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p. 151-169
Texte intégral
1Pantelimon, saint (Sf. Pantelimon). Le nom populaire du 27 juillet est Jour de Pintilie le voyageur ou du jeune Élie, le frère de saint Élie*. C’est le dernier jour de l’été, le soleil commence alors son périple annuel. Il rencontre l’automne et prend congé de lui, danse ou s’arrête une demi-heure, alors le cerf sort de l’eau ou y pisse, et elle se refroidit, les oiseaux migrateurs se mettent en route. On fête cette journée pour se protéger du mauvais temps, de la grêle, de la foudre, des maladies, des esprits malins et mettre à l’abri les troupeaux de moutons. C’est le premier jour où l’on a le droit de manger des pommes. On raconte qu’autrefois, un pommier apparut aux personnes d’un certain âge, qui le secouèrent. Les enfants morts des parents qui n’ont pas mangé de pommes avant le 27 juillet, peuvent ramasser ces fruits, les autres non. On distribue des pommes, des poires et des tranches de pain pour les âmes des morts ce jour-là.
2Paon / Paonne (Păunul şi Păuniţa). Au matin du monde, Dieu chargea le paon de convoquer tous les oiseaux afin qu’ils reçoivent leurs couleurs. Il accomplit sa tâche au mieux et reçut donc les plus belles couleurs. Mais avec le temps, il devint par trop orgueilleux et Dieu le priva de son ramage, ne lui laissant que son cri, ce qui diminua la valeur de son plumage. On explique ainsi la différence entre le paon et la paonne : celle-ci passa tant de temps à apprêter son époux pour la messe de Pâques qu’il ne lui en resta plus pour elle-même.
3Paparuda. On désigne ainsi une sainte commandant à la pluie, un masque de verdure ou encore le rite répandu au Sud et à l’Est du pays et accompli un jeudi (parfois un mardi) entre Pâques et la Pentecôte. Une fillette (ou plusieurs), ou un ou plusieurs adolescents – souvent des enfants de bohémiens –, sont déshabillés puis vêtus de guirlandes vertes de feuilles d'arbres (surtout de sureau), jusqu’à en être méconnaissables. Ils passent dans les demeures, chantent un bref chant demandant que la pluie tombe abondamment. Leurs hôtes vident des seaux et des cruches sur les masques pour déclencher l’averse. En bien des lieux, le lait ou le petit-lait remplacent l’eau, ou bien on tamise de la farine afin que la pluie tombe drue. En récompense, les personnes masquées, et ceux qui les accompagnent, reçoivent de l’argent, de la farine, des œufs et d'autres produits qui sont ensuite partagés entre les participants. Parfois, on fait des feuilletés que tous mangent ensemble près de la fontaine. Les feuilles des arbres sont jetées dans le fleuve avec la croix d’une tombe, et les participants s’y baignent. Au sud des Carpates, il est aussi courant que le cortège de Paparuda asperge d’eau toutes les personnes rencontrées dans la rue et les fermes, mais surtout les femmes enceintes. À l’est des Carpates, on conduit Paparuda jusqu’à la fontaine du village et on l’arrose copieusement d’eau. Dans quelques régions orientales du pays il existe une forme particulière de Paparuda : il n’y a pas de masque de verdure et seules des femmes participent à la coutume. Elles se rassemblent dans une maison le troisième jeudi après Pâques, apportent des mets et des boissons et s’aspergent ; parfois, seules le sont les femmes enceintes. Ce rite est connu dans toute l’Europe du Sud-Est sous des formes similaires, avec les dénominations correspondantes et la même fonction.
4Papillon (Fluturele). À l’origine du monde, il n’y avait que de l’eau couverte d’écume à l’endroit où se trouvaient un papillon et un ver*. Le papillon déposa ses ailes, reçut un splendide visage et devint Dieu. Des cornes et une queue poussèrent au ver qui devint diable. Selon d’autres mythes, le papillon, né des âmes des enfants morts, apporte de l’eau aux âmes assoiffées. Les variétés de grands papillons sont appelées Tête de Mort, Tête d’Adam, etc. Apercevoir en premier un papillon rouge au printemps est signe de santé et de bonheur pour toute l’année, alors qu’en voir un jaune ou noir apporte maladie et mort.
5Pâques, les petites (Mătcălăul). Le Mătcălăul est un hybride, mi-homme mi- ange, ressemblant à Sântoaderi ou à Rusalii (Pentecôte*). C’est le cadet de la fête de Pâques, sa fête, nommée les petites Pâques, tombe soit le lundi, soit le mardi de Pâques, ou encore le deuxième mardi après cette fête. Dans la partie occidentale du pays, on organise alors une cérémonie qui sert à faire sœurs et cousines des filles non apparentées. Les garçons peuvent faire de même entre eux, mais leur cérémonie peut aussi avoir lieu à d’autres fêtes de l’année (Fraternisation*). Les deux rituels divergent en partie : celui des filles est mené par un « père spirituel ». On cuit une galette dont on entaille la croûte d’une croix, où l’on verse autant de gouttes de vin qu’il y a de participantes ; puis, avec une pièce d’argent et à partir de la croix, on coupe la galette et on en donne un morceau à chacune. Les filles le mangent et trinquent avec un verre de vin, s’embrassent, parfois au travers d’une couronne de fleurs, et se promettent de se comporter comme de vraies sœurs. On partage la pièce d’argent et chaque sœur en conserve un morceau toute sa vie. Sans lui, saint Pierre* ne les accueillerait pas au paradis. Ce jour-là, on pense aux défunts, on dépose des mets sur leurs tombes et on offre des petits pains aux anciens et des œufs colorés aux enfants.
6Pâques fleuries (Floriile). Le dernier dimanche avant Pâques évoque la population saluant Jésus avec des rameaux en fleurs, lors de son entrée dans l’église de Jérusalem pour la dernière fois. Les arbres et les fleurs se mettent alors à fleurir. À l’église, on distribue des chatons de saule en souvenir de l’aide que cet arbre apporta à Marie quand elle voulut traverser le fleuve. Ces branches ont un pouvoir magique : elles aident les enfants à grandir, permettent aux abeilles, au chanvre et aux légumes de prospérer, repoussent les forces malignes et les maladies, protègent du feu et de la grêle, etc. Pour cette raison, on les conserve toute l’année au-dessus du porche ou derrière les icônes. Qui lave ses cheveux ce jour-là grisonne de façon précoce, c’est-à-dire fleurit comme un arbre, mais qui touche sa chevelure avec des chatons de saule a de beaux et longs cheveux. Le temps qu’il fait à Pâques fleuries se répète à Pâques.
7Paradis (Raiul). Il se trouve au ciel près du trône divin, ou sur terre, à Jérusalem ou quelque part à l'Est. C’est un lieu resplendissant, plein de bonheur, où il n’y a ni peines ni travail. Tout y est vert, les oiseaux gazouillent sur les arbres, partout sont dressées des tables couvertes de mets, de verres pleins et de bougies allumées, les fleuves sont propres et froids. Le paradis possède sept ou douze portes. Un pont étroit, aussi mince que le fil d'un couteau et enjambant un fleuve de poix brûlante, y conduit. Le premier couple y vivait, portant des habits d’ongles* et pouvant tout faire sauf manger les fruits d’un certain arbre. Quand cette interdiction eut été transgressée, le couple se retrouva nu et dut travailler dur pour se nourrir, ayant pour outils, dit-on, une quenouille et une houe. Un morceau de la pomme resta coincé dans la gorge d’Adam et, depuis, tout homme porte ce signe. Le serpent qui avait exhorté Ève à manger la pomme fut puni : il dut quitter le paradis, perdit sa position de conseiller de Dieu et ses ailes ; quand il a des maux de tête, il se montre au bord des chemins, les hommes peuvent le voir et le tuer. Les morts peuvent quitter l’enfer et gagner le paradis entre Pâques et la Pentecôte (Marie*). Le soleil prend son envol chaque jour à la porte du paradis.
8Parascève, sainte (Sf. Paraschiva). Les reliques de sainte Parascève se trouvent à l’église Trei Ierarhi à Jassi. Celle-ci flamba un jour, mais les reliques restèrent intacts. On la fête le 14 octobre, contre les maladies, le mauvais temps, etc., et les Moldaviens, Bucoviniens et Bessarabiens se rassemblent à Jassi. Les troupeaux quittent les montagnes, on embauche des pâtres, on afferme les prairies et les noces des moutons ont lieu : on mène les béliers aux brebis. Ce jour-là, le soleil ou saint Démétrius achètent leur peau de mouton.
Sainte Parascève fut, dit-on, d’une extrême beauté ; les Tatares l’enlevèrent et la vendirent au pacha à Akkerman ; il voulut l’épouser, mais elle réussit à s’échapper du harem et, lorsque les soldats allaient la capturer, elle se changea en source. D’autres légendes soulignent sa pauvreté ; pourtant, elle distribuait aux indigents tout ce qu'elle possédait. Elle aurait été martyrisée un vendredi et cuite, comme la sainte Mère Vendredi*, dans de la poix.
9Paul, saint (Sf Apostol Pavel). Il vit dans l’ombre de Pierre*, l’accompagnant lorsqu’il visite la terre, et on les voit tous deux sur la lune. L’iconographie les représente ensemble, Pierre avec les clés, Paul avec le livre. On les fête le 29 juin comme patrons des bêtes, et ceux qui en possèdent apportent des laitages à l’église afin qu’ils soient bénits. Ils protègent de la grêle et de diverses maladies. Paul n’est individualisé que parce qu’il prit la place de saint Nicolas* comme maître, lorsque Dieu rappela celui-ci à Lui. Il porte une barbe blanche tombant jusqu’au sol. Un jour, dit-on, il vola une chemise à une pauvresse ; lorsqu'il la lui eut rendue. Dieu fit de lui et de Pierre des prêtres devant prier pour les péchés des hommes, car jamais il n’y avait eu de vol auparavant. Signalons qu’on ne relève pratiquement aucune trace de l’Apocalypse de Paul.
10Pentecôte (Rusaliile). Ce nom recouvre à la fois la Pentecôte, fêtée cinquante jours après Pâques, et les Rusalii, êtres mythiques. Deux autres fêtes y sont apparentées : les Todorusalii qui tombent vingt-quatre jours après Pâques, jour où les Rusalii rencontrent leurs frères, les Sântoaderii, leur offrent des (leurs et passent la journée ensemble, – et le Sfredelul Rusaliilor (Troueur des Rusalii), jour où l’on perce les oreilles des fillettes afin qu’elles puissent porter des boucles d’oreille.
La Pentecôte est la fête la plus importante : les Rusalii apparaissent et font ce qu’ils veulent pendant une semaine. Ce sont trois ou sept sœurs, servantes d’Alexandre le Grand*, qui burent son eau d’immortalité, ou encore les filles d’un empereur païen appelé Rusalim*, dont les sujets se convertirent au christianisme. Ce sont des vierges, comme les méchantes fées, mais alors que les fées méchantes sont belles et jeunes, les Rusalii sont laides, voûtées et vieilles. Elles volent dans les airs, chantent et dansent près des fontaines, aux carrefours et dans les clairières ; elles portent des outils tranchants afin de pouvoir châtier ceux qui ne respectent pas cette fête. Les Rusalii défigurent les hommes, leur tournent la tête à l’envers, c’est-à-dire le visage derrière, leur ravissent mains ou pieds, leur crèvent les yeux, les élèvent dans l’air et les laissent retomber afin qu’ils se rompent les os, enfin, elles peuvent les rendre fous. Pour parer à ces dangers il faut éviter de travailler aux champs pendant toute la semaine et ne pas tirer de l’eau du puits la nuit ; la veille de la Pentecôte, il faut se procurer de l’absinthe, la mettre dans son lit ou l’attacher au toit ou à la porte de la maison et même la porter à la ceinture. D’autres plantes ont le même effet : l’ail, Avrãmeasa*, la valériane et la livèche. On peut aussi échapper au danger en rejoignant les Calouchari* ou en les recevant chez soi.
La Pentecôte est liée aux morts : entre Pâques et cette fête, les défunts peuvent rendre visite à leurs familles ou demeurer au paradis, mais ils doivent ensuite regagner l’au-delà. Pour le repos de leurs âmes, on fait des offrandes de pots de lait ornés de guirlandes de roses et d’œufs colorés. Sous cette forme, la Pentecôte est connue dans toute l’Europe du Sud-Est.
11Perce-neige (Ghiocelul). Les enfants du vent printanier perdirent leur mère ; leur père épousa donc la fille de la bise qui les chassa alors qu'il était absent. Les enfants prièrent Dieu avec ferveur si bien qu’il les transforma en perce-neige. Selon d’autres récits, le perce-neige fut un fiancé qui transgressa un tabou en buvant l’eau d’une certaine fontaine.
12Perdrix (Potârnichea). Un jour, une perdrix effraya la mère de Dieu qui la condamna à voler vite et à faire peur aux gens.
13Pharaons, les (Faraonii). Dans la langue commune, ce nom désigne le diable suprême qui est aquatique. Les récits populaires connaissent un peuple de Pharaons vivant dans la mer et essentiellement composé de femmes dont le bas du corps est celui d’un poisson. Elles restent six jours cachées au fond des eaux, mais le samedi, quand la mer se repose, elles gagnent la surface ou la rive et jouent avec leurs perles ou leurs bijoux. Parfois, elles en oublient, et quand les hommes les trouvent, ces diablesses tentent de les attirer dans l’onde. Elles chantent de merveilleux chants pour endormir les bateliers, et les noyer. De la même façon, elles tentent de faire s’échouer les navires qui vont en Amérique. Les plus vieilles d’entre elles chantent des chansons tristes.
Un autre récit rapporte la genèse des Pharaons. Ce furent des incroyants qui poursuivirent Moïse lorsqu'il s’enfuit d’Égypte ; mais alors que les eaux se séparaient pour le laisser passer, elles se refermèrent sur ses poursuivants qui se transformèrent en hommes, femmes et enfants poissons.
14Philippe, saint (Sf. Filip). Quand les juifs eurent décapité l’apôtre Jacques, ils voulurent aussi exécuter saint Philippe. Ils savaient où il passait la nuit, plantèrent une branche devant la porte de la maison pour la reconnaître le lendemain et s’emparer de lui. Leur plan échoua car ils trouvèrent une branche devant chaque demeure.
15Philippes, les (Filipii). Le nombre et les fêtes des Philippes varient d'une région et d’une famille à l’autre. Il y a les Philippes d’automne (le 11 octobre, du 12 au 16 novembre, et le 21 novembre) et celles d’hiver (du 25 janvier au 2 février), mais d’autres dates sont possibles. Quelques familles fêtent un Philippe, d’autres jusqu’à douze. En règle générale, le nombre et les dates de ces fêtes se transmettent par les femmes, de mère en fille, et de belle-mère en bru. Tous ces Philippes ont un chef, célébré le 21 novembre, qui se distingue des autres parce qu’il est pire qu’eux et possède une jambe plus courte que l’autre. Les fêtes des Philippes sont en partie plus strictement respectées que les dimanches.
Toutes les bêtes sauvages, surtout les loups*, mais aussi les ours, sont soumis aux Philippes, et saint Pierre* répartit entre les loups les animaux de ceux qui ne respectent pas les fêtes. Ces jours-là, certains travaux sont interdits : se peigner, parce qu’on croit qu’autant de loups attaqueront les bêtes que l’on a de cheveux ou que le peigne possède de dents ; jeter les balayures ou les cendres hors de la maison et des écuries, car la louve y cherche la nuit des charbons. Si elle en trouve, elle tombe enceinte et le nombre des loups se multiplie. Il ne faut ni coudre, ni filer, ni prêter quoi que ce soit (sel, pain, braise, etc.), ni prononcer le mot « loup », ni ouvrir les ciseaux, ni percer de trous. En revanche, d’autres travaux sont obligatoires : faire la lessive, car l’eau bouillante brûlera la gueule du loup ; boucher l'ouverture du four avec de la glèbe afin que la gueule et les yeux du loup restent fermés ; les sérans doivent être pressés ensemble pour maintenir la gueule du loup close, mais on obtient le même résultat avec neuf nœuds faits à un sac.
Les Philippes protègent la demeure du feu, des fantômes, des reptiles et d'autres dangers. Ces fêtes poursuivent la tradition des anciennes Lupercales romaines.
16Pic (Ciocănitoarea, Gheonoaia). À l'origine, le pic était une femme au long nez ; elle reçut un sac rempli de tous les insectes et des oiseaux du monde afin de l’enterrer sans y jeter un regard. Par curiosité, elle ouvrit le sac (Alexie/Alexiu*, Serpent*) si bien que tout son contenu se répandit sur les monts et les vaux – on reconnaît l’ancien mythe de Pandore. Elle fut condamnée à être pic et, depuis ce temps-là, elle tente de tuer tous les insectes. Les Macédo-Roumains racontent qu'une vieille femme malade pria Dieu de lui envoyer la mort. Celle-ci vint, mais la vieille changea d’avis et l’envoya à son fils qui mourut. La vieille regretta tant son acte qu’elle demanda à Dieu de la changer en oiseau. Depuis, elle vole d’arbre en arbre, criant le nom de son fils : « Ghion ! Ghion ! » Le pic connaît le secret de la découverte de l'herbe du pic*.
17Pic, l’empereur (Pic împăratul). Il fut si cruel que la Vierge Marie* et le soleil furent d’avis qu’il fallait le jeter dans une eau très profonde afin que ses traces disparussent. Alors qu’ils se concertaient, Pic surgit, insulta et gifla Marie, lui tira les cheveux et se querella avec le soleil qui, furieux, le jeta dans un puits. Marie en eut pitié et voulut l’en tirer, mais elle ne trouva qu'un cousin tremblant car Dieu l’avait ainsi métamorphosé.
18Pie (Coţofana). Elle était au service du diable quand saint Pierre* se loua à lui afin de récupérer le contrat d’Adam*. Pierre tenta de le faire à chaque fois que le diable plongeait au fond de la mer. Mais, dès qu’il touchait la charte, la pie chantait et le diable l’entendant émergeait.
Dans les contes, le sang de la pie sert à ressusciter le héros et à guérir diverses maladies. Une pie crucifiée sur le mur d’une étable protège les bêtes du diable, des sorcières, etc.
19Pierre, saint (Sf. Petru). La vie de saint Pierre est remplie de motifs fabuleux. Le plus souvent représenté après la Vierge Marie, il occupe une place particulière dans la mythologie roumaine. Objet de la risée de tous les saints, il apparaît aussi comme le maître des animaux.
Un vieux couple souhaitait un enfant de toutes ses forces ; Dieu décida d’accomplir un miracle : sous les traits d’un vieillard, il vendit des pommes rendant les femmes enceintes ; la vieille en acheta une, mais son enfant ne voulut pas naître avant que ses parents lui promettent la fée orpheline pour épouse. Conformément à son sort, partiellement révélé par les Destinées (Fées du Destin*) ou partiellement lu dans le livre des destinées enfermé dans un ermitage situé à la source du Jourdain*, ses parents l’exposèrent ; il tua son père et les assassins de son beau-père. Ensuite, il ramena l’eau de vie et de mort de la source où les montagnes se heurtent du front (Battre-les-Monts-en-Tête*), ressuscita son beau-père, épousa la fée et devint empereur. À la mort de son épouse, il se retira dans un ermitage, à la source du Jourdain, d’où Dieu l’appela au ciel. La vie terrestre de Pierre ne comporte que quelques épisodes : la propagande électorale des chrétiens (Mante religieuse*) ; sa capture et sa délivrance par l’ange, motifs de sa fête et son reniement de Jésus la nuit de sa capture. Selon quelques témoignages, on le voit sur la lune en compagnie de saint Paul* car il poursuivit un cheval qu’il ne put tuer que là.
Comme être céleste, Pierre se distingue comme détenteur des clés du paradis ainsi que celles de toutes les demeures du ciel. Là, il donne à boire du lait aux nourrissons avec une petite cuiller. Il ne laisse entrer que les bons et aurait même refusé à son père l’entrée du paradis parce que celui-ci avait opprimé les pauvres quand il dirigeait la communauté villageoise. Il fit de même avec sa mère qui, en tant qu’hôtesse, avait coupé le vin d’eau. En revanche, il laissa entrer son frère, pâtre bienveillant, qui avait toujours donné aux pauvres du lait et du fromage.
Pierre est représenté, par ailleurs, comme l’élève de Dieu, Son accompagnateur, Son serviteur. Son conseiller. Son ami ou même frère de Jésus-Christ. Sous les traits d’un vieillard, il L’accompagne, portant des sandales de fer ou de bois de saule. Plus rarement, il conduit un attelage de bœufs. Quand il voyage seul sur terre, il ressuscite les morts, guérit les malades, sert de parrain aux nouveau-nés et de témoin aux mariés. En compagnie de Dieu, il montre des faiblesses humaines : ses forces ne suffisent pas à faire des miracles et il est incapable de se maîtriser. Il peut servir le diable pendant trois ans pour lui dérober le contrat d’Adam*, mais perd alors un peu de chair de la plante de ses pieds. Un jour, il reçut pour mission de réconcilier une femme avec le diable ; il n’y parvint pas et leur trancha la tête à tous deux ; Dieu l’envoya les ressusciter, mais Pierre se trompa et plaça la tête de la femme sur le corps du diable et celle du diable sur le corps de la femme. Il n’est pas capable de garder le secret divin de l’absence de pluie pendant un an et le révèle à son compère. On ne peut pas toujours lui faire confiance : un jour, il lui fut permis de rentrer chez lui pour un court laps de temps, mais il y resta quatre semaines ; une autre fois, il visita l’enfer avec Jésus et oublia de le quitter avec lui ; s’il n’avait eu l’idée de déclarer qu’il voulait y construire une église, les diables l'y auraient gardé à tout jamais. Il réagit parfois violemment et doit en supporter les conséquences : ayant giflé un pâtre paresseux, celui-ci le rossa deux fois. C’est le saint le plus battu de tous : un jour, parce qu’il a perdu les clés du ciel, une autre fois pour s’être enivré, ne pas avoir voulu jouer du violon pour des hommes soûls ou avoir voulu passer la nuit dans un estaminet. Même une femme ivre le rossa !
Saint Pierre a d’autres faiblesses, par exemple : il mange beaucoup, raison pour laquelle Dieu lui ôta les intestins et les étendit sur un saule. Un jour, il eut grande envie de poires, mais elles se transformèrent en insectes répugnants alors qu’il les portait à sa bouche. Il aimait aussi fumer la pipe mais ne put la curer car son ustensile se transforma en charançon. Au plus profond de son âme, Pierre désirait remplacer Dieu ne serait-ce que pour une nuit ou une journée ; Dieu exauça son souhait secret au moment où un pauvre paysan fit paître sa chèvre en disant : « Que Dieu te surveille ! » Le remplaçant de Dieu regretta fortement son souhait car la chèvre paissait tantôt dans la montagne, tantôt dans la vallée, et il sua sang et eau, ses vêtements furent vite en loques, des épines déchirèrent ses mains et ses pieds, et le propriétaire de la chèvre le battit parce qu’il avait arraché la queue de sa bête.
Pierre eut aussi une fiancée qui, un jour, prit tant de poissons qu'elle ne put les vendre le jour même, il institua alors un jeûne jusqu’à épuisement du stock de poissons.
Saint Pierre est capable de punir. Des femmes qu’il avait envoyées chercher des plantes médicinales se mirent en retard, aussi les condamna-t-il à être étoiles. Il changea en coucou* l’homme qui lui avait volé ses chevaux ou ses bœufs, et condamna surtout les ivrognes qui le firent souvent souffrir. Avec Dieu, il envoya des inondations à des villageois qui avaient refusé de les héberger. Un jour, tous deux se perdirent dans une forêt profonde et ne surent plus en sortir ; il interrogèrent un vacher couché sur le sol, qui ne se donna pas la peine de leur montrer le chemin ; depuis ce temps-là, les vaches sont affligées par les taons et les vachers ne peuvent plus se reposer tandis qu’elles paissent.
Saint Pierre est fêté deux fois dans l’année. Le 16 janvier (saint Pierre d’Hiver ou Chaîne de saint Pierre), et le 29 juin (saint Pierre d’Été) avec saint Paul. On l'honore pour se protéger de la grêle et des intempéries et on fait des offrandes de laitages afin que les loups épargnent les bêtes. Pierre est le maître des animaux (saint André*). La nuit du 16 janvier, les loups, c’est-à-dire les « chiens » du saint, se rassemblent à un carrefour ou sur une colline ; Pierre s’y rend, chevauchant un cheval blanc, pour répartir la nourriture entre les loups qui ne doivent pas attaquer les hommes ou les animaux domestiques sans que le saint les leur ait donnés en pâture. Il répartit aussi des tranches d’un pain qui ne s’achève jamais, des pois chiches, etc., ou bien dit à chaque loup quel animal (mouton, vache, cheval) lui est dévolu. Ses instructions sont respectées : même quand les loups ont une faim dévorante, ils ne s’attaquent pas aux autres bêtes et préfèrent manger des racines ou de l’argile. Quand Pierre eut rassasié tous ses « chiens », surgit un loup avec une patte plus courte que les autres, auquel est attribué l’homme caché dans un arbre pour observer ce rite et qui ne peut se sauver. Même s’il rentre chez lui dans une caisse en fer, un loup invisible le dévore.
20Pigeon (Porumbelul). À l’aube du monde, Dieu ressemblait à un pigeon et survolait les eaux originelles sur lesquelles nageait le diable sous la forme d’un canard. Selon d’autres récits, le pigeon naquit des entrailles de saint Pierre*, que Dieu étendit sur un saule. Celui que Noé avait emmené dans l’arche fut envoyé après le déluge en éclaireur et revint avec un rameau d’olivier, de sapin ou de saule dans le bec ; Noé le bénit : il serait aimé des hommes autant qu’il l’aimait à cet instant. La constellation du pigeon rappelle cela dit la légende. Il ne faut pas tuer les pigeons et le diable ne peut prendre sa forme ; les sortilèges restent sans effets sur lui. En revanche, si un prêtre lui donne la communion, il peut l’apporter à un enfant mort, dans l’au-delà. Dans les chants de Noël, les pigeons apparaissent comme des anges qui créent des monts et des vaux afin que les pâtres paissent leurs troupeaux. Ils arrosent et fertilisent les champs. Ils sont assimilés à des jeunes gens. Oiseaux érotiques, ils servent de modèle aux humains, mais peuvent aussi priver les couples d’amour. Ils sont enfin capables d'apporter la pauvreté, le malheur et même la mort.
21Pintea, le brave (Pintea Viteazul). Ce héros a accompli des exploits au nord des Carpates orientales. Orphelin de père et abandonné par sa mère, encore jeune, il occit, pendant un orage, le diable qui voulait tuer saint Élie*. En récompense, Élie exauça ses souhaits. Pintea demanda à être si fort que personne ne le vaincrait à la lutte, et qu’aucune balle ne puisse l’abattre. Il se fit brigand et, avec ses quatre-vingt-dix-neuf compagnons, s’empara de l’argent des riches pour le donner aux pauvres ou pour édifier une église. Dans sa main droite était cousue l’herbe du pic* qui lui ouvrait toutes les serrures, et il possédait un chalumeau dont il jouait à merveille. Il obtint la main de la princesse de Baia Mare et lui révéla son secret : on ne pouvait le tuer qu’avec sept grains de froment d’été et sept grains de blé d’hiver, avec sept grains de poivre, sept grains d’encens, sept fers à chevaux usés et une balle d’argent. La princesse le trahit et il perdit la vie. De son corps jaillirent sept épis de blé d’été et sept de blé d’hiver qui chantent sous le vent la malédiction du héros trahi. On voit encore, dit-on, sa hache qu’il planta dans une pierre de l’enceinte de la ville. Quant à ses trésors, nul ne les trouva jamais.
22Plongeon cosmogonique (Scufundarea cosmogonică). Voir Création du monde.
23Pluie (Ploaia). La quantité et la qualité de la pluie préoccupent beaucoup les sociétés agraires. Sa genèse, ses prévisions, son influence, son caractère sont des questions auxquelles la pensée mythique doit répondre. La pluie vient du ciel où un être mythique, Sorbul Mârilor, a aspiré l’eau des mers, l’arc-en-ciel* n’absorbant que celle des fleuves. Quand Dieu le veut, Il ouvre les portes du ciel et fait tomber la pluie. On dit aussi que l’eau de pluie se trouve à l’intérieur du ciel et que c’est saint Élie* qui provoque la pluie en conduisant un char dont les roues sont pourvues de clous avec lesquels il perce le sol du ciel. On la doit aussi à des dragons qui répartissent les eaux qu’ils ont avalées sur terre.
De très nombreux signes annoncent la pluie. Dès le Nouvel An, on peut savoir, avec l’aide d’un « calendrier d’oignon » (calendarul de ceapă), quels mois seront pluvieux ou secs. Une bonne pluie tombant au bon moment est la bienvenue, mais pas si elle dure trop longtemps. La pluviosité dépend de données sociales et religieuses : quelqu’un s’est pendu ou on l’a tué, une sorcière est morte... On croit aussi que des dragons sont tombés du ciel. La pluie inattendue par temps ensoleillé est due au péché de jeunes ou vieilles femmes qui tombent enceintes ; le diable rosse sa femme ou bien les noces des sorcières ou du diable ont lieu.
À certaines dates, la pluie revêt une signification particulière : à la Saint-Haralambie* (10 février) ou aux Quarante-Martyrs* (9 mars ; 15 mars), elle s’annonce pour quarante jours ; le Vendredi saint, à Pâques, à la Pentecôte, à Ovidenie (9 mars) ou à Noël, elle signifie abondance. Les pluies d’automne sont les larmes des mères et des filles, dont les fils ou les fiancés doivent rejoindre l’armée.
Certains comportements provoquent des pluies insolites. Qui ne mange pas toute sa soupe aigre le dernier jour du carnaval sera surpris par la pluie pendant les battages ; qui la mange directement dans la soupière, parle avec d’autres personnes sur le seuil de la porte ou insulte le jour pluvieux aura de la pluie pour ses noces ou ses funérailles ; qui dort le jour de Pâques aura de la pluie pendant les foins, etc.
Si la pluie dure trop longtemps, on lit dans le vieux missel de l’église, on vole une icône, trois familles prennent trois cuillers et les jettent dans trois puits, on répand du sel et du feu ; les enfants récitent un charme tandis que, devant la maison, ils menacent la pluie avec une ou trois haches avant de la/les planter dans le sol. La sécheresse est une punition divine pour des meurtres et peste et guerre lui succèdent. Elle possède pourtant un aspect positif : durant ces tristes périodes, les hommes se souviennent de Dieu qu’ils oublient quand tout va bien. De nombreuses manifestations cosmiques et des actes humains annoncent la sécheresse : le fait de faire passer le fleuve à un cadavre, d’enterrer un vampire ou encore si un moine pratique la sodomie ou que les sorcières* vont au bain. La pluie dépend assez souvent des briquetiers et des marchands, des sorcières, des magiciens et des Solomonari*. Pour la « libérer » on pratique des rites tels que Caloian* ou Paparuda*, et d’autres moins importants : on détruit des fourmilières, on vole des tuiles ou d’autres objets domestiques – un pot neuf, une cuiller, une cloche à cuire le pain volée par une femme – que l’on jette dans un puits ; on trempe une femme enceinte, une fillette ou une sorcière ; en outre, on dérobe, à l’église, le claquoir, la cloche ou une icône de sainte Marie, et au cimetière, une croix ou une herse, puis on jette ces objets dans le puits ou dans le fleuve ; on fait de même avec le cercueil d’une sorcière ou d’un ivrogne inhumés depuis peu. Une femme bénie et nue « coupe » l’eau du fleuve avec une faucille et dit : « Je tranche les barrages qui retiennent la pluie. » Des adolescentes ou de vieilles femmes arrosent l’église. Il s’agit de rites pratiqués individuellement ou en secret, d’autres sont publics, mais leurs « victimes » doivent être surprises : deux garçons ou plus parcourent le village – en bien des lieux leur action est secrète – puis courent sans un mot ; ailleurs, ils ont des clochettes aux jambes et font grand bruit, ou bien ils commencent leur activité à l’église en sonnant les cloches, puis, dans le village, ils aspergent d’eau femmes, hommes et enfants qui dorment hors des maisons ; ensuite, ils jettent des chariots, des roues, etc., dans le fleuve. C’est ainsi qu’ils appellent la pluie et nul ne s’offusque de leurs actes.
L’Église organise des processions dans les champs durant la sécheresse. On porte les reliques de saintes ou les icônes d’une église jusqu’à un puits ou une source, on récite des prières pour invoquer la pluie.
24Pocroava, sainte (Sf. Pocroava). En Bucovine, les femmes la fêtent le1er octobre afin qu’elle prie Dieu de ne pas détruire le monde. Les filles lui demandent un époux. Son nom est slave et désigne l’un des jours voués à Marie.
25Poisson (Peştele). La mythologie roumaine connaît peu de poissons (barbeau* ; dauphin*). Quatre poissons soutenaient la terre jusqu’au déluge ; l'un d’eux mourut dans la catastrophe et, depuis ce temps-là, il n’en existe plus que trois sortes. Quand l’un bouge, la terre tremble. Un autre occupe la mer et, lorsqu’il livre combat au diable, il provoque les vagues. Le poisson est aussi un symbole sexuel : les femmes et les animaux qui boivent un peu de café de farine de poisson se retrouvent gravides. Le soleil apparaît parfois sous les traits d’un homme vêtu d’une peau de poisson. C’est une nourriture très appréciée : les invités de la noce en mangent, on construit une maison avec ses arêtes, ses écailles servant de bardeaux et son sang d’enduit. Les enfants de moins d’un an ne doivent, cependant, pas en manger sinon ils restent muets.
26Polyphème (Polyphem). Un épisode de la légende d’Ulysse survit en Roumanie. Cherchant du feu, un héros parvint à une grotte où vivaient plusieurs géants borgnes. Ils voulurent le faire cuire mais, quand l’eau bouillit, ils entendirent un bruit et tous quittèrent la grotte sauf le plus vieux. Il devait cuire le héros en attendant le retour des autres, mais le visiteur lui lança une braise dans l’œil, passa une peau de mouton, prit du feu et quitta la grotte.
27Pommier et les pommes (Mărul şi merele). Le pommier rappelle le mythe biblique de l’arbre de la connaissance du paradis et la transgression de l’interdiction de manger ses fruits. Les sociétés agraires nous ont transmis des mythes qui représentent le pommier et ses pommes poussant sous ou sur terre, au ciel ou au paradis. Un pommier se trouve sous la terre et la supporte ; il porte des fruits mais personne n’a jamais pu les attraper ; sous l’arbre, tous les fleuves du monde prennent leur source et c’est là qu’ils retournent. Le pommier terrestre est un cadeau de Dieu et de saint Élie. Dieu interdit de manger ses fruits avant la Saint-Élie ; après cette date, on secoue les arbres et appelle les enfants pour qu’ils fasse la récolte. Qui dévore une pomme avant le jour fixé, en ramassera pour toute l’éternité, mais elles disparaîtront avant qu’il les porte à sa bouche. Qui donne des pommes ici-bas en recevra dans l’au-delà.
Ces fruits font partie des cadeaux les plus appréciés des enfants à Noël et au Nouvel An* (Sorcova*). Même Marie promit deux pommes à Jésus afin qu’il cesse de pleurer. Abattre un pommier avant d’en avoir planté un autre est un péché. On utilise ses branches dans les rites baptismaux, nuptiaux, au Nouvel An (Sorcova), etc. Pomme et Pommier ont très souvent une connotation sexuelle. Un pommier poussait au bord de la mer et étendait ses branches sur elle, si bien que celle-ci le menaça de les rompre ; il lui répondit que, si elle le courrouçait, il l’assécherait, la labourerait et y planterait des fleurs afin que les garçons et les filles puissent les cueillir. Un autre pommier poussait au même endroit, couvert de magnifiques pommes qu’un dauphin écrasait avant qu’elles fussent mûres ; un jeune homme le captura auquel il promit sa sœur s’il le libérait. Dans maints textes, une couleuvre niche dans les racines du pommier, un serpent vert dans le tronc et un faucon à la cime. Ils avertissent les brigands quand approche le danger.
Sous deux pommiers dont les racines sont éloignées mais dont les cimes se touchent, dort un jeune couple avec ses enfants, sur un lit recouvert de satin ; la nuit, la femme se lève, croyant qu’il a neigé. En réalité, un doux vent a soufflé du paradis sur les pommiers en fleur et couvert leur lit de pétales.
Les Colindes* représentent un pommier au paradis : il fleurit, porte des fruits qui mûrissent et que les hommes reçoivent en récompense sur leur table pour être allés à l’église et y avoir prié.
Certaines cérémonies se déroulent sous un pommier, la fraternisation, par exemple (Pâques*, les petites), qui vise à ce que garçons et filles s’aiment comme frères et sœurs. En Transylvanie méridionale, un rite est connu sous le nom de Pommier. Il a lieu environ un an après le mariage, en automne. Le jeune couple invite des hôtes, plante quatre pommiers, deux dans la cour pour les parents, un dans la maison pour le prêtre, et un au portail pour les enfants du voisinage. Il s’agit d’assurer au couple la présence d'un pommier dans l’au-delà, qui leur donnera de l’ombre.
Le pommier symbolise les trois âges de l’homme : dans sa jeunesse, l’homme est aussi beau qu’un pommier en fleur ; à l’âge mûr, il ressemble à l’arbre en été et, dans la vieillesse, à l’arbre en hiver. On compare souvent les filles à des pommes : tant qu’elles sont petites, elles restent sur les branches, les parents les aiment et les admirent ; quand elles sont grandes, des étrangers s’en éprennent et les emmènent. Les pommes accentuent les connotations érotiques de l’arbre : le jeune homme demande à la jeune fille des pommes de son sein, ou lui envoie une pomme comme cadeau ; les prétendants portent une pomme dans laquelle sont plantés quelques thalers et les offrent aux filles ; celles qui les acceptent signifient leur accord avec cette proposition de mariage. La fille touche parfois d’une pomme celui qu’elle désire épouser.
Dans les contes, la pomme indique au héros le chemin à suivre. Elle possède des vertus fécondes : qui la mange, même s’il s’agit d’un vieillard, se retrouve enceint – et d’autres curatives, permettant même de rappeler les morts à la vie. Les pommes sont parfois des jeunes gens métamorphosés, et des pommier d’or poussent du cœur des enfants tués. Le pommier qui pousse au bord du chemin et dont chaque passant peut manger le fruit est le symbole de la solitude et de la générosité. Un concours se déroule aussi entre l’épi de blé, la vigne et la fleur du pommier, mais cette dernière gagne car elle est utilisée pour le baptême.
28Pont (Podul). Il représente la passage d’un monde à l’autre. Il peut être en cuivre, en argent, en or, en diamant, en cristal ou en fer et même en cire. Il constitue l’épreuve que doit surmonter le héros des contes parce que sous lui gîtent les forces mauvaises. Quand un cadavre emprunte un pont, il faut l’arroser ainsi que le cercueil (opération apotropaïque) afin que la terre ne soit pas menacée. Qui passe le lundi de Pâques sur un pont sait reconnaître les sorcières. La nuit, on y aperçoit un taureau, une chevrette, un canard, etc., mais ce ne sont que des fantômes.
29Por l’empereur (Por-Împărat). Por prépara les noces de sa fille et invita d’innombrables personnes, sauf les prêtres. Pendant trois jours et trois nuits, ceux-ci firent tinter les cloches, jeûnèrent et prièrent Dieu, lui demandant de châtier l’empereur pour son offense. Quand les hôtes passèrent à table et se mirent à manger, des nuages de sauterelles* apparurent qui dévorèrent et burent tout. Les hôtes prirent froid, tombèrent à la renverse et moururent : les noces se transformèrent en d’immenses funérailles.
30Poule (Găina). Comme le coq, elle joue un rôle dans les rites funéraires : on la pend au-dessus de la tombe d’un mort afin qu’elle libère la route que l’âme doit emprunter pour gagner l’au-delà.
31Preminte solomon. Ce personnage accompagna Marie et Jésus en enfer où ils l’oublièrent. Pour s’en échapper, il entreprit d’y construire une église, et les diables l’en expulsèrent (Pierre*, Salomon*).
32Prince-Charmant (Făt-Frumos). C’est le nom générique du héros des contes roumains ; on utilise parfois de simples noms tels que Pierre (Petre), Jean (Ionicã), Greuceanu, Prâslea, etc. La naissance du héros est, en général, surnaturelle : sa mère le conçoit après avoir mangé une pomme, un bar ou un grain de poivre, dans ce dernier cas, il s’appelle Pipăruş, le Brave – ou après s’être baignée dans une décoction de plantes. D’autres fois, une brebis, une jument ou une vache le mettent au monde, on le nomme alors Fils de la Brebis, etc. Il peut devoir sa vie à un rosier ou à un morceau de tilleul qu’une femme sans enfants à longtemps bercé avec amour, et qui s’est transformé en nouveau-né. Plus rarement, il s’agit d’un enfant illégitime exposé puis recueilli par un ermite. En général, c’est un enfant unique, désiré depuis longtemps – moins souvent le troisième et dernier fils d’un couple –, qui grandit en un jour autant qu'en une année. Quand il n’a pas de frère, naissent en même temps que lui un poulain ou un chien qui ont été conçus de la même façon que lui (du café d’arêtes de poissons moulues) et se comportent comme de vrais frères vis-à-vis de lui. De plus, des restes de café jeté sur le fumier sort une épée. Poulain, chien et épée forment une unité avec Prince-Charmant et l’aident à obtenir la victoire.
Dans le ventre de sa mère, il impose sa volonté à ses parents, ne voulant pas venir au monde tant qu'on ne lui a pas promis Ileana Cosânzeana* pour femme ; plus tard, le nourrisson trouve le moyen d’obliger sa mère à tenir sa promesse lorsqu’elle refuse de le faire, pensant que c’est impossible. Par exemple, il ne veut pas être nourri au sein si sa mère le nourrit sous la poutre maîtresse de la maison ; si elle le fait, il fait peser sur elle la poutre jusqu’à ce qu’elle promette de l’équiper pour un difficile voyage. Quand il est le troisième fils d’un couple, il réclame le cheval le plus vieux, celui que son père avait le jour de ses noces, et son harnais ; durant trois jours, l’animal est nourri de braises et abreuvé d’eau fraîche, si bien qu’il rajeunit et aide son jeune maître comme il le fit autrefois pour son père.
Au cours de son voyage vers Ileana, Prince-Charmant est accompagné de son chien, de son épée et des géants nommés Faim*, Assoiffé*, Oiseleur*, Courbe-Arbre*, Brise-Pierre*, Battre-les-Monts-en-Tête*. Ils personnifient les forces naturelles irrationnelles et soulignent son comportement héroïque. Parfois, il est aidé par une femme initiée à la magie, qui accomplit pour lui les tâches difficiles. Prince-Charmant prouve son courage en se mesurant à l’épée avec des adversaires très forts, mais les armes se brisent et il les vainc à la lutte ; il vient seul à bout de toute une armée, ramène le remède pour son père, ou son beau-père, très malade et l’oblige à ressusciter ses frères ; il sauve la princesse enlevée dans l’au-delà par un dragon (Drac*), ainsi que les petits sans défense du griffon (Aigle impérial*) ; il retrouve son épouse enlevée par un drac et s’enfuit avec elle ou avec une fée et échappe à toute poursuite. Il abat le dragon à sept têtes et sauve ainsi la princesse qu’il devait recevoir en récompense ; il délivre soleil, lune et étoiles capturés par le même dragon, ou bien il ramène de l’autre monde l’oiseau merveilleux.
Prince-Charmant survit à tous les dangers et est toujours victorieux parce qu’il possède les qualités requises. Le but de sa vie est tracé dès sa naissance, et il l’atteint grâce à ses forces physiques et psychiques exceptionnelles. Le secret de son succès réside dans son honnêteté et dans sa modestie : il n’occupe pas toujours le devant de la scène, ne se vante pas de ses mérites, est généreux et aide les faibles et les animaux sans en attendre un avantage.
33Prince de rosée (Domnul de rouă). C’est un homme au corps de rosée ; il avait un château dans les Carpates, mais sa belle vivait à Celei, au bord du Danube. Il lui rendait visite la nuit parce que le soleil aurait pu le tuer. Pour raccourcir le trajet, il fit construire une route le long de l’Olt, qui reliait son château à la demeure de sa bien-aimée. Hommes et femmes durent accomplir de rudes corvées, les femmes enceintes travaillèrent double, pour elle et pour leur enfant encore non né. La population haït donc le prince. Les hommes remarquèrent qu’il se levait toutes les nuits au premier chant du coq pour être rentré avant l’aurore. Un jour, ils tuèrent tous les coqs – d’autres variantes disent que sa belle le retint trop longtemps puis que ce fut au tour de brigands –, si bien qu’il n’atteignit que Potopin où il se cacha sous un pont. On y voit encore la fissure par laquelle passa un rayon de soleil qui toucha le prince, le faisant fondre. Un autre tradition dit qu’il introduisit le blé dans le pays. Parfois, la légende du Prince de Rosée se confond avec celle de l’empereur Trajan*. Les autres mythologies d’Europe du Sud-Est mentionnent des personnages semblables.
34Procopie, saint (Sf. Procopie). On le fête le 8 juillet pour sa bienveillance envers les travaux champêtres : il fait fondre les grêlons qui se transforment en eau bienfaisante, il protège les champs des intempéries, du vent, de la foudre, des incendies et stimule la croissance du chanvre. S’il est blessé, Procope laisse le grain sécher prématurément. Un jour, un serf refusa de travailler dans le jardin de son maître à la Saint-Procope ; le propriétaire se mit à l’ouvrage pour prouver à son paysan qu’il ne risquait rien, mais un vent terrible se leva qui l’enleva dans les airs avec son jardin, puis les déposa sur une montagne au sommet de laquelle les pâtres trouvent depuis des oignons ; pour cette raison ils nommèrent l’endroit Jardin des Oignons.
35Pronostics (Pronosticurile). La plupart des pronostics touchent au temps et à la récolte. Bien des gens peuvent prédire, d’après le gazouillis des oiseaux, leur espèce, le moment et le lieu où ils chantent, le temps qu’il fera. Le cri des cigognes, le chant des pics, des chouettes et un rassemblement de grues hors du village annoncent le mauvais temps ou un long hiver. Quand les oiseaux chantent beaucoup en automne, on est sûr d’avoir un hiver doux et un été long. Le cri de l’effraie au coin du bois indique qu’il fera doux. Des températures douces à Noël annoncent des Pâques glaciales et, à la Chandeleur*, un printemps tardif. Le cri des corbeaux, le chant des cygnes et l’appel du coucou à la Saint-Pierre annoncent la sécheresse.
Le temps qu’il fera se lit aussi dans le comportement et de la prospérité des bêtes : si les souris rassemblent de nombreux épis de blé, l’hiver sera long ; si, le matin de la Saint-Démétrius*, un mouton blanc se lève le premier et descend de la montagne, l’hiver sera rude, mais si un mouton blanc fait l’inverse, il sera doux. Si les oiseaux se couchent tôt, l’année sera bonne ; si le ventre d'une poule tuée est bien dodu, il faut s’attendre à un hiver rigoureux, mais s’il est mince et transparent, ce sera le contraire. Si l’arrière de la rate du porc est plus épais que l’avant, l’hiver sera plus rude après la Saint-Ignace*, et inversement.
La pousse des plantes est aussi un bon indicateur : si l’absinthe monte haut et s’il y a beaucoup de noisette, la neige tombera en abondance et il gèlera. Le chant des oiseaux et le comportement des bêtes et des insectes révèlent l’avenir de l’homme. De mauvais augure sont la chouette*, le hibou et l’effraie, la pie* et le guêpier : ils annoncent la mort de la personne sur la maison de laquelle ils chantent. Le chant du coucou* à proximité de la demeure est signe de décès ; si on l’entend devant soi ou à sa droite, c’est de bon augure, derrière soi ou à sa gauche, c’est néfaste. Qu’une poule chante comme un coq est mauvais signe ; apercevoir une cigogne* annonce la guerre ; si elle vole, on partira en voyage, si on est assis, on sera malade toute l’année ; si l’on perçoit le chant de la huppe avant celui du coucou, on ne connaîtra que des échecs au cours de l’année, et si on l'entend alors qu’on est à jeun, on aura mauvaise haleine. Un coq* qui chante devant la porte ou une araignée* qui descend dans sa toile, annoncent de la visite et le cri du butor au printemps, une bonne récolte. Si un chien hurle, un membre de la famille va mourir, on perdra des bêtes ou il y aura un incendie. Si la première bête que l’on aperçoit est un mouton noir, on sera en deuil toute l'année. Si un poussin ou le petit d’un canard ou d’une oie vous salit, vous perdrez quelque chose.
36Maints pronostics se rapportent aux malades et à leurs chances de guérison. Si le malade dort tourné vers le mur, il mourra sous peu, s’il fait l’inverse, il guérira. S’il ne veut pas d’oreiller, il n’a plus que quelques jours à vivre. S’il verse une larme, c’est qu’il sait que sa mort est proche. Tomber malade un mardi signifie que l'on ne retrouvera jamais plus la santé. En bien des lieux, on fait fondre de la cire : si elle produit la forme d’une croix, c’est bon signe. On fait aussi bouillir quelques branches du bois du Seigneur (Lemnul-Domnului, artemisia abrotanum) : si l’eau se colore en rouge, la mort est certaine, si elle ne se colore pas, le malade guérira. On remplit, en outre, neuf verres d’eau que l'on verse dans une soupière et on en mesure le niveau le lendemain : s’il s’est élevé, le malade peut guérir, s’il a baissé, il mourra. Après avoir donné l’extrême-onction, le prêtre ouvre son missel : s’il aperçoit des lettres rouges, c’est signe de guérison, des noirs annoncent la mort. Si une magicienne baille pendant l’incantation, le malade se sortira d’affaire ; elle plante un couteau en terre à la fin de l’incantation, qu’elle ne retire que trois jours après : s’il a rouillé, le patient décédera...
Un certain nombre d’éléments annoncent la mort : la rencontre d’un ours, le beuglement ou l’agenouillement d’un bœuf qui tire la voiture de la promise chez son fiancé ; des bêtes qui parlent ; un claquement inexplicable dans la maison ; l’arrêt des chevaux dans la cour au début d’un voyage ; le mollet qui bat ; la découverte de monnaies dans la terre ou la perte d’une bague ; la chute d’une icône ou d’un miroir sur le sol ; l’extinction d’une bougie sur l’autel (mort du prêtre) ; un reste de morceau de charbon de bois dans l’âtre (mort du conjoint) ; la rencontre de deux fiancées à l’église ; le rêve d’une chute dans un précipice, etc.
Tous ces pronostics, auxquels on pourrait en ajouter bien d’autres, sont des signes du surnaturel dans la vie d’une personne ou d’une communauté, ce sont des ponts reliant le réel à l’au-delà qui, pour les sociétés agraires, est à proximité immédiate.
37Puce (Puricele). Cet insecte qui sort en mai et afflige les hommes durant de longs mois, doit son existence à Noé* qui avait promis à l’orvet*, le sauveur de l’arche, un sacrifice humain quotidien mais qui ne tint pas sa promesse, craignant que les rares humains rescapés du déluge soient exterminés. Il choisit donc de brûler l’orvet, mais l’odeur qui s’en dégagea déplut à Dieu qui envoya un vent violent : les cendres furent balayées sur toute la terre et les puces en naquirent. Depuis ce temps-là, elles sucent chaque jour aux hommes autant de sang que l’orvet aurait tiré de sa victime.
Selon une tradition transylvanienne, la puce fut à l’origine un homme fort et infatigable, d’une grande beauté. Il sautait, dansait et chantait tout le temps gênant en cela les hommes. Même Dieu le remarqua. Il le condamna donc à être un petit insecte noir, ne conservant qu’une propriété : son dynamisme, et devant bondir nuit et jour d’un lieu à un autre. Son ennemi serait l’homme et celui qui tuerait des puces gagnerait la faveur divine. Selon d’autres traditions, la puce serait née des larmes du diable, ou bien elle aurait été sa monture ou encore le gardien de ses chevaux.
Pour tenter de se débarrasser des puces, les hommes leur donnent des noms euphémiques comme « bœuf noir » ou « hôte indésirable » ; la veille de Noël, ils n’utilisent même pas le nom de pavot pour les désigner. À Pâques, les hommes ne dorment pas, on balaye la maison avec un balai de basilic ou d’absinthe ; au Nouvel An, on éparpille des grains de blé devant la porte ; à l’Assomption, dans le Banat, les hommes lavent leur corps avec de la neige fondue et en arrosent les demeures. Au moyen d’actions magiques qui ont lieu en mars, à la lune* nouvelle, ils tentent de se débarrasser de cette plaie de tout l’été.
38Puits (Fântâna). Autrefois, il en coulait du miel et du lait, mais quand les hommes commercialisèrent ces produits, dons de Dieu, ils se changèrent en eau. Le puits du Jourdain renferme l’eau de vie et de mort, et plusieurs puits de Transylvanie font entendre de la musique. Certains ont pour habitants des dragons (Balaur*) ou d’autres êtres mythiques. Œuvre humaine, les puits sont situés aux carrefours, là où l'on voit aussi des marioles, en plein champs ou au bord de la route ; ils sont là pour désaltérer le voyageur assoiffé. Dieu récompense celui qui creuse un puits pour les autres en lui ouvrant le paradis ; la communauté honore son souvenir. Dieu l’absout de ses péchés ainsi que sa famille car tous ceux qui peuvent étancher leur soif à la fontaine prient pour le repos de son âme.
Comme pour la construction d’une maison, d'une église ou d’un pont, le creusement d’un puits est précédé de rites visant à savoir si le lieu choisi est magiquement favorable ou non. D’autres rites accompagnent la construction : on sacrifie, par exemple, l’ombre d’un être vivant, et avant qu’on en prenne possession, il doit être consacré. Cette consécration est une fête à laquelle participent tous les villageois et les habitants des villages proches. Une cérémonie religieuse et une autre, profane, s’achèvent par un festin que le commanditaire offre à tous, tandis que les pauvres reçoivent des aumônes. Parfois, le commanditaire offre à une fillette pauvre une génisse portant des bougies allumées sur ses cornes, ce qui souligne le caractère festif de la cérémonie. Pendant le festin, les participants boivent à la santé du commanditaire et des âmes des trépassés.
Le puits est alors sanctifié, comme une église et les êtres mythiques, le chiot de la terre*, par exemple, s’en éloignent. Il ne faut donc pas le souiller. Qui y crache est pris de cataracte ; quand une femme a ses règles, elle ne doit pas aller au puits car il se tarirait ; il ne faut pas s’y rendre quand on mange sinon on perd son bonheur ou la mémoire et on s’abêtit. Qui salit le puits ou vole son crochet, son cuveau ou son écuelle commet un péché équivalent à un meurtre.
Le puits est un symbole érotique et représente la fécondité. Près de lui se rassemblent les jeunes gens qui font connaissance et s’engagent. Là poussent les fleurs d’amour que les filles portent comme coiffure lors de la danse villageoise dominicale. Les jeunes se mirent, le jour de Pâques, après la messe, dans le miroir du puits afin d’être toute l’année aussi beau que son eau. Ils nettoient le puits le 24 juin (Buf*, Drãgaica* ; Jean-le-Nouvel*), dont l’eau peut guérir les maladies d’amour (voir aussi Manole*). Point de rassemblement, le puits peut être dangereux : certains ont le mauvais œil* ; on y rencontre la mort ou, la nuit, les fées méchantes* qui vous défigurent. Dieu boit l’eau du puits des champs et bénit les blés. Certaines colindes racontent que Dieu et ses saints burent l’eau soporifique d’une fontaine, si bien que leurs poursuivants purent capturer Jésus. S’il n’y a pas de puits dans les champs, saint Élie* en creuse un, aussi beau qu’une chapelle, y plantant tout autour des fleurs et un arbre qui l'ombrage.
En période de sécheresse, on y jette une icône volée, un plat neuf dérobé contenant neuf têtes de pavot ou des ustensiles ménagers ; en période de pluie, une ortie* en feu, afin que tout rentre dans l’ordre. Le puits est un bon endroit pour pratiquer la magie blanche. Quand une femme n’a pas assez de lait, elle s’y rend avec une tranche de pain, la trempe dans l’eau, la mange et dit : « J’aurai autant de lait qu’une vache. » Mais près des puits abandonnés, les sorcières sont à l’œuvre.
39Punaise (Ploşniţa). On désigne ainsi un insecte vivant dans la nature ou dans les maisons et s’attaquant aux humains. Une légende explicative relie la naissance de cet insecte à saint Pierre* : un jour, il rendit visite à un autre apôtre qui venait de recevoir un panier de poires ; l'hôte qui en était friand prit les plus belles, mais il ne put les manger car chaque poire se transformait en un insecte répugnant et puant lorsqu'il l'approchait de sa bouche ; le saint jeta donc tous les fruits qui se transformèrent en punaises et se répandirent partout.
On attribue l’apparition des punaises dans une maison à différentes causes : elles s’installent parce qu’on a recouvert celle-ci de torchis un lundi, un mercredi ou un vendredi, à la nouvelle lune, ou bien parce qu’on y a stocké du mauvais bois de chauffage. Pour les chasser, on recourt aux moyens magiques – des charmes les attirent à l’extérieur, et des hommes et des femmes nus les récitent à la nouvelle lune – ou rationnels – fumigation de plantes, de fumier, d’huile végétale, etc. Chose étrange, on se sert de punaises pour guérir les maux d’yeux et de cœur et, parfois, en récitant un charme.
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Petit dictionnaire de mythologie populaire roumaine
Ce livre est cité par
- (2005) Comptes rendus. Le Moyen Age, CXI. DOI: 10.3917/rma.111.0133
- Gély, Véronique. (2004) Mythes et littérature : perspectives actuelles. Revue de littérature comparée, 311. DOI: 10.3917/rlc.311.0329
- Timotin, Emanuela. (2009) Queen of the fairies and biblical queen. Notes on the Romanian Herodias. Acta Ethnographica Hungarica, 54. DOI: 10.1556/AEthn.54.2009.2.8
Petit dictionnaire de mythologie populaire roumaine
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