Des ruines aux monuments historiques : les notes de voyages de l’inspecteur Mérimée
p. 181-199
Texte intégral
En quittant Arles pour la première fois, je me rendis à Avignon, ne m’arrêtant que pour visiter le pont du Gard. Le Gardon, grossi par des averses prodigieuses, était débordé et roulait, avec un bruit affreux, ses eaux, couleur de café, sous les arches de l’aqueduc ; le ciel était à l’orage, mais une éclaircie dorait le monument qui paraissait étincelant de lumière ; le site sauvage, la solitude complète du lieu, le bruit du torrent ajoutaient une poésie sublime à l’architecture imposante qui s’offrait à mes yeux. […] Quelle confiance ils avaient dans la durée de leur empire, ces Romains qui prévoyaient qu’un jour ils pourraient avoir à réparer le pont du Gard !1
1Une telle description, méditation sur la ruine des empires, semble respirer le romantisme… Et pourtant, Mérimée se laisse rarement aller à ce genre d’émotion dans ses très administratifs rapports, même s’il semble s’inscrire dans la lignée des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, dans la préface desquels Nodier, Taylor et Cailleux affirmaient :
Quant à nous, derniers voyageurs dans les ruines de l’ancienne France qui auront bientôt cessé d’exister, nous aimons à peindre exclusivement ces ruines dont l’histoire et les mystères seraient perdus pour la génération suivante.2
2S’agit-il du même genre de voyages ?
3Mérimée exerça de 1834 à 1853 la fonction d’inspecteur général des monuments historiques, qui l’engageait à des tournées annuelles en province. Le compte rendu de ses voyages, dans le Midi de la France, dans l’Ouest, en Auvergne, en Corse, paraissait l’année suivante. Jusqu’en 1860, il continua de veiller à la gestion de la commission des monuments historiques. Il avait pris la suite de Ludovic Vitet dans ce poste, créé en 1830 par Guizot, historien et alors ministre de l’Intérieur. Avec Vitet, entre autres, vice-président de la commission, il correspondait de manière très libre, en marge de son Journal personnel, remanié en Notes de voyages adressées au ministre3. Ses observations sont donc différentes de ton, sinon d’objet. Au ministre, Mérimée décrit les monuments, diagnostique les chances de conservation, propose des solutions ou demande des secours, gardant un ton aussi impersonnel que possible ; à ses amis, il détaille davantage la réalité de ses voyages, ses démêlés avec les responsables locaux, les menus incidents de ses tournées. Gestionnaire pragmatique, « cuistre par profession » – au point que son ami Stendhal le surnomme Academus4 – ou conteur ironique, Mérimée ne s’abandonne pas à une passion expansive ou à une admiration mièvre. Vitet aurait dit de lui :
Mérimée admire les beaux monuments mais n’a jamais senti ses yeux se mouiller à l’aspect de leur ruine.5
4L’effet de distanciation par le registre technique est constant, et rares sont les élans lyriques. Devant le pont du Gard, il se retient :
C’est un ouvrage de géants dont les yeux n’apercevaient pas les imperfections que nous autres nains pouvons découvrir. Au reste ce n’est qu’après quelques minutes d’admiration muette qu’on observe les imperfections, qu’on les recherche même, honteux de l’émotion involontaire que l’on vient d’éprouver. Alors, pour être fidèle au précepte du faux sage : Nil admirari, on se dit que les arches sont d’inégal diamètre, que la courbe de leur cintre est interrompue désagréablement par des pierres en saillie…6,
5ces mêmes pierres qui animaient sa réflexion sur la chute des empires. Ainsi, allant de site archéologique en haut lieu artistique, il veut rester insensible par souci de professionnalisme ; l’écrivain remet à d’autres pages le soin de la description littéraire.
6Le recensement organisé par Mérimée n’innove pourtant pas complètement. Longtemps, les richesses architecturales de la France n’avaient pas été perçues comme appartenant à un patrimoine national ; au contraire, elles symbolisaient le pouvoir d’une personne, d’une caste, ou d’une religion, dont il semblait nécessaire de détruire les emblèmes pour effacer plus sûrement la possibilité d’un retour aux conditions inégalitaires de l’Ancien Régime : le vandalisme révolutionnaire s’explique au moins partiellement ainsi. Mais en même temps s’était formée l’idée d’un devoir de conservation. La voie avait été ouverte dès la Convention en 1794 ; l’État avait pris quelques mesures dans ce sens, notamment en réservant des fonds pour l’entretien d’anciens monuments. En 1816, Laborde avait publié les Monuments de la France classés chronologiquement ; Arcisse de Caumont, en 1824, un Essai sur l’architecture religieuse du Moyen Âge, tandis que se multipliaient en province des sociétés d’antiquaires, auxquelles Mérimée aurait affaire dans ses tournées, et qui lui fourniraient le profil du père du marié dans la Vénus d’Ille7.
7Dans la mission de l’inspecteur général des monuments historiques, le voyage, qui permet la vérification de visu des édifices à sauvegarder, se trouve inscrit par Guizot :
Parcourir successivement tous les départements de la France, s’assurer sur les lieux de l’importance historique ou du mérite d’art des monuments, recueillir tous les renseignements qui se rapportent à la dispersion des titres ou des objets accessoires qui peuvent éclairer sur l’origine, les progrès ou la destruction de chaque édifice, en constater l’existence dans tous les dépôts, archives, musées, bibliothèques ou collections particulières, se mettre en rapport direct avec les autorités et les personnes qui s’occupent de recherches relatives à l’histoire de chaque localité…8
8Le voyage se confond alors avec la tournée d’un compagnon : l’art des sédentaires – l’architecture étant son principal objet – n’est plus seulement le but des touristes amateurs d’art, mais devient l’affaire d’itinérants professionnels. Une telle mission supposait un inspecteur infatigable9, capable d’enchaîner de façon répétitive déplacement, observation, diagnostic, relation :
Le métier que je fais est des plus fatigants. Tout le jour, il faut marcher ou courir la poste, et, le soir, malgré la fatigue, il faut brocher une douzaine de pages de prose. Je ne parle que des écritures ordinaires…10
9Préserver un équilibre entre les régions, se concilier les notables de province, proposer la décision finale à son ministre et obtenir des crédits (qui ont décuplé sous son impulsion) : cette approche très pragmatique a conduit Mérimée à en éprouver tardivement quelques regrets.
Lorsque je voyais ces monuments historiques, j’en étais le colonel. Je regrette de les avoir visités trop officiellement. Je regardais les caractères de l’architecture, les additions, les réparations anciennes et l’ensemble poétique m’échappait.11
10Il faut donc agir et non rêver, courir la poste et non faire des voyages d’agrément ; les tournées ne doivent rien au tourisme : ses inspections sont officielles, balisées, parfois mentionnées dans les gazettes locales. De son côté, pas de vertige poétique devant les ruines, mais un sentiment d’urgence. Vitet déjà disait :
Les maires, les curés, les fabriciens et surtout les conseils municipaux me donnent bien du mal. Impossible de leur faire entendre raison, et si vous ne m’armez pas d’un bout d’article de loi, d’ici à dix ans il n’y aura plus un monument en France, ils seront tous ou détruits ou badigeonnés.12
11Victor Hugo, compagnon de Mérimée dans l’effort de conservation du patrimoine13, déclarait aussi en 1832 la « Guerre aux démolisseurs » :
Il serait temps, enfin, de mettre un terme à ces désordres. Quoique appauvrie par les dévastations révolutionnaires, par les spéculateurs mercantiles et surtout par les restaurateurs classiques, la France est riche encore en monuments français. Il faut arrêter le marteau qui mutile la face du pays. Une loi suffirait : qu’on la fasse !
Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d’un édifice historique ne doit pas être permise à ces ignobles spéculateurs que leur intérêt aveugle sur leur honneur.
Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire ; sa beauté à tout le monde. C’est donc dépasser son droit que le détruire.14
12Mérimée reprend exactement ces diatribes contre démolisseurs et contre restaurateurs. Mais la loi devait encore se faire attendre15. On ne pouvait rien contre le gré des particuliers, ou contre des curés qui se prétendaient propriétaires de leur église. Devant un scandaleux barbouillage de l’église, Mérimée ne peut que tonner contre le curé qui affirme :
Nous sommes tous très contents à Clermont. Le Ministre de l’Intérieur n’a rien à y voir, puisque nous ne lui demandons rien pour la dépense. Ce sont les âmes pieuses qui la supportent en entier. – Mais, ai-je dit, l’église de N.D. du Port est un monument historique. Vous ne l’avez pas oublié quand vous demandiez des secours pour sa restauration. Vous ne pouvez ignorer que les monuments historiques ne doivent être réparés, badigeonnés, peints, etc., qu’avec l’approbation du Ministre de l’Intérieur.16
13Il s’agit essentiellement de convaincre, de faire pression si nécessaire. Dans ce sens, le premier voyage doit être suivi d’un autre, qui vérifie et conforte le premier : les routes de l’inspecteur se croisent aux carrefours historiques.
Notre histoire avant 1789 est en quelque sorte de l’histoire ancienne. […] Il importe de se presser si l’on veut jouir de ces monuments. L’intelligence en sera perdue bientôt, de même que ces monuments matériels disparaîtront.17
14Cependant, des écrivains comme Chateaubriand ont aussi contribué à la prise de conscience. Ainsi, lors de son retour en France :
À droite et à gauche du chemin, se montraient des châteaux abattus ; de leurs futaies rasées, il ne restait que quelques tronc équarris, sur lesquels jouaient des enfants. On voyait des murs d’enclos ébréchés, des églises abandonnées, dont les morts avaient été chassés, des clochers sans cloches, des cimetières sans croix, des saints sans tête et lapidés dans leurs niches. […] Cette nation, qui semblait au moment de se dissoudre, recommençait un monde, comme ces peuples sortant de la nuit de la barbarie et de la destruction du Moyen Âge.18
15Dans ce cas précis, les ruines ne sont « romantiques » que parce qu’elles éveillent une réflexion sur la vanité des entreprises humaines. Le déplacement seul permet cette prise de conscience : la traversée de campagnes à perte de vue signale l’étendue du désastre. La France du tout début du xixe semble n’être qu’un champ de ruines, et le présent inhabitable.
16La position de Mérimée cependant n’est pas aussi catastrophiste, même s’il prédit à l’adresse des bailleurs de fonds une ruine imminente pour
à la fois tous les souvenirs de notre histoire, tous les monumens créés par nos ancêtres, tous les nobles édifices qui attestent le génie et la splendeur des siècles passés.19
17Il raille la poésie des ruines, ce goût pour les paysages semés de vieilles pierres :
Cruas est un village très pittoresque couronné de ruines les plus pittoresques du monde. Un immense château domine tous les environs, mais tout y est si délabré que cela n’est plus guère intéressant que pour les peintres.20
18En fait, la notion de pittoresque, si chère aux voyageurs, n’entre pas dans la perspective de Mérimée. Tout repose sur la définition du monument dit historique : est-ce n’importe quel vestige d’un temps révolu ? On se trouve alors confronté à la difficulté de devoir restaurer n’importe quoi, et d’encombrer l’espace présent de vieilleries inutiles. À l’inspecteur de déterminer si tel édifice est esthétiquement réussi, si c’est une simple curiosité, s’il constitue un jalon dans l’histoire de l’art, ou s’il garde le souvenir d’un illustre personnage ou d’un épisode mémorable.
19En redoublant ses descriptions par des croquis, Mérimée dresse un état des lieux, cadastre l’histoire du territoire, donne sens aux ruines pour les visiteurs et assure, bon gré mal gré, des racines aux habitants. Il conclut ainsi son Voyage dans l’Ouest :
La situation où se trouvent aujourd’hui tant de beaux édifices, tant de monuments nationaux, est réellement déplorable et s’empire tous les jours. […] Quelques-uns les verront disparaître d’un œil indifférent, et diront qu’on peut prier Dieu aussi bien dans un grand hangar que dans une cathédrale gothique, et que, pourvu que nous ayons des canaux et des chemins de fer, il importe peu que tous les ouvrages d’art périssent. Mais j’ai trop bonne opinion de notre pays pour croire qu’il se résigne froidement à l’abandon d’une si grande partie de sa gloire.21
20En effet, tout est affaire de cohabitation du présent et du passé : la Révolution voulait faire table rase, et ses ruines, précisément, sont la « marque négative de la grandeur détruite »22. Cette conception, qui privilégie dans son objet l’épaisseur de l’histoire, est à n’en pas douter celle de l’intellectuel, qui entend
conserver à la France des monuments d’un intérêt réel, pour l’historien ou pour les arts, de les soustraire aux caprices des particuliers pour les rendre d’un accès facile aux savants et aux artistes…23
21… ou à l’inspecteur, qui passe et consigne ; qui sacralise tel vestige que le propriétaire ou la municipalité ne voient pas du même œil. Le paysan craint que telle abbaye classée sur ses terres ne puisse plus servir de remise, ou que des curieux gâtent son champ24 ; d’un côté l’usage et la commodité immédiate, d’un autre l’art et la conservation d’un hypothétique intérêt abstrait. L’individu se voit opposer l’intérêt culturel national. Le voyageur qui ne voit qu’en passant n’est pas confronté à la même problématique. Les décisions de l’inspecteur peuvent être remises en cause par les gens du cru, fiers de leur vestige particulier. À Toulouse,
[l]e maire paraît rempli de bonnes intentions, la ville est riche et pourvu que l’on convienne qu’elle est la capitale du royaume d’Aquitaine et que Clovis et Charlemagne furent des polissons, Alaric et Vaifre des héros, elle donnera beaucoup d’argent.25
22Ces rivalités s’illustrent entre localités voisines :
Après quarante années d’oubli profond, les habitans de Villeneuve se sont avisés tout d’un coup qu’ils possédaient une espèce de trésor ; mais il a fallu, pour le leur révéler, que leurs voisins d’Avignon aient essayé de leur enlever.26
23L’incohérence des politiques le navre :
Les mêmes personnes, qui s’indignent qu’on ne proclame pas cette église la plus belle de France, la verront s’écrouler sans chercher à retarder sa ruine. Je n’accuse pas ici les Bretons seulement, et malheureusement je puis dire que, si j’ai rencontré partout le patriotisme provincial, je ne l’ai vu que rarement se manifester par le soin et l’intérêt portés aux ouvrages qui font honneur au pays.27
24Aussi, près d’Autun, fait-on des fouilles pour déterminer l’origine d’une tour, tout en laissant les cochons s’y installer.
25Mérimée répertorie aussi les causes de destruction. Les plus anciennes déprédations volontaires remontent aux guerres de religion, la plus systématique à la Révolution, sans aucune considération pour l’aspect artistique des représentations : dans le signe, on a mutilé l’apparence pour tenter d’effacer le symbole. À Bourges, un hôtel particulier a été défiguré car le blason a
attiré sur toutes les sculptures voisines l’indignation populaire, qui ne distingue pas les arabesques des signes du blason.28
26Ailleurs la déprédation peut venir d’un « excès de zèle religieux »29 ou d’une pudeur excessive. À La Charité-sur-Loire, des serruriers ont adossé leur échoppe à de très belles tours :
Il y a un mois, un soldat, c’était je crois un chasseur d’Afrique, fut logé chez un des serruriers. On le coucha dans l’intérieur de l’une des portes, en haut d’un cintre. Le fond de cette étrange alcôve était un bas-relief représentant le Père Éternel assis sur les nuages, entouré de ses anges et de ses saints. Peu sensible à cette décoration, le soldat ne pensa qu’au mauvais grabat de son hôte et aux punaises qui le tourmentèrent la nuit. Le matin, faisant son bagage, il avise le bas-relief, et s’adressant au Père Éternel : « C’est toi, dit-il, qui as inventé les punaises ; voilà pour te remercier ! » Un coup de bâton qui cassa la tête de la statue, termina la prosopopée.30
27Dans tous ces cas, la mutilation provient d’une assimilation entre la représentation et son modèle. L’humour du récit présentant la sottise humaine naît du registre invariablement soutenu et technique qui est le sien dans les Notes de voyages. Mais Mérimée remarque aussi que les enfants, qu’il qualifie de « petits iconoclastes », s’amusent comme les adultes à jeter des cailloux :
J’ai remarqué trop souvent que toute représentation de la figure humaine excite à la destruction bien plus énergiquement que tout autre objet également beau et fragile. Notre belliqueuse nation se plaît au simulacre des combats […]. Un saint de pierre est pour eux un but tout trouvé, but bien plus noble qu’un arbre par exemple ; c’est un ennemi qu’ils ont plaisir à démembrer, ils voient les blessures qu’ils font, ils nomment les parties qu’ils visent.31
28Mais la cause la plus fréquente de la décrépitude des édifices est la simple négligence. On a aussi, très souvent, voulu réutiliser les vieilles pierres pour rebâtir du neuf, le goût du « modernisme » poussant à démolir une église vénérable pour en reconstruire une nouvelle, sans caractère, juste à côté. À Chartres, on souhaite soudain remplacer les vitraux par des verrières neuves. Le goût du badigeon qui masque tant de peintures anciennes provient du désir de nettoyer et de rafraîchir des murs peut-être mal en point. Parfois, ce sont des peintures de couleurs criardes que l’on passe sur les piliers ; à Vienne, on a imaginé
des fresques dans le goût des enseignes de cabarets. Il faut savoir que tous les ans des essaims de barbouilleurs italiens se répandent dans les départemens du midi, et couvrent les murs de nos églises de leurs ignobles compositions. […] Quand donc les curés comprendront-ils qu’il est de l’intérêt de la religion de conserver à ses temples leur caractère antique, si grave, si imposant, si chrétien ? S’ils barbouillent les églises comme les cafés, n’est-il pas à craindre que l’extrême ressemblance de lieux d’un usage si différent ne porte les gens à se mettre à leur aise aussi bien dans les uns que dans les autres ?32
29Pourtant Mérimée est athée : son intérêt pour les églises est purement culturel. S’il poursuit une certaine représentation de l’art, il rejoint aussi les préoccupations « pittoresques » des voyages en province, qui cherchent l’image convenue, tandis que la province refuse de se cantonner dans le passé et se flatterait d’être d’avant-garde.
30Souvent, en effet, un édifice ancien contrarie les désirs expansionnistes de municipalités ou de promoteurs : le projet d’agrandissement de l’hôpital, le tracé du chemin de fer passent sur des remparts ou sur une vieille chapelle, on veut dégager une nouvelle place. Alors on songe à détruire sans plus de cérémonies le rempart devenu inutile, la chapelle désaffectée, la tour branlante. À Saintes, à la suite d’une modification dans le plan de ville, le maire tient à élever une passerelle juste en face d’un arc romain en cours de restauration :
Un conseiller municipal a dit que s’il était maire, il chargerait quatre gaillards d’assurer à grands coups de pic la parfaite impossibilité de réparer le monument qui privera la ville de sa passerelle. La menace est un mouvement de rhétorique, mais je ne serais pas surpris qu’on essayât de l’exécuter. Je ne le serais guère non plus d’attraper une bonne raclée demain en traversant le faubourg pour retourner à Niort.33
31Finalement, la destruction s’explique par l’absence de sacralisation de l’ancien en tant que tel, et le manque de conscience historique. Aux alentours des Aliscamps, les tombeaux servent de bauge aux bestiaux ; l’arc romain de Carpentras de vespasiennes. La vie présente et le soin de ses commodités prévalent sur la conservation d’antiquités encombrantes, à moins que la démolition n’ait été dictée par le profit immédiat : des domaines ont été vendus par morceaux, des statues enlevées une par une. En Avignon, même, des Corses casernés dans le palais des Papes en ont enlevé des fresques attribuées à Giotto :
Les soldats, en qualité d’Italiens, avaient le goût des belles choses et savaient les exploiter. Des Français auraient balafré les saints ou leur auraient mis des moustaches. Les Corses les vendirent.34
32En fait, si les édifices anciens se trouvaient être encore utilisables d’une manière ou d’une autre, l’usage le plus commun a été de procéder à des réaffectations : beaucoup d’églises ont été utilisées pour leur volume, comme grenier à foin, halle à blé, magasin de fagots, de futailles, de poudre, de cercueils, ou transformées en brasserie. À Laval, le château sert de prison :
On sait combien le malheur et l’ennui de la réclusion stimulent l’instinct de la destruction chez les hommes du peuple.35
33Le même usage est donné à l’église Saint-Savinien de Poitiers :
Cette destination comme vous pouvez le penser n’est pas très favorable à sa conservation. On a pratiqué des cellules dans les transepts. Le chœur est un cabanon. Il est question de détruire quelques jolies sculptures qui restent encore, parce que MM. les criminels peuvent s’en servir, pour grimper et prendre le large.
34Le pire vandale, selon Mérimée, est le génie militaire, qui installe ses casernes un peu partout, à Strasbourg ou à Toulouse, par exemple, où l’église des Dominicains est décrite comme admirable :
Voilà ce que j’ai vu, plus cinq cents chevaux mangeant leur avoine et autant de cannonniers dessinant ce que je n’ose dire.
35L’inspecteur assermenté, qui a de la fonction des bâtiments une idée somme toute plus conformiste, n’a donc pas toujours des rapports faciles avec les responsables locaux : il faut les convaincre de gérer un édifice de conservation exigeante, sans le réutiliser à leur gré, obligés qu’ils sont d’en passer par les décisions d’un pouvoir centralisé délégué à un visiteur occasionnel.
36Faire la tournée des ruines ; mais pas réhabiliter à n’importe quel prix. Les notes de voyages sont remplies de ces descriptions de bâtiments remarquables, qui donnent lieu à de simples classements. Dans les cas peu graves, de légers travaux de conservation peuvent consolider l’édifice en l’état. Mais souvent, il faut envisager une entreprise plus importante : réfection de la voûte, d’un pilier, d’un escalier… Il convient pourtant de limiter les retouches – « restaurée, lisez défigurée »36 –, de respecter la ruine dans le vestige : Mérimée félicite l’héroïque curé de Saint-Maximin, qui tenait à la belle patine des pierres et des boiseries de son église, au point de faire la grève du culte pour ne pas laisser entrer les « badigeonneurs » envoyés par le conseil municipal37. Parfois, on peut envisager un déplacement : les tapisseries de Boussac, dites de la « Dame à la licorne », sont ainsi soustraites aux rats ; telle sculpture, à l’abandon, serait plus à sa place dans un musée ou simplement à l’abri de la pluie38.
37Mérimée n’approuve pas la rénovation intégrale, et trouve les réparations d’autant plus réussies qu’elles ne cherchent pas à restituer l’original, et que la marque du temps se laisse voir malgré tout : à l’aqueduc de Jouy, près de Metz,
[o]n a trop réparé, trop bien réparé ; on n’a pas conservé le caractère de ruine, et partant on s’est mis à dos tous les peintres de paysages et les amateurs dont Metz fourmille.39
38C’est l’un des points de friction avec son ami Viollet-le-Duc, restaurateur de Vézelay :
Il a fait exécuter tout autour de l’église une espèce de frise très compliquée et d’un caractère singulier : il est certain qu’il a trouvé des modèles encore très reconnaissables de cette disposition, mais seulement dans une portion des murs extérieurs. Il me semble que dans beaucoup d’autres parties, ou il n’y avait rien, ou il y avait autre chose. D’ailleurs une pareille uniformité n’est guère dans les pratiques byzantines. Je soupçonne même le fragment d’après lequel on a refait cette ornementation, de ne pas appartenir à la construction primitive. Enfin, cela a dû coûter beaucoup et n’ajoute rien au mérite de la restauration.40
39Viollet-le-Duc réplique dans l’article « Restauration » de son Dictionnaire raisonné de l’architecture française :
Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné.41
40Mérimée parle souvent de « restauration barbare »42, argumentant en faveur de la modération :
On a poussé trop loin les restaurations dans les monumens de Nîmes, surtout dans les Arènes. Au lieu de se borner, comme on l’aurait dû, à consolider les parties qui menaçaient ruine, et dont la destruction aurait compromis l’édifice, on les a refaites entièrement ; c’est une reconstruction et non une réparation que l’on a essayée. Par exemple, une galerie intérieure tout entière a été bâtie sur le plan de celle qui s’est conservée à Arles. […] Ne comprend-on pas ce que ces additions doivent inspirer de défiance aux contemporains, encore plus à la postérité ? Au lieu de pouvoir étudier avec sécurité l’histoire de l’art, il faut commencer par discuter l’origine de chaque morceau qu’on examine, et s’assurer qu’il est antique par une recherche d’autant plus difficile que plusieurs de ces réparations ont été faites avec des fragments réellement antiques que l’on a seulement changés de place.43
41Dans nombre de cas, le travail de restauration consiste même justement à effacer les traces des réfections abusives ou maladroites. Heureusement, affirme Mérimée en 1835 :
[A]ujourd’hui le renouvellement de ces fautes n’est plus possible. La commission archéologique, chargée de la surveillance des travaux, s’occupe avec zèle de sa tâche et ne néglige rien pour s’en acquitter avec conscience. Maintenant aucune restauration ne s’exécute que lorsque la nécessité en est démontrée, et, si quelques changements sont faits au mode de construction antique, ils sont justifiés ou par une impossibilité complète, ou bien par les frais énormes qu’il faudrait faire pour y parvenir.44
42Il s’avançait peut-être un peu car, dans une lettre de 1846, il avoue à Vitet que la restauration de la cathédrale de Laon, par exemple, exécutée sur les crédits publics, s’est soldée par
des replâtrages ignobles, des bases de colonnes refaites en ciment de Vassy qui s’écaille de tous côtés, des moulures sans caractères, des gargouilles qui jettent l’eau à l’intérieur.45
43Ainsi, à travers ses notes, Mérimée dessine une théorie de la restauration, mais aussi, plus largement, le statut de l’histoire de l’art à son époque. Les vestiges les plus anciens, en particulier ceux du Moyen Âge, sont les plus goûtés par les lettrés : la cathédrale gothique constitue un modèle du genre, et c’est bien cette forme architecturale qui semble avoir sa préférence dans les Notes de voyages, à côté des restes celtiques, des vestiges romains ou des édifices romans. Dans une église, les statues ayant été
détruites dans la révolution avec un grand nombre de jolis détails de l’église, on les a remplacées par des saints de fabrique moderne, les plus vilaines figures et les plus ridicules qui se puissent voir.46
44Les fresques de Saint-Savin, en particulier, qui ont assis la réputation scientifique de Mérimée47, ont connu beaucoup d’avatars. Après une première visite en 1835, décrite dans le Voyage dans l’Ouest de la France48, Mérimée avait proposé d’enlever le badigeon blanc recouvrant les fresques, et de consolider la voûte. En juillet 1840, il repasse par Saint-Savin, qu’il trouve dans un état pitoyable. L’architecte local propose de restaurer les fameuses fresques, ce que la commission accepte non sans réserves. En septembre 1844, Mérimée y retourne :
En ouvrant la porte de l’église j’ai manqué tomber à la renverse. Toutes les colonnes étaient peintes, les murs latéraux aussi, la bande retrouvée faisait le tour de la nef, il y avait des échafauds dans le chœur, dont la voûte était plus qu’à moitié recouvertes de grandes figures, et quelles figures ! Le contraste entre les fresques anciennes très claires et les peintures modernes d’un ton très intense […] était la chose au monde la plus révoltante. […] voici ce qu’il a fait. 1 ° Un père éternel dans une gloire, barbe grise, louchant horriblement. 2 ° À côté de lui, il avait trouvé un bec d’oiseau. C’était probablement l’Aigle de St Jean. Il en a fait un coq avec une belle queue etc. […] tout cela était exécrable.49
45Il entre dans une colère telle qu’une heure plus tard le père éternel et son coq avaient disparu ; et à sa tournée suivante, en 1849, les couleurs « d’une crudité révoltante » s’étaient atténuées. Cependant,
[l]e curé de Saint-Savin est furieux. […] Je pense que je dois à ses prières la pluie battante qui me poursuit depuis trois jours.50
46Mérimée n’a pas un regard pour les constructions du xviie ou du xviiie, accusant le siècle précédent d’un insupportable mauvais goût – mais cette architecture alors moderne, qu’il qualifie très généralement de laide51, n’avait guère besoin de ses soins. Le xviiie au contraire emploie l’adjectif gothique comme synonyme de « barbare », au moins dans les premiers dictionnaires des beaux-arts52. La réhabilitation du Moyen Âge, poncif littéraire de l’époque, et de la cathédrale gothique, s’est en revanche assurée dans les pages célèbres de Chateaubriand53, de Michelet, ou de Hugo. La grandeur de la cathédrale gothique appartient encore au présent, en dehors de toute religiosité, comme fruit d’un travail artistique conscient de ses effets.
Je ne puis voir ces feuilles de chardon, ces dais gothiques, ces pinacles si minces, si délicats, si détachés de la pierre, sans éprouver une certaine émotion en pensant au chagrin que l’artiste aurait éprouvé si, par une distraction, il avait donné un coup de marteau plus fort que les autres. Mais les artistes de ce temps-là n’avaient pas de distractions, et j’aime à croire qu’ils prenaient plaisir à ces merveilleuses bagatelles.54
47Sensible aussi au charme de l’irrégularité ou de la fantaisie, Mérimée se charge de réécrire, par la visite, une histoire de l’art différente : il tente de rétablir une cohérence dans l’espace, en déterminant une certaine unité régionale.
48Histoire de l’art donc, mais histoire voyageuse : ses Notes de voyages proposent à peine des itinéraires, plutôt des étapes, dont les notes au ministre ne sont que le reflet culturel, et entre lesquelles l’ellipse est complète sur la vie du voyageur. Mais il se veut presque un guide :
J’ai pensé que la publication de ces notes pourrait être de quelque utilité aux personnes qui visiteraient les lieux que j’ai parcourus. Je croirais avoir rendu service à l’archéologie en provoquant un nouvel examen des monumens que j’ai décrits…55
49Mission de guide culturel et touristique, qui propose au voyageur de marcher sur ses brisées et indique simplement, dans un ordre qui peut permettre matériellement la visite, les sites qui valent le détour ou le voyage. Dans le dernier compte rendu, au contraire, celui de son expédition en Corse, le plan est différent des voyages précédents, qui se présentaient comme la succession des sites remarquables de sa tournée. Là, il procède à des regroupements thématiques : restes « celtiques », églises, ponts… Et il conclut :
Je viens, Monsieur le Ministre, de vous faire connaître les résultats de ma tournée en Corse, résultats presque négatifs, car je n’ai guère eu à constater que la rareté et le peu d’importance des monuments de ce pays.
50En revanche, il termine sa revue par la description des excellents fusils qu’il voit aux mains de paysans en guenilles, transcrit en annexe des chansons populaires, et revient fasciné par les Corses, à qui il emprunte le personnage de Colomba56.
51En effet, il continue d’écrire pour son propre compte, tirant de ses voyages des sujets ou certains éléments de ses récits, comme on le voit bien avec La Vénus d’Ille. L’incipit de la nouvelle,
Je descendais le dernier coteau du Canigou, et, quoique le soleil fût déjà couché, je distinguais dans la plaine les maisons de la petite ville d’Ille, vers laquelle je me dirigeais…,
52reprend un épisode de sa tournée dans le Midi, l’un des rares moments d’ailleurs où Mérimée s’attarde à décrire un paysage « triste et sauvage »57. La fameuse statue paraît la transposition d’une sculpture curieuse observée à Vienne, tandis que ses traits moqueurs, d’une « malice arrivant jusqu’à la méchanceté » et ses « yeux un peu obliques » rappelleraient plutôt les têtes du tombeau des ducs de Bretagne58. Mais si le voyage génère l’écriture fictionnelle, les deux genres semblent pourtant assez hermétiquement séparés, sur un mode différent. En septembre 1845, il promet à Vitet
une petite drôlerie de votre serviteur, qui serait demeurée inédite si l’auteur n’eût été obligé de s’acheter des pantalons.59
53Il vient de faire imprimer Carmen, née de ses voyages en Espagne.
54Dans sa correspondance, en effet, le voyageur apparaît à découvert. Ses lettres privées n’offrent pas que la revue des sites à restaurer ; il avoue rattraper le retard de ses courriers dans les villes « où il n’y a rien à voir ». Ses démêlés personnels avec les conseils de fabrique ou les municipalités proposent des galeries de portraits d’où émergent des « types » : le curé tyrannique, l’architecte fou, le vieil usurier – peut-être modèle du père Grandet –, les maires de petites villes sous les traits de « Monsieur Prudhomme »… L’évocation de la puanteur du port de Marseille, la saleté et les puces des auberges, les cheveux dans la soupe, l’incommodité des transports, ainsi que nombre d’anecdotes amusantes sont destinées à ses proches. L’épisode de l’arc romain et de la passerelle de Saintes met en scène une milice d’épiciers en noir venue le menacer jusque dans sa chambre d’hôtel en répétant « Mais la ligne droite ! » comme dans une comédie de Molière. Sous l’humour, on prend bien la mesure des difficultés d’un métier apparemment simple.
55Les récits des voyages de Mérimée sont donc susceptibles de toutes les variations. Les Notes sont des comptes rendus de mission et des guides, dans lesquels l’inspecteur montre sa compétence ; les lettres dévoilent la personne du voyageur ; les nouvelles utilisent souvent les matériaux récoltés dans ses tournées. Mérimée ne prétend pas à l’originalité, ses rapports académiques se veulent le reflet d’une interprétation consensuelle. Même dans la forme, il a pu faire école puisque Stendhal lui-même n’a pas dédaigné de lui emprunter quelques phrases, reconnaissant parfois explicitement ce qu’il lui doit60. Mais les Notes de voyages ont peut-être aussi contribué à montrer la route à ces touristes « dociles » dont Taine a pu faire la caricature :
[D]es êtres réfléchis, méthodiques, ordinairement portant lunettes, doués d’une confiance passionnée en la lettre imprimée. On les reconnaît au manuel-guide, qu’ils ont toujours à la main. Ce livre est pour eux la loi et les prophètes. […] On les voit aux sites remarquables, les yeux fixés sur le livre, se pénétrant de la description et s’informant au juste du genre d’émotion qu’il convient d’éprouver. […] Ont-ils un goût ? On n’en sait rien : le livre et l’opinion publique ont pensé et décidé pour eux.61
Notes de bas de page
1 Mérimée, Notes de voyages, P.-M. Auzas éd., Paris, Biro, 1989, t. I : Notes d’un voyage dans le Midi de la France (1835), p. 174-175. Les quatre autres volumes s’intitulent : II, Notes d’un voyage dans l’Ouest de la France (1836) ; III, Notes d’un voyage en Auvergne (1838) ; IV, Notes d’un voyage en Corse (1840). Nous nous y référerons désormais sous les mentions respectives de Midi, Ouest, Auvergne et Corse.
2 Cité par A. Fermigier, « Mérimée et l’inspection des monuments historiques », dans P. Nora dir., Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, nouv. éd. 1997, tome La Nation, le patrimoine, p. 1602. Ces Voyages paraissent de 1820 à 1878.
3 Chaque volume de ces Notes de voyages est présenté comme un « extrait d’un rapport adressé à M. le Ministre de l’Intérieur », indication qui forme le sous-titre. Par la suite, il envoie des rapports sous forme différente, en 1843, 1846, 1850.
4 Stendhal le surnomme d’abord « Clara » dans ses écrits intimes, rappelant la mystification du Théâtre de Clara Gazul, puis, à partir de 1837, « Academus », prétendant que Mérimée est devenu pédant et pontifiant, ce qu’il admet lui-même en avouant en 1838 : « Je travaille à un grand ouvrage cuistro-historique » (Théâtre de Clara Gazul, Romans et nouvelles, J. Mallion et P. Salomon éd., Gallimard « Pléiade », 1978, p. 1499), mais ce surnom anticipe aussi son élection en 1843 à l’Académie des inscriptions et belles-lettres puis, en 1844, à l’Académie française.
5 P.-M. Auzas, introduction aux Notes de voyage, éd. citée, t. 1, p. 18.
6 Midi, p. 175.
7 … et le nom de la mariée, Mlle de Puygarrig : un M. Puiggari, érudit de Perpignan, avait vivement attaqué Mérimée à propos de son Voyage dans le Midi.
8 Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de notre temps, Paris, Lévy, 1859, t. II (Rapport de Guizot à Louis-Philippe, 21 octobre 1830).
9 Pour Sainte-Beuve : « Précis, attentif et positif comme pas un, [Mérimée] allait continuer pendant des années cette suite de services d’un détail infini, et qui exigent des déplacements continuels, une sagacité infatigable ; il sauvait de la ruine quantité d’édifices intéressants, menacés et méconnus » (Nouveaux Lundis, VII ; cité par M. Parturier dans son introduction à La Naissance des monuments historiques, la correspondance de Prosper Mérimée avec Ludovic Vitet (1840-1848), Paris, CTHS, 1998, p. LI (appelé par la suite Lettres à Vitet).
10 Lettre à Jenny Dacquin, 9 sept. 1834, Correspondance générale, M. Parturier éd., Paris, Le Divan, 1946, t. I, p. 322.
11 Lettre à Mme de Beaulaincourt, 17 juillet 1868 (Correspondance générale, t. XIV, p. 191).
12 Cité par M. Parturier dans son introduction aux Lettres à Vitet, p. L.
13 Le Comité historique des lettres, philosophie, sciences et arts, créé en 1835, est « une drôle de réunion […]. Vous dire quels bavards nous faisons est impossible. Le Victor Hugo nous fait de la poésie sur tout » (cité par X. Darcos, Mérimée, Paris, Flammarion, p. 195).
14 Cité par J.-M. Goulemot, P. Lidsky et D. Masseau, Le Voyage en France. Anthologie des voyageurs français et étrangers en France, Paris, Laffont « Bouquins », t. 2, p. 3.
15 La loi du 30 mars 1887 fut la première à protéger les monuments historiques (voir J.-P. Bady, Les Monuments historiques en France, Paris, PUF « Que sais-je ? », 1985).
16 Lettres à Vitet, p. 201.
17 Guizot, cité par L. Theis, « Guizot et les institutions de mémoire », dans Les Lieux de mémoire, op. cit., p. 1590.
18 Mémoires d’outre-tombe, M. Levaillant et G. Moulinier éd., Paris, Gallimard « Pléiade », 1951, t. 1, livre XIII, chap. III, p. 437.
19 Ouest, p. 204.
20 Lettres à Vitet, p. 196.
21 Ouest, p. 204.
22 R. Mortier, La Poétique des ruines en France, Genève, Droz, 1974, p. 15.
23 Cité par P.-M. Auzas, introduction aux Notes de voyage, éd. citée, t. 1, p. 20.
24 Stendhal fait la même réflexion : « Le paysan auquel ce champ appartient se plaint que cette masure attire des curieux qui causent des dégâts, et je pense que bientôt il obtiendra des autorités la permission de la démolir. » (Mémoires d’un touriste [1838], dans Voyages en France, V. Del Litto éd., Paris, Gallimard « Pléiade », 1992, p. 41).
25 Lettres à Vitet, p. 157.
26 Midi, p. 110.
27 Ouest, p. 97.
28 Auvergne, p. 25.
29 Ouest, p. 42.
30 Midi, p. 53.
31 Midi, p. 106.
32 Midi, p. 93.
33 Lettres à Vitet, p. 120.
34 Midi, p. 104.
35 Ouest, p. 44.
36 Lettres à Vitet, p. 34.
37 Midi, p. 144.
38 « Des bas-reliefs qui périssaient attachés au pied de cette tour ont été transportés dans l’église, il y a deux ans, par les soins de M. Mérimée. » (Stendhal, Mémoires d’un touriste, éd. citée, p. 12)
39 Lettres à Vitet, p. 183.
40 Lettres à Vitet, p. 284.
41 Cité par B. Foucart, « Viollet-le-Duc et la restauration », dans Les Lieux de mémoire, op. cit., p. 1622-1623.
42 Ouest, p. 177.
43 Midi, p. 194.
44 Ibid.
45 Lettres à Vitet, p. 190-191. Cette réflexion aboutira à la création d’un corps spécial d’architectes.
46 Ouest, p. 97.
47 Voir sa Notice sur les peintures de l’église de Saint-Savin, Imprimerie royale, 1845, in-fol., 42 pl. en couleurs.
48 Ouest, p. 195-201.
49 Lettres à Vitet, p. 106.
50 Lettres à Vitet, p. 299.
51 À l’exception notable du deuxième pont du Gard : « On dit trop de mal du pont moderne ; c’est sans doute un trait de barbarie d’avoir élevé une construction à côté de l’ouvrage des Romains ; mais il semble que les architectes du xviiie siècle se soient un peu inspirés par un si beau voisinage. » (Midi, p. 175)
52 Voir E. Lavezzi, « Dans la lignée des Goths : l’adjectif gothique dans les dictionnaires des beaux-arts au xviiie siècle », dans Barbares et sauvages. Images et reflets dans la culture occidentale, Actes du colloque de Caen, févr. 1993, Presses universitaires de Caen, 1994, p. 107-120.
53 Voir en particulier Génie du christianisme, M. Regard éd., Paris, Gallimard « Pléiade », 1978, vol. III, livre 1, chap. 8, p. 800-802 ; pour Michelet : Introduction à la Renaissance, dans Œuvres complètes, P. Viallaneix éd., Paris, Flammarion, t. VII, chap. X, p. 78-82.
54 Midi, p. 72.
55 Midi, p. 43.
56 À la différence de Mateo Falcone, nouvelle écrite dix ans plus tôt sur des bases livresques.
57 Midi, p. 221.
58 « J’ai vu à Vienne, il y a quelques jours, une statue antique qui a bouleversé toutes mes idées sur la statuaire romaine. J’avais toujours vu le beau idéal de convention intervenir dans l’imitation de la nature. Là, c’est tout différent. Cette statue représente une grosse maman bien grasse… » (lettre à Jenny Dacquin, 9 sept. 1834, dans Correspondance générale, t. I, p. 324-325) ; et à Nantes : « Je suis frappé de la forme des yeux relevés vers l’angle externe, la paupière inférieure légèrement convexe. Sans doute les idées reçues sur la beauté au xvie siècle le voulaient ainsi ; mais ils donnent à la physionomie une expression de moquerie assez piquante, peu convenable d’ailleurs à leur attitude grave et à leur caractère allégorique. » (Ouest, p. 142)
59 Lettres à Vitet, p. 174.
60 Par exemple dans les Mémoires d’un touriste (V. Del Litto signale un grand nombre d’emprunts). Le voyageur décrit ainsi le tombeau des ducs de Bretagne (voir supra note 58) instruit par « [u]n de [s]es amis d’hier, qui avait la bonté de me servir de cicérone » : « L’expression de ces têtes a une teinte de moquerie assez piquante, et surtout bien française. Voici le mécanisme à l’aide duquel M. Colomb a obtenu cet effet. Les yeux sont relevés vers l’angle externe, et la paupière inférieure est légèrement convexe à la chinoise. » (éd. citée, p. 241) Les deux amis ont fait plusieurs voyages ensemble, entre autres en Auvergne en 1837 et à Naples en 1839.
61 Taine, Voyage aux Pyrénées (1858), Paris, Hachette, éd. 1884, p. 283-284, cité par D. Nordman, « Les Guides-Joanne, ancêtres des Guides bleus », dans Les Lieux de mémoire, éd. citée, tome La Nation, paysages, p. 1043.
Auteur
Université de Nice.
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