4. L’enfant sauveur de la Sainte Famille
p. 101-125
Texte intégral
Laïcisation de la Sainte Famille
1C’est surtout l’Évangile selon saint Luc qui accorde une attention particulière à l’enfance de Jésus et notamment à l’Annonce faite à Marie, à la Nativité et au massacre des Innocents, inaugurant la figure d’un enfant qui promet le salut tout en étant menacé de mort. Il a néanmoins fallu des siècles pour que cette incarnation divine bénéficie au statut social de l’enfant. Pour Le Goff, « l’enfant en tant que tel est une création du Moyen Age »1 et, selon Ariès, il a fallu attendre le xive siècle pour que la société occidentale découvre l’enfance.2 Ensuite le culte chrétien de l’enfance a été relayé à la Renaissance par un sentiment de la famille qui s’est développé dans la bourgeoisie des communes italiennes, ainsi que l’atteste le traité de Leon Battista Alberti. Les peintres humanisent la Sainte Famille ; si leur sujet de prédilection reste la Vierge à l’enfant, désormais Marie ressemble à une jeune mère toscane et son fils n’est plus un symbole figé, mais un bambin joufflu, parfois sérieux, parfois rieur. Alors que la Nativité célébrait l’incarnation de Dieu (sous la forme initiale d’un enfant pour partager la destinée humaine de la naissance à la mort), Noël est devenu dans la société la fête des enfants.
2On pourrait affiner cette corrélation en suivant l’évolution des représentations au fil des siècles. Le mystère de l’Incarnation n’impliquait pas a priori une valorisation de la condition enfantine. A l’époque de la Contre-Réforme, s’est produite une involution qui peut être interprétée comme une réaction à la tendance de la Renaissance à privilégier dans la représentation du petit Jésus son caractère enfantin : c’est pour nous donner une leçon d’humilité que Dieu dans sa grande miséricorde, enseignait-on au xviie siècle, a consenti à prendre la condition misérable de l’enfance, la forme la moins accomplie de l’humanité. Il conviendrait donc, dans une mythanalyse exhaustive, d’historiciser ces différentes phases.
3Nous nous contenterons d’observer que les dogmes de l’immaculée Conception et de l’Assomption ont été institués par le catholicisme en Italie au milieu du xixe siècle à une époque où, dans la famille bourgeoise qui investit beaucoup sur l’enfant, l’image de la mère se trouve particulièrement valorisée par la gratitude du fils qui, du haut de sa gloire, l’appelle à ses côtés, lavée qu’elle est du péché originel dont Ève était la première responsable. La voilà « bénie entre toutes les femmes ».
4Dans son histoire de l’éducation, Giuseppe Saitta a bien souligné ce que le christianisme a apporté au sentiment de la famille et de l’enfance :
Le fils acquiert sa véritable valeur car la mère, libérée par le christianisme, transforme la spiritualité de la famille. De plus, le caractère divin du Christ resplendit d’une très vive lumière dans l’amour et le respect qu’il eut pour l’enfant. Ce dernier, grâce à lui, sent qu’il est le fils de Dieu, du Père providentiel omniscient et tout-puissant. Aucun monde imaginé ne convient davantage, que celui que le christianisme a créé, à la nature éternelle de l’enfant.3
5Si l’on traduit cette pensée en termes actuels, cela signifie que la mythologie chrétienne répond parfaitement à l’attente de l’enfant : sécularisée, elle devient un mythe de l’enfance. Toutefois, dans sa visée pédagogique, Saitta ne retient que son effet bénéfique sur la mentalité du puer, sans y voir le produit d’une vision enfantine et sans prendre en compte son influence sur l’idée que désormais l’adulte (et le poète) se fait de l’enfant.
6Dans Le Mythe de l’enfance dans le roman italien contemporain, j’ai tenté d’inventorier tous les facteurs historiques qui ont contribué à faire de l’enfance le grand mythe d’origine d’une société moderne laïcisée et attachée aux droits de l’individu. A partir du moment où une foi naïve a été mise en crise par le positivisme, on a basculé du culte de Jésus, Dieu enfant, au culte de l’enfant devenu un nouveau Dieu, ou du moins le sauveur d’une société en crise de croissance. Le mystère de l’Incarnation, dans le mythe littérarisé, devient projection idéale de l’amour de la mère pour sa progéniture. Je renvoie à mon étude sur la religion de l’enfance telle qu’elle se manifeste dans les ouvrages psychopédagogiques de Maria Montessori où l’amour de Jésus (au double sens actif et passif du génitif) est transféré explicitement sur l’enfant qui nous aime et que nous devrions aimer autant qu’il nous aime.4
La mythologie chrétienne comme idéalisation des images parentales
7Point n’est besoin de recourir à la psychanalyse pour déceler que la mythologie chrétienne, notamment dans son iconographie la plus ingénue, correspond à une vision enfantine dans laquelle les parents sont idéalisés selon les caractères psychologiques les plus familiers et les traits sociologiques les plus coutumiers de la société traditionnelle qui a produit cette mythologie. Le Père est tout-puissant, il commande, il fait la loi, inspire la crainte et exerce la justice ; il est créateur, en tant qu’artisan et fabriquant d’objets ; mais il est peu visible, éloigné qu’il est par son travail aux yeux du bambin gardé et choyé par sa Mère. Celle-ci peut intercéder en faveur de sa progéniture pour apaiser le courroux du chef de famille ; elle est celle que l’on prie et qui console.
8Le catholicisme s’est éloigné du judaïsme et s’est démarqué du protestantisme en promouvant cette divinisation de l’imago maternelle sur le fertile substrat des matriarcats méditerranéens. Dans le Midi de l’Italie et notamment à Naples, le culte de la Vierge et des saints a pris des formes exaspérées et superstitieuses qu’Elsa Morante a précisément illustrées dans L’isola di Arturo comme une mythologie de l’enfance : lorsque le garçon élevé dans l’athéisme doit accueillir sa marâtre, il découvre avec étonnement que cette Napolitaine de seize ans voue un culte ingénu à de nombreuses madones qui démultiplient l’image du divin enfant pour le transformer en une kyrielle d’enfants de famille nombreuse, comme on en trouvait alors. Le Père n’est plus que le Nom (de famille) et la Loi que les autres membres de la tribu sont chargés d’adoucir :
Puis, au-delà de toutes ces Vierges et de leurs enfants, et de tous les Saintes et Saints et de Jésus lui-même, il y avait Dieu. D’après le ton sur lequel ma marâtre le nommait, on comprenait que Dieu, pour elle, n’était pas un roi, ni même le Chef de toute la Sainte Milice, et même pas le patron du Paradis. Il était beaucoup plus : c’était un Nom, unique, solitaire, inaccessible ; on ne lui demande pas de grâces et il n’est pas un objet d’adoration ; et, au fond, la tâche de toute l’immense foule de Vierges et de Saints qui accueillent les prières, les vœux et les baisers, tient en ceci : sauvegarder l’inaccessible solitude d’un Nom. Ce Nom est la seule unicité opposable à la multiplicité terrestre et céleste. Les célébrations, les miracles, les désirs, les douleurs et même la mort lui importent peu : seuls lui importent le bien et le mal. (IA, 94)
9Dans ce roman, l’enfant porte ainsi un regard critique, à la fois attendri et narquois, sur cette naïve mythologie familiale laquelle était à l’époque intensément vécue par des foules entières. On a peine à imaginer les processions hystériques à la Madone qui scandaient encore dans les années cinquante le calendrier rituel de ces sociétés.
10Dans son premier âge, l’enfant ne peut pas concevoir sa naissance comme le fruit d’un accouplement ; il ne peut imaginer sa mère que vierge ; dans les moments où l’homme est présent et prévenant à l’égard de son épouse, il n’est pas perçu comme le géniteur, mais comme un brave homme ; d’où ce dédoublement de l’image en saint Joseph proche et en père lointain. Dans Menzogna e sortilegio d’Eisa Morante, Alessandra, la mère de l’enfant, qualifiée de religieuse de la maison parce qu’elle mène une vie monacale, est éblouie par un riche visiteur séduisant « comme l’image peinte d’un archange » (MS, 377) et le petit Francesco voit en lui un père idéal puisqu’il imagine complaisamment la joie qu’il éprouverait si, au lieu de son vieux père qui lui fait honte, c’était « ce splendide et mystérieux personnage » qui venait le prendre à la sortie de l’école. Ce Nicola Monaco a ravi à tout jamais le cœur du garçonnet qui le vit pour la dernière fois à l’âge de douze ans. Or sa double figure d’archange et de père fantasmé est dessinée sur le palimpseste de l’Annonciation et du mystère de l’Esprit Saint ; en effet, un mythe d’origine sera consacré lorsque Alessandra révélera beaucoup plus tard à Francesco que Monaco est son vrai père. Le vieux Damiano, nouveau Joseph, n’apparaît plus que comme un « étranger inquiétant et ambigu » (MS, 417). Ce culte d’un Père céleste, glorieux mais à jamais éloigné, instaure le règne du Fils : Francesco croira pouvoir convertir le monde à lui, avec sa Madeleine (Rosaria, la généreuse prostituée).
11Enfin, explicitons le processus de divinisation du fils : ce nouveau-né prometteur, sur le berceau duquel se penchent non seulement ses parents mais de très augustes personnes, se sent adoré comme un dieu ; en lui sont investis les espoirs de la famille ; il sera le gage de la continuité, le vainqueur de la mort, le Fils rédempteur. Et ce Dieu, à la différence du père, est aussi fils de l’Homme, puisque dans l’imaginaire de l’enfant il n’est pas une autorité extérieure et interdictrice, mais l’idéal d’amour que fait naître en lui la vénération dont il est l’objet. Cette distinction théologique entre le Père et le Fils me paraît correspondre à la différence entre l’instance du surmoi et celle de l’idéal du moi dont Freud nous enseigne qu’il serait un substitut du narcissisme perdu de son enfance, au temps où il était à lui-même son propre idéal : « Alors que le moi obéit au surmoi par peur de la punition, il se soumet à l’idéal du moi par amour ».5
12Voici résumée très schématiquement la manière dont l’humanité en son enfance a créé Dieu à son image et dont l’enfant que nous avons été idéalise la Sainte Famille en privilégiant la figure de la mère. De même que les psychanalystes ont du mal à s’accorder sur la façon dont s’articulent le surmoi et l’idéal du moi, l’enfant se représente la divinité de manière complexe : la divina potestate au-dessus de lui, le Créateur, le Nom du Père, la Loi ; la somma sapienza en lui-même, cette mission divine de rédemption que la foi qu’on lui porte lui assigne, en donnant force à son humilité et à sa fragilité de fils de l’Homme ; il divino amore partout répandu qui lie le Père et son Fils en une Sainte-Trinité.
13A l’aide des apports de la psychanalyse, on aurait beau jeu de dénoncer ce qu’il y a de trop idyllique dans cet abrégé de mythopoïétique. Il faut bien comprendre que cette représentation n’est pas le produit d’une expérience enfantine objectivable – dans la mesure où l’on peut présumer que les enfants des premiers siècles connaissaient dès leurs premiers mois d’existence des situations très anxiogènes – mais le fruit d’une intériorisation, dans la culture de l’époque, des désirs et des aspirations entretenus par la venue au monde. Produit d’une enfance repensée et idéalisée qui nous permet de dire que la mythologie de la Sainte Famille et de la Sainte-Trinité est dans une large mesure un mythe de l’enfance tel qu’il se constituait dans l’imaginaire adulte de l’époque. Vico dirait qu’elle est le produit de l’âge théologique qui correspond à l’enfance de l’humanité.
Quête de protection et d’amour et divinisation parentale
14Les récits de notre siècle nous offrent ainsi des versions profanes de l’histoire de la Sainte Famille.
15L’enfant tend naturellement à diviniser le chef de famille qui lui apparaît comme tout-puissant, tout en rabaissant la figure du rival dans l’amour qu’il porte à celle qui lui donne la vie.
16Deux récits d’Anna Maria Ortese nous donnent à voir la sacralisation de l’image du père, dédoublée en géniteur et en compagnon de la mère. « Occhi obliqui » s’ouvre par un acte d’adoration et de foi : « Depuis ma plus tendre enfance, j’aimais beaucoup mon Père, à savoir Dieu, roi absolu de cette terre » (IS, 21). Cet homme que, dans sa religiosité primitive, la fillette a divinisé en Tout-Puissant, est distinct dans son imaginaire du mari de sa mère (qui est pourtant bien son père dans l’état-civil), « ce pauvre vieux au gros ventre qui se reposait sur une chaise dans la cour », saint Joseph déconsidéré.
17A la fin de l’enfance, on passe de l’âge théologique à l’âge héroïque : vers sa douzième année, la protagoniste (et narratrice) qui désirait de plus en plus passionnément rencontrer ce père mythique et s’anéantir en lui dans une crise mystique croit pouvoir le reconnaître dans la figure d’un jeune chevalier qui, après avoir simplement échangé avec elle un regard oblique, l’invite chez lui. Son Dieu est devenu le Fils, à moins que ce ne soit le diable (l’oblique), mais l’innocente ne saurait avoir le moindre soupçon.
18On a aujourd’hui du mal à imaginer ce à quoi rêvaient les jeunes filles des années trente en Italie : quand on apprend qu’à dix-huit ans Anna Maria Ortese ignorait encore la « différence » entre un homme et une femme et croyait qu’une attirance réciproque suffisait à constituer un accouplement, on comprend mieux que ce culte du père qui se transmue en jeune homme de vingt-cinq ans soit la forme première de l’amour. Dans son esprit ingénu, tout se confond en une Sainte-Trinité. Les séducteurs avaient beau jeu d’embobeliner les oies blanches crédules !
19Le ravissement de l’adolescente dure peu : au bout d’une heure, le jeune homme idolâtré, irrité de s’entendre dire benoîtement que lui seul dispense la félicité, congédie froidement son adoratrice qui ne l’amuse plus. Celle-ci se retrouve désemparée comme ces progénitures qui cessent brusquement d’être l’objet de la tendresse parentale : « C’était l’égarement qui remplissait mon âme elle-même, la triste faiblesse d’êtres que le Père a créés par jeu, puis oubliés » (IS, 46). Elle se sent répudiée par le Père : le chant du cygne de l’enfance précipite la crise de la puberté. Le décalage d’âge, assez insolite, rappelle néanmoins non seulement que le moi féminin reste en quête de père, mais que la femme sera (et pas seulement de ce fait) souvent traitée comme une enfant par son partenaire qui la soumet ici au régime de la douche écossaise et incarne tour à tour l’ange et le diable.
20Vingt ans après avoir écrit cette nouvelle, Ortese a avoué, sans se plaindre pour autant, que sa propre mère traitait ses six enfants « comme des jouets : parfois elle [les] obsédait de ses soins ; parfois, elle [les] oubliait complètement ».6 Même si l’écrivain nous assure qu’elle a connu une enfance heureuse auprès d’une mère très gamine (un trait de caractère qui a inspiré la narratrice de « Occhi obliqui »), le sentiment douloureux d’avoir été abandonnée par le père, tel du moins qu’il s’exprime dans cette fiction, semble avoir été nourri par cette trace mnésique de l’inconséquence des parents (dans l’autobiographie, Ortese attribue la « faute » à sa mère), à l’égard d’une enfant tour à tour choyée et délaissée. N’est-ce pas au fond une expérience très commune et intensément éprouvée ? Nous nous sentons d’autant plus livrés à nous-mêmes et quasiment abandonnés, que nous avons été adorés, voire adulés, en nos premiers mois d’existence.
21Dans la nouvelle « Indifferenza della madre », Ortese analyse justement le drame de l’enfant qui cesse d’être l’objet de l’adoration parentale :
Dans les premiers temps de son existence, ce petit être, encore pétri de toute la fraîcheur et de la beauté qu’a constitué le sentiment de ses parents, est l’objet de leur part des soins les plus fervents et les plus passionnés. En lui père et mère caressent et contemplent presque inconsciemment ce qui a été leur bonheur récent. (IS, 9)
22Cette analyse pourrait servir de commentaire aux innombrables scènes de Nativité ou d’Adoration des Mages qui, particulièrement à la Renaissance, lorsque les figures de Marie, de Joseph et du petit Jésus s’humanisent, expriment ce culte chrétien de la petite enfance et le renforcent auprès des Italiens qui, quotidiennement, voient ces tableaux dans leur église. Lorsque l’enfant grandit et que ses parents lisent dans son regard une vie autonome qui annonce son futur détachement, il n’est plus l’objet de la même affection. De plus, remarque la narratrice, tout se passe comme si la dégradation du couple (« le temps, la lassitude, les gros soucis, ainsi qu’une meilleure connaissance de sa propre médiocrité ou de celle du partenaire ») portait atteinte à l’objet de leur amour qui devient objet-reflet du peu d’amour. Trop choyé dans ses premières années, l’enfant va souffrir de s’éprouver sans tutelle (à l’opposé de la version romantique où il est heureux de s’émanciper). Restera le nostos du temps où il était objet de vénération. En développant le culte du petit Jésus, le christianisme non seulement a offert à la société et à la vie familiale cette compensation, mais il a lutté pour rappeler les deux parents à leur devoir d’amour, en faisant bien comprendre que leur enfant ne peut vraiment se sentir aimé que si existe entre eux deux une grande qualité d’amour, un message que nous pourrions également illustrer par les œuvres de Gianna Manzini, de Maria Chiappelli et d’Eisa Morante, tant il est vrai que les femmes sont plus sensibles à cette exigence.
Le culte marial : la mère et la vierge
23Panzini a publié en 1916 La Madonna di Mamà. Romanzo del tempo della guerra, roman qui montre bien comment le rêve fou d’une guerre rédemptrice (« Nous sommes entrés en guerre en mai qui est le mois de Marie ») a réactivé le culte de la Vierge : le jeune homme appelé au front remet à son amie la « Madone de maman » : « l’ennemie de tous ceux qui sont cruels, la Madone qui piétine le serpent, qui défend les petits enfants, l’étoile du matin, celle qui marche sur les eaux ».7 Que je sache, c’est le Christ qui marche sur les eaux ; mais nous allons voir plusieurs cas où la mère est identifiée à son fils et réciproquement. C’est aussi l’époque où Ada Negri idéalise une mère dévouée en Stella mattutina.
24L’univers romanesque de Marino Moretti illustre également ce culte marial. Luca, le protagoniste de I puri di cuore est au début du roman un quadragénaire qui a grandi dans le giron maternel et ne se mariera jamais par fidélité à celle qui l’a choyé. Néanmoins cet homme chaste recueille par charité une fille-mère et se retrouve donc dans la position de saint Joseph, père nourricier et non géni-géniteur ; il sent alors l’enfance renaître en lui. Quant à l’auteur lui-même qui ressemble fort à son héros, à la mort de sa mère, il compose A mia madré (1923) et Il romanzo della mamma (1924), mémorial de dévotion filiale, acte de foi et d’amour pour celle qui est sanctifiée comme sœur Filomena dans le premier livre. L’épilogue de Mater amabilis qui fait suite à Il romanzo della madre relate le miracle d’un homme qui prie la Madone en lui disant être à ses pieds comme l’était sa mère jeune fille en 1915, et voilà que par transsubstantiation le fils se sent devenir sa mère, être sa mère jusque dans ses traits et dans son regard de piété et de douleur : « Sa mère, c’est lui » (RM, 306).8 Au lendemain de la Grande Guerre, dans un monde qui pansait ses plaies, on a assisté à une recrudescence de la dévotion à Marie et à Jésus dont les figures s’entrecroisent. Les lecteurs et lectrices pouvaient, suivant leur âge, s’identifier à la piété filiale ou à la pietas, ce double monument à la défunte.
25Pour la Noël 1920, Michèle Saponaro avait achevé un roman-hymne à Nostra madre : il désignait ainsi symboliquement la terre-mère sur laquelle les hommes s’étaient déchirés, mais comment ne pas y percevoir en filigrane la mère de Jésus puisque le roman se terminait par cet appel : « Le miracle de la résurrection est encore possible si nous nous rapprochons de la Mère avec amour » (p. 301). Ce culte marial appelait une revalorisation du Fils rédempteur.
26Le culte de la regina caeli vient parfois se nicher au cœur même du mythe romantique d’une enfance livrée à elle-même, tel que l’illustre la fanciullezza du narrateur et protagoniste de L’isola di Arturo. Avant de devenir un garçon sauvage et fier qui refuse de s’attendrir, cet orphelin a été en manque de caresses, un soupirant du « corps grand et saint » de la génitrice absente. En effet, au tout début du récit, Arturo évoque rapidement la mémoire de sa mère morte en couches (comme celle de Rousseau) et l’amour qu’il lui a porté, en des termes très religieux qui la métamorphosent en madone.
27Le garçonnet n’est jamais allé voir sa tombe au cimetière ; il l’imaginait régnant dans « une tente orientale dressée entre ciel et terre et portée par les airs, où elle demeurait seule, oisive et en contemplation, les yeux tournés vers le ciel, comme transfigurée » (IA, 53). La voilà Assunta (nom fréquemment donnée aux filles en Italie) : c’est le regard d’amour de son fils qui lui vaut cette assomption. Elle était alors à la fois la protectrice qui recommandait à l’enfant en barque de ne pas trop s’éloigner du rivage, et la consolatrice à qui il adressait ses prières. Elle représentait « la fidélité, la confiance, la confidence », l’intimité, au point qu’Arturo était persuadé d’être pour elle « le personnage le plus important du monde » : en somme, elle lui garantissait une destinée hors du commun. Il y a dans ce double amour réciproque, l’un éprouvé, l’autre fantasmé, un écho de la dévotion à Marie qui tient Jésus dans ses bras.
28Nous pouvons repérer une probante homologie entre la mère et le fils, qualifiés tous les deux d’une manière qui nous invite à nous souvenir de cette étoile qui, dans la nuit de Bethléem, a annoncé aux Mages la venue du Roi des rois. Cette jeune fille de dix-huit ans, qui n’allait jamais connaître son fils, l’a baptisé Arturo, c’est-à-dire, constate le narrateur en incipit : le nom d’un roi et d’une étoile. Or il ajoute quelques lignes plus loin qu’elle fut pour lui, bambin à l’imagination vive, « plus qu’une souveraine » (IA, 11), puis « une éternité, virginale, noble et immuable, comme une étoile » (IA, 51). Cette figure est donc bien, à l’image de l’idéal du moi, reine et étoile du ciel. On songe au manteau étoilé de la Vierge couronnée.
29La seule eidôlon que l’enfant pouvait disposer d’elle était une vieille photographie jaunie, « prodigieuse adoration de toute [son] enfance », où elle apparaissait comme l’Annunziata :
Son corps, en dépit des plis de son ample robe, laisse déjà deviner qu’elle est enceinte ; et elle tient enlacées devant elle ses deux petites mains, comme pour se cacher, dans une pose pleine de pudeur et de timidité. (IA, 12)
30On croirait voir un tableau de l’Annonciation ; c’est ici « le fruit de ses entrailles » qui la bénit.
31Le sacrifice du Seigneur est déplacé sur elle qui a dû payer le prix de l’enfantement du héros (de même que chez Moretti le fils finit par s’identifier à la mater amabilis) :
Elle est morte à cause de moi : comme si je l’avais tuée. J’avais été le pouvoir et la violence de son destin ; mais sa consolation me guérissait de ma cruauté. Mieux même, telle était la première grâce entre nous deux : que mon remords se confondait dans son pardon. (IA, 51)
32Elle est morte pour lui donner la vie, comme le Christ est mort pour nous redonner la vie. Le moi s’adresse à elle comme les chrétiens s’adressent au Rédempteur par l’intercession de Marie. Il suffit d’un repentir pour que le péché originel soit absous par la miséricorde divine.
33Le texte comporte d’autres analogies entre la mère d’Arturo et la mère de Dieu : d’une part, elle hérite de la double nature christique (« ce n’était qu’une femmelette analphabète », une simple paysanne, « mais plus qu’une souveraine pour [lui] ») ; d’autre part, son sort exceptionnel la rapproche de l’immaculée Conception qui échappe au péché originel d’Ève : toutes les femmes étaient maudites et bannies de la casa dei guaglioni – la maison du Père, souverain régnant pour Arturo –, sauf elle dont il a imposé la présence.
34Elsa Morante décrypte ainsi la mythologie chrétienne comme un roman familial. « C’était une personne inventée par mes regrets. » Elle est vraiment de l’ordre du mythique, et non de l’idéologie qui n’est qu’une mythologie rationalisée et revendiquée. Le paradoxe, en effet, souligné par le narrateur lui-même, est que l’enfant ne croyait pas en Dieu, ni en la vie éternelle, ni dans les esprits des morts.
A écouter la raison, je savais que tout ce qui restait de ma mère était enseveli dans le cimetière de Procida. Mais la raison, face à elle, faisait marche arrière, et sans m’en rendre compte, moi, pour elle, je croyais vraiment au paradis. (IA, 52)
35Arturo a donc connu en son premier âge, dans ce culte de la défunte, un élan de foi, d’espérance et de charité.
36Elsa Morante opère ainsi un double mouvement de démythification et de remythification des imagos parentales : elle désacralise la théologie en psychologie, mais elle nous montre, surtout dans Menzogna e sortilegio, que la tendance de l’imagination enfantine à diviniser les proches, même longtemps après que le moi a perdu ses illusions, exerce encore ses sortilèges dans l’imaginaire de l’adulte, contre toute raison.
Le nostos de la Sainte Famille et le divin enfant trouvé
37La Grande Guerre, nouveau massacre des Innocents, a réveillé les rêves de rédemption autour de la figure d’un petit sauveur exposé aux périls et dont l’origine se doit d’être mystérieuse. Significatif de cet état d’esprit est Il ritorno del figlio (1919) de Grazia Deledda. Un propriétaire terrien et sa femme, qui croit encore que son fils de dix-huit ans mort à la guerre va revenir, s’attendrissent sur un nouveau-né trouvé un soir, ensanglanté, au bord du chemin. L’homme bourru, maire de son village, assure qu’il va le remettre au curé ou aux gendarmes, mais « ce sang innocent lui faisait venir à l’esprit Jésus et le souvenir de son fils qui, presqu’encore enfant, avait été tué par la haine des hommes » (RF, 7), si bien qu’il garde le bébé fiévreux chez lui. Ce petit corps ensanglanté devient le Saint-Graal. Après la visite des voisins, le bruit se répand que l’enfant fait des miracles, guérit les infirmes et permet de retrouver les soldats disparus. Il apparaît donc successivement comme le Ressuscité et le Sauveur.
38Dans l’imaginaire social de l’époque, le sacrifice des jeunes soldats est associé à la Passion du Crucifié, ce qui nourrit des espoirs de résurrection chez la mater dolorosa. La femme, d’abord hostile à l’adoption par fidélité au disparu, voit à son tour dans cette humble créature recueillie le messager qui promet la vie éternelle et réconforte sa foi maternelle, « le secret même de son cœur, la vaine espérance qui apportait encore de la sève à la racine de la vie. Que son fils n’était pas mort » (RF, 32). Le nouveau-né d’après le désastre, l’exposé, le démuni, le sans-parents devient pour les parents endeuillés un don du ciel. Deledda évite tout excès de sentimentalisme en contant l’histoire de cette adoption telle que la ressentent un homme rude et une femme superstitieuse.
39Quelles que soient les causes de désintégration de l’unité familiale, l’enfant dont on attend le salut n’est pas la simple progéniture d’un couple en règle et la plupart des narrateurs de l’après-guerre, s’ils investissent beaucoup sur un enfant trouvé ou de père inconnu, ne partagent pas « l’optimisme de la volonté » de l’écrivain sarde.
40Angela (1923), roman de Fracchia, se présente dans le premier après-guerre comme la suite idéale de cette crise de la famille qu’il s’agit de reconstruire autour de la figure récurrente d’une fille-mère en qui l’on peut voir symbolisées toutes ces nations séduites et abandonnées à elles-mêmes après la faillite des pères. Lorsque maestro Zimolo adopte Angela et son enfant, la vie de cet avare s’en trouve momentanément changée car le « cœur pur » du bambin a suscité en lui un mouvement de générosité et fait naître un sincère repentir chez la pécheresse. Rappelons-nous que dans l’Évangile de Luc (12) Jésus flétrit l’avarice d’un riche propriétaire terrien.
41Fracchia a pu aussi se souvenir du célèbre roman de George Eliot, Silas Marner (1861), où une fillette, dont la mère meurt dans la neige une nuit de Nouvel An (prototype de la fille-mère sacrifiée que nous retrouvons dans les récits de Deledda et de Panzini), est recueillie par un vieil avare et le rédime : Silas Marner se détournera de ses pièces d’or pour s’attacher aux boucles blondes de la petite Eppie dont la narratrice nous dit qu’elle joue le rôle dévolu aux anges gardiens.
42Mais, dans Angela, ce miracle dure peu : pour mieux conquérir le cœur de la jeune femme, l’homme place l’enfant en pension dans un collège ; dès que ce porte-bonheur est éloigné, le vice l’emporte : Angela se montre infidèle et Zimolo plus égoïste que jamais. Ces êtres que la grâce d’un cœur d’enfant aurait pu sauver s’enlisent dans la déchéance et la misère morale. Le don du ciel n’a pas été accueilli comme il aurait dû l’être : on voit symboliquement l’enfant disparaître, égaré dans la foule, lors d’une manifestation caractéristique des soubresauts et des troubles sociaux qui ont précédé l’avènement du fascisme.
43Alfredo Panzini a eu le mérite d’analyser dès le début du siècle (DM) la dissolution du couple et la crise de la famille, surtout dans les milieux les plus aisés liés à l’urbanisation ; l’industriel voyage, la femme s’émancipe, des étrangers séducteurs passent et l’enfant qui réclame en vain l’union parentale prend place au centre du récit pour exprimer dramatiquement le désarroi qui en résulte. Dans « Dove avete trovato, mio caro, vostra moglie », l’enfant a l’intuition d’une trahison latente, lors d’une promenade de sa mère avec un homme qui la courtise, et il disparaît sans prévenir pour se réfugier dans le bureau de son père. Ange gardien du couple, il proteste en silence à la moindre menace.
44Sont d’abord dénoncés comme corrompus les milieux aristocratiques et cosmopolites, mais les classes moyennes sont également visées par Panzini. Dans « La biscia », histoire d’un double adultère dont sont victimes un ingénieur et son employé, le narrateur trop souvent absent a eu le pressentiment que son couple était menacé : en voyage, il imitait la voix charmante de son bambin pour sentir « plus près de lui cette image adorée », mais lorsqu’il est rentré à la maison, sa progéniture lui est apparue lointaine, « comme qui ne se souvient plus très bien de ce que peut être cette chose qui s’appelle un papa ». Manzi revoit encore la scène dramatique de la séparation, avec l’enfant accroché aux jupes de sa mère et la suppliant de ne pas partir « d’une voix que le jour de [s]a mort [il entendra] encore », puis s’écriant qu’il voulait mourir. Si les chefs de famille ont désormais le tort d’être éloignés par leur travail, c’est la femme qui est désignée comme la grande coupable ; l’une des deux épouses adultères meurt des suites d’un avortement clandestin et le titre « La biscia » la désigne comme l’Ève pécheresse tentée par le Serpent.
45Imaginer une famille réconciliée avec la paix dans les cœurs n’est plus qu’un conte de Noël. Dans « Il sogno del Natale », ce miracle a lieu : la bru honteuse d’avoir abandonné mari et enfants vient demander pardon à ses beaux-parents, Ève reconvertie en Madeleine ; le grand-père se repent d’avoir passé sa vie à rechercher vainement la « cause causante » (un Père trop éloigné de ses créatures) ; quant à la servante, elle obtient plus que l’absolution, puisque le nouveau-né que cette fille-mère ramène de ses fugues, la nuit de Noël, lui vaut la bénédiction générale : « C’est le petit enfant que j’apporte », et le fruit de ses entrailles est béni ! Ce n’est que dans ce rêve idyllique et ironique d’une Nativité d’un nouveau genre que Panzini peut exprimer les craintes et les espoirs d’une société en crise.
L’enfant, mauvaise conscience du couple désuni
46Après la Grande Guerre, qui a directement ou indirectement contribué à la déstabilisation de la famille bourgeoise, des romanciers populaires ont focalisé leurs représentations sur le personnage de l’enfant, mauvaise conscience de couples désunis. Prico (1924) de Cesare Giulio Viola relate le drame de l’adultère tel qu’il est perçu par un garçonnet d’une sensibilité contenue mais aiguë, et qui se dresse entre ses parents désunis comme l’incarnation du Reproche, refusant les circonstances atténuantes que s’accordent les adultes. Alors que la mère est présentée comme la plus coupable parce qu’elle a récidivé dans l’abandon du foyer, c’est au père (qui a le tort d’être encore là) que Prico s’en prend avec toute la véhémence de son désarroi. Dans son exigence de fidélité dans l’amour, il est le dernier gardien des liens sacrés du mariage.
47On remarquera que, chez ces écrivains hommes, la femme endosse la responsabilité de l’adultère. Les romans à succès de Virgilio Brocchi ne font pas exception. Dans Il destino in pugno, la femme n’est pas blâmable car elle est veuve ; Pietruccio qui fréquente la maison a conquis l’amitié de la petite Valentina, au point que celle-ci a spontanément souhaité avoir un père comme lui, mais, lorsqu’il devient un compagnon plus intime de la mère, la fillette qui a d’abord facilité leur rapprochement se dresse entre eux deux, très pudiques, comme une exigence de pureté qui rend difficile la reconstruction d’une nouvelle famille. Par contre, dans Lucciola, un mari découvre avec horreur que sa femme qu’il croyait fidèle vient de mourir d’un avortement après n’avoir cessé de le tromper ; néanmoins ce père de famille continuera à parler de son épouse comme d’une sainte femme, afin ne pas altérer la noble idée que s’en fait leur fille Dina. Au nom de l’innocence sacrée de nos progénitures, Brocchi rappelle lui aussi la valeur sacramentelle du mariage.
48Dans Il sapore della vita (1928), le rôle de l’enfant ne se réduit pas à un rappel à l’ordre tacite, mais se traduit par une protestation impuissante qui permet d’approfondir sa psychologie. Avant que son père n’ait le moindre soupçon, le petit Biordo attentif aux menus gestes a instinctivement pris en grippe le futur amant de sa mère qu’il vise avec son fusil à flèches. Le narrateur a souligné le caractère dérisoire et pathétique de cette révolte spontanée : le garçonnet voudrait empoisonner l’importun visiteur et en cachette il va poser sa main pleine d’encre sur le lit de l’hôte dans l’espoir de lui porter malheur. Ni sa mère trop préoccupée de sa toilette, ni son père qui ne veut pas voir ce qui se trame et que Biordo juge trop bon9, ne détectent ou n’interprètent correctement ces signaux d’alarme et de détresse. L’enfant n’est plus seulement ici le défenseur de la fidélité ; il symbolise l’impuissance de la conscience morale face à l’aveuglement adulte.
49Le palimpseste des Écritures reste discrètement perceptible. Ce n’est pas un hasard si la mère pécheresse est baptisée Eva et si le père, « un cœur simple comme le cœur d’un enfant », connaît pour la première fois de sa vie dans l’église Saint-Bavon de Gand ce qu’est la félicité, grâce à une double médiation musicale et picturale. Un air du Parsifal wagnérien lui vaut « l’enchantement du Vendredi saint », à savoir la joie du sacrifice dans la chasteté. Ensuite, il s’extasie devant L’Adoration de l’Agneau mystique, ce polyptique de Jan et Hubert Van Eyck qui développe le thème de la Rédemption, depuis le péché d’Adam et d’Ève jusqu’au sacrifice de l’Agneau, au moment même où il rencontre la comtesse Laura Lagardi, découvrant alors que « son visage de madone » est aussi pur et serein que la figure angélique en haut du tableau (SV, 203). Après cette révélation, il trouvera la force d’éloigner l’enfant de sa mère indigne en l’envoyant dans le Nouveau Monde. Dans ce roman de Brocchi, le mythe romantique d’une enfance dans la nature est conforté par des mythèmes chrétiens de régénération.
L’enfant, sauveur potentiel de la famille en crise
50Le motif de l’enfant qui se sacrifie pour aider des parents pauvres en difficulté, et qui ne sont pas à la hauteur de sa noblesse d’âme, a été popularisé par De Amicis dans Cuore, livre culte caractéristique d’une Italie à peine unifiée où les éducateurs misaient sur la générosité de la jeune génération pour sortir le pays de sa misère et où la morale laïque avait intégré l’impératif chrétien du sacrifice. Cet état d’esprit a été réactivé par la faillite de la société patriarcale représentée par la Grande Guerre, comme on le voit dans Codino (1918), nouvelle sentimentale de Paola Drigo. Codino, joli garçonnet de huit ans, se dévoue pour élever ses cinq petites sœurs que sa mère, lavandière de la paroisse, n’a guère le temps de choyer. A partir de l’âge de quatre ans, il a participé aux enfantements dans la douleur d’une génitrice dont le mari est le plus souvent absent et dont le seul secours moral est le regard d’amour de son fils : « Tout ce que l’âme humaine a de plus simple et de plus grand se lit parfois dans le regard d’un enfant » (CO, 125), ce qui n’empêche pas cette femme aigrie d’être parfois dure et injuste envers ce fils qui l’aide à porter sa croix. Où l’on mesure que la fonction christique est attribuée au plus jeune âge.
51Au dévouement quotidien s’ajoute le dénouement tragique d’une scène sacrificielle : alors que la mère vient d’enfanter pour la septième fois (chiffre fatal), le père, qui tentait de passer dans la montagne du tabac de contrebande (excusable parce qu’on lui paie mal celui qu’il cultive de son labeur), est rentré traqué et blessé – un fantasme qui, dans l’imaginaire social de 1918, renvoie à tous les soldats revenus meurtris et sans gloire du front. La mère se propose d’aller récupérer le tabac délesté (qui symbolise la culture et la puissance paternelle), mais l’enfant en secret la précède.
52Le lecteur devine la fin, tant le narrateur insiste sur les connotations christiques de ce parcours : c’est le soir du Vendredi saint que, poursuivi par les douaniers, il tombe au fond d’un ravin (comme d’autres sont tombés dans des tranchées, car j’y vois une rémanence de l’épreuve de la guerre, ainsi que le confirme le chronotope de la frontière) et la dernière chose qu’il entend, ce sont « les chants de la Passion qui s’élevaient pour pleurer Jésus » (CO, 133). Ce récit réitère donc explicitement le mythème du sacrifice pascal du Fils, même si la mort est euphémisée, car il n’est pas dit que l’enfant a expiré : c’est plutôt son Ascension qui est suggérée par ce chœur de miséricorde qui s’élève vers le ciel. Or le héros n’a que huit ans, comme si, dans l’état de grande misère et de faillite de la société patriarcale, on déniait à l’adulte, fût-il jeune homme, toute capacité rédemptrice. L’espérance du salut s’est détournée des classes mobilisables, qu’on a conduites au carnage au nom de la patrie, et se porte sur l’enfant.
53Dans « Notturno » (1918), Paola Drigo imagine à Noël une mort-résurrection, en opérant une conjonction entre l’acceptation de la crucifixion pascale et la foi en l’enfance que célèbre la Nativité. Par une nuit de Noël, un mendiant à qui l’on a refusé l’hospitalité agonise sur la neige dans la cour de la ferme où il fut longtemps un fidèle serviteur que personne n’a reconnu. Scène du solstice d’hiver des cœurs puisque s’accumulent le manque de charité et la non-reconnaissance du prochain, sorte de déni au message annuel du divin enfant : la Mort (ici personnifiée) est aux aguets. L’épiphanie d’une fillette blonde conduisant par la main jusqu’à sa chambre un bisaïeul aveugle réveille un lointain souvenir dans l’esprit vacillant du pauvre hère : cette même fillette aide un garçonnet timoré à franchir un gué ; il reste en extase devant cette vision – peut-être une réminiscence de sa sœur ou d’une amour enfantine – qui va l’aider à franchir le pas : la Mort, qui hésitait, a compris que son heure était venue. Quand l’hiver glace les cœurs, le divin enfant soutient ceux qui doivent entrer dans le royaume des morts en apparaissant comme la Résurrection et la Vie. Le message d’espérance de la mythologie chrétienne s’infléchit en direction de l’enfance d’une manière assez autonome puisque l’enfant miséricordieux, pour être christique dans ses connotations et son message, est ici une fillette angélique et non un garçon.
54Virgilio Brocchi, également porté à investir sur l’enfant au sortir de la guerre, a compris que la faillite des pères ne permettait pas un rachat immédiat ; seule la troisième génération pourrait sans doute assumer la rédemption. C’est ce que nous signifie le dénouement de Il destino in pugno (1923) dans la scène de la mort de la mère où Pietro se réconcilie avec son père qui fut un mari infidèle. Il éprouve alors une immense pietas à la fois pour ses parents désunis et pour l’enfant qu’ils rendirent malheureux, « pauvre enfant sans visage et sans nom » qui se dévouait en vain pour les siens et dut affronter seul l’existence. Il est bien le fils de l’Homme accordant la rémission des péchés puisqu’il pardonne à son géniteur qui le supplie de mieux veiller sur l’enfant à naître qu’il ne le fit lui-même. Ainsi est-il promis que l’enfance à venir rédimera une enfance qui s’est mal passée.
Mais où sont les Noëls d’antan ?
55Héritier d’une tradition catholique lombarde illustrée par Manzoni, la Scapigliatura et Fogazzaro, Luigi Santucci a composé avec Il velocifero, au-delà du prénom Renzo donné au protagoniste, une version moderne et plus pessimiste des Promessi sposi. L’originalité du disciple tient au rôle capital attribué à l’enfance dans la défense et illustration d’un idéal chrétien malmené par les avatars de l’Histoire et par la crise des valeurs familiales. Si l’œuvre est de 1963, elle idéalise le premier avant-guerre qui correspond à l’enfance de Renzo. Avec l’aide de sa sœur Silvia, ce garçon a porté à bout de bras l’avenir de sa famille qu’ils ont cru pouvoir maintenir en survie dans une mythique arche de Noé – le vélocifère, abri du paradis enfantin – qui aurait surnagé dans un Milan métamorphosé en « un lac noir préhistorique » (V, 339).
56Santucci a largement puisé dans la mythologie chrétienne populaire de la Nativité et de la Mort-Résurrection pour actualiser la légende d’un paradis perdu. Renzo venait d’accomplir sa treizième année et n’était encore qu’un enfant de chœur chantant à la perfection, cependant que Silvia (discret hommage à Leopardi et aux dolci inganni della verde età) croyait encore que les bébés provenaient des nuages où les portaient des anges, lorsque la famille Lorini a connu en 1913 un dernier Noël de joie, de paix et de communion. La petite cousine noire, à peine débarquée d’Amérique (un cadeau colonial scandaleux de l’oncle Romolo), est surprise d’apprendre qu’en Italie, ce n’est pas « Sainte Klaus » mais le petit Jésus qui apporte les jouets ; sa présence nous rappelle discrètement qu’il y avait un Noir parmi les Rois mages (dans un livre qui date de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis). Le tableau d’une Nativité repensée comme adieu à l’enfance sereine et comme source de foi à la veille des grandes catastrophes est assez appuyé puisqu’à la sortie de la messe de minuit où la neige mariale10 est au rendez-vous, la servante Marietta (diminutif de Marie) se retrouve mère miraculée avec dans ses bras un enfant trouvé. Où l’on voit, que comme chez Panzini, le divin enfant est d’humble provenance. Ce n’est pas un hasard si la figure récurrente d’un fils d’une servante et d’un père inconnu – don du ciel – vient rappeler les familles bourgeoises à leur devoir et les inviter à communier dans l’amour de Jésus.
57Les malheurs qui frappent ensuite la famille sont au contraire associés aux rites de la Passion : c’est au moment de la retraite pascale que les cousins d’Amérique s’en vont, que Gianni trahit son vœu de chasteté, que le grand-père se meurt, qu’une brouille divise la famille. Entre Noël 1913 et Pâques 1914 se défait une Sainte Famille et s’achèvent une enfance et la Belle Époque, tout ce dont on gardera la nostalgie un demi-siècle plus tard, après deux guerres mondiales. Une fois de plus, l’itinéraire christique de la Naissance à la Mort est condensé en un saisissant raccourci entre le Nouvel An et la renaissance du printemps. Si la fête de la Nativité a trouvé une famille encore unie dans l’avènement de l’enfant divin, ce qui devait être la seconde naissance, le rite de passage de la sortie de l’enfance et de l’entrée dans la vie adulte a mal tourné. L’idéal chrétien ne survit pas à la Pâque11 de la quatorzième année.
La dénonciation de l’hypocrisie de la Sainte Famille
58L’éducation chrétienne de l’enfant le conduit à s’interroger sur les valeurs qu’on lui enseigne et à mesurer douloureusement l’abîme qui sépare parfois les paroles des adultes de leurs actes. Dans La memoria, Angioletti enfant ne comprend pas du tout pourquoi ses parents, à l’instar du maître d’école et du curé, lui enseignent que la nudité est une honte et le baiser un péché, alors que les parois des salons sont couvertes de tableaux représentant des scènes érotiques, et qu’en dansant, les femmes, y compris sa mère, flirtent avec des cavaliers qui ne sont pas leurs maris. Cette contradiction entre la morale inculquée et les mœurs le scandalise et aggrave sa mélancolie. Il regrette le temps où il s’extasiait en écoutant sa mère chanter, au lieu de la voir, dans la scène du bal qui clôt le livre, flirter en toute impudeur sans s’apercevoir que, dans le cœur de son fils, mouraient une fois pour toutes « les dernières terreurs et les dernières espérances de l’enfance » (M, 169). On devine que ce garçon surmontera ce traumatisme d’une mère idéalisée déchue en femme pécheresse puisqu’il accepte un baiser d’une amie de sa mère, mais il gardera (le narrateur a gardé) la nostalgie de cette candeur perdue.
59Moravia a entrepris de dénoncer non point cette mythologie chrétienne de la Sainte Famille mais sa perversion hypocrite. Dans La disubbidienza, l’adolescent rebelle Luca découvre avec horreur que ses « chers parents » le faisaient prier, quand il était encore innocent, devant un tableau de la Vierge à l’enfant qui dissimulait leur coffre-fort. La douloureuse désacralisation des parents est ici poussée à la caricature puisque le culte de la mère de Jésus se dévoile comme l’imposture du Veau d’or. Ce qui se trouve rejeté, au nom même de ce grand amour trahi, c’est bien un mythe de l’enfance, la fausse image que des parents indignes tentaient d’offrir d’eux-mêmes à leur progéniture crédule.
60Un enfant peut être à la fois crédule et incrédule, à l’instar d’Arturo, le jeune héros d’Eisa Morante, qui ne croyait point en Dieu tout en vouant, durant son infanzia, un culte marial à sa défunte mère qu’il situait dans un paradis céleste. Cette rêverie consolatrice s’est progressivement estompée et lorsque son père lui a annoncé l’arrivée d’une « nouvelle mère » justement baptisée (An)Nunziata, le garçon âgé désormais de quatorze ans a vainement rappelé à lui l’image sacrée : « Mon unique mère, ma reine orientale, ma sirène [...] peut-être à cause de l’arrivée de l’intruse [...] s’était cachée ou avait fui » (IA, 73). Ce pré-adolescent impie porte un regard critique et narquois sur les gestes pieux de la jeune marâtre de seize ans et démythifie sa dévotion mariale : à peine débarquée dans Die, elle se signe dans la rue devant un tableau de la Vierge ; elle pénètre dans la casa dei guaglioni « comme si elle visitait une église » ; une madone est gravée sur sa bague et sa médaille d’argent représente le Sacré-Cœur ; Arturo découvre avec surprise et ironie qu’elle ne croit pas en une seule madone, mais en plusieurs : la Madone de Pompéi, la Vierge du Rosaire, etc. Nunziata est napolitaine et comme beaucoup de ses compatriotes, elle s’adresse bien plus à ses Vierges et à ses saints qu’à Dieu :
L’une d’elles était plutôt inhumaine, impassible comme les Déesses de l’ancien Orient : il fallait l’honorer mais il valait mieux ne pas recourir à elle pour obtenir une grâce. Une autre était une magicienne et elle savait accomplir mille prodiges. Une autre encore, la mater dolorosa, était la protectrice sainte et tragique à qui l’on confie ses peines et ses douleurs. Toutes aimaient les fêtes, les cérémonies, les génuflexions et les baisers ; toutes aimaient également recevoir des cadeaux ; et toutes détenaient un immense pouvoir ; mais, à ce qui semble, la plus extraordinaire, la plus miraculeuse, la plus courtisée était la Madone de Piedigrotta. (IA, 94)
61Ces images de madone qui tapissent le mur laissent Arturo sceptique. Quand son père misogyne s’écrie que toutes les femmes sont laides, Nunziata réplique que la Reine, la Madone, la Mère de Dieu ne peut pas être laide. Mais Arturo proclame qu’il ne croit ni en Dieu ni en la Madone.
62Et pourtant ! La raison a beau tout désacraliser, le cœur remythifie. Le soir venu, à la clarté d’une lampe, auprès de Nunziata, alors que son hostilité à la marâtre s’est atténuée, Arturo est saisi par un souvenir « si véridique qu’il [le] ravit au présent » : il se retrouva en un lieu très lointain, sur une plage, désespéré, lorsqu’apparut « une femme très grande », « une enfant, mais elle avait dans sa personne une maturité majestueuse ; et sa mystérieuse enfance ne paraissait pas un âge humain, mais plutôt un signe d’éternité ». Le narrateur ne sait pas identifier cette « divinité océanique ou terrestre, ou une reine à [lui] apparentée, ou une voyante » (IA, 110). Nous pouvons néanmoins y reconnaître tous les signes d’une apparition mariale. Arturo, qui commence sans le savoir à aimer cette « nouvelle mère » qu’il croit encore détester, transfère sur sa présence tout ce que l’orphelin attribuait jusqu’alors à la grande Absente. Un même être, et a fortiori un enfant, peut désacraliser une figure et, sans en être conscient, réinvestir du sacré sur une nouvelle figure. Eisa Morante excelle à montrer ce mouvement cyclique de désacralisation et de remythification des imagos parentales qu’elle avait déjà analysé dans Menzogna e sortilegio, un titre qui résume le caractère bifrons du mythe de l’enfance : on a beau se dire, ce ne sont que mensonges, illusions, mystifications, il y a un pouvoir d’enchantement, un sortilège du mentir vrai du roman familial.
63D’ailleurs la dénonciation des mystifications peut être conduite au nom de l’idéal chrétien. La découverte à Naples en 1966 d’un commerce sordide de nouveau-nés (quatre d’entre eux ayant été découverts, en attente d’être commercialisés, dans une grotte fétide de Campanie) a inspiré à Domenico Rea un récit polémique centré sur cette Nativité d’un nouveau genre fort dérangeante pour les bonnes consciences : « Avec tant de presepi factices au pays des presepi nous en avons enfin un vrai » (DN, 73). Le fait-divers fournit à l’auteur l’occasion de réveiller les consciences chrétiennes en réactualisant le mythème du massacre des Innocents qui était déjà dans le mythe d’origine l’horrible contrepoids de l’adoration des Mages : « L’éclairante fable chrétienne qui s’est propagée sur la terre il y a 1966 ans continue à être démentie par ces contre-fables, tandis qu’Hérode continue de triompher » (DN, 74). Ce désolant constat n’anéantit pas le mythe chrétien puisqu’il se termine par un appel à lui redonner sa vertu révolutionnaire initiale :
La société antique a perdu son équilibre à cause de la naissance de l’Enfant. La nôtre ne le retrouvera pas tant qu’il y aura une grotte comme celle d’Arzano, avec ses quatre enfants souillés d’excréments.
64Rea nous signifie que le message chrétien, détourné et récupéré par les pharisiens, doit retrouver sa vocation constestataire dans sa longue lutte contre le massacre des Innocents.
65Lorenza Mazzetti a dénoncé dans Il cielo cade (1961) la compromission de l’Église avec le fascisme et le détournement de l’idéal chrétien récupéré par l’idéologie dominante afin d’embrigader les enfants. Penny souffre parce qu’elle est la seule de sa classe à ne pas aller à la messe et parce que son oncle juif l’envoie à l’adunata delle piccole italiane avec des chaussures jaunes, ce qui provoque la colère du federale. Comment ne pourrait-elle pas aimer le Duce dont on entend la voix chaque jour : sur les photographies qui tapissent les murs de l’école, il a l’air si gentil qu’on dirait Jésus ; et cet autre bon apôtre, c’est son ami le Fürher qui lui serre la main. Lors de l’inspection du hiérarque, les écolières ont été déguisées pêle-mêle certaines en Cérès (pour symboliser la bataille du blé), d’autres en Madone entourée d’un chœur d’anges un lys à la main et une couronne de fleurs sur la tête, sans oublier les piccole italiane en uniforme, afin que la rhétorique de la nouvelle Rome, le paganisme et la mythologie chrétienne soient au service du patriotisme de régime : toutes font le salut au Duce en chantant l’hymne fasciste. Impressionnée par ces mises en scène, la petite juive vit le catholicisme du catéchisme aussi bien que le fascisme des discours comme un spectacle rituel qui alimente ses jeux dramatiques : après la leçon sur le péché originel, elle joue à Adam et Ève. En nous faisant mesurer tous les ravages que la propagande peut exercer sur une âme naïve, Mazzetti dénonce la manière dont la dictature a infantilisé les foules avec la complicité de certains prêtres. Prévenu par la maîtresse d’école que l’oncle de Penny est un mécréant juif, le prêtre terrorise la fillette en décrivant l’enfer auquel est promis son parent comme dans les plus naïves peintures médiévales. Celle-ci s’impose alors des pénitences féroces, comme de traverser plusieurs fois nu-pieds un champ de chardons, pour sauver l’àme de son oncle. Conditionnée par ce climat hystérique, elle voit dans les animaux des apparitions surnaturelles : la Vierge apparaît sous la forme d’un lièvre blanc, l’Esprit Saint est ce moineau pourchassé par le diable-coq. Mazzetti a ainsi dénoncé la perversion antisémite d’un certain catholicisme allié au fascisme en nous montrant de l’intérieur la vulnérabilité d’une sensibilité enfantine. Mais il y a des limites à la crédulité et Penny aura du mal à croire que son oncle puisse être tenu pour responsable de la mort de Jésus.
66Dans le second après-guerre et surtout à partir des années soixante, des écrivains ont ainsi secoué le joug de la culture catholique dominante en dénonçant ce que pouvaient cacher le culte de la Vierge à l’enfant ou le mythe de la Nativité : une société affairiste qui fait bon marché des enfants. Il n’en reste pas moins que, dans les représentations les plus contestataires, l’enfant, même manipulé, exprime encore le besoin d’amour et l’exigence de justice du Fils.
Notes de bas de page
1 Émission de l’ORTF du 25 octobre 1971 consacrée à la place de l’enfant dans la société.
2 Philippe Ariès, L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, p. 23-41, chap. « La découverte de l’enfance ». La fréquence avec laquelle Dante dans La Divine Comédie se compare à un enfant montre qu’il est déjà traité affectueusement.
3 Giuseppe Saitta, Disegno storico della educazione, Bologne, Cappelli, 1923, p. 88.
4 Gilbert Bosetti, Le Mythe de l’enfance dans le roman italien contemporain, Grenoble, ELLUG, 1987, p. 41-45.
5 Heinrich Nunberg, Principes de psychanalyse, Paris, PUF, 1957, p. 155.
6 Daria Maraini, E tu chi eri ?, p. 28.
7 Alfredo Panzini, La Madonna di Mamà. Romanzo del tempo della guerra, Milan, Treves, 1916, p. 318.
8 La maternisation de Dieu et la dévotion à Jésus notre mère ont été repérées dans la mystique catholique occidentale par Jacques Maître, Mystique et féminité. Essai de psychanalyse historique, Paris, Cerf, 1997, 482 pages.
9 Dans Domenica al mare d’Orio Vergani, l’enfant reproche semblablement à son père sa faiblesse à l’égard de sa femme frivole.
10 « Toute l’histoire de la Vierge mère et de l’immaculée Conception est complexuellement neigeuse » : Gilbert Durand, « Psychanalyse de la neige », Le Mercure de France, août 1953. Que l’on se rappelle ces globes de verre que l’on agite et à l’intérieur desquels une pluie de neige auréole la Madone.
11 De l’hébreu « pesah » qui veut dire passage.
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L’enfant-dieu et le poète
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