avec de jeunes mathématiciens prometteurs, Louis Necker, comme plus tard Lagrange, Condorcet et Laplace, réseau toujours proche de celui de la reconnaissance académique, mais également avec des officiers, des ingénieurs, des amateurs, soucieux de se rapprocher des circuits de légitimité.
43À l’issue de ce parcours, on constate que si la république des sciences n’est pas régie, au XVIIIe siècle, par d’autres règles que celles de la république des lettres, les réseaux et les protocoles de reconnaissance se différencient suffisamment pour que le rôle des « passeurs » s’en trouve valorisé.
44Les pratiques s’autonomisent progressivement, selon un mode qui n’est ni linéaire ni simultané entre les diverses branches du savoir. La différence est rendue visible par les productions académiques et le discours scientifique que les académies légitiment. Regarder en amont du « tournant des Lumières », en amont de la disciplinarisation, quels sont les espaces d’interaction entre science et littérature permet d’identifier comment circulent les savoirs et comment l’auteur scientifique revendique et négocie sa place dans ces nouvelles configurations.
45De ce point de vue, d’Alembert est un « passeur » incontournable : membre éminent et influent de l’Académie royale des sciences dont son disciple, Condorcet, devient secrétaire perpétuel en 1773, « chef du parti des philosophes » comme le caricaturent ses détracteurs, membre remuant de l’Académie française dont il devient le secrétaire perpétuel en 1772, il est ainsi idéalement placé à une croisée, à un carrefour.
46À la croisée des savoirs, dès l’Encyclopédie dont il est chargé en 1746 de diriger la partie mathématique et physique, c’est-à-dire de relire, voire de recruter les contributeurs à cette partie, tout en veillant à une certaine cohérence épistémologique, sans cesse émiettée par les différents apports, sans cesse rafistolée, repensée par d’Alembert depuis le « Discours préliminaire » de 1751 jusqu’aux Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie de 1759.
47Enfin, carrefour des discours, puisque le secrétaire perpétuel rédige les éloges qui disent ce qu’il faut retenir d’une vie de savant ou d’homme de lettres, ou mieux encore que retenir, comment tenir ensemble les différents éléments d’une vie, quel modèle offrir, quelles qualités promouvoir, quels défauts dénigrer. Le « géomètre » de l’Académie des sciences, quant à lui, va non seulement dire quelle géométrie faire, mais quel est le chemin qui mène à la « saine physique » dégagée de toute superstition. Un catéchisme moral, en somme.
Notes de bas de page
1 Œuvres posthumes de d’Alembert, Paris, Charles Pougens imprimeur-libraire, 1799, 2 vol., t. 1, p. vi.
2 La première édition des Mélanges paraît en 1753, un an avant l’entrée de d’Alembert à l’Académie française. Reprendre le « Discours préliminaire » du premier volume de l’Encyclopédie (1751) est de la part de d’Alembert, me semble-t-il, une façon habile de faire glisser ce texte essentiel du statut de préface d’un ouvrage collectif à celui d’œuvre phare de sa production.
3 Pour l’édition complexe des Mélanges de d’Alembert, voir Jean-Pierre Schandeler (responsable de la série IV, « écrits philosophiques, historiques et littéraires », des Œuvres complètes de d’Alembert aux éditions du CNRS), « D’Alembert et la “fabrication” des Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie », dans L’Homme et la Science (actes du congrès Guillaume Budé, Montpellier, 1-4 septembre 2008), Paris, Les Belles Lettres, à paraître.
4 Sur la question des relations entre réseaux scientifiques et littéraires au XVIIIe siècle, voir Irène Passeron, « La république des sciences : réseau des correspondances, des académies et des livres scientifiques au XVIIIe siècle », Dix-huitième siècle, n° 40, 2008, p. 5-28, http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00361446
5 Nicolas Toussaint Lemoyne Desessarts (1744-1810), Les Siècles littéraires de la France, an VII [1800], t. 1, p. 23, qui reprend le texte de l’abbé Sabatier de Castres, Les Trois Siècles de la littérature françoise, La haye/Paris, Moutard, 1779 (4e édition), 4 vol., t. 1, p. 14-15, légèrement modifié par rapport à la première édition de 1772 (Les Trois Siècles de notre littérature, Amsterdam/Paris, Gueffier-Dehansi, 3 vol., t. 1, p. 16-17) qui contenait déjà l’expression que je souligne.
6 Bernard de Fontenelle, « Préface sur l’utilité des mathématiques et de la physique », dans Histoire de l’Académie royale des sciences avec les mémoires de mathématiques et de physique, 1699.
7 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. 7, 1757, p. 628b-629a.
8 L’Inventaire analytique de la correspondance de d’Alembert, édition d’Irène Passeron avec la collaboration d’Anne-Marie Chouillet et Jean-Daniel Candaux, vol. 1 de la série V, « Correspondance générale », des Œuvres complètes de d’Alembert, Paris, CNRS éditions, 2009, recense et analyse les 2 300 lettres connues, dont plusieurs centaines de lettres inédites. Le texte intégral des lettres sera publié et annoté dans l’ordre chronologique, avec notices biographiques, dans les onze volumes suivants. La base de données de la correspondance est interrogeable dès maintenant sur le site Internet du Groupe D’Alembert : http://dalembert.obspm.fr
9 Pietro et Alessandro Verri, Voyage à Paris et à Londres 1766-1767, traduction de l’italien et notes de Monique Baccelli, Paris, Laurence Teper éditions, 2004, p. 59.
10 L’échange épistolaire connu commence en 1746.
11 Et pour cause, la notion de « discipline » n’étant en général guère pertinente au XVIIIe siècle. Voir Jean Boutier, Jean-Claude Passeron et Jacques Revel (dir.), Qu’est-ce qu’une discipline ?, Paris, éditions de l’EhESS, 2006, en particulier Jean-Louis Fabiani, « à quoi sert la notion de discipline ? », p. 11-34.
12 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. 5, 1755, p. 914a.
13 Parmi les travaux déjà menés sur les Éloges, voir : Olivier Ferret, « Charité et bienfaisance dans les éloges, par d’Alembert, des “prélats académiciens” », dans Christiane Mervaud et Jean-Marie Seillan (dir.), Philosophie des Lumières et valeurs chrétiennes. Hommage à Marie-Hélène Cotoni, Paris, L’harmattan, coll. « Ouverture philosophique », 2008, p. 363-383 ; Olivier Ferret, « Les “réflexions philosophiques” dans les éloges académiques de d’Alembert : le cas de l’éloge de Bossuet », Bollettino di storia delle scienze matematiche, vol. 28, fasc. 2, 2008, p. 255-272 ; Irène Passeron, « D’Alembert : construction d’une identité scientifique au XVIIIe siècle », Jahrbuch für Europäische Wissenschaftskultur, vol. 4, 2008, p. 11-34.
14 Voir « historique des manuscrits et des fonds. Les papiers de d’Alembert », dans Inventaire analytique de la correspondance de d’Alembert, op. cit.
15 D’Alembert à Lagrange, 2 mars 1765, lettre 65.17, Inventaire analytique, ibid.
16 Les registres de l’Académie française ne mentionnent que les présences et de rares événements : remise des prix, lettres importantes reçues. Les registres de l’Académie royale des sciences, plus complets, notent les mémoires et les lettres lus, en indiquant par quel membre ils l’ont été. Cela donne une idée des échanges avec l’extérieur, mais jamais ou presque des échanges internes. La bienséance académique veut que l’on passe sous silence les polémiques. Ces débats internes ne sont que très rarement mentionnés dans les correspondances.
17 Voir les diagrammes des correspondances avec Voltaire, Frédéric II et Lagrange dans Irène Passeron, « La correspondance de d’Alembert. Un réseau européen ? », Bollettino di storia delle scienze matematiche, vol. 28, fasc. 2, 2008, p. 137-153.
18 Les témoignages d’époque sur d’Alembert, critiques ou laudateurs, mentionnent tous son talent à rendre une conversation brillante, mêlant gaité et érudition.
19 Ici, d’Alembert fait part à son ami de ses doutes et hypothèses concernant l’écart entre valeurs théoriques et valeurs observées du mouvement de l’apogée de la Lune, écart susceptible de remettre en cause la théorie newtonienne de la gravitation, à l’origine de la « crise newtonienne » des années 1747-1749. à ce sujet, voir Premiers textes de mécanique céleste, 1747-1749, édition de Michelle Chapront-Touzé, vol. 6 de la série I, « Traités et mémoires mathématiques, 1736-1756 », des Œuvres complètes de d’Alembert, Paris, CNRS éditions, 2002, en particulier l’introduction historique.
20 D’Alembert à Gabriel Cramer, 16 juin 1748, lettre 48.04, Inventaire analytique de la correspondance de d’Alembert, op. cit. Voir également la rubrique correspondance du site : http://dalembert.obspm.fr
21 29 janvier 1756, cité par élisabeth Badinter. Plus généralement, pour les amitiés et stratégies genevoises de d’Alembert, voir élisabeth Badinter, Les Passions intellectuelles, Paris, Fayard, 2002, t. 2, p. 212-223, et pour l’affaire Necker, voir élisabeth Badinter, « Passions genevoises en 1760, ou l’envers de la médaille », Antemnae [Rome], août 2001, p. 5-19.
22 Voltaire à d’Alembert, 30 octobre 1760, lettre 60.37, Inventaire analytique de la correspondance de d’Alembert, op. cit.
23 Ray (prêtre, docteur en théologie à Saint Dyez [Saint-Dié] en Lorraine) à d’Alembert, 14 novembre [1766], lettre 66.83, ibid. D’Alembert a conservé les deux lettres de ce prêtre, qui montrent qu’il a répondu, au moins en partie, à la demande que Ray lui avait faite de trouver une place pour le jeune garçon.
24 D’Alembert à Pierre Le Canu (vers 1745-1795), 25 août 1769, lettre 69.56, Inventaire analytique, ibid.
25 Louis Dutens (1730-1812) à d’Alembert, 15 décembre 1766, lettre 66.97, Inventaire analytique, ibid.
26 Le chevalier Adrien de Roubin (1715-1793) à d’Alembert, 21 août 1773, lettre 73.84, Inventaire analytique, ibid.
27 Pour plus de détails sur les interventions de d’Alembert, Mlle de Lespinasse et Condorcet en faveur de Bernardin de Saint-Pierre, voir Irène Passeron, « Liberté, vérité, pauvreté : Bernardin de Saint-Pierre chez d’Alembert et Mlle de Lespinasse », dans Catriona Seth et éric Wauters (dir.), Autour de Bernardin de Saint-Pierre : les écrits et les hommes des Lumières à l’Empire, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du havre, 2010, p. 31-51, http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00361464
28 Condorcet à Turgot, Correspondance inédite de Condorcet et de Turgot 1770-1779, édition de Charles henry, Genève, Slatkine Reprints, 1970, lettre 134, p. 183 (datation restituée : 25 juillet 1774).
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