C
p. 52-68
Texte intégral
1Cadet, le (Prâslea). Dans les contes, c’est le cadet qui surmonte toutes les épreuves, tandis que ses aînés échouent. Il rapporte ainsi l’oiseau magique à la cage d’or à son père aveugle et le guérit. Il sort victorieux de l’épreuve de sommeil et poursuit le voleur des pommes d’or jusque dans l’au-delà où il délivre et épouse une jeune fille enlevée par un dragon ; enfin il sauve les petits d’un aigle des griffes d'un autre reptile monstrueux. Ses frères veulent donc sa mort, mais le châtiment divin les frappe, ils meurent alors que leur cadet leur pardonne et monte sur le trône.
2Caille (Prepeliţa). C’est une jeune fille métamorphosée. Un veuf possédait une fille très belle appelée Zina. Il se remaria avec une sorcière qui, en son absence, transforma Zina en oiseau, l’enferma dans une cage et quitta la maison. Le père partit avec l’oiseau dans le vaste monde et, chemin faisant, apprit tout ce qui s’était passé en son absence. Il tenta en vain de provoquer une métamorphose à rebours. Alors, il offrit la liberté à l’oiseau et mourut de chagrin.
3Caloian. En Roumanie du Sud et en Bulgarie, lorsque règne la sécheresse ou qu’il pleut trop, des fillettes de huit à quinze ans, rarement des jeunes gens ou des femmes, fabriquent deux poupées de glaise les vendredis d’après Pâques. L’une représente un homme, l’autre une femme, et elles symbolisent soit le père du soleil et la mère de la pluie, soit Jésus et la Vierge Marie, ou encore saint Pierre et même Dieu. On mène le deuil des poupées, on les dépose dans un cercueil et on les enterre en un lieu secret, carrefour, champ de froment ou bord de l’eau. À leur retour au village, les acteurs sont aspergés d’eau. Trois jours plus tard, on déterre les poupées et on les jette dans la rivière ou dans le puits, et on donne un festin mortuaire, avec danse et musique, pour l’âme de Caloian. Dans le chant funèbre, les fillettes demandent au père du soleil ou à la mère de la pluie les clés avec lesquelles elles pourront libérer l’un ou l’autre, la pluie le plus souvent. On dit aussi que Caloian est un dieu de la végétation qui meurt et ressuscite. Des rites semblables se rencontrent dans l'Antiquité classique chez les Grecs, les Romains ainsi que chez les anciens Égyptiens.
4Calonfir. Nom de l’empereur des fleurs. Calonfir se lie d’amitié avec Fãt-Frumos (Prince charmant*) et devient son beau-frère.
5Calouchari (Căluşarii). Jeu représenté la semaine de la Pentecôte par un groupe de cinq, sept, neuf ou onze jeunes gens mené par un chef (vătaf) et comprenant un porte-drapeau, un muet, des danseurs et deux musiciens. Tous portent le costume national, des éperons et des clochettes. Le drapeau est blanc avec, accrochés à la pointe de la hampe de l’ail et de l’absinthe ; chaque danseur tient un bâton de bois. Le muet – il ne doit pas dire un seul mot pendant le jeu – porte un énorme phallus en bois entre les jambes, un sabre également en bois et un arc ; de l’ail et de l’absinthe pendent à sa ceinture. Le groupe de Calouchari se rassemble la veille de la Pentecôte en un lieu secret et ne se sépare qu’après dix jours. Le rituel de formation se déroule ainsi : le drapeau blanc est planté en terre, le muet se couche sur le sol près de lui et chaque danseur saute par-dessus lui et les bâtons disposés sur deux rangs ; chaque danseur jure sur le drapeau planté à un carrefour d'obéir aux ordres du meneur, de ne pas révéler avant trois ans les secrets des Calouchari et de ne pas toucher une femme. S'il ne tient pas parole, il sera fou toute sa vie.
Les Calouchari passent dans les maisons, y dansent et y portent leurs voeux. Une des fonctions de la danse est de protéger des fièvres la famille visitée. Si l’un de ses membres souffre de la « maladie des fées » (Fées méchantes*) ou des Pentecôtes* – les « Pentecôtes » (rusalii) étant des fées laides et méchantes –, il se couche par terre et les danseurs bondissent par-dessus lui, ou dansent autour de lui. On lui donne ensuite de l’ail. Le dernier jour, les Calouchari tiennent tous le drapeau sans dire un mot, le découpent en plusieurs morceaux et l’enterrent avec l’épée du muet, puis ils s’éloignent en courant, sans se retourner. Les avis divergent sur l’origine et la nature de ce rite. On pense qu’il s’agit d’un vestige de culte solaire, d’une danse martiale, du souvenir de l’enlèvement des Sabines, d’un culte orgiaque voué à Rhéa ou à Déméter, ou encore un rite d’initiation...
6Cane (Raţa, Răţoiul). Deux traditions s'attachent à cet animal. Selon l’une, c’est une orpheline dont s’éprend le chef d’une bande de brigands. La jeune fille tente en vain de s’enfuir, aussi prie-t-elle Dieu de l’aider, et II la métamorphose en cane. Selon l’autre, la cane appartient au clan des grenouilles. En effet, là où son sang est versé, celles-ci apparaissent. On dit aussi que les âmes des morts apparaissent sous la forme de canes : on ne peut faire l’aumône de cette volaille car les morts refusent de manger sa viande. Dans les contes, la cane aide parfois une pauvre mère en pondant un œuf d’or le matin, et un œuf d’argent le soir.
7Carrefour (Răspăntia, răscrucile drumului). Comme partout en Europe, c’est un lieu dangereux car les esprits s’y rencontrent et s’y affrontent, les mauvaises fées y dansent et là se commettent meurtres et maléfices. Une croix doit se dresser à chaque carrefour et un puits s’y trouver car tous deux éloignent les esprits malins.
8Cendrillon (Cenuçăreasa, Petru Cenuşotcă). Ce personnage est, en Roumanie, masculin ou féminin. Dans les contes, une marâtre persécute sa belle-fille qui s’enfuit. Chemin faisant, elle cure un puits, améliore le four communal, élimine les chenilles d’un poirier et secoure un corbeau blessé. Elle s’engage chez la sainte mère Vendredi qui lui offre un bahut et trois pommes, l’une de cuivre, l’autre d’argent, la dernière d’or. Se montrant à la cour avec des vêtements faits de ces métaux, elle suscite l’amour d’un prince qui l’épouse. Quand Cendrillon est un homme, on a le schéma suivant. Le troisième fils d’un homme que personne n’estime, apprend qui dévaste les champs de froment de son père. Les chevaux du soleil, de la lune et du vent lui donnent trois haies qu’il doit secouer lorsqu'il a besoin d’assistance, ils l’aident à délivrer la fille de l’empereur enlevée par un aigle, et le héros épouse la belle.
9Centre du monde (Centrul lumii). Dieu, le Créateur, ou le soleil qui illumine la terre, est le centre du monde. Pour la plupart des hommes cependant, le village est le centre ou encore l’axe du ciel ou de la terre. On dit aussi que ce centre se trouve là où l’on édifie une construction. Chaque maison, chaque temple et chaque château représente ainsi le centre du monde. Pour les chrétiens, ce centre est Jérusalem, près des demeures de David, du saint sépulcre ou du Golgotha où Jésus fut crucifié et où est enterrée la tête d’Adam. On considère enfin comme centre de la terre le lieu où celle-ci respire et où l'on peut gagner l'autre monde.
10Cerf (Cerbul). Il apparaît souvent dans un contexte de noces. Un cerf de trois ans traverse à la nage l’Olt (affluent du bas Danube) en crue, portant sur ses bois un berceau, dans lequel coud et brode une jeune fille en âge de se marier. Elle lui demande de nager lentement afin de ne pas être dérangée dans son travail. Dans d’autres légendes, le cerf est abattu par les frères de la belle et sa viande mangée lors des noces. On fait une maison de ses os, un toit de sa peau que l’on arrose de son sang, des gobelets de ses sabots et sa tête est fixée à l’entrée du jardin. Cette image très ancienne rappelle celle d’Artémise.
Cet animal que l’on sacrifie lorsqu’on fonde une nouvelle famille, est aussi un psychopompe car il emmène parfois une femme morte dans l’au-delà. Il tire aussi le char de la Mère de la Forêt*.
Un autre cerf se vante que tous ignorent où il se désaltère, où il paît et où il dort – et se vante de courir plus vite que le cheval ou que vole le faucon. Apparaît un jeune chasseur qui le poursuit avec faucon et chiens et le tue. Avant de mourir, le cerf souhaite que ses bois soient des trompettes, que ses pattes nourrissent les chiens, ses yeux, les faucons, et sa viande, les serviteurs de la cour.
Quelques textes décrivent des hommes métamorphosés en cerfs. L’un d’eux prend cette forme pour neuf ans par suite d’un maléfice, et il prie le chasseur qu’il rencontre de l’épargner, lui promettant de le porter sur ses bois tant qu’il n’aura pas trouvé une fiancée. Au bout de neuf ans, neuf mois et neuf jours, il retrouve sa forme humaine, rentre dans son village, construit des églises et dit la messe. Dans d’autres légendes, il est question d’un homme qui n’apprend à ses neuf fils ni le labourage ni l’élevage mais la chasse. Ils chassent si longtemps qu’ils sont métamorphosés en cerfs.
Un Noël, le père rencontre les neuf cerfs et les invite chez lui où la mère les attend, dit-il, près d’une table dressée sur laquelle se tiennent des verres pleins et des bougies, mais ils refusent de revenir chez eux, alléguant que leurs têtes ne peuvent porter de piécettes, que leurs bois ne passent pas la porte, que leur sabots ne peuvent fouler des cendres mais juste des feuilles, et qu’ils ne peuvent boire que dans la rivière et non dans un verre. Cette chanson appartenant à la civilisation d’un peuple de chasseur a inspiré Béla Bartók pour composer sa Cantata profana. Par ailleurs, on trouve au Paléolithique, en Dacie, les premières traces de la chasse au cerf.
11Cerf-volant, lucane (Rădaşca). Les lucanes sont les anges qui ne voulurent pas aider Élie à changer les roues de son char de feu. Selon une autre légende étiologique (explicative), la Vierge Marie* demanda du lait pour l’enfant Jésus à un riche fermier qui l’injuria. Ses vaches furent transformées en cerfs-volants, alors que les vaches du pauvre qui lui avait offert du lait se mirent à en produire tant que celui-ci ne sut plus quoi en faire.
Le vendredi matin, avant l'aube, les femmes attrapent autant de lucanes que possible, les fendent et les mêlent au fourrage des vaches afin qu’elles donnent du lait. On dit aussi qu’un lucane dans sa poche ou dans son chapeau éloigne le mal. Ceux que l’on jette dans les champs la veille de la Saint-Jean procurent une bonne récolte.
12Chandeleur (Stretenia). À cette date (2 février), l’ours quitte son hivernage. S’il y retourne, l’hiver dure encore longtemps, mais s’il gagne la forêt, c’est le début du printemps. Si le temps est mauvais ce jour-là, le printemps commencera bientôt, sinon, l’hiver se poursuivra. Ce jour-là, on conserve les ordures dans la maison pour éviter qu’un morceau de charbon tombe sur le fumier des vaches et qu'une louve le trouve. En effet, toute louve mangeant alors un charbon devient grosse et contribue à la multiplication de la race.
13Chanvre (Cânepa). Selon une tradition, le chanvre d’automne insulte le chanvre d’été parce que celui-ci, qui est un peu plus grand, ne veut pas aller à l’église, prétendant qu'il peut la voir d’où il est. L’histoire des « souffrances du chanvre », qui retrace toutes les étapes de sa transformation, possède une fonction apotropaïque : les fantômes qui veulent enlever deux jeunes filles, sont obligés d’entendre ce récit et, quand il s’achève, le cri du coq retentit et ils doivent disparaître.
14Charançon (Gărgăriţa). Les charançons, ou calandres, sont nés des vers qui rongeaient le corps d’un riche qui refusait de faire l’aumône à ceux qui mourraient de faim. Depuis, les charançons dévastent les céréales des riches.
15Charrue, la petite (Pluguşorul). Le 1er janvier, des jeunes gens passent de maison en maison avec une charrue décorée que tirent deux bœufs ; ils récitent un poème et font claquer leur fouet de temps à autre. On les en remercie par des dons en nature ou de l’argent. Ce poème décrit avec humour toutes les étapes de la culture du froment – labours, semis, moisson, battage, passage au moulin et fabrication du pain – et s’achève par des vœux de bonne année aux hôtes. Les protagonistes de ce poème sont parfois l’empereur Trajan, qui introduisit en Dacie la culture des champs, et Dokia, son épouse.
16Chat (Pisica). C’est un animal aimé de Dieu parce qu’il est né de Son gant ou de celui de Noé, jeté pendant le déluge là où une souris rongeait l’arche. D’autres fois, le chat est l’ami du diable : il a les mêmes yeux que lui et, quand le tonnerre gronde, le démon se cache sous le chat ou en prend la forme. Selon d'autres mythes, le chat est né d'une jeune femme hostile aux vieilles. On prétend, par ailleurs, qu'Ève fut créée de la queue d’un chat. Cet animal n’aime pas ses maîtres, il souhaite leur mort pour pouvoir régner seul sur la maison. Quand un membre de la famille est décédé, on chasse le chat pour éviter qu’il mange le nez du cadavre ou passe sous le cercueil, ce qui transformerait le mort en fantôme. On affirme aussi qu’à l’origine, la chatte et le chien étaient mari et femme. Le ménage s’entendait bien, jusqu’à ce que la dame insiste pour prendre un valet avec lequel elle trompa son époux. Dieu métamorphosa alors la femme en chatte, l’homme en chien et le valet en souris. En Roumanie, on connaît aussi un chat botté qui aide un pauvre orphelin à épouser la fille d’un boyard.
17Chêne (Stejarul). C’est un arbre sacré dont la fille voulut épouser le fils du sapin. On dit qu’il vit neuf cents ans. À sa mort, on construit une église sur son emplacement.
18Chenille (Omida). Elle naquit des larmes du diable ou de la famille de Judas que Dieu métamorphosa en chenilles.
19Cheval (Calul). Dieu créa le cheval afin que l'homme puisse plus rapidement réaliser ses pensées, c’est pourquoi tuer un cheval est un péché aussi grave qu’occire un homme. Le crâne d’un cheval planté sur la haie du jardin ou près de la fontaine chasse les mauvais esprits et les maladies. Selon une autre tradition, le diable créa le cheval de limon et, pour lui donner vie, son frère s’y glissa. On ne doit pas manger de viande de cheval parce qu’il fut la première monture d’Ève. Ne se tenant pas tranquille lors de la naissance de Jésus, Marie* le condamna à n’être rassasié qu’une fois par an, à l’Ascension* et pour une heure seulement.
Le cheval accompagne les héros comme Étienne le Grand*, Toma Alimoş*, Corbea, et les aide dans les situations difficiles. Après la mort de son maître, il revient à un autre héros (ce qui est signe d’élection). Plus il est vieux, plus il est valeureux : la monture de Craliu Marcu vit ainsi cinq cents ans et celle de Gruicea deux cent cinquante ans. Le destrier qu’a monté le père d’un héros pour les noces de son fils est nourri de braises et d’eau et retrouve ses forces primitives. La laide haridelle que reçoit un héros pour toute récompense après avoir passé trois ans au service d’une sorcière, se révèle être le plus vaillant de tous les chevaux.
Les poulains viennent au monde d’une curieuse façon : tous les sept ans, un moustique jette un poulain sur les bords de la mer Blanche, ou bien la jument dévore certaines plantes, ou une pomme, ou encore boit un reste de café fabriqué avec de la farine d’os de poisson et se retrouve grosse. Le cheval merveilleux possède alors deux ou neuf cœurs, quatorze rates, huit pattes, douze ailes et même, parfois, une corne au front. Dans ses oreilles, le héros découvre des armes ou d’autres objets précieux. Dans les épopées populaires, le cheval est intimement lié à son maître, le seul auquel il est permis de le chevaucher. Il est triste lorsque celui-ci songe à le vendre, il franchit la mer d’un bond ou à la nage afin que le héros puisse rejoindre sa belle, et augmente le prestige dont il jouit.
Le jeune homme et le cheval sont représentés comme des divinités de la végétation : là où ils passent, les champs brûlés reverdissent, les forêts desséchées se couvrent de feuillage, des ruisseaux jaillissent des rocs. Le cheval donne de bons conseils à son maître, le cache dans son oreille, renifle pour le réveiller quand il y a du danger et l’enterre ou meurt de chagrin lorsqu’il est tué. La plupart du temps, c’est un symbole du soleil, de la virilité et de la fertilité. Les masques chevalins que l’on tient pour les âmes des trépassés, relient le monde des vivants et à celui des morts.
20Chevaux de saint Toader (Caii lui Sântoader). Ce sont des jeunes gens avec des sabots de cheval, sur lesquels ils portent des bottes, ou bien des anges à forme chevaline. Ils apparaissent dans le village pour une semaine le premier mardi de Carême, pour voir si hommes et femmes travaillent ce jour-là. Pénétrant dans la maison où des jeunes filles se rassemblent pour filer, ils dansent avec elles, mais l’une d’elle remarque leurs sabots et rentre chez elle. Elle frotte d’ail toutes les casseroles de la maison et les retourne afin qu’aucune de celles-ci n’ouvre la porte aux hôtes indésirables. Mais comme elle oublie une cruche, cette dernière se dirige vers la porte, se heurte à la clé et se rompt. Les chevaux de saint Toader tuent les femmes qui travaillent ce jour-là. Ils battirent ainsi une vieille revenant du moulin, mais elle leur déclara qu’elle n’avait travaillé que pour cuire le gâteau de saint Toader et fut sauvée.
21Chèvre (Capra). Dieu créa le mouton, mais le diable créa la chèvre à sa ressemblance, avec une barbe et des genoux enflés. Quand les démons entendent le char de saint Élie, ils se changent en chèvres. Cet animal est le symbole de la pauvreté car il donne peu de laine et de lait. On ne peut non plus le donner en aumône, mais dans les mascarades, il est censé apporter la fécondité, l’abondance et la santé.
22Chicorée (Cicoarea). Le soleil observait un jour la reine des fleurs qui se tenait dans un champ, et il en tomba amoureux. Il envoya les étoiles du matin et du soir présenter sa demande, mais l’autre le repoussa, arguant qu’il était toujours en chemin. Le soleil s’en irrita et la changea en chicorée qui ne fait rien d’autre que de le regarder quand il parcourt la voûte céleste. Au matin, elle se réjouit, pâlit de plus en plus vers le soir et se referme.
Selon un autre mythe, la chicorée était une jeune fille dont le fiancé mourut à la guerre. Comme elle pleurait sans cesse en regardant le soleil, elle fut transformée en une fragile fleur bleue nommée chicorée sauvage.
Dans un autre mythe encore, cette métamorphose est la punition pour avoir refusé de l’eau à un vieillard. On dit qu’une pousse de chicorée portée à la ceinture empêche d'avoir mal aux reins.
23Chien / Chienne (Câinele, căţeaua). Dieu créa le chien à partir de copeaux de peupliers coupés par le diable, ou bien encore cet animal naquit de la flûte pastorale de saint Pierre, de deux pelotes, de deux pommes ou de deux pierres, que le saint, ou Dieu lui-même, jeta au loup. Selon d’autres légendes étiologiques, les vers du corps d’Abel se transformèrent en chiens afin que ses moutons fussent gardés. On dit qu’un jour le chien eut le courage de sauver un épis de blé des champs incendiés par les Tartares, afin que les hommes puissent au moins en ressemer un peu. Le chien souhaite de nombreux enfants à son maître afin que chacun d’eux lui donne un peu à manger. Comme dans de nombreux pays, le chien est fidèle, garde la tombe de son maître jusqu’à sa mort, et protège les troupeaux de moutons des loups. « Lourd-comme-la-Terre » (Greu-ca-Pământul), « Bonne-ouïe » (Aude-Bine) et « Aussi-léger-que-le-vent » (Uşor-ca-vântul) sont les noms de chiens merveilleux qui aident les héros de contes.
Une curieuse coutume veut que l’on batte les chiens le premier lundi de Carême tandis qu’un homme barbouille la bouche des spectateurs inattentifs avec de la bouillie de maïs. Selon certains érudits, cette coutume plonge ses racines dans les sacrifices de chiens pratiqués à Rome et en Grèce antique ; selon d’autres, il s’agit d’un rite de fertilité.
24Chiot de la terre, le (Căţelul (Ţâncul) Pământului). C’est un animal semblable au chien, mais qui vit dans les profondeurs de la terre, loin des villages et des puits. C’est un noctambule qui nuit aux voyageurs par ses morsures ou ses aboiements. La plupart du temps, il s’attaque au dernier mort qu’il veut dévorer. Après les funérailles, il apparaît trois nuits de suite dans le tombeau et demande un paiement au défunt ; si celui-ci ne possède pas d’argent sur lui, le Chiot de la Terre lui mange le nez, si bien qu’il apparaîtra mutilé au Jugement dernier.
25Chiralina. C’est le nom de la jeune fille vivant dans un lointain pays, que Afin et Dafin* découvrent après mille aventures et que Dafin prend pour épouse.
26Chiriac et Juliţa (Chiriac şi Iuliţa). On fête ces martyrs le 15 ou le 16 juillet. Le nom populaire de cette fête est Ciurica, nom d’une soi-disant sainte qui aurait procuré aux femmes le droit de battre leurs maris ce jour-là sans qu’ils puissent s’y opposer. Si un homme est battu pendant cette fête, il sera battu toute l’année.
27Choléra et Peste (Holera şi Ciuma). Ces deux maladies parfois mortelles sont représentées par deux vieilles femmes à tête humaine, mais à cornes de bœuf et queue de serpent. Elles contaminent les hommes en les piquant avec leur queue. Parfois, il n’y a qu’une seule femme qui ne porte pas de fichu, mais des petites nattes fines, est vêtue de blanc et tient une faux. Par euphémisme, on les appelle « Mères des maladies, Mères voyageuses », ou « Maladie turque ». Des étoiles filantes ou des éclipses de soleil annoncent leur apparition. Pour éviter qu’elles ne gagnent le village, on organise un festin dans la rue où les habitants apportent tout ce qu'ils peuvent. La voyageuse avide arrive, se sert d’abondance si bien qu’elle n’est plus en mesure de dévorer le cœur des hommes. Il lui faut parcourir neuf pays et traverser neuf mers avant d'avoir à nouveau faim.
Si, malgré tout, elle entre dans le village et y cause du tort, on confectionne une « chemise de la peste ». En une nuit, du mardi au mercredi, neuf vieilles femmes qui n’ont plus de rapports sexuels, doivent filer le chanvre, le tisser et coudre la chemise. Un pestiféré doit la porter quelques heures, puis elle est déposée sur une haie ou à un carrefour. La maladie est alors satisfaite et quitte le village. En maints lieux, on brûle la chemise, ou bien chaque habitant s’y glisse tour à tour afin d’être immunisé. Selon une autre coutume, on trace un sillon autour du village. Deux bœufs noirs nés de la même vache un samedi doivent tirer la charrue. Parfois, des jeunes hommes nus parcourent le village, la nuit, en criant afin que la maladie ne frappe aucun adolescent. On allume aussi neuf feux sur les montagnes les plus proches, ou bien on enfume les maisons à l’aide d’un feu d’ordures. Autrefois, il y eut aussi des sacrifices de nourriture, d’animaux et mêmes d’êtres humains. Un jour, dit-on, on enterra vivant un jeune homme, et la peste satisfaite quitta le village. Selon les descriptions de Bandinus, qui n’ont jamais pu être vérifiées, il y aurait eu, au milieu du xviie siècle, en Moldavie, des priapos aux carrefours. Ces priapos représentaient un homme taillé dans le chêne, tenant dans la main droite arc et flèches, et dans la gauche, une épée afin que la peste ait peur d’entrer dans le village. Les grandes pestes sont représentées dans les chansons populaires épiques Vâlcu et Voichiţa (Lenore*).
28Chouette (Cucuveaua). Dieu métamorphosa en chouette une femme très jalouse que son époux battait. En général, elle annonce la mort : si elle chante sur le toit d’une maison, l’un des habitants mourra. Elle peut aussi chanter d’une voix plus douce, c’est-à-dire rire ; dans ce cas elle annonce un mariage ou la naissance d’un enfant. Dans les réunions de fantômes des morts, elle joue la musicienne.
29Ciel (Cerul). Quand Dieu eut créé la terre, il fit la voûte céleste trop petite. Il envoya l’abeille demander conseil au hérisson* qui ne voulut rien dire. Alors elle se cacha derrière un pétale de fleur et épia son soliloque selon lequel Dieu devait faire des vaux et des monts afin que la voûte puisse recouvrir la terre. Selon d’autres témoins, Dieu envoya saint Jean pour mesurer la terre et le ciel et, le cas échéant, faire des montagnes et des vallées, de l’eau pour les torrents, des pentes pour les moutons et des prés pour les bœufs. Jean mesura la terre avec l'aide de la pensée et le ciel avec celle de l’éclair. La Vierge Marie, sous la forme d’un oiseau blanc, et même Judas, le fils de l’impératrice de la mer, remplissent la même fonction. Un autre mythe étiologique attribue la création de la terre et du ciel à un groupe de maîtres qui firent la terre en deux jours et le ciel en neuf, mais ce dernier fut trop petit. Munis de trois fouets de feu, ils frappèrent la terre qui sursauta, ce qui donna le jour aux monts et aux vaux. Ils ornèrent alors le ciel d’étoiles.
Le ciel repose sur quatre piliers d’argent, ou encore il ressemble à un couvercle recouvrant la terre. Il existe sept ou neuf deux ; le trône de Dieu se trouve dans le dernier, les anges et les saints habitent les autres. À l’origine, le ciel était bien plus proche de la terre, il s’en éloigna lorsqu’une femme le toucha des couches sales de son enfant, ou lorsqu’une autre lui lança des pierres, ou encore quand un pâtre jeta du fumier sur la lune et la salit.
À Noël, à l'an neuf, à l’Épiphanie, à Pâques, etc., les cieux s’ouvrent. Les hommes de bien peuvent alors apercevoir Marie et les anges. Des miracles ont lieu, la nature frissonne et reçoit de nouvelles forces. Ceux qui voient l'ouverture du ciel obtiennent tout ce qu'ils souhaitent à cet instant, mais beaucoup sont si surpris qu’ils ne savent rien désirer d’autre qu’une grosse tête, et ils l'obtiennent.
30Cigogne (Barza, Cocostârcul). La cigogne plaît à Dieu et est sacrée. De lignage impérial, elle porte chance à celui chez qui elle bâtit son nid et le protège contre les voleurs, le feu, les reptiles, les grenouilles, les autours et les insectes. Elle assure aussi la fertilité de ses champs en sacrifiant l’un de ses petits à la maison où se trouve son nid. Elle se venge de qui le détruit, boutant le feu à sa demeure ou provoquant le décès d’un des membres de la famille.
On dit que les cigognes durent, un jour, traverser les montagnes pour ramener l’eau de vie et de mort de l’au-delà. Les monts se heurtèrent de la tête, comme des béliers et, à leur retour, ils broyèrent la queue de ces oiseaux. Dieu fit de la cigogne la reine des grenouilles, et elle est un charmant messager du printemps.
D'autres légendes affirment que la cigogne était un ivrogne curieux auquel Dieu confia un sac rempli de reptiles et d’insectes, lui ordonnant de le vider au-dessus du fleuve. L’homme n’attendit point, l’ouvrit et son contenu se répandit sur le sol (voir la boîte de Pandore). Dieu le punit de sa désobéissance en le transformant en une cigogne qui tente éternellement de réparer le mal causé. On raconte aussi que la cigogne fut un apprenti sorcier qui apprit l’art de se métamorphoser mais oublia la formule magique pour retrouver sa forme première.
31Coccinelle (Buburuza). Après la mort de son père, la fille du Roi Rouge et son frère se disputèrent l’héritage. Il la tua, mais Dieu en fit la coccinelle.
32Cochevis (Ciocârlanul). À l’origine, le cochevis (alouette huppée) est un pâtre qui demande à Dieu de le changer en oiseau afin de pouvoir retrouver sa chienne perdue. Dans les légendes, un cochevis boiteux mène la femme vers son époux disparu, ou le héros chez la fée qui l’a quitté.
33Codreana Sânziana. Nom d’une fillette née d'un homme et baptisée par un ange. Un aigle l’enleva, et elle vécut dans son nid ; il l’avala et la recracha sept fois de suite, toujours plus belle. Un prince la vit, s’éprit d’elle, mais elle ne voulut pas quitter le nid. Une vieille femme lui tendit un piège, elle descendit, fut capturée, amenée au prince qu’elle finit par épouser.
34Codru et Bujor. Nom des jumeaux possédant des forces surnaturelles. Ils libèrent la colombe du paradis enfermée au pays des dragons, afin qu’elle puisse être déposée dans une église édifiée par un empereur.
35Coeur (Inima). Le dragon possède un cœur externe, caché hors de son corps : tant qu’on ne le trouve pas, il ne peut être tué. Ce motif se retrouve dans les croyances lituaniennes, tout comme dans le conte universel. Les folkloristes le connaissent sous le nom de external soul (âme externe).
Les hommes qui deviennent des fantômes ou des revenants après leur trépas possèdent deux cœurs dont seul un est mort. Ils continuent donc à vivre et nuisent à leurs parents, voulant manger leur cœur. Lorsqu’on suppose que c’est le cas pour un défunt, on lui arrache le cœur, on le jette aux chiens ou on le brûle. Puis on donne à ses parents à boire du vin mêlé de cendres afin de les protéger. On dit aussi que le cœur humain possède une oreille, comme celui du porc, qui suit les directives du démon.
36Colindes, les (lat. calendae, roum. colindă, pl. colinde ou corindă, pl. corinzi). Chansons que chantent des personnes de différents tranches d’âge (colindători) en allant, à Noël, de maison en maison. D’origine romaine elles sont aussi connues des Bulgares, des Ukrainiens et d’autres peuples de l’Europe du Sud-Est. Près de la moitié des 300 à 400 types de colindes attestées chez les Roumains traitent de sujets profanes (Agneau/Agnelle* ; Agnelle voyante*. Bœuf*, Cerf*, Dauphin*, Lion*, Manole*, Pommier et les Pommes*. Puits*, Soleil*, etc.), l’autre moitié, de thèmes chrétiens (Création du monde*, Dimanche*, Marie*, Bain des Saintes*, Coupe de cérémonie*, Noël* etc.)
37Colline de Mohu, la (Dealul Mohului). Ce nom désigne un chant rituel de moisson en Transylvanie méridionale. Il raconte une dispute, au sens médiéval, entre la sœur du Soleil et celle du Vent. Dans un paysage caniculaire, elles sont assises à l’ombre d’une gerbe de froment et se vantent de ce qu’elles, ou de ce que leur frère, font pour les hommes. La sœur du Soleil veut avoir la préséance car elle réchauffe le monde, et celle du Vent la réclame parce qu’elle rafraîchit les hommes et les bœufs.
38Colonne trajane (Columna lui Traian). Avec le Trophée d’Adam Klissi, la colonne Trajane est un témoin important de la mythologie des Daces. Outre des scènes de combat entre Daces et Romains, elle montre le dieu Danubius que l’on propitie pour protéger l’armée, le dragon dace à tête de loup, des spirales s’achevant par la tête du même animal et deux béliers s’affrontant.
39Comète (Cometa). L’apparition des comètes signifie malheur, épidémie et mauvaises récoltes. La Première Guerre mondiale fut annoncée, en 1914, par le passage d'une boule de feu dans le ciel. Les comètes suscitent les mouches et les abeilles meurtrières. Quand elles se montrent, la nourriture conservée en plein air se gâte, et le lait tourne si la vache paît la nuit. La comète empoisonne l’eau dans laquelle elle plonge.
40Conception magique. Provoquée par une faute ou par un souhait intime, elle se réalise souvent inconsciemment. Des femmes qui respirent ou frôlent une fleur ou une plante, avalent un grain de poivre, mangent une pomme, une grenade, une myrtille, une orange ou un poisson, ou encore sont touchées par un copeau, se retrouvent enceintes. La même chose peut être provoquée par un rêve ou parce qu’elles ont regardé un jeune homme mangeant une certaine pomme.
41Confession faite au sapin (Spovedania la brad). De nombreux pâtres, parce qu'ils ne quittent pas la montagne pendant toute la saison d’alpage, se confessent à un arbre, surtout au sapin, sur une montagne la plus haute possible. Ils gravent une croix dans l’écorce et disent là tous leurs péchés, comme s’ils s’adressaient à un prêtre. Puis ils coupent quelques morceaux de bois qu'ils jettent. Si l’arbre ne se dessèche pas dans l’année, leurs péchés leur sont remis. Les pâtres sont d'avis que cette confession est plus efficace que celle faite au prêtre. Assimilent-ils l’arbre à Dieu ?
42Constantin, saint (Sf Constantin). Il est fêté le 21 mai parce qu'il a tiré la sainte croix de la mer. Avec sainte Hélène, il est considéré comme le « père de la sainte croix ».
43Constantin l’empereur (Constantin Împăratul). Constantin perdit la guerre contre les fourmis puis il y eut une période de sécheresse. Il décocha une flèche vers le ciel, mais il n’en tomba que quelques gouttes d'eau. Désespéré, il déclara qu’il vaudrait mieux que la terre s’ouvrît et l’engloutît, ce qui advint aussitôt. Il dort sous terre avec toute son armé, mais reviendra à la fin du monde. En attendant, son cheval parcourt la terre une fois l’an. Cette légende doit être rapprochée de celles qui courent sur Charlemagne et Frédéric Barbe rousse.
44Constantinople (Ţarigradul). L’action du cycle épique des chansons populaires du Danube se déroule à Constantinople. Les héros y trouvent leur future femme, et c’est là qu’ont lieu les noces de Grouia*. Les héros capturés y sont enfermés, mais ils se libèrent. Enfin, c’est là que C. Brâncoveanu, seigneur de Munténie, et ses fils sont décapités.
45Constellation des bâtons (Constelaţia Toiegelor = Orion). Elle se compose des sept bâtons qu’une vieille femme lança sur sa fille lorsqu’elle s’enfuit avec un porcher.
46Contrat d’Adam avec le Diable (Contractul lui Adam cu Diavolul). Chassés du paradis, Adam et Ève ensemencèrent une parcelle de terre pour assurer leur pain quotidien, mais le diable leur interdit de labourer la terre qui lui appartenait. Il leur proposa toutefois un pacte : ils pourraient labourer à loisir, mais eux et leurs descendants lui appartiendraient après leur mort. Ne voyant pas d’autre issue, Adam accepta et signa le contrat en appliquant la paume de sa main sur une brique que le diable cacha en enfer. Jusqu’au baptême, ou à la résurrection du Christ qui rompit le pacte, tous les hommes durent gagner l’enfer.
Selon un autre mythe. Dieu vit que tous les morts descendaient en enfer, aussi envoya-t-il saint Élie, ou saint Pierre, entrer au service du diable pour neuf ans et dérober le pacte. Le serviteur réussit à s’en emparer, mais le diable le rattrapa à la porte du paradis, et le saisit par les pieds : depuis ce temps-là, le pied est creusé car il y préleva de la chair.
47Coq (Cocoşul). Réveille-matin des paysans, le coq dispose aussi de forces surnaturelles, surtout s’il est noir. Un coq cuit a ressuscité, comme Jésus. Il chante après avoir entendu le martelet dans le ciel et il fait peur aux mauvais esprits qui cessent leurs activités nocturnes et se cachent. À Noël, on peut entendre chanter les coqs célestes.
Le coq accompagne les âmes des morts dans l’au-delà et les défend contre le diable. Pour mettre fin aux errances d’un revenant, on enterre un coq avec lui afin qu’il ne puisse plus faire de mal aux vivants.
48Corbeau (Corbul). Parce qu’il est noir et se nourrit de cadavres, on l’a associé à la mort et à l’au-delà. Il annonce le trépas et les catastrophes naturelles. À l’origine, son plumage était blanc, mais il fut maudit par Noé qui l’avait envoyé hors de l’arche voir si une terre était en vue, le corbeau ne revint pas, ayant trouvé des cadavres.
C’est en février, le mois le plus froid de l’année, que le corbeau couve ses œufs. Il ne doit pas boire d’eau de source ou de rivière parce qu’il refusa de nettoyer les torrents avec les autres oiseaux.
Le vol du corbeau ne connaît pas de frontières, pas même celles entre l’ici-bas et l’au-delà. Au héros emprisonné par les Turcs, il apporte des nouvelles ou des objets grâce auxquels celui-ci peut se libérer. Il ramène aussi la main du héros mort à sa mère et lui apprend ainsi son décès. Quand un preux combat un dragon, il l’aide en l’aspergeant d’eau fraîche. Il l’assiste aussi dans sa recherche de la jument merveilleuse. Parfois, bien que rarement, le corbeau est présenté comme un oiseau sacré avec une croix dessinée sur son bec, car il aida saint Élie. C’est donc un péché de tirer sur lui, et qui le tue tombe malade pour une année. La mort du corbeau provoque la grêle, et si on lui prend ses petits, les céréales ne poussent plus.
49Corne d’abondance (Cornul abundenteï). Un bœuf merveilleux offrit une corne à un jeune homme, lui disant de ne pas l’ouvrir avant d’être chez lui, mais il ne fut pas obéi. D’innombrables troupeaux d’animaux en sortirent, et le jeune homme fut incapable de les y faire retourner. Le dragon lui proposa son aide, à condition qu'il lui donne ce qu’il aimait le plus. Le jeune homme acquiesça, mais lors de sa nuit de noce, le dragon exigea sa fiancée. Un pain qui traînait sur la table aida l’imprudent à se tirer d’affaire, en décrivant trois fois « les souffrances du froment devenant pain ». Ce faisant, le dragon perdit sa force et creva de rage. Une autre fois, dit-on, le jeune homme ouvrit la corne chez lui, et il en surgit des palais et des jardins aux portes d'or, des oiseaux gazouillant, des volatiles et des serviteurs innombrables ainsi que maintes richesses.
50Corneille (Cioara). Les corneilles possèdent un pays et un empereur auquel elles apportent le blé. On dit aussi qu’elles le portent aux saintes mères Mercredi*, Vendredi* et Dimanche*, sur le mont Athos, ou bien aux moines de Jérusalem afin qu'ils puissent en faire du pain blanc.
51Corvin. Le roi Corvin régnait à Bude. Il eut un fils illégitime avec la fille d’un paysan roumain à laquelle il laissa une bague en signe de reconnaissance. Avec son frère et son fils, la jeune fille se mit en route pour Bude, mais, chemin faisant, un corbeau ravit l’anneau de l’enfant. Le frère réussit à le récupérer en abattant l’oiseau. Le roi reconnut son fils et lui remit le château de Hunedoara et plusieurs villages. L’emblème de la famille des Huniades fut un corbeau ayant un anneau au bec.
52Cosmandin. C’est le nom que portent les médecins chrétiens Cosmas et Damien chez les Roumains. On les fête le 1er juillet afin que les hommes restent en bonne santé. On les appelle aussi « les médecins d’argent » ou « sans argent » ou encore « les magiciens ».
53Cosmogonie. Voir Création du monde.
54Coucou (Cucul). Il est aussi important parmi les oiseaux que le basilic l’est parmi les plantes. Dieu changea deux frères en oiseaux, mais l'un fut tué et l'autre le cherche pour l’éternité en l’appelant par son nom : Coucou. D’autres légendes gravitent autour du même motif.
- Deux fils de roi se disputèrent le trône de leur père à sa mort : l’un occit l’autre mais regretta bientôt son acte, se transforma en oiseau qui crie depuis le nom de son frère.
- Une marâtre abattit son beau-fils dont la sœur conserva le cœur et les os ; ils donnèrent le jour au coucou qui se rappelle à tout jamais son triste sort.
- Un jeune homme ayant volé les bœufs ou les chevaux de saint Pierre, ou encore la clé du paradis, fut maudit par celui-ci et condamné à être oiseau.
- La fille d’un empereur s’éprit d’un valet appelé Coucou, mais ses parents le chassèrent et la condamnèrent à être volatile ; maintenant, elle crie le nom de son bien-aimé.
- Les Macédo-Roumains voient ainsi l’origine du coucou. Un pâtre dormit trois cents ans ; quand il s’éveilla, il ne sut où il était et pria Dieu de le changer en oiseau. Depuis, il appelle en vain le nom de son frère.
55Le coucou appelle tous les ans, de l’Annonciation à la Saint-Jean ou au 1er juin, puis il se change en autour et dévore les autres oiseaux. Selon les divers genres folkloriques, la vie sexuelle du coucou diffère. Dans les chants épiques, le coucou se métamorphose en un beau jeune homme qui épouse la plus jeune de trois sœurs ou souhaite convoler avec la colombe ; celle-ci le repousse et menace de le changer en divers objets afin qu’il la laisse en paix. Les légendes le présentent comme l’époux de la huppe ou du rossignol (féminin en roumain), cherchant sans cesse un nouvel amour, – ou bien comme un père incapable d'élever ses enfants et les confiant au merle. Le coucou est aussi présenté comme un oiseau sacré. Il commence à appeler au printemps à la porte du paradis. La main qui le tue est paralysée car il est défendu d’occire un oiseau apportant tant de joie aux hommes. Celui qui l'abat doit se confesser aussitôt, sinon il provoque la mort de ses parents.
Le coucou possède des capacités dont ne dispose aucun autre volatile : c’est un oiseau oraculaire qui peut vous dire combien de temps il vous reste à vivre. Ne pas l’entendre de tout le printemps peut annoncer la mort. Généralement, le rapport que le coucou entretient avec la mort se manifeste dans la lutte qu’il livre à celle-ci. Le trépas se tient à la tête de l’agonisant et le coucou à ses pieds. La mort propose que tous deux échangent leur voix, mais le coucou refuse car la sienne apporte la joie aux hommes alors que celle de la mort provoque tristesse et séparation.
On utilise sa tête et ses entrailles dans la magie amoureuse, et les filles placent dans leur bain la branche sur laquelle il a chanté afin d’être aimées autant que son chant. On porte aussi cette branche sur soi afin que les hommes vous écoutent volontiers. Les musiciens déposent sa tête dans leur violon pour la même raison, et la mascarade appelée « Coucous » (Cucii) joue le rôle d’un rite apotropaïque et de fertilité.
56Coupe de cérémonie (Paharul de zile mari). Seules les familles aisées possédaient cette coupe. Elle n’était utilisée que lors des grandes fêtes annuelles pour sa signification magique et mythique. On la nomme aussi Coupe de Noël ou de Pâques. Dans les Colindes* elle est décrite comme étant en or avec, au fond, la fleur de paradis, sur les anses un épis de blé et, sur les bords, une vigne. À Noël, lorsque Dieu visite les habitations en compagnie de saint Pierre et saint Jean, le maître de maison trinque avec cette coupe qui plaît tant à Dieu qu’il aimerait la posséder. Il lui demande donc s’il peut l’acheter, l’échanger ou la recevoir en cadeau. L’hôte refuse ces propositions car il a reçu cette coupe lors de son baptême et s’est engagé à la laisser à ses enfants et petits-enfants.
57Courbe-arbres (Strâmbă-Lemne). Il s'agit d’un géant dont la tête touche les nuages et qui ne possède qu’un œil. Il place les arbres tête en bas et se plaint parce qu’il n’y en a plus qu’il pourrait renverser.
58Couronne de blé (Cununa de grâu). Dans plusieurs régions de Transylvanie, une fois que les moissonneurs ont terminé leur travail, ils choisissent la plus belle gerbe qu’ils décorent de fleurs et en font une couronne ou une croix (aussi appelée buzdugan). Une fillette, rarement un jeune homme, accompagnée de tous les moissonneurs porte ces objets au village, les habitants l’aspergent abondamment d’eau alors que le cortège entonne des chants de moisson. La principale fonction de ce rite est d’assurer une bonne récolte l’année suivante. Le cortège se rend dans la famille pour laquelle les moissonneurs ont œuvré. Là, ils font trois fois le tour d’une table préparée pour cette occasion et expriment leurs vœux pour la prochaine récolte. La couronne, ou la croix, est précieusement conservée jusqu’à l’année suivante où ses grains seront mélangés aux autres semences.
59Crânes d’animaux (Cranii de animale). On plante des crânes de chevaux, de bœufs, de vaches ou d’autres animaux sur les clôtures des jardins ou dans les bergeries pour effrayer les loups, mettre en fuite les esprits malins et éloigner les maladies du bétail. Dans les champs, les têtes de taureau assurent une bonne croissance de la récolte ; aux carrefours, ils empêchent les maladies et les âmes des défunts de gagner le village.
60Crâsnic. Au sud de la Moldavie, une croyance veut qu’un enfant conçu des rapports d’une femme et d’un démon naît au bout de onze mois et ressemble à un porcelet. Dès sa naissance, il court dans toute la maison en criant et, si on ne l’abat pas aussitôt, il mord et en tue les habitants.
61Création du monde (Facerea lumii). Elle est décrite dans de nombreux mythes roumains :
- Dieu parcourait l’air dans un char de feu. Pour des raisons inexpliquées, le cosmos prit feu, alors Il cracha pour éteindre l’incendie, ce qui créa les mers. La pluie suivit, et des cendres restantes, Dieu fit une sorte de galette qu’il plaça sur les eaux, et ce fut la terre.
- Une femme naquit d’un mont suspendu dans l’air et vomissant des flammes ; elle avala deux morceaux de fer, se retrouva enceinte et mit au monde deux démons, l’un boiteux, l’autre idiot. L’idiot rapporta du limon du fond de la mer et voulut créer la terre, mais il eut besoin de l’aide divine qu’il obtint. Son frère boiteux lui proposa de porter un instant la terre sur son dos, mais la lia de chaînes afin qu’elle tînt, et ne la relâcha plus. Le boiteux réclama les trois quarts de la terre, et Dieu n’en eut qu’un seul.
- Il y avait un papillon et un ver sur l’écume des mers originelles. Le premier donna Dieu, le second, le diable. Dieu envoya celui-ci au fond des eaux pour qu’il lui ramène de la terre en Son nom. Le diable ne dit « au nom de Dieu » qu’à sa troisième tentative et ne put ramener qu’un peu de limon dans ses griffes (ou dans sa bouche selon d’autres traditions), et Dieu en fit un gâteau de la taille d’un lit, où Il se coucha pour se reposer. Le diable voulut se débarrasser de Lui et retourna le lit dans toutes les directions du ciel afin de Le faire tomber à l’eau. Mais la terre se tourna aussi dans tous les sens et le plan du diable échoua. Lorsque Dieu s’éveilla, le démon lui proposa de consacrer la terre, mais le Seigneur répondit que c’était déjà fait puisqu’il lui avait donné le mouvement de la croix.
- D’autres mythes rapportent que Dieu demanda à la grenouille de plonger pour voir s’il y avait beaucoup de terre sous l’eau. Elle obéit et répondit par l’affirmative, alors Dieu ordonna aux eaux de se retirer afin que la terre puisse émerger.
62Lors de la création, la terre était plate comme une galette. Le hérisson la creusa et créa ainsi des monts et des vaux afin que des êtres puissent y vivre. Le diable en créa d’autres en crachant la terre qu'il avait en bouche car ce limon croissait. D’autres mythes indiquent que le démon jalousa l’œuvre divine et tenta de la détruire avec un marteau. Les trous qu’il fit donnèrent des vaux et des montagnes.
La création du ciel fut accompagnée de difficultés. Quoi que fassent Dieu, ses saints ou des maçons, il fut trop petit. Le hérisson conseilla de créer des monts et des vallées afin qu’il pût recouvrir la terre. Les maçons battirent la terre de leurs fouets, elle se contracta de douleur et prit ainsi place sous la voûte céleste. Au commencement, le ciel était si proche de la terre qu’on pouvait le toucher de la main, mais le mauvais comportement des hommes provoqua son éloignement et, dorénavant, on ne peut plus l’atteindre.
Les étoiles naquirent des étincelles du feu cosmique originel, dit-on, ou encore Dieu orna le ciel avec les étoiles, le soleil et la lune. Le démiurge créa aussi une tortue dont les œufs donnèrent le jour à toutes sortes d’animaux. Parmi ces mythes, beaucoup sont inconnus en Europe centrale et occidentale, mais on les rencontre au sud-est de l’Europe, en Asie et chez les Indiens d’Amérique.
63Cynocéphales (Cãpcãunii, Câpcâniï). Aux temps anciens, ils habitaient la terre et furent anéantis par des géants ou par le déluge. Ils traversèrent le Danube, gagnèrent la Turquie, où Alexandre le Grand* les enferma dans un château d’où ils ne sortiront qu’à la fin du monde. Ces hommes possédaient la tête d'un homme et d’un chien, avec deux visages, l’un d’homme et l'autre de chien, une bouche et une gueule dans la nuque. Ils mangeaient par la bouche et recrachaient les os par la gueule. Mi-hommes mi-chiens, ils ne possédaient qu’une seule patte et qu’une seule main. On les représente aussi avec quatre jambes ou des sabots de cheval, avec quatre mains, un bec d’oiseau ou encore avec une corne au front, avec un ou deux yeux sur le front ou sur la nuque, si bien que personne ne pouvait échapper à leur regard. Ils dévoraient les hommes, surtout les enfants, même les leurs, qu’ils dépeçaient et rôtissaient après les avoir engraissés avec du pain et des noix. Ils raffolaient des jeunes chrétiennes, mais celles-ci pouvaient leur échapper en demandant aux Cynocéphales ou à leur mère de leur montrer comment on devait s’asseoir sur la pelle à feu. Ceux-ci s’y asseyaient et plongeaient dans le four tandis que les jeunes filles cherchaient à rentrer chez elles. Les Cynocéphales mangeaient en outre des serpents, des crapauds et des charognes voire se dévoraient mutuellement. On les assimile parfois aux Tartares ou aux Kalmouks, et on prétend qu’ils approvisionnaient les Turcs en chrétiens. On dit aussi que les boyards roumains, aussi cruels et méchants qu’eux, sont leurs descendants.
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