Introduction de la deuxième partie
p. 85-86
Texte intégral
1Les postures sociohistoriques de l’écrivain comme professeur dont il s’est agi jusqu’ici sont apparues problématiques à bien des égards vis-à-vis de l’institution scolaire. Cela se traduit par une difficulté à se sentir pleinement à sa place, une distance critique certaine vis-à-vis des injonctions paradoxales de l’institution, un sentiment d’impuissance face à la massification et à la diversité grandissante des élèves, une conscience aigüe de la souffrance du métier autant que des inégalités intrinsèques au système. C’est ainsi que dans la partie qui précède, l’horizon dernier des intéressés demeure l’œuvre à écrire et sa poétique. Le pas pédagogique et didactique n’est jamais véritablement franchi, quand bien même les écrivains en question éprouvent de par leur expérience une certaine légitimité à écrire sur l’École ou bien interrogent les difficultés et les limites de la transmission. Seul le cas de Michel Chaillou pourrait laisser entrevoir par-delà les inventions de la fiction la possibilité lointaine d’une pédagogie particulière pour la classe.
2Il en va différemment des écrivains et auteurs dont la vocation pour l’écriture s’est affirmée dans une certaine continuité avec la pratique de l’enseignement, comme un prolongement de cette dernière ou comme la transposition artistique d’un acte de transmission. Ou bien encore des écrivains à qui la double activité de création et d’enseignement a permis d’avoir un recul pédagogique particulier sur la relation éducative, voire une réflexion de nature didactique sur les pratiques de classe. Que peut alors apporter à l’enseignement de la lecture et de l’écriture leur double expérience et leur regard décalé ?
3Nicole Biagioli retrace les parcours parallèles d’André Davesne et de Jean Ricardou, qui offrent deux exemples d’hybridation des pratiques d’écrivain et d’enseignant, ayant pour visée et pour effet la démocratisation de l’enseignement de la création littéraire. C’est ainsi qu’elle infère de leur théorie et de leur pratique un certain nombre de principes opérationnels pour l’enseignement de l’écriture.
4Kathy Similowski analyse quant à elle les propos de l’écrivain et enseignant Bernard Friot dans deux contextes discursifs différents : une conférence de 2019 destinée aux professeurs et formateurs et un entretien inédit de 2021 avec une didacticienne, portant sur trois de ses nouvelles. Elle montre comment le rapport à l’enfance ainsi que l’expérience de l’enseignement de l’écriture auprès de jeunes élèves a déterminé et nourri son processus créatif, mais surtout comment ses représentations sociales et ses valeurs soutiennent tout à la fois sa création et ses propositions didactiques pour apprendre à écrire en atelier. Bernard Friot lui-même nous fait l’honneur d’un entretien inédit avec Chiara Ramero, où il précise l’éthique praxéologique de l’hybridation entre création littéraire et enseignement de l’écriture.
5Les figures sociopédagogiques de professeurs qui sont écrivains et auteurs, dont il est question dans cette partie, regroupent plus largement ceux pour qui la double activité de création et de recherche a permis de franchir un pas important pour avoir un recul réflexif sur leurs propres gestes professionnels d’enseignants. Au-delà du regard qu’il porte sur l’École dans son œuvre, le poète enseignant Cesare Mongodi, évoque, dans un dialogue avec Nathalie Brillant Rannou, l’enrichissement mutuel de ses pratiques d’écriture et d’enseignement, en particulier pour prendre en compte le sujet écrivant dans sa globalité, à travers une phénoménologie de l’écriture où corps et voix ont leur place.
6Le poète Emmanuel Merle et l’écrivaine Laurine Roux reviennent sur leur rapport respectif à l’école dans l’affirmation de leur vocation d’écrivain et sur les inflexions qu’ils ont données à leur pratique d’enseignement, sous l’influence de leur double activité.
7De même l’écrivain Laurent Vignat explique comment la dissociation première entre ses deux activités s’est comblée peu à peu pour envisager un autre rapport en classe à la temporalité de l’écriture, à travers l’introduction d’outils nouveaux.
Auteur
Université Grenoble Alpes, Litt&Arts
IdRef : 083336044
Nicolas Rouvière est maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes (INSPÉ) et membre de l’UMR Litt&Arts. Spécialiste de bande dessinée, scénariste, ses recherches portent sur les littératures de jeunesse et de grande diffusion, ainsi que sur l’enseignement de la littérature par le questionnement des valeurs.
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