De l’Institution scolaire à l’écrivain et retour
p. 201-218
Texte intégral
1Que doit la littérature à l’École ? Question ambitieuse et singulière. À qui veut savoir en quoi consiste cette dette, pour tenter de comprendre le rôle que joue l’École dans la construction de la littérature, on peut, parmi les diverses manières d’examiner les relations entre l’Institution scolaire et la littérature, choisir le biais de la formation scolaire des écrivains. Un essai de réponse à la question est à l’origine d’une enquête collective. Cette enquête s’inscrit dans le programme « L’écrivain, l’institution scolaire et la littérature » du Labex Obvil, observatoire de la vie littéraire, de Sorbonne université1, qui se donnait pour but d’étudier les effets de la formation scolaire sur les pratiques des écrivains, sur leurs représentations de la littérature et de la langue.
Les enjeux de cette enquête
2Les travaux sur l’Institution scolaire analysent la réception par l’École de la littérature, qui serait constituée en dehors d’elle, produite dans un ailleurs mystérieux, et laissent parfois de côté les conditions de production. L’École, néanmoins, n’est pas seulement une instance de légitimation ou de sélection. Dans les théories de la réception, le processus est conçu comme réciproque : entre destinataire et destinateur (qu’il soit individuel, l’écrivain, ou collectif), il y a échanges et repositionnements ; le lecteur, par ses attentes en partie créées par l’École, influe sur la production littéraire. Il s’agissait dans ce projet de travailler également sur l’autre pan de la réception, sur « l’effet retour »2 et voir comment l’École est une matrice de situations, de formes, de normes grammaticales et stylistiques. Cette question avait déjà été examinée par Renée Balibar3, par Nelly Wolf4, par Jean-François Massol5. Ces analyses pionnières sont connues ; la formation scolaire des écrivains reste toutefois encore assez négligée dans les études monographiques et biographiques des écrivains, alors que milieu familial, lectures privées, rencontres amicales ou professionnelles sont analysés.
3Plusieurs raisons à cette minoration. D’abord la conception de la « création », de l’écriture venue du début du xixe siècle et du romantisme qui voit en l’écrivain un être pourvu d’un don, isolé dans sa tour d’ivoire. Quoi de plus singulier que le style ou que l’écriture, affirme-t-on parfois. Cette conception innéiste ou essentialiste, largement dominante encore au xxe siècle, perdure. La différence, ensuite, peut-être radicale ou perçue comme telle, entre une institution de l’ordre du collectif et un individu qui affirme ou dont on affirme la singularité. On peut se référer à ce propos aux travaux de Nathalie Heinich6 et de Gisèle Sapiro7 qui ont travaillé l’une et l’autre sur la « vocation », cet « appel » si particulier.
4Les écrivains8 enfin, sont les premiers à clamer leur rejet, voire leur haine de l’École. Louis Guilloux (ou d’autres écrivains d’origine populaire, Poulaille par exemple) se méfie des apprentissages scolaires et affirme un refus de l’acculturation du peuple à l’écrit. Nelly Wolff met néanmoins en évidence l’effet des exercices scolaires sur la vocation et sur la langue de Louis Guilloux9. On connaît des pages vibrantes de Hugo contre l’école et la rhétorique ; sa dette à l’égard de la rhétorique et le latin a pourtant été mise en évidence par Romain Vignest qui montre à quel point le latin, véritable seconde langue, l’amène à un tel dialogue avec les Anciens10 que la poésie latine semble un véritable « atelier de création du poète ». Et des pages véhémentes de Jules Vallès ! Sa dette à l’égard du latin et de la rhétorique a été éclairée par les travaux de Corinne Saminadayar-Perrin11. Ce rejet d’une école élitiste, aux pratiques violentes, affiché par les écrivains, nourrit leur désir d’affirmer une originalité. L’affirmation d’une autodidaxie est en effet un motif récurrent chez les écrivains, vrai topos. « Je n’ai jamais appris à écrire », ce titre d’un essai d’Aragon est repris par Gisèle Sapiro qui voit dans l’École « non seulement un des lieux d’inculcation de la croyance littéraire, mais aussi un des principaux lieux d’apprentissage de l’écriture12 ».
5Cette fracture apparente entre un individu, l’écrivain, et une institution collective, l’École, inscrite dans l’espace social, n’est en rien irréductible. La littérature, acte social, est, elle aussi, inscrite dans l’espace social. Lanson avait ébauché, dans une conférence à l’École des hautes études sociales en 1904, une analyse de ces échanges entre individu et collectif : « Il est impossible en effet de méconnaître que toute œuvre littéraire est un phénomène social. C’est un acte individuel, mais un acte social de l’individu13 ».
6Notre objectif revenait à inverser la perspective, fréquente dans les études de la réception scolaire, en inscrivant la genèse de l’œuvre dans l’espace social et en cherchant dans la littérature des traces de l’école, comme lien matriciel, à l’origine de fictions, de genres, de styles comme le montrent les travaux de Gilles Philippe sur la langue littéraire14. Selon André Chervel15, « notre littérature du xixe siècle est foncièrement une littérature d’anciens élèves de rhétorique16 ». S’interroger sur le rôle que l’enseignement du français, reçu par ces écrivains dans les collèges et les lycées, a pu jouer sur l’évolution de la langue littéraire est une entreprise légitime. Nous avons cherché à articuler une étude sur des schémas langagiers, des modèles stylistiques, et une approche sociologique. Ce projet, proche de la sociostylistique, voulait unir deux approches données comme clivées, l’une formelle, littéraire des textes littéraires, l’autre sociologique, historique, des textes.
Pourquoi des écrivains du xixe siècle ?
7Le xixe siècle offrait un champ d’étude particulièrement riche pour notre enquête, pour deux raisons principalement. Les écrivains reconnus sont en majorité passés par le secondaire jusqu’au baccalauréat, comme l’a montré André Chervel17 : peu n’ont connu que le primaire, très peu sont autodidactes. L’enseignement secondaire ensuite, à cette époque, est centré sur la production de textes par le biais de la traduction et de la rhétorique, c’est-à-dire l’apprentissage du discours. Françoise Douay-Soublin a exploré les enjeux de la rhétorique au xixe siècle et sa survivance, parfois quelque peu dévoyée, à la fin du siècle. Apprendre à écrire, tel est bien le but premier de cet enseignement secondaire, sous l’ère rhétorique avant le changement de paradigme, dont on voit le début à la fin du xixe siècle, vers la lecture et le commentaire18.
8Apprendre à écrire – tout le contraire de l’autodidaxie – pourrait à juste titre être envisagé pour l’écrivain comme une formation professionnelle ; Gérard Genette l’a fait dans un article décisif sur la rhétorique en 1966 :
Ce statut ambigu de l’enseignement classique permettait donc, chez les plus doués, un passage insensible des derniers exercices scolaires aux premières œuvres : c’est ainsi que les Œuvres de jeunesse de Flaubert comprennent six « narrations » (cinq contes ou nouvelles historiques et un portrait de Byron) qui sont des devoirs composés en quatrième (1835-1836). Pour un adolescent de cette époque, « se lancer dans la littérature » n’était donc pas, comme aujourd’hui, une aventure et une rupture : c’était le prolongement – on dirait volontiers l’aboutissement normal d’un cycle d’études bien conduites, comme le montre l’exemple de Hugo, couronné à quinze ans par l’Académie, et chez qui l’enfant sublime ne fait qu’un avec le bon élève19.
Comment apprend-on à écrire dans l’École du xixe siècle ?
9Reposant sur l’imitation d’extraits de textes littéraires, de formules apprises, cet enseignement est essentiellement fondé sur la répétition et la mémorisation. Autant dire que la rhétorique ne vise pas une formation à une écriture personnelle. C’est un moule, une norme, un canon (au sens d’un ensemble de normes). Les critiques à son adresse n’ont pas manqué pour cette raison, et cela dès le début du xixe siècle. En raison de cet ensemble de prescriptions strictes, les écrivains, qui l’ont connue et en ont été imprégnés, ont rejeté la rhétorique, et l’École avec elle. Ce rejet pouvant prendre la forme d’une rupture nette, ou en manière de détournement, un simple pas de côté, ou un jeu, un pastiche : Paul Aron, dans Histoire du pastiche20, qualifie le xixe de siècle du pastiche généralisé et rappelle les exercices d’imitation auxquels se livre une génération de futurs écrivains, en prenant pour exemple le lycée Condorcet.
10À partir d’un substrat commun, néanmoins, d’une instruction identique ou proche, Proust, Gide ou Giono ont produit des œuvres qui leur sont propres et ont une écriture spécifique : il fallait donc éviter, par prudence, des correspondances ou des influences directes, un causalisme simpliste, voire un déterminisme, mais mettre plutôt en évidence des analogies, des échos, des résonnances.
11Si faire une analyse sociologique des œuvres littéraires implique d’étudier leurs conditions de production et de réception, cela implique également de s’interroger sur les modèles littéraires disponibles dans une période considérée, sur ce que P. Bourdieu appelle « l’espace des possibles21 » et, selon I. Even-Zohar, sur le « répertoire » de modèles (options linguistiques, stylistiques, thématiques). L’École est un des lieux qui définit, structure cet espace des possibles. Elle a un rôle actif parce qu’elle modifie la culture générale qui l’environne (par sa sélection, par la formation du lecteur…) et parce qu’elle contribue à former ceux qui la produisent, les écrivains en particulier : c’est aussi en ce sens qu’on peut parler de culture scolaire22.
Un mot sur le déroulement
12Le recueil d’informations sur le cursus scolaire d’écrivains, mené au préalable dans les lycées et dans les archives départementales concernés, a permis de préciser le contexte scolaire (type d’établissement, professeurs, manuels utilisés, etc.) dans lequel ces écrivains ont évolué et d’affiner la sélection des manuels. Les catalogues des bibliothèques de grands lycées (Lakanal et Louis-le-Grand) et de l’École alsacienne, conservés dans les archives départementales, ont permis de déterminer quelles ont été les œuvres achetées, empruntées et de dresser ainsi une cartographie des auteurs et des œuvres. Ont été également recherchées des productions d’élèves, copies et cahiers.
13Le labex Obvil, laboratoire d’humanités numériques, offrait des aides multiples à un projet tel que « L’écrivain, l’institution scolaire et la littérature » qui incluait l’étude du canon littéraire promu par l’institution scolaire ainsi que celle des pratiques scolaires d’écriture, comme les sujets donnés au baccalauréat, qui impliquait également la recherche des modèles scolaires, auteurs, œuvres ou extraits de textes, proposés aux futurs écrivains du xixe siècle. L’Obvil permettait de mener des analyses quantitatives à partir de corpus assez volumineux23.
14À cette fin ont été utilisées trois ressources des humanités numériques : la numérisation, l’exploitation quantitative de données avec élaboration de visuels ainsi que la fouille textuelle pour relever des patrons stylistiques. La bibliothèque du projet (sa base de données) est constituée de manuels. Le manuel est un objet problématique, « fausse évidence24 » si on l’analyse en dehors de tout contexte historique et de l’institution scolaire. On ne sait comment il était utilisé, il ne permet donc pas d’avoir une connaissance réelle des pratiques ; même s’il n’est pas directement la voix de l’institution, il contribue en revanche à répandre ou à construire le discours doxique. C’est à ce titre que nous l’avons convoqué25.
15Trois ouvrages ont été publiés, tirés de ce travail collectif, et pour cette présentation il a fallu faire des choix, délicats donc, toute sélection étant contestable.
Le modèle scolaire : la doxa
16Pour décrire le discours doxique dans le domaine de l’écriture, on devait analyser le cadre général construit dans l’enseignement secondaire par le biais d’ouvrages scolaires, d’examens : auteurs, formes de textes donnés en modèles, normes grammaticales, normes stylistiques. Cette formation, de plus, était essentiellement en latin. L’émergence du français a été le fruit de luttes âpres et de compromis, puisque l’École a toujours été un enjeu politique. Difficulté supplémentaire puisqu’il fallait tenir compte de cette omniprésence du latin et de ses exercices.
17Nous avons travaillé sur les exercices pratiqués. Pour le latin, la version, la traduction, l’amplification, les progymnasmata26, le vers latin et la composition latine. La version est aussi un exercice de français27, un des rares exercices où les élèves ont à écrire en français pendant le secondaire jusqu’à la classe de seconde, à partir de laquelle seulement on commence à écrire en français, des narrations essentiellement. Pour le français, l’amplification (deux amplifications de Proust) et la composition française.
18La traduction, la restitution, l’amplification sont des manières d’écrire dans lesquelles le lycéen est guidé, tenu par le texte d’un autre, texte d’écrivain pour la traduction et la restitution, texte de la matière pour l’amplification. L’amplification, procédé très présent dans les sujets de baccalauréat, dans le corpus français et latin, consiste à donner un canevas ou « matière », que l’élève s’efforce de suivre28. La matière, parfois de plus de 20 lignes, conduit l’élève à produire des discours, des lettres, des narrations ou des dissertations dans différents domaines, ceux de la littérature, de l’histoire ou de la morale. La tâche d’écriture est très précise. Outre la situation, les « circonstances » et les personnages, la matière, plus ou moins longue, fournit, en une sorte de résumé, les diverses séquences organisées linéairement, souvent numérotées. Tonalités, registres peuvent être indiqués.
La composition latine et la composition française
19Les sujets de baccalauréat dont certains aspects ont déjà été analysés29 constituent un terrain d’observation privilégié pour appréhender la nature des pratiques d’écriture dans le secondaire : les enseignants y préparent leurs élèves et les manuels proposent maints exercices donnés au baccalauréat. Les compositions latine et française données de 1853 à 185730 au baccalauréat ont été comparées31 afin d’établir, au-delà des différences et des similitudes, la filiation avec les exercices de rhétorique antique. Les qualités exigées dans ces compositions en ressortent également : connaissances étendues et variées, et grande labilité dans la posture énonciative et dans l’expression.
20La composition latine est de nouveau la seule composition donnée au baccalauréat de 1857 à 1879, après la fin de la parenthèse Fortoul. Sa finalité principale32, la construction d’un ethos, irrigue l’ensemble. L’inventio occupe une place minime dans ce travail d’écriture (l’essentiel est donné par la « matière »), l’elocutio, en revanche, se trouve valorisée, y compris par la recherche et l’emploi des stéréotypes de style. On a assisté depuis à une inversion des priorités : aujourd’hui, il semble que dans l’apprentissage, l’inventio prime sur l’elocutio.
21La gymnastique intellectuelle que requiert ce jeu d’écriture avec les formes et les genres cultive la capacité à choisir entre des possibilités de genres, de tonalités. Cette labilité permet d’acquérir des réflexes d’écriture. Se mettre à la place d’un autre (en variant la posture énonciative et en anticipant les réactions d’un lectorat), s’exercer à la narration, en insérant des descriptions ou des dialogues, en déplaçant les points de vue. Toutes compétences qu’un écrivain a besoin de maîtriser pour écrire et qui contribuent à faire du secondaire une école de la fiction, puisque s’y construisent des schèmes de pensée et l’ensemble des techniques d’écriture. Mais il ne s’agit pas d’acquérir une écriture personnelle. L’enjeu principal n’est pas non plus d’écrire « à la manière de » : l’impératif de crédibilité et d’appropriation n’apparaît pas primordial dans la composition du xixe siècle.
22Dans le corpus des sujets de composition française de 1857 à 1879, puis de 1880 à 1900, pour définir le rôle attribué aux auteurs, aux modèles littéraires dans cet apprentissage du « bien écrire », la notion de modèle a été interrogée par le prisme des auteurs33.
23Deux groupes ont été distingués : celui des auteurs sur lesquels portent les sujets34 et celui des auteurs dont les propos, cités ou paraphrasés, constituent le libellé du sujet35. Les auteurs de ce second ensemble, que nous avons appelés « autorités », réservoirs de jugements esthétiques, d’adages moraux principalement36, forment un groupe partiellement différent du premier. Par leurs opinions, ils contribuent à la formation du goût, à l’inculcation de modèles et à la construction d’un ethos.
24Le corpus d’auteurs est très réduit et la moitié des sujets comprenant un nom d’auteur (890 sujets) porte sur cinq auteurs seulement : Racine, Corneille, Molière, La Fontaine, Boileau. Dans le corpus des « autorités » la présence du xviie siècle est toujours dominante : Boileau, La Bruyère, La Fontaine, Fénelon sont les quatre auteurs le plus fréquemment convoqués mais Sainte-Beuve fait son apparition. Ce sont leurs jugements esthétiques ou moraux qui sont objet de commentaires dans les sujets appelés « théoriques » ou dissertations.
25L’écriture dite littéraire renvoie aux exercices pratiqués lors de la période rhétorique. Elle perdure après 1880, alors que la dissertation littéraire occupe la première place. La référence à un auteur fournit un cadre général, une situation, des personnages ; l’ensemble est explicité et condensé dans le libellé du sujet avec la « matière » donnée à amplifier37. Les situations évoquées vont d’épisodes biographiques (maladie, demande de pension, etc.) à des évocations de débats littéraires ou moraux.
Bossuet raconte à son père, dans une lettre, la rentrée de Richelieu à Paris après l’exécution de Cinq-Mars38.
Lettre de Voltaire à un de ses amis – Il explique pourquoi il a consacré ses soins à la composition d’ouvrages historiques : 1° Il fera rapidement le portrait des principaux historiens français qui l’ont devancé et surtout des hommes les plus illustres qui se sont occupés d’écrire l’histoire ; 2° Voltaire n’a pas cru, malgré le talent de ses prédécesseurs, dont plusieurs, comme Bossuet et Montesquieu, ont été des hommes éminents, qu’il ne reste rien à faire, et il ose espérer que ses efforts n’auront pas été tout à fait inutiles au progrès de l’histoire39.
26Ces différentes indications sont déclinées en fonction des types de textes demandés (narrations, discours, lettres) : ces sujets impliquent souvent que le lycéen se mette à la place d’un écrivain et impliquent connaissances de l’histoire littéraire et de l’auteur.
27Les manuels de rhétorique, recueils de sujets souvent suivis de développements et de copies d’élèves, ont pour but l’apprentissage de l’écriture : ils diffusent des savoirs sur ce que doit être le style et l’art d’écrire et valorisent la littérature classique.
28Clarté, pureté40, harmonie, telles sont les qualités générales du style, reprises de manuels en manuels illustrées d’exemples d’harmonie ou de pureté tirés d’extraits d’auteurs : Buffon – « ce grand maître en l’art d’écrire, nous en [d’harmonie] offre à chaque page des modèles » – ou Racine – « Si Chapelain est oublié, si Racine se fait toujours lire, c’est que l’un repousse par son style rocailleux, et que l’autre attire par une harmonie toujours soutenue41. »
29Tenue pour la principale qualité du style, la clarté est l’objet de louanges au point qu’on en fait une caractéristique nationale. Définissant l’identité française, en relation filiale avec la clarté des littératures antiques, la clarté s’oppose à l’obscurité allemande.
30Ces manuels en transmettant un savoir sur les lettres inculquent valeurs et « bon goût ». L’erreur de style ou de composition est assimilée à la faute de goût ; toute variation ou écart est une tache. Des stéréotypes concernant les auteurs — leur biographie comme leurs œuvres — se construisent ; se constituent alors de véritables mythes, des récits fictionnels qui perdurent, tant leur cohérence est forte.
31L’École par la sélection des auteurs, les liens qu’elle établit entre eux, par ses commentaires, édifie un bon usage de la littérature : matrice d’artefacts et de stéréotypes.
Acquisition des formes scolaires
32Apprendre à écrire implique aussi la maîtrise de types ou de formes de textes. Par le biais des manuels, l’École construit son discours sur les formes, selon des critères idéologiques et moraux, en fonction des évolutions des exercices qu’elle fait pratiquer. Le portrait et la satire ont été choisis comme exemples, fort différents dans leur traitement.
33Le portrait est un objet particulièrement important dans l’enseignement, par la fréquence de sa présence dans les manuels de tous ordres (morceaux choisis et manuels d’apprentissage de l’écriture) et par le rôle essentiel joué dans des textes littéraires variés. Sa place a été analysée dans les différentes rééditions au cours du siècle du manuel de Noël et Delaplace42. Dans le discours scolaire du xixe siècle, il est corrélé aux catégories de la description et de l’hypotypose ainsi qu’à celles du parallèle et du caractère. Le portrait « littéraire » reste aux marges de l’enseignement de la rhétorique qui lui préfère le portrait historique et le caractère. Vers 1890, les portraits dans les manuels sont encore tirés de textes de mémorialistes et d’historiens ; par leur origine épidictique ils sont plus conformes aux visées morales de l’enseignement. Le privilège accordé à l’individu sur le type entraîne un autre glissement dans les modèles de portraits : on privilégie le réalisme et le goût du détail « vrai » en proposant comme modèles des portraits d’individus extraits de romans. Il n’y a donc pas un modèle, mais bien des modèles scolaires du portrait, qui se sont intriqués plutôt que succédé43. Il faut noter aussi qu’autour du portrait s’opposent deux conceptions de l’écriture et deux usages scolaires de la littérature. La comparaison avec l’enseignement primaire, école du peuple, est particulièrement éclairante. Au lycée, les « grands auteurs » ; à l’école primaire, des auteurs plus contemporains mais simplifiés, remaniés et des exercices de rédaction ancrés dans l’expérience vécue pour lesquels les écrivains sont moins des modèles littéraires que des pourvoyeurs de ressources langagières. Si, vers 1920, les manuels du primaire supérieur proposent encore des exercices de rédaction en relation avec des portraits littéraires de Lamartine et de Balzac, dans les années 1940-1950, le portrait disparaît définitivement comme exercice d’écriture séparé44.
34A l’inverse de celui du portrait, le corpus satirique est fort mince, peu présent dans les sujets de baccalauréat, et encore moins sous la forme d’un exercice d’écriture. Sa marginalité permet néanmoins de mieux comprendre les attentes de l’institution et ses choix idéologiques. Le genre pose un problème majeur à l’institution. Admise lorsqu’elle sert un projet d’édification et condamnée lorsqu’elle s’en éloigne pour critiquer les puissants, la satire est le seul genre soustrait à l’impératif scolaire d’imitation des modèles. La méfiance est d’abord répandue vis-à-vis de ce discours qui prétend corriger de façon polémique, surtout tant que les textes lus en classe ont statut de modèle de composition. La satire est progressivement réévaluée, sur plusieurs plans : stylistiquement, elle présente des qualités de condensation et fournit des illustrations de style « français » ; dans une perspective d’histoire littéraire, elle constitue un espace intéressant d’observation des mœurs des écrivains. Enfin, de Nisard à Lanson, la satire se voit inscrite dans la tradition de « l’esprit de critique railleuse » caractéristique de « l’esprit français » et se voit réinscrite dans une histoire au long cours de l’esprit gaulois45.
35L’analyse d’un texte de Marcel Proust, écrit en 1887 sans doute pour un journal lycéen, complète cette réflexion sur la satire46 en donnant à voir à la fois le travail du futur écrivain et la manière dont il dépasse l’histoire littéraire scolaire. Le texte du jeune lycéen intègre la culture scolaire, par l’évocation d’« auteurs de manuels » et de morceaux choisis, et reconfigure l’histoire scolaire du genre. Omettant la satire de l’époque classique, il approfondit deux moments que l’École efface ou relègue à l’arrière-plan, le Moyen Âge et « la littérature d’aujourd’hui ». C’est un récit de la naissance de l’écrivain que l’élève rhétoricien inscrit dans le filigrane de son histoire. Il y projette sa propre entrée en littérature par la critique littéraire.
Normes grammaticales et modèles esthétiques
36L’École est également le lieu des apprentissages linguistiques : en même temps que des modèles esthétiques, elle inculque des normes grammaticales. La phrase47 et l’épithète paraissent des notions essentielles dans l’apprentissage de l’écriture.
37La phrase, comme notion observable et production écrite, correspond à des réalités et à des définitions plurielles en classe dans la seconde moitié du xixe siècle. Cette pluralité se remarque dans les acceptions encore en jeu pour des élèves quittant le lycée en 1910. En primaire ou en cours élémentaire, il s’agit d’en enseigner un modèle analysable donnant lieu à une composition guidée et mesurée. Pour les élèves de lycée, entraînés au latin, la phrase est aussi une unité pédagogique, un découpage du texte pourvu d’une unité sémantique – ce qui explique la perpétuation de la concurrence phrase-proposition, phrase conservant en outre son acception de « tour » dans une stylistique comparée à usage scolaire. La différence entre approche logique et grammaticale n’est pas unanimement résolue, même si l’on considère la phrase comme l’intégrant des propositions. Au lycée, en français, le flottement entre proposition, phrase et période s’observe encore, mais la phrase s’offre comme un cadre non marqué d’intégration, tandis que l’on promeut une nouvelle écriture de phrase conforme à la norme de clarté. D’où cette stratification en plusieurs âges de la phrase et des phrases à l’école.
38La catégorie de l’épithète de nature est, dans le premier théâtre de Claudel, une trace de la formation classique de l’écrivain48. Elle est aussi, en tant que lieu du figement et de la redondance, une infraction aux normes de la belle langue de l’école. Prenant à rebours une longue tradition de disqualification, Claudel se réapproprie cette forme selon deux principales modalités : la valorisation de la saturation sémantique qui définit cette forme, et la réécriture de patrons antiques notoires pour faire éclore des représentations nouvelles.
39À maintes reprises, ont été évoquées les notions proches de stéréotype et de cliché, au cœur de l’enseignement rhétorique et piliers de l’apprentissage de l’écriture. Au tournant du xixe et du xxe siècle, Remy de Gourmont développe une réflexion sur le cliché. Par le rôle central qu’elle accorde à la citation et à la mémorisation, l’École est un vecteur majeur de la stéréotypie : elle « développe particulièrement le goût de la phrase toute faite », propos qu’il illustre d’une analyse des clichés dans Les Aventures de Télémaque. S’appuyant sur les sciences humaines contemporaines (la théorie de l’amnésie de Ribot et « les lois de l’imitation » de Tarde), il redéfinit ces deux ressources majeures des apprentissages rhétoriques que sont la mémorisation et l’imitation49.
40La description du cadre général de l’apprentissage ne saurait suffire : des différences de tous ordres, entre lycées et collèges, entre les lycées y compris, entre Paris et la Province, entre hommes et femmes, ont rendu indispensables des études de cas. Elles permettent de confirmer, d’infirmer, ou simplement de nuancer les analyses précédemment mentionnées, par l’évocation des relations d’écrivains avec l’école.
De quelques études de cas : des appropriations singulières d’un cadre général commun
41Nous avons retracé l’entrée en littérature de plusieurs écrivains, de générations différentes, de Sainte-Beuve à Marcel Pagnol, à Nizan en passant par Perec, en prenant garde à ne pas établir de liens de causalités ou schémas explicatifs réducteurs, pour rapporter les premières expériences littéraires, aussi bien les premiers contacts scolaires avec la littérature que les premiers écrits d’écrivains. Autant de témoignages divers, parcours et formations scolaires, positions critiques et textes d’écrivains, autant d’esquisses, autant d’échos aux analyses précédentes. Seuls quelques exemples seront présentés.
André Suarès : l’élève brillant et le refus silencieux de l’École
42L’étude qu’Antoine de Rosny50 a consacrée à André Suarès retrace sa formation, depuis les rudiments reçus à domicile par des précepteurs humanistes jusqu’à son entrée à la rue d’Ulm. De brillantes prédispositions associées à un grand arrivisme intellectuel favorisent les succès du jeune Marseillais, familier des premiers prix, lauréat au Concours général et jeune admis à l’École normale supérieure.
43Suarès sera pourtant, toute sa vie, bien silencieux sur sa formation scolaire. On peut voir néanmoins trois directions : l’influence du latin dans les premiers textes dramatiques de l’auteur ; puis dans ses textes polémiques (querelle universitaire autour de la Nouvelle Sorbonne et textes de guerre) ; enfin, dans ses textes critiques (portraits d’auteurs latins notamment). Le fil conducteur de l’étude a consisté à apprécier la façon dont Suarès a intégré à son activité d’écrivain cet aspect des humanités qu’il a suivies jusqu’à la rue d’Ulm, et auxquelles il rend si peu hommage, lui qui fit de l’art et de la création, après son échec à l’agrégation, les grands ennemis des lieux et des figures du savoir.
Marie Noël, une femme écrivaine ou la posture du déni
44Marie Noël (1883-1967) est une écrivaine « scolaire », omniprésente dans les anthologies et manuels scolaires (mais surtout primaires) qui reprennent volontiers sa poésie très « simple », dit-on. Dans ces textes, l’attention aux gestes et aux objets du quotidien participe à la posture que la poète façonne tout au long de sa carrière d’écrivain et qui consiste à se défendre de posséder une quelconque culture intellectuelle, déniant son statut de lettrée et d’écrivaine ; fonction vécue comme inadmissible pour une femme catholique dans son milieu. Fort éloignée du monde littéraire, son écriture est par ailleurs profondément marquée par les canons stylistiques et citationnels prodigués par l’enseignement secondaire public féminin français ainsi que par les hommes de son entourage, très impliqués dans l’institution scolaire républicaine. Cécile Vanderpelen, en mettant en regard les prescriptions de l’institution scolaire et les œuvres de Marie Noël, a mis au jour l’histoire fort peu connue de l’apprentissage de la littérature pour les filles qui fréquentèrent l’école publique en France au xixe siècle51.
Marcel Pagnol et l’École : la construction d’un ethos par le récit nostalgique des souvenirs du temps de l’École
45Marcel Pagnol entretient une triple relation à l’institution scolaire : élève sous la IIIe République, fils d’instituteur, il fut lui-même professeur au début de sa carrière. En adoptant une approche biographique pour retracer son parcours scolaire, en étudiant la narration qu’il en livre dans ses Souvenirs d’enfance ainsi que l’influence des apprentissages scolaires sur ses premiers écrits, Hélène Rivière a montré en quoi l’institution scolaire a une valeur doublement formatrice pour l’écrivain. Lieu de sa formation intellectuelle, elle représente aussi le socle sur lequel s’opère la formation d’un ethos de conteur revenant avec nostalgie sur ses apprentissages.
Un écrivain face à l’ordre scolaire : Paul Nizan. La critique de l’École dans les années 1920 et 1930 comme moteur de fiction52, selon Jérémie Dubois
46L’écrivain Paul Nizan développe durant les années 1920 et 1930 une critique multiforme de l’institution scolaire. Appartenant à une génération d’écrivains possédant des attributs de l’excellence scolaire — il entre à l’École normale supérieure en 1924, en même temps que Jean-Paul Sartre — Paul Nizan va placer au cœur de son premier roman, Antoine Bloyé (1933), une analyse du fonctionnement de l’école et du rôle social de ce qu’il appelle alors « les mots de passe des Humanités ». La critique de l’école par Nizan relève aussi d’une expérience personnelle du travail au sein de l’institution scolaire. Agrégé de philosophie, il enseigne en 1931-1932 comme professeur au lycée de Bourg-en-Bresse. Menacé d’être déplacé en raison de ses engagements communistes, Nizan demande sa mise en congé de l’Éducation nationale en automne 1932. Dans les articles qu’il publie dans des revues, comme Regards sur le monde du travail, ainsi que dans ses romans et pamphlets, sa réflexion sur sa propre formation comme son questionnement sur l’ordre scolaire ont contribué à nourrir son travail d’écriture, en particulier dans Le cheval de Troie.
Proust : la dette scolaire de l’auteur emblématique de la « création pure »
47Je ferai enfin un sort particulier à l’ouvrage d’Emmanuelle Kaës53 sur Proust : Proust et l’école, qu’elle a publié chez Droz en février 2020. Le projet de cet ouvrage, tel qu’il est défini dans l’introduction, est « de réévaluer la place de l’École dans l’œuvre de Proust ». Outre l’ampleur et la qualité de ce travail, son intérêt réside précisément dans le fait qu’il porte sur Proust. Non pas seulement parce qu’il s’agit d’un « grand » auteur, légitimé par l’école entre autres institutions, mais parce que Proust a écrit le Contre Sainte-Beuve qui refuse l’analyse biographique et revendique originalité et singularité. Proust est, dans la vulgate critique proustienne, le représentant « emblématique » d’une conception de la littérature comme « création pure », coupée de toute extériorité historique et sociale.
48Cette étude de cas s’est attachée à la trajectoire scolaire de Proust, auteur trop souvent présenté comme soustrait à l’influence de l’École : son absentéisme ainsi que la transmission familiale de la culture littéraire auraient marginalisé le rôle de sa formation scolaire. Immédiatement postérieures aux réformes de l’enseignement de la IIIe République, ses productions scolaires, de la quatrième à la classe de rhétorique (de 1882 à 1888), donnent à voir le passage des modèles rhétoriques de composition à l’émergence de nouvelles approches de la littérature.
49A été analysé un corpus de copies, conservées à la Bibliothèque nationale, dans le fond Proust : des exercices d’amplifications, une narration et un devoir de philosophie. L’analyse stylistique se conjugue alors avec une « démarche de contextualisation et d’historicisation », replaçant cette analyse des « gammes » du futur écrivain dans un histoire de l’enseignement et des réformes qui ont reconfiguré l’enseignement de la littérature à la fin du xixe siècle.
50J’ai présenté un chantier, terminé pour ma part, en souhaitant que, quelle que soit la qualité de nos travaux, ils puissent contribuer à donner une place plus grande à la formation scolaire des écrivains dans les études littéraires. L’enjeu de ce chantier nous semble essentiel : rendre à l’école ce que nous lui devons tous, y compris les écrivains et la littérature, en une forme d’hommage. Enjeu important puisque politique également.
Notes de bas de page
1Le projet, pluridisciplinaire, « L’écrivain, l’institution scolaire et la littérature. L’écrivain face aux modèles scolaires » est un projet du Labex Obvil de Sorbonne-Université. L’équipe était constituée de deux didacticiennes, N. Denizot et L. Perret, de spécialistes du style Romain Benini, Stéphanie Bertrand, Pauline Bruley et Emmanelle Kaës, d’historiens Jérémie Dubois, Cécile Vanderpelen et Mara di Donato, et de littéraires, Marianne Berissi et Romain Jalabert, qui a fait une thèse sur le vers latin, et d’une latiniste Marie Humeau.
2M. Jey et L. Perret (dir.), L’Idée de littérature dans l’enseignement, 2019.
3R. Balibar, Les Français fictifs, le rapport des styles littéraires au français national, 1974.
4N. Wolf, Le peuple dans le roman français, de Zola à Céline, 1990.
5J-F. Massol, De l’Institution scolaire de la littérature française (1870-1925), 2004.
6N. Heinich, Être écrivain, création et identité, 2000.
7G. Sapiro, « “Je n’ai jamais appris à écrire.” Les conditions de formation de la vocation d’écrivain », Actes de la Recherche en sciences sociales, 2007/3, p. 12-33.
8L’ambiguïté de la relation entre l’Écrivain et son école, faite de refus et de fascination a été le sujet de L’Écrivain et son école (xixe-xxe siècles). Je t’aime, moi non plus, 2017.
9N. Wolf, « Lire, écrire, conter : le refus de l’acculturation scolaire chez Louis Guilloux » dans L’écrivain et son école (xixe-xxe siècles), ouvr. cité, p. 49-60.
10R. Vignest, Victor Hugo et les poètes latins. Poésie et réécriture pendant l’exil, 2011.
11C. Saminadayar-Perrin, Jules Vallès, 2013.
12G. Sapiro, art. cité
13« L’histoire littéraire et la sociologie » : conférence faite à l’École des hautes Études sociales le 29 janvier 1904, publiée dans la Revue de Métaphysique et de Morale, XII (1904).
14G. Phillipe et J. Piat, La langue littéraire, 2009.
15A. Chervel, L’Idée de littérature dans l’enseignement, ouvr. cité, p. 269
16« Les six écrivains qui n’ont pas fait ou pas terminé leurs études classiques sont Léon Bloy, François Coppée, Sacha Guitry, Eugène Le Roy, Albert Samain et Villiers de l’Isle Adam », A. Chervel, ibid.
17A. Chervel, ouvr. cité, p. 269. Voir aussi G. Sapiro, art. cité.
18Sur la rhétorique, voir « La rhétorique en France au xixe siècle à travers ses pratiques et ses institutions : restauration, renaissance, remise en cause », F. Douay-Soublin, Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne (1450-1950), dans M. Fumaroli (dir.), 1999. Sur la critique de la rhétorique et l’analyse sociohistorique de son abandon et du changement de paradigme, voir M. Jey, La littérature au Lycée. Invention d’une discipline, Metz, 1998 et Clémence Cardon-Quint, Des lettres au français. Une discipline à l’heure de la démocratisation (1945-1981), 2015.
19G. Genette, « Enseignement et rhétorique au xxe siècle », 1966, p. 294.
20P. Aron, Histoire du pastiche, 2008.
21P. Bourdieu, Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire,1992.
22A. Chervel, La culture scolaire une approche historique, Belin, 1998 ; A. Chervel, « L’histoire des disciplines scolaires. Réflexions sur un domaine de recherche », Histoire de l’éducation, no 38 ; M. Jey, « La transmission des lettres : la culture scolaire », 1988 ; N. Denizot, La culture scolaire, 2021.
23La numérisation imposait de privilégier certains documents, comme les manuels et les sujets de baccalauréat au détriment de documents venus de la presse et des débats.
24A. Choppin, « Le manuel scolaire, une fausse évidence historique », Histoire de l’éducation, no 117, 2008, p. 7-56. Voir, A. Choppin (dir). Les Manuels scolaires en France de 1789 à nos jours, 1993-1995.
25Ont été numérisés des manuels (59 de 1807 à 1912), du secondaire surtout, de deux groupes principaux : des manuels de rhétorique et d’art d’écrire d’abord (de 1802 à 1892), publiés en majorité dans la première moitié du xixe siècle ; quinze manuels de morceaux choisis ensuite (de 1865 à 1912) dont le nombre se multiplie à partir de 1870, parallèlement au changement de paradigme de l’écriture vers la lecture. La bibliothèque de notre projet accorde une place plus importante aux manuels de rhétorique ou d’art d’écrire en raison de la finalité principale du projet : l’examen des pratiques d’écriture scolaires.
26M. Humeau, « “Composer à l’antique” les progymnasmata dans les sujets de baccalauréat (1853-1880) », dans M. Jey, P. Bruley, E. Kaës (dir.), L’écrivain et son école, 2017, p. 183-208.
27A. Chervel, « La formation des écrivains français par la version latine au xixe », L’Idée de littérature dans l’enseignement, ouvr. cité, p. 269-283.
28On trouve dans maints recueils de sujets des exemples d’amplifications pour que les lycéens s’exercent : ainsi celui de Nicolas-Auguste Dubois, Recueil de sujets, ouvr. cité,1853.
29M. Jey, Invention d’une discipline, 1998 ; A. Chervel, La composition française au xixe siècle, dans les principaux concours et examens, de l’agrégation au baccalauréat, 1999.
30De 1853 à 1857, pendant ce qu’on appelle la parenthèse Fortoul, composition latine et composition française coexistent. La composition française disparaît en 1857, sous la pression de l’inspection générale alliée aux ultras pour ne reparaître qu’en 1880.
31M. Jey et M. Humeau, dans M. Jey & E. Kaës (dir.) La part scolaire de l’écrivain : apprendre à écrire au xixe siècle, 2020, p. 35-52.
32M. Humeau, « Auteurs et modèles dans la composition latine au baccalauréat de lettres (1853-1880) », dans M. Jey & E. Kaës (dir), La part scolaire de l’écrivain, ouvr. cité p. 53-71.
33M. Jey, « Auteurs et autorités, Modèles et stéréotypes », dans La part scolaire de l’écrivain, ouvr. cité p. 73-94
34« Que faut-il penser des personnages d’Alceste et de Philinte, tels que Molière les a conçus dans Le Misanthrope ? », Clermont, 1882.
35« Boileau avait-il raison de dire que le merveilleux chrétien ne doit pas être employé ? Exposez les doctrines de Boileau et celles du xixe siècle », Lyon, 1883.
36La moralisation est un des objectifs principaux, que ce soit la morale chrétienne ou la morale républicaine.
37Les amplifications sont encore fréquentes après 1880.
38Aix, 1882. Ou encore : « Vous raconterez comment Sophocle, cité en justice par ses fils, récita devant ses juges des vers de l’Œdipe à Colonne, et fut absous », Paris, 1855.
39Bastia, 1882.
40« La pureté du style consiste à n'employer que les termes consacrés par l'autorité des grands écrivains. » F. de Caussade, Rhétorique et genres littéraires, 1881, p. 25.
41J.-A. Guyet, Précis de rhétorique en trente leçons, 1852, p. 49. Et aussi : « Si dans une description riche, vous placez un détail trivial, vous choquez l'harmonie. La première des fables de La Fontaine va nous servir d'exemple de la disposition régulière d'une narration. La cigale et la fourmi ».
42L. Perret, « Le genre scolaire du portrait xixe siècle à travers les Leçons de littérature et de morale de Noël et Delaplace », dans La part scolaire de l’écrivain, ouvr. cité, p. 101-121.
43N. Denizot, « Modèles scolaires du portrait dans l’enseignement secondaire xixe-xxe siècles », dans La part scolaire de l’écrivain, ouvr. cité, p. 123-143.
44A-M. Chartier, « Le portrait dans les écrits de l’école primaire (1880-1945) », ibid., p. 145-165.
45P. Bruley et R. Benini, « La satire au xixe siècle. Quels problèmes pour l’école », ibid., p. 167-190.
46E. Kaës, « L’histoire littéraire revisitée. ”La satire et l’esprit français” de Marcel Proust (1887-1888) », ibid. p. 191-210.
47P. Bruley, « La phrase en classe (1860-1910). Âges et décalages », ibid., p. 213-235.
48E. Kaës, « L’épithète de nature dans le premier théâtre de Claudel : normes scolaires et appropriation littéraire », L’écrivain et son école, ouvr. cité, p. 227-257.
49E. Kaës, « Le cliché selon Remy de Gourmont. De la rhétorique à la psychologie expérimentale », La part scolaire de l’écrivain, ouvr. cité, p. 237-257.
50A. de Rosny, « André Suarès à l’école », ibid., p. 341-359.
51C. Vanderpelen-Diagre, « Instruction d’une jeune fille pieuse à la fin du xixe siècle. Marie Noël. », ibid., p. 379-390.
52J. Dubois, « Un écrivain critique de l’ordre scolaire : Paul Nizan », dans L’écrivain et son école, ouvr. cité, p. 379-390.
53E. Kaës, Proust et l’école, 2020.
Auteur
Sorbonne Université, CELLF-UMR 8599
IdRef : 035446331
Martine Jey, professeure émérite, Sorbonne Université/INSPÉ de l’académie de Paris, s’intéresse à l’histoire de l’enseignement de la littérature, à la réception des œuvres littéraires dans l’institution scolaire, à la sociologie de la littérature. Elle a publié, en 2017, avec P. Bruley et E. Kaës, L’Écrivain et son école et, en 2019, avec L. Perret, L’idée de littérature dans l’enseignement. Elle a codirigé, avec Emmanuelle Kaës, La part scolaire de l’écrivain. Apprendre à écrire au XIXe siècle (2020).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Écrire dans l’enseignement supérieur
Des apports de la recherche aux outils pédagogiques
Françoise Boch et Catherine Frier (dir.)
2015
Le temps de l’écriture
Écritures de la variation, écritures de la réception
François Le Goff et Véronique Larrivé
2018
Itinéraires pédagogiques de l'alternance des langues
L'intercompréhension
Christian Degache et Sandra Garbarino (dir.)
2017
Ces lycéens en difficulté avec l’écriture et avec l’école
Marie-Cécile Guernier, Christine Barré-De Miniac, Catherine Brissaud et al.
2017
Le sujet lecteur-scripteur de l'école à l'université
Variété des dispositifs, diversité des élèves
Jean-François Massol (dir.)
2017
La lettre enseignée
Perspective historique et comparaison européenne
Nathalie Denizot et Christophe Ronveaux (dir.)
2019