« Souvenirs d’un voyage… » : esquisse d’une théorie du souvenir au temps du romantisme
p. 91-113
Texte intégral
« Voyage » ou « souvenirs d’un voyage »
1« Voyage en Italie » et « Souvenirs d’un voyage en Italie » – est-ce que ces deux versions d’un titre hypothétique se valent, de sorte que nous aurions affaire, pour les « souvenirs d’un voyage », à une simple tautologie ? Il suffit de jeter un coup d’œil rapide sur l’ample production des voyageurs romantiques pour se rendre compte qu’en un sens il en est ainsi : des centaines d’exemples suffisent à démontrer que les deux versions peuvent être parfaitement équivalentes et qu’en plus, dans beaucoup de cas, les « souvenirs d’un voyage » sont loin de désigner un genre plus intime, plus subjectif et privé qui se distinguerait de prime abord de formes plus objectives du récit de voyage. Il existe des « souvenirs de voyage » militaires, diplomatiques, coloniaux, ethnographiques et autres, dans lesquels le titre de « souvenir » ne sert qu’à confirmer l’authenticité de la perspective personnelle ou bien à attirer l’attention sur le caractère fragmentaire des choses vues et des expériences faites en route – deux choses qui vont de soi, paraît-il.
2Et pourtant le fait que le voyage romantique soit le premier à afficher la qualité mémorialiste de l’expérience viatique éveille forcément la curiosité de l’historien de la littérature et exige une explication. Si, depuis longtemps déjà, on a pu assister à la naissance d’une véritable « titrologie », relative à la littérature de fiction1, il serait peut-être temps de se poser des questions analogues en ce qui concerne la vaste littérature de voyage – bien qu’à première vue on s’y voie confronté à une monotonie décevante. D’où vient donc que, jusqu’au seuil du xixe siècle, il y ait les « voyages », les « itinéraires », les « relations », les « promenades », des termes tels que « description », « état », « livre », voire « journal », mais pas de « souvenirs de voyage » ? Je reviendrai sur cette question, mais, dès à présent, il importe peut-être de relativiser d’avance un argument qui semble s’imposer tout de suite. Je pense au problème de la naissance de la subjectivité2 et de la prise de conscience du moi, sous l’impulsion de la sensibilité aristocratique tout d’abord, bourgeoise et éclairée plus tard, processus qui, on le sait, finit par faire culbuter le système épistémologique séculaire des arts et des lettres et par dévaluer peu à peu le paradigme humaniste et éclairé du voyage. Depuis le voyage burlesque et sentimental, dont les débuts remontent au siècle de Louis xiv, jusqu’aux « promenades » préromantiques, nous aurions là toute une gamme de genres subjectifs qui se prêteraient à merveille à la dénomination de « souvenirs de » et qui pourtant n’en font rien. Il y a bien, pour citer quelques exemples choisis plus ou moins au hasard, les souvenirs sentimentaux que sont Les Aventures de Dassoucy (1677), les souvenirs s’échelonnant au jour le jour dans le Journal d’un voyage fait aux Indes orientales (1721) de Robert Challe, il y a la tradition des Soirées – Les Soirées helvétiennes (1779) d’un Masson de Pezay ou Les Soirées provençales (1783) de Bérenger –, il y a déjà le type du voyage pittoresque et sentimental tel que Le Voyage pittoresque et sentimental dans les Pyrénées (1789)3 de Saint-Amans, et il y a, bien sûr, le genre des « lettres » qui caractérise peut-être le plus clairement les nouvelles tendances sentimentales et intimistes du siècle des Lumières. Ce qui manque cependant, répétons-le, ce sont des « souvenirs de voyage ». Il faudra en fait attendre jusqu’au seuil des années 1820 pour voir commencer – comme d’un seul coup – le triomphe des « souvenirs ». Curieusement d’ailleurs, les premiers exemples ne semblent nullement typiques : les Souvenirs de Londres en 1814 et 1816 (Paris, 1817) de Georges A. Crapelet représentent un voyage qui vise principalement « l’histoire » et la description de la ville de Londres « dans un état actuel » et ne sacrifie pas à la mode sentimentale ; quant aux Souvenirs des Antilles… (Paris, 1818) du baron de Montlezum, il s’agit d’un véritable voyage de recherche. Ce ne sera qu’à partir des années 1830 et 1840 qu’une nouvelle génération de voyageurs romantiques, Lamartine, Didier, Julvécourt, Nisard, Stendhal, Marmier, Nerval et d’autres, auront régulièrement recours à ce genre de titre jusqu’alors plutôt rare. Quelques chiffres : sur à peu près 4000 récits de voyage de langue française publiés entre 1820 et 1910, on compte à peu près 450 « souvenirs de voyage » proprement dits, soit un neuvième de la somme totale4.
3Attachons-nous au problème du décalage historique, retard d’autant plus surprenant que – nous l’avons déjà indiqué – le voyage sentimental a multiplié, dès la fin du xviiie siècle, les signes d’une nouvelle approche résolument autobiographique et subjectiviste. Pour Madame Roland, par exemple, il ne s’agirait dans son Voyage en Suisse en 1787 que de « retracer », comme elle le dit, « les objets intéressants qui ont frappé [s]es yeux et touché [s]on cœur »5, de sorte que semble être exclu tout ce qui ne se réfère pas à l’expérience subjective ; elle va jusqu’à affirmer qu’elle n’écrit en réalité que pour elle-même et non pas pour un grand public anonyme, argument que nous retrouverons sous la plume d’autres auteurs, par exemple dans Rome, Naples et Florence en 1817 de Stendhal6, ou bien dans le Voyage en Italie (1791) de Charles Pinot Duclot qui n’hésite pas à affirmer n’avoir écrit « que pour [sa] satisfaction particulière, et non pas pour l’impression »7. Lamartine dira encore dans son Voyage en Orient : « Les notes que j’ai consenti à donner ici aux lecteurs […] ne sont bonnes à rien qu’à mes souvenirs » ; c’est que, ajoute-t-il : « Elles n’étaient destinées qu’à moi seul. »8 Il semble bien que le discours mémorialiste renferme un parti pris solipsiste qui souligne la scission grandissante entre l’auteur et le lecteur. On ne saurait mieux illustrer la distance qui sépare ce nouveau type de récit de voyage, écrit pour le compte personnel de l’auteur, de l’idéal traditionnel d’un moyen objectif d’instruction, auxiliaire des disciplines de l’histoire et de la géographie.
Fonction identitaire et fonction magique
4Écrire pour soi-même, c’est écrire pour collectionner des moments précieux. J’ai traité ce thème ailleurs9 et me contente de rappeler ici quelques passages significatifs. À l’instar de bien d’autres, Mercier-Dupaty10 s’adonne à la jouissance des moments fugitifs liée, semble-t-il, à une nouvelle conscience de la fonction de la mémoire, réservoir d’impressions dignes d’être tirées de l’oubli. Rien de surprenant donc à ce que, tout au long du xviiie siècle, nous assistions à l’éclosion du thème ou du phénomène du souvenir anticipé11. Comme le dira Pierre-Hyacinthe Azaïs, dans son modeste récit de randonnées intitulé Un mois de séjour dans les Pyrénées (1809) :
Ce papier, dépositaire de mes sentiments, de mes observations, de mes pensées, m’aura suivi partout où j’aurai senti, où j’aurai observé. Il aura été présent, en quelque sorte, à tous les mouvemens de mon ame [sic] […]. Témoin animé, et doué, plus que moi encore, d’une mémoire fidelle, il me redira tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai fait.12
5Fernand Schickler se fera l’écho de cette conception en écrivant : « Voyager sans prendre des notes, c’est selon moi, sacrifier une part considérable des jouissances de l’avenir. »13 Mais il n’est pas douteux que le thème du souvenir anticipé fera désormais partie intégrante du voyage subjectif14. Car le souvenir de voyage, c’est la lutte anticipée contre l’oubli, la recherche d’une continuité menacée. Un quart de siècle après Azaïs, Lamartine écrira que le moi du voyageur
s’écoute lui-même penser, jouir ou souffrir ; il grave aussi alors un mot de ses impressions lointaines, pour que le vent de l’Océan ou du désert n’emporte pas sa vie tout entière, et qu’il lui en reste quelque trace dans un autre temps, rentré au foyer solitaire, cherchant à ranimer un passé mort, à réchauffer des souvenirs froids, à renouer les chaînons d’une vie que les événements ont brisée à tant de places.15
6Au moment même d’être conçu, le récit de voyage prend en compte sa fonction future de « dépositaire » de souvenirs intimes. Tout se passe donc comme si la nouvelle valeur attribuée aux souvenirs était fonction d’un nouveau sens de la temporalité qui caractériserait la génération révolutionnaire et postrévolutionnaire. Face au péril de l’émiettement du moi, expérience dont Chateaubriand se fait le porte-parole pathétique, il n’y a plus que les souvenirs qui semblent garantir l’identité de l’être : « Comme il ne me reste que des images de ce qui a passé si vite »16, se plaint l’auteur des Mémoires d’outre-tombe. Mais ce sont justement ces images qui contribuent à tisser le réseau étroit dans lequel « [s]es souvenirs se font écho »17. Et, si cette mémoire à laquelle il s’en remet « est souvent la qualité de la sottise, […] néanmoins, sans la mémoire, que serions-nous ? Nous oublierions nos amitiés, nos amours, nos affaires […], notre existence se réduirait aux moments successifs d’un présent qui s’écoule sans cesse ; il n’y aurait plus de passé ». Et l’auteur de conclure que notre vie est si vaine « qu’elle n’est qu’un reflet de notre mémoire »18. La mémoire assume alors une fonction identitaire qui renvoie à une couche profonde de la personnalité. Et ce qui vaut pour la vie en tant que telle, est encore plus vrai pour le voyage qui se réduit, par son essence même, « aux moments successifs d’un présent qui s’écoule sans cesse ». Chateaubriand ne parle pas encore de « souvenirs de voyage », mais il n’en concevra pas moins son Itinéraire comme « des Mémoires d’une année de ma vie »19 et il sera le premier à établir une connexion étroite entre l’autobiographie et les récits de voyage.
7C’est ainsi que le voyage de type romantique et autobiographique assume une fonction à la fois consolatrice et totalisatrice. Mais il y a plus : la poétique des ruines, dont Chateaubriand se vante d’avoir découvert les résonances intimes, renvoie aussi à la fonction poétique (au sens romantique) et magique de la mémoire exploitée plus tard par les Promenades et souvenirs de Nerval et d’autres. Ce que le voyageur n’a peut-être pas été à même d’apprécier pleinement et à sa juste valeur au moment de l’expérience immédiate recevra plus tard une douce coloration nostalgique. Comme le souligne Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe, les expériences du passé « reflètent sur le présent la douce lumière des souvenirs »20. Ainsi dans L’Homme sans qualités, Robert Musil aura encore une fois recours à la vieille métaphore de la promenade pour décrire cet effet rétrospectif : Walter et sa sœur
aimaient se demander l’un à l’autre : tu te rappelles ? et alors la lumière du passé refluait comme par enchantement des lointains dans le présent. […] C’est un peu comme si, au bout d’une longue promenade plutôt morne, on se retournait tout à coup et que toute la distance parcourue, transformée en une vision panoramique, s’étendait devant vos yeux, pareille à une belle surprise.21
8L’enchantement est l’effet d’un recul : « Il ne me plaît pas de décrire ce que je tiens sous mes yeux, j’ai besoin des magiques reculs du souvenir », écrira Maurras dans son essai Sous mes jeunes cyprès22. Tout en visant des souvenirs particuliers, la vision rétrospective embrasse la vie tout entière ; le fragment fait partie de la totalité qui va envelopper ce dernier d’un halo magique. C’est exactement ce qui se passe dans l’autobiographie, et ce n’est donc pas un hasard si la découverte du souvenir et la naissance du discours autobiographique moderne constituent des phénomènes étroitement parallèles.
9C’est un voyageur peu suspect d’effusion romantique, Désiré Nisard, qui en a fait une petite théorie. Dans sa préface de 1855 aux Souvenirs de voyage de 1838, il fait valoir cette conscience existentielle pour décrire la fonction enchanteresse du souvenir – en mettant l’accent non pas sur l’effet rétrospectif, mais sur le sauvetage de l’immédiateté. Nisard commence par parler du temps de la jeunesse « où l’on jouit le plus de la nature et de soi-même » ; car, poursuit-il, « entre la nature et le regard d’un jeune homme, il n’y a rien qui fasse ombre, rien qui empêche l’impression immédiate et vive »23. Et il continue en comparant le mécanisme des souvenirs au fonctionnement du récit de voyage : c’est que le plus grand nombre des gens traversent la vie, dit-il, « sans presque s’en rendre compte, dépensant ce trésor en sensations fugitives, en vagues ravissements devant les beautés de la nature et de l’art » ; cependant, « quelques-uns ont besoin de communiquer ce qu’ils ont senti, […] pour engraver plus à fond les images dans leur mémoire et se préparer, pour les lourdes heures de l’âge mûr, les consolations du souvenir »24. Pour le Sainte-Beuve de Volupté, le souvenir constituera en fait ce que le romancier nomme « [s]a porte familière de rentrée au Ciel »25, garantie d’unité, voix « de profundis »26, qui résonne au présent. Dans cette perspective, la « vie errante » des voyages, pour reprendre le titre bien connu de Maupassant, aura une fonction particulièrement importante, parce qu’elle permet de faire revivre des moments immédiats et parce qu’elle contribuera plus qu’aucun autre mode de vie à amasser « ce trésor en sensations fugitives » dont parle Nisard. Citons encore une fois Sainte-Beuve : « Tous les anneaux rompus du passé se remettent à trembler dans leurs cours, à se chercher les uns les autres, éclairés d’une folle et magique lumière. »27
10Désiré Nisard compare le voyage à la jeunesse, l’âge de « l’impression immédiate et vive », quand le moi se sent « plus léger, plus simple, moins profond ». Le symbole du voyage, c’est ici « l’oiseau qui chante au printemps, dans la plénitude de la vie »28. La mémoire sert donc à évoquer le paradis perdu d’un rapport immédiat aux choses, d’une expérience intense de la vie. Elle sert, comme le dira Lamartine, « à ranimer un passé mort »29 ; elle garantit la fraîcheur des impressions. C’est pour cela que Nisard constate qu’« il importe qu’un voyageur qui voyage pour le souvenir ménage bien ses premières impressions : c’est à la fois une condition de bons jugements et c’est aussi un raffinement de plaisir »30. Le voyage se fait signe de vie, mais cette vie n’est traduisible qu’au moment du souvenir, c’est-à-dire que le souvenir fait revivre l’essence même du voyage, de même qu’à l’inverse, le voyage n’est valable que vu à travers le présent des souvenirs. En un sens, c’est le voyage pour le voyage ou plutôt le voyage au service de la jouissance du moi : « Dans d’autres ouvrages », écrit Nisard, « j’ai mis mon esprit au service de certaines vérités », mais « dans ces Souvenirs, je me suis rendu libre […] ; j’ai joui de moi-même. »31 La jouissance de soi en tant que but suprême d’un discours qui ne vise que lui-même, au lieu de se mettre au service d’une idéologie, c’est là le refus le plus catégorique de la fonction traditionnelle du récit de voyage. Mais ce cercle magique n’est possible qu’à la seule condition que le voyage en tant que tel soit réduit aux moments privilégiés d’une expérience qui, par définition, se situe en dehors de la vie normale. C’est que la « vie errante », le mythe de la jeunesse, équivaut à la rupture avec la banalité de la vie bourgeoise et que le mot aventure prend alors un sens nouveau. Nombreuses et stéréotypées sont les références illustrant la nouvelle dichotomie qui s’instaure entre le voyage et la vie de tous les jours. Le mythe du voyage, né au xixe siècle32, représente ainsi la condition préalable de la revalorisation du souvenir et réciproquement.
11Le souvenir poétise et revalorise la réalité exceptionnelle qu’est le voyage en permettant au voyageur de s’emparer idéalement de l’Autre, de faire sienne une altérité qui risquerait autrement de lui échapper. En ce sens, ce souvenir représente bien un acte d’appropriation subjective et individuelle. Chaque voyageur se met ainsi sous la tutelle de cet « ange du souvenir » évoqué par les vers d’Albertus de Théophile Gautier, ange qui, « les ailes étendues, remontant du passé, voltige autour de toi »33. Naturellement, il s’agit de « jeunes souvenirs »34. C’est ce qui distingue le voyageur à la recherche de « [s]es souvenirs de bonheur »35 du commun des hommes : les lieux touchés par le halo magique du souvenir n’ont alors plus rien à voir avec les lieux visités par tout le monde.
J’ai décrit, dit Nisard, pour me donner la douceur de les revoir par la pensée, d’admirables lieux que tout le monde va voir, mais que tout le monde ne regarde pas ; j’ai peint des personnages que beaucoup de gens coudoient, mais ne voient point ; j’ai raconté des incidents de la vie commune, la plus intéressante pour nous, parce qu’elle est la nôtre : enfin, j’ai rêvé, oui, j’en fais l’aveu, rêvé sans avoir patente de poëte, mais à des choses dont l’incertitude et le vague même sont d’un attrait éternel pour l’âme humaine.36
12En anticipant sur la magie du souvenir, le voyageur se fait collectionneur d’« images » gravées dans la mémoire et tenant lieu de la magie dont disposent « les vrais poëtes »37. Dans ses Souvenirs d’Égypte (1868), Edmond About se fait fort « de rassembler dans un sujet de pure imagination une multitude de détails pris sur nature et scrupuleusement vrais, quoique choisis »38. C’est que « voyager en esprit », comme il le prétend, suppose que le voyageur dépasse le « tourisme » à la mode pour voir en « homme vraiment humain »39. Vers la fin du siècle, Émile Masqueray avouera dans ses Souvenirs et visions d’Afrique (1894) avoir « mêlé ce que j’appelle mes visions à mes souvenirs réels »40. C’est que la liberté dont parle Nisard semble être aussi la liberté de l’imagination, l’« être poète » de ceux qui « répandent leur humble poésie dans des pages en prose, et contentent leur cœur sans s’exposer à la disgrâce d’être poëtes sans génie »41.
Pour une poétique des « souvenirs de voyage »
13Étant donné que la mémoire individuelle ne garde que des « images », comme le remarque Chateaubriand, il est logique que les souvenirs constituent une reconstruction essentiellement discontinue du passé. Les aspects les plus caractéristiques de cette nouvelle poétique des « souvenirs de voyage » peuvent donc être regroupés sous le dénominateur commun d’une poétique de la discontinuité et du caprice, ce dernier rappelant étrangement le credo esthétique développé par Victor Hugo dans les fameuses scènes nocturnes du Rhin : là, « l’imagination fait vivre l’ombre, le rêve et l’apparence »42. En fait, le « trésor en sensations fugitives » dont parle Nisard, suppose le caractère fragmentaire et fugitif du vécu et de la pensée. « En crayonnant à la hâte, selon les hasards et les caprices de la route, un petit nombre de notes, pleines, comme elle, de sinuosités et de fondrières, je n’ai point la prétention de composer un livre […] ; je désire tout uniment me rendre compte de quelques-uns des jours des plus agréables de ma vie », note le baron F. de Reiffenberg dans ses Souvenirs d’un pèlerinage en l’honneur de Schiller (1839)43. Ce n’est pas pour rien que les « souvenirs de voyage » s’accompagnent souvent d’autres termes tels que « notes », « croquis » et surtout « impressions », terme qui ratifie la subjectivisation du discours viatique et annonce la révolution esthétique de l’impressionnisme.
14La catégorie esthétique du fugitif et du discontinu renvoie évidemment à ce que Karl Heinz Bohrer a appelé « Ästhetik der Plötzlichkeit » (esthétique de la soudaineté)44, aspect qui est en liaison étroite avec la notion romantique d’épiphanie. L’épiphanie, la révélation subite d’une essence, souligne en fait le caractère presque religieux d’un mode d’aperception qui ne peut ni ne veut être que fragmentaire. Dans un article important, le philosophe et esthéticien Norbert Bolz45 a attiré récemment l’attention sur la signification religieuse du fragment et du fragmentaire dans la pensée romantique allemande. Pour ce qui est du récit de voyage romantique, il semble qu’on ne soit pas loin d’un tel ordre d’idées. La mémoire étant discontinue et fragmentaire par son essence même, tout récit de voyage qui se place sous le signe des « souvenirs » imite par avance le fonctionnement de la mémoire en attribuant à cette dernière le statut d’une voie royale quand il s’agit de s’approcher de quelque essence secrète, de quelque révélation supérieure.
15Le moment fugitif faisant partie du caractère éphémère et transitoire de la vie s’inscrit dans la texture même d’une nouvelle conception existentielle de la temporalité. Si Chateaubriand a été le premier à développer cet aspect d’une façon presque obsessionnelle, c’est évidemment Lamartine qui en a élaboré la théorie :
C’est une singulière destinée que celle du voyageur : il sème partout des affections, des souvenirs, des regrets : il ne quitte jamais un rivage sans le désir et l’espérance d’y revenir retrouver ceux qu’il ne connaissait pas quelques jours auparavant. Quand il arrive, tout lui est indifférent sur la terre où il promène sa vue : quand il part, il sent que des yeux et des cœurs le suivent de ce rivage qu’il voit s’enfuir derrière lui. Il attache lui-même ses regards ; il y laisse quelque chose de son propre cœur ; puis le vent l’emporte vers un autre horizon où les mêmes scènes, où les mêmes impressions vont se renouveler pour lui. Voyager, c’est multiplier […] les impressions que les événements d’une vie sédentaire ne donnent qu’à de rares intervalles.46
16« Voyager, c’est multiplier les impressions… », « voyager, c’est résumer une longue vie en peu d’années », « c’est changer de pensée » : des formules pareilles semblent souligner le caractère discontinu de l’expérience viatique, discontinuité qui ne va pourtant pas sans rendre plus intenses les moments du voyage. Dans cette perspective – nous l’avons vu –, les souvenirs de voyage forment une vie en raccourci, une espèce de « vraie vie » qui se trouverait de l’autre côté de la vie quotidienne placée sous le signe banal de la continuité. Le voyage, c’est le mouvement continuel, une fièvre enthousiaste qui s’oppose à la « vie sédentaire » ; Lamartine prie le lecteur de son récit de voyage de n’y pas chercher « autre chose que les plus fugitives et les plus superficielles impressions d’un voyageur qui marche sans s’arrêter »47 ; le voyage, c’est en fait « le regard écrit, le coup d’œil d’un passager […] qui voit fuir les paysages devant lui ». Mais, en accouplant ainsi les moments fugitifs et la rapidité, l’auteur se trouve inconsciemment en accord avec les tendances majeures de son siècle. Le mouvement, la rapidité et la variation sont des signes de modernité. Ainsi Reiffenberg écrit : « Il est curieux de comparer la manière de voyager aujourd’hui avec celle d’autrefois […] les chemins de fer ont décuplé la célérité de locomotion. » Et l’auteur de poursuivre en mettant l’accent sur le renversement de toutes les catégories traditionnelles : la lenteur, autrefois « signe du calme et de la dignité », se trouve supplantée par l’accélération « à un degré tel qu’on n’y sent plus l’effort ni la gêne, quand elle est l’accord parfait du mouvement et de la volonté », c’est-à-dire quand elle « dénote la puissance et devient éminemment poétique »48. Les partisans du plaisir discontinu du souvenir s’inscrivent ainsi, peut-être sans le vouloir, dans le grand courant d’industrialisation et de modernisation qui constitue le repoussoir de la pensée romantique.
17Dès lors, le manque d’unité au niveau du vécu va être neutralisé par la force de la mémoire. Dans ses Souvenirs d’Italie (1838), le marquis de Beaufort met l’accent sur la rapidité des notes « tracées rapidement, sous le feu de [ses] impressions »49. Écrire des souvenirs de voyage, c’est donc rendre le caractère spontané du vécu, rendre des « souvenirs, écrits sous l’inspiration du moment », selon le mot d’Adolphe Delessert50, c’est écrire « sous l’impression des circonstances », afin de rendre « la traduction vivante » de ce qu’on a vu, comme le dit André de Damas51. C’est justement ce caractère fugitif des impressions qui force le voyageur à les « fixer » dans sa mémoire : « Je reste une ou deux heures à graver ces lignes, ces couleurs, ce ciel transparent et rosé, cette solitude, ce silence dans mon souvenir. »52 Une impression, c’est une sensation « imprimée ». Dans mon livre Ce désir de vagabondage cosmopolite53, j’ai souligné le lien qui existe entre la vogue de l’esthétique pittoresque et cette nouvelle manière de revaloriser la perspective individuelle, le hasard des rencontres et des vues subites. À la limite, l’unité syntagmatique du récit cède le pas à l’unité paradigmatique d’un réseau d’échos personnels liés entre eux. On sait que la profonde originalité des Mémoires d’outre-tombe réside justement dans la construction d’une nouvelle temporalité de souvenirs-échos transformant la continuité autobiographique en une spatialité discontinue : « Ma mémoire oppose sans cesse mes voyages à mes voyages, montagnes à montagnes, fleuves à fleuves, forêts à forêts, et ma vie détruit ma vie. »54 L’auteur n’ira-t-il pas jusqu’à comparer la masse de ses souvenirs à « une grande bibliothèque »55 dans laquelle il peut se promener ? La poétique nervalienne du palimpseste constituera l’exploration systématique de cette dimension.
18Pour bien saisir cette discontinuité du voyage, discontinuité qui contribue à « enrichir l’âme », comme aimera à le dire Maurice Barrès, point n’est donc besoin de trouver de l’extraordinaire et de chercher des liaisons savantes entre les moments épars. Il suffit de dire ce qu’on a vu et ce qu’on a senti, parce que la vérité du voyage se suffit à elle-même. En d’autres termes, écrire ou décrire des souvenirs, c’est sauvegarder une vérité personnelle qui dépasse le domaine littéraire proprement dit.
19Le sentiment de la vie intense et intensément personnelle ne renferme pas seulement un nouveau sens de l’intimité ou plutôt d’une authenticité intime, comme le soulignent, par exemple, les Souvenirs d’un diplomate, lettres intimes sur l’Amérique d’Adolphe Fourier de Bacourt56. La mode des souvenirs de voyage sert aussi à assigner une place à part au voyageur « de la nouvelle manière ». Lamartine le dira expressément en prenant ses distances vis-à-vis de modèles savants tels que l’Itinéraire de Chateaubriand ou le Voyage en Espagne de Laborde : « Ceci n’est ni un livre, ni un voyage ; je n’ai jamais pensé à écrire l’un ou l’autre. »57 C’est qu’il n’y a là « ni science, ni histoire, ni géographie, ni mœurs »58 ; au lieu d’informations objectives, il s’agit tout simplement des « profondes impressions » que le voyageur aurait ensevelies dans son cœur59. Ces notes de voyage ne sont, comme le dit l’auteur, « bonnes à rien qu’à mes souvenirs ; elles n’étaient destinées qu’à moi seul »60. Ce n’est pas un hasard si nous trouvons des tournures semblables surtout sous la plume d’auteurs mineurs et depuis longtemps oubliés. Car ces impressions personnelles garantissent l’authenticité du vécu. Beaufort parle de « l’entière franchise de [s]es récits »61, Émile de la Bédollière voudrait « communiquer » à ses lecteurs « ses propres impressions », « leur faire voir ce qu[’il a] vu »62 ; comme il le dit, ses Souvenirs d’un voyage en Égypte voudraient faire valoir la vérité des souvenirs face à la banalité touristique. Le voyage romantique et postromantique prend ainsi ses distances vis-à-vis du type traditionnel de la « description complète et fidèle des pays qu’on a parcourus »63 : c’est que le décousu des souvenirs implique l’absence de toute idée préconçue, de tout plan formel. Dans ses souvenirs militaires, Jérôme de Bailliencourt met l’accent sur sa manière cavalière de raconter les choses : « saisissant la plume », le soldat « note ce qu’il voit, ce qu’il entend. Il n’a ni plan, ni but précis »64. Dans ses Souvenirs d’un voyage en Angleterre, en 1838, le comte Gaston de Banneville déclare : « Nous n’avons pas la prétention d’écrire un voyage, nous nous bornons à dire ce que nous avons pensé. »65
20Le comte de Forbin n’avait-il pas noté dans ses Souvenirs de la Sicile de 1823 – l’un des premiers exemples de « souvenirs de voyage » – que le « seul mérite » de ses notes était « celui de la vérité »66 ? Dès lors, le récit de voyage, qui « n’est pas une œuvre de la littérature » – il n’a pas « la prétention » de placer l’auteur au rang des écrivains, comme l’observe un autre voyageur67 –, assume de ce fait l’allure d’une intimité paradoxale, d’« une bonne causerie d’amie à amie, sans prétention aucune », comme l’indiquera la princesse Louise Jablonowska dans ses Souvenirs d’Égypte de 187168. « Simplement décrire », c’est là une formule qu’on rencontre presque invariablement sous la plume de ces voyageurs adeptes du discours des souvenirs. Est-ce Lamartine qui en a lancé la mode ? « En écrivant ces quelques pages, je n’ai pas l’intention de rédiger un guide à l’usage des voyageurs […] je raconterai simplement ce que j’ai vu », remarque J. Barillon dans ses Souvenirs d’Algérie69. « Ce sont ces “choses vues et vécues” que je voudrais simplement décrire ici, unissant le présent au passé », notera encore Émile Badel dans ses Huit Jours dans les Vosges70. « Mettre de côté toute prétention littéraire », c’est ce que voudrait faire Émile Bourquelot dans ses « pérégrinations de touriste » de 185971. Voyager en « simple voyageur »72, raconter « simplement », selon Gabriel Charmes73, « sans aucun but, aucun plan et aucune mission », selon Philarète Chasles74, c’est faire preuve de naïveté et de sincérité, deux mots-clés propres à circonscrire cette esthétique de la vérité individuelle, qui semble suffire toute seule à garantir la valeur des « souvenirs ».
21Une relation de voyage qui, comme le dit Adolphe Delessert, « ne peut intéresser que [s] es parents et [s]es amis »75, qui renonce à toute professionnalité, c’est en effet l’idéal d’une littérature de tous pour tous, littérature qui ne voudrait pas rivaliser avec l’exemple d’un Chateaubriand pour se cantonner au contraire dans la « sincérité ». « De pareils récits, écrit un auteur en 1874, n’exigent pas une grande aptitude littéraire ; il leur suffit d’avoir un certain cachet d’opportunité et de sincérité. »76 Même un Maxime Du Camp ne laisse pas, dans ses souvenirs de l’expédition des Deux-Siciles, de recourir à ce stratagème : « J’ai écrit ce que j’ai vu, rien de plus mais rien de moins, et je puis dire […] que si le livre a un mérite c’est celui de la sincérité. »77 La « plume inhabile », dont se vante le modeste abbé François Bonnelière78, caractérise la mode du souvenir personnel comme un moyen inattaquable pour démocratiser la littérature placée sous le signe triadique formulé par Nestor Considérant : « Voir, entendre et raconter. »79 Logiquement, Camille Allard construira, dans ses Souvenirs d’Orient de 1861, une véritable dichotomie entre la prétendue « littérature » et le discours des souvenirs de voyage accessible à tout le monde : « On a dit que pour bien décrire un pays, il fallait ne l’avoir pas vu. C’est une conséquence paradoxale mais logique, de la doctrine littéraire de l’art […] »80 Ce médecin, dont le récit de quarante-quatre pages représente le type même d’une littérature dilettante, laisse voir le fossé qui s’est ouvert entre la littérature proprement dite et la littérature dédaignée des voyages, fossé qui ne va qu’en s’élargissant après 1848 – pensons au mépris que Flaubert voue au type du voyage pittoresque – et qui explique probablement la faveur dont jouissent les souvenirs de voyage auprès des auteurs de troisième ordre et auprès du grand public tout au long du xixe siècle.
22La plupart des passages cités sont plutôt banals – peut-être pour la simple raison que le discours du « souvenir de voyage » tend vers une esthétique banalisée. Mais c’est justement la fréquence même de telles formules plus ou moins stéréotypées qui en dit long sur la mentalité d’une époque ainsi que sur la fonction à la fois littéraire, esthétique et sociale de la littérature de voyage placée sous le signe du souvenir. À vrai dire, la promotion du souvenir semble conférer à cette littérature un statut moins littéraire que socio psychologique, en ce qu’elle permet aux lecteurs de s’identifier facilement aux auteurs des souvenirs de voyage. Nous avons vu que tous les aspects nommés dans ce contexte ne se bornent nullement à la seule littérature des voyages. Il est évident que la mode des « souvenirs de voyage » est tributaire de l’évolution générale de l’esthétique romantique, tout en en exagérant certaines tendances fondamentales et tout en prolongeant cette esthétique bien au-delà de la rupture de 1848. Préparé de longue date, le mouvement n’a pu être victorieux qu’en harmonie avec le courant général de la pensée romantique pour dépasser par la suite le romantisme proprement dit. Les « souvenirs de voyage » représentent la pointe avancée du type de voyage romantique. Mais, en tant que base de la subjectivité du siècle bourgeois et littérature accessible à tous, ce type de voyage refusera de suivre la révolution esthétisante de la seconde moitié du siècle pour rester fidèle à un idéal d’écriture qui consiste à revaloriser l’effet « littéraire » du souvenir personnel.
« Mémoire » et philosophie
23Les facteurs passés en revue suffisent-ils à rendre plausible la vogue relativement tardive de ce type de voyage et le décalage que nous avons pu constater entre les débuts du subjectivisme moderne et la naissance des « souvenirs de voyage » proprement dits ? Pour répondre à cette question, il faudra jeter un coup d’œil sur l’histoire de la notion de souvenir dans la philosophie postclassique. En survolant ce domaine, nous verrons qu’en dehors de ce qu’on pourrait qualifier de mentalité générale, tant au niveau psychologique général qu’à celui de l’esthétique, nos observations précédentes, plutôt empiriques, sont en parfait accord avec l’évolution philosophique et épistémologique. Le type du « souvenir de voyage » ne fait en effet son apparition qu’au moment où la pensée philosophique a mis en place le dispositif théorique de la fonction de la mémoire. Effet d’un hasard ou conséquence nécessaire, il semble en tout cas que la nouvelle mode n’ait pu voir le jour avant le début du romantisme littéraire. Nous allons rappeler brièvement les étapes les plus significatives de cette évolution d’ailleurs relativement délaissée par la recherche philosophique traditionnelle.
24Il est évident qu’au bout de la longue fortune de la conception platonicienne et aristotélicienne de la mémoire jusqu’au début de l’ère moderne81, la revalorisation de la mémoire comme catégorie à la fois psychologique et philosophique est liée à l’essor de la philosophie empiriste et sensualiste, qui, on le sait, est la première à prendre en compte la fonction gnoséologique des instances inférieures à la raison. Ainsi, l’Encyclopédie définira le souvenir comme « l’acte d’une faculté nécessaire à la sensibilité de l’âme »82. À la différence de la place que la mémoire tient dans la faculté de se ressouvenir, celle-ci est alors promue au rang d’une faculté de base de l’identité individuelle. Dans son Essay concerning Human Understanding (1690), John Locke commence par affirmer : « Un homme commence à avoir des idées dès qu’il a quelques sensations. »83 Or toute notion d’identité est fondée sur la faculté de lier et de superposer de telles « idées » ou « sensations » en permettant de faire dériver la « réflexion » de la « perception ». Étant donné que ce processus intellectuel se déroule dans le temps, Locke fait la distinction entre « retention » ou « contemplation » et « memory ». Cette dernière est définie comme « la capacité de rappeler dans notre esprit ces idées qui, après y avoir été imprimées, ont disparu ou ont été, pour ainsi dire, mises hors de vue » : la mémoire est « l’entrepôt de nos idées », une espèce de « réservoir » qui permet de « réveiller des perceptions qu’il [l’esprit] a déjà eues avec en plus le sentiment qu’il les a déjà eues auparavant »84. De là, il n’y a qu’un pas à faire pour arriver à l’axiome fondamental sur l’essence de l’identité individuelle : « l’identité personnelle consiste : non dans l’identité de substance, mais […] dans l’identité de conscience. »85
25On sait que c’est là le point de départ de toute la pensée des Lumières. Sur ces bases lockiennes, le philosophe écossais David Hume construira, dans ses Enquiries Concerning Human Understanding (1748), une philosophie de la connaissance strictement empirique. Pour la première fois, la « moral philosophy » fait table rase de l’idéalisme platonicien de l’École de Cambridge pour échafauder, au contraire, une théorie gnoséologique « d’en bas ». « La pensée la plus vive reste inférieure à la moindre sensation la plus infime »86, écrira Hume en revalorisant en même temps le terme d’impression : « Donc, par le terme impression, j’entends toutes nos perceptions vives […] »87Experience, la notion-clé de l’empirisme, ne représente pas une catégorie appartenant à la raison ; elle est, au contraire, une fonction de la mémoire et, étant donné que la mémoire s’y trouve étroitement liée aux sens, on pourrait parler d’une mémoire du corps. Thomas Reid, adversaire de Hume et critique de Locke et Berkeley, ira encore plus loin en constatant : « Toute expérience sous-entend mémoire »88, car « c’est par la mémoire que nous avons un savoir immédiat des faits passés. »89 Il est le premier, parmi les empiristes anglo-écossais, à consacrer un chapitre systématique à la mémoire90.
26Mais le mérite d’avoir élaboré une théorie complète de la mémoire revient sans doute à Condillac qui, se servant de la fameuse parabole pygmalionienne de la statue qui s’éveille, se penche sur le fonctionnement même des sensations et le rôle qu’y tient la mémoire. Dans son Traité des sensations de 1755, il soutiendra qu’il existe une interaction continuelle entre l’aperception de la réalité par les sens et la mémoire. Et c’est à cette dernière que revient la fonction de faire le tri des expériences, des impressions et des idées, de sorte qu’elle forme la base même de l’identité individuelle :
La mémoire est donc une suite d’idées, qui forment une espèce de chaîne. C’est cette liaison qui fournit les moyens de passer d’une idée à une autre, et de se rappeler les plus éloignées. On ne se souvient, par conséquent, d’une idée qu’on a eue, il y a quelque temps, que parce qu’on se retrace avec plus ou moins de rapidité les idées intermédiaires.91
27Condillac n’hésite pas à conférer à la mémoire un statut élevé, en insistant tout spécialement sur les degrés d’intensité des impressions et sur la valeur émotionnelle de cette faculté. De ce fait, le souvenir n’est pas seulement un facteur d’identité personnelle ; il n’assure pas seulement le fonctionnement abstrait du mécanisme de la perception et de la connaissance mais se révèle être, en plus, un facteur émotionnel. Suivant le courant général qui part de la notion lockienne du désir, consistant à revaloriser l’idée de bonheur et la légitimité du « pursuit of happiness », Condillac n’hésite pas à soutenir que « la statue conservant le souvenir d’un grand nombre [de sensations], sera portée à se retracer préférablement celles qui peuvent davantage contribuer à son bonheur : elle passera rapidement sur les autres, ou ne s’y arrêtera que malgré elle92 ». À partir de ce moment, la mémoire cesse de fonctionner comme une faculté neutre, voisine de l’imagination, pour accéder, au contraire, au statut d’un organe garantissant l’identité et le bonheur individuels. Organe de conservation, mais aussi de renouvellement des idées, la mémoire est dorénavant comprise comme une faculté active revalorisée en même temps que celle de l’imagination93. C’est le chapitre 11 de la seconde partie du Traité qui s’occupe « de la mémoire, de l’imagination et des songes », jetant ainsi un pont entre perception et invention, et établissant les bases de la notion du progrès et de la perfectibilité, si caractéristique des Lumières. Comme le dira Saint-Lambert dans l’article « Génie » de l’Encyclopédie : « Lorsque l’âme a été affectée par l’objet même, elle l’est encore par le souvenir ; mais dans l’homme de génie, l’imagination va plus loin ; il se rappelle les idées avec un sentiment plus vif qu’il ne les a reçues […] »94
28Logiquement, dans l’article consacré à l’élégie, Marmontel ira jusqu’à désigner la mémoire comme « la nourrice du génie »95. C’est que, comme Bernard Guyon l’a montré pour La Nouvelle Héloïse96, la découverte de la subjectivité est indissolublement liée à celle de la mémoire sensitive, attribut par excellence de ce que l’historien allemand de la littérature Hans Sanders a qualifié de « Tiefensubjekt » (moi profond) du siècle des Lumières97. On serait tenté d’émettre l’hypothèse que la subjectivité a été découverte dans la mesure où la mémoire se voyait décerner la dignité, non seulement comme c’est le cas chez Locke, d’un « repository » ou « storehouse of our ideas », mais d’une faculté éminemment créatrice qui dépasse la reproduction de la réalité pour indiquer la dimension autonome de l’imaginaire. Si le xixe siècle peut être qualifié de siècle de l’autonomie des arts et des lettres, la mémoire semble avoir partie liée avec le nouveau statut autonome de la littérature, à tel point que Georges Poulet a pu qualifier toute la poésie romantique de « poésie-souvenir »98. Le xixe siècle fera donc du souvenir la voie royale d’une jouissance de soi-même en érigeant la mémoire au rang d’une rivale créatrice de la réalité99. Et tout se passe comme si ce « progrès de la conscience dans la philosophie occidentale »100 avait permis à la mémoire d’accéder à cette sorte d’autonomie qui explique l’essor du nouveau type des « souvenirs de voyage ».
29Contentons-nous de compléter ce tableau très sommaire par quelques jalons sur l’évolution de l’histoire des idées et sur celle de l’esthétique et de la mentalité. Le mérite d’avoir poussé plus loin la philosophie de la mémoire sur la base d’une philosophie des passions revient sans doute à la pensée des idéologues. Dans ses Éléments d’idéologie, Destutt de Tracy constate sans ambages : « La mémoire est une seconde espèce de sensibilité. »101 C’est que le « souvenir lui-même est une sensation ; car c’est une chose sentie, c’est une sensation interne »102. Bien que l’auteur soit encore loin d’exalter la mémoire à la manière romantique, il attribue à cette dernière un pouvoir totalisateur qui va jusqu’à intégrer le « souvenir du souvenir » en en faisant de la sorte le centre de notre personnalité.
J’ai dit que la mémoire consistait à sentir les souvenirs des sensations passées : entendez qu’elle consiste aussi à sentir les souvenirs de nos jugements, de nos désirs, de toutes nos idées composées, et même de nos souvenirs eux-mêmes ; car continuellement il nous arrive de nous souvenir d’impressions qui ne sont elles-mêmes que des souvenirs.103
30De plus – et cela semble renvoyer à l’idée nervalienne du palimpseste ou au « déjà-vu » de Gautier, ou à la « mnémotechnie » baudelairienne du beau –, « je puis avoir un souvenir, sans avoir en même temps la conscience que c’est un souvenir »104. Par la suite, Maine de Biran, philosophe hésitant encore entre l’empirisme de l’« idéologie » et un idéalisme romantique, est le premier à consacrer une dissertation complète au phénomène de la mémoire. Dans ses réflexions intitulées Influence de l’habitude sur la faculté de penser, il place le souvenir au cœur même de l’existence en liant la mémoire à l’imagination : « L’imagination diffère de la mémoire, comme la sensation diffère de la perception. »105 Partant d’une classification de la mémoire, la « mémoire mécanique », la « mémoire représentative » et la « mémoire sensitive », l’auteur soutient que ces trois facultés « ne sont que trois modes d’application de la même force motrice qui rappelle »106. Si le traité biranien – ainsi que le suggère d’ailleurs le titre – ne peut certainement pas être considéré comme porteur d’un message romantique quelconque, il n’en reste pas moins vrai que la mémoire fonctionne ici comme la base même du comportement humain ; sans le vouloir, Maine de Biran semble préparer le processus de revalorisation de la mémoire qui culminera dans la philosophie pré-existentielle d’Henri Bergson. Dans son livre de 1896, Matière et mémoire, essai sur la relation du corps à l’esprit, Bergson a voulu démontrer que le « souvenir pur » reste une abstraction et que seul est valable le souvenir intégré dans le flux de la durée :
Ce que j’appelle mon présent, c’est mon attitude vis-à-vis de l’avenir immédiat […]. De mon passé, cela seul devient image, et par conséquent sensation au moins naissante, qui peut collaborer à cette action, s’insérer dans cette attitude […] ; mais, dès qu’il devient image, le passé quitte l’état de souvenir pur et se confond avec une certaine partie de mon présent. […] L’image est un état présent, et ne peut participer du passé que par le souvenir dont elle est sortie.107
31C’est là le paradoxe du souvenir qui veut « se rendre utile »108 et qui contribuera par cela même à achever le processus d’autonomisation de la mémoire. N’est-ce pas ce paradoxe que les nombreux « souvenirs de voyage » voudraient mettre en lumière ?
Notes de bas de page
1 Voir, à cet égard, le livre de L.H. Hoek, La Marque du titre. Dispositifs sémiotiques d’une pratique textuelle, La Haye/New York, Mouton, 1981.
2 Selon Paul Geyer (Die Entdeckung des modernen Subjekts. Anthropologie von Descartes bis Rousseau, Tübingen, Niemeyer, 1997), les débuts de ce processus remonteraient à La Rochefoucauld et au moralisme de la fin du xviie siècle pour culminer par la suite dans la pensée de Rousseau.
3 Voir G. Gusdorf, Les Sciences humaines et la naissance de la pensée occidentale, t. VII : La Naissance de la conscience romantique au siècle des Lumières, Paris, Payot, 1970, ainsi que, dans une perspective plus spécifique, mon livre Le Discours du voyageur. Le récit de voyage en France, du Moyen Âge au xviiie siècle, Paris, PUF, 1996, chap. V, p. 230 et suiv.
4 Je me réfère ici au Répertoire bibliographique et thématique des récits de voyage de langue française au xixe siècle, ouvrage de base élaboré sous ma direction à l’Université de Francfort.
5 Jeanne Manon Roland, Voyage en Suisse en 1787, Genève, Slatkine reprints, 1989, p. 15.
6 « Un récit de voyage dicté par l’intuition du moment, c’est un “ouvrage naturel” » (Stendhal, Voyages en Italie, V. del Litto éd., Paris, Gallimard « Pléiade », 1973, p. 3).
7 Voyage en Italie, ou Considération sur l’Italie, Paris, Buisson, 1791, p. 280.
8 Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient, 1832-1833, ou Notes d’un voyageur, Paris, Hachette, 1855 (réimpr. Paris, Éditions d’aujourd’hui, 1978), t. I, p. 3.
9 « Der erfüllte Augenblick im französischen Reisebericht seit Alexander von Humboldt », dans O. Ette, U. Hermanns, B. E. Scherer, C. Suchow éd., Alexander von Humboldt. Aufbruch in die Moderne, Berlin, Akademie Verlag, 2001, p. 57-69 ; « Subjectivité et temporalité : à propos de la naissance d’une poétique des moments subjectifs dans le récit de voyage français vers 1800 », dans J.-M. Valentin éd., J.W. Goethe, 250e anniversaire de sa naissance. L’Un, l’Autre et le Tout, Paris, Klincksieck, 2000, p. 171-184.
10 Voir mon ouvrage, Le Discours du voyageur, op. cit., p. 305 et suiv. (« Voyage et sensibilité »).
11 Voir mon article, « Der Genuss der Erinnerung. Zur Motivik der Subjektivität im französischen Reisebericht », dans H. Hudde, U. Schöning et F. Wolfzettel éd., Literatur : Geschichte und Verstehen, Festschrift Ulrich Mölk, Heidelberg, Winter Verlag, 1997, p. 410-431.
12 Paris, Leblanc, 1809, p. 219 et suiv.
13 En Orient, souvenirs de voyage, 1858-1861, Paris, M. Lévy, 1863, p. 1.
14 « Der Genuss der Erinnerung. Zur Motivik der Subjektivität im französischen Reisebericht », art. cité.
15 Lamartine, Voyage en Orient, t. I, p. 4.
16 M. Levaillant et G. Moulinier éd., Paris, Gallimard « Pléiade », 1951, t. I, p. 265 (livre VIII, chap. IV).
17 Ibid., p. 61 (livre II, chap. IV).
18 Ibid., p. 49 et suiv. (livre II, chap. I).
19 Préface de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, dans Œuvres romanesques et voyages, M. Regard éd., Paris, Gallimard « Pléiade », 1969, t. II, p. 701.
20 Mémoires d’outre-tombe, p. 197 (livre VI, chap. 1).
21 Der Mann ohne Eigenschaften, A. Frisé éd., Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1981 (2e éd.), p. 436. C’est moi qui traduis. (« Walter und sie fragten einander gern : erinnerst du dich ? und dann floss vergangenes Licht zauberhaft aus der Weite zurück auf die Gegenwart. Es ist das schön, sie hatten es gern. Es ist vielleicht das gleiche, wie wenn man unlustig stundenlang gegangen ist, und kehrt sich um und die ganze durchwanderte Leere liegt, mit einemmal in Fernsicht verwandelt, als schöne Befriedigung da […] »)
22 Dans Œuvres capitales, t. I, Paris, Flammarion, 1954, p. 411.
23 D. Nisard, Souvenirs de voyage. France, Belgique, Prusse rhénane, Angleterre [1838], Paris, Librairie nouvelle, 1864 (2e éd.), p. II.
24 Ibid.
25 R. Molho éd., Paris, Garnier-Flammarion, 1969, p. 181.
26 Ibid., p. 182.
27 Ibid., p. 181.
28 Op. cit., p. II.
29 Lamartine, op. cit., p. 4.
30 Nizard, op. cit., p. 143.
31 Ibid., p. III.
32 Voir mon ouvrage, Ce désir de vagabondage cosmopolite. Wege und Entwicklung des französischen Reiseberichts im 19. Jahrhundert, Tübingen, Niemeyer, 1986, p. 17 et suiv.
33 Dans Poésies complètes, R. Jasinski éd., Paris, Nizet, 1970, t. I, p. 112.
34 Ibid., p. 95.
35 C’est le titre choisi par Paul de Julvécourt pour le récit de son voyage en Italie (sous-titre : Neuf Mois en Italie, Paris, Silvestre fils, 1832).
36 Op. cit., p. III.
37 Ibid., p. II.
38 Le Fellach. Souvenirs d’Égypte, Paris, Hachette, 1868, p. 1.
39 Ibid., p. 159.
40 Paris, Dentu, 1894, p. 36.
41 Op. cit., p. III.
42 Dans Œuvres complètes, J. Massin éd., Paris, Club français du livre, 1968, t. VI, 1, p. 278.
43 Bruxelles/ Leipzig, C. Muquardt/ Arthur Bertrand, 1839, p. 14.
44 Plötzlichkeit. Zum Augenblick des ästhetischen Scheins, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1981.
45 N. Bolz, « Der aufgegebene Gott », dans E. Behler et alii éd., Die Aktualität der Frühromantik, Paderborn, Schöningh, 1987, p. 75-84.
46 Op. cit., t. I, p. 109-110.
47 Ibid., p. 4.
48 Op. cit., p. 50.
49 Philippe-Ernest de Beaufort, Souvenirs d’Italie, par un catholique, Bruxelles, Sociétés nationales des bons livres, 1838, page non numérotée.
50 Souvenirs d’un voyage dans l’Inde exécuté de 1834 à 1839, Paris, Béthune & Plon, 1834, p. I.
51 Souvenirs religieux et militaires de la Crimée, Paris, Lecoffre, 1857, p. VI.
52 Lamartine, op. cit., p. 271.
53 Fr. Wolfzettel, Ce désir de vagabondage cosmopolite…, op. cit., p. 22 et suiv.
54 Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, op. cit., t. II, p. 585 (livre XXXVI, chap. XIII).
55 Ibid., t. I, p. 632 (livre XVIII, chap. V).
56 Paris, Calmann-Lévy, 1882.
57 Lamartine, op. cit., p. 1.
58 Ibid., p. 3.
59 Ibid., p. 4.
60 Ibid., p. 3.
61 Op. cit., page non numérotée.
62 De Paris à Suez. Souvenirs d’un voyage en Égypte, Paris, Librairie Barba, 1870, p. VII.
63 Lamartine, op. cit., p. 2.
64 Italie, 1852-1862. Feuillets militaires. Souvenirs, notes et correspondance, Paris, Didot, 1894, p. I.
65 Paris, Féret, 1839, p. 8 et suiv.
66 Auguste de Forbin, Souvenirs de la Sicile, Paris, Delaunay, 1823, p. VI.
67 Charles-Edmond Rouleau, Souvenirs de voyage d’un soldat de Pie IX, Québec, Imprimerie Demers, 1881, p. X.
68 Paris, Pougin, 1871, p. 8.
69 Sens, Imprimerie Duchemin, 1894, p. 5.
70 Huit Jours dans les Vosges. Excursions et souvenirs, Nancy, Imprimerie de l’Est, 1899, p. 4.
71 Souvenirs de voyage d’un Provinois dans le nord d’Italie. Années 1836-1858, Provins, Lebeau, 1859, page non numérotée.
72 G. Charmes, Voyage en Palestine, impressions et souvenirs, Paris, Calmann-Lévy, 1884, p. II.
73 Ibid., p. 4.
74 Notes et souvenirs d’un voyage à Berlin, Paris, Huyot, 1861, p. 14.
75 Op. cit., p. I.
76 Charles-Frédéric-Alexandre de Carcy, De Paris en Égypte. Souvenirs de voyage, Paris, Berger-Levrault, 1874, p. 528.
77 Expédition des Deux-Siciles. Souvenirs personnels, Paris, Librairie nouvelle / Bourdilliot, 1861, p. 1.
78 Souvenirs de mon pèlerinage en Terre-Sainte, Rennes, Vater, 1879, p. 1.
79 La Russie en 1856. Souvenirs de voyage, Bruxelles, Lebègue, 1857, p. 5.
80 Souvenirs d’Orient. La Bulgarie orientale, Paris, Adrien Le Cleve, 1861, p. 5.
81 Voir Fr. A. Yates, The Art of Memory, Londres, Routledge & Kegan, 1966. Pour une théorie moderne de la mémoire, on se reportera, entre autres, aux livres de Brian Smith, Memory (Londres, Allen & Unwin, 1978) et de Mary Warnock, Memory (Londres, Faber & Faber, 1987). Une anthologie critique Die Erfindung des Gedächtnisses a été publiée par Dietrich Harth (Francfort-sur-le-Main, Keip, 1991).
82 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ; Neufchatel, Samuel Faulche, 1765 (réimpr. Stuttgart/Bad Cannstadt, Frommann, 1966), t. X, p. 326.
83 « A man begins to have ideas when he first has sensations », The Works of John Locke, nouvelle éd. corrigée en 10 vol., Londres, 1823 (repr. Aalen, Scientia, 1963), t. I, livre II, chap. 1, p. 23.
84 « […] the power to revive again in our minds those ideas which, after imprinting, have disappeared, or have been as it were laid aside out of sight » ; « the storehouse of our ideas » ; « repository » ; « revive perceptions which it [the mind] has once had, with this additional perception annexed to them, that it has had them before », ibid., chap. X.
85 « […] personal identity consists : not in the identity of substance, but […] in the identity of consciousness », ibid., t. II, chap. XXVII, p. 63.
86 « The most lively thought is still inferior to the dullest sensation », The Empiricists, Richard Taylor éd., New York, Dolphin Books, s. d., p. 316.
87 « By the term impression, then, I mean all our more lively perceptions […] », ibid., p. 339.
88 « All experience supposes memory », The Works of Thomas Reid, W. Hamilton éd., Édimbourg, James Thin, 1895 (8e éd.), t. I, p. 357.
89 « […] [i]t is by memory that we have an immediate knowledge of things past », ibid., p. 339.
90 Voir ibid., 3e partie, chap. 7, p. 339-359.
91 Paris, Fayard, 1984, p. 24 (1re partie, chap. 2).
92 Ibid., p. 33.
93 Ibid., p. 145 (2e partie, chap. 11).
94 Encyclopédie, t. VII, Paris, 1757, p. 582.
95 Art. « Élégie », Encyclopédie, t. V, p. 486.
96 « La mémoire et l’oubli dans La Nouvelle Héloïse », Annales Jean-Jacques Rousseau, n° 535, 1959-1960, p. 49-71.
97 Das Subjekt der Moderne. Mentalitätswandel und literarische Evolution zwischen Klassik und Aufklärung, Tübingen, Niemeyer, 1987 (en particulier les p. 30 et suiv.)
98 Études sur le temps humain, Paris, Plon, 1949, p. XXXV.
99 Voir D. Rieger, « Inventer au fond c’est se ressouvenir. Remarques sur quelques bibliothèques classiques et romantiques », Lendemains, n° 23, 1998, p. 40-56, où la fonction proprement rhétorique des « lieux de la mémoire » est conjuguée avec la mémoire subjective et créatrice de l’individu romantique.
100 Léon Brunschvicg, Le Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale, Paris, Alcan, 1927.
101 Paris, 1801-1815 (réimpr. Stuttgart/Bad Cannstadt, Fromman-Holzboog, 1977), chap. III, p. 47.
102 Ibid.
103 Ibid., p. 48.
104 Ibid., p. 49.
105 P. Tisserand éd., Paris, PUF, 1954, p. 197.
106 Ibid., p. 129.
107 Dans Œuvres, A. Robinet éd., Paris, PUF, 1963, p. 283.
108 Ibid.
Auteur
Université J.W. Goethe, Francfort-sur-le-Main.
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Enquêtes sur les Promenades dans Rome
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Écriture, performance et théâtralité dans l'œuvre de Georges Sand
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