O
p. 145-150
Texte intégral
1Odolean. Avec Avrãmeasa* et l’absinthe, l’odolean est une plante redoutée des fées. Utilisée pour désenvoûter, elle écarte les forces malignes et ramène l’être aimée.
2Œdipe (Oedip). Le mythe antique est encore très présent dans les traditions populaires roumaines. Les déesses du destin visitent la famille d’un nouveau-né et décident qu’il tuera son père et épousera sa mère. La sagefemme qui les a entendues, avertit les parents qui déposent alors l’enfant au bord d’un fleuve ou de la mer, où on le découvre. Adolescent, il part dans le vaste monde et devient gardien de vignobles. On lui donne un fusil et le droit de tirer si l’on ne répond pas à sa question : « Qui va là ? » Le propriétaire décide de vérifier la conscience professionnelle du jeune homme, gagne une nuit le vignoble et ne répond pas à la question. Le gardien tire, le tue, et peu après, épouse la propriétaire. Bien des années plus tard, elle lui raconte l’histoire du fils qu’elle avait eu, et tous deux reconnaissent leur parenté : le verdict des Parques s’est vérifié. D’autres récits poursuivent ainsi : les époux se séparent, Œdipe va trouver les fées, en obtient une nouvelle destinée, épouse une autre femme et vit heureux avec elle.
3Œil, mauvais (Deochiul). Le mauvais œil, qui joue un rôle important chez Virgile, Horace, Ovide et surtout Plutarque, est la faculté qu’ont certaines personnes de faire du mal aux êtres vivants, aux plantes, aux objets, etc. Il peut rendre malade ou tuer les hommes, surtout les enfants, et les animaux, détruire une maison, ruiner une vigne, casser une bouteille. Bien des gens possèdent de naissance le pouvoir de nuire sans le vouloir : ils regardent aimablement ou avec admiration une personne et lui nuisent. D’autres doivent acquérir cette faculté. Le mauvais œil peut être aussi dû à des paroles, par exemple quand on exprime son admiration pour les qualités de quelqu’un ; on peut même se causer du tort à soi-même quand on est très content d’une situation.
Selon les Roumains, certains individus peuvent posséder le mauvais œil : ceux qui ont les yeux bleus ou verts, ou dont les sourcils se rejoignent, les roux, ceux qui furent allaités après avoir été sevrés, ceux qui se sont vus dans un miroir avant d’avoir un an. Même les oiseaux et les quadrupèdes, les champs et les forêts, les sources et les puits, les chemins et les sentiers, la maison et la haie, le ciel, le vent, le soleil et la lune peuvent avoir le mauvais œil. Ses victimes sont des petits enfants, de beaux adolescents, des fillettes, les fiancés, les femmes en couches et tous les animaux domestiques, les abeilles*, les vers à soie* et même les céréales, les arbres et les fleurs. Le mauvais œil provoque de fortes céphalées, l’insomnie, la fièvre, l’épistaxis, le manque d’appétit chez les hommes et les bêtes. Les plantes et les arbres se dessèchent, les objets ne peuvent plus être utilisés. On traite la personne touchée par le mauvais œil à l’aide de charmes tandis que des braises sont plongées dans la première eau que l’on a tirée du puits avec un verre ce jour-là.
On peut s’en protéger en prenant les mesures suivantes : ne pas exprimer son admiration pour une personne sans avoir craché et dit : « Que le mauvais œil ne te touche pas ! » ; les parents tracent une tache noire protectrice sur le front de l’enfant ; ils ne révèlent pas le sexe du nouveau-né dans les trois jours suivant la naissance ; le nourrisson doit être allaité par une bohémienne et ne pas se voir dans un miroir durant sa première année. Les amulettes sont très efficaces : un fil ou un ruban rouge est attaché aux mains des enfants ou cousu sur leurs vêtements, on fait de même avec les bêtes et on ajoute parfois un pied d’ail dans le ruban noué. Un sachet rempli d’ail, de poivre, de grains de blé, d’encens, de sel et de petits pains, ou d’or et d’objets de fer, éloigne le mauvais œil.
4Œuf (Oul). Des pratiques magiques ont toujours été liées à l’œuf. Pline l’Ancien et d’autres auteurs de l’Antiquité recommandaient déjà de laisser couver les œufs en nombre impair. On dit que le soleil* est né d’un œuf enchanté.
L’œuf est un concentré d’énergie ; l’âme ou la force du géant, un adolescent ou des habits merveilleux s’y trouvent. L’explosion d'un œuf passe pour un coup de canon. L’œuf est signe d’opulence. Quand une femme se rend à l’église pour la première fois après ses relevailles, ses voisines lui donnent des œufs entre autres choses. Un œuf abandonné, ou minuscule, ou bien le premier d'une poule noire peut être couvé sous l’aisselle neuf jours et il en sort un diablotin qui peut enrichir son maître.
Voici quelques-unes de ces pratiques magiques : on cerne la poitrine d’une fillette avec l’œuf d’une poule noire afin que ses seins ne grossissent pas trop ; un œuf enterré le Vendredi saint dans une vigne protège celle-ci de la grêle ; les enchantements restent sans effet chez qui possède le premier œuf d’une poule noire ; qui mange des œufs pondus à Pâques a la bouche qui embaume ; qui observe une poule en train de pondre ne peut être enchanté ; qui rassemble les œufs d’un nid le mercredi a des dartres sur le visage ; on donne à un ivrogne un plat de trois œufs enterrés trois jours dans un cimetière afin qu’il ne supporte plus l’alcool ; quand on coupe les ongles* des mains et des pieds à un malade fébrile et qu’on les dépose dans une coquille d’œuf qui est abandonnée à un carrefour, la maladie passe à celui qui la trouve et l’emporte ; la femme enceinte qui mange un œuf au jaune double a des jumeaux ; quant à l’œuf d’une poule noire, il passe pour être un objet efficace en magie.
Les œufs colorés ou ornés de dessins multicolores jouent un grand rôle dans les rites et les croyances. Ils apparurent après la naissance du Christ, lorsque celui-ci fut sorti du temple, après sa mise au tombeau, lorsqu’il ressuscita ou peu après. Ils sont rouges du sang du Christ qui ruissela sur la corbeille d’œufs que Marie avait déposée sous la croix. Ou bien ce sont des pierres transformées en œufs, celles avec lesquelles les juifs voulurent lapider le Christ, celles que les gardiens du tombeau lancèrent aux apôtres, ou de simples œufs que les païens voulurent vendre au marché et qui rougirent miraculeusement lors de la résurrection, ce qui provoqua la conversion des incroyants.
On cuit et décore les œufs pendant la Semaine sainte (le jeudi, le vendredi ou le samedi), puis on les mange après la messe de Pâques. Le rituel prévoit que les gens, deux par deux, choquent leurs œufs tandis que l’un dit : « Christ est ressuscité ! » à quoi l’autre répond : « C’est vrai, il est ressuscité ! » Les œufs colorés ont la même fonction que les branches de noisetier : le diable ronge toute l’année la chaîne qui tient la terre afin d’amener la fin du monde ; il a presque fini à Pâques, mais surviennent alors des enfants avec des œufs rouges, et il cesse de ronger la chaîne, admirant les œufs. A cet instant, elle repousse, et le diable doit tout reprendre au début.
5Oiseaux de fer (Păsările de fier). Aux temps anciens existaient des oiseaux au bec de fer grâce auquel ils suçaient le sang des hommes et creusaient leurs corps. Ils reviendront à la fin des temps. Ce sont de gigantesques volatiles, de la taille de bœufs noirs, qu’Alexandre* le Grand enferma. Les légendes confondent ici deux épisodes de la geste du Macédonien : l’enfermement des peuples impurs derrière les murailles du Caucase et les griffons de Porus, roi des Indes. Métaphoriquement, les oiseaux de fer sont assimilés aux exploiteurs, aux boyards, aux percepteurs, aux notaires, aux bourgmestres et aux fermiers.
6Oiseau-haleine (Pasărea suflet). Surtout en Tansylvanie du Sud-Est, on déposait sur la tombe d’un jeune homme décédé peu avant son mariage des pigeons sculptés dans du bois, qui devaient protéger le tombeau. Par ailleurs, on sait que l’âme, le souffle, se transforme en oiseau : celle des morts qui ne reposent pas en terre consacrée vagabonde tant que les restes du défunt n’ont pas reçu de sépulture chrétienne. Le samedi précédant la Pentecôte ou à la Toussaint, les oiseaux-haleine se rassemblent sur les hautes montagnes et crient parce qu'ils ne reposent pas en paix. Au bout d’une semaine, ils s’en retournent, et ceux qui voudraient rester sont mis en fuite par de grands oiseaux de proie, alors ils s’envolent vers la mer.
7Oiseleur, L'(Păsărilă-hăis-Lungilă). C’est un géant possédant la faculté de tirer sans manquer son but bien qu’il n’ait qu’un œil, avec lequel il voit jusqu’à l’intérieur de la terre. D’une flèche, il peut tuer un oiseau volant derrière la lune. Il est capable de grandir au point de pouvoir saisir les oiseaux ou d’entourer la terre de ses bras, ou encore de toucher les étoiles de la main.
8Olivier (Măslinul). Il fait partie des quatre arbres auxquels Marie demanda d’abaisser leurs branches afin de pouvoir traverser la rivière et se rendre auprès de Jésus crucifié. L’olivier exauça sa prière et fut béni. Il est sacré et l’huile de ses fruits sert à alimenter les lampes à prières. Les Macédo-Roumains croient qu'il y aura une bonne récolte d’olives l’année où l’on voit plusieurs fois l’arc-en-ciel.
9Oncle pauvreté (Sărăcia). Il apparaît sous la forme d’un petit homme en habits rouges. C’est un être des origines, ratatiné, plus laid que la peste, bossu et cabossé, aux orbites vides et aux mains comme des crampons. Parfois, il a l’aspect d’une belle jeune fille aux cheveux longs. Il habite sous le toit ou dans les maisons des pauvres et accompagne ces derniers partout. Il ne se montre qu’au moment où, lassés de leur misère, ces pauvres décident de partir dans le vaste monde. Protéiforme, il peut, par exemple, se changer en insecte. On l’enferme alors dans un flacon, une cruche ou un tonneau et on l’enterre. On ne peut devenir riche qu’après s’en être débarrassé. Oncle Pauvreté a quelquefois l’aspect d’un oiseau noir que l’on enferme dans le trou d’un arbre ; une fois libéré, il ne retourne point auprès de celui qui l’enferma mais auprès de son libérateur et le rend pauvre.
10Ondin (Omni de apă : Homme d’eau). Les ondins sont comme les hommes, mais ils sont muets. Ils se cachent dans l’épaisseur des roseaux des marais. Au Banat, on raconte qu’un jeune homme aperçut une ondine alors qu’elle cuisait son pain ; elle lui offrit une galette (un feuilleté) qui ne diminua jamais.
11Ongles (Unghiile). Comme les cheveux, l’ongle possède une certaine importance en magie, saint Augustin le savait déjà. L’homme devant avoir tous ses membres dans l’au-delà, il ne faut pas jeter ses rognures d’ongle mais les conserver afin de pouvoir les présenter à saint Pierre* au jour du Jugement dernier. Pierre en fera une trompette avec laquelle il appellera toutes les âmes, ou il construira un pont avec. Il faut couper les ongles le jeudi ou le samedi car on fait ainsi « éclater » un diable. Qui ne respecte pas cette coutume perd la mémoire, est affligé de maux de tête ou ne peut se marier. Il ne faut pas couper les ongles des morts afin que ceux-ci puissent les utiliser lorsqu’ils grimperont au ciel et après – ni ceux des enfants pour qu’ils puissent se défendre des démons. Comme le disait déjà Pline l’Ancien, les ongles servent à guérir les fièvres ; grâce à eux, on peut transmettre une maladie à autrui et donc guérir le patient, ou bien ôter la maladie et l'enfermer dans le trou d’un arbre. Les ongles d’un jumeau permettent de découvrir les trésors cachés.
12Onufrei, saint (Sf. Onufrei). Il fait partie des saints mineurs et sa fête, le 12 juin, est appelée « jour des souris » ; il protège des vers et de la grêle. Passé cette date, il ne faut plus semer ; s’il pleut ce jour-là, on dit qu’il n’y aura plus de souris de toute l’année.
13Opârlia. On le fête le 23 juillet pour se protéger des brûlures. Selon une étymologie populaire, le nom est d’origine turque : des Turcs auraient fourragé ce jour-là, et le foin se serait enflammé sans raison ; alors qu’ils auraient cherché à éteindre le feu, ils auraient sans cesse répété : « Opârlia ».
14Oreilles du ciel (Toartele cerului). On se représente le ciel comme un pot dont l’ouverture est tournée vers le bas, et la terre de même, mais avec son ouverture vers le haut. Ces deux pots possèdent deux ou trois oreilles du ciel grâce auxquelles on peut les déplacer. Quand Dieu veut punir les anges, Il secoue le ciel et ils tombent sur la terre et deviennent des diables. Les oiseaux gazouillent sur les oreilles du ciel ; le griffon peut voler jusqu’à elles et les géants lancer leurs massues jusque-là. On dit que Salomon* s’y accrocha, ainsi que le géant* ou Novac* pendant le déluge ; mais Dieu envoya des insectes les piquer et, en voulant les chasser, ils lâchèrent prise et se noyèrent.
15Ortie (Urzica). Grâce à cette plante, la grenouille remonta des « semences de terre » du fond de la mer afin que le sol fût créé (Création du monde*) d’où son caractère sacré. On mange des orties au printemps, jusqu’à l’Annonciation, jour auquel elles fleurissent, ce qui est le signe de leur mariage. À la Saint-Georges (23 avril), les hommes se brûlent mutuellement avec des orties afin de travailler vite et bien toute l’année.
16Orvet (Năpărca). Quand Dieu eut créé la terre et vit que le ciel était trop petit pour la recouvrir, l'orvet proposa de faire des monts et des vaux pour remédier à cet inconvénient. Il fait partie des animaux qui sauvèrent l'arche en bouchant le trou creusé par le diable ou des souris*. C’est ainsi qu'il perdit sa queue. En contrepartie, il demanda à sucer chaque jour le sang d’un homme, ce qui lui fut refusé, bien au contraire : on le brûla, mais des puces* naquirent de ses cendres, qui toutes ensembles sucent en une journée autant de sang qu’un homme possède dans le corps.
17Ours (Ursul). Aucune bête n’est aussi proche de l'homme que l’ours. De nombreux mythes prétendent qu'il en descend, et d’autres affirment que c’est l’inverse. Selon eux, l'ours fut un homme à l’origine : le fils et la fille d’un pope passèrent des peaux de bête et grondèrent comme des ours pour effrayer Dieu, Jésus ou Marie ; ils furent maudits à être ours. Un meunier connut le même sort : comme il mangeait beaucoup pour être fort, Dieu le condamna à être ours et omnivore.
Bien qu’il soit plus fort que neuf ou douze hommes, l’ours à besoin de l’aide humaine : il est reconnaissant, pendant un an, envers l’homme qui lui tire une épine de la patte. Il tente d’être comme les humains, s’unit à des femmes tandis que l’ourse copule avec des hommes ; les fruits de ces unions sont des enfants très robustes ou fort beaux jusqu’à la ceinture et ours en dessous, thème attesté aussi par d’anciennes sagas Scandinaves. Il existe aussi des jeunes gens ensorcelés, devant rester ours dix ans avant de pouvoir retrouver figure humaine lorsqu’une jeune femme leur promet son amour. On dit aussi que les empereurs Darius (Daces*) et Por* prirent l’apparence d’ours et qu’ils gardent l’entrée des enfers.
D’une certaine façon, l’ours est sacré : c’est un animal divin, à la fois le Chien de Dieu et sa monture. Sa force est supérieure à celle d’un démon.
Du reste, il vainc le diable à la lutte et fait sauter les chaînes avec lesquelles celui-ci ne cesse de l’attacher. En des temps très anciens, il fit un pari avec le diable qui réclamait pour lui le froment destiné à Dieu : le froment appartiendrait à celui qui moissonnerait le plus grand champ de blé. Le diable se mit à l’œuvre avec ses mains, l’ours, avec ses pattes postérieures, et il gagna le concours. Depuis ce temps-là, le froment appartient au bon Dieu. En raison de sa force et de sa sexualité, c'est-à-dire de sa fécondité, l’ours dispose aussi de pouvoirs curatifs et magiques. Au 1er janvier, en Moldavie, un ours apprivoisé, ou un homme portant un masque d’ours, passe dans les maisons et apporte à ses hôtes bonheur, santé et fécondité, survivance d’un culte de l’ours bien connu en Sibérie et en Extrême-Orient. Maints chercheurs sont d’avis que même Zalmoxis*, roi des Gètes, fut un dieu-ours à l'origine.
L’ours réel sort pour la première fois de son hibernation et de son repaire le 2 février. S’il voit son ombre, il y retourne pour quarante jours, mais s’il fait mauvais temps, il reste dehors, sachant que le printemps est proche. Les pâtres et les apiculteurs fêtent plusieurs « samedis de l’ours » au printemps et le « jour de l’ours », le 1er août.
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