Espaces réels, espaces mentaux
p. 197-198
Texte intégral
La porte, personnage principal
1Feydeau c’est précis, c’est difficile d’inventer autre chose, en termes de décors. Il a un fil dans la tête, et il ajuste ses répliques sur ses images à lui. Alors, quand on dit qu’on va faire ça dans des rideaux noirs… Déjà qu’Henry Gidel a écrit un chapitre entier dans sa thèse sur les portes chez Feydeau. Si vous le faites dans des rideaux noirs, il manque un personnage : la porte…
2Bernard Murat (2013)
Créer du mouvement grâce aux décors
3Je travaille toujours de la même façon. Je lis et relis la pièce. Je mets d’abord sur la table tout ce que je ne veux pas faire. Là, ce que je n’ai pas voulu faire, c’est reconstituer un lieu, un univers réaliste ; je n’ai pas voulu recréer le salon du xixe siècle avec son canapé, sa porte au fond, ses portes latérales, le salon bourgeois, celui de Gaudiband, celui de Gatinais et, à l’acte III, le café. Je ne voulais pas être prisonnier d’un cadre trop rigide, j’avais en tête – j’ai toujours eu en tête avec cette pièce – de créer, grâce au décor, du mouvement. Je voulais qu’on soit libre sur scène, que nous puissions aller au fond du plateau si on le souhaitait, redescendre, déplacer le décor s’il le fallait. J’ai toujours dit aux acteurs qu’il serait bien que ce décor soit en papier, qu’on puisse le mettre en boule et le jeter en coulisse. On s’amuse avec un décor négligeable, on néglige tout cela, on fait tomber les objets, on n’a aucun respect pour tout cela, mais on s’amuse et on fait rire. J’ai eu cette idée du papier. Passer à travers le papier, entrer dans le papier, ça fait du bruit, ça rappelle le cirque, les jeux d’enfant, et puis ça se déplace, c’est léger. Apparaître et disparaître à travers du papier, c’est beaucoup plus surprenant qu’une porte qui s’ouvre. J’ai constitué le lieu scénique, la machine à jouer, à partir de ce panneau de papier que l’on voit en vérité sur les trois actes. Les objets se déplacent – je n’ai pas pu faire bouger les chaises – quand les personnages sont au sommet de leur tourbillon. Quand ils perdent la tête, le monde vacille autour d’eux et alors, là, le poêle, par exemple, peut se déplacer. J’ai commencé comme cela : trouver le cadre.
4Jean-Louis Benoît (2010)
Des objets dérangeants
5Pour Un chapeau de paille d’Italie, j’ai eu envie d’articuler et de décliner des objets et des meubles directement liés à l’atmosphère du vaudeville, à ses conventions, à ses thèmes ; un canapé, un fauteuil, des chaises, une étagère… Il y a donc dans ce parcours et cette quête – à la fois onirique et un peu inquiétante – un travail sur les objets ; ils figurent ces conventions et ces intérieurs bourgeois, tout en étant eux-mêmes un peu dérangeants. Dans mes spectacles, les décors sont toujours un autre langage. Ils ne sont pas là pour raconter, mais pour évoquer ce qu’il ne faut pas raconter… Je crois beaucoup aux poètes. Ils ont assez d’intelligence pour nous donner tout ce que les mots peuvent donner. Mais il existe aussi une poésie de la scène, du plateau… La poésie des éléments vient coexister avec la poésie du texte, et donne naissance à une nouvelle forme de poésie, plus complexe encore. Je crois que les spectateurs ont des oreilles et des yeux mais aussi autre chose, une sorte de capacité de compréhension plus large qui va au-delà même des cinq sens. Dans Un chapeau de paille d’Italie, les objets deviennent un décor qui se transforme, qui mue au fur et à mesure que l’action progresse ; sur scène, on voit un mélange d’éléments et de volumes contenus dans des toiles. Dans le premier acte par exemple, il s’agit de toiles en plastique, puisqu’il y a des travaux chez Fadinard ; puis, au fur et à mesure, cela évolue… en réfléchissant à un signe qui rendrait compte de ces mutations, j’en suis venu à penser aux années 1970, et plus particulièrement à la mode de l’optical, directement liée à une idée de vertige, de quelque chose qui bouge dans les images. En convoquant les années 1970, je fais référence à un passé quelque peu « mythique », mais qui nous appartient encore. Les objets, en n’étant pas la reproduction exacte des choses, créent et favorisent des allers-retours dans l’imaginaire du spectateur.
6Giorgio Barberio Corsetti (2012)
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GénétiQueneau
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2019