Chapitre 1
Une première approche du baguenodier
p. 17-34
Texte intégral
1La connaissance actuelle que nous avons du casse-tête du baguenodier, à la fois concernant son histoire, mais surtout au sujet de son analyse mathématique en lien avec le système binaire, nous la devons essentiellement à un homme : Luc Agathange Louis Gros (1814-1886). Ce dernier s’inscrit en effet dans une « lignée » de mathématiciens parmi les plus reconnus de leur époque – nous les présentons, ainsi que leurs travaux dans le chapitre 8 – qui se sont intéressés au baguenodier, mais bien souvent sur quelques pages seulement au sein d’un ouvrage plus important, là où Louis Gros y consacre un manuscrit de plus de 200 pages. Ce personnage est aujourd’hui largement méconnu des historiens des sciences, des mathématiciens, voire des amateurs de jeux, pour la simple raison qu’il a toujours souhaité rester dans le plus strict anonymat au sujet de sa publication sur le baguenodier1. Pourtant, c’est une véritable passion qui a poussé ce juge d’instruction au tribunal de première instance de Lyon à prendre sa plus belle plume pour rédiger le Traité du Baguenodier dans lequel le présent livre trouve ses origines et puise ses ressources. Le Traité est un document inédit révélant à la fois une analyse mathématique complète sans précédent du baguenodier et le chemin emprunté par son auteur pour la développer, mais apportant également de précieuses informations sur la personnalité et la vie de celui-ci.
2Ce premier chapitre s’attache à dresser un panorama de ce que Louis Gros appelle sa « science baguenodière » (Gros 1872a : 3). Dans un premier temps, nous décrivons l’objet qui le passionne tant, ainsi que les éléments qui le constituent, nous présentons également son fonctionnement et son but. Dans un second temps, nous donnons les premiers éléments explicatifs de la résolution du baguenodier pour réussir à le démonter rapidement (pour Louis Gros, un baguenodier de 5 anneaux peut se démonter en 20 secondes !), ainsi que les questions qui peuvent émerger lors de la manipulation et qui peuvent constituer les premières phases d’approche d’activités à mener en classe ou en action de médiation. Enfin, nous proposons aux lecteurs de construire leur propre baguenodier à 5 anneaux, à partir de matériel relativement aisé à se procurer.
Présentation de l’objet
3Le baguenodier (orthographe défendue par Louis Gros dans son Traité et que nous adoptons dans tout cet ouvrage2) ou baguenaudier (orthographe usuelle) est un casse-tête mécanique composé d’une navette (longue tige de métal doublée et coudée) munie d’une poignée, et d’anneaux dont le nombre peut varier. Les anneaux sont enchevêtrés dans la navette et, comme le montre la figure 1, ils sont également solidaires entre eux (le premier avec le deuxième, le deuxième avec le troisième, etc.) par la planchette trouée à laquelle ils sont rattachés. L’objectif du baguenodier est de faire sortir tous les anneaux de manière à désolidariser l’ensemble pour avoir d’un côté la navette avec sa poignée, et de l’autre tous les anneaux (figure 2).
Évidemment, une fois le baguenodier complètement démonté (figure 2), l’objectif est de le remonter en position initiale (figure 1).
4Cet objet se trouve aujourd’hui assez facilement dans le commerce, notamment dans des boutiques en ligne de jouets pour enfants, ou encore dans des magasins de jeux de société. Les matériaux utilisés à sa fabrication sont variés et mêlent régulièrement de l’aluminium (pour les anneaux et la navette) et du bois (pour la poignée, la planchette trouée, et les tiges des anneaux). Au xixe siècle, le baguenodier pouvait se trouver dans des coffrets laqués présentant un ensemble varié de jeux et de casse-têtes à base de boules, de ficelles et d’anneaux, tous richement gravés de personnages ou de motifs floraux et arborescents3, mais il pouvait également être vendu seul (figure 3). Le lecteur intéressé trouvera l’histoire du baguenodier et de sa popularité du xvie siècle à aujourd’hui développée au chapitre 8.
Il est également tout à fait possible de fabriquer son propre baguenodier, quand on a le matériel, les outils nécessaires et un après-midi de libre. Nous vous proposons une notice de construction d’un baguenodier « maison » avec quelques anneaux de rideau et du fil de fer à la fin de ce chapitre, illustrée étape par étape. Cette activité de construction peut s’avérer profitable pour mieux comprendre comment les anneaux sont enchevêtrés entre eux et comment fonctionne le casse-tête de manière générale, et peut être proposée en classe dès la fin du cycle 3. D’ailleurs, au xixe siècle, certaines personnes qui ne pouvaient pas s’offrir un baguenaudier en ivoire du commerce avaient certainement opté pour une fabrication artisanale (figure 4), tout comme Louis Gros qui en fabrique un avec son frère Francisque Claude à l’âge de 14 ans avec des « anneaux de rideau en cuivre fondu et brut » (Gros 1872a : 135).
Fonctionnement du casse-tête
5Afin de clarifier les expressions que nous utilisons tout au long de cet ouvrage – et qui sont initialement celles introduites par Louis Gros dans son Traité (figure 5) – nous donnons ici les définitions des termes les plus courants.
On appelle premier anneau celui qui est indépendant de tous les autres et qui se situe à l’extrême droite sur la figure 1. C’est sur cet anneau que l’on effectue le plus grand nombre de changements. Les anneaux qui suivent – en remontant vers la poignée – sont respectivement le second anneau, le troisième anneau, etc. On dit ainsi que le premier anneau est inférieur à tous les autres anneaux, le second anneau est supérieur au premier anneau, mais inférieur au troisième (Gros 1872a : 9), etc.
Baisser ou abaisser un anneau, c’est le dégager de la navette et le laisser pendre en dessous (figure 6). Élever ou monter un anneau, c’est faire passer la navette dans cet anneau (voir figure 7). Toucher un anneau, c’est l’élever s’il est abaissé, ou l’abaisser s’il est élevé. On appelle changement toute modification apportée à l’état du baguenodier par l’élévation ou l’abaissement d’un anneau. Enfin, monter le baguenodier, c’est engager de plus en plus la navette dans les anneaux, pour atteindre l’état de la figure 1 par exemple. Et démonter le baguenodier, c’est tendre à séparer entièrement la navette des anneaux, pour atteindre l’état de la figure 2. Les figures 6 et 7 illustrent respectivement l’abaissement et l’élévation du premier anneau.
Après quelques instants de manipulation, on peut remarquer que les deux premiers anneaux du baguenodier peuvent être élevés ou abaissés en même temps, et se demander si cette action a une importance pour la résolution du casse-tête ou non. Bien que la manipulation simultanée – appelée marche accélérée, nous la discutons dans le chapitre 4 – permette parfois de gagner du temps lorsqu’on monte ou qu’on démonte le baguenodier, nous conseillons néanmoins de prendre l’habitude de ne toucher qu’un seul anneau à la fois, c’est-à-dire de ne faire qu’un seul changement à chaque toucher du casse-tête. Cela permet de mieux comprendre l’émergence de la résolution du baguenodier avec le code binaire réfléchi, tout comme Louis Gros a pu le montrer il y a près de 150 ans.
Résolution du casse-tête : version courte sans binaire
6Dans un premier temps, il est tout à fait envisageable de démonter entièrement le baguenodier sans aucune connaissance du système binaire, réfléchi ou classique. D’ailleurs, lors de l’achat d’un baguenodier dans le commerce, des instructions sont souvent données pour réussir à résoudre le casse-tête, en donnant seulement la suite des manipulations à faire sur les anneaux pour les descendre les uns à la suite des autres, sans expliquer le principe général (figure 8).
Assez intuitivement, une personne qui manipule le casse-tête pour la première fois a tendance à vouloir abaisser le premier anneau (on peut d’ailleurs se demander s’il est préférable de toujours commencer par abaisser le premier anneau ?), puis le second, puis le troisième, etc. mais elle se trouve rapidement bloquée par le mécanisme qui ne permet pas de travailler l’abaissement des anneaux les uns après les autres en les laissant en position abaissée. On le remarque à la lecture des premières lignes de la procédure de résolution décrite à la figure 8 : le premier anneau est abaissé, puis le troisième (et non le second !), puis le premier est à nouveau touché pour être élevé. Et plus loin, on peut également lire que le troisième anneau est à nouveau monté, etc. Il y a donc un ordre logique dans l’élévation et l’abaissement des anneaux, mais la lecture de ce document – en toutes lettres – permet difficilement de le comprendre…
On peut être amené à se demander s’il est possible de toucher n’importe quel anneau à n’importe quel moment, dans n’importe quelle position du baguenodier. Un premier élément de réponse est donné dans le document de la figure 8 et n’aura pas échappé aux lecteurs qui ont suivi toutes les instructions jusqu’aux trois dernières lignes : « Il faut qu’il reste toujours deux anneaux sur la tringle pour en faire descendre un, et pour remonter le Baguenaudier, il ne faut qu’un anneau sur la tringle. » Cette phrase révèle une information importante qu’il est possible de formaliser après avoir manipulé le casse-tête pendant quelque temps, et qui s’énoncerait comme la condition nécessaire et suffisante suivante :
Pour toucher un anneau de rang quelconque ≥ 2 (qu’il soit élevé ou abaissé), il faut et il suffit que l’anneau adjacent de rang inférieur soit élevé et que tous les autres anneaux de rangs inférieurs soient abaissés (le premier anneau pouvant être touché indépendamment de tous les autres).
Ainsi, pour abaisser le troisième anneau, il faut et il suffit que le second soit élevé (car c’est l’anneau adjacent de rang inférieur) et que le premier anneau soit abaissé. Ou, si l’on souhaite élever le quatrième anneau, il faut et il suffit que le troisième soit élevé, et que le second et le premier soient abaissés. La position des anneaux de rangs supérieurs n’a donc pas d’influence sur le toucher d’un anneau d’un rang inférieur.
Une première activité de découverte du baguenodier en classe – après éventuellement en avoir construit un à 5 anneaux comme ci-dessous – peut tout à fait être envisagée autour de la recherche et de la formulation de cette condition nécessaire et suffisante qui peut par ailleurs être éprouvée empiriquement. Nous proposons un tableau récapitulatif de séances pouvant être menées en classe dans le chapitre 2. Voyons à présent comment émerge le système binaire réfléchi dans la résolution du baguenodier de Louis Gros.
Résolution du casse-tête : version courte avec un système binaire
7Le baguenodier est composé d’un certain nombre d’anneaux qui peuvent être chacun dans deux positions distinctes : élevée ou abaissée. En partant de cette observation et en symbolisant un anneau élevé par un 1 et un anneau abaissé par un 0, chaque état du baguenodier peut ainsi être représenté par un nombre binaire. Par exemple, un baguenodier possédant 7 anneaux – comme dans l’exemple de la figure 8 – tous élevés s’écrit 1111111. Dans l’optique de démonter le baguenodier pour atteindre l’état 0000000, le premier mouvement à effectuer est d’abaisser le premier anneau (attention, ce n’est pas le cas pour un baguenodier ayant un nombre pair d’anneaux4), c’est-à-dire d’obtenir l’état 1111110. Puis il faut abaisser le troisième anneau (1111010) et élever le premier anneau (1111011), etc. Les différents états par lesquels passe le baguenodier en train d’être démonté forment une séquence de nombres binaires dont la particularité est qu’un seul et unique chiffre change d’une position du casse-tête à l’autre, après avoir touché un anneau : (1111111) → (1111110) → (1111010) → (1111011) → (1111001) → (1111000) → (1101000), etc. Ceci correspond au fait que sur le baguenodier, dans la marche normale et non accélérée, on ne touche qu’un seul anneau à la fois (le premier anneau ou l’anneau directement supérieur au premier anneau élevé rencontré sur la navette).
Cette séquence particulière de nombres binaires, dans laquelle on passe d’un terme à un autre en modifiant un seul chiffre constitue un codage binaire connu sous le nom de code binaire réfléchi ou code de Gray. On doit ce nom à Frank Gray (1887-1969), physicien et chercheur américain des laboratoires Bell, qui brevette le code en 1953 après l’avoir déposé en 1947. Mais d’autres personnes avant lui l’avaient identifié et utilisé : l’ingénieur français Émile Baudot (1845-1903) dans le domaine des télécommunications (chapitre 5) et ce juge d’instruction, grand amateur à la passion inavouable pour le baguenodier, Louis Gros.
Pour représenter facilement les divers états du baguenodier, ce dernier propose le tableau suivant :
La particularité du procédé de Louis Gros réside dans le fait qu’il considère en premier lieu le baguenodier complètement démonté (comme dans la figure 2), et que l’objectif est de le monter. Il va donc commencer par élever le premier anneau (car, à ce stade, c’est le seul anneau qui peut être touché), d’où le point en haut à droite du tableau. Il élève ensuite le second anneau, en schématisant la position par deux points au-dessus de la ligne de la feuille de papier. La suite des changements pour monter le baguenodier implique d’abaisser le premier anneau pour ensuite élever le troisième ; ces changements sont schématisés respectivement par les positions • • (le premier anneau abaissé, le second élevé) et • • • (les troisième et second anneaux élevés, le premier abaissé).
Les points permettent une modélisation naturelle des états du baguenodier selon la position des anneaux dans la navette, et les nombres binaires écrits en dessous traduisent la représentation de ces différents états dans une numération binaire. À ce stade, il ne s’agit vraiment que d’une représentation, car aucun calcul n’est mené avec ces nombres binaires (nous discutons l’importance des symboles dans le processus de conceptualisation mathématique au cours du chapitre 4). C’est dans l’enchaînement des schémas avec les points au-dessus ou en dessous de la ligne – et non dans la suite des nombres binaires qui sont écrits sous les schémas – qu’émerge le code de Baudot-Gros-Gray : on remarque en effet qu’un seul point change de position à chaque toucher d’anneau. Les nombres écrits en binaire en dessous de chacun des schémas, quant à eux, forment la suite classique des entiers naturels en binaire (1, 10, 11, 100, etc.) et représentent le nombre de changements effectués depuis la position initiale (celle où tous les anneaux sont abaissés) jusqu’à la position en question. Ils traduisent donc le rang écrit à gauche du tableau, et non l’état atteint. On peut alors être amené à se poser la question du nombre minimum de changements nécessaires pour (dé)monter complètement le baguenodier, ou pour atteindre une autre position donnée.
Par exemple, entre la position initiale dans laquelle le baguenodier est entièrement démonté, et celle où les troisième et second anneaux sont élevés et le premier abaissé (• • •), on a effectué 4 changements, soit 100 en binaire. L’intérêt de ce tableau se manifeste dans le cas particulier – mais assez courant ! – où l’utilisateur ne sait plus quel mouvement il doit effectuer pour continuer à monter (ou à démonter) son baguenodier. Il lui suffit alors de schématiser la position dans laquelle se trouve le baguenodier et de la repérer dans le tableau de Louis Gros. À partir de là, deux options sont possibles : ou bien l’utilisateur est en train de monter le baguenodier, dans ce cas il va chercher à positionner son baguenodier dans la position qui suit celle dans laquelle il est bloqué ; ou bien l’utilisateur est en train de démonter le baguenodier, et dans ce cas, il va chercher à positionner son baguenodier dans la position précédant celle dans laquelle il est bloqué. Par exemple, arrivé à la position • • • • il est possible de monter le baguenodier en élevant le premier anneau (position • • • •) ou bien de le démonter en abaissant le quatrième (position • • • dans le tableau de la figure 10, le quatrième anneau abaissé n’est pas schématisé, car si l’on suit le procédé de Louis Gros, il n’a pas encore été élevé). Grâce au tableau, on remarque donc que monter (ou démonter) un baguenodier de 4 anneaux nécessite 10 changements (il manque la dernière élévation du second anneau dans le tableau de la figure 10), un baguenodier de 5 anneaux nécessite 21 changements, un de 6 anneaux nécessite 42 changements et un de 7 anneaux 85 changements, etc. Louis Gros estimait qu’en moyenne 64 changements par minute pouvaient être effectués sur le casse-tête, donnant ainsi les temps nécessaires pour démonter entièrement un baguenodier de 5, 7, 9, 11, 13 et 25 anneaux (figure 11).
8À la lecture de la première partie de ce chapitre, le lecteur a pu, nous l’espérons, se rendre compte du potentiel mathématique que révèle le baguenodier lorsqu’on s’intéresse de plus près à sa résolution, notamment par le biais de questions qui émergent assez naturellement lors de la manipulation : faut-il toujours commencer par abaisser le premier anneau ? Peut-on toucher n’importe quel anneau dans n’importe quelle position ? Y a-t-il un nombre minimum de mouvements pour démonter complètement le baguenodier ? Combien de changements sont-ils nécessaires pour passer d’une position à une autre du baguenodier ? Comment déterminer ces nombres ? Le fait de pouvoir toucher les deux premiers anneaux en même temps est-il important ? Les réponses à ces questions sont abordées dans les chapitres suivants, et renverront davantage à des considérations mathématiques et didactiques, accompagnées de ressources historiques permettant de contextualiser les propos. L’aspect culturel, ludique et historique du baguenodier est approfondi dans le chapitre 8, dans lequel est présentée la riche histoire de cet objet, les mathématiciens et savants qui se sont intéressés à sa résolution depuis le xvie siècle, sa possible adaptation en tant que système de fermeture de coffres, ainsi que sa popularité. Enfin, pour aborder pleinement la lecture du Traité manuscrit de Louis Gros5, le chapitre 9 permet une incursion dans le monde de ce personnage haut en couleur, plein d’humour et littéralement passionné par le baguenodier depuis sa plus tendre enfance. Mais avant cela, nous proposons aux lecteurs de fabriquer eux-mêmes un baguenodier grâce à des anneaux de rideau, une lamelle de bois trouée (ou un carton épais), quelques perles en bois et du fil de fer.
Construction d’un baguenodier « maison »
9Nous décrivons ci-dessous les différentes étapes pour composer un baguenodier à 5 anneaux, mais une fois le processus de construction compris, vous pourrez tout aussi bien composer un baguenodier avec autant d’anneaux que vous le souhaitez (rappelez-vous seulement qu’il faut au minimum 1 h 25 min pour démonter entièrement un baguenodier à 13 anneaux !).
Matériel nécessaire, illustré figure 12 :
- 5 anneaux de rideau en bois (de diamètre 5 cm maximum, au-delà le baguenodier sera vraiment colossal) ;
- un morceau de champlat en bois d’une vingtaine de centimètres de longueur, percé de 5 trous espacés de 4 cm environ ;
- 5 perles en bois ;
- environ 2 m de fil de fer facilement maniable, découpés en 5 morceaux de 40 cm chacun ;
- un cintre en fer pour la navette (ou un fil de fer relativement épais, qui ne se tord pas facilement) ;
- une pince coupante.
Dans un premier temps, enrouler chaque morceau de fil de fer sur lui-même pour le doubler, en incluant un anneau (attention à laisser un peu de jeu pour que l’anneau puisse toujours circuler librement dans la boucle du fil de fer). Pour chaque anneau, laisser quelques centimètres de fil simple pour pouvoir l’enrouler autour de la perle en bois une fois passé dans le champlat. Sur la figure 13, le fil de fer est enroulé sur lui-même sur environ 9-10 cm en dessous de l’anneau. L’important est que cette longueur soit la même pour chacun des anneaux.
Ensuite, il faut prendre le premier anneau, faire passer le fil de fer qui le tient dans le second anneau avant de le glisser dans le premier trou du champlat en bois, et de « verrouiller » le système en enroulant le fil de fer simple autour de la perle (figure 14).
Il suffit ensuite de réitérer cette étape, en faisant passer le fil qui tient le second anneau dans le 3e anneau avant de le glisser dans le 2e trou du champlat et de verrouiller avec la perle en bois. Le processus est le même pour les 3e, 4e et 5e anneaux, et le résultat final est illustré par la figure 15.
Pour la navette, il est possible d’utiliser un cintre en fer (ou un fil de fer plus épais, mais qui ne doit pas se tordre facilement) et de lui donner la forme d’une ellipse très aplatie, avec une partie plus serrée faisant office de poignée, comme le montre la figure 166.
Il est ensuite plus esthétique – et moins dangereux – de couper le crochet du cintre (haut de la figure 16) avec une pince coupante, et d’éventuellement entourer la poignée d’un ruban ou d’un fil de fer coloré pour rendre la préhension de l’objet plus agréable (figure 17).
10Vous voilà à présent en possession d’un baguenodier entièrement démonté avec un nombre impair d’anneaux (il est tout à fait envisageable d’en construire un autre avec un nombre pair d’anneaux7). Nous vous invitons à le garder tel quel pour appréhender le chapitre 2 au sujet de la résolution du casse-tête sans faire appel au système binaire, ainsi que le chapitre 4 (car le code binaire réfléchi émerge de la résolution du casse-tête à partir d’une position initiale démontée) et de vous munir d’un baguenodier monté. Vous êtes prêts à affronter la suite du livre pour comprendre l’articulation entre les changements opérés sur le baguenodier et les mathématiques qui en découlent. N’hésitez pas à revenir souvent à la manipulation pour comprendre toutes les explications présentées.
Notes de bas de page
1La petite Théorie du Baguenodier (16 pages) est en effet publiée chez l’imprimeur Vingtrinier à Lyon en 1872, « par un clerc de notaire lyonnais » (Gros 1872b : 1).
2Le choix de cette orthographe est expliquée au chapitre 9 ainsi que dans le manuscrit Traité du Baguenodier, au chapitre quatrième intitulé « Notes étymologiques » (Gros 1872a : 123-132).
3Un exemple de coffret chinois laqué, rehaussé d’incrustations de nacre et de métal présentant un ensemble varié de jeux et de casse-têtes à base de boules, de ficelles et d’anneaux (dont un baguenodier à 9 anneaux) peut être consulté dans (Van Delft & Botermans 1977 : 96) ou à cette adresse : http://collection.cassetete.free.fr/8_divers/1000_casse_tete/scans_van_delft/page_096.jpg [consulté le 05/09/2022]. Bien que fabriqués en Chine à la moitié du xixe siècle, ces coffrets étaient destinés à l’exportation vers l’Europe, où ils étaient dédiés à divertir les dames de la haute société.
4D’où l’intérêt éventuel de se munir (ou de construire) également un baguenodier à 4 anneaux par exemple.
5Disponible en téléchargement sur la page dédiée du livre chez UGA Éditions (https://www.uga-editions.com) et EDP Sciences (https://laboutique.edpsciences.fr).
6Pour les lecteurs adeptes du travail manuel, mieux outillés et de nature plus « bricoleuse », nous les invitons à consulter l’ouvrage de Van Delft et Botermans intitulé 1000 casse-tête du monde entier (1977 : 100-102), disponible à cette adresse : http://collection.cassetete.free.fr/8_divers/1000_casse_tete/1000_casse-tete_scans.htm [consulté le 05/09/2022].
7Nous verrons dans le prochain chapitre que la parité du nombre d’anneaux se révèle déterminante pour savoir quel anneau il faut abaisser en premier pour démonter le baguenodier.
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