Introduction
p. 7-32
Texte intégral
1Les figures du monde des sciences et de la pensée qui forment le sujet de cet ouvrage nous invitent à réfléchir sur les interactions qui peuvent être observées, au tournant des Lumières1, entre divers champs de savoirs et de curiosités, ainsi qu’entre des genres littéraires et les publics auxquels s’adressent les savants, gens de lettres et publicistes. En choisissant d’examiner les relations qui se tissent entre la science et la littérature chez un certain nombre d’auteurs du milieu du XVIIIe siècle aux années 1830, les études rassemblées se proposent d’interroger dans quelques pays européens une période longue que l’on pourrait définir de transition parce que s’y façonnent des identités nouvelles et qu’elle est riche en tentatives de relégitimation de leur propre rôle par les milieux intellectuels et savants. Du même coup, nous sommes invités à examiner comment, en liaison avec une sociabilité savante conçue comme mode de relations sociales propre à favoriser l’échange des connaissances, se déploient et se transforment des écritures relevant à divers titres des belles-lettres. Au sein des milieux qui promeuvent cet échange, les textes produits manifestent, modèlent et diffusent des attitudes nouvelles vis-à-vis des savoirs, qu’il faut interroger en tenant compte des enjeux moraux, épistémologiques et esthétiques, mais aussi politiques et sociaux, qui orientent les activités des savants et provoquent des rivalités entre eux2. La recomposition des disciplines est un phénomène majeur de la période envisagée, qui prélude à la spécialisation des savoirs et des domaines d’exercice de la curiosité intellectuelle propre au XIXe siècle. On ne doit cependant pas perdre de vue que les savants et gens de lettres sont tout à la fois des producteurs du savoir, le cas échéant des divulgateurs, et toujours des membres de la société civile, ce qui conduit à s’interroger simultanément sur les modalités de la circulation entre les savoirs et sur la place des « agents » de cette circulation dans la société.
La promotion des « gens de savoir » au XVIIIe siècle
2Ces années qui couvrent presque un siècle, entre les débuts de l’Encyclopédie et l’épanouissement du romantisme, sont un moment favorable à la promotion de l’homme de lettres et du savant, peu à peu hissés au cœur de la dynamique de la reconnaissance sociale même si les années révolutionnaires mettent durement à l’épreuve cette tendance. L’homme de lettres tout d’abord, l’exemple de Voltaire le prouve, devient l’objet d’un culte grâce au transfert, dans la vénération collective pour les grands hommes, des héros qui se sont illustrés sur les champs de bataille vers les philosophes et autres bienfaiteurs pacifiques de l’humanité. Un tel processus a abouti à la « panthéonisation » des écrivains des Lumières, réalisée à partir de 1791 autour des figures de Voltaire et de Rousseau, mais fruit d’un long processus3. Même si, par-delà la Révolution, les obstacles à cette promotion n’ont pas disparu comme en témoignent le heurt entre Napoléon, la pensée libérale de Benjamin Constant et les Idéologues, non moins que la tension du Premier consul puis de l’Empereur avec Chateaubriand, la figure de l’écrivain a fini par se trouver « sacralisée », et l’écriture littéraire, par ricochet, s’est revêtue d’un prestige jusqu’alors inégalé4.
3Le savant n’est cependant pas en reste, et il nous faut bien garder en mémoire que dans la distinction qu’opère Duclos en 1751 entre trois types de gens de lettres, il y a place pour le physicien et le naturaliste autant que pour les amateurs de belles-lettres. Les lettrés dont parle Duclos comprennent en effet les « Savans qu’on appelle aussi érudits », les « Savans qui s’occupent des Sciences exactes » et les « beaux esprits », parmi lesquels dominent les philosophes5. En d’autres termes, le numismate, le mathématicien et le philosophe sont tous trois considérés dans la seconde moitié du XVIIIe siècle comme des savants, des personnes qui « savent » et écrivent, et qui de ce fait appartiennent à la communauté des gens de lettres. Cela facilite les échanges entre science et littérature dont d’Alembert est le premier à nous donner l’exemple.
4La question du statut de l’homme de lettres au XVIIIe siècle, souvent abordée depuis une vingtaine d’années, ne peut être dissociée de la faveur croissante dont jouissent les spécialistes de sciences exactes et naturelles. On se souvient des contributions de Roger Chartier et Vincenzo Ferrone6, des travaux de Didier Masseau7, de la réflexion renouvelée par Antoine Lilti sur l’univers des salons8, attentive à souligner la fonction qu’ils eurent moins en tant que lieux de discussion et de diffusion des idées des Lumières que comme centres de sociabilité mondaine propices aux rivalités et intrigues politiques, organisant les mécanismes de la réputation. C’est que les contacts entre savants et gens de lettres se tissent sur fond d’une logique de compétition non seulement entre individus mais aussi entre des catégories qui peu à peu s’autonomisent. On notera dans les pages qui suivent l’importance qu’eurent dans le cadre de ce combat, pour les différents acteurs retenus, une série d’événements culturels, religieux ou scientifiques auxquels les circonstances politiques ne furent pas étrangères, qu’il s’agisse du « Discours préliminaire » de l’Encyclopédie (1751), de la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773 par Clément XIV – les jésuites ont jusque-là occupé le devant de la scène dans le monde des sciences9 – et de la croissance de milieux novateurs parmi les catholiques, favorables à la réconciliation entre science et littérature. Souvenons-nous que Bernardin de Saint-Pierre doit la reconnaissance de ses qualités techniques et administratives d’ingénieur à sa fréquentation du salon de Mlle de Lespinasse entre 1772 et 1775 et à la proximité de d’Alembert avec le pouvoir politique en la personne de Turgot. Non moins décisifs ont été le déclenchement de la Révolution française et le coup d’état du 18 brumaire an VIII. Cabanis est proche des girondins puis du Directoire et de Bonaparte, Michaud s’inscrit durablement du côté de la contre-révolution et de l’idéologie royaliste. On n’oubliera pas non plus le rôle joué par la volonté affichée des thermidoriens puis du Directoire de promouvoir, dans la lancée de l’effort de guerre de l’an II, une véritable république des savants. Celle-ci trouva son pivot dans l’Institut national créé le 25 octobre 1795, et les Idéologues – dont Cabanis fit partie – devinrent les fondateurs d’une conscience révolutionnaire qui fut à l’origine, comme l’a montré Georges Gusdorf, de la « République des Professeurs » sous la IIIe République10.
Formation et fonction des élites intellectuelles au tournant des Lumières
5Si les historiens des milieux intellectuels s’appliquent le plus souvent soit à décrire et inventorier les lieux de sociabilité, valorisant de cette façon les insertions sociales des pratiques culturelles, soit à analyser la production, la circulation et la réception des discours savants dans la perspective d’une histoire des idées11, le présent volume s’inspire de ces deux démarches pour en proposer une autre, fruit de la rencontre entre la perspective littéraire et celle d’une histoire des destinées individuelles. L’attention se porte sur les figures singulières d’auteurs choisis pour avoir chacun adopté une manière spécifique d’écrire pour dire le monde, et donc en raison de leur capacité à nous suggérer les formes variables que prirent alors les échanges et contaminations entre le modèle d’écriture des belles-lettres et les visées de transmission de connaissances scientifiques rigoureuses. Les biographies intellectuelles sont rapportées à des personnalités clés d’écrivains (Bernardin de Saint-Pierre), d’hommes de science (d’Alembert, Ramond de Carbonnières, humboldt, mais il eût pu tout autant être question de Lalande, Saussure, Dolomieu), de soldats – une place pouvait être faite ici à Bougainville – ou d’hommes de lettres au sens large du terme – à côté de Jacquier, d’Ebel et de Michaud eussent pu être traités, entre autres, le pasteur André-César Bordier ou Latapie. On a voulu, à travers elles, comprendre comment s’étaient formées des individualités, l’éducation qu’elles avaient reçue – par exemple celle de Bernardin de Saint-Pierre auprès des jésuites –, puis comment, en s’appuyant sur ce bagage, elles avaient mis en discours et en circulation leur pensée ou leur vision du monde. Si les écrits sont donc l’objet central, on accorde également un grand intérêt aux contextes de formation et aux personnes fréquentées, aux réseaux tissés – ainsi le salon de Mme Helvétius pour Cabanis. Ces éléments relevant de la biographie individuelle contribuent à mieux dégager les modalités de construction d’un type de discours qui ouvre des voies nouvelles à l’aube de la période dite romantique. Bien que, dans l’étude qu’il a consacrée à Michaud, l’accent soit mis davantage sur les œuvres produites, Frank Estelmann souligne lui-même l’importance que revêtirent l’émigration puis les milieux de la Restauration dans la volonté manifestée par l’auteur du Printemps d’un proscrit de se consacrer à l’histoire des croisades.
6L’historiographie italienne nous aide à mieux comprendre les changements de stratégie des savants européens à l’égard de l’engagement dans la cité : des travaux récents ont apporté un éclairage original sur la position que furent amenés à occuper les intellectuels et gens de lettres dans l’Italie napoléonienne, tandis que se modifiait et se restructurait le paysage politique. En s’attachant au statut des lettrés entre les campagnes du Directoire (1796-1799) et la fin du royaume d’Italie (1805-1814), Luca Mannori a mis en évidence l’évolution de leur rôle alors qu’ils accédaient à une véritable fonction politique que ne connurent jamais les encyclopédistes12. Ces lettrés italiens ont, dans les premières années, été définis comme des « philosophes », protagonistes d’une émancipation, porteurs de la modernité et du renouvellement civil, chargés d’éclairer le peuple contre l’erreur et de lui énoncer la vérité cachée par les tyrans. Puis, selon le terme qui leur est réservé dans la Constitution de la République italienne en 1802 pour désigner, à côté des propriétaires et des marchands, les membres du collège électoral, ils sont devenus des « doctes », intégrés aux institutions d’état et chargés de fonder une concorde civile grâce au pouvoir de persuasion que leur parole de personne ayant eu accès à la culture était en mesure de produire. Anna Maria Rao souligne pour sa part que si l’image du lettré d’Ancien Régime, enfermé dans son cabinet, a été une construction idéologique et polémique, entre autres façonnée sous le fascisme et démentie par des chercheurs récents, le travail intellectuel a bel et bien été redéfini dans les dernières décennies du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle13. Des études menées en Italie ont mis en évidence l’intégration des intellectuels dans la société, ainsi que leur autodéfinition sur la base de leurs études et de leurs talents et non plus de leurs conditions de naissance, cependant que se développait un processus de spécialisation disciplinaire14. Tout comme en France, la professionnalisation des savoirs et des « métiers » de l’esprit, entamée dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, se serait donc poursuivie et approfondie à l’époque napoléonienne. Elle a alors donné naissance à des figures professionnelles affirmées et reconnues socialement, qu’elles aient été ou non fonctionnaires : personnel des archives, bibliothécaires, journalistes, ingénieurs, géographes, architectes, érudits, enseignants, artistes, experts en œuvres d’art et restaurateurs, gens de théâtre.
Circulation et diffusion des idées et des expériences
7Ce détour italien nous permet de revenir au double problème que posent les écritures savantes du tournant des Lumières à l’échelle d’espaces plus vastes, situés à plus ou moins grande distance de la France de l’Ancien Régime, de la France révolutionnaire puis de la France napoléonienne. Le premier aspect de la question concerne la mise en forme des savoirs présentés dans les traités et les mémoires académiques ou échangés entre spécialistes par l’entremise de la correspondance. Nous situant entre la France (d’Alembert, Bernardin de Saint-Pierre, Ramond, Cabanis, Joanne), l’Italie (Michaud – né en Savoie –, Pizzi, Amaduzzi), la Prusse (Reichard, humboldt, Baedeker) et la Suisse (Ebel), nous voyons défiler dans les textes retenus toute une société intellectuelle entre Lumières et Révolution, dans laquelle les idées et les individus se rencontrent aisément et partagent des expériences. L’accent est mis sur les contacts qu’ont entre eux des personnages appartenant à des horizons d’activité différents, quoiqu’ils soient tous de nature intellectuelle, orientés vers l’accroissement des savoirs sur la nature physique, sur l’homme et sur son histoire. La sociabilité qui favorise leurs rencontres donne naissance à des réseaux marqués notamment par les échanges épistolaires. Mais le fait le plus frappant est que du monde des salons et des académies à celui de l’Institut national, puis aux cercles de sociabilité des débuts du XIXe siècle, les discours produits sont déterminés par une situation de compétition, par des stratégies en vue de conquérir une autonomie et une reconnaissance, par la volonté farouche que manifestent savants et gens de lettres d’acquérir une position prééminente dans la conduite des projets de connaissance, auxquels doivent désormais concourir les autorités. Or, dans cette tentative conquérante, la solidarité n’est pas entière entre savants et lettrés à l’aube du nouveau siècle. Les discours élaborés portent la trace d’une dichotomie qui ne cesse de s’accroître, à partir de l’Empire, entre des œuvres proprement littéraires, des discours spécifiquement politiques, marquant souvent une opposition au régime, et des écritures savantes qui commencent à perdre leur prétention littéraire.
8Le second aspect de la question est celui de la diffusion de ces savoirs auprès d’un public suffisamment vaste. Les relations entre science et littérature comportent un versant pédagogique qui ne répond plus seulement à une nécessité formelle. Les guides de voyage, qui relèvent d’une entreprise commerciale soucieuse de s’adresser à des lecteurs de plus en plus nombreux et de plus en plus pressés, offrent un condensé d’informations dont la teneur scientifique tend à s’émousser. C’est ainsi que l’encyclopédisme qu’avait incarné l’astronome Lalande dans son Voyage en Italie en huit volumes (1769) fait place à un exposé appauvri, qui simplifie l’énonciation et évacue l’exposé d’hypothèses complexes et contradictoires. L’assèchement du message est devenu le prix à payer pour que s’effectue le « passage » d’un régime d’écriture spécialisé à une approche sommaire mais accessible sur la réalité physique et humaine du globe. Cela amène à poser la question, par-delà celle des rapports entre science et littérature, du rôle social et civil, et donc aussi politique, de ces passeurs qui assurent le lien entre des savoirs complexes, savants, et la population. Articulé sur un souci de diffusion des connaissances, le pédagogisme est une préoccupation vivement ressentie à l’époque révolutionnaire et impériale. Or, il appartient à l’arsenal des stratégies variées qu’utilisent les gens de lettres pour reconstruire leur identité. Les savants engagés et reconnus pour leur expertise sont, en France, regroupés, on l’a dit, dans l’Institut national, et des Idéologues comme Cabanis deviennent les nouveaux guides de la République thermidorienne continuée par le Directoire15. De son côté, l’homme de loi et journaliste Louis-François Jauffret s’est mis à écrire à partir de 1791 des ouvrages destinés aux adolescents et enfants pour obtenir une reconnaissance dans l’espace public ; il légitime par la même occasion la validité de son écriture grâce à ses relations privilégiées avec des savants reconnus tels que Jussieu, Lacépède, Cuvier ou le médecin Jean-Noël hallé. Il est dès lors devenu un médiateur culturel entre l’espace public et la communauté des savants. Mais il est aussi, avec quelques-uns de ses collègues de la Société des Observateurs de l’homme, créée en 1799, le promoteur d’une alliance entre les gens de lettres soucieux de reconquérir une position importante, qui leur garantisse une autonomie, et l’église, représentée ici par l’abbé Sicard, qui désire retrouver un magistère moral16.
9À la faveur des réseaux et contacts qu’ils organisent ou dans lesquels ils s’insèrent, les auteurs étudiés dessinent, de d’Alembert à Michaud et humboldt, une époque marquée par un changement radical de génération. Dans cette période de rupture entre l’Ancien Régime et la Révolution, les modalités des échanges où ils opèrent sont multiples. Les réseaux intellectuels et scientifiques s’appuient sur des lieux : les salons et les loges maçonniques (Cabanis), les académies (l’Académie des sciences et l’Académie française que « contrôle » d’Alembert, l’Arcadie où gravitent entre autres Pizzi, Amaduzzi, le prince Gonzaga di Castiglione, Luigi Godard). Mais ils s’appuient aussi sur des objets et des pratiques : la conversation, les lettres comme espace de débat et de communication, les périodiques, l’officine des guides de voyage. L’action des élites savantes définies comme des passeurs n’est donc, répétons-le, pas seulement littéraire ou scientifique, créatrice et découvreuse, elle possède également une forte dimension institutionnelle dont témoignent l’élargissement du recrutement des membres de l’Arcadie, repéré par Gilles Montègre, ou la politique des « recommandations » de d’Alembert.
Propriétés et compétences des « passeurs »
10C’est précisément à travers l’évocation de ce dernier et de ses réseaux qu’Irène Passeron met en valeur l’élaboration, certes très progressive, de processus de différenciation entre les sciences et les belles-lettres, différenciation qui justifie pleinement le rôle des « passeurs », objets du présent ouvrage. Si une telle notion peut paraître floue en l’absence d’une perspective chronologique, elle acquiert en revanche une véritable lisibilité dans le moment historique choisi, comme le fait remarquer Frank Estelmann qui interroge ce concept au sujet de Michaud. Le « passeur » se définit donc par des « propriétés » et des « compétences ». Il a une multitude d’activités et de centres d’intérêt ; lecteur passionné et souvent doté d’une riche bibliothèque, c’est aussi un homme de terrain qui n’hésite pas à aller vérifier sur place ce dont il a précédemment pris connaissance dans son univers habituel. Ainsi le pasteur genevois André-César Bordier, en visite dans la vallée de Chamonix et auteur du premier guide de voyage « aux glacières de Savoie » (1773), se passionne pour les beautés pittoresques des montagnes comme pour la dynamique des glaciers. Saussure, son compatriote, se fait tour à tour géologue ou botaniste, théoricien du globe ou glaciologue, ethnographe ou poète, homme de cabinet ou alpiniste selon le type d’enquête auquel il se livre17. Bougainville, marin, diplomate, militaire et philosophe, emprunte tantôt la plume du premier pour tenir son journal de bord, tantôt celle du dernier pour constater les déconvenues que lui réserve la Nouvelle Cythère, tantôt celle du polémiste pour fustiger les jésuites du Paraguay.
11Parmi les auteurs abordés dans ce volume, Michaud invite les gens de lettres à prendre exemple sur les voyageurs botanistes et à « quitter le fauteuil académique » pour étudier sur place « les ruines des vieilles cités et nous enseigner les beautés des anciens18 », dans la lignée de son ami Chateaubriand se rendant en Orient pour « chercher des images19 » destinées à donner plus de véracité à son épopée des Martyrs en préparation. Avec l’Histoire des croisades, il abandonne du reste la poésie pour l’histoire académique, qu’il conçoit comme une science, même s’il lui ajoute une portée politique et même polémique. Cabanis entame une carrière de traducteur avant de se tourner vers la philosophie et la médecine et de revenir ultérieurement à ses premières amours sous la figure du critique littéraire. En bon Idéologue, le médecin physiologiste qu’il est met d’ailleurs un point d’honneur à associer la sensibilité d’organe à la sensibilité d’esprit dans son œuvre philosophique comme dans son analyse de la littérature allemande qu’il aborde, du coup, Maurice Rouillard le souligne, sous un angle déterministe que n’aurait pas renié Taine. Ebel, diffuseur de connaissances généralistes en tant qu’auteur de guide de voyage, est « rattrapé » par son désir d’être un scientifique, membre d’une élite qui participe à la création du savoir.
12Les deux figures les plus exemplaires en la matière sont peut-être celles de Bernardin de Saint-Pierre et de Ramond de Carbonnières. Ce dernier, le cadet des deux, est d’abord un poète et dramaturge, marqué par le Sturm und Drang, et partant un écrivain, puis il se fait juriste et homme politique (avocat au Conseil souverain d’Alsace, secrétaire particulier du cardinal de Rohan, parlementaire puis préfet sous l’Empire, conseiller d’état sous la Restauration) ; dans les intervalles de sa carrière, il se constitue en outre une culture scientifique qui l’amène à enseigner l’histoire naturelle à l’école centrale de Tarbes sous le Directoire et à se faire reconnaître comme savant par ses pairs au point de devenir membre de l’Institut sous le Consulat. Quant à Bernardin de Saint-Pierre, il suit le parcours inverse, délaissant ses fonctions d’ingénieur des Ponts et Chaussées et d’officier du roi au profit de la spéculation philosophique et de l’écriture romanesque, avant de devenir intendant du Jardin des Plantes et d’occuper la chaire de morale à l’école normale supérieure. Il s’était auparavant improvisé naturaliste à l’île de France, en quête d’un nouvel ordre conchyliologique et d’une possible conciliation entre la nature et la vertu, considérant les paysages au gré de ses promenades en fonction de leur intérêt esthétique ou de leurs potentialités militaires.
13De tels échanges entre la science et la littérature, le physique et le moral, la philosophie et la géométrie, les belles-lettres et l’observation de la nature peuvent étonner les modernes que nous sommes, habitués au cloisonnement des disciplines et enclins à suspecter tel savant qui se tournerait vers la chose littéraire pour d’autres motifs que l’appât du lucre ou du succès mondain. Rien de tel chez les gens de savoir jusqu’à la fin des Lumières, si l’on se rappelle que Kepler s’était en son temps intéressé à la rhétorique et à la versification la plus sophistiquée avant d’aborder l’astronomie20. Signe des temps qui changent : dans les années 1780, Faujas de Saint-Fond eut toutes les difficultés à faire reconnaître la qualité scientifique de ses travaux de minéralogiste en raison d’une propension certaine à la mondanité et du primat qu’il accordait aux belles-lettres.
Le « passeur » entre science et littérature : un portrait-robot
14Ce faisant, un portrait-robot du « passeur » se dégage. C’est d’abord un individu par définition inséré dans des réseaux intellectuels, qui dispose d’une assise institutionnelle ; nous avons là une condition pour qu’il puisse transmettre des informations, des connaissances. Il en va ainsi de d’Alembert et de ses correspondants, dont Dutens n’est qu’un parmi beaucoup d’autres ; de Cabanis avec les Idéologues ; de Michaud comme de humboldt, qui chacun navigue dans un milieu bien défini. En second lieu, cette figure s’inscrit dans un moment historique, marqué par des événements, des circonstances particulières : entre 1750 et 1840, la société évolue, des encyclopédistes aux Idéologues, à la Société des Observateurs de l’homme, au romantisme. La pluralité des objets d’intérêt constitue un troisième élément assurant la définition du « passeur ». On passe ainsi d’une vision totalisatrice des savoirs sur le monde, propre à l’âge encyclopédique21, à des logiques d’exclusion et de spécialisation des savoirs, qui se manifestent par exemple chez Michaud dans la contradiction entre discours littéraire et discours historique lorsqu’il passe de la poésie à l’histoire. humboldt est l’héritier un peu solitaire de la période qui s’achève, dans sa vision d’une science cosmique en mesure de rassembler l’ensemble des connaissances avec l’idée du tout lié. À travers sa tentative pour « renouer le lien qui unit la rationalité scientifique au visible », selon les mots de Serge Briffaud, l’auteur de Cosmos exprime sa dette à l’égard de la peinture et de la littérature en avouant l’impuissance de ses instruments de mesure à représenter le paysage. En fait, si l’on songe aux rêveries gnoséologiques des Naturphilosophen allemands, soucieux d’appréhender la réalité comme un tout organique22, à la parenté essentielle entre le savant et le poète exaltée par Novalis23 ou encore aux projets de « philosophie anatomique » suggérés par Lamarck et Geoffroy Saint-hilaire pour dépasser la taxinomie traditionnelle et tenter de comprendre la véritable nature du vivant24, force est de constater que toute la pensée du XIXe siècle romantique est encore animée par cette conscience des intimes relations qu’ont nouées au fil des siècles les lettres et les sciences.
15Le « passeur » est, en quatrième lieu, un penseur. Penseur du paysage notamment, comme on le voit de Bernardin de Saint-Pierre à Ramond et humboldt, tous trois fils du progrès des savoirs naturalistes mais aussi de l’élargissement de la découverte et de la mesure du monde25. Légitimant le syncrétisme scientifique du premier, l’approche du paysage se présente comme une science globale, qui intègre jusqu’à sa mise en scène littéraire. Mais voici que la belle unité de l’encyclopédisme éclate et qu’avant même qu’humboldt tente l’impossible avec son Cosmos (1847-1859), les savoirs se sont fragmentés en autant d’objets spécialisés que l’anthropologie des Idéologues avait contribué à constituer, de la médecine à la géographie, à l’ethnographie, à l’histoire, à la science littéraire ou à la science économique. Cabanis et Michaud incarnent cet âge nouveau. Entre ces divers savoirs, les passages sont à construire et des figures comme celle de l’archéologue Millin en explorent sous l’Empire toutes les possibilités, privilégiant sur la valeur littéraire des écrits leur fonction de collecte d’informations.
16Enfin, le « passeur » est un homme de plume, et sa pensée s’appuie sur des genres littéraires au statut varié, tantôt reconnus, tantôt jugés mineurs : correspondance, discours d’éloge, mémoire académique, prose romanesque, poésie, écriture historique, guide ou récit de voyage, traité philosophique. Mais qu’ils se fassent vulgarisateurs en direction d’un public de non-spécialistes ou « passeurs » entre les disciplines, les savants lettrés ici présentés ont en commun le souci de la langue conçue comme véhicule des savoirs à fabriquer et à transmettre, et du style envisagé comme moyen de cette fabrication et de cette transmission. Le célèbre discours prononcé par Buffon le jour de sa réception à l’Académie française en 1753 exprime bien ces préoccupations. Celles-ci se manifestent déjà dans le genre hybride de la correspondance tel qu’il est pratiqué par d’Alembert, dont les lettres voient leur statut – et leur style – évoluer selon qu’elles sont destinées ou non à être lues en public, ou qu’il en fait ou non des sortes de mémoires à caractère scientifique. Pizzi souhaite pour sa part que la poésie contribue à purifier la langue et à exalter les sciences. Cabanis revendique une « éloquence propre » à ces dernières, « un langage précis, élégant, et même quelquefois animé », à même de dire le vrai et de décrire avec exactitude les phénomènes : il l’oppose au « style barbare26 » de certains auteurs, qui les a conduits à l’erreur. Comme le fait voir en outre Gabriel-Robert Thibault, l’éducation jésuite de Bernardin de Saint-Pierre l’amène à redonner sa pleine valeur au raisonnement analogique et aux figures qui lui sont liées – naguère ravalées par la révolution galiléenne au rang de simples ornements du discours – en leur redonnant leur puissance illustrative et émotionnelle, susceptible de rétablir le lien entre la réalité physique et le monde métaphysique.
17Les errements scientifiques que l’on a eu beau jeu de mettre en lumière dans les écrits de Bernardin de Saint-Pierre sont là toutefois pour montrer qu’il existe bien un revers à la confiance presque absolue manifestée par les « passeurs » ici étudiés dans la force d’un style à même de faire progresser la connaissance et de résoudre les contradictions inhérentes à toute pensée scientifique. Ariane Devanthéry souligne ainsi les choix cornéliens auxquels doivent procéder ces « passeurs » pratiquement institutionnels que sont les auteurs de guides Reichard et Ebel, entre le souci de l’encyclopédisme qui les anime et la nécessité commerciale de proposer au public un ouvrage de maniement aisé. Frank Estelmann prête pour sa part une attention toute particulière à la confusion qui se fait jour, dans l’Histoire des croisades de Michaud, entre les postures énonciatives souvent contradictoires de l’historien, du voyageur et du polémiste monarchiste. Cette imbrication parfois inextricable des points de vue suscite une instabilité de l’instance chargée de produire le discours historique, qui assure pour nous le charme et l’intérêt de l’ouvrage, mais induit souvent sa dérive, sinon son dérapage, vers la polémique, la rhétorique ou la pure littérature d’ornement, au point d’avoir très rapidement délégitimé son caractère scientifique aux yeux des contemporains de l’auteur. L’écriture éminemment poétique et dialectique dont use par ailleurs Ramond de Carbonnières est mise au service d’une volonté : celle de cerner et de rendre sensible une réalité complexe et à première vue inintelligible – du moins au sens où les mots de la raison paraissent insuffisants pour en rendre compte. Chez lui, la spéculation savante n’est que le prolongement de la sensation éprouvée, et son écriture devient une véritable méthode de raisonnement qui cherche la formule décisive susceptible de dégager le sens d’un paysage. Ramond met ainsi en scène le rêve d’une écriture qui décrirait et expliquerait dans le même temps, qui parlerait à la fois au cœur et à l’esprit, au bénéfice d’une connaissance intuitive des réalités représentées, mais en définitive au détriment de la qualité scientifique d’une pensée finalement minée par ses propres contradictions et qui se voit dès lors réduite au silence27. Or ce sont peut-être précisément ces contradictions à l’œuvre dans l’écriture même de ces textes, tout entiers tendus vers la connaissance et sa transmission, qui en font la grandeur à nos yeux, lors même qu’ont été dépassées et oubliées depuis longtemps les théories qui les motivaient et qu’ils prétendaient fonder.
L’exemple de Louis-François Ramond de Carbonnières (1755-1827)
18Ces caractéristiques de la pensée et de l’écriture de Ramond de Carbonnières font de lui un des « passeurs » les plus typiques de la période en question : c’est la raison pour laquelle on a tenu à lui consacrer une place toute spéciale dans ce volume. Tour à tour poète, voyageur, explorateur des Pyrénées, naturaliste et géologue, avant de se consacrer à la politique, ce personnage joue un rôle clé, non seulement dans l’émergence de ce que l’on a nommé le pyrénéisme, mais aussi dans la constitution de ce qui va devenir notre perception de la nature, et en particulier de la montagne. homme de science soucieux de ne jamais dissocier la spéculation savante de la sensation éprouvée, conscient plus qu’aucun autre du rôle essentiel que peut jouer celui qu’il nomme « l’observateur de la nature » dans la transmission du message spirituel que celle-ci adresse au commun des mortels de manière voilée, Ramond est en outre un écrivain de premier ordre, dont le style, que Buffon compara à celui de Rousseau28, fait étroitement corps avec la pensée.
19La somme consacrée en 1968 à la vie et à l’œuvre de Ramond de Carbonnières par Cuthbert Girdlestone29 est bien connue des spécialistes, mais on sait moins que, quatre années auparavant, un autre ouvrage décisif avait été également consacré à cette figure injustement oubliée du panthéon littéraire et scientifique français : il s’agit de L’opera di Louis Ramond de Francesco Orlando, publié en 1960 et qui n’a jusqu’à maintenant pas été traduit en français. On est pourtant loin d’ignorer de ce côté des Alpes Francesco Orlando, né à Palerme en 1934, l’élève et l’ami de Lampedusa, qui lui dictera une grande partie du Guépard et auquel il consacrera un livre de souvenirs30. On connaît aussi l’universitaire, l’un des maîtres des études françaises en Italie, qui a formé des générations de disciples en qualité de professeur de langue et littérature françaises à Venise, à Naples et surtout à Pise (université et école normale supérieure) où il a été, de 1984 à 2006, le titulaire de la première chaire italienne de théorie de la littérature. On connaît surtout son œuvre immense en ce domaine et dans celui des littératures française et comparée, qui s’ouvre par des études consacrées aux XVIIe et XVIIIe siècles31 et se poursuit à travers une série de travaux inspirés par la psychanalyse, en particulier par sa lecture de Freud. Ce cycle, intitulé Letteratura, ragione e represso, publié à Turin chez Einaudi et maintes fois réédité, se compose de deux études « cliniques » (Lettura freudiana della Phèdre, 197132 ; Lettura freudiana del Misantropo e due scritti teorici, 1979) et de deux ouvrages théoriques (Per una teoria freudiana della letteratura, 1973 ; Illuminismo e retorica freudiana, 198233). Cette contribution décisive au dialogue entretenu tout au long du XXe siècle par la littérature et la psychanalyse vaudra à son auteur une réputation internationale, puisqu’une partie du cycle a été traduite aux états-Unis dès 1978. C’est aussi le cas pour son autre grand ouvrage, Gli oggetti desueti nelle immagini della letteratura : rovine, reliquie, rarità, robaccia, luoghi inabitati e tesori nascosti34, dont la traduction française devrait prochainement voir le jour aux éditions Garnier.
20On sait moins en revanche que Francesco Orlando a publié une œuvre abondante en qualité d’essayiste et de musicologue35 et, surtout, qu’il a entamé sa carrière de chercheur en s’intéressant précisément à Ramond de Carbonnières. Il a, de son propre aveu, conservé pour ce remarquable « passeur » une véritable tendresse, puisque c’est une page bien connue des Observations faites dans les Pyrénées (1789), dédiée aux tilleuls de Gèdre et à leur odeur, qui lui a inspiré sa réflexion ultérieure sur le souvenir d’enfance, la mémoire involontaire et l’histoire, de Rousseau au romantisme36. L’ouvrage d’Orlando montre comment, par sa démarche, cet homme de savoir s’attache à souligner l’harmonie entre l’être humain et la nature qui transparaît dans le grand livre d’histoire, aisément déchiffrable, mis à notre disposition sous la forme des montagnes. Il éclaire ainsi le rôle majeur joué par Ramond dans la perception et la représentation du paysage au tournant des Lumières, comme dans l’émergence de la figure du savant-poète, intermédiaire entre les hommes et la nature, figure si caractéristique du romantisme, et souligne l’influence qu’il exercera, y compris du point de vue de l’écriture, sur les premières générations littéraires du XIXe siècle.
21Il nous a paru intéressant de présenter au public francophone la traduction d’une partie de cet ouvrage, celle qui, en relation étroite avec la problématique de ce volume, montre Ramond sous le jour du « passeur » merveilleux qu’il est entre le monde des hommes et celui des montagnes – Alpes ou Pyrénées –, entre le savoir rationnel et la connaissance par le sentiment, entre les sciences et la littérature. Mais c’est à un portrait beaucoup plus complet – et complexe – du vainqueur du mont Perdu que nous invite Francesco Orlando dans son essai37 : même si Ramond n’a pas laissé de véritable autobiographie38, ses rares témoignages en la matière en disent assez pour que le lecteur un tant soit peu imaginatif ait l’impression d’avoir affaire à un personnage de roman plutôt qu’à celui d’un austère savant. Natif de Strasbourg, où il étudie le droit alors qu’en Allemagne le Sturm und Drang prend son essor, condisciple de Goethe et de Lenz, auquel il restera lié d’une durable amitié, il découvre un peu plus tard la montagne en parcourant la Suisse, où il rencontre les illustres hommes de lettres et de savoir que sont Bodmer, Gessner, haller, Lavater et le Genevois Charles Bonnet. Remarqué par le cardinal de Rohan, alors évêque de Strasbourg, qui en fait son conseiller intime – au point que le jeune Ramond sera étroitement mêlé à la légendaire affaire du Collier –, il est en quelque sorte mis à la disposition du non moins légendaire Cagliostro, dont il devient, de son propre aveu, le « garçon de laboratoire39 ». Puis il part dans les Pyrénées, dont il étudie la flore et les roches : de là date son attachement à ces montagnes qu’il explorera dès lors pratiquement sans relâche. Ce sont elles qui l’accueillent d’ailleurs lorsque, après un bref passage à la Législative, il tente d’échapper à la Terreur qui manque de l’envoyer à l’échafaud. La carrière beaucoup plus classique qu’il connaît par la suite dans le monde de l’enseignement, des sciences et de la politique ne l’éloignera jamais toutefois de ses chères montagnes, au point que son goût des mesures atmosphériques au sommet du puy de Dôme, pendant sa courte halte à Clermont-Ferrand sous l’Empire, le fera surnommer le « préfet Baromètre » par ses administrés.
22C’est cette vie riche et mouvementée qui intéressa d’abord le public, bien davantage que l’œuvre, et le fit connaître du monde des alpinistes, des géologues, des spécialistes de la formation du relief et du pyrénéisme plus que de la critique littéraire, qu’elle soit ou non universitaire. Or, comme l’indique le titre de son ouvrage, c’est moins à l’homme qu’à l’auteur que s’intéresse Francesco Orlando, un auteur qu’il montre mal défendu par Sainte-Beuve – même si celui-ci lui accorde trois de ses Lundis40 – et qui restera longtemps cantonné, au mieux au rang des hommes de science sachant écrire, au pire à celui des minores, où Faguet pense l’inscrire définitivement41. Et c’est comme auteur que Ramond apparaît en premier lieu sur la scène biographique, même si ses œuvres n’ont pas laissé de trace impérissable : un recueil d’ Élégies publié en Suisse en 1778, qui se présente « comme un compromis entre modernité allemande et tradition française42 », entre des thématiques alors inédites au pays de Racine (les tombeaux, la solitude, la mélancolie) et une langue poétique surannée, mal adaptée à celles-ci43 ; deux pièces de théâtre, Les Dernières Aventures du jeune d’Olban (1777), quasiment imprégné du succès tout frais de Werther et qui sera réédité par Nodier en pleine bataille romantique44, puis un drame historique, La Guerre d’Alsace (1780), « œuvre qui échappe à toutes les catégories de la tradition française45 », influencée qu’elle est par Shakespeare et le jeune Goethe, mais qui ne réussit pas là non plus à s’imposer par la force de son style46. « Passeur », Ramond l’est aussi entre les littératures européennes, comme entre l’époque des Lumières et celle du romantisme.
23Au vrai, c’est par une traduction de l’anglais que le jeune Ramond, « Allemand par l’esprit, Français par la langue47 », finit par acquérir une certaine célébrité d’auteur : en 1781, alors que « la mode des descriptions de montagne bat son plein48 », il publie les Lettres de M. W. Coxe à M. Melmoth sur l’état politique, civil et naturel de la Suisse, traduites de l’anglois et augmentées des Observations faites par le Traducteur dans le même pays49. Mais, comme le montre Orlando, moins que la traduction de l’ouvrage, somme toute de médiocre intérêt, ce sont les annotations du traducteur qui lui valent le succès et fondent pour longtemps sa réputation littéraire. Ramond explique dans la préface la méthode qu’il a suivie, tout inspirée du rousseauisme – il ne l’oubliera pas totalement dans sa pratique à suivre du voyage :
M. Coxe a voyagé en Anglais : la constitution civile et politique a surtout arrêté ses regards ; il a voyagé en homme riche : c’est parmi les hommes de son état qu’il a cherché des instructions ; mais il ignorait la langue du pays, et n’a pu observer que très superficiellement le paysan des Alpes.
J’ai voyagé dans les montagnes, ou, pour mieux dire, j’ai erré sans tenir de route déterminée, à pied, avec un seul compagnon, né dans la région que nous parcourions : comme lui, j’entendais les différents dialectes en usage dans ces contrées : tous deux, nous savions sacrifier nos aisances au but de notre voyage, nous cherchions l’hospitalité dans les cabanes les plus retirées, et nous avons vécu en égaux avec les bergers que nous visitions, dérobant à leurs yeux tout ce qui aurait pu faire soupçonner que nous étions de simples curieux.50
24Chateaubriand cite l’ouvrage dans le Génie du christianisme51 et prétend même justifier la marqueterie citationnelle qui caractérise parfois son Voyage en Amérique en se référant aux « notes de M. Ramond à sa traduction du Voyage de Coxe en Suisse52 ». Bien souvent, d’ailleurs, le lecteur averti sent poindre « la force évocatrice de [s]a prose53 » dans l’écriture de l’Enchanteur, qui n’aimait pourtant guère les montagnes. Mais dans la représentation de ces dernières, nul autre que Ramond ne parviendra à « égaler la limpidité et l’expressivité qu’il saura lui conférer54 ». Orlando le prouve : dans les commentaires à sa traduction des lettres de Coxe, le style de Ramond est déjà en place, « style objectif et fluide mis au service d’un dévoilement progressif55 », fait d’interférences constantes entre l’argument traité et la sensibilité du narrateur56. Ses autres grands ouvrages s’inscriront dans la ligne de ce coup d’essai, où « le texte laisse parler les émotions, émotions lentement, inlassablement thésaurisées et délicatement mêlées57 ».
25Francesco Orlando souligne ensuite tout ce que la « poétique des montagnes » propre à Ramond doit à Rousseau, en particulier à la fameuse « Lettre sur le Valais » de La Nouvelle Héloïse58 : dilatation du temps et de l’espace, qui se manifeste dans la coexistence des climats et des saisons ; contrastes et singularité d’un paysage qui suscite en permanence l’émerveillement ou la surprise, et mobilise, « pour en rendre l’idée », d’autres moyens que les « images puisées dans l’expérience commune59 » ; nature, enfin, propice au repli sur soi, sur les sensations éprouvées et l’intériorité, sur le sentiment de bien-être et de liberté que la légèreté de l’air paraît instiller dans l’âme60. Même si, cela est bien connu, Jean-Jacques ne s’est jamais aventuré dans ce que l’on appelait alors les « hautes Alpes », tous ceux qui les exploreront pour en rapporter les merveilles au commun des mortels – les de Luc, Saussure, Bourrit et, bien entendu, Ramond – puiseront forcément leurs tableaux à la source de La Nouvelle Héloïse.
26Par des analyses stylistiques serrées, Orlando met en lumière les spécificités que l’expérience de la haute montagne suscite néanmoins dans la représentation qu’en offre Ramond. Les charmants contrastes paysagers suggérés par Rousseau se muent chez son successeur en une esthétique de la discontinuité la plus imprévisible et la plus brutale, où la surprise de l’observateur le dispute en définitive à une forme de terreur muette :
À peine on pose le pied sur la corniche, que la décoration change, et le bord de la terrasse coupe toute communication entre deux sites incompatibles. De cette ligne qu’on ne peut aborder sans quitter l’un ou l’autre, et qu’on ne saurait outrepasser sans en perdre un de vue, il semble impossible qu’ils soient réels à la fois ; et s’ils n’étaient point liés par la chaîne du Mont-Perdu qui en sauve un peu le contraste, on serait tenté de regarder comme une vision, ou celui qui vient de disparaître, ou celui qui vient le remplacer.61
27De même, le contraste et la coexistence des climats et des saisons, plus nets en haute qu’en moyenne montagne, amènent le voyageur à méditer sur la fugacité de la vie humaine, en remotivant les comparaisons usées qu’elle avait jusqu’alors inspirées ; mais peuvent aussi naître en lui des impressions presque magiques qu’il s’efforce de rendre sous la forme de tableaux frisant le fantastique. Ainsi de cette évocation d’une caverne glaciaire traversée par une cascade :
Les profondeurs de cet antre n’étaient éclairées que par la lumière décolorée que lui transmettraient ses parois à demi diaphanes : la cascade, écumant sur des quartiers de neige durcie ; le vent glacé que sa chute excitait ; une pluie froide, distillant du cintre ; toutes les roches saupoudrées de givre ; voilà ce que nous trouvâmes sous un soleil brûlant dont le vent du sud augmentait l’ardeur, et à vingt pas d’un gazon desséché par la canicule. C’était le palais de l’hiver à côté de celui de l’été, et, comme les Islandais, nous étions tombés dans un enfer de glace, au sortir d’un enfer de feu.62
28Ramond manifeste en outre une sensibilité inédite à l’effacement des repères et aux illusions d’optique dont est victime celui qui s’aventure au sein de cet espace si singulier, où la sensation d’immensité parvient à se faire jour en lui et où des couleurs inhabituelles (celle, « dorée et transparente63 », des sommets, celle du ciel, « d’un bleu noir64 ») finissent par le convaincre, à l’instar de Saussure, qu’il a mis le pied dans un autre monde65. Pour reprendre les mots mêmes d’Orlando, « le monde de la haute montagne s’affirme donc comme une nature d’un genre différent au cœur de celle que nous connaissons, ou mieux un univers spécifique au sein de notre univers66 », un monde qui impose sa loi au voyageur, où ses perceptions sont modifiées et où, du coup, le danger est toujours présent. Mais il s’agit surtout d’un univers qui, par sa nature radicalement autre, se dérobe sans cesse à l’homme, qui n’y a pas sa place, mettant en déroute ses sens comme ses facultés spirituelles, et lui laissant un sentiment complexe où se mêlent la fascination et l’effroi67. Pour le décrire, les mots et les moyens dont dispose l’auteur sont impuissants, en ce XVIIIe siècle qui s’achève, hormis lorsque se manifeste, à travers un paysage sublime, l’harmonie consubstantielle à la nature même des choses68. De là peut-être l’étrange ivresse qui le saisit au sommet des montagnes, où il se sent comme galvanisé, « dynamique et enclin à la méditation, attentif et passionné, infatigable, et rarement désireux de retourner voir les paysages plus accueillants offerts par la plaine69 ».
29Mais Ramond ne se cantonne pas à cette perception littéraire de la montagne : il en fait aussi un lieu d’exploration, d’observation et d’expérimentation scientifiques, au sens où « elles renferment dans leurs entrailles une histoire objective et millénaire70 ». Dans une analyse lumineuse de cette symbiose entre style et pensée qui caractérise la démarche de Ramond de Carbonnières, Francesco Orlando montre clairement qu’en dépit de ce parti pris naturaliste, il parvient rarement à se départir de cette vision littéraire et de la subjectivité avec laquelle il perçoit l’espace et le temps montagnards comme les sensations qu’il en reçoit. Le souci qu’il manifeste d’utiliser ces qualités innées pour transmettre à son public l’image la plus authentique des Alpes ou des Pyrénées justifie pleinement qu’on le range parmi les « passeurs », sujets de ce volume, et qu’on livre au public francophone la traduction de l’ultime partie de l’ouvrage de Francesco Orlando, qui fait sienne cette même préoccupation.
30Les thématiques et les axes de réflexion suggérés par le cluster de recherche « Enjeux et représentation de la science, de la technologie et de leurs usages », financé par la Région Rhône-Alpes, ont donc fourni aux auteurs de cet ouvrage l’occasion rêvée d’évoquer ces figures, parfois oubliées, qui ont marqué la période cruciale entre la fin des Lumières et l’âge romantique. On espère par là contribuer à explorer un moment privilégié de l’histoire des sciences, où se manifestent une hybridation, une porosité des écritures qui ne se retrouvera guère une fois passé le cap de 1830, et qui, du point de vue stylistique, reste encore méconnue. Dans ce moment si particulier, science et littérature ne se sont pas encore constituées en chasses gardées, et l’amateur peut toujours se faire savant et mêler dans ses ouvrages considérations pittoresques et hypothèses scientifiques. Au rebours, le savant est un homme pourvu d’une solide culture classique et des outils rhétoriques qui la complètent. Il peut, à l’instar de de Luc et Saussure, se laisser aller à s’incarner dans son propos, se manifester comme sujet sensible et soucieux de son écriture, et utiliser le style à des fins de démonstration lorsqu’un discours d’ordre strictement scientifique n’est plus de mise.
31Ces « gens de savoir » qui pensaient le monde de manière globale, sans dissocier les perspectives scientifique et humaniste, ni jamais négliger une écriture toujours mise au service de cette pensée, peuvent nous aider à réfléchir sur notre propre culture scientifique et notre manière d’aborder les objets de la connaissance au XXIe siècle. Dans cet autre moment de l’histoire des sciences qui est le nôtre, où l’hyperspécialisation et l’approche positiviste semblent marquer le pas et où la crise générale de la rationalité favorise la réévaluation d’autres voies d’accès à la connaissance71, la leçon de ces « passeurs » est peut-être à méditer.
32Au moment des dernières mises au point, nous avons appris avec tristesse le décès brutal de Francesco Orlando, qui avait suivi avec enthousiasme ce projet auquel il attachait beaucoup de prix. Que le présent ouvrage soit dédié à sa mémoire.
Notes de bas de page
1 Cette période recouvre en la débordant légèrement, en amont comme en aval, celle qu’a envisagée Michel Delon dans L’Idée d’énergie au tournant des Lumières (1770-1820), Paris, PUF, 1988. Contre la vision d’une succession de périodes caractérisées de manière monolithique et opposées de façon rigide les unes aux autres, voir notamment Georges Gusdorf, Les Sciences humaines et la pensée occidentale, t. 7, Naissance de la conscience romantique au siècle des Lumières, Paris, Payot, 1976.
2 Voir Élisabeth Badinter, Les Passions intellectuelles, t. 1, Désir de gloire (1735-1751), t. 2, Exigence de dignité (1751-1762), Paris, Fayard, 2002.
3 Voir Jean-Claude Bonnet, Naissance du Panthéon. Essai sur le culte des grands hommes, Paris, Fayard, 1998.
4 Voir Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain, 1750-1830. Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne, Paris, José Corti, 1973.
5 Charles Pinot Duclos, Considérations sur les mœurs de ce siècle, Paris, Prault fils, 1751, p. 232-234.
6 Voir Roger Chartier, « L’homme de lettres », et Vincenzo Ferrone, « L’homme de science », dans Michel Vovelle (dir.), L’Homme des Lumières, Paris, Seuil, 1996 (1re édition italienne en 1992), p. 159-209 et 211-252.
7 Voir Didier Masseau, L’Invention de l’intellectuel dans l’Europe du XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1994.
8 Voir Antoine Lilti, Le Monde des salons. Sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2005.
9 C’est bien ce que soulignent les travaux d’Antonella Romano : voir notamment, sous sa direction, Rome et la science moderne, entre Renaissance et Lumières, Rome, école française de Rome, 2009.
10 Voir : Jean et Nicole Dhombres, Naissance d’un nouveau pouvoir : sciences et savants en France, 1793-1824, Paris, Payot, 1989 ; Georges Gusdorf, Les Sciences humaines et la pensée occidentale, t. 8, La Conscience révolutionnaire. Les Idéologues, Paris, Payot, 1978.
11 On reconnaîtra ici les particularités des deux traditions historiographiques française et italienne, qu’a voulu faire se croiser l’enquête dont les résultats ont été publiés dans Jean Boutier, Brigitte Marin et Antonella Romano (dir.), Naples, Rome, Florence. Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens (XVIIe-XVIIIe siècles), Rome, école française de Rome, 2005.
12 Luca Mannori, « I ruoli dell’intellettuale nell’Italia napoleonica », dans Elena Brambilla, Carlo Capra et Aurora Scotti (dir.), Istituzioni e cultura in età napoleonica, Milan, FrancoAngeli, 2007, p. 159-183.
13 Anna Maria Rao, « Dal “letterato faticatore” al lavoro intellettuale », dans Anna Maria Rao, dir., Cultura e lavoro intellettuale : istituzioni, saperi e professioni nel Decennio francese, Naples, Giannini, 2009, p. 7-38. Cette contribution introduit le volume recueillant les actes d’un séminaire tenu à l’occasion des célébrations du Decennio francese à Naples (1806-1815).
14 Voir : Eluggero Pii, Antonio Genovesi. Dalla politica economica alla “politica civile”, Florence, Olschki, 1984 ; Elena Brambilla, « Libertà filosofica e giuseppinismo. Il tramonto delle corporazioni e l’ascesa degli studi scientifici in Lombardia, 1780-1796 », dans Giulio Barsanti, Vieri Becagli et Renato Pasta (dir.), La politica della scienza. Toscana e stati italiani nel tardo Settecento, Florence, Olschki, 1996, p. 393-433 ; Vincenzo Ferrone, La Politique des Lumières. Constitutionnalisme, républicanisme, Droits de l’homme : le cas Filangieri, Paris, L’harmattan, 2010 (1re édition italienne en 2005).
15 Voir Georges Gusdorf, Les Sciences humaines et la pensée occidentale, t. 8, La Conscience révolutionnaire. Les Idéologues, op. cit. Sur Cabanis, on se reportera avec profit aux travaux de Jean Starobinski (Action et réaction, vie et aventures d’un couple, Paris, Seuil, 1999) et de Mariana Saad (en particulier « La médecine constitutive de la nouvelle science de l’homme », Annales historiques de la Révolution française, n° 320, 2000, p. 55-64).
16 Voir Jean-Luc Chappey, La Société des Observateurs de l’homme (1799-1804). Des anthropologues au temps de Bonaparte, Paris, Société des études robespierristes, 2002, p. 54, 56 et 88-94.
17 Voir Claude Reichler, La Découverte des Alpes et la question du paysage, Genève, Georg, 2002.
18 Jean-Joseph Poujoulat et Joseph Michaud, Correspondance d’Orient 1830-1831, cité dans l’article de Frank Estelmann, note 61.
19 François René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, édition de Jean-Claude Berchet, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2005, « Préface de la 1re édition (1811) », p. 55.
20 Voir, à ce sujet, Fernand hallyn, La Structure poétique du monde : Copernic, Kepler, Paris, Seuil, 1987, p. 271.
21 Voir Michèle Duchet, Anthropologie et histoire au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel, 1971.
22 Voir, à ce sujet, Georges Gusdorf, Le Romantisme, 2 vol., Paris, Payot, 1993, entre autres : t. 1, p. 345 et suiv., et 414-416 ; t. 2, p. 166-168 et 367-487.
23 « […] la poésie a toujours été l’instrument favori des vrais amis de la Nature, et le génie de la Nature ne s’est jamais manifesté plus clairement que dans la poésie. […] Naturalistes et poètes ont toujours montré par l’usage d’une seule et même langue qu’ils sont d’une seule et même race. » (Novalis, Les Disciples de Saïs [édition posthume en 1802], dans Petits Écrits, traduction et édition de Geneviève Bianquis, Paris, Aubier, 1947, p. 193.)
24 Voir, à ce sujet, étienne Geoffroy Saint-hilaire et Georges Cuvier, La Querelle des analogues, précédée des Dernières pages sur la philosophie naturelle de Goethe, édition de Patrick Tort, Plan de la Tour, éditions d’Aujourd’hui, 1983.
25 Marie-Noëlle Bourguet et Christian Licoppe, « Voyages, mesures et instruments. Une nouvelle expérience du monde au siècle des Lumières », Annales. Histoire, sciences sociales, 1997, n° 5, p. 1115-1151.
26 Pierre Jean Georges Cabanis, Coup d’œil sur les révolutions et la réforme de la médecine, cité dans l’article de Maurice Rouillard, note 50.
27 Voir Serge Briffaud, « écrire la science. Ramond de Carbonnières et les Pyrénées », dans Jean-Claude Pont et Jan Lacki (dir.), Une cordée originale. Histoire des relations entre science et montagne, Chêne-Bourg, Georg, 2000, p. 353-354.
28 C’est Sainte-Beuve qui rapporte cette anecdote dans l’un des articles qu’il consacre à l’auteur (« Ramond » [article du 4 septembre 1854], dans Causeries du lundi, Paris, Garnier, 1855, t. 10, p. 373).
29 Cuthbert Girdlestone, Louis-François Ramond (1755-1827), sa vie, son œuvre littéraire et politique, Paris, Lettres modernes Minard, 1968.
30 Ricordo di Lampedusa (1963), traduit en français par Michel Balzamo, Un souvenir de Lampedusa, suivi de l’essai À distances multiples, Paris, L’Inventaire, 1996. Voir aussi son étude intitulée L’intimità e la storia : lettura del Gattopardo, Turin, Einaudi, 1998.
31 Rotrou : dalla tragicommedia alla tragedia, Turin, Bottega d’Erasmo, 1963 ; Infanzia, memoria e storia da Rousseau ai romantici, Padoue, Liviana, 1966 (1 re édition), Pise, Pacini, 2007.
32 Traduit en français par Danièle et Thomas Aron, Lecture freudienne de Phèdre, Paris, Les Belles Lettres, 1986.
33 Ouvrage réédité et augmenté en 1997 sous le titre Illuminismo, barocco e retorica freudiana L’article « Rhétorique des Lumières et dénégation freudienne », publié en février 1980 dans la revue Poétique (n° 41, p. 78-89), en présente une version abrégée en français.
34 Turin, Einaudi, 1994, traduction en anglais de Gabriel Pihas, Daniel Seidel et Alessandra Grego, Obsolete Objects in the Literary Imagination, New haven, Yale University Press, 2006.
35 Voir, en particulier, les articles regroupés dans le volume Le costanti e le varianti. Studi di letteratura francese e di teatro musicale, Bologne, Il Mulino, 1983.
36 Voir, ci-dessus, note 32.
37 Dans l’ouvrage de Francesco Orlando, L’opera di Louis Ramond (Milan, Feltrinelli, 1960), les autres parties non traduites ici sont successivement intitulées : « Itinerario di un preromantico » (p. 7-16) ; « Dal Werther alla Nouvelle Héloïse » (p. 17-41) ; « Il paesaggio di montagna » (p. 44-83).
38 À la notable exception d’une lettre adressée à son ami Saint-Amans le 19 février 1827, publiée dans le Journal des Savants (3e année, mars 1905, p. 121-130) sous le titre « Une autobiographie du baron Ramond, membre de l’Académie des sciences », et partiellement reproduite dans Francesco Orlando, L’opera di Louis Ramond, op. cit., p. 135-141.
39 Ibid., p. 137.
40 Charles Augustin Sainte-Beuve, Causeries du lundi, Paris, Garnier, 1855 (4e édition revue et corrigée), t. 10, p. 446-462 (4 septembre), 463-478 (11 septembre) et 479-496 (18 septembre).
41 Francesco Orlando, L’opera di Louis Ramond, op. cit., p. 12-16.
42 Ibid., p. 25. (Toutes les traductions de L’opera di Louis Ramond présentes dans cet ouvrage sont d’élisabeth Faure.)
43 Voir ibid., p. 25-31.
44 Voir ibid., p. 20-25.
45 Ibid., p. 31.
46 Voir ibid., p. 31-37.
47 Ibid., p. 20.
48 Ibid., p. 38.
49 Voir ibid., p. 38-41.
50 Louis Ramond, « Préface du Traducteur », dans Lettres de M. W. Coxe à M. Melmoth…, Paris, Belin, 1781, t. 1, p. vi-vii.
51 François René de Chateaubriand, Génie du Christianisme, Paris, Migneret, an X [1802], t. 5, « Appendices au t. 4 », p. 6-7 et 59-60 (voir Francesco Orlando, L’opera di Louis Ramond, op. cit., p. 39).
52 François René de Chateaubriand, Voyage en Amérique, dans Œuvres romanesques et voyages, édition de Maurice Regard, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1969, t. 1, p. 724.
53 Francesco Orlando, L’opera di Louis Ramond, op. cit., p. 39.
54 Ibid., p. 40.
55 Ibid.
56 Ibid., p. 41.
57 Ibid.
58 Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse (1761), Ire partie, lettre 23.
59 Francesco Orlando, L’opera di Louis Ramond, op. cit., p. 49
60 Voir ibid., p. 45-50.
61 Louis Ramond, Voyages au Mont-Perdu et dans la partie adjacente des Hautes-Pyrénées, Paris, Belin, an IX [1801], p. 169 ; voir Francesco Orlando, L’opera di Louis Ramond, op. cit., p. 53-57.
62 Louis Ramond, Voyages au Mont-Perdu, op. cit., p. 300 ; voir Francesco Orlando, L’opera di Louis Ramond, op. cit., p. 57-63.
63 Louis Ramond, Observations faites sur les Pyrénées, pour servir de suite à des Observations sur les Alpes, Paris, Belin, 1789, p. 70.
64 Louis Ramond, Lettres de M. W. Coxe à M. Melmoth…, op. cit., t. 1, p. 195.
65 Francesco Orlando, L’opera di Louis Ramond, op. cit., p. 63-68.
66 Ibid., p. 69-70.
67 Voir ibid., p. 68-75.
68 Voir ibid., p. 75-78.
69 Ibid., p. 82 ; voir aussi p. 79 et suiv.
70 Ibid., p. 83.
71 Voir, en particulier, Jean-Jacques Wunenburger, « Métaphore, poiétique et pensée scientifique », Revue européenne des sciences sociales, vol. 38, n° 117, 2000, p. 35-47, et Marie-José Durand-Richard (dir.), L’Analogie dans la démarche scientifique : perspective historique, Paris, L’harmattan, 2008.
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