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p. 175-190
Texte intégral
1Sabre (Sabia, Paloşul). Les armes mythiques sont attribuées à des personnes précises : le drac a la massue, le sabre appartient aux héros des contes et des ballades. Diverses origines lui sont attribuées. Parfois, le héros naît un sabre à la main, parfois il le trouve ; le plus souvent il le forge avec le minerai de fer arraché à la montagne, ou un ange ou saint Pierre le lui apporte – comme la Durendal de Roland. Parfois, le père du héros hérite d’un sabre rouillé qui, régénéré, est plus efficace qu’un neuf. Un héros mythique sans sabre est impensable, et même quatre-vingt-dix-neuf sabres ne peuvent le vaincre dans le palais souterrain où il se trouve. Il ne peut être tué que par son arme ; dès qu’il la perd, il se transforme, retourne auprès de son sabre et tue l’ennemi, le dragon, le drac*, le Turc ou des armées entières.
Les sabres possèdent souvent des pouvoirs magiques : ils peuvent abattre des armées ou les pétrifier sans même qu’un humain les manie (Arãpuşca*) ; seul celui à qui l’arme est destinée peut la sortir du fourreau ; le héros ne doit pas la quitter quand il dort. Le sabre de Novac* et celui qui est appelé Balmut* sont célèbres.
On constate une sorte de consubstantialité entre le possesseur et l’arme : si on la jette dans la mer, il meurt dans son lit ; dès qu’elle est retirée de l’eau, il ressuscite. Il parle à son sabre et celui-ci exécute ses ordres. Même après sa mort, le héros ne veut pas se séparer de lui et demande qu’il soit déposé dans son cercueil, près de sa tête. Un combat s’engage parfois au sabre, mais celui-ci se brise et l’affrontement se poursuit à la lutte, la manière de se battre la plus ancienne et approuvée par Dieu. Le sabre ne sert pas qu’à tuer, il est aussi signe de chasteté ou métaphore du sexe masculin. Dans les ordalies, il joue le rôle de Dieu et, en rêve, annonce une catastrophe prochaine ; s’il est sanglant, il présage la mort.
2Sacrifice de construction (Sacrificiul zidirii). On entend par là le sacrifice fait aux fondations d’un édifice afin que celui-ci ne s’effondre pas. Aux temps anciens, on croyait que tout bâtiment (château, église, pont, digue, etc.) exigeait une vie. Dans les littératures populaires d’Europe, on trouve de nombreux exemples de maçons, de sorcières, de mendiants, de prisonniers, de filles, de garçons et d’enfants, vendus par leurs parents et sacrifiés sur les fondations. En Roumanie et en Europe du Sud-Est, la ballade de la femme emmurée (Argeş*, Manole*) est très célèbre. D’autres récits parlent d’un gitan emmuré près de l’étang du Dracşani (Moldavie), d'un enfant ou d’une femme dans une digue à Milova-Arad et dans une écurie à Ivăneşti-Vaslui, d’une fillette malade sur la voie de chemin de fer de Năsăud-Rodna, d’une femme dans l’église saxonne de Bistriţa, etc. Ce rite fut peu à peu adouci, et au lieu de sacrifier des vivants, on utilisa des simulacres. On mesura en secret l’ombre d’une personne à l’aide d’une ficelle ou d’une verge qu’on emmura dans les fondations d’édifices. On fait de même avec une photographie qui est déposée dans celles des demeures ou des églises. La fonction du rite ne change pas : la construction s’achève bien, mais la victime meurt quarante jours ou un an plus tard. Aujourd’hui encore on procède à des sacrifices qui prennent la forme d’une tête de poulet, de chat, de chien, d’oiseau, de poisson, de porc, de mouton, de veau, de cheval ; parfois c’est un simple insecte. On emmure en outre neuf grains de blé, du pain, du sucre, des œufs, du poivre, de l’ail, des fleurs de pommier, des monnaies, etc. Il s’agit de se concilier les démons et d’appeler la prospérité sur les habitants.
3Sage-femme (Moaşa). Elle joue un rôle important pour la destinée du nouveau-né. Elle veille à ce que sa coiffe (membrane amniotique) soit enlevée dès la naissance, sinon l’enfant devient un sorcier ou une sorcière, elle tient à l’écart les esprits malins, soigne les diverses maladies et s’arrange pour qu’il soit beau, qu’il ait, par exemple, de beaux cheveux. Le Nouvel An est le jour des sages-femmes. Hommes, femmes et enfants lui rendent visite et lui apportent des cadeaux. Elle dépose un bretzel sur la tête de l’enfant et l’élève jusqu'aux solives afin qu’il devienne grand et reste en bonne santé.
4Sainte Jeudi (Sf. Joi). La mère Jeudi est une vieille femme sainte et très bonne. Dans le ciel, elle vit à l’écart, entre les nuages, dans d’antiques forêts ou dans un château gardé par des jeunes filles. On la représente aussi comme une splendide jeune femme qui protège le monde des grandes pluies et de la grêle.
5Salamandre (Salamandra). Elle tombe du ciel avec la pluie et le feu ne peut la détruire car, de ses cendres, naissent d’autres salamandres. Les filles les font courir sur leur bras afin d’apprendre une broderie qui orne les chemises paysannes. On dit partout que si une salamandre passe sur les mains d’une personne, elle fera son travail avec zèle et succès.
6Salive (Saliva, Scuipatul). Elle possède diverses fonctions dans la pensée mythique. Elle éloigne les mauvais esprits et contrecarre l’action du mauvais œil* sur les hommes et les bêtes ; pour ne pas être effrayé et se protéger de la maladie, on crache trois fois sur le devant de sa chemise ; on crache aussi là où un cheval s’est vautré, quand on rencontre un pope, quand deux enfants se donnent des coups de tête ou mesurent leur taille, quand on sort l’enfant du bain (afin que le mal reste dans l’eau) et quand on ne retrouve plus un objet familier. On crache pour confirmer un serment ou au début d’une tâche. Les marchands crachent sur la première pièce de monnaie qu’ils reçoivent le lundi matin afin de vendre plus, et on crache sur une monnaie trouvée pour en écarter le mal. Il existe aussi des interdictions d’expectorer : si l’on crache sur quelqu’un ou sur un animal, on devra lécher ce crachat dans l’au-delà. Une femme enceinte qui crache sur un chien aura un enfant à la langue poilue. Il ne faut pas cracher l’hostie car les esprits malins pourraient s’emparer des crachats – ni sur le feu ou dans l’eau. On guérit certaines maladies par la salive. On crache ainsi sur les yeux du dernier-né d’un couple qui souffre de cataracte, avant l’aurore, durant plusieurs jours de jeûne. L’orgelet, les aphtes, les panaris, les piqûres de guêpe et les maux d'estomac sont traités par des crachats. Pour se protéger des frissons on crache trois fois dans la bouche d’une rainette. Une légende cosmogonique dit que Dieu ayant craché sur Sa main, la terre en naquit.
7Salomon (Solomon). Fils de David, il vécut au xe siècle avant notre ère et, à douze ans, fut nommé empereur pour quarante ans. Il tient une grande place dans la mythologie roumaine. On dit qu’il fut le plus sage des hommes de tous les temps, ayant une connaissance profonde de la nature humaine, des bêtes, des plantes et des monstres. Il savait tout sur ce qui se passait dans le ciel, sur la terre et dans les eaux, connaissait les planètes et tout ce que renferme la voûte céleste, toutes les sorcelleries et toutes les herbes médicinales. Il commandait aux démons, pouvait ouvrir et fermer le ciel, geler les lacs, provoquer la grêle, déposer la rosée sur les champs. Il parlait le langage de tous les animaux et des arbres, écrivit cinq mille chants et trois mille paraboles et possédait un livre renfermant toute la sagesse du monde. Maints récits en font le fils du tsar Constantin. Fort sage. Salomon partit pour le vaste monde après que sa mère l’eut irrité. Son père le fit rechercher, mais nul ne le trouva. Alors, il fit fabriquer une charrue en or que ses émissaires emportèrent partout pour en connaître la valeur, pensant que la meilleure réponse viendrait de Salomon, en l’occurrence : « Même si la charrue est en or, elle ne vaut rien s’il ne pleut pas entre le 15 mars et le 1er mai. » On connaît cette narration sans que le nom de Salomon soit prononcé, son rôle étant tenu par un philosophe séjournant à la cour impériale et ayant dû disparaître pour en avoir critiqué les lois ; grâce à la question liée à la charrue, on le retrouva et on le ramena.
Dans d’autres récits, David fit une charrue d’or et Salomon lui fit la remarque citée ci-dessus, ce qui blessa l’empereur et obligea Salomon à partir. Pour le retrouver, David invita bien des gens à une fête, leur donna une cuiller de la taille d’une toise, dont ils ne surent que faire. Salomon, qui se trouvait parmi eux, suggéra que chacun nourrisse son voisin avec, et c’est ainsi que l’empereur le reconnut.
Le motif de la charrue d’or apparaît dans d’autres traditions : les pois ayant disparu, on eut l’espoir qu’ils étaient tombé en chemin ; on laboura celui-ci avec une charrue d’or et put donc en recommencer la culture. On prétend aussi qu’Alexandre* le Grand et un empereur turc ont possédé une telle charrue.
D’autres traditions disent que Salomon craignait sa mère quand il était jeune, et qu'il s’enfuit, déguisé, avec trois chevaux, l’un aveugle, l'autre gras et le dernier efflanqué. L’empereur lui en demanda la raison et il répondit : « Le cheval gras est pour les riches ; l’efflanqué, pour les pauvres ; l’aveugle, pour l’empereur qui ne voit pas que les riches dépouillent les pauvres. »
Tout le monde connaît le sceau de Salomon : grâce à cette bague, envoyée par Dieu, Salomon put soumettre tous les démons qui firent ce qu’il désirait, construisant, par exemple, l’église Sainte-Sion à Jérusalem. Salomon aurait débarrassé le monde de presque tous les esprits malins, les enfermant dans des fioles qu’il scella de son sceau et jeta à la mer ; il en enferma d’autres dans les profondeurs de la terre d’où ils n’osèrent plus ressortir ; peu lui échappèrent. Un jour, Salomon accompagna le Christ et Marie* en enfer, qui l’y oublièrent. Craignant de ne pouvoir en sortir, il se mit à édifier une église et les diables l’expulsèrent.
Salomon fut marié, mais un autre empereur lui vola son épouse ; on voulut le pendre, mais il rit en se rendant au gibet, sachant bien que son armée le sauverait. Ces faits sont relatés dans un récit très populaire au Moyen Âge : Salomon et Marcolf. Salomon survécut au déluge en se cramponnant à l’oreille du ciel*. Âgé, il perdit la vue et ne vécut plus qu’avec un seul de ses fils qui l’irrita tant qu’il le chassa. Le fils regretta son comportement quelque temps après et voulut revenir mais, n’osant pas, il envoya à son père un tsigane, revêtu d’une peau de chèvre, implorer son pardon. L’empereur tâta le corps de celui-ci mais, peu convaincu par sa voix, lui demanda : « Qu’est-ce qui est le plus léger : une plume ou le plomb ? » Après une mauvaise réponse, le tsigane répondit : « La jeunesse est légère, et lourd le poids des ans. » Salomon pardonna à son fils qui put le rejoindre.
Un dérivé du nom de Salomon, Solomonar*, désigne un autre être mythique.
8Samedi (Sâmbătă). Comme tous les jours de la semaine en roumain, le samedi est féminin. Il est interdit de travailler car Dieu acheva la création ce jour-là. Mendier ou confectionner des chemises met en danger de mort. Le samedi, comme le jeudi, est propice à la magie amoureuse. Partout on célèbre le souvenir des morts et cette journée est aussi importante pour eux que le dimanche pour les vivants. Le samedi, les âmes des morts reviennent chez elles, attendent un peu de nourriture puis repartent. Le dernier samedi avant la Saint-Démétrius, on pense aux âmes des personnes mortes noyées, dévorées par les loups ou tuées par les sangliers. On fait l’aumône, on allume des cierges dans les églises et on organise des banquets funéraires.
Le matin du samedi, il ne faut pas sortir les détritus avant d’avoir fait l’aumône, même si ce n’est qu’un peu de polenta donnée à un chien, sinon elles s’adressent aux âmes des défunts. Tout méfait commis ce jour-là est révélé. Les infanticides et les meurtres d’animaux sont punis ainsi : les assassins reçoivent à manger quotidiennement les cadavres, mais le samedi, ce qu’ils en ont mangé repousse.
Le dernier samedi de carnaval – peut-être la continuation des Cara cognatio romaines – concerne essentiellement les disparus de mort violente. On offre des feuilletés, on ne travaille pas et, surtout, on ne coud pas. L’avant-dernier samedi de Pâques est consacré au beau Lazare* mort en tombant d’un arbre, et dont le corps fut recouvert de feuilles par le vent. Qui travaille ce jour-là risque le même sort. On distribue des aumônes pour tous les morts du clan les trois samedis après Pâques et tous les samedis d’automne.
Être mythique, Samedi se tient entre les saintes mères Vendredi* et Dimanche*. Comme ses sœurs, elle réside dans une demeure aux portes d’or, située dans une grande forêt. Les protagonistes des contes lui rendent visite et en reçoivent des objets pour le succès de leur entreprise. Samedi eut une fille enlevée par un dragon (Drac*) mais qu’un héros délivra. Dieu a fait de Samedi une sage-femme. L’Eau de Samedi entoure l’île des Bénins* : elle bouillonne toute la semaine, sauf le samedi, seul jour où on peut la traverser.
9Samodiva. C’est une fée d’une rare beauté, dont l’origine et le nom sont slaves. Elle attire dans son palais les garçons et les filles, ravit leurs forces puis les relâche. Elle enlève les enfançons, les tue, suce leur sang afin de conserver sa jeunesse (Fées méchantes*, Pentecôte*). Les ballades racontent le combat du courageux Dãlea Dãmian contre Samodiva qui est décapitée. Dans les contes, la fée est anéantie pour sa méchanceté par le cheval du héros. On pense aussi que Samodiva est l’incarnation de la mort et on tait son nom. Pour en être épargné, on célèbre la Saint-Haralambie*.
10Sang (Sângele). Dans la Bible, le sang est le siège de l’âme. L’assassiné doit être vengé afin d’avoir une existence posthume normale, sinon il aura soif de sang. Le rite de la fraternisation* consiste à mêler le sang de deux personnes. On croit que le sang s’éclaircit avec l’âge ou se gâte et peut être régénéré grâce à l’absinthe. Les revenants* et Samodiva* sont avides du sang des vivants. Avec des gouttes de sang, on ressuscite le héros mort (Pie*) ou on le sort de sa pétrification. Trois pommes naissent de gouttes de sang. Enfin, le sang du Christ se change en vin ou en abeilles*, et celui de l’archange Michel* mettra le feu au monde.
Il est nécessaire, certains jours, de boire du sang ou, au moins, d’en voir (Ignace*), alors que c’est interdit à d’autres, par exemple la veille de Noël car Marie saigna alors.
Le sang menstruel joue un rôle très négatif : si une femme qui a ses règles touche de la nourriture, celle-ci se gâte, les céréales sèchent, les feuilles tombent, les miroirs et l’ivoire perdent leur éclat, les objets métalliques leur poli, le cuivre et le fer rouillent et sentent mauvais, les essaims d’abeilles meurent, les chiens sont pris de rage. Les premières règles d’une jeune femme peuvent, toutefois, être utilisées en médecine pour soigner l’épilepsie, les furoncles et assurer longtemps une bonne vue. L’accouchée est impure durant quarante jours : elle ne doit pas toucher le sol de ses pieds nus, ni regarder les champs ou le soleil, ne pas gagner la fontaine, ne pas se parer de fleurs ni allumer une bougie.
On guérit souvent les maux avec du sang humain et animal : les mauvais abcès, la colique sont traités avec le sang d’un chat noir ou d’un bouc, les verrues avec celui d’une chauve-souris, l’emphysème avec celui du lièvre, la cataracte avec celui du pigeon, la jaunisse avec celui d’un jars, etc.
11Sapin (Bradul). Arbre sacré et merveilleux, le sapin pousse au sommet de la montagne et, plus rarement, au bord de la mer. Il dissimula la Vierge Marie et Jésus aux yeux de leurs poursuivants et fut donc béni : il serait toujours vert et sa cime aurait la forme d’une croix. Son caractère sacré ressort bien de la confession* qui lui est faite, parce que le berceau de Jésus y fut suspendu et parce que les pâtres font jaillir le Feu vivant en frottant deux morceaux de son bois (Feu et Fumée*)
Le sapin est utilisé pour différentes pratiques magiques et religieuses. Lorsqu’on construit une maison, on plante un sapin ou une branche à proximité, afin d’apporter aux habitants bonheur et joie. Dans des rites calendaires tel celui des Gars de Braşov (Junii braşovenï), les acteurs rapportent de la forêt des sapins dont ils ornent les marioles de la ville ainsi que les portails des maisons des édiles. Le sapin revêt une grande importance dans les rites nuptiaux et funéraires. Le soir du charivari a lieu la Danse du Sapin à la ferme du fiancé, ronde autour d’un sapin décoré. Le jour des noces, les gars portent l’arbre chez la promise où, après d’autres cérémonies, une nouvelle ronde a lieu et où l’arbre est aspergé d’eau. Les participants à la noce, les étendards, les animaux et la localité sont ornés de branches de sapin. Quand un ou une célibataire décède, sept ou neuf gars gagnent la forêt à pied ou à cheval et cherchent le Sapin du Mort. Lorsqu’ils croient l’avoir trouvé, ils s’agenouillent et récitent le Notre Père. Chacun lui donne un seul coup de hache et l’arbre doit donc tomber après sept ou neuf coups. On l’emporte alors à la maison du défunt. En chemin, on rencontre des filles qui chantent le Chant du Sapin (Cântecul bradului) et décorent l’arbre comme pour une fête joyeuse. On porte le mort et le sapin au cimetière et on le plante sur la tombe où il représente la fiancée (ou le fiancé) du disparu (ou de la défunte). Cette cérémonie remplace les noces. Le Chant du Sapin, probablement très ancien, présente un dialogue entre les chanteuses et l’arbre évoquant le triste sort de ce dernier qui doit échanger la montagne contre une plaine bourbeuse.
12Sarkis, saint (Sf Sarkis). Les Arméniens de Roumanie le vénèrent. Fêté le 18 février, c’est le patron des jeunes femmes qui jeûnent la semaine précédant cette date afin que leur futur époux leur apparaisse en rêve. Saint Nicolas* a la même fonction pour les Roumains.
La tradition rapporte que Sarkis apprit de Dieu en rêve que, lorsqu’il voulait marier une vierge, il devait L’implorer en son nom afin qu’elle épouse un homme sans tache. Sarkis fit cela de longues années avec succès mais, un jour, il implora Dieu pour une femme ayant trompé son prétendant ; sa prière fut exaucée, mais, à sa mort, Dieu le condamna, pour sa désobéissance, à passer encore cinquante ans sur terre au service des hommes avant de l’accueillir au ciel.
13Sauterelle (Lăcusta). Les sauterelles ne résident pas en Roumanie, elles surgissent l’année de la comète sous forme d’épais nuages et anéantissent les champs de blé, de foin, les forêts, les arbres fruitiers, etc. C’est en Moldavie qu’elles apparaissent le plus souvent, envoyées en punition parce que l’empereur Por* n’invita pas le pope aux noces de sa fille. On dit aussi que ce furent les mouches qui dérangèrent Dieu ou saint Pierre* pendant leur repas et furent ainsi condamnées à n’être jamais rassasiées. Bien des gens rendent saint Trifon* responsable de leur apparition. Sur les ailes des plus grandes sauterelles est écrit d’où elles viennent, où elles vont, ce qu’elles mangeront... Elles annoncent guerre et famine. Malgré leur caractère essentiellement négatif, on les utilise en magie amoureuse. Qui dépose leurs déjections à la croisée des chemins épousera la personne désirée si elle passe par là dans la journée. Si une fille porte neuf jours durant une sauterelle sur son sein avant de la déposer dans le schnaps de son amant, il l’épousera. Dieu pardonne ses péchés à celui qui tue cent sauterelles. Par ailleurs, celui qui en brûle cent et disperse leurs cendres au vent empêchera pour toujours le retour de ces insectes.
14Sava, saint (Sf. Sava). On célèbre sa fête le 5 décembre, en même temps que celle de sainte Barbara* (4 décembre) et saint Nicolas* (6 décembre), pour se protéger de la variole et de la fièvre accompagnée de frissons. Les mères plongent leur doigt dans du miel ou de l’eau sucrée et tracent une croix sur le front de leurs enfants afin que ceux-ci aient une forme atténuée de variole. On ne leur donne pas de pommes, de poires ou de noix à manger afin que les marques de cette maladie ne soient pas aussi grosses que ces fruits. Ce jour-là, les parents d’un malade atteint du typhus allument trois cierges devant les icônes de saint Sava, à l’église. On emporte chez soi les restes des cierges que l’on utilise pour traiter le patient : un cierge est allumé et les deux autres sont allumés à sa flamme ; on fait tomber de chacun trois gouttes de cire dans un verre d’eau dont le malade boit trois gorgées, puis on dépose les trois gouttes de cire sous son oreiller.
15Scorpion (Scorpia). Les Roumains désignent par ce nom, non seulement l’animal connu, mais aussi un animal mythique, de sexe féminin et très cruel. Il vole aussi vite que le vent, est couvert d’écailles qu’une balle ne peut percer, sa gueule est si grande que la mâchoire supérieure touche le ciel tandis que le maxillaire inférieur traîne sur terre. Il crache des flammes et possède trois ou douze têtes, plus rarement une tête humaine. Quand un homme l’aperçoit, il meurt de terreur. Cette bête recherche sans cesse la chair humaine qui est sa nourriture préférée, ce que révèle la constellation du Scorpion qui le montre avec un œil sanguinaire et tendant sa longue griffe vers un pâtre qui lutte avec un démon.
Le scorpion attend l’homme près de la fontaine, sur ses terres, dans une forêt ou une plaine dont une partie est couverte d’une belle herbe semée de fleurs et une partie brûlée et il l’avale. Le héros vainc le scorpion avec l’aide de trois chiots, ou bien il le décapite. On dit qu’un jour, lorsque le héros lui eut tranché une tête, le scorpion le pria de l’épargner et l’assura, par un écrit tracé de son sang, qu’il le traiterait bien à l’avenir, ce qu’il fit. Le sang de scorpion guérit les maladies des yeux et d’autres maux.
16Serpent (Şarpele). À l’origine, ce fut un homme qui habitait le ciel et servait de conseiller à Dieu ; ou encore un serpent qui possédait des ailes et des jambes et marchait dressé. Lorsqu'il eut séduit Ève, Dieu le condamna à perdre ailes et jambes et à ressembler à une corde. Selon d’autres explications, le diable le créa, ou bien il naquit de lui, ou il est son parent et a la même peau que lui. Grâce à Ève, il se glissa dans l’arche d’Adam (confondu ici avec Noé*), qu’il tenta de percer ; il se changea en souris mais un chat né du gant gauche d’Adam le dévora.
Selon maints témoins, le dragon (Drac*) vient du serpent, c’est pourquoi celui-ci est parfois représenté comme un animal aérien. On dit qu’il existe un Pays des Serpents, dont le roi s’appelle Vizor. Il y a des personnes temporairement changées en serpent, parce que leurs parents les maudirent, auxquelles seul le mariage peut redonner forme humaine. Certains hommes, lors du baptême, furent destinés à régner sur les serpents.
Les serpents redoutent le soleil qui les aveugle, et la précieuse branche du noisetier qui possède des propriétés magiques. Ce reptile, souffrant souvent de violents maux de tête, se montre au bord du chemin afin d’être tué. Les serpents hibernent sous terre du 1er août au troisième dimanche du carême, mais la terre rejette ceux qui ont mordu un homme.
Un jour, Dieu recueillit toute la vermine et tous les serpents dans un sac qu’il ferma solidement et confia à un homme afin qu’il le jette dans une rivière. Piqué par le démon de la curiosité, l'homme ouvrit le sac d’où sortirent les bêtes qui se répandirent partout (Alexie, Alexiu*). Qui tue un serpent voit ses péchés pardonnés, mais celui qui en aperçoit un pour la première fois et ne l’occit pas devient lâche.
Chaque maison possède son serpent qui représente le bonheur car il protège des maléfices et ne doit donc pas être tué. Au contraire, il boit le lait dans la même écuelle que les enfants et en même temps qu’eux, mais ne les mord pas. Son amour du lait est bien connu : il le suce au sein des femmes lorsqu’elles allaitent, et au pis des vaches lorsqu’elles sont dans la forêt.
Les serpents produisent des diamants (on pense ici à la vouivre) qui tombent entre les mains des hommes, et ils filent des fils d’or à partir d’une pierre d’or, mais celui qui les observe ce faisant, meurt. Manger un serpent bouilli ou rôti redonne la jeunesse. Le reptile se montre particulièrement reconnaissant envers celui qui le sauve du feu : en reliant sa bouche à celle du jeune homme avec une branche de noisetier, il lui transmet la connaissance de toutes les langues des bêtes et des fleurs. La même chose se produit lorsqu’il vous crache dans la bouche. En outre, il cache le garçon sous ses écailles et le protège ainsi de la foudre. Le père du jeune serpent sauvé, empereur du Pays des Serpents, offre au sauveur une perle qu’il garde sous la langue, ou un anneau avec lequel il peut faire des miracles. On raconte qu’un garçon passa près d’un gigantesque serpent qui n’arrivait pas à engloutir un cerf à cause de ses bois trop grands ; la bête le pria de couper les bois, ce qu’il fit. En récompense, il reçut un serpenteau qui se changea en une superbe femme. Dans un autre récit, il est question de trois sœurs jalouses de leur cadette ; elles lui donnent un verre d’eau dans lequel flotte un serpenteau qu’elle avale. L’animal grandit dans son ventre, et ses parents la chassent. Elle reçoit l’aide de pâtres qui la suspendent la tête en bas au-dessus d’un chaudron de lait et font sortir ainsi le serpent.
Quelques rites et croyances sont liés au serpent. À Noël, on cache la quenouille car celui qui la voit sera mordu par un serpent l’année suivante. En rêve, ce reptile signifie le vent, et si quelqu’un en lève un en l’air, il provoque un vent qui dure six semaines. On peut arrêter la pluie avec une branche de noisetier grâce à laquelle on a sauvé une grenouille de la gueule d’un serpent.
17Seth. C’est le fils d’Adam et Ève. Lilith l’enleva et l’emporta dans le désert. Après que les parents l’eurent longtemps prié. Dieu envoya l'ange Gabriel chez Lilith pour lui demander de rendre l’enfant et lui annoncer qu’un fils de Caïn viendrait la rejoindre, dont elle aurait de nombreux fils et filles.
18Simon-sur-le-poteau, saint (Sf Simion Stâlpnicul). Le nom de ce saint fêté le 1er septembre – en certains lieux le 21 juillet – vient de stâlp, « poteau », parce que, tel un poteau, il maintient le ciel et la terre, ou parce qu’il établit son ermitage au sommet d’un pieu. Il y passa sa vie à jeûner et prier. Selon une autre explication, le saint aurait passé toute sa vie sur un pied.
Simon était un splendide jeune homme, presque aussi beau que le soleil. Un jour, il voulut aller chercher de l’eau au puits pour un juif. Là, un serpent le pria de le tirer du puits et lui promit que tous ses souhaits et pensées seraient exaucés. Il eut toujours nourriture et habits en suffisance, épousa une princesse dont il eut un (ils. On ne sait pas comment il fut canonisé. Son fils mourut et il se vengea en enfermant le vent, ce qui provoqua bien des désagréments dans le monde. Dieu et Ses saints le prièrent en vain de le libérer. Puis ce fut au tour du coq qui lui dit que beaucoup de ses poussins étaient morts et qu’il ne le prenait pas au tragique ; pourquoi, sept ans après le décès de son fils, le saint continuait-il à porter le deuil ? Cet argument convainquit Simon qui relâcha le vent. Dieu récompensa le coq en lui donnant quarante poules pour femmes.
La fête du saint passe pour marquer le début de l’année. Le temps qu'il fait ce jour-là est déterminant. Les moineaux* rejoignent leur empereur et lui payent un tribut en céréales.
19Sisin, saint (Sf. Sisoe) Ce saint eut plusieurs sœurs ; l’aînée s’appelait Melintia et se maria alors que Sisin étudiait auprès de saint Antoine. Il se retira dans le désert, ou vécut en ermite sur une haute montagne. Melintia eut cinq fils, mais à chaque fois un dragon (Drac*) ou un démon arrivait en volant et emportait l’enfant. Quand elle fut enceinte pour la sixième fois, un ange apparut à Sisin, ou bien il rêva que celui-ci lui disait d’aller chez sa sœur, saisir la queue du diable et le suivre sans crainte. Avant d’accoucher, Melintia se retira dans une chambre sans fenêtre afin que le diable ne puisse entrer, mais il réussit à passer par le toit, ou se transforma en un grain de blé et se cacha sous le sabot du cheval de Sisin. Le saint le saisit par la queue et fut emporté dans les airs. Quand ils arrivèrent au bord de la mer, le diable avala le nouveau-né. Sisin demanda à ramener à sa sœur ses cinq enfants et, une fois qu’il eût nommé les dix-neuf noms du démon (l’ange les lui avait murmurés à l’oreille), il les récupéra et les rapporta. Depuis, on passe au cou des nouveau-nés un bout de papier avec le nom du saint afin que le diable ne les emporte pas. D’autres variantes de la légende de Sisin racontent qu’il dut descendre aux enfers et citer les soixante-neuf noms du démon pour ramener les enfants de sa sœur. L'archange Michel* le remplace quelquefois, et Lilith, le diable ou Avestiţa*.
20Soleil (Soarele). À l’aube du monde, il n’y avait pas de ciel, la lune et le soleil étaient des hommes mais possédaient déjà leur propriété de dispenser chaleur et lumière ; leurs chemins allaient sur terre et ils parcouraient la même route jour et nuit. Mais, soit parce que ces chemins étaient trop mauvais, soit parce que le soleil produisait une chaleur trop grande, avec les hommes ils prièrent Dieu de leur donner un ciel afin qu'ils y courent et ne menacent plus les humains. Sept apôtres se déclarèrent prêts à créer le ciel avec l’aide des hommes. Dieu les munit d’ailes et ils s’envolèrent pour le pays des Bénins* d’où ils ramenèrent des gemmes dont ils firent une toile, le ciel ; avec ce qui restait, ils construisirent sept pieux pour le soutenir. Puis soleil et lune, Dieu et ses anges gagnèrent le ciel.
D’autres mythes disent que soleil et lune restèrent chez les hommes jusqu'à ce qu’une femme leur jette du fumier sans réfléchir. Certains mythes influencés par la Bible présentent soleil et lune comme des créations divines. Une fois la création achevée, le diable réclama le soleil et l’obtint, mais comme sa proximité aurait fini par le brûler, il construisit, sur les conseils de ses frères, quatre ailes qu’il disposa aux quatre points cardinaux afin qu’elles produisent le vent et adoucissent la canicule. On dit aussi que le Soare est le fils de sainte Dimanche*, ou la fille de Dieu (soleil est en ce cas féminin). Soare et Lune* étaient frère et sœur et voulurent s’épouser, mais Soare déclara : « Si nous avons des enfants, nous réduirons le monde en cendres. » On rapporte enfin qu’au commencement du monde il n’y avait que la lune et que les hommes travaillaient nuit et jour sous sa clarté. La nuit de la Nativité du Christ, l’étoile du berger parut pour la première fois, puis ce fut le tour de l’étoile de minuit et, au matin, de Soare. Soare est le Christ, le jeune homme le plus beau et le plus pur qu’on puisse s’imaginer, il est saint, c’est pourquoi les hommes se signent lorsqu’ils le regardent. Il est le visage de Dieu, son œil diurne alors que la lune est son œil nocturne, il est l’étoile, le trône ou la couronne du Créateur. Son sexe change selon les saisons : il est femme en été, homme en hiver.
Soare se lève à l’est et se couche à l’ouest, mais comme il découvre maints crimes et méfaits lors de sa course, il veut changer celle-ci, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour l’humanité. Pour l’en empêcher, Dieu chargea saint Toader* et saint Nicolas* de veiller à ce que Soare ne puisse s’échapper par le nord ou par le sud. Saint Théodore est jeune et plus apte à cette tâche car il possède neuf bons coursiers avec neuf cavaliers ; l’un de ses hommes, Alexa, s’arrange pour que Soare entre par la porte du ciel. Comme Nicolas est âgé et ne possède pas de cheval, ou bien neuf destriers montés par des femmes, le danger est grand de voir Soare s’échapper par le sud.
De nombreux récits représentent Soare comme une créature érotique. Le hérisson* empêcha ses noces au dernier moment en nourrissant ses chevaux de poussière pour les habituer à l’idée qu’il y aurait plusieurs soleils qui détruiraient la végétation si Soare se mariait et avait des enfants. Soare ne put épouser sa sœur parce qu’ils furent transformés l’un en Soleil et l’autre en Lune*. Les filles qui s’éprennent de Soare (Alouette*, Tournesol*) ou repoussent son amour (Chicorée*) sont métamorphosées en plantes ou en oiseaux. Ici et là on affirme que sainte Barbara est sa fiancée, ou qu’il se comporte comme un paysan. Il avait une veuve pour maîtresse, enleva l’épouse d’un homme ou se maria à la fille d’un veuf, mais elle chercha à voir son visage une nuit et il dut la quitter. Cela rappelle fortement le mythe d’Amour et Psyché*. Un jour, sa mère lui amena une fiancée qui, la journée, fut enfermée dans une « chambre interdite » jusqu’à ce que son fiancé l’en sortît. Poisson, Soare épousa les trois filles d’un pécheur les unes après les autres, les conduisit dans son palais au fond de la mer, mais les deux premières le quittèrent parce qu’elles restaient seules le jour. Soare sauva la cadette que sa mère allait dévorer, et cette dernière mourut. Par repentir, il changea sa femme en lune. On dit aussi qu’il demanda la main de la fille d’un empereur, mais elle lui fut refusée parce qu’il n’avait pas le sou.
Autrefois, soleil et lune ne dispensaient pas autant de clarté qu’aujourd’hui : ils prirent la lumière des autres astres et ne voulurent pas la rendre. Soare chevauche un lion* jusqu’à midi, ou est porté par un ou douze bœufs noirs, ou encore par un lièvre boiteux ; l’après-midi, douze lièvres ou chevaux le portent. À midi, il s’arrête, mange une tartine de pain consacré et boit un verre de vin. Le matin, il montre son premier visage, l’après-midi, son second. Alors, le diable lui tourne le dos ce qui permet à saint Élie* de lui lancer ses javelots. On voit parfois un cercle ou un col autour de Soare.
Au moment où il se couche, il s’arrête un instant et jette un regard en arrière. Un jour, une fille le pria de s’arrêter jusqu’à ce qu’elle ait fini de coudre la chemise nuptiale de son fiancé, afin que les noces puissent avoir lieu le lendemain. Il l’exauça, se mit en retard, et sa mère pensa que les loups-garous l’avaient mangé. Quand elle apprit la raison du retard, elle jeta une malédiction : les chemises nuptiales cousues le jour du mariage se transformeraient en linceuls. On trouva les mariés morts le lendemain et on les enterra dans ces mêmes chemises. D'autres fois, Soare s’arrête pour admirer une fiancée ou des jumeaux.
Quand il a disparu, il traverse des espaces souterrains jusqu'au lieu de son lever, il les illumine, ou bien il vogue sur la mer qu’il consacre par sa navigation. On dit aussi que des monstres le portent jusqu'à l’endroit où il se lève, lui et son lion, pendant qu’il dort. Lorsqu’il disparaît, Soare est si brûlant de sa course qu'il doit se baigner pendant plusieurs heures afin que sa température soit supportable le lendemain, sinon il incendierait le monde. L’eau de son bain est brûlante et permet la formation de nuages. Selon d’autres récits, sa mère le baigne dans du lait ce qui a pour conséquence de le rajeunir : ayant vieilli le jour, et s’étant transformé en vieillard à la barbe blanche tombant jusqu’à sa ceinture, il se change en un garçon de sept ans avec de vives couleurs.
Soare est aussi le dieu de l'agriculture. Il assure la récolte en illuminant le sommet de la montagne et la croisée de la maison de ses trois rayons. Dans ses champs, les fillettes cueillent des fleurs, les rayons de Soare rougissent leurs joues, dorent leurs cheveux et font briller leurs yeux. Là, les garçons admirent et arrêtent celles-ci. Dans le lit blanc dressé sous un pommier* ou un cyprès, dort un jeune couple dont Soare colore les visages à son lever. Les moutons paissent sous la lune et les rayons de Soare les réchauffent.
De nombreux symboles solaires font ressortir l’importance de Soare dans la mythologie roumaine. On apprend aux chevaux à être dressés selon l’allure du soleil ; la couronne de blé*, celle de la mariée, le pain d'aumône offert aux pauvres lors des fêtes les plus importantes de l’année, imitent Soare ; les Calouchari* appellent une de leurs danses « danse de Soare ». Le soleil, la lune et le vent se disputent pour savoir qui a la préséance. On connaît quelques tabous concernant Soare : la femme qui a accouché ne doit pas le regarder avant quarante jours ; c’est un péché de le contempler sans s’être lavé le visage ; il est interdit d’uriner ou bien de jeter des ordures dans sa direction ; il n’est pas recommandé de travailler ou de manger pendant que Soare déjeune ; il ne faut pas dormir pendant qu'il se couche ; les femmes mariées ne doivent déambuler qu’avec un foulard afin que Soare ne puisse les voir.
En rêve, le feu ou une fiancée signifient beau temps ; si une fille rêve de Soare de bon matin, un garçon l’épousera bientôt ; dans le rêve d’un adulte, Soare signifie, le matin, une longue vie, le midi, que le rêveur a atteint la moitié de sa vie, et le soir, qu’il approche de la mort. Soare passe pour un signe météorologique : selon la façon dont il se lève le jour de l’Annonciation, on peut savoir comment seront le printemps et la récolte. Les éclipses de soleil annoncent la sécheresse.
Quand le soleil est couché vient le temps des forces maléfiques. Il est défendu de tirer de l’eau du puits, de mettre à sécher dehors les couches d’un nouveau-né et de jeter dehors l’eau de son bain. C’est le moment où s’accomplissent les actes magiques (conjurations, récolte de plantes curatives) afin que Soare ne les voie pas.
21Solomonar. C’est le maître de l’orage. On naît Solomonar ou on le devient de diverses façons : en mangeant de la chair humaine ; en se vendant au diable ; en venant au monde avec une coiffe que les parents ont enterrée mais qui croît et vit au même rythme que l’enfant ; quand celui-ci est grand, on la déterre et on la lui passe. Les moines qui chevauchent des dragons après leur mort deviennent des Solomonars ; de même les hommes qui ont dérobé les gemmes bouillies par les dragons, ou bien ceux qui parlent avec eux. Enfin, ceux qui ont fréquenté l’école des Solomonars. Cette école se trouve sous terre, l’enseignement y dure trois ou sept ans et elle accueille chaque année sept ou neuf écoliers, qui s’appellent « frères », comme les moines, mais seuls six ou huit en ressortent. On y apprend à chevaucher les dragons, à retenir ou relâcher la pluie. À la fin de leur apprentissage, les écoliers reçoivent un livre dans lequel est consignée toute la sagesse du monde, un bâton de voyageur et une bride d’or ou de bois de tilleul, ustensiles que le Solomonar porte toujours sur lui dans un sac, avec une planchette, une hache et des liens. Le Solomonar se reconnaît à sa robustesse et sa taille moyenne, ses yeux rouges, ses cheveux raides et à ses deux queues, l’une dans le prolongement de l'échine, l’autre, faite de plumes, sous un bras ; enfin, il ressemble à un mendiant. Par endroit, on le représente habillé de blanc ou d’un sarrau feutré. Il habite les forêts et se nourrit d’œufs rôtis et de lait.
Le Solomonar mendie des œufs et du lait. S’il est bien reçu, tout le village aura une bonne récolte, mais si on ne lui donne rien ou se moque de lui, il appelle la grêle qui anéantit les semailles. Quand il veut punir les villageois, il lit dans son livre jusqu’à ce que surgisse un dragon (Balaur*) aveugle ; il monte sur son dos, va trouver les nuages et leur indique où déverser leur grêle, puis, avec le dragon, ils gagnent le Pays torride où la bête est abattue et dépecée. Sa chair est vendue très chère en petits cubes car les hommes ne peuvent survivre à la canicule que s’ils portent sous le bras un petit morceau de viande de dragon.
Au bout de sept ans, le Solomonar perd ses pouvoirs magiques et devient un homme comme les autres, mais comme il reste initié, il peut se transformer en anti-Solomonar : grâce à une baguette de noisetier, il peut détourner les dragons volants vers d’autres villages ou leur planter un couteau dans le cœur ; le dragon s’abat alors sur terre et une source d’eau fraîche jaillit là où il est tombé.
Le Solomonar possède bien des traits communs avec le diable*, la Fée des Nuages*, les revenants* et le drac*. Les Hongrois le connaissent sous le nom de garabanciás diják, les Serbes et les Croates sous celui de grabancijas dijak, les Polonais sous celui de planetnik, et le tempestario espagnol lui est apparenté. En roumain, son nom est formé sur Solomon à l’aide du suffixe -ar qui désigne un métier. Les autres dénominations roumaines sont grindinar, pietrar, gheţar, farmazon, zgriminţeş, clirici, vâlhaş, şercan, etc. Les écrivains de l’Antiquité classique parlent d’anachorètes daces qui volent dans les airs et pourraient être les ancêtres des Solomonar.
22Sorcières (Strigoii viï). Elles se distinguent des revenants* essentiellement parce qu’elles vivent au village alors que les revenants sont des morts qui ne se décomposent pas. Dans la plupart des cas il s’agit de femmes nées d’incestes, neuvième ou douzième enfant du même sexe, né dans la même famille, ou bien des enfants conçus le jour de grandes fêtes, ou venus au monde avec une queue ou une coiffe. La sage-femme qui le constate peut décider dans quel domaine la future sorcière exercera son activité, celui des animaux domestiques, des poissons, des champs, etc.
Les sorcières peuvent se rendre invisibles, répandre des épidémies et des épizooties, priver l’homme de sa puissance sexuelle, mettre le monde à l’envers, retenir la pluie ou la lâcher quand elles se baignent. Elles sont particulièrement actives la nuit de la Saint-André* et de la Saint-Georges*. Elles dérobent alors le lait des vaches pour le donner à leurs propres bêtes. Leur activité s’arrête quand retentit une flûte ressemblant au cor alpin.
Celui qui, la veille de la Saint-Georges, décapite un serpent blanc avec une pièce d’or, lui met dans la bouche une gousse d’ail et de l’encens, puis l’enterre sous le seuil de la maison peut voir les sorcières qui sont invisibles. Elles chevauchent nues des bœufs noirs, des taureaux, etc. On se protège d’elles en frottant toutes les ouvertures de la demeure avec de l’ail et en les décorant avec de la livèche, de l’aubépine et des feuilles de hêtre.
L’âme des sorcières quitte leur corps qui gît dans le lit, comme mort, et y revient après ses aventures nocturnes. La nuit, les sorcières prennent l’aspect de chats, de chiens, de chevaux, de loups et de poules. Elles chevauchent des brisoirs, des balais, etc., s’en frappent mutuellement aux carrefours et les blessures récoltées se retrouvent sur leur corps à leur réveil. Alors, elles gardent le lit jusqu’à ce qu’elles soient rétablies. On reconnaît la croyance au double (alter ego).
23Sorcova. On nomme ainsi un rite commun dans la partie méridionale du pays. Deux ou trois petits enfants rendent visite à leurs voisins et touchent hommes et bêtes avec une branche de pommier ou de poirier en fleur (en ville, avec un bâton orné de fleurs artificielles), appelé sorcova, et expriment leurs vœux de bonheur pour l’an neuf. On les récompense avec des bretzels, des pommes, des noix et de l'argent.
24Souris (Şoarecele). À l’origine, ce fut une femme, changée en souris pour avoir mangé le pain de la messe. Elle tenta de percer l’arche de Noé* et, avec l’araignée*, de pendre et enterrer la mère de Dieu. Quand les enfants perdent leurs dents de lait, ils demandent à la souris une dent de fer. On dit qu’il existe un pays des souris. Dans les contes, ce rongeur aide l’héroïne à retrouver sa perle volée.
25Spiridon, saint (Sf. Spiridon). Spiridon était un cocher qui prenait dans son chariot tous ceux qu’il rencontrait sans les faire payer. Il accomplit plusieurs miracles, réduisant en poudre une tuile dans sa main et la décomposant ; il éleva le feu, l’eau tomba au sol et la terre resta dans sa main, ce qui représentait la sainte Trinité ; c’est ainsi qu’il convainquit un païen nommé Arie de l’existence du Christ en tant que Dieu. Il fut donc canonisé. Il ressuscita un âne et un cheval décapités, ou deux chevaux, l’un noir, l’autre blanc, mais commit l'erreur d’intervertir les têtes. Un jour, il prit sur le fait une femme copulant avec le diable : il les décapita tous les deux, puis voulut réparer son acte et leur remit les têtes sur les épaules, mais la femme eut celle du diable et inversement ! Comme maréchal-ferrant, il trancha un jour la patte d’un cheval mais sut la remettre en place.
Spiridon est le patron des cordonniers car il apprit leur art alors qu’il était soldat. On dit plus rarement qu’il mutile les hommes, raison pour laquelle on le fête le 12 décembre pour s’épargner les maladies et les coups. Un étrange récit raconte que Spiridon fut conçu par un moine seul. Une femme se coucha à côté du moine endormi qui eut une éjaculation ; il quitta lit et femme, essuya son membre avec de la laine qu’il jeta ; le fœtus y grandit et en sortit neuf mois plus tard.
26Stature-d’une-paume, barbe-d’une-coudée (Statu-Palmă-Barbă-Cot). Nom d’un nain dont le corps est plus petit que la barbe et qui chevauche une moitié de lièvre boiteux.
27Stellian, saint (Sf. Stelian). On le fête le 26 novembre afin que les petits enfants poussent bien. Sur les icônes, on le représente avec un enfant dans les bras. Son icône protège d’Avestiţa*.
28Sureau (Socul). Il est ambivalent. D’une part, certains disent qu’il est sacré et qu’il ne faut ni l’abattre ni le brûler ; au Banat, les homme en portent un morceau à la ceinture pour se protéger des maléfices ; dans les autres régions, on croit qu’il aiderait à gagner un procès. On soigne l’enrouement, les fièvres et la jaunisse grâce lui. D’autre part, on le tient pour le buisson du diable qui réside sous ses racines qui possèdent la forme d’une tête humaine. Il ne faut donc pas le déplacer et seul le feu peut l’anéantir. Il passe pour un ingrédient important dans la magie amoureuse.
29Sycomore (Paltinul). C’est un arbre sacré. Étienne le Grand* construisit une église là où il se dressait. De son bois on fait les claquoirs que font retentir les chanteurs d’église pour avertir les chrétiens que la messe commence. Dans les contes et les ballades, l’inhumation dans l’air* a lieu à la cime d'un sycomore, ou bien on y dépose le berceau de l’enfant qui a perdu sa mère. Dans cet arbre se trouvent la force et le cœur d'un dragon. Le sycomore naît des corps des jumeaux innocents tués par leur mère, et de son bois on fait une flûte qui raconte leur sort (variante du thème de l’os qui chante).
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