D
p. 69-77
Texte intégral
1Daces (Dacii). Nom de l’ethnie qui peuplait le territoire de l’actuelle Roumanie avant 105-106. Il signifie « loup » et est attesté plusieurs fois comme dénomination de clan en Europe et en Asie. Représenté sur l’étendard dace, le « loup » tire sans doute son origine d’une métamorphose rituelle que pratiquaient maintes tribus, et de nombreux toponymes et anthroponymes roumains actuels soutiennent cette thèse.
Mircea Éliade lie deux événements historiques à l’ethnonyme « Dace ». D'une part, les Romains vainquirent les Daces et ruinèrent leur État, or ils descendaient de Remus et Romulus, les fils de Mars, dieu-loup, et furent nourris par une louve. En d’autres termes : le peuple roumain « fut engendré sous le signe du loup, c’est-à-dire prédestiné aux guerres, aux invasions et aux émigrations ». D’autre part, « les principautés roumaines, ajoute Éliade, ont été fondées à la suite des grandes invasions de Gengis-Khan et de ses successeurs. Or, le mythe généalogique des Gengiskhanides proclame que leur ancêtre était un loup gris qui descendit du ciel et s’unit à une biche... » Les Daces vaincus, un nouveau peuple et une nouvelle langue qui n’a conservé que peu de mots daces virent le jour. La mythologie roumaine semble néanmoins avoir conservé des traces relativement nombreuses des traditions populaires daces. Par exemple quelques mascarades (de l'ours*, de la chèvre/Boriţa*), des rites de fertilité (Caloian*, Paparuda*, etc.), les danses des Calouchari* et Hora*, les Aubes* (zorile), chant rituel d’enterrement, et peut-être quelques personnages mythologiques.
2Dănilă prepeleac. C’est le cadet de trois frères, pauvre, paresseux et sot. Un jour, ses frères l’envoient à la foire annuelle vendre deux bœufs. Il les échange contre une charrette, puis celle-ci contre une chèvre, la chèvre contre un jars et ce dernier contre une bourse vide. Une autre fois, son aîné l’envoie en forêt chercher du bois, mais l’arbre qu’il abat tue ses bœufs. Son frère pense alors qu’il ferait un bon moine, et Dãnilã commence aussitôt à édifier un monastère sur les bords du lac, mais pour l’en empêcher, le maître des démons lui fait parvenir une bourse pleine d’argent.
3Danube (Dunărea). Danubius fut le dieu-fleuve des Daces, et le Danube marquait la frontière entre paganisme et christianisme. C’est là que se tue la jeune fille ravie par les Turcs, c’est également le chemin qu’empruntent les héros pour gagner Constantinople, siège du pacha auquel ils demandent justice. Comme au soleil et à la lune, une vieille mère demande au Danube s’il a vu son fils perdu.
4Daphné. C’est une jeune fille qui vit dans un laurier, ou y a son lit. Le soleil ne la voit pas, le dieu de la pluie ne l’arrose pas et aucun jeune homme ne l’embrasse. Selon d’autres variantes, elle est, à sa demande, changée en laurier par sa défunte mère afin d’échapper aux désirs incestueux de son père. Un prince fait dresser sa tente sous le laurier et, la nuit, la jeune fille y entre et se couche près de lui. Mais, au matin, l’arbre ne s’ouvre plus, la jeune fille ne peut plus y retourner parce qu’elle a été embrassée, et le prince l’épouse.
5Dauphin (Dulful). Un pommier pousse dans le sable de la mer ; il porte des fruits qui ne mûrissent pas car un dauphin les détruit. L’arbre s’écrie : « Qui pourrait le percer d’un trait ? » Un jeune homme monte la garde tout le jour, armé d’un arc et de flèches. Au soir, le dauphin se montre et, quand le garçon veut le tuer, il lui demande de l’épargner car ses huit frères ont été occis de cette façon ; seuls sa sœur et lui sont encore en vie. Il offre celle-ci au jeune homme, ou bien lui promet de l’emporter chez les belles Grecques afin de s’en choisir une. Selon d’autres textes, les frères du dauphin ne furent pas tués car la mer leur offrait une cachette. On raconte aussi qu’une jeune fille captura le dauphin et le roua de coups. Il lui offrit sa chair pour les convives venus à ses noces, ses arêtes pour construire sa maison, son sang pour la badigeonner et sa tête pour qu’on la fixe à la porte du jardin.
6Décapitation (Decapitare). C’est une menace fréquente. Parfois, on demande au héros quelle mort il préfère, le poignard ou le fusil ? Il répond : « Ni l’un ni l’autre ! Je préfère être décapité. » Cela s’explique peut-être parce que la décollation assure au mort une existence postmortem et témoigne de l’innocence de la victime. Lorsque le héros décapite son adversaire, c’est après un combat à l’épée ou à la lance, mais les armes se rompent, ou après une lutte corps à corps lors de laquelle les protagonistes s’enfoncent dans le sol jusqu’aux chevilles, aux genoux, à la ceinture ou même jusqu’au cou. Le héros fait alors voler la tête de son adversaire. Quand il est lui-même décapité, le héros peut retrouver la vie grâce à une plante ou à l’eau de vie et de mort. Dans maints cas, on raconte qu’on a exhumé et décapité des morts sept ans après leur décès.
7Décébale. Lorsque Trajan, l’empereur romain, vit qu'il ne pourrait vaincre Décébale, roi des Daces, il lui proposa de se réconcilier. La paix fut fêtée deux fois, à Rome, sans incidents, et en Dacie où Trajan donna l’ordre à ses soldats hébergés chez les familles daces de tuer les hommes cette nuit-là et d’épouser les femmes. Quand Décébale et ses princes apprirent la traîtrise, ils plantèrent la garde de leurs épées dans le sol et se précipitèrent dessus. On dit aussi que Décébale fit détourner le cours de la Strell par des prisonniers romains pour y cacher ses innombrables trésors, puis qu'on laissa la rivière regagner son lit. Un des captifs l’apprit à Trajan qui réussit à s’emparer de quelques joyaux.
8Decenaeus (Deceneu). Grand prêtre des Daces*, on le compare souvent à Zalmoxis*. Il aurait appris les augures et les souhaits des dieux en Égypte. Il réforma la vie religieuse des Daces et convainquit la population de la nécessité de renoncer à la vigne.
9Défigurée, la (Pocita). Esprit d’une laideur indicible, il fait pleurer les enfants et leur déforme la bouche.
10Déluge (Potopul). Quand Dieu voulut anéantir l'humanité par le déluge, 11 convoqua un Roumain appelé Noé et lui dit comment construire une arche pour sauver sa famille, un couple de tous les animaux et des semences de toutes les plantes. Noé fit l’arche et seule sa femme était dans le secret. Le diable sentit bien qu'il se passait quelque chose, sans savoir quoi, et il incita la femme à enivrer son époux pour apprendre ce qu’il faisait. L’arche achevée, le diable fit en sorte qu’elle se retrouve en pièces détachées et que son bois redevienne des arbres. Sur les conseils de Dieu, du bois de l’arbre qu’il avait utilisé pour la première arche, Noé fit une planchette (crepitaculum) et deux martelets avec lesquels, suivant un rite de l’Église orientale, il frappa la planchette. Les arbres se transformèrent à nouveau en arche. La femme de Noé aida le diable à s’y glisser. Il se changea en souris et chercha à faire un trou dans la coque pour la faire sombrer, mais Dieu, ou la Vierge, lança son gant sur le trou, le gant se métamorphosa en un chat qui dévora la souris. On dit aussi que Noé boucha la brèche de ses propres cheveux, ce qui explique pourquoi les hommes ont une calvitie. Quand la pluie eut cessé, Noé envoya le corbeau hors de l'arche pour savoir si les eaux s’étaient retirées, mais celui-ci trouva un cadavre, se mit à le manger et ne revint pas.
11Démétrius, saint (Sf. Dumitru). Il passe pour être le patron des animaux et de la maison. On le fête le 26 octobre en allumant un grand feu qui a pour fonction de réchauffer les morts et d’éloigner les bêtes sauvages de la demeure. Ceux qui bondissent par-dessus le feu sont préservés de la maladie. Du haut d’une colline les jeunes du village font rouler une roue entourée de paille enflammée tandis que les enfants vont de maison en maison et collectent bretzels et fruits.
Un jour, saint Démétrius passa la nuit dans une famille où les Destinées prédisaient que le nouveau-né mourrait s’il traversait un jour le fleuve à cheval pour gagner le village voisin et y célébrer ses noces. Impressionné, Démétrius se rendit aux noces du jeune homme et, pour éviter le malheur annoncé, il lui prêta son cheval. Malheureusement, l’animal trébucha en traversant l'eau : le jeune homme fut mouillé et mourut aussitôt.
12Démons des maladies (Demonii bolilor). Les maladies sont provoquées par des diablotins qui se glissent dans le corps des hommes et des bêtes, les affaiblissent ou provoquent leur mort. Comme ces démons sont sots et peureux, et qu’ils s’effraient du bruit, du vacarme, du son des cloches et des coups de feu, on peut, à l’aide de charmes, les chasser du corps malade ou les attirer au-dehors.
13Diable (Diavolul, Dracul). Le roumain dispose de plus de cinquante euphémismes pour désigner le diable (l’impur, le Cornu, l’Antéchrist, Scaraoţchi, etc.). Le diable serait né d’un ver posé sur l’écume de la mer originelle ou encore il le premier-né sur terre, engendré par une femme ayant avalé deux morceaux de fer. Il est hideux, son visage et ses yeux sont rouges, il porte des cornes de bouc, des sabots de chèvre, des ailes de chauve-souris et une queue de bête. On peut le reconnaître à son fez rouge, à son haut-de-forme ou parce qu’une de ses jambes est plus courte que l’autre. Le diable est mauvais, orgueilleux, perfide et se glisse dans le corps des hommes pour les irriter ou pour les rendre malades. Il ne supporte ni la croix ni l’encens et, quand saint Élie tonne et fulmine, il se cache sous les saules ou se change en bête. Seule la femme vient à bout de lui, pouvant le faire vieillir. Il n’agit que la nuit, jusqu’au chant du coq, peut se métamorphoser en toutes sortes d’animaux, sauf en mouton, en abeille, en vache et en coq.
Le diable contribua à la création du monde et ne permit à l’homme de cultiver le sol que lorsqu’Adam lui eut, par contrat, promis toutes les âmes des morts. Il voulut faire concurrence à Dieu et conçut des créatures qu’il ne put toutefois animer, des objets qu’il ne sut achever ou dont il ignorait l’utilité. Le diable tente sans cesse de causer du tort aux hommes et, lorsqu’il vous propose quelque chose, il attend votre âme en retour. On dit qu’il est le gardien des trésors enterrés. Il régnera sur terre trois ans avant la fin du monde, combattra Élie, le blessera, et le sang du saint embrasera la terre.
14Diablotin (Spiriduşul). Il naît de l’œuf d'une poule noire, aussi petit que celui d’une corneille, couvé sous l’aisselle gauche. On peut aussi l'acheter dans certains magasins et chez quelques apothicaires. Il apparaît sous la forme d'une petite poupée ou d’un serpent, voire sous celle d’un homuncule invisible conservé dans une bouteille... On le nourrit de miel et de noix. Tant qu’il est bien traité, il réalise tous les souhaits de son possesseur, lui apportant argent, animaux domestiques et autres richesses, qui ont la particularité de revenir s’ils ont été volés ou vendus. Mais si le propriétaire exige trop, le diablotin se fâche et lui porte malheur.
15Diana. On adorait une déesse de la fécondité en Dacie. Selon les inscriptions romaines, elle s’appelait Diana sancta potentissima. Elle semble n’être autre que l’Artémise-Bendis, dont parle Hérodote et dont on a trouvé la figuration dans des villages de l’âge de bronze.
16Dieu (Dumnezeu). Dieu est né de l’esprit et du feu, de l’écume du centre de la mer originelle ou d’un papillon qui s’y posa et prit figure humaine. Il créa la terre et tout ce qu’il y a de bon et de bien dessus (Création du monde*). Quand Il vit combien de péchés y étaient commis, Il se retira dans le neuvième ciel, le plus éloigné, d’où il observa le monde par une fenêtre ouverte dans le sol. Il arrêta les péchés et se réjouit lorsque les prières des hommes atteignirent le ciel sous forme de fumée. À Noël, Il rejoint les hommes et est assis à leur tables avec ses saints.
Il donna aux plantes, aux arbres et aux êtres vivants leurs caractéristiques et aux peuples, les parties de la terre et les métiers. Il possède une patience infinie, ne punit pas les hommes dès qu’ils ont péché mais seulement lorsque la faute se répète. Un jour. Il céda sa place à un homme qui vit un riche voler un épis de maïs (ou du blé*) à un pauvre, alors il le tua. Dieu lui dit : « Si tu punis les hommes avec une telle précipitation, il n’y en aura plus sur terre ! » Dieu sévit en envoyant des inondations, en provoquant des métamorphoses en animal, etc. On le représente souvent en voyageur parcourant la terre, testant l’hospitalité et la bonté des hommes, guérissant les malades, baptisant l’enfant que personne ne veut baptiser et lui faisant des cadeaux merveilleux. On le rencontre aussi en pâtre ou en propriétaire d’animaux, qui possède un pauvre pour serviteur et le récompense richement. La seule chose que Dieu ne peut changer est la sentence que les Fées du destin* déposent dans le berceau du nouveau-né.
17Dimanche, sainte (Sf. Duminică). Dieu et saint Pierre rendirent un jour visite à la sainte mère Dimanche et aperçurent dans son jardin une vigne posée sur le sol. Ils voulurent la ramasser, mais elle le leur interdit et, depuis ce temps-là, il est interdit de travailler le dimanche. C’est la sainte la plus importante. Après avoir demandé conseil aux saintes mères Mercredi* et Vendredi*, le héros arrive chez elle, au ciel où de nombreux animaux lui sont soumis. Elle se rend à l’église dans une robe blanche, ou bien voyage de par le monde, châtiant ceux qui travaillent le jour qui est le sien. Si saint Élie a envie de tonner et fulminer en quelque lieu, il commence par prendre conseil de mère Dimanche. On la connaît aussi pour avoir voulu baptiser Jésus mais elle prit du retard et saint Jean la remplaça. Elle en fut si désespérée qu’elle voulut se noyer, mais l’eau la porta. Alors, elle désira se brûler, mais le feu refusa de la consumer. Pourtant, dans quelques Colindes*, c’est elle qui baptisa le Christ roi du ciel et de la terre.
18Dokia, la vieille (Baba Dochia). Ce nom vient du calendrier byzantin qui célèbre Evdokia, martyre, le 1er mars, mais les biographies des deux personnages ne correspondent pas. Les sept ou les neuf premiers jours de mars s’appellent « Jours des Vieilles » et sont, météorologiquement, bons ou mauvais. Dokia personnifie l’impatience avec laquelle les hommes attendent le retour de cette saison. Baba Dokia eut un fils, Dragomir ou Dragobete*, qui était marié. Elle maltraitait sa bru en lui imposant des travaux impossibles. Elle l’envoyait, par exemple, cueillir des baies en forêt fin février. C’est là que Dieu lui apparut sous l’aspect d’un vieillard et l’aida dans cette tâche. Quand Baba Dokia vit les baies, elle crut que le printemps était arrivé et partit aussitôt pour la montagne avec son fils et ses moutons, ou ses chèvres. Elle se vêtit de neuf ou douze peaux de mouton, mais il pleuvait sur la montagne, les peaux s’alourdirent et elle dut les ôter les unes après les autres. Après ce redoux vint une forte gelée et Dokia n’avait plus de vêtements chauds. Son fils gela le premier et eut un bloc de glace dans la bouche, si bien qu’on aurait dit qu’il jouait du pipeau. Dokia le blâma : « Tu joues du flûtiau tandis que je gèle ! » puis elle périt de froid avec ses moutons. Dans d’autres traditions, la bru doit laver la laine noire jusqu’à ce qu’elle devienne blanche, ou bien elle doit emprunter la passoire de la Mort, etc. Chaque fois, elle obtint une aide surnaturelle et se tire d’affaire. Baba Dokia est parfois présentée comme une orgueilleuse qui raille le mois de mars ; celui-ci emprunte quelques jours à février pour se venger d’elle. Selon d’autres récits, Dokia fut la fille de Décébale*, roi des Daces. Elle s’enfuit devant Trajan* et se réfugia dans les Carpates pour ne pas devenir la femme du conquérant. Elle se déguisa en bergère, mais ôta sa peau de mouton et gela ainsi que ses bêtes. Elle fut métamorphosée en source, et son troupeau en fleurs autour de celle-ci. On dit aussi qu’on peut voir, en plusieurs lieux des Carpates (Rarãu, Ceahlàu, Bucegi, Fãgãraş, Sibiu, etc.) Dokia et ses bêtes pétrifiées. Un récit plutôt rare raconte qu’à l’aube du monde, tous les arbres abattus gagnaient d’eux-mêmes la maison du bûchebûcheron ; Dokia chevaucha l’un des troncs pour qu’il l’y porte, mais celui-ci prononça une malédiction et, depuis ce temps-là, ce sont les hommes ou les bêtes qui doivent rapporter les troncs. On retrouve dans d’autres mythologies certains motifs des histoires de Dokia ; celui de la bru qui doit cueillir des baies en hiver apparaît dans des légendes tchèques et polonaises, et le motif des jours empruntés à février semble bien installé en Europe du Sud-Est et dans l’aire des langues romanes (voir la Niobé antique).
19Drac (Zmeu, plur. zmei). Il est très difficile de distinguer un Balaur* (dragon) d’un Zmeu (drac). De nombreux témoins ne font aucune différence entre eux et tiennent les deux appellations pour synonymes. Selon certains, à l’origine, Balaur* et Zmeu étaient des reptiles. À sept ans, ces serpents sucèrent le lait d’une vache noire et devinrent des Balaurs ; sept ans plus tard, les Balaurs se transformèrent en Zmei, des ailes leur poussèrent, ainsi qu’une queue particulière et ils peuvent cracher le feu. La genèse d'un Zmeu dure donc deux fois plus longtemps que celle d'un Balaur.
Pour d’autres, le Zmeu est une créature fantastique à tête de silex ou avec une pierre précieuse sur la tête, telle la guivre ou la vouivre des contes français, qui brille comme le soleil, ce qui en fait une escarboucle. Dans quelques régions, les comètes sont tenues pour des Zmei.
Il existe trois catégories de Zmei : les premiers produisent la pluie, les seconds la sécheresse, les troisièmes le vent. Quand deux Zmei se rencontrent, ils se battent, ce qui produit les éclairs. Selon le cas, le vainqueur amène la pluie, la sécheresse ou le vent. Quand l’un des zmei tombe, son souffle peut aspirer par la cheminée les objets de la maison.
Socialement et biologiquement, le zmeu est très proche de l’homme. Il le surpasse par sa force et son odorat très développé, mais il n’est guère intelligent, ce qui le rend vulnérable. 11 est en proie à un désir sexuel inassouvi, et quand il voit quelque part une danse villageoise, il se change en beau jeune homme, danse avec la plus belle jeune fille, l’enlève et l’emporte sur des montagnes lointaines, dans son pays. Il peut même enlever la fille de l’empereur enfermée dans une tour ou les petits de l’impératrice des oiseaux. C’est un habitant de l’autre monde, un démon peu satisfait de son statut qui ne cesse de faire irruption dans l’ici-bas.
Le zmeu vit en société. Il possède une cour avec de beaux jardins d’agrément, des étables, des arsenaux, ou bien il a un palais héliotrope. Il a une famille, des frères et des sœurs, des fils et des filles. Trois empereurs règnent sur les trois royaumes des Zmei qui sont de cuivre, d’argent et d’or, et ils ont chacun une armée. Saint Élie*, lutte avec les Zmei contre le diable. La civilisation des Zmei est supérieure à celle de l’homme sous bien des rapports. Les Zmei vivent dans de merveilleux palais, possèdent de beaux meubles et une splendide vaisselle, dorment dans de magnifiques lits, ont de belles chemises de nuit, des livres de magie, etc. Leur cuisine est très prisée, mais elle utilise le sang humain, car les Zmei sont anthropophages, ont un gigantesque appétit et une non moins grande soif. Leur arme préférée est la hache qu’ils peuvent lancer au-delà de neuf mers et de neuf pays, mais ils utilisent aussi l’épée et le fouet. Ils enlèvent les jeunes filles, les gardant captives sans leur faire de mal, ils dérobent les pommes d’or du verger de l'empereur et même les yeux de celui-ci. Leur pire acte est de voler le soleil, la lune et les étoiles et de les garder cachés chez eux.
La force du Zmeu provient du fait que son âme est hors de lui, par exemple dans une truie où se tient un lièvre qui renferme une caille dans laquelle vivent trois vers. Une fois tués tous ces animaux, le Zmeu meurt. Il est parfois capturé et emprisonné dans un tonneau cerclé de fer, dont il s’échappe grâce à la bonté ou à la naïveté du héros qui lui donne de l’eau : le Zmeu gonfle et fait éclater le tonneau – ou bien en promettant son amour à la mère du héros, qui le relâche. Le Zmeu est tué par l’épée ou après un corps à corps.
La mère ou l’épouse du Zmeu (Zmeoaica) est encore plus dangereuse. Elle est forte comme un géant mais n’utilise que des armes magiques, pétrifiant son adversaire la plupart du temps. Quand elle est sur le point de mourir, elle se sauve parce qu’elle possède derrière la porte un tonneau rempli d’âmes (de rechange) d’où elle tire une nouvelle, chaque fois que c’est nécessaire. Zmeoaica aime très fort ses fils et les venge s’ils sont tués. Elle trépasse quand, après avoir rongé arbres et rochers, elle est sur le point d’assécher un lac de lait ou d’eau en le buvant ; alors elle éclate.
Le Zmeu se comporte parfois comme un homme, acceptant la lutte comme mode de combat le plus noble, respectant la fille de l’empereur qu’il tient prisonnière, en espérant qu’elle l’aimera un jour. Il lui arrive d’épouser une humaine : le mariage tient et les enfants qui naissent sont très forts. Le héros des contes peut donc avoir un Zmeu pour beau-frère ou pour compère, qui l’aide à épouser une demoiselle déguisée en homme par exemple. Dans les récits plus modernes, le Zmeu joue le rôle du diable stupide que l'on trompe.
20Dracula. Du vivant de Vlad l’Empaleur surnommé Dracul, qui régna en Munténie de 1456 à 1462, puis en 1476, naquirent des légendes. Les traditions d’Europe orientale et sud-orientale le présentent avec une certaine sympathie critique alors que celles d’Europe occidentale en disent du mal. La tradition orale roumaine conserve la trace de ces deux opinions. Vlad y apparaît comme l’irréductible adversaire des envahisseurs turcs et des autochtones paresseux et félons. Il fit empaler les brigands, les menteurs et les hypocrites. On dit même qu’il invita un jour à un banquet tous les mendiants et fainéants du pays, mais quand ils se furent bien rassasiés, il les enferma et bouta le feu à la maison.
Le Dracula de l’écrivain irlandais Bram Stoker attribue à Vlad des traits qu’il n’a jamais possédés, ceux d’un vampire. Stoker agit fort adroitement en choisissant Vlad, surnommé Dracul (diable), comme héros, et la Transylvanie comme lieu de l’action. En falsifiant les données historiques avec succès, il créa le mythe de Dracula le vampire, totalement ignoré en Roumanie.
21Drăgaica (pl. Drăgaice). C’est une sainte femme qui fixe le sort des animaux, protège les champs et règne sur les fleurs. C’est aussi le nom d’une fleur champêtre, la Sânzianâ (plur. Sânzâiene), fêtée le 24 juin, jour où le soleil danse dans le ciel. On dit que c’est l’anniversaire de la Vierge ou de saint Jean-Baptiste, et on le célèbre différemment selon les régions. En Transylvanie, les enfants et les vieilles, la plupart du temps, cueillent ces fleurs, en font des couronnes destinées aux membres de la famille, et on les lance sur le toit. Si l’une y reste, c’est un bon présage pour la personne à qui elle était destinée ; si elle retombe, cela signifie malheur ou trépas.
Dans les régions orientales, la coutume voulait que les fillettes des villages voisins se rassemblent et élisent Drãgaica la plus belle d’entre elles, qui recevait alors une couronne d’épis de blé, des foulards de couleur et les clés des greniers. On formait un cortège mené par Drăgaica, qui parcourait d'abord les champs puis les villages. Les filles dansaient en marchant, et une danse avait aussi lieu dans chaque localité.
En Roumanie méridionale, les filles formaient des groupes de deux, quatre, six ou neuf. Vêtues de blanc, parées de Sânzâiene, parfois déguisées en hommes, elles portaient un drapeau surmonté d’ail (Calouchari*) et des faux. Leurs chants et leurs danses cruciformes protégeaient la récolte et écartaient les maladies des hommes et des bêtes, On les remerciait avec de l'argent, des fruits ou du miel. On suppose que les Drãgaice représentent les prêtresses de Cérès et de Diane. Selon un rite jusqu’ici mal expliqué, deux groupes de filles se battent jusqu’au sang lorsqu’ils se rencontrent.
22Dragobete. Ce serait le fils de Baba Dokia*. Il est fêté le 24 février, jour qui passe pour marquer l’entrée du printemps. Ce jour-là, les oiseaux s’accouplent, on se fiance, et garçons et filles prononcent le serment de fraternité. On dit que ce jour protège de la fièvre qui s’accompagne de frissons et des maladies.
23Dragoş. Selon les chroniqueurs roumains, c’est le prince de Maramureş. Avec sa suite, il chassa un aurochs*, le tua au bord d’un fleuve et le mangea. L’endroit leur plut tant qu’ils décidèrent d’y rester ; ils firent venir femmes et enfants et fondèrent un nouveau pays dont Dragoş fut élu prince. En souvenir de l’animal chassé, il prit pour armoiries une tête d'aurochs, puis nomma le pays Moldavie, de Molda, le nom de sa chienne. Ce récit est l’écho d’un rite de fondation dans lequel le choix de l'installation est déterminé par un animal conducteur.
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