Premier stasimon (v. 224-263)
p. 109-130
Texte intégral
1La crise qui s’était ouverte à la vue des feux allumés dans le camp adverse a trouvé une résolution momentanée dans la décision prise en commun d’envoyer un espion. Le chant célèbre ce dénouement. Ce schéma se retrouve dans de nombreuses pièces : dans les Héraclides, après le départ de Macarie, qui s’est portée volontaire pour le sacrifice, le chœur soutient Iolaos et chante le courage de la jeune fille (v. 608-629), dans Alceste (v. 435 et suiv.), il glorifie le sacrifice d’Alceste, qui vient de mourir1. Ici, le chant du chœur accompagne Dolon qui part en mission et le célèbre comme le sauveur des Troyens qu’il a prétendu être. Il est remarquable que le chœur, à plusieurs reprises, reprenne les termes mêmes de Dolon dans la scène précédente, à laquelle le chant est étroitement lié. C’est l’éloge lyrique qui construit réellement Dolon comme un héros. En premier lieu, le chœur situe l’événement dans un contexte théologique déterminé : dans le premier couple strophique, il invoque la protection d’Apollon. Le dieu est la figure tutélaire de Troie et le chant ancre également l’événement présent dans l’histoire troyenne, qu’il reconstruit. Dans le deuxième couple strophique, le chant exalte l’acte de bravoure individuel en lui donnant une valeur paradigmatique et en fait le dénouement décisif de la diégèse iliadique.
Métrique
2Les stasima du Rhésos sont caractérisés par leur unité métrique ; leur composante majeure est le dactylo-épitrite, terme conventionnel qui désigne des combinaisons d’éléments dactyliques et de mesures iambiques ou trochaïques sous une forme stéréotypée. Les dactylo-épitrites sont caractéristiques de la lyrique chorale et sont utilisés seuls dans les odes de Bacchylide et Pindare, alors que dans les parties lyriques de la tragédie, ils sont combinés à d’autres côla, apparentés ou très différents2. L’utilisation du rythme de la lyrique chorale, propre aux célébrations et aux narrations mythiques, est en accord avec le contenu du chant, péan et célébration de Dolon. Le dactyle est un mètre marqué dans la tragédie, puisque c’est le mètre de l’épopée, et l’utilisation des dactylo-épitrites joue sur le contraste entre le dactyle et l’épitrite, qui introduit un déséquilibre dans le rythme dactylique : le chœur emploie le matériau épique pour le reconfigurer ; il opère une réfection de l’épopée en faisant de Dolon un héros épique et en célébrant une victoire troyenne. Le chant est une réécriture troyenne des hymnes grecs à la victoire.
Première strophe
v. 224-226 : Θυμβραῖε καὶ Δάλιε καὶ Λυκίας / ναὸν ἐμβατεύων / Ἄπολλον, ὦ δία κεφαλά
Dieu de Thymbra et de Délos et qui fréquentes le temple de Lycie, Apollon, tête divine
3L’association d’un vocatif et d’une apposition participiale indiquant le territoire où règne le dieu (le verbe ἐμβατεύω désigne pour un dieu l’action d’habiter un lieu, de le fréquenter : Perses, 449), est traditionnelle dans les invocations, les hymnes et les prières3 (Iliade XVI, 233 : Ζεῦ ἄνα, Δωδωναῖε, Πελασγικέ, τηλόθι ναίων, / Δωδώνης μεδέων δυσχειμέρου, « Seigneur Zeus de Dodone, le Pélasgique, qui habites loin, qui règnes sur Dodone et ses mauvais hivers »), à la différence qu’ici ce sont deux épiclèses, et non une seule, qui sont coordonnées au participe avec un double καί. Dans l’invocation, la cohésion des vocatifs repose le plus souvent sur l’asyndète plutôt que sur la coordination et le double καί est singulier.
4C’est que les épiclèses elles-mêmes et leur association sont problématiques. Si le dieu de Délos est connu, celui de Thymbra l’est moins et l’un est grec, l’autre barbare. L’usage marqué de la coordination témoigne du souci de relier des éléments disparates dans le but de reconstruire une unité, adaptée à la situation particulière.
5L’appellation Θυμβραῖε est forgée sur le toponyme Θύμβρα, qui désigne une ville de Troade où Apollon avait un sanctuaire4. Dans le Rhésos, le sanctuaire de Thymbra est évoqué plus loin, au vers 508, où Hector dit d’Ulysse qu’« il rôde du côté de l’autel de Thymbra ». Dans l’Iliade, le nom de Θύμβρα apparaît au chant X, vers 430. Le Troyen Thymbraios, tué au chant XI par Diomède, a un nom qui évoque également ce lieu. Le sanctuaire de Thymbra est connu dans la tradition épique comme le lieu où Achille tue Troïlos, fils de Priam, au moment où celui-ci abreuve ses chevaux5. Selon une scholie de l’Iliade (schol. T ad Iliade XXIV, 257), Sophocle rapportait cet épisode dans Troïlos (Radt, p. 453 et suiv.). Plaute (Bacchides, 953) et Servius (ad Énéide II, 13) font de la mort de Troïlos une des conditions de la prise de Troie. Cette idée s’explique par le nom même de Troïlos qui signifie « le petit Troyen ». Comme le souligne Wathelet6, Troïlos symbolise Troie elle-même et sa mort la mort future de Troie. Dans l’Énéide, Troïlos est représenté sur la frise du temple de Junon, non loin de Rhésos, et la mort de l’un comme celle de l’autre sont citées par Servius comme conditions de la prise de Troie. Thymbra est aussi fréquemment cité dans la tradition posthomérique comme le lieu où Achille trouve la mort, assassiné7. Ce premier mot de l’hymne en donne la ligne directrice : il s’agit de glorifier l’acte de Dolon comme un événement décisif pour l’histoire de Troie et la communauté des Troyens. Or le chœur a raison, mais pas dans le sens qu’il croit : Dolon, loin d’être le sauveur des Troyens, contribuera à leur perte. Apollon ne répondra pas à la prière du chœur : il n’interviendra pas plus pour sauver les Troyens en cette nuit qu’il n’est intervenu pour empêcher le meurtre de Troïlos. C’est que dans chaque cas il s’agit de la prise de Troie et qu’Apollon ne peut aller à l’encontre du vouloir de Zeus.
6Thymbra, dans l’Iliade (X, 430) est le côté où campent les Lyciens. Le chœur invoque également Apollon comme celui « qui fréquente le temple de Lycie »8. La Lycie est, avec Délos, l’un des lieux de culte les plus importants et les plus connus du dieu, qui avait un sanctuaire à Patara. En invoquant Apollon lycien, le chœur étend la communauté des Troyens à leurs alliés, dont les Lyciens sont représentatifs. Le nom même de la Lycie (Λυκία) convoque deux autres noms de la sphère mythologique apollinienne, celui de la lumière (λύκη) et celui du loup (λύκος) : depuis l’Antiquité, les interprètes s’interrogent sur les liens étymologiques existant entre ces trois noms et l’épiclèse d’Apollon Λύκειος9. Dans le contexte présent, l’invocation d’Apollon lycien est liée au thème de la lumière et à celui du loup.
7Dans la triade Θυμβραῖε καὶ Δάλιε καὶ Λυκίας ναὸν ἐμβατεύων, l’épiclèse Δάλιε semble dans un premier temps être à part car, encadrée par deux épiclèses asiatiques, elle est la seule à faire référence à un sanctuaire grec et même panhellénique, Délos, qui n’apparaît pas dans l’Iliade, contrairement à Thymbra et à la Lycie. Il y a cependant dans l’invocation du chœur une volonté de synthèse : la conjonction καί unit étroitement le culte local et le culte étranger. C’est la lumière qui fait le lien entre l’Apollon délien et l’Apollon lycien (les deux sont également associés chez Pindare, Pythique I, 39 : Λύκιε καὶ Δάλοι’ ἀνάσσων, Φοῖβε…). L’épiclèse Δάλιος désigne « l’éclatant », qui couvre Délos d’or (Hymne à Apollon, 135) ; l’Apollon lycien, lui, apparaît souvent dans un contexte où il est associé au réseau métaphorique de la lumière. Ainsi aux vers 203-208 d’Œdipe roi, les montagnes de Lycie (λύκια ὄρεα) que parcourt Artémis sont liées au feu salvateur que répandent le frère et la sœur. De la même manière, l’épithète Λύκειος est à interpréter en relation à la fois avec la Lycie et avec la lumière, les deux n’étant pas dissociées, puisque la Lycie apparaît comme une terre « de lumière ».
8Quant aux liens existant entre l’origine lycienne d’Apollon et sa relation particulière aux loups, ils apparaissent au chant IV (v. 93) de l’Iliade, où Athéna appelle le guerrier lycien Pandare « vaillant fils de Lycaon », en l’invitant à violer la paix conclue entre Troyens et Grecs. Comme le souligne Judet de La Combe commentant Λύκει' ῎Απολλον au vers 1257 d’Agamemnon « l’assimilation implicite avec le loup fait de l’archer lycien qui va violer le pacte une figure du fourbe », et il le compare en cela à Dolon dans le chant X. Ici, le contexte nous invite également à faire le rapprochement entre la Lycie et le loup : le chœur demande à Apollon lycien la protection du loup qu’est Dolon.
v. 226-227 : μόλε τοξή-/ ρης, ἱκοῦ ἐννύχιος
Accours armé d’un arc, viens dans la nuit
9L’adjectif τοξήρης appartient à la diction euripidéenne (on le retrouve, avec le même sens, au vers 35 d’Alceste, où Apollon apparaît « la main armée d’un arc », χέρα τοξήρη ; avec un sens différent dans Héraclès, au vers 188 et au vers 1063) comme ξιφήρης (v. 713), construit sur le même modèle. Chez Homère, on trouvera plutôt l’adjectif τοξότης (Iliade XI, 385) ou τοξοφόρος (épithète d’Artémis dans l’Iliade XXI, 483, d’Apollon dans l’Hymne homérique à Apollon, 126), terme par lequel le chœur précédemment (v. 32) désignait les archers phrygiens. Ici l’adjectif, est employé comme prédicat : « viens en archer ».
10Face à la situation de crise et de bataille potentielle qu’ont créée les feux surgis dans la nuit, c’est d’un Apollon guerrier dont les Troyens ont besoin, de celui qu’invoque Chrysès à l’ouverture de l’Iliade (chant I) pour répandre la mort parmi les Achéens. C’est l’archer qu’il appelle (I, 37 : κλῦθί μευ, Ἀργυρότοξ’) et qui descend de l’Olympe avec arc et carquois (I, 45). Cet Apollon est un dieu de mort, comme le montre l’expression ὁ δ’ ἤιε νυκτὶ ἐοικώς · (I, 47) : la comparaison à la nuit désigne celui qui, comme la nuit qui tombe10, s’en vient soudainement, pour répandre parmi les Achéens la querelle (ἔρις, Iliade I, 8) et le mal (νοῦσον κακήν, Iliade I, 10), enfants de Nuit la terrible (Hésiode, Théogonie, 212 et 226)11. La comparaison, comme le rappelle Strauss Clay (p. 94, n. 75), revient dans la Νέκυια (Odyssée XI, 606), pour Héraclès, qui apparaît à Ulysse, l’arc tendu, « semblable à la nuit sombre » (ὁ δ’ ἐρεμνῇ νυκτὶ ἐοικώς, / γυμνὸν τόξον ἔχων) et effraye les autres morts.
11Ici aussi l’Apollon qu’invoque le chœur est un dieu nocturne mais au sens propre, puisque le chœur lui demande de venir « dans la nuit » 12. Ce qui, dans l’Iliade, est une image (Apollon est comparé à la nuit mais il intervient de jour) devient dans le Rhésos, une réalité, selon le procédé habituel au dramaturge, qui actualise les métaphores homériques. L’adjectif ἐννύχιος dit le côté sombre du dieu lumineux et sauveur de Délos, qui est en même temps un dieu violent et armé de l’arc13, mais il dit aussi concrètement qu’Apollon est invité à se manifester dans la nuit présente. L’adjectif ἐννύχιος appartient à la lexis poétique et notamment apparaît au vers 10 de la Théogonie, où il est dit que les Muses « s’avançaient dans la nuit » (ἐννύχιαι στεῖχον). L’expression désigne l’invisibilité des Muses, qui sont aussi « enveloppées de brume ». Ici l’adjectif entre en contradiction avec l’épiphanie qui est demandée (μόλε14, ἱκοῦ15 sont des impératifs caractéristiques de l’hymne clétique, qui invite le dieu à se révéler, à apparaître16). Le paradoxe d’une épiphanie nocturne se retrouve dans l’utilisation nocturne du mot de passe Phoibos (« le brillant ») : les Troyens se livrent à un jeu héraclitéen sur les contraires. La lumière brille d’autant plus lorsqu’elle se détache sur l’obscurité. Ce que le chœur demande à Apollon en le faisant venir dans la nuit c’est de faire le jour en pleine nuit, afin de guider Dolon dans son expédition.
12Mais ils lui demandent plus encore : en invoquant l’archer, ils demandent à Apollon de venir faire la guerre dans la nuit, ignorant l’alternance jour / nuit, qui veut que les combats aient lieu de jour. Le chœur réfléchit l’image d’une Troie toute puissante, indifférente aux contraintes qui règlent la guerre, et qui commet un acte d’hybris en croyant pouvoir disposer à tout moment de son dieu tutélaire. Or, Apollon va montrer que la nuit n’est pas le moment de l’action mais de la poésie, en ne se manifestant pas comme dieu guerrier mais comme Apollon musagète, à travers Rhésos, fils de la Muse et guerrier solaire, et à travers la Muse elle-même.
v. 229-230 : ἁγεμὼν σωτήριος ἀνέρι πομπᾶς / καὶ γενοῦ καὶ ξύλλαβε Δαρδανίδαις
En guide du voyage, sauveur de cet homme ; et sois avec nous et assiste les Dardanides
13Les souhaits du chœur reprennent ceux qu’il formulait dans le premier épisode, aux vers 216-218. Mais cette fois, c’est à Apollon que le chœur confie la tâche de pompaios17, qui apparaissait dans un premier temps comme l’apanage d’Hermès. C’est que le chœur montre qu’Apollon a le pouvoir d’assumer les rôles particuliers partagés entre les dieux. Le chœur construit Apollon comme un absolu, une synthèse mythologique, qui cristallise les attributs de tous les autres dieux : Apollon peut être aussi Hermès, Poséidon, Zeus. En effet, la fonction de guide fait aussi partie de l’identité d’Apollon. Il ouvre la route : dans l’Iliade, c’est lui qui marche en tête des Troyens dans leur assaut contre le mur des Grecs (cf. Iliade XV, 306-311 et au v. 311, ἡγήσατο λαῶν)18. C’est lui qui, chez Apollonios de Rhodes, guide l’expédition de Jason et des Argonautes et leur assure le retour19. Apollon comme Hermès sont des dieux marcheurs, des dieux du chemin, mais les deux frères ennemis de l’Hymne à Hermès le sont différemment : la marche d’Apollon est civilisatrice, sa route, nettement tracée, va droit au but ; la marche d’Hermès est celle d’un voleur, le tracé de sa route porte l’empreinte de la ruse20. L’association d’Apollon à Hermès confirme l’aspect nocturne de l’Apollon invoqué et le place du côté de la ruse, car la marche de Dolon suit une voie plus habituelle à Hermès qu’à Apollon. La protection d’Apollon qualifie aussi différemment le voyage de Dolon : Apollon accompagne habituellement les jeunes gens quittant la communauté pour accomplir un exploit héroïque. En faisant d’Apollon le guide de Dolon, le chœur donne à son voyage le caractère d’une épreuve initiatique.
v. 230 : ξύλλαβε Δαρδανίδαις
Assiste les Dardanides
14En appelant les Troyens Dardanides21, le chœur remonte à leur plus lointain ancêtre, Dardanos, fils de Zeus. Il se fait archéologue (topos du chœur tragique, où il s’agit à chaque fois de replacer l’événement présent dans le passé mythique), en remontant aux temps les plus archaïques de l’histoire de Troie, et demande à Apollon d’aider les Troyens en tant que race divine, chère à Zeus. Au vers 230, c’est de Troie dont il est question, et plus précisément de la ville et de ses remparts, alors que Dardanos, lui, évoque un temps où la ville de Troie n’existait pas encore. À travers Δαρδανίδαις et Τροΐας, le poète du Rhésos oppose deux destinées : celle de la race, qui survivra, et celle de la ville, qui sera anéantie. Dans l’Iliade, Hector et Énée sont deux descendants de Dardanos, issus de deux branches différentes, dont l’un est destiné à périr avec la ville sur laquelle règne son père et l’autre destiné à survivre, indépendamment de la ville22. Le chœur décline la généalogie de Troie : après Dardanos et Trôs, évoqué à travers le nom de Troie, c’est Ilos qui apparaîtra dans Ἰλιάδας au vers 235. Car, pour que le discours soit vraiment performant, il lui faut être complet : le chœur doit dire tout ce qu’est Troie.
v. 231-232 : ὦ παγκρατές, ὦ Τροΐας / τείχη παλαιὰ δείμας.
Ô tout puissant, ô toi qui as bâti les antiques murs de Troie.
15L’épiclèse παγκρατής est habituellement réservée à Zeus (Eschyle, Euménides, 918, Sept, 255, Suppliantes, 815 ; Sophocle, Philoctète, 680) mais le chœur fait d’Apollon un dieu complet, qui maîtrise toutes choses. Il l’invoque comme le bâtisseur des murs de Troie alors que dans l’Iliade, c’est Poséidon qui apparaît comme le seul véritable bâtisseur de ces murs. Il y a en réalité deux références à cette construction, qui offrent deux versions différentes : au chant VII, 452 et suiv., Poséidon a peur que soit oublié le mur que lui et Apollon ont édifié ; au chant XXI, 446 et suiv., Poséidon rappelle à Apollon leur séjour chez Laomédon, durant lequel, dit-il, il a bâti un mur autour de la ville tandis qu’Apollon faisait paître les bœufs des Troyens. Comme le souligne Rousseau (1995, p. 448 et suiv.), c’est le contexte différent qui explique la divergence : dans le chant VII, Poséidon s’adresse à Zeus et ce qui compte à ce moment précis c’est de rappeler la construction des murs de Troie menacés par la concurrence du rempart des Achéens, c’est pourquoi il y associe Apollon « par une sorte de raccourci » (Rousseau), alors que dans le chant XXI, Poséidon s’adresse à Apollon et illustre la culpabilité des Troyens en donnant un récit plus détaillé de leur séjour chez Laomédon. C’est la première des deux versions, où les deux dieux œuvrent de concert à l’édification du mur, qui est le plus souvent retenue par les poètes après Homère, comme on le voit chez Pindare (Olympique VIII, 31) et chez Euripide (Troyennes, 4-6 ; Andromaque, 1010-1012). La construction des murs est même souvent attribuée comme ici au seul Apollon (Hélène, 1511 ; Oreste, 1388). Faire d’Apollon le bâtisseur des murs c’est d’abord faire de lui le protecteur suprême de la ville. Ici, c’est aussi le mettre dans une situation de rivalité avec Poséidon, comme nous le verrons dans l’antistrophe. Le chœur fait de Troie la ville d’Apollon.
Première antistrophe
v. 232-234 : μόλοι δὲ ναυκλήρια, καὶ στρατιᾶς / Ἑλλάδος διόπτας / ἵκοιτο
Puisse-t-il aller aux navires et arrivé là-bas espionner l’armée grecque
16Le mot διόπτης n’apparaît pas ailleurs dans la Tragédie, mais chez Aristophane, au vers 435 des Acharniens, où il est une épithète de Zeus. Ici, il est tiré directement de l’Iliade (X, 562), où le doublet διοπτήρ (qui n’apparaît pas non plus dans la tragédie) désigne aussi Dolon. Le poète du Rhésos a actualisé le terme archaïque διοπτήρ23.
17La rareté du mot ναυκλήριον qui ne se rencontrera plus avant le ive siècle, conduit le scholiaste à l’expliquer. Il en fait un synonyme du terme ναύσταθμον, que l’on rencontre aux vers 136 et 244, et il est suivi par de nombreux exégètes. Pourtant aucun autre texte n’atteste cette signification24, qui apparaît plutôt comme une conjecture. Il n’y a pas de raison de ne pas garder le sens de « navire frété » que le mot a dans les textes postérieurs, chez Démosthène (Contre Aristocrate, 211) et Plutarque (Moralia, 234f, 1), sens qui a une cohérence au regard des mots apparentés. Le mot ναυκλήριον est en effet proche du terme ναύκληρος (« armateur ou propriétaire d’un navire », « pilote »), que l’on rencontre au ve siècle chez Eschyle, Sophocle et Euripide (Eschyle, Suppliantes, 177, Sophocle, Philoctète 128, 547, Euripide, Hippolyte, 1224) ainsi que de ναυκληρία (« navigation ») chez Sophocle et Euripide (Sophocle, fr. 143 Radt, Euripide, Hélène, 1519, 1589, Médée, 527, Alceste, 257).
18Le sens du dédoublement entre ναυκλήρια et στρατιᾶς Ἑλλάδος est à nouveau la figuration d’une totalité : le chœur veut que Dolon sache tout de l’ennemi et ne laisse rien échapper de ce qui le constitue (à la fois des navires et des hommes).
19De la première à la deuxième strophe, on remarque un glissement d’Apollon à Dolon : le chœur emploie les mêmes verbes mais en passant de la deuxième à la troisième personne (μόλε /μόλοι ; ἱκοῦ / ἵκοιτο), sans que Dolon soit nommé. En demandant à Apollon d’être le guide de Dolon, le chœur lui demande de s’identifier à lui. En même temps, il divinise Dolon, en utilisant pour lui les verbes de l’invocation. Le risque intrinsèque que comporte cette assimilation du mortel au dieu est de conduire à la rivalité et à l’hostilité du dieu25 : identifier l’action de Dolon à celle d’Apollon, c’est le confronter à la divinité.
v. 234-235 : καὶ κάμψειε πάλιν θυμέλας οἴ-/ κων πατρὸς Ἰλιάδας.
Et puisse-t-il virer de but et revenir en arrière aux autels troyens du foyer de son père.
20Le verbe κάμπτω dont le premier sens est « fléchir » se dit du coureur qui contourne la borne du stade ou de l’hippodrome pour accomplir le parcours du retour (Agamemnon, 344 ; Bacchantes, 1225).
21La leçon πατρὸς Ἰλιάδας, que je retiens avec la majorité des éditeurs, établit une opposition entre l’armée grecque (στρατιᾶς Ἑλλάδος) et les autels troyens (θυμέλας Ἰλιάδας). La Grèce, évoquée par son armée, est associée à la guerre ; elle est l’agresseur, alors que Troie, la victime, est placée du côté de la sphère domestique, du foyer, c’est-à-dire du côté des symboles de la paix. Ce qui se dessine également dans ces premiers vers, c’est une opposition entre la Grèce maritime, en mouvement, et Troie attachée à la terre, à la cité.
v. 240-241 : τὰς πόντιος Αἰακίδᾳ / Πηλεῖ δίδωσι δαίμων.
chevaux que le dieu marin donne à l’Éacide Pélée.
22Le chœur affirme comme une vérité ce qu’Hector attribuait à la parole collective par le biais du ὡς λέγουσι dans les vers 187-188 (δίδωσι δ’ αὐτοὺς πωλοδαμνήσας ἄναξ / Πηλεῖ Ποσειδῶν, ὡς λέγουσι, πόντιος.) et se fait la voix de la tradition (Iliade XXIII, 277, où Achille parle de ses chevaux : Ποσειδάων δ’ ἔπορ’ αὐτοὺς / πατρὶ ἐμῷ Πηλῆι…). Il replace le don des chevaux dans le contexte de la rivalité entre Apollon et Poséidon. Le trait d’union entre Troyens et Grecs, c’est Poséidon, qui aux uns a donné des murs, aux autres des chevaux. Poséidon – comme Apollon – est un dieu ambigu : dans l’Iliade, il est du côté des Grecs, dans les Troyennes d’Euripide, il prend le parti des Troyens. Ici, c’est comme si le chœur voulait allier Poséidon aux seuls Troyens et ce, en volant le don que le dieu a fait aux Grecs, les chevaux immortels de Pélée. Il manque quelque chose à Troie la posidonienne qu’elle doit recouvrer pour être pleinement constituée.
23Ce que le chœur propose à Apollon, c’est d’être l’agent de ce recouvrement, par l’intermédiaire de Dolon, qui gagnera les chevaux, moyen terme entre l’armée marine et Troie la terrestre. Troie ressortira plus forte de cette expédition de Dolon, dont dépend, dans les paroles du chœur, le sort de la guerre (dans l’enchaînement des vers 237 et suiv., le triomphe sur les Achéens semble découler du retour de Dolon).
Deuxième strophe
v. 243-245 : ἐπεὶ πρό τ’ οἴκων πρό τε γᾶς ἔτλα μόνος / ναύσταθμα βὰς κατιδεῖν · ἄγαμαι λήματος ·
Puisque pour sa maison et pour son pays il a osé seul aller observer le camp des navires : j’admire sa volonté.
24Après l’invocation et la prière propitiatoire, il y a une rupture de ton : le chœur passe au mode argumentatif, comme l’indique le ἐπεί en tête de strophe, qui introduit une justification de la prière qui a précédé. Le chœur fait de Dolon le représentant des valeurs qui unissent les Troyens : le guerrier troyen combat pour son foyer et pour sa patrie. C’est ce que Sarpédon rappelle à Hector dans sa harangue du chant V, 471-492 : alors que les Lyciens sont loin de leur terre, sans rien à défendre, les Troyens, eux, ont des raisons tangibles de se battre. L’adjectif μόνος met en évidence le paradoxe du héros, qui, pour protéger son foyer, doit s’en arracher.
25Les mots ἔτλα μόνος rappellent ceux du chœur de l’Alceste faisant l’éloge funèbre de l’épouse dévouée (v. 460-462 : σὺ γὰρ ὦ μόνα, ὦ φίλα γυναικῶν, / σὺ τὸν αὑτᾶς / ἔτλας πόσιν ἀντὶ σᾶς ἀμεῖψαι / ψυχᾶς ἐξ ᾍδα, « car c’est toi seule, ô chère femme, qui osas, pour sauver ton époux de l’Hadès, donner ta vie en échange »). Le parallèle avec l’Alceste se poursuit dans les vers suivants, puisque la formule σπανία26 τῶν ἀγαθῶν trouve encore un écho dans le deuxième stasimon d’Alceste, où le chœur met en évidence la rareté des épouses aussi aimantes qu’Alceste (v. 473-474 : τὸ γὰρ / ἐν βιότῳ σπάνιον μέρος). Dans l’un et l’autre cas, il s’agit de glorifier la singularité de l’individu qui se détache du reste de ses semblables27, ce qui est le propre du héros épique. Ce qui rapproche Dolon d’Alceste, en dépit de la différence des contextes, c’est que ni l’un ni l’autre n’a le statut du héros épique, puisque Dolon n’est qu’un simple soldat et Alceste une femme, et que c’est la parole lyrique qui les transfigure.
v. 245-249 : ἦ σπανία / τῶν ἀγαθῶν, ὅταν ᾖ / δυσάλιον ἐν πελάγει / καὶ σαλεύῃ / πόλις.
En vérité il y a pénurie d’hommes de bien quand il fait sombre sur la mer et que la cité est secouée.
26La maxime vient conventionnellement soutenir le tour argumentatif de la strophe. Le chœur, pour définir la situation de crise dans laquelle se trouvent les Troyens, recourt au topos de la cité comme navire ballotté sur une mer agitée, dans la tempête. Le prêtre de l’Œdipe roi (v. 23), exposant à Œdipe l’état de Thèbes, utilise la même métaphore. Le poète retravaille la métaphore en la déplaçant : l’adjectif δυσάλιον, dans le contexte nocturne, prend un autre sens. En effet, dans le cadre de la tempête homérique (référence de la métaphore politique), qui a toujours lieu de jour, l’adjectif désignerait l’assombrissement du ciel en plein jour (la nuit est envoyée subitement par le ciel et chasse la clarté28), alors qu’ici le défaut de soleil est dû à la nuit. La représentation d’une tempête nocturne évoque la tempête essuyée par les Grecs au retour, telle qu’elle est représentée dans l’Agamemnon (v. 650 et suiv.). De même que les navires achéens sont une contre-cité qu’il faut prendre, Troie est représentée symboliquement comme un vaisseau : les deux camps sont équivalents et la tempête que subiront les Grecs sur le chemin du retour est la contrepartie de la tempête métaphorique que constitue la guerre pour Troie.
v. 250-251 : ἔστι Φρυγῶν τις / ἔστιν ἄλκιμος ·
Il y a parmi les Phrygiens, oui il y a un homme valeureux.
27Lorsque le chœur vante la bravoure des Phrygiens, il s’oppose, comme l’explique le scholiaste, à une injure sur leur lâcheté. Le verbe κωμῳδέω qu’emploie le scholiaste (ἐπεὶ κωμῳδοῦνται οἱ Φρύγες ὡς δειλοί) peut s’entendre de deux manières : ou il signifie que les Phrygiens sont « représentés dans la comédie » (Aristophane, Acharniens, 655, 631) comme des lâches et dans ce cas, le poète du Rhésos emprunte au genre comique, soit le verbe signifie, plus généralement, que les Phrygiens sont « raillés » comme des lâches. Euripide, dans Oreste, joue largement de cet aspect proverbial avec le personnage de l’esclave phrygien, (vers 1351, 1425, 1514, 1518). La remarque du chœur est extérieure à l’épopée homérique, où les Troyens sont aussi valeureux que les Grecs ; les allusions aux proverbes sur les Mysiens ou aux topoi sur les Phrygiens sont contemporaines, puisque c’est dans la comédie ou la tragédie du ve siècle qu’on trouve le type du Phrygien lâche. Le renversement du lieu commun tient à sa déterritorialisation : ce proverbe vaut pour les Grecs et dès lors qu’on change de camp pour passer chez les Troyens, il ne tient plus. Cependant, loin de se poser en dénonciateur des préjugés, le chœur appuie lui-même son discours sur un second lieu commun, celui qui concerne les Mysiens.
v. 251-253 : ἔνι δὲ θράσος / ἐν αἰχμᾷ · ποτὶ Μυσῶν ὃς ἐμὰν / συμμαχίαν ἀτίζει.
Il y a de l’audace dans nos lances ; c’est un Mysien celui qui méprise notre alliance.
28On ne peut comprendre le texte ponctué après αἰχμᾷ que si on le rapporte à la signification proverbiale de « Mysien » donnée par le scholiaste, qui se réfère à Démon (fr. 20, 17 Muller) : il explique que « ἐπὶ τὸν ἔσχατον Μυσῶν πλεῖν » aurait été un oracle délivré à Oreste et à ses descendants qui demandaient le remède aux maux qui ravageaient la Grèce ou, selon une autre version, à Télèphe qui désirait savoir où il retrouverait ses parents. À partir de là, le syntagme ἔσχατος Μυσῶν a donné le proverbe qui dit qu’un Mysien est un moins que rien. On retrouve le proverbe chez Philémon (fr. 77 Kock, cité par le scholiaste), Ménandre, (fr. 751, 2 Kock, cité par le scholiaste du Rhésos), Platon (Théétète, 209b, 8) et il est également mentionné par Cicéron (Pro Flacco, 27). Zanetto rappelle l’expression proverbiale Μυσῶν λεία (res nullius), que l’on retrouve chez Aristote (Rhétorique 1372b, 33) et Démosthène (Sur la couronne, 72). Meschini (1976, p. 79) ajoute que la rivalité entre Mysiens et Phrygiens était vraisemblablement aussi proverbiale.
29Ceux qui refusent l’allusion au proverbe29 ont bien vu ce qui fait problème : les Mysiens sont mentionnés dans la suite du texte comme les alliés des Troyens, qui les ont précédés au poste de garde (v. 541). Il y a un décalage de ton entre le traitement métaphorique des Mysiens ici et le rôle qu’ils jouent dans la suite du texte (lorsque le nom des Mysiens est invoqué au vers 541, ce sont les Mysiens épiques qui sont convoqués par le poète). La situation même de la référence au proverbe populaire, dans un hymne, est singulière. La poésie d’éloge, en effet, est traditionnellement opposée à la poésie de blâme30. Il y a un jeu tout à fait étonnant sur les genres que l’on peut expliquer ainsi : pour se constituer comme poésie d’éloge, le chant pose son contraire, la poésie de blâme, mais pour se différencier, il est paradoxalement contraint d’intégrer son contraire et de lui emprunter ses procédés. Le mélange des genres est sans doute un symptôme de la déraison qu’il y a à chanter sur un mode hymnique un personnage qui pourrait tout aussi bien être l’objet de la poésie de blâme.
Deuxième antistrophe
v. 254-255 : τίν’ ἄνδρ’ Ἀχαιῶν ὁ πεδοστιβὴς σφαγεὺς / οὐτάσει ἐν κλισίαις
Quel est le guerrier achéen que l’égorgeur qui foule le sol tuera dans sa baraque ?
30Dolon n’est plus espion, ni simple soldat, mais sacrificateur (σφαγεύς). Cette désignation est à nouveau en rapport avec le dieu sous la tutelle duquel le chœur l’a placé. Apollon est aussi dieu des bouchers et des sacrificateurs31, à qui agréent les sacrifices. Dans l’Hymne homérique à Apollon (v. 535-537), il fait aux Crétois l’éloge du sacrifice. C’est Apollon qui, à l’ouverture de l’Iliade, fait avec son arc une hécatombe d’hommes et de bêtes et c’est encore lui qu’Ulysse, à la fin de l’Odyssée, invoque avant de frapper Antinoos à la gorge (Odyssée XXII, 6-7)32. L’expression πεδοστιβὴς σφαγεύς mêle vocabulaires militaire et religieux. L’adjectif πεδοστιβής en effet, au vers 127 des Perses, sert à opposer le « fantassin », qui foule le sol, au « cavalier » (ἱππηλάτης). Le chœur déplace la mission de Dolon du domaine guerrier au religieux.
31Il y aura bien un meurtre, une σφαγή 33, mais ce ne sera pas d’un Grec. C’est Rhésos, le sauveur de Troie, qui sera égorgé. La pièce est construite en miroir et régie par un principe substitutif : ce sont les Grecs qui vont accomplir les projets de Dolon en tuant et en emportant des chevaux mythiques (ceux de Rhésos, équivalent des chevaux d’Achille que convoite Dolon). Le rapprochement verbal entre le vers 254 et le vers 790, qui décrit la mort de Rhésos et où l’on retrouve le terme σφαγή, lie Dolon le sacrificateur au sacrifice de Rhésos. Dans le chant X, c’est bien ce qui arrive de manière indirecte, puisque c’est Dolon qui indique aux deux Grecs l’emplacement du roi thrace, ce qui n’est plus vrai dans le Rhésos. Ce que fait le dramaturge, c’est rétablir un lien entre les deux événements que sont l’envoi de Dolon et le meurtre de Rhésos, ce qu’il fera à nouveau avec le rêve du cocher qui voit deux loups s’enfuir sur les chevaux de Rhésos. Ces deux loups représentent symboliquement les meurtriers Ulysse et Diomède. Il y a dans la figure du loup comme un passage de relais de Dolon aux deux Grecs. Au lien narratif de l’épopée, le poète du Rhésos substitue des liens thématiques ou verbaux.
v. 255-257 : τετράπουν μῖμον ἔχων ἐπὶ γαῖαν θηρός
tenant le rôle, à quatre pattes sur le sol, d’une bête sauvage
32Le chœur reprend les paroles de Dolon au vers 211. Le mot μῖμος est rare et son étymologie problématique. Le verbe μιμεῖσθαι lui-même et le terme μίμησις n’apparaissent ni dans l’épopée ni chez Hésiode ni chez les poètes éoliens ; la première attestation du verbe μιμεῖσθαι se trouve dans l’Hymne homérique à Apollon (v. 163). L’histoire sémantique du verbe μιμεῖσθαι et de ses dérivés est discutée34. Lorsqu’ils sont utilisés en référence à l’art théâtral, ils désignent l’interprétation dramatique (Aristophane, Grenouilles, 109 ; l’Assemblée des femmes, 278, 545). Quant au mot μῖμος, il n’apparaît ailleurs au ve siècle que dans le fragment 57 (Radt) d’Eschyle, tiré des Édoniens : ταυρόφθογγοι δ’ ὑπομυκῶνται / ποθὲν ἐξ ἀφανοῦς φοβεροὶ μῖμοι τυπάνου δ᾽ εἰκών, ὥσθ᾽ ὑπογαίου / βροντῆς, φέρεται βαρυταρβής, « des mimes effrayants à la voix de taureau mugissent sourdement de quelque part dans l’invisible et un terrible simulacre du tambourin s’élève comme venant d’un tonnerre sous la terre ». Le sens du mot dans ce passage est discuté : les commentateurs se sont demandé s’il avait le sens d’« imitateur »35 ou d’« imitation ». Ici, on retrouve la même divergence chez les interprètes : Chantraine (D.E.L.G, s.v. μῖμος), qui donne le sens d’« imitation » pour le fragment d’Eschyle donne ici celui d’« imitateur », de même que Porter qui comprend l’expression τετράπουν μῖμον ἔχων comme l’équivalent de ἔχων τέτταρας πόδας μίμους (« mimic actors »). Pour Meschini (1975, p. 219), le mot μῖμος, formé à partir du verbe μιμέομαι, doit avoir à l’origine la valeur d’un nom de chose et non de personne. Il ne faut pas pour autant faire du mot un synonyme de μίμημα, comme Hermann. Par opposition à μίμησις, qui désigne le processus mimétique, l’action d’imiter, μίμημα désigne l’imitation comme résultat ; μῖμος doit avoir un sens différent de ces deux termes et son emploi dans le fragment d’Eschyle incite à penser qu’il s’agit d’un sens technique précis, qui a rapport au rituel, comme le pense Koller. Gernet (1936, p. 193 et suiv.) voit dans le déguisement de Dolon les traits d’un rite cultuel de confrérie, dans lequel Dolon serait l’initié qui sort de la communauté pendant une durée déterminée. Le passage par l’animalité fait partie de cette initiation. L’interprétation ritualiste cependant n’épuise pas le sens de la scène car ce qui apparaît ici, c’est que la mimèsis a rapport au théâtre : Dolon va revêtir un déguisement et jouer un rôle, comme un acteur ; le culte est repensé comme forme dramatique et l’expression μῖμον ἔχων décrit une mascarade. Le participe ἔχων se retrouve six vers plus loin avec le nom στρατείαν à propos d’Agamemnon venu à Troie avec une expédition ; les vers 257 et 263 mettent en parallèle deux types d’armes opposés : le déguisement d’une bête sauvage pour Dolon, une force armée pour Agamemnon. Dolon est un guerrier paradoxal, qui combat avec l’arme du simulacre. Il reste difficile de déterminer le sens précis du terme à la fois chez Eschyle et ici : ni le sens d’« imitateur » ni celui d’« imitation » ne sont satisfaisants ; μῖμος décrit vraisemblablement une forme, élément rituel d’une représentation, une figure mimétique et l’expression μῖμον ἔχων peut se comprendre comme « ayant la figure mimétique [à quatre pattes d’une bête sauvage] »36.
v. 257-263 : ἕλοι Μενέλαν, / κτανὼν δ’ Ἀγαμεμνόνιον / κρᾶτ’ ἐνέγκοι / Ἑλένᾳ κακόγαμβρον / ἐς χέρας γόον, ὃς ἐπὶ πόλιν, / ὃς ἐπὶ γᾶν Τροΐαν χιλιόναυν / ἤλυθ’ ἔχων στρατείαν.
Qu’il prenne Ménélas et, après l’avoir tué, qu’il rapporte la tête d’Agamemnon, beau-frère de malheur pour Hélène, gémissement dans ses mains, qui est venu en menant contre notre ville, contre la terre troyenne, une expédition aux mille vaisseaux.
33Les souhaits du chœur pour Dolon se transforment en imprécations contre Ménélas et Agamemnon, qui ont remplacé Ulysse et Diomède comme victimes ; le chœur cette fois surenchérit sur les paroles de Dolon au point de les modifier. Les vers 257-260 sont à mettre en parallèle avec les vers 219-222. La construction est la même avec des termes différents : κτανὼν Ὀδυσσέως / οἴσω κάρα σοι est repris par le chœur sous la forme : κτανὼν δ’ Ἀγαμεμνόνιον / κρᾶτ’ ἐνέγκοι / Ἑλένᾳ. Alors que Dolon désignait sans le savoir ses ennemis particuliers, ceux qui représentent les Grecs en cette nuit décisive du chant X, le chœur, lui, se reporte à la situation générale de la guerre de Troie : son chant veut fédérer les Troyens derrière un seul homme, un sauveur potentiel. Il ne s’agit plus d’un espion mais de celui qui mettra un terme à la guerre. Ce sont donc Ménélas et Agamemnon, ceux qui ont déclenché la guerre, qu’il faut tuer. Les deux frères sont traités différemment par le chœur : Ménélas est désigné par son nom, Agamemnon par un tour épique ; Ménélas doit être pris alors qu’Agamemnon doit avoir la tête coupée. Il y a un jeu sur le nom Μενέλαν et la forme verbale ἕλοι, avec la reprise de l’élément phonétique ελ-, qui se retrouve également dans le nom d’Hélène et anticipe l’apparition du nom Ἑλένᾳ au vers 260. La mention d’Hélène participe du retour aux origines de la guerre auquel procède le chœur. L’étymologie du nom Hélène est donnée par le chœur de l’Agamemnon dans les vers 689-690 (ἑλένας, ἕλανδρος, ἑλέπτολις) : Hélène est « preneuse de navires, preneuse d’hommes, preneuse de villes ». Les noms Ἑλένας et Μενέλας sont antithétiques (le radical ἑλέ- dit le contraire de μενέ-)37. Dans l’épopée, Ménélas et Agamemnon représentent tous deux la souveraineté, décomposée en deux aspects complémentaires. Ménélas38 incarne la légitimité de la guerre car c’est lui qui a été victime de la transgression du droit ; il est le casus belli, le fauteur de guerre. Se saisir de Ménélas, c’est mettre fin à la guerre. Agamemnon est celui qui exerce le pouvoir, avec les abus que cela suppose : il est davantage du côté de la guerre et de la violence et le sort qui lui est réservé par le chœur du Rhésos correspond à cette violence.
34L’adjectif χιλιόναυς est un composé euripidéen forgé sur le composé eschyléen χιλιοναύτης, que l’on trouve dans la parodos de l’Agamemnon (v. 45 : στόλον Ἀργείων χιλιοναύτην ; Iphigénie en Tauride, 141) et qui désigne toujours l’expédition argienne contre Troie (Andromaque, 106 ; Iphigénie à Aulis, 174 ; Oreste, 352). Le chœur, dans ces vers, fait du contre-Eschyle : si la diction est eschyléenne, la reconfiguration de l’épopée est différente. Contrairement à ce qui est dit dans l’Agamemnon (v. 1455-1461) ce n’est pas Hélène qui est rendue responsable d’avoir détruit des milliers de vies mais Agamemnon, le « beau-frère de malheur » qui a mené contre Troie une armée aux milliers de vaisseaux et Hélène ne triomphe pas mais se lamente sur les malheurs causés par sa belle-famille. La réécriture troyenne de la victoire passe par une réécriture des origines et des fins.
35La phrase κτανὼν δ’ Ἀγαμεμνόνιον κρᾶτ’ ἐνέγκοι est un raccourci : il manque le complément de κτανών, Ἀγαμέμνονα, que l’on doit tirer de ce qui suit ; γόον est apposé à κρᾶτα ; les interprètes font de l’hapax κακόγαμβρον l’épithète du nom γόον mais le sens de l’expression est difficile à déterminer.
36Le premier terme entre fréquemment dans la formation de composés, contrairement au second terme, plus rare. Le mot γαμβρός désigne le « parent par alliance », un membre de la belle-famille39. Le composé, qui désigne « celui dont l’alliance est mauvaise », apparaît comme un eschyléisme, qui fait écho à deux adjectifs composés du deuxième stasimon de l’Agamemnon : δορίγαμβρος (« mariée dans les lances ») au vers 686, qui désigne Hélène, et αἰνόλεκτρον (« lit maudit ») au vers 712, qui qualifie Pâris. Cette idée d’une alliance dévastatrice va à l’encontre de la théorie archaïque de la vertu, selon laquelle on doit faire du bien aux amis et du mal aux ennemis, puisqu’ici c’est le parent qui est cause de malheur. Ce thème se retrouve à nouveau dans l’Agamemnon au vers 1156 (ἰὼ γάμοι γάμοι Πάριδος ὀλέθριοι φίλων). Dans l’Agamemnon, c’est la nouvelle alliance d’Hélène, avec les Troyens, qui est condamnée pour être l’origine des chants de lamentation alors qu’ici c’est l’alliance avec les Grecs : le poète du Rhésos reprend le thème de l’Agamemnon en inversant le point de vue.
37L’adjectif est l’équivalent d’un génitif objectif qui désigne la personne que l’on pleure (Iliade XXIV, 507 et Odyssée IV, 113). Hélène pleure sur Agamemnon, c’est-à-dire sur les malheurs qu’a causés son beau-frère, en regrettant le mariage qui fait d’elle sa parente (Jouan : « pour qu'elle gémisse sur son misérable beau-frère »). Il s’agit d’une lamentation paradoxale : Hélène mène une lamentation funèbre sur Agamemnon en tant que porteur de malheur ; la relative introduite par ὅς au vers 261 explique l’adjectif κακός. On a alors l’image d’une lamentation qui devient reproche, comme dans les vers 450-451 de l’Agamemnon (φθονερὸν δ’ ὑπ’ ἄλγος ἕρ-/πει προδίκοις Ἀτρείδαις, « Haineuse à l’endroit des Atrides, les défenseurs de leur cause, une douleur rampe obscurément ») : la lamentation des Grecs sur leurs morts se mue en réprobation contre les Atrides, Agamemnon et Ménélas, qui sont cause de tant de pertes. Or, la lamentation sur la mort d’Agamemnon lui-même ne peut qu’être en même temps une condamnation des morts qu’il a causés, ici non pas dans son propre peuple mais chez les Troyens. Et c’est Hélène, figure intermédiaire, qui est chargée par les Troyens de ce deuil paradoxal.
38On pouvait lire d’une autre manière en comprenant que la tête d’Agamemnon est un sujet de lamentation pour Hélène depuis toujours et non pas particulièrement au moment de sa mort. Ce qui confirme notre lecture, c’est d’abord le mouvement du texte : la juxtaposition de ἐς χέρας et de γόον montre que c’est lorsque la tête revient dans les mains d’Hélène (la préposition ἐς traduit un mouvement) que naît la lamentation. Mais l’argument décisif pour dire que c’est de la lamentation funèbre qu’il s’agit c’est que le poète fait référence à une autre lamentation funèbre, celle d’Hélène pour Hector dans le chant XXIV (v. 761-776). Hélène est la troisième à conduire la lamentation, après Andromaque (qui, lorsqu’elle pleure Hector, tient la tête d’Hector entre ses mains, v. 724 : κάρη μετὰ χερσὶν ἔχουσα) et Hécube (v. 761). Elle pleure « le plus cher de ses beaux-frères » (v. 762 : δαέρων πολὺ φίλτατε πάντων). La lamentation pour Agamemnon, son beau-frère du côté grec, est antithétique de celle pour Hector. Agamemnon est un beau-frère honni. L’alliance est ici mauvaise comme le souligne le composé κακόγαμβρον, et c’est pourquoi la lamentation se fait injure. Le chœur joue avec les registres de discours en renversant l’éloge en injure : l’expression Ἀγαμεμνόνιον κρᾶτα est noble et plutôt caractéristique de l’éloge (Ἕκτορος ἀνδροφόνοιο κάρη au vers 724 du chant XXIV). Mais ici la tête du mort n’est pas tenue entre les mains, en signe d’affection, comme la tête d’Hector entre les mains d’Andromaque au chant XXIV, elle est apportée dans les mains, parce qu’elle a été détachée du corps, comme un butin de guerre, un trophée.
39Chez Homère, la décapitation est rare et les scènes où un guerrier coupe une tête ou menace de le faire marquent un pic de violence40. L’exemple le plus proche des paroles du chœur dans le Rhésos est celui d’Euphorbe, menaçant Ménélas de décapitation dans les vers 37-40 du chant XVII. Il parle à Ménélas de son frère, que Ménélas a tué : ἀρητὸν δὲ τοκεῦσι γόον καὶ πένθος ἔθηκας· / ἦ κέ σφιν δειλοῖσι γόου κατάπαυμα γενοίμην, / εἴ κεν ἐγὼ κεφαλήν τε τεὴν καὶ τεύχε’ ἐνείκας / Πάνθῳ ἐν χείρεσσι βάλω καὶ Φρόντιδι δίῃ, « Tu as voué ses parents à une lamentation et à un deuil maudits ; en vérité je pourrais devenir pour ces malheureux la fin de la lamentation, si, ayant emporté ta tête et tes armes, je les jetais entre les mains de Panthoos et de la divine Phrontis ». Dans notre passage, l’adjectif κακός dans κακόγαμβρον fait écho à ἀρητόν mais la situation est détournée car Agamemnon est à la fois le parent pleuré et l’ennemi dont on rapporte la tête : la malédiction porte cette fois sur le mort lui-même. Le poète mêle les références à l’Iliade et les condense pour construire cette situation utopique et paradoxale d’Hélène recevant la tête d’Agamemnon et d’un gémissement injurieux sur le mort.
40L’image est frappante : c’est la tête d’Agamemnon elle-même qui devient gémissement entre les mains d’Hélène ; le corps souffrant, mutilé, celui sur lequel la pleureuse se lamente en se mutilant, incarne lui-même le chant de deuil. Nouvelle marque de « l’ironie tragique », l’image en rappelle une autre qui n’a pas moins arrêté les commentateurs : celle de la tête de Dolon dans le chant X, parlant encore alors qu’elle est déjà tombée (v. 457). Pour le spectateur qui connaît le chant X, le couronnement du triomphe imaginé par le chœur est annonciateur d’un châtiment ; la belle image d’une tête gémissante a comme envers ridicule une tête balbutiant dans la poussière.
Notes de bas de page
1 Ritchie (1964, p. 338) fait également un autre rapprochement, formel, entre les deux stasima : tous deux reprennent des éléments du dialogue précédent, procédé que l’on retrouve aussi dans le troisième stasimon d’Alceste (v. 368-605), dans le premier stasimon des Héraclides (v. 353-380) ainsi que dans certains stasima de Médée. Voir Kranz, 1933, p. 212.
2 Dale, 1968, p. 178 et suiv. et 1971.
3 Hummel, 1993, p. 70.
4 Strabon, 13, 538 ; Stéphane de Byzance, s.v. Θύμβρα ; Eustathe ad Iiade X, 430 (816, 5 = I, p. 352 Van der Valk).
5 Les Chants Cypriens, résumé de Proclus, p. 162 (Severyns), Apollodore, Epitome III, 32.
6 Wathelet, 1988, s.v. Τρωϊλος, p. 1027.
7 Tzetzes ad Lycophron 269 (p. 116, 6) 323 (p. 128, 30), 307 (p. 125, 13) ; Philostrate, Heroïkos, p. 737 ; Eustathe ad Iliade, X, 430, (816, 11 = I, p. 352 Van der Valk) ; Stéphane de Byzance, s.v. Θύμβρα ; schol. ad Euripide Troyennes, 16, Hécube, 41 (Schwartz).
8 Sur les liens du dieu avec la Lycie, voir Hymne à Apollon, 179, Bacchylide, XIII, 147 et suiv.
9 Burkert, 1983, p. 121 ; Judet de La Combe, 2001, p. 540.
10 Vivante, 1983, p. 1-6.
11 Detienne, 1998, p. 41 et suiv.
12 Le sens de l’adjectif ἐννύχιος ici, avec un verbe de mouvement, est adverbial : voir Iliade XXI, 37, Odyssée III, 178 et KG I, p. 274.
13 Hymne homérique à Apollon, 126.
14 Bacchantes, 553, 582 ; Oreste, 176 ; Ion, 458.
15 Oreste, 1231.
16 L’hymne clétique est, selon l’expression de Corlu (1967, p. 72), « une provocation à [la] présence du dieu ». Voir aussi Bremmer, 1981, p. 195.
17 Au vers 965 des Bacchantes, Dionysos se prétend le « guide sauveur » de Penthée (πομπὸς [δ᾽] εἶμ᾽ ἐγὼ σωτήριος) dans son expédition sur le Cithéron alors même qu’il s’apprête à le mener à la mort. C’est aussi un chemin sans retour que prend Dolon. Pour les analogies entre les expéditions de Dolon et de Penthée, voir Fries, p. 207.
18 Voir Detienne 1998, p. 87.
19 Ibid., p. 139.
20 Ibid., p. 30 et suiv.
21 Le mot au singulier chez Homère désigne Ilos, Iliade XI, 166, 372 et Priam, III, 303, etc. ; il ne se trouve ni chez Eschyle ni chez Sophocle, chez Euripide, on le retrouve au vers 1049 d’Iphigénie à Aulis, au singulier, pour qualifier Ganymède.
22 Énée aussi, au chant XX de l’Iliade, se revendique comme Dardanide mais, même si Hector, comme Énée, descend de Dardanos, la lignée de Priam est différenciée de celle de Dardanos comme celle qui va mourir alors que l’autre va survivre à travers Énée et ses descendants. Voir Rousseau, 1995, p. 78 et suiv. et p. 435 et suiv.
23 Chantraine, 1933, § 258, p. 321 et suiv.
24 Ritchie, 1964, p. 158 ; Liapis ad loc.
25 Nagy, 1994, p. 179 et suiv.
26 Le terme σπανία, au lieu de σπανίς que l’on trouve partout ailleurs, est demandé par le mètre.
27 Le verbe ἄγαμαι, qui indique « que l’on constate quelque chose de considérable ou d’excessif » (Chantraine D.E.L.G, s.v. ἀγα-) se retrouve dans le troisième stasimon des Phéniciennes, où le chœur, fait l’éloge du sauveur de Thèbes, Ménécée (v. 1054).
28 Odyssée V, 294.
29 Porter, 1917, p. 159.
30 Nagy, 1994, p. 265 et suiv.
31 Detienne, 1998, p. 73 et suiv., p. 82 et suiv.
32 Ibid., p. 60 et suiv., 176.
33 Dans l’Iliade, au chant XVI, 162 et suiv., ce sont les Myrmidons qui sont comparés à des « loups carnassiers », « crachant la violence du sang ».
34 Saetta-Cottone, 2003, p. 458, n. 41.
35 Koller, 1954, p. 39.
36 On rencontre une autre mention de cette μίμησις animale chez Euripide, dans les vers 1058 et suiv. d’Hécube, où Polymestor aveuglé se demande s’il doit « suivre la trace » de ses assaillantes « à quatre pattes, comme un fauve des montagnes, la main touchant le pied » (Τετράποδος βάσιν θηρὸς ὀρεστέρου
τιθέμενος ἐπίχειρα κατ' ἴχνος), à la différence que là la μίμησις n’est pas thématisée comme elle l’est ici.
37 Judet de La Combe ad loc.
38 Rousseau, 1991, p. 325-354.
39 Si une glose au vers 260 conteste l’appellation de γαμβρός pour Agamemnon vis-à-vis d’Hélène, c’est sans doute parce qu’ailleurs le terme ne désigne pas le frère du mari mais le gendre, le mari de la sœur ou le frère de la femme.
40 Segal, 1971, p. 20 et suiv.
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