1. Les oreilles de Midas
p. 19-35
Texte intégral
Hermès inconnu qui m’assistes
Et qui toujours m’intimidas
Tu me rends l’égal de Midas,
Le plus triste des alchimistes.
1Cette seconde strophe d’« Alchimie de la douleur », dans Les Fleurs du Mal,1 se place deux fois sous le signe du secret. Le poète invoque Hermès Trismégiste, le dieu grec passé par l’Egypte, devenu le patron de la magie, de l’occultisme et de l’alchimie. Il se compare à Midas, roi de Phrygie qui avait reçu d’un autre dieu, Dionysos, l’apparent privilège de changer en or tout ce qu’il touchait. Baudelaire se voit plutôt en anti-Midas, transformant tout en mort. Mais pourquoi Midas ne serait-il pas lui-même « le plus triste des alchimistes » ?
2Le nom de Midas surgit, dès les Histoires d’Hérodote (I, 14, 35, etc.), moins pour désigner un souverain précis qu’un membre de la dynastie phrygienne, où les noms de Gorgias et de Midas alternaient. Dans les Métamorphoses d’Ovide, Midas, figure singulière, apparaît comme emblématique de l’Orient : non de ce qu’il pouvait avoir encore de barbare pour un Grec, et même pour un Latin, mais de sa richesse. Le Rimbaud qui s’écrie « J’aurai de l’or », s’imagine « la peau sombre » et se rêve « d’une race forte », voit aussi dans l’Orient la « patrie primitive », un paradis de la richesse, sinon d’une pureté perdue.2
3Dans le Livre XI du poème d’Ovide, Bacchus (dont Nietzsche rappellera les origines asiatiques) regagne l’Orient, accompagné de son cortège de satyres et de bacchantes, va revoir les vignobles du mont Tmolus, en Lydie, là où coule à flots le vin3, mais aussi les eaux du Pactole avant qu’elles ne roulent de l’or et le sable le plus précieux qui soit.4 Ce décor d’un fleuve d’or à venir est le paysage du royaume de Midas, souverain visiblement omnipotent, avec à ses bottes une police vigilante, ou plutôt une milice de paysans phrygiens (ruricolae Phryges), qui capturent et enchaînent Silène, l’un des compagnons favoris de Bacchus, mais avec des guirlandes de fleurs, plaisamment, avant de le déférer devant leur maître.
4La Lydie de Midas m’apparaît comme un Eldorado en puissance, non pas l’« Eldorado banal de tous les vieux garçons », avatar vulgaire de Cythère dans Les Fleurs du Mal,5 mais le pays de l’or, celui de Candide dont l’image repasse, vision trompeuse, dans la deuxième partie du « Voyage » :
Chaque îlot signalé par l’homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L’Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu’un récif aux clartés du matin.6
5Nous sommes conduits vers ce secret par la « Curiosité » qui « nous tourmente et nous roule » comme la soif et comme la houle de la mer. Il est moins celui de l’« amour », de la « gloire » ou du « bonheur » que celui de l’or, condition – avec un possible jeu de mots – de l’« orgie » dressée par l’Imagination. Midas, justement, a été initié aux orgies,7 par le Thrace Orphée (qu’on n’attendait guère dans cette fonction) et par Eumolpe, né dans la ville de Cécrops (Athènes).
6Est-ce pour satisfaire son goût des fêtes que Midas a besoin d’or, comme les voyageurs de Baudelaire, nouveaux Ixions « dont les désirs ont la forme des nues », mais épris surtout
De vastes voluptés, changeantes, inconnues
Et dont l’esprit humain n’a jamais su le nom !
7D’autres veulent de l’or pour augmenter leur puissance. Midas en a besoin pour satisfaire son goût effréné du plaisir, – ce plaisir qu’on associe aussi volontiers à l’Orient, à ce que Baudelaire appelle dans « L’Invitation au voyage » « la splendeur orientale ». Et le poème dit bien que cette splendeur orientale est, comme pour Rimbaud, celle d’un paradis perdu, qu’elle « parl[e] / À l’âme en secret / Sa douce langue natale ».8
8Quand Midas reconnaît dans le captif l’ami du dieu Bacchus, il ne cherche pas à obtenir des révélations, comme Chromys et Mnasyle quand ils surprennent Silène ivre, l’enguirlandent et le font chanter dans la sixième des Bucoliques de Virgile, mais il trouve un nouveau motif à ses orgies. Il ne faut pas moins de deux fois cinq jours et, – Ovide le souligne malignement –, de deux fois cinq nuits9 pour que des fêtes joyeuses saluent son arrivée sans pour autant épuiser les plaisirs. J’imagine ces fêtes comme la Fête des Cinq Sens et des Sept Péchés dans « Crimen Amoris », ce magnifique poème où Verlaine en prison a représenté Rimbaud en Satan adolescent, dans un décor oriental, mais sans l’intention vengeresse de le précipiter dans la chute.10
9Le Lucifer dont il est question dans le texte des Métamorphoses (v. 98) n’a rien à voir, on s’en doute, avec celui de la tradition judéo-chrétienne. Ce onzième Lucifer (Lucifer undecimus) entraîne le troupeau des étoiles derrière lui à l’aube du onzième jour. Ce jour pourrait être encore un jour d’orgies, mais va être celui de la remise en liberté de Silène, rendu par Midas à Bacchus, pour la plus grande satisfaction du dieu, qui ne peut se passer de son ancien précepteur devenu son plus cher compagnon.
10Silène, on le sait, n’est pas seulement l’ivrogne poussif et ventru qu’on représente si souvent (je pense au tableau de Rubens, conservé à Munich). Il est une figure du secret, plus subtilement saisie par Goya. Pédagogue, il a pu révéler à Bacchus les arcanes du savoir. Dans la sixième des Bucoliques de Virgile, Silène commence par révéler les secrets de la naissance du monde :
Namque canebat uti magnum per inane coacta
semina terrarumque animaeque marisque fuissent
et liquidi simul ignis...
Car il chantait comment, dans l’immensité du vide,
s’étaient agrégées les semences des terres, de l’air, de la mer,
et aussi du feu liquide, (v. 31-33)11
11On donnait dans l’Antiquité le nom de silènes à de petites boîtes à secret. Rabelais rappelle dans le prologue de Gargantua comment Alcibiade comparait Socrate à ces silènes dans Le Banquet de Platon, et n’est sans doute pas loin de penser que son livre a quelque chose de ces
... petites boîtes, telles que voyons de présent ès bouticques des apothicaires, pinctes au-dessus de figures joyeuses et frivoles, comme de harpies, satyres, oysons bridéz, lièvres cornuz, canes bastées, boucqs volans, cerfz limonniers et aultres telles pinctures contrefaictes à plaisir pour exciter le monde à rire (quel fut Silène, maistre du bon Bacchus) ; mais au dedans l’on réservait les fines drogues comme baulme, ambre gris, amomon, musc, zivette, pierreries et aultres choses précieuses.12
12C’est sans doute dans les secrets de Silène, ou du moins dans ses inventions les plus tortueuses, que Bacchus a trouvé la récompense apparemment généreuse, en réalité trompeuse, qu’il va accorder à Midas pour la libération de son ami : un cadeau, mais un cadeau empoisonné. Ovide use tour à tour d’un mot au singulier (gratum, v. 100) et d’un mot au pluriel (donis, v. 102) pour le désigner. Au singulier, quand il veut dans un premier temps exprimer la reconnaissance du dieu ; au pluriel, quand la grâce se retourne en son contraire, quand il souligne le mauvais usage que ce fêtard de Midas a fait du don, et que Bacchus, le conservant et cherchant secrètement à le punir, n’avait pas manqué de prévoir.
13Bacchus a accordé à Midas la réalisation d’un vœu, comme aiment aussi à le faire les fées dans les contes, mais quelquefois aussi avec des intentions malignes.13 Et Midas va droit au vœu le plus primaire, celui du damné de Rimbaud : « J’aurai de l’or ». « Fais », dit-il à Bacchus, « que tout ce que mon corps aura touché tourne [se change] en or fauve ».
Ille, male usurus donis, ait: «Effice, quicquid
Corpore contigero, fulvum vertatur in aurum». (v. 102-103)
14Les deux vers sont admirables, et il n’est pas jusqu’à l’antéposition latine de l’adjectif qui n’exprime la fascination exercée sur le roi Midas par la couleur de l’or, – par ce qu’il y a aussi de trouble, d’inquiétant en elle.
15Bacchus, désigné alors par son nom de Liber,14 est-il vraiment affligé de l’imprudence de Midas, de l’issue funeste qu’il prévoit pour la réalisation du vœu ? lndoluit, dit bien le texte d’Ovide. Mais le dieu se désole sans doute plus de la faiblesse de la nature humaine, de sa cupidité, que du châtiment à venir de Midas, bouffon comme les dessins représentés sur les silènes.
16Après un tel prologue, et déjà un tel nœud de l’action, la comédie va s’organiser en plusieurs actes (et on comprend qu’au-delà des Métamorphoses d’Ovide, l’histoire de Midas ait pu frapper les Espagnols du Siècle d’or ou devenir un opéra de Grétry, loué par Voltaire).
17Le premier acte est celui de la vérification. Midas, comme le père de Don Juan Belvidéro dans le petit roman de Balzac, L’Élixir de longue vie, veut éprouver les vertus du pouvoir magique qui, à sa demande, lui a été conféré. Mais, à la différence de Don Bartoloméo Belvidéro, il a la même impatience qu’un enfant. Ignorant du mal (malo, v. 106) qui secrètement ruine son privilège, le roi de Phrygie, pompeusement désigné comme « le héros bérécynthien » (donc le fils – supposé – de la Bérécynthienne, la déesse Cybèle), cueille sur un arbre un rameau qui devient rameau d’or (virga aurea), deux fois précieux par la matière nouvelle dont il est fait et par la valeur spirituelle qui lui est attachée (le rameau dans le chant VI de l’Enéide, justement mis en valeur par James Frazer dans son grand ouvrage The Golden Bough). Il ramasse une pierre, non pour en faire naître un nouvel être humain, comme Deucalion et Pyrrha, mais de l’or, comme les cailloux de l’Eldorado dans le conte de Voltaire. La bonne terre friable devient un lingot d’or compact quand il la touche. Les épis de blé, dont la métaphore poétique se plaît à mettre en valeur la couleur dorée, promettent une moisson d’or, comme par une réalisation du vœu implicite contenu dans la métaphore elle-même. N’importe quel fruit se mue en pomme d’or du jardin des Hespérides, – réalisation du vœu, contenue cette fois dans un mythe lui-même ambigu et inquiétant (les Gorgones sont voisines de ce jardin situé aux confins du monde). Les portes du palais lancent des rayons éblouissants. L’eau ruisselle dans les mains de Midas comme une autre pluie d’or pour une autre Danaé.15 Nouveau semen cette fois, nouveau sperma qui pourrait bouleverser l’humanité elle-même.
18Le deuxième acte est celui du désenchantement. Au moment même où Midas dans son imagination voit tout en or (v. 118-119 : aurea fingens / Omnia), il se rend compte qu’en effet tout pour lui désormais sera de l’or : les aliments qu’il voudra manger, à commencer par le blé de Cérés et tout ce qui en est issu ; l’eau qu’il voudra boire, et qui ne pourra être que de l’or fondu (Rimbaud retrouvera l’image, et la fable, dans le dernier vers de la version sans titre de « Larme » qu’il a insérée dans « Alchimie du verbe » : «Pleurant ; je voyais de l’or – et ne pus boire –. ») Les « Fêtes de la faim » de Midas, sa « Comédie de la soif », risquent fort, cette fois, de se retourner en tragédie et de faire de lui un Tantale éternellement inassouvi, ou du moins un mort d’inanition et de sécheresse à brève échéance. C’est là que Baudelaire, alchimiste de la douleur, retrouve le mythe de Midas, par un autre chemin de la mort, quand tout pour lui, et la douleur même, se change, non en or, mais en images funèbres et infernales :
Par toi je change l’or en fer
Et le paradis en enfer ;
Dans le suaire des nuages
Je découvre un cadavre cher,16
Et sur les célestes rivages
Je bâtis de grands sarcophages.
19« J’aurai de l’or » : ce qui pousse Rimbaud à partir est bien une fièvre analogue à celle des alchimistes ou des chercheurs d’or. De « Mauvais Sang » à « Délires II », dans Une saison en enfer, la continuité est assurée par ce motif. En rêvant « voyages de découvertes », il a été amené à prendre la décision qui engage sa folie nouvelle. Le premier poème qui vient illustrer son propos, et où l’on reconnaît, sensiblement déformé, le texte de « Larme », dit le déplacement, purement fantasmatique, des bords de l’Oise à un pays exotique où l’on boit des liqueurs d’or coulant des gourdes jaunes, sans parvenir à étancher cette soif de l’or qui crée des mirages paralysants.
20Trouver de l’or, boire de l’or liquide, cela ne suffit pas encore : au sommet de son délire, Rimbaud se voit devenu or, « étincelle d’or de la lumière nature ». Il vit cette métamorphose qu’il veut, si l’on en croit « Vagabonds », dans les Illuminations, faire connaître à son compagnon, – Verlaine, sans doute –, ce retour à l’« état primitif de fils du Soleil ».17 L’hallucination en est l’instrument : le « désert » continue les « sables vierges », pour d’autres mirages, mais surtout pour un étrange fantasme de dessiccation, qui s’exprime dans « Faim ». Cette hallucination est de moins en moins simple : Rimbaud ne rêve pas seulement de fièvre, il est enfiévré par ce rêve de fièvre, il ard, et le délire qui s’est emparé de son cerveau malade l’entraîne bientôt vers « les rêves les plus tristes » et le fait passer de la vision de la « mer mêlée au soleil » à la Cimmérie, « patrie de l’ombre et des tourbillons », située, comme le jardin des Hespérides, aux « confins du monde ».18 Le chercheur d’or se mue en Ulysse évoquant les morts et trouvant la croix ; l’alchimie de soi-même échoue lamentablement, et on se retrouve comme avant, possédé par l’espoir chrétien du bonheur, d’une autre vie...
21L’« hallucination simple » appelait « l’hallucination des mots ». Et, de même, la recherche de l’or, ou l’alchimie de soi-même, sont inséparables de l’alchimie du verbe. André Breton l’a fait observer dans le Second Manifeste du surréalisme : « Alchimie du verbe : ces mots qu’on va répétant un peu au hasard aujourd’hui demandent à être pris au pied de la lettre ». L’expression a hanté à son tour Breton, et elle mérite d’autant plus de retenir l’attention qu’elle introduit, selon lui, à « l’activité difficile qu’aujourd’hui seul le Surréalisme poursuit », et qu’un renégat du Surréalisme, Antonin Artaud, a pu rêver d’un « théâtre alchimique » visant « dans le domaine spirituel et imaginaire à une efficacité analogue à celle qui, dans le domaine physique, permet de faire réellement de l’or ».19 Comme les alchimistes s’employaient à transformer les métaux en or au moyen de la pierre philosophale, le poète veut transformer les mots en or, extraire l’or du verbe. Et il sait que sa tentative est vouée à l’échec. Comme le note Margaret Davies, le sous-titre a déjà valeur d’indice, il annonce une présentation négative : « L’alchimie comme on le sait est un procédé tombé en désuétude, toujours voué à l’échec. Appliquée à l’heure actuelle sur une matière aussi insubstantielle que le verbe, elle doit annoncer un échec encore plus retentissant ».20
22Cet échec interrompt une recherche de l’éternité (d’où la place du poème de Rimbaud qui portait ce titre et qui, dans un compte rendu négatif, ne peut qu’en être dépossédé), la recherche aussi de ce qui a toujours été aux yeux des poètes la condition de l’éternité pour leur œuvre, la beauté. Dans un sonnet célèbre des Fleurs du Mal, elle fascine les poètes, ses amants, par ses « larges yeux aux clartés éternelles ».21 Rimbaud, ou du moins son alchimiste du verbe, a voulu mettre fin à cette fascination : « Cela s’est passé. Je sais aujourd’hui saluer la beauté ».
23Midas, lui, a salué le monde en or. Rompant avec son vœu, reniant son idole, il en vient, dans le récit poétique d’Ovide, à maudire l’or comme il pourra être maudit dans la Tétralogie de Richard Wagner :
Copia nulla famem relevat; sitis arida guttur
Urit et inviso meritus torquetur ab auro;
Ad caelumque manus et splendida bracchia tollens:
«Da veniam, Lenace pater, peccavimus», inquit,
«Sed miserere, precor, speciosoque eripe damno». (v. 129-133)
Aucune abondance n’apaise sa faim ; une soif desséchante brûle son gosier et il se détourne, avec une souffrance bien méritée, de l’or (maintenant) haï ; et levant au ciel ses mains et ses bras étincelants, « Accorde ton pardon », dit-il, « père des pressoirs, nous avons commis une faute. Mais pardonne, je t’en prie, et arrache-moi à ce tourment splendide ».
24De tels vers ne sont pas seulement difficiles à traduire. Ils sont troublants par un vocabulaire qui semble pré-chrétien (peccavimus : nous avons péché ; miserere : la prière de pénitence ; damno : le dam). Adopter de semblables équivalences aboutirait à trahir un poète païen. Là encore, Baudelaire et Rimbaud, lointains héritiers d’un Ovide qu’ils ont étudié en classe, permettent des effets que le traducteur rigoureux s’interdit : « La sottise, l’erreur, le péché, la lésine » (« Au lecteur », poème liminaire des Fleurs du Mal), « Ô Satan, prends pitié de ma longue misère ! » (vers-refrain des « Litanies de Satan », pièce CXX), « De profundis Domine, suis-je bête ! » (« Mauvais sang », dans Une saison en enfer), « C’est le feu qui se relève avec son damné » (« Nuit de l’enfer »).
25Bacchus a l’air plus indulgent que Dieu ou que le Diable. Il semble pardonner à Midas, et alors commence le troisième acte, qui pourrait être intitulé l’acte de la purification. Le dieu incite le roi de Phrygie, ce protégé qui est à tant d’égards sa victime, à se diriger vers l’eau lustrale du fleuve voisin de la ville de Sardes, à remonter jusqu’à la source même pour y trouver une eau encore plus pure. Là il devra plonger sa tête, laver son corps entier et ainsi effacer sa faute. Midas exécute l’ordre divin, et par une manière d’échange il dote le Pactole de cet or dont il se libère et qui ne lui colle plus à la peau. La malédiction de l’or semble transférée de la personne du roi sur un sol qui risque de devenir une terre gaste, victime d’un semen douteux (v. 144), durcie par l’or qui jette de pâles éclats sur les glèbes humides (v. 145 : Arva rigent auro madidis pallentia glaebis).
26Une telle purification est placée sous le signe de l’échange, celui-là même qui a frappé Baudelaire et Thomas de Quincey. Le poète des Fleurs du Mal a présenté, résumé, paraphrasé Confessions of an English Opium-Eater dans Un mangeur d’opium. Il s’en est souvenu aussi très précisément quand il a écrit « Alchimie de la douleur ».22
27Passant des jouissances aux souffrances de l’opium, de Quincey analyse une transformation qui correspond, sinon au processus de l’alchimie, du moins à celui de l’échange.
1. That as the creative state of the eye increased, a sympathy seemed to arise betweeen the waking and the dreaming states of the brain in one point – that whatsoever I happened to call up and to trace by a voluntary act upon the darkness was very apt to transfer itself to my dreams; so that I feared to exercise this faculty; for, as Midas turned all things to gold, that yet baffled his hopes and defrauded his human desires, so whatsoever things capable of being visually represented I did but think of in the darkness, immediatefly shaped themselves into phantoms of the eye; and, by a process apparently no less inevitable, when thus once traced in faint and visionary colours, like writings in sympathetic ink, they were drawn out by the fierce chemistry of my dreams, into insufferable splendour that fretted my heart.
2. For this, and all other changes in my dreams, were accompanied by deep-seated anxiety and gloomy melancholy, such as are wholly incommunicable by words. I seemed every night to descend, not metaphorically, but literally to descend, into chasms and sunless abysses, depths below depths, from which it seemed hopeless that I could ever re-ascend. Nor did I, by waking feel that I had reascended. This I do not dwell upon; because the state of gloom which attended these gorgeous spectacles, amounting at last to utter darkness, as of some suicidal despondency, cannot be approached by words.
1. A mesure que croissait la faculté créatrice de l’œil, une sympathie entre l’état de veille de mon cerveau et son état de rêve sembla se développer sur le point suivant : tout ce qu’il m’arrivait d’évoquer et de projeter sur l’obscurité par un acte de ma volonté avait une tendance marquée à pénétrer dans mes rêves. Aussi éprouvais-je de la crainte à exercer cette faculté ; car, pareil au roi Midas, qui changeait tout en or, mais n’en voyait pas moins ses espoirs trompés et ses désirs humains bafoués, je n’avais qu’à penser, dans l’obscurité, à n’importe quel objet susceptible d’être représenté visuellement, pour qu’il se changeât instantanément en fantôme visible, et, par un processus qui ne semblait pas moins inéluctable, une fois qu’il s’était ainsi dessiné, comme avec une encre sympathique, en vision colorée et légère, il se déployait et prenait, sous l’ardente alchimie de mes rêves, un éclat insupportable qui tourmentait mon cœur.
2. En effet, ce changement, comme tous ceux qui survenaient dans mes rêves, s’accompagnait d’une angoisse profonde et d’une sombre mélancolie totalement inexprimable. Chaque nuit, j’avais l’impression de descendre – non pas métaphoriquement, mais littéralement – dans des gouffres, des abîmes sans soleil, des profondeurs sans fin, d’où il paraissait inconcevable d’espérer remonter. Et même à mon réveil, il ne me semblait pas que j’en étais effectivement remonté. Je ne m’étends pas davantage sur ce sujet ; car les mots ne sauraient traduire, même de loin, l’état d’abattement qui se manifestait lors de ces visions somptueuses, et finissait par me plonger dans des ténèbres totales qui n’étaient pas sans rappeler les dépressions conduisant au suicide.
28De Quincey ne plonge pas dans les eaux du Pactole, il est englouti dans les abysses, – dans ce qui sera le gouffre baudelairien.23 Le dernier, dans Les Fleurs du Mal, sera le « fond de l’Inconnu », dont, par une manière d’échange, le poète attend, à défaut d’or, du Nouveau. La prodigieuse extension du Temps et de l’Espace, le déploiement des édifices et des paysages pour de Quincey, dans la page qui suit immédiatement celle que j’ai citée, crée cet effet de gouffre, cette impression indicible d’infini (an extent of unutterable infinity) qui rejoint l’Inconnu baudelairien.24
29L’acte IV, passablement inattendu, pourrait être intitulé « Le jugement de Midas ». A lui seul il constitue une petite comédie, et il vient confirmer que le roi de Lydie, par sa sottise, son épaisseur, – et on serait tenté de dire : par sa barbarie –, est impossible à sauver.
30Le décor est apparemment idyllique. Midas, ayant pris en haine la richesse, a cherché refuge aux champs, au chaste pays des églogues,25 loin des orgies. S’il n’est pas le gracieux fils de Pan après s’être fait passer pour celui de la Bérécynthienne, il ne veut d’autre séjour que celui du dieu des bergers. Du côté du mont Tmolus, Pan ne rêvait pas de nymphes, comme le Faune de Mallarmé, il se contentait de leur faire admirer sa musique, celle qu’il tire de roseaux enduits de cire et transformés en flûte de Pan. L’air est deux fois léger : celui de la montagne, celui des airs modulés par la flûte.
31Alors vient peser de toute sa lourdeur d’esprit le roi Midas. Pour trois raisons au moins, il intervient de manière inopportune, impertinente même. Arcadien de fraîche date, il se met à la place de ces arbitres confirmés qui peuvent se permettre de trancher quand on leur demande de départager deux concurrents dans le chant amébée : ainsi Palémon entre Ménalque et Admète dans la troisième des Bucoliques de Virgile. Passant son temps en fêtes et en orgies, on le verrait, comme Paris, arbitre d’un concours de beauté féminine (car le jugement de Midas est, de toute évidence, une réplique dérisoire du jugement de Paris). Mais la beauté musicale est d’un autre ordre. Enfin, simple roi, même s’il se pare d’origines divines, il n’a pas le statut qui lui permette de juger des divinités, comme Pan et Apollon, rivalisant l’un sur la flûte, l’autre sur la lyre. C’est d’ailleurs Tmolus, le dieu de la montagne, qui a été pris pour juge (v. 156) – il en a l’âge et la hauteur –, pas Midas.
32Et Tmolus a déclaré la lyre supérieure à la flûte, Apollon meilleur artiste que Pan. Tous ont approuvé son jugement. Seul Midas, dans une considération qu’on peut bien dire intempestive, rabaisse la musique d’Apollon. S’il avait été fidèle à l’enseignement d’Orphée, il n’aurait pas commis cette bévue. Seul contre tous : dans le texte latin Unius sermone Midae s’oppose fortement à omnibus, – les deux fois à l’initiale du vers (v. 172-173). Déjà considéré comme porteur d’une nature grossière (pingue ingenium, v. 148), d’un esprit sot (stultae praecordia mentis, v. 149), Midas est taxé de stupidité auriculaire (aures stolidas, v. 175), pire que la surdité. Et c’est pourquoi le Délien (Apollon, le dieu de Délos, comme dans l’hymne homérique) ne peut supporter que des oreilles ineptes comme celle de Midas conservent une forme humaine. Le roi de Lydie aura des oreilles d’âne.
33L’aventure aurait pu n’avoir pas partie liée avec celle de l’alchimiste. Mais Ovide est trop heureux d’ajouter une bévue à l’autre. Après s’être aliéné Bacchus (dont l’indulgence n’était sans doute que feinte), Midas s’est fait un ennemi d’Apollon. Il a contre lui les deux dieux qu’on considère comme rivaux et qui sont plutôt complémentaires. Le début du Livre XI des Métamorphoses, consacré à la mort d’Orphée, les a montrés se relayant pour défendre les malheureux restes du chantre de Thrace. Phébus (Apollon) a repoussé le serpent (v. 58) tandis que Lyaus le libérateur (Bacchus) a puni les Ménades thraces, ses dévotes pourtant, mais dévotes fanatiques, en les enchaînant au sol par une racine tortueuse et en les transformant en végétation ligneuse plus qu’en arbres nobles (v. 67-84).
34Midas est clairement désormais le contraire d’Orphée comme, dans Le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, les « animaux à longues oreilles » dont les violons imitant les hi-han ridicules sont le contraire des vrais musiciens, mieux incarnés par le cygne que par les mauvais pianistes dévidant leurs gammes à grand renfort de fausses notes. Le Bottom de Shakespeare, dans Le Songe d’une nuit d’été, pourrait être un Midas roturier, et en tout cas une représentation du comédien cabotin, du mauvais artiste à la tête dure, qui ne se rend même pas compte qu’il a des oreilles d’âne : « What do you see ? You see an ass-head of your own, do you ? »
35On comprend que Rimbaud, dans l’une des Illuminations qui a failli s’intituler « Métamorphoses », ait repris cette figure de Bottom, « âne, claironnant » qui s’oppose au musicien de la nouvelle harmonie (« Jeunesse [IV] », « À une Raison », « Départ »), comme l’artisan-comédien s’opposait à l’agile, au subtil Puck.
36Baudelaire n’ignore pas ces châtiments qu’encourent les esprits grossiers : l’orgueilleux théologien qui a osé rabaisser le « petit Jésus » et qui se retrouve, « semblable aux bêtes de la rue », s’en va
... sans rien voir, à travers
Les champs, sans distinguer les étés des hivers,
Sale, inutile et laid comme une chose usée,
[Et faisant] des enfants la joie et la risée.26
37Le poète des Fleurs du Mal a beau dire, le temps d’un bref psaume de pénitence, qu’il « jalouse le sort des plus vils animaux » et leur plongée « dans un sommeil stupide »27, il redoute le sort de l’albatros, ou de l’âne, fût-il l’âne de Silène.
38Le dernier acte est celui de la révélation. Midas se garde bien de montrer ou de dire qu’il porte désormais les oreilles de l’âne, l’animal aux pas lents. Au contraire, il cherche à cacher sa honte. Mais de même qu’il est difficile d’avoir des secrets pour son médecin, il est impossible de dissimuler à son coiffeur des problèmes de chevelure. Le famulus qui, comme Figaro, ajoute à ses diverses fonctions, auprès du roi Midas, celle de barbier, surprend la difformité de son maître, malgré les bandeaux de pourpre dont celui-ci prend soin de voiler sa tête. Alors, impatient de parler et sachant quel risque il court en le faisant, il se confie à la terre.
39Mieux vaut suivre le récit d’Ovide, texte fondamental et véritable point de départ obligé pour une anthologie de la littérature du secret :
Nec posset reticere tamen, secedit humumque
Effodit et, domini quales aspexerit aures,
Voce refert parva terraeque inmurmurat haustae
indiciumque suae vocis tellure regesta
Obruit et scrobibus tacitus descedit opertis.
Creber harundinibus tremulis ibi surgere lucus
Coepit et, ut primum pleno maturuit anno,
Prodidit agricolam; leni nam motus ab austro
Obruta verba refert dominique coarguit aures. (v. 185-193)
Et il ne peut cependant se taire, il se retire et il fait un trou dans le sol, et, à voix basse, il rapporte et murmure à la terre creusée quelles oreilles il a vues sur la tête de son maître, et, la trace de sa voix, il l’enfouit en l’inhumant, et il s’éloigne en silence après avoir recouvert la fosse. Une dense végétation de roseaux tremblants se mit à pousser à cet endroit même et, dès que, l’année ayant achevé son cours, ils vinrent à maturité, le bosquet trahit son cultivateur ; car, balancées par un vent léger, les roseaux à leur tour rapportent les paroles enfouies et rendent public le secret des oreilles du maître.
40Je n’ai pas pu, dans cette tentative de traduction, ne pas faire quelques discrets ajouts, tant il est difficile en français de respecter scrupuleusement l’exemplaire sobriété du texte latin. J’ai tenu aussi à suivre la cascade des coordonnants, moins pour retrouver le libre cours des récits d’enfants que pour rendre compte de la hâte du serviteur, de son désir de se délivrer du secret, ce pesant fardeau, comme Midas s’était délivré de l’or dans les eaux du Pactole. Avec soin, Ovide a varié le lexique pour exprimer ce qui va en être le dépositaire : la terre, qui est à la fois le lieu de la végétation (humum) et celui de la tombe (terrae haustae), la terre qui devrait de tout le poids du tellus sceller le message enfoui. Le poète a affiné aussi son langage pour suggérer la volonté de discrétion de l’indiscret : sans doute le barbier ne peut-il se taire, mais c’est d’une toute petite voix (voce parva), dans un murmure (inmurmurat), qu’il confie à la terre le secret de Midas.
41La surprise vient de ce que la terre n’est pas muette comme la tombe. Et cela, en raison même de sa double vocation. Sans doute a-t-on fait d’elle un lieu d’ensevelissement des morts. Mais comment oublier qu’elle est aussi un lieu de naissance et de végétation ? Le barbier peut bien se retirer sur la pointe des pieds et la bouche cousue après avoir refermé le trou dans le sol, la cache du secret : des plantes poussent, elles forment même une manière de bosquet (lucus). Des plantes, mais pas n’importe quelles plantes : des roseaux, comme ceux dont est formée la flûte de Pan, quand ils sont « bien taillés »28, ceux avec lesquels le dieu champêtre essayait de charmer les nymphes et de défier Apollon.29 Un bosquet, mais pas n’importe quel bosquet : lucus, un bois sacré. Le lieu du secret n’est autre qu’un lieu sacré où, d’une manière nouvelle, la vengeance divine va s’exercer, et toujours par les voies de la réciprocité, de ce qu’il faut bien appeler la rétorsion.
42Alors se confirme la parfaite unité du récit ovidéen. De même que le don de l’or se retournait en malédiction de l’or, de même la préférence accordée aux roseaux, à la flûte de Pan, est punie par l’indiscrétion des roseaux non taillés, bien vivants, frémissants sous le souffle du vent. Le châtiment de Midas est aussi comme une réplique moqueuse d’Apollon à Pan par l’intermédiaire de ce que Guillaume Apollinaire appellera les « roseaux jaseurs ».30 Et on comprend que, dans l’ensemble du Livre XI des Métamorphoses d’Ovide, la déconfiture de Midas confirme le triomphe posthume d’Orphée et de la lyre.
43Le secret de Baudelaire peut-il être sans artifice comparé au secret de Midas ? « Alchimie de la douleur » autorise le rapprochement à partir du don de l’or. Il est plus difficile de trouver dans Les Fleurs du Mal, ou dans les textes qui leur sont liés, l’équivalent du jugement de Midas, du barbier de Phrygie. Seule la cohérence du poème d’Ovide et du récit mythique tel qu’il l’a constitué autorise à poursuivre plus avant.
44Car Baudelaire reconnaît bien, lui aussi, qu’il porte en lui un secret, le « secret douloureux » dont il languit et qu’il a confié le soin d’« approfondir » à ses famuli imaginaires, les « esclaves nus » de « La vie antérieure ».31 Sont-ils des barbiers guérisseurs ou des barbiers fossoyeurs, ces serviteurs à la fonction ambiguë32 parce qu’ici encore elle est double ?
45Le poète des Fleurs du Mal n’a pas conscience d’appartenir à deux espèces, mais plutôt à deux espaces. Il n’est pas mi-homme mi-âne, comme Midas ou comme Bottom, même pas mi-ange mi-bête. Mais il est tiraillé entre l’ici-bas, le monde du Spleen où il est exilé et plongé, et le là-bas, le monde de l’Idéal, vers lequel il voudrait s’élever ou qu’il voudrait du moins retrouver.
46Qu’il s’élève vers l’Idéal en fuyant le monde du Spleen, ou qu’il ait accès à l’Idéal dans le monde du Spleen, Baudelaire cherche à avoir accès à un langage secret : « le langage des fleurs et des choses muettes » (dernier vers de « Bénédiction », poème I des Fleurs du Mal), les « confuses paroles » que laissent parfois sortir les vivants piliers du temple de la Nature (« Correspondances », pièce IV). Car il n’est pas de fleurs que du mal, dans Les Fleurs du Mal (on sait que les plus vénéneuses sont celles de la quatrième section dans l’édition de 1861). Le poète rêve de « fleurs nouvelles » poussant sur un « sol lavé », purifié (« L’Ennemi », X), ou de celles que la Mort devrait pouvoir faire s’épanouir dans le cerveau des artistes (« La Mort des artistes », CXXIII). Il a surtout l’ambition d’accéder par le verbe poétique au secret de la fleur, celui qui s’épanche, se vaporise dans la profondeur de l’humus, comme il le craint dans « Le Guignon » (XI), sans qu’il puisse le déterrer comme les fossoyeurs déterrent le crâne de Yorrick dans Hamlet.
– Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l’oubli,
Bien loin des pioches et des sondes ;
Mainte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret
Dans les solitudes profondes.33
47Son « secret douloureux » à lui : la crainte de ne pas parvenir jusqu’à ce secret par la poésie, de ne pas accéder, par son propre langage, au langage des fleurs et des choses muettes. De rester stupide, « sale, inutile et laid » comme l’âne, comme Midas. Ou de parvenir, au mieux, à cueillir la « fleur exquise » du souvenir,34 à dévoiler les souvenirs, les secrets dont son « triste cerveau » est plein comme un gros meuble est encombré d’objets divers et de roses fanées.35 Triste comme Midas, « le plus triste des alchimistes », mais capable, dans les meilleurs moments de grâce poétique, de surmonter cette tristesse, de dégager une quintessence pour laquelle il n’est besoin de nul vase, de nul flacon, de nul trou dans la terre, de nul barbier de Phrygie.
Notes de bas de page
1 Pièce LXXXI dans Les Fleurs du Mal, deuxième édition de 1861. Elle a été publiée dans L’Artiste le 15 octobre 1860 et ne faisait donc pas partie du premier recueil de 1857.
2 « Mauvais Sang » et « L’Impossible », dans Une saison en enfer.
3 Voir Rimbaud, « Comédie de la soif » : « Viens, les vins vont aux plages, / Et les flots par millions ! / Vois le Bitter sauvage / Rouler du haut des monts ! »
4 Vers. 87-88 : « Pactolonque petit, quamvis non aureus illo / Tempore nec caris erat invidiosus harenis. »
5 « Un Voyage à Cythère », pièce CXVI dans la deuxième édition des Fleurs du Mal
6 « Le Voyage », pièce CXXV.
7 Métamorphoses, XI, v. 92-93 : « Ad regem duxere Midan, cui Thracius Orpheus / Orgia tradiderat cum Cecropio Eumolpo. » Le mot ne désigne ici que les fêtes de Bacchus, sans nuance péjorative.
8 Pièce LIII des Fleurs du Mal.
9 XI, v. 96 : Per bis quinque dies et junctas ordine nodes. La multiplication des plaisirs et le risque qu’elle fait courir se trouve représentée par « Sed non satiata » dans Les Fleurs du Mal (XXVI) : « Je ne suis pas le Styx pour t’embrasser neuf fois ».
10 Prévu pour Cellulairement, le poème a été inclus en 1884 dans Jadis et naguère.
11 Virgile, Bucoliques, éd. bilingue d’E. de Saint-Denis, Paris, Belles Lettres (CUF), 2e éd., 1949, p. 52.
12 Rabelais, Œuvres complètes, édition de Jacques Boulenger, Paris, Gallimard (Pléiade), 1955, p. 25. Et voir Le Banquet, 214 b, éd. bilingue de Léon Robin, Paris, Belles Lettres, 1951, p. 77 : « Voici donc ce que je déclare : c’est qu’il [Socrate] est tout pareil à ces silènes qu’on voit plantés dans les ateliers de sculpture, et que les artistes représentent tenant un pipeau ou une flûte ; les entr’ouvre-t-on par les milieux, on voit qu’à l’intérieur ils contiennent des figurines de dieux ! »
13 Voir « Les Dons des fées », dans les Petits Poèmes en prose de Baudelaire.
14 Liber Pater ; le Père libre, nom d’une vieille divinité italique à laquelle Bacchus fut assimilé. Un autre nom grec de Dionysos, Lyaeos, signifiait « Le libérateur ».
15 Zeus se métamorphose en pluie d’or pour s’unir à Danaé, la mère de Persée. Voir le Livre IV des Métamorphoses d’Ovide, et Horace, Carmina, III, v. 16. Le sujet a inspiré les tableaux du Titien et du Tintoret, ainsi que l’opéra de Richard Strauss, Die Liebe der Danae (1940), sur un livret de Gregor.
16 On trouve là une autre variation baudelairienne sur le mythe d’Ixion.
17 L’expression rappelle les Sonne Kinder dont il est question dans un poème de Hölderlin, « Die Wanderung » (La migration).
18 Cette expression, qui passe dans « Alchimie du verbe », semble avoir été le titre d’un poème prévu par les brouillons d’Une saison en enfer.
19 « Le théâtre alchimique », texte publié d’abord en espagnol dans la revue Sur, à l’automne de 1932, et repris en 1938 dans Le Théâtre et son double.
20 Margaret Davies, Une saison en enfer d’Arthur Rimbaud. Analyse du texte, Fleury-sur-Orne, Minard (Archives des lettres modernes), no 155, 1975, p. 73.
21 « La Beauté », pièce XVII des Fleurs du Mal.
22 Le rapprochement a été fait tant par les baudelairiens, G.T. Clapton, Jacques Crépet et Georges Blin, Claude Pichois, que par les spécialistes de Thomas de Quincey (Françoise Moreux, dans l’édition bilingue que je cite, Paris, Aubier-Montaigne, 1964, p. 248-249, et la note 156, p. 328, où il faut corriger inconnus en inconnu dans la citation d’« Alchimie de la douleur », et prolonger le texte, suspendu d’une manière aberrante).
23 Voir le livre de Benjamin Fondane, Baudelaire et l’expérience du gouffre, 1942, réédité avec une préface de Patrice Beray, Bruxelles, Complexe, 1994.
24 « Nous voulons, tant ce feu brûle le cerveau, / Plonger au fond du gouffre, Enfer du Ciel, qu’importe ? / Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ? » Claudel, citant cette fin du « Voyage », opérera la substitution de « Au fond de l’Infini », pour l’opposer au Fini qu’il lui préfère, et peut-être par contamination avec « Au bord de l’Infini », titre donné par Victor Hugo au sixième livre des Contemplations. Parmi les thèmes que Claude Pichois trouve rassemblés dans « Le voyage » figurent « l’évasion, l’Infini, le temps, la Mort » (Baudelaire, Œuvres complètes, p. 1107).
25 Voir « Paysage », pièce LXXXVI des Fleurs du Mal. « Je veux, pour composer chastement mes églogues ».
26 « Châtiment de l’orgueil », pièce XVI des Fleurs du Mal.
27 « De profundis clamavi », ibid., pièce XXX.
28 « La Flûte de Pan », dans Pierre Louys, Les Chansons de Bilitis. Poème mis en musique par Claude Debussy. C’est la première des Trois Chansons de Bilitis, E. Fromont, 1899.
29 « Pan ibi dum » teneris jactat sua carmina nymphi / Et leve cerata modulatur harundine carmen. (Pendant qu’ici même Pan vante les charmes de sa musique aux gentes nymphes et qu’il module un air léger sur le roseau enduit de cire...) (v. 153-154)
30 « Rhénane d’automne », Alcools, 1913.
31 Pièce XII des Fleurs du Mal dans l’édition de 1861.
32 Antoine Compagnon signale à juste titre l’ambiguïté sémantique du verbe « approfondir» dans « La Vie antérieure » : « Au sens abstrait : explorer ; et donc chercher à guérir, ou au contraire au sens concret : creuser plus avant, et par là rendre inguérissable » (Baudelaire, Les Fleurs du Mal, reprise du texte de 1861 avec les compléments, Paris, Seuil, L’École des lettres, 1993, p. 38).
33 J’ai déjà eu l’occasion de commenter « Le Guignon » dans une étude intitulée « Le tombeau de Sisyphe ». D’abord publiée dans le volume d’hommage à Jean-Pierre Richard, textes réunis par Jean-Claude Mathieu, Territoires de l’Imaginaire, Paris, Seuil, 1988, elle a été reprise dans mon livre Mythocritique I. Théorie et parcours, p. 144-157.
34 « Un fantôme II » ; « Le Parfum », pièce XXXVIII des Fleurs du Mal.
35 « Spleen », LXXVI.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L’enfant-dieu et le poète
Culte et poétiques de l'enfance dans le roman italien du XXe siècle
Gilbert Bosetti
1997
Montagnes imaginées, montagnes représentées
Nouveaux discours sur la montagne, de l'Europe au Japon
André Siganos et Simone Vierne (dir.)
2000
Petit dictionnaire de mythologie populaire roumaine
Ion Taloș Anneliese Lecouteux et Claude Lecouteux (trad.)
2002
Le Sphinx et l’Abîme
Sphinx maritimes et énigmes romanesques dans Moby Dick et Les Travailleurs de la mer
Lise Revol-Marzouk
2008
Babel : ordre ou chaos ?
Nouveaux enjeux du mythe dans les œuvres de la Modernité littéraire
Sylvie Parizet
2010