Connaissance et méthode : l’héritage de Paris
p. 43-56
Texte intégral
Le temps des transitions
1Dans Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines (1966), Michel Foucault constate que vers 1800, l’intérêt des études linguistiques s’est déplacé de l’écrit à l’oralité et à l’aspect phonétique de la langue1. L’histoire de la philologie depuis le début du xixe siècle fut en effet une histoire de l’intérêt croissant pour les lois phonétiques des langues historiques et, du même coup, une histoire de « l’oralisation » progressive, qui devait notamment laisser de côté – et de manière programmatique – la réflexion sur l’écrit2. Mais la transition vers une linguistique historique et comparative ne peut s’effectuer qu’à partir du moment où l’on reconnaît l’importance épistémologique des documents écrits pour la recherche historique, comme cela a été formulé en Allemagne par Friedrich August Wolf3 et en France par le courant des idéologues4. Car c’est le travail à partir des sources historiques qui éveille l’intérêt pour les langues particulières, qui rend leur étude nécessaire et qui met finalement toute étude de la langue dans une perspective historique.
2C’est l’œuvre de Champollion qui marque le passage de ce seuil historique. Dans son livre à la fois érudit et passionnant, L’autre Égypte de Bonaparte à Taha Hussein (2006)5, Anouar Louca interprète le désir de Champollion de comprendre la culture de l’ancienne Égypte comme le résultat d’une tendance romantique véhiculant des a priori esthétiques et poétiques qui excèdent le cadre d’une science analytique : « Car du cœur partent les idées, les raisonnements. » Cette interprétation me paraît très juste en ce qui concerne deux aspects essentiels. D’une part, il me semble qu’une carrière académique aussi exceptionnelle ne peut pas être réduite à la seule érudition “technique”. Elle naît forcément d’une passion. Cette passion se nourrit toutefois d’un intérêt, qui s’inscrit dans la quête anthropologique de l’universalisme des Lumières. On verra au chapitre suivant les traces de cet intérêt dans la réflexion méthodologique de Champollion. D’autre part, j’ai une sympathie profonde pour l’idée d’un “Champollion romantique”, par opposition à ses récupérations par le régime impérial français comme figure scientifique de proue, mais je pense qu’il vaut mieux ne mythologiser ni Champollion, ni le romantisme. La quête de Champollion me paraît exceptionnelle non pas parce qu’elle partirait d’un régime de connaissance différent de l’universalisme français, voire d’un « altérocentrisme », mais au contraire, parce que, venant du régime de connaissance des Lumières tardives, elle marque une rupture significative à l’intérieur même de ce régime, rupture qui laisse entrevoir une universalité qui ne se confond pas avec la mission impériale. Mais ses écrits montrent en même temps qu’il ne s’agit pas vraiment d’une rupture, mais plutôt d’un glissement progressif. Car si ses travaux empiriques ont contribué au succès de la philologie historique et comparative, qui se profile déjà à l’horizon, son projet scientifique s’enracine lui-même dans la tradition de la pensée des idéologues et n’est pas pensable sans elle. Il semble en effet que l’opposition constatée par Brigitte Schlieben-Lange entre le monde des contenus ou des données théoriques chez les idéologues (« idées »), et le monde essentiellement sonore (« sons ») de la linguistique comparée6, devrait être analysée dans le sens de la continuation de l’impulsion historique exercée par la philosophie des Lumières tardives. « Le passage à une méthode empirique et systématique de la collecte des matériaux et de leur étude7 » est placé chez Champollion aussi sous le signe d’un intérêt centré surtout sur les contenus, c’est-à-dire d’une démarche historique et anthropologique. Mettre en évidence les éléments de son œuvre qui constituent des points de passage entre la théorie de l’écrit des Lumières tardives et les positions de la linguistique moderne permet donc de jeter un éclairage supplémentaire sur son travail sur les hiéroglyphes égyptiens.
Dans la tradition des idéologues : écriture et histoire
3L’écrit représente l’un des thèmes centraux de la science de la fin du xviiie siècle8. À côté des réflexions épistémologiques sur l’écriture, notamment l’écriture alphabétique, qui se réfèrent encore essentiellement à la théorie des signes de Condillac, l’intérêt grammatologique des idéologues se focalise sur le rôle essentiel de l’écriture et de l’écrit pour le projet civilisateur des Lumières, projet qu’eux-mêmes entendent poursuivre. Dans son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1795), Condorcet écrit une histoire universelle de l’humanité entièrement portée par la foi dans le progrès de l’humanité9. Les étapes marquantes de cette histoire sont trois révolutions scripturales : l’apparition de l’écriture, l’alphabet et l’invention de l’imprimerie. Face à ces technologies, toutes les autres techniques politiques, sociales, économiques et culturelles paraissent secondaires10. Condorcet va encore un pas plus loin en élevant l’écriture au rang de la condition médiatique de l’histoire en tant que telle, pour la simple raison que l’historicité n’apparaît qu’avec la documentation écrite et la possibilité de reconstitution du passé qui en résulte. Grâce à cette possibilité de reconstruction, l’écriture représente chez Condorcet le point de départ d’une connaissance historique sûre, impossible à atteindre jusqu’alors, et en ce sens une nouvelle voie d’accès à la vérité :
Depuis l’époque où l’écriture alphabétique a été connue dans la Grèce, l’histoire se lie à notre siècle, à l’état actuel de l’espèce humaine dans les pays les plus éclairés de l’Europe, par une suite non interrompue de faits et d’observations ; et le tableau de la marche et des progrès de l’esprit humain est devenu véritablement historique. La philosophie n’a plus rien à deviner, n’a plus de combinaisons hypothétiques à former ; il suffit de rassembler, d’ordonner les faits, et de montrer les vérités utiles qui naissent de leur enchaînement et de leur ensemble11.
4Volney, qui s’occupe dans ses Leçons d’histoire des méthodes et des possibilités d’une écriture de l’histoire qui, en tant que science explicative, devrait aller à l’encontre de l’ignorance et des préjugés humains12, souligne également que l’écriture est une condition indispensable pour l’avènement d’une historiographie nouvelle, c’est-à-dire d’une histoire de la « vérité des faits13 », car c’est elle qui permet un accès direct au passé.
5La découverte de l’importance de l’écriture pour l’étude de l’homme et de l’histoire qu’effectuent les idéologues introduit une double rupture avec les traditions philosophiques du xviiie siècle : d’une part, l’étude de l’histoire se voit attribuer un rôle de plus en plus central dans la recherche scientifique, car ses méthodes d’analyse des sources écrites sont considérées comme un modèle de la recherche de la vérité à partir des faits14. D’autre part, dans cette perspective de plus en plus historique, l’écriture se transforme d’un objet de réflexion épistémologique en un objet à décrire d’un point de vue historique. Brigitte Schlieben-Lange voit dans cette historicisation de l’écrit l’un des apports essentiels de la pensée idéologique des idéologues :
Peut-être l’innovation la plus importante reste-t-elle dans l’introduction du point de vue historique dans le traitement de l’écriture, et, en plus, du point de vue « scriptural » dans l’historiographie. Je m’explique : Condorcet écrit une histoire universelle, orientée vers le progrès, de l’humanité centrée autour d’inventions concernant l’écriture. Cela lui permet de substituer à l’approche génétique comme celle de Condillac une approche historique15.
6Ces deux aspects de la relation entre l’écriture et l’histoire qui ont été mis en évidence par les idéologues fusionnent de manière féconde dans la pensée de Champollion. Pour apprécier jusqu’à quel point son projet anthropologique s’intègre dans la tradition des idéologues, il suffit de voir le rôle qu’il attribue à l’histoire dans l’introduction à sa Grammaire égyptienne : « L’histoire dont le but marqué, le seul digne d’elle, est de présenter un tableau véridique des associations humaines qui marchèrent avant nous dans la carrière de la civilisation […]16. » Pour Champollion aussi, une image véridique de l’histoire peut être donnée uniquement à partir des documents écrits. Car seule l’étude philologique « […] nous conduisant ainsi à l’intelligence complète des monuments écrits des vieilles nations, nous initie dans le secret de leurs idées sociales, de leurs opinions religieuses ou philosophiques17 ». L’étude des sources anciennes exige toutefois des connaissances en ce qui concerne les écritures anciennes. Champollion définit ainsi la recherche historique comme une science philologique qui, par son ambition de faire des constats empiriques sur l’origine et l’histoire de l’humanité, s’inscrit dans le discours anthropologique de son temps, centré sur les signes mais dans une perspective de plus en plus historicisante.
Une archéologie philologique
7Malgré ses recherches orientées fortement vers l’écrit et la langue, la perspective de Champollion restera toute sa vie philologique au sens large, c’est-à-dire visant la compréhension des textes dans leur contexte culturel. Hermine Hartleben écrit par exemple dans sa biographie de Champollion :
Ne se contentant pas du côté strictement philologique de celles-ci [ses études d’égyptologie], il a toujours voulu garder la maîtrise de ses nombreuses connaissances et n’a jamais accepté de perdre de vue, même pour un instant, l’image d’ensemble de l’Égypte pour se limiter aux formes grammaticales sans âme18.
8La compréhension du phénomène historique dans son ensemble constitue l’objectif premier. Mais si la recherche historique voulait se donner vraiment les moyens d’être à la hauteur de l’idée que Champollion se faisait d’une présentation véridique, la complexité de ce champ de recherche l’obligerait à avoir recours aux connaissances issues de différentes « sciences historiques » : « L’histoire […] embrasse une telle immensité de faits d’un ordre si différent et d’une nature si variée, qu’elle emprunte forcément le secours de tous les genres d’études, de celles même qui forment, en apparence du moins, des sciences tout à fait distinctes19. »
9Parmi les sciences qui utilisent la méthode historique, c’est néanmoins à la philologie que Champollion attribue la place centrale. La brève mais emphatique mention de la philologie dans son résumé de l’histoire du Collège de France, depuis l’époque de François Ier jusqu’aux temps modernes, ne laisse guère de doute sur ce point20. Cette importance de la philologie résulte, bien entendu, de ce qu’elle apporte à la science historique, aussi bien du point de vue méthodologique que de celui de l’histoire des mentalités. Car dans l’étude des textes, elle met en évidence la « couleur locale » et la « nuance du moment21 » de la façon de parler et de penser d’une époque. Dans sa méthode, elle réunit par ailleurs les éléments d’une science du langage empirique et d’une approche comparatiste avec des objectifs qui sont ceux d’une science historique :
À leur tête se place la philologie prise dans un sens général, la philologie qui, procédant d’abord matériellement, fixe la valeur des mots et des caractères qui les représentent, et étudie le mécanisme des langues antiques.
Bientôt, s’élevant dans sa marche, cette science constate les rapports ou les différences du langage d’un peuple avec les idiomes de ses voisins, compare les mots, reconnaît les principes qui président à leurs combinaisons dans chaque famille de langues ou dans chaque langue en particulier, et nous conduisant ainsi à l’intelligence complète des monuments écrits des vieilles nations, nous initie dans le secret de leurs idées sociales, de leurs opinions religieuses ou philosophiques ; constate, énumère les événements survenus pendant leur existence politique […]22.
10De la même manière que l’archéologie rétablit à travers ses fouilles le contact matériel et immédiat avec les temps anciens, la philologie dégage la langue des époques précédentes et avec elle l’univers mental des « anciens hommes qui nous parlent alors d’eux-mêmes, directement et sans intermédiaire, au moyen des signes tracés jadis par leurs propres mains23 ». Champollion se réfère lui-même à la parenté structurelle entre les deux sciences et décrit l’archéologie, juste après avoir rendu hommage à la philologie, comme une science « placée par la nature même de son objet dans des rapports intimes avec la philologie ou qui, pour mieux dire, en est inséparable24 ». La philologie et l’archéologie sont donc pour Champollion les piliers scientifiques de tout le projet égyptien, ce qui correspond tout à fait à notre vision des choses25.
11Son propre travail est pour Champollion comme une « fouille » textuelle faisant remonter à la surface ce qui est caché dans les documents anciens. À cause de l’importance méthodologique de la Grammaire égyptienne, dont l’introduction, qui s’ouvre sur les réflexions sur la philologie citées plus haut, est une sorte de Discours de la méthode de Champollion, on peut appeler sa science à juste titre une archéologie philologique. Celle-ci n’est pas cette « discipline des monuments muets26 » que Foucault décèle dans l’archéologie classique, car les bas-reliefs et les inscriptions doivent justement parler grâce à leur déchiffrement – « des monuments authentiques parlent et jalonnent l’espace27 ». Le réseau des relations ainsi exhumées doit révéler des informations sur l’histoire de l’ancienne Égypte, une histoire dont la majeure partie restait encore dans l’ombre du temps de Champollion. Dans le meilleur des cas, c’étaient la relation biblique et les sources provenant de l’antiquité gréco-romaine qui permettaient de risquer quelques hypothèses à son sujet28. De ce point de vue, le sens de la démarche philologique ne se résume pas uniquement à la « restitution d’un discours historique29 », car le discours mystique et idéalisant sur le pays du Nil, qui était jusque-là de mise, allait être justement remplacé par un discours empirique et une nouvelle vision du pays des pharaons et de son organisation sociale et intellectuelle, vision qui était justement en train de se former. Le changement de paradigme scientifique, annoncé déjà par la méthodologie documentaire et basé sur l’écrit des idéologues, s’accomplit définitivement à travers le concept de la pratique historiographique de Champollion.
12Les considérations sur le discours de l’époque napoléonienne au sujet de l’Égypte ont déjà montré que même les succès de la méthode empirique de Champollion s’inscrivent dans le projet de la civilisation française et des attentes qui s’y attachent. Ainsi, en contradiction flagrante avec l’idée d’une « pure » science historique étudiant des « faits positifs30 », à laquelle Champollion a cru pendant toute sa vie, en se basant sur le nouveau continent des inscriptions et des papyrus devenus enfin lisibles, se détache en réalité une réminiscence d’un genre particulier31. C’est grâce à l’évolution des connaissances que l’ancienne Égypte apparaît sur scène, dans sa structure discursive et dans sa spécificité historique ; mais ce qu’elle « dit » est en même temps structuré par le discours de l’époque de Champollion, avec son intérêt pour la philosophie de l’histoire et la foi dans les progrès de la civilisation. Champollion, qui a une attitude positiviste, n’en a pas moins une grande conscience théorique. Si la science pratiquée par Champollion a donc été désignée comme une archéologie philologique, c’est en sachant que cette notion ne peut être entendue ici (abstraction faite de la restriction mentionnée) autrement qu’au sens de cette « fouille » remontant à la surface des formations textuelles cachées. Cette même fouille sera beaucoup plus tard le point de départ de Michel Foucault pour développer son concept discursif d’archéologie du savoir, à travers lequel il se réfère sans aucun doute à la logique épistémologique propre d’époques antérieures, mais étant aussi conscient du fait que « l’histoire c’est une certaine manière pour une société de donner statut et élaboration à une masse documentaire dont elle ne se sépare pas32 ».
13C’est cette orientation épistémologique de sa philologie qui permet à Champollion d’arriver à cette compréhension approfondie de l’histoire du système hiéroglyphique, qui a ouvert de nouvelles voies pour la recherche.
Retour sur la question des origines : de l’image au son ?
14« Nous devons donc renoncer à connaître », écrit Champollion dans sa Lettre à M. Dacier, « l’époque où les écritures phonétiques furent introduites dans le système graphique des anciens Égyptiens33. » L’idée de « l’introduction » du principe phonétique dans un système picto-idéographique préexistant, que Champollion formule dans ce texte, apparaît jusque dans les théories contemporaines de l’histoire de l’écriture34. La suite de notre démonstration va néanmoins montrer que Champollion lui-même allait plus loin que l’idée de la phonographie comme un « ajout » postérieur.
15L’apparition du syllabaire complet et des déterminatifs a pris plusieurs générations (de 3200 à 2900 av. J.-C. environ). Les plus anciennes phrases complètes du point de vue syntaxique, composées non seulement du nom, mais aussi des verbes, des prépositions et des connecteurs, datent de la 2e dynastie, du temps du roi Péribsen (vers 2740 av. J.-C.), et les textes continus existent seulement depuis le tournant entre la 3e et la 4e dynastie (c’est-à-dire vers 2700 av. J.-C.). Du point de vue grammatical, on peut donc effectivement parler d’une évolution de l’écriture hiéroglyphique35. Mais toutes les conclusions de la recherche égyptologique contredisent à ce jour l’idée que les origines de l’écriture hiéroglyphique remonteraient à une quelconque phase d’utilisation cohérente des pictogrammes ou des idéogrammes36. Le plus ancien exemple de l’écriture hiéroglyphique est constitué par les inscriptions de la tombe de U-j à Abydos37, dans lesquelles le système hiéroglyphique présente déjà la particularité d’être composé à la fois de sémagrammes et de phonogrammes :
Les témoignages écrits provenant de U-j sont composés exclusivement d’inscriptions très courtes, mais ils témoignent déjà de l’existence d’un système d’écriture hautement développé à partir du niveau Nagada IIIa2. Outre les chiffres, on y trouve la preuve de l’existence de quelque 50 signes, aussi bien des sémagrammes (représentations iconographiques et symboles) que des phonogrammes, ainsi que les traces d’utilisation des compléments phonétiques et de déterminatifs. L’ordre des signes correspond également aux règles utilisées par la suite38.
16Ce n’est pas seulement l’apport de l’archéologie, mais aussi des réflexions sur le système hiéroglyphique qui permettent de se convaincre de l’importance fondamentale du principe phonétique pour l’écriture égyptienne. Si l’on pense aux « textes » dont il est question en tant que témoignages écrits les plus anciens, c’est-à-dire des listes de noms de personnes, de titres, d’institutions et de mesures39, donc des notions qu’on ne peut pas ou seulement très difficilement représenter par des objets, on comprend que les signes hiéroglyphiques ont été choisis plutôt à cause de la facilité à les reconnaître (importante pour suggérer les sons d’après le principe du rébus) qu’à cause de leur aspect iconographique au sens strict.
17C’est une réflexion globale comparable qu’entreprit Jean-François Champollion. Dans la Lettre à M. Dacier, il avait analysé uniquement les cartouches des rois ptolémaïques et romains, de sorte qu’un lecteur de l’époque était en droit de se demander si les hiéroglyphes phonétiques n’avaient pas été introduits seulement pour transcrire les noms et les titres étrangers. Champollion anticipe néanmoins dans son texte cette question des rapports entre l’écriture et le pouvoir et réfute la thèse de l’importation de la phonographie en s’appuyant sur deux considérations qui semblent convaincantes : d’une part, si les Égyptiens s’étaient orientés dans leur usage des signes vers ceux de l’alphabet grec ou latin, le nombre des hiéroglyphes phonétiques aurait dû correspondre au moins au nombre des lettres de l’alphabet grec ou romain dont on avait besoin. Or ce n’était pas le cas, comme Champollion l’avait déjà démontré en citant l’exemple de l’utilisation des hiéroglyphes homophones. De surcroît, le principe de l’écriture consonantique, qui rendait le nom royal parfois tout à fait méconnaissable, prouve que l’écriture phonétique ne fut visiblement pas inventée pour consigner des noms propres40. D’autre part, les hiéroglyphes phonétiques, qu’on trouve dans les noms royaux des Grecs, des Ptolémées et des Romains, se retrouvent aussi, avec la même valeur phonétique, dans les sources plus anciennes, datant d’époques bien antérieures à la présence et à l’influence des Grecs41. Champollion avait déjà rassemblé des arguments solides à l’appui de cette thèse en déchiffrant de vieux cartouches royaux. S’il ne les mentionne pas dans la Lettre à M. Dacier, c’est uniquement par précaution, car il voulait les vérifier encore une fois avant la publication. Avec la publication, à peine deux ans plus tard, des textes déchiffrés d’innombrables cartouches datant du temps des Hyksos et des dynasties égyptiennes, dans son Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, il devait en apporter la preuve décisive42. L’objectif principal de son Précis était par conséquent de démontrer, selon ses propres termes :
1. Que mon alphabet hiéroglyphique s’applique aux légendes royales hiéroglyphiques de toutes les époques ;
2. Que la découverte de l’alphabet phonétique des hiéroglyphes est la véritable clef de tout le système hiéroglyphique ;
3. Que les anciens Égyptiens l’employèrent, à toutes les époques, pour représenter alphabétiquement les sons des mots de leur langue parlée ;
4. Que toutes les inscriptions hiéroglyphiques sont, en très grande partie, composées de signes purement alphabétiques et tels que je les ai déterminés […]43.
18Mais déjà dans sa Lettre à M. Dacier, Champollion tirait de ses réflexions historiques et théoriques sur les hiéroglyphes phonétiques des conclusions claires et révolutionnaires à la fois. La phonographie lui apparaît comme le cœur de l’écriture égyptienne et, en ce sens, elle représente pour lui – au-delà ou plutôt bien avant son rôle dans la transcription des noms, titres et pays étrangers – une nécessité intrinsèque et incontournable du système hiéroglyphique lui-même.
Je pense donc, monsieur, que l’écriture phonétique exista en Égypte à une époque fort reculée et qu’elle était d’abord une partie nécessaire de l’écriture idéographique ; et qu’on l’employait aussi alors, comme on le fit après Cambyse, à transcrire (grossièrement, il est vrai) dans les textes idéographiques, les noms propres des peuples, des pays, des villes, des souverains et des individus étrangers44.
19Le fait que le nom de Champollion soit souvent associé en premier lieu avec les cartouches contenant les noms des pharaons n’est pas étonnant, étant donné l’histoire du déchiffrement des hiéroglyphes qu’on a entre-temps si souvent décrite. Plus remarquable est en revanche la clarté avec laquelle Champollion a toujours perçu le caractère incontournable du principe phonétique comme mode de fonctionnement de l’écriture hiéroglyphique, et cela en se basant uniquement sur des considérations concernant la structure de ce système d’écriture. Car la portée du changement de paradigme qu’il effectue réside justement dans la reconnaissance du rôle fondamental du principe phonétique, et c’est cette reconnaissance qui constitue le vrai fondement de l’égyptologie moderne. Champollion a le mérite de ne pas s’être laissé (longtemps) abuser par l’aspect imagé des hiéroglyphes, mais d’avoir reconnu l’importance fonctionnelle de la phonographie pour l’écriture hiéroglyphique. Ainsi, pour définir la place de celle-ci dans la typologie des écritures, il fait remonter ses origines, à juste titre, à une association – présente dès le début – entre les sémagrammes (représentations des concepts) et les phonogrammes (représentations des sons). Il s’agit là d’un accomplissement intellectuel majeur.
Notes de bas de page
1 Paris, Gallimard, 1966, voir surtout p. 298 et suiv.
2 Voir W. Oesterreicher, « Grenzen der Arbitrarietät. Zum Verhältnis von Laut und Schrift », dans A. Kablitz et G. Neumann, Mimesis und Simulation, Fribourg, Rombach, 1998, p. 221 et suiv.
3 Voir F. A. Wolf, « Darstellung der Alterthums-Wissenschaft nach Begriff, Umfang, Zweck und Werth », dans Museum der Alterthums-Wissenschaft, édition de F. A. Wolf et P. Buttmann, t. 1, Berlin, in der Realschulbuchhandlung, 1807, en particulier p. 34-49.
4 Sur le courant politique et philosophique des « idéologues », voir : S. Moravia, Il pensiero degli idéologues. Scienza e filosofia in Francia (1780-1815), Florence, La Nuova Italia, 1974 ; W. Busse et J. Trabant (dir.), Les Idéologues : sémiotique, théorie et politiques linguistiques pendant la Révolution française, Amsterdam/Philadelphie, John Benjamins, 1986 ; G. Haßler, « Die Sprachtheorie der idéologues », dans P. Schmitter (dir.), Sprachtheorien der Neuzeit I. Der epistemologische Kontext neuzeitlicher Sprach- und Grammatiktheorien, Tübingen, Gunter Narr Verlag, coll. « Geschichte der Sprachtheorie », n° 4, 1999, p. 201-229 ; C. Désirat, « Le programme des idéologues », dans S. Auroux (dir.), L’Hégémonie du comparatisme, Sprimont, Mardaga, coll. « Histoire des idées linguistiques », n° 3, 2000, p. 263-277.
5 A. Louca, L’autre Égypte de Bonaparte à Taha Hussein, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 2006.
6 Voir B. Schlieben-Lange, « Les idéologues et l’écriture », dans W. Busse et J. Trabant (dir.), Les Idéologues : sémiotique, théories et politiques linguistiques pendant la Révolution française, op. cit., p. 198.
7 Voir W. Krauss, Zur Anthropologie des 18. Jahrhunderts. Die Frühgeschichte der Menschheit im Blickpunkt der Aufklärung [1978], Francfort-sur-le-Main / Berlin, Ullstein, 1987, p. 13 : « Der Übergang zu einer empirisch-systematischen Methodik der Materialsammlung und – aufbereitung ».
8 B. Schlieben-Lange, « Les idéologues et l’écriture », art. cité, surtout p. 182.
9 Voir le chapitre « Dixième Époque. Des progrès futurs de l’esprit humain », dans Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain [1795], Paris, Flammarion, 1988, p. 265-296.
10 L’opposition entre les termes « technologie » et « technique » s’appuie sur l’anthropologie de Michel Serres : « Les changements des supports de l’information – technologies “douces”, à l’échelle néguentropique – paraissent donc, par leur souplesse, leur vitesse et leur capacité d’expansion, influer plus fortement sur les conduites individuelles et l’organisation sociale que lesdites révolutions engendrées par les techniques “dures”, à l’échelle entropique, comme la révolution industrielle. Autant la mécanique et la thermodynamique nous introduisirent depuis longtemps à une connaissance précise et développée des secondes et de leurs lois, constances d’énergie ou rendement des moteurs, autant nous ignorons encore largement celles des premières, si distinctes dans les ordres de grandeur et les applications. En langue française, je garde donc l’anglicisme technologie, pour l’ensemble des artefacts qui manipulent des signes, c’est-à-dire du logos, et l’oppose aux techniques dont le champ d’action énergétique diffère du premier d’un facteur de dix puissance seize. » (Hominescences, Paris, Le Pommier, 2001, p. 253)
11 Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, op. cit., p. 86, je souligne.
12 Voir Volney, « Avertissement de l’auteur », dans Leçons d’histoire, dans Œuvres, textes réunis et revus par A. et H. Deneys, t. 1, 1788-1795, Paris, Fayard, 1989, p. 503-509.
13 Ibid., p. 519.
14 Sur l’importance croissante de la recherche historique dans le paysage scientifique des Lumières tardives, voir F. Jaeger et J. Rüsen, Geschichte des Historismus: eine Einführung, Munich, C. H. Beck, 1992, p. 18 et suiv.
15 B. Schlieben-Lange, « Les idéologues et l’écriture », art. cité, p. 194.
16 J.-F. Champollion, « Introduction », dans Grammaire égyptienne, op. cit., p. iij.
17 Ibid.
18 « Nicht willens nur die streng philologische Seite derselben [seiner ägyptischen Studien] ins Auge zu fassen, wollte er stets Herr aller seiner vielfachen Kenntnisse bleiben und nicht einen Augenblick das volle Gesamtbild Ägyptens über trockenen grammatischen Formen aus dem Auge verlieren. » (H. Hartleben, Champollion. Sein Leben und sein Werk, op. cit., t. 1, p. 197, traduction de K. Antonowicz.) Voir aussi J.-F. Champollion, Aperçu des résultats historiques de la découverte de l’alphabet hiéroglyphique égyptien. Extrait du « Bulletin universel des sciences et de l’industrie », Paris, de Fain, 1827, ainsi que Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens ou Recherches sur les éléments premiers de cette écriture sacrée, sur leurs diverses combinaisons, et sur les rapports de ce système avec les autres méthodes graphiques égyptiennes, Paris, Treuttel et Würtz, 1824, p. 172-176, où l’auteur explique l’utilité de son déchiffrement pour évaluer les théories sur l’histoire de l’Égypte ancienne qui circulaient à son époque.
19 J.-F. Champollion, « Introduction », dans Grammaire égyptienne, op. cit., p. iij.
20 Ibid., p. ij.
21 Ibid., p. iij.
22 Ibid.
23 Ibid., p. iij-iv.
24 Ibid., p. iv.
25 Ibid. Dans la conception de Champollion apparaît donc de manière paradigmatique l’imbrication réciproque des disciplines, qui est contenue structurellement dans l’idée de la « nouvelle » philologie orientale, mais qui a été considérablement renforcée par l’expérience de terrain de la science des antiquités en Égypte (voir È. Gran-Aymerich, Naissance de l’archéologie moderne (1798-1945), préface de J. Leclant, avant-propos d’A. Laronde, Paris, CNRS Éditions, 1998, p. 63-107).
26 M. Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 15.
27 J.-F. Champollion, « Préface », dans Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, op. cit., p. xj.
28 En ce sens, Champollion surmonte ici cet « orientalisme » que Edward W. Said (L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, traduction en français de C. Malamoud, Paris, Seuil, [1980] 1997, p. 115 et suiv.) démasque comme un discours prégnant de « l’Occident » sur « l’Orient » et en même temps une négation, motivée par des raisons politiques, de la capacité du monde arabe à parler pour lui-même. Malgré le fait qu’elle contienne incontestablement des vérités historiques, qui se sont manifestées à travers le colonialisme, on est en droit de réexaminer la thèse peut-être un peu trop polémique de Said, qui consiste à dire que le retour philologique vers l’Antiquité a légitimé l’idée classique de « l’Orient éternel », incapable de toute évolution, et fourni une justification culturelle à la non-perception (et à la non-prise en compte) du monde arabe « réel » (voir surtout p. 96 et suiv.). Car Said ne rend pas à l’Orient sa propre langue, mais une autre langue que celle de l’Orient islamique. Prétendre que celle-ci ne constitue pas une part (au moins une part possible) de l’identité orientale reviendrait à soutenir un autre déterminisme anthropologique, au moins aussi aveugle que le premier.
29 M. Foucault, L’Archéologie du savoir, op. cit., p. 15.
30 J.-F. Champollion, « Préface », dans Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, op. cit., p. ix.
31 Voir les réflexions de Michel Foucault sur l’idée des documents comme « matière inerte » dans L’Archéologie du savoir, op. cit., p. 14.
32 Ibid.
33 J.-F. Champollion, Lettre à M. Dacier, op. cit., p. 40.
34 Voir, par exemple, la présentation dans H. Haarmann, Universalgeschichte der Schrift, op. cit., p. 221 et suiv., et dans H. Jensen, Die Schrift in Vergangenheit und Gegenwart, op. cit., p. 47 et suiv. Bien qu’il présente aussi la position adverse en citant de nombreux exemples, ce dernier retient en fin de compte l’hypothèse de l’évolution de l’écriture égyptienne depuis l’idéographie puis la logographie jusqu’à la phonographie, car il lui semble difficile de « croire que le développement de l’écriture devrait s’effectuer en Égypte de manière autre que dans tous les endroits où l’on est en mesure de l’observer ou de le reconstruire » (« zu glauben, dass die Schriftentwicklung in Ägypten anders verlaufen sein sollte als überall da, wo wir in der Lage sind, sie zu beobachten oder zu rekonstruiren »). La célèbre théorie économiste et évolutionniste du développement de l’écriture hiéroglyphique d’Ignace J. Gelb (voir A Study of Writing. The Foundations of Grammatology, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1952, surtout p. 69 et p. 200 et suiv.) oblige son auteur à considérer, afin de pouvoir intégrer les hiéroglyphes phonétiques, le système d’écriture égyptien comme une écriture de mots et de syllabes dont seraient issues les écritures monosyllabiques des langues sémitiques de l’ouest (ibid., voir p. 194 et suiv.). Cela est toutefois en contradiction avec les observations plus récentes selon lesquelles les signes mono-consonantiques apparaissent déjà aux stades très précoces de l’écriture égyptienne (voir J. Kahl, « Entwicklung der frühen Hieroglyphenschrift », dans W. Seipel (dir.), Der Turmbau zu Babel. Ursprung und Vielfalt von Sprache und Schrift, t. 3A, Schrift, op. cit., p. 129 et suiv.). Marcel Cohen a polémiqué déjà très tôt, bien que de manière prudente, contre l’hypothèse évolutionniste (voir L’Écriture, Paris, Éditions sociales, 1953, p. 32). Sur cette problématique en général, voir F. Coulmas, « Theorie der Schriftgeschichte » dans H. Günther, O. Ludwig et al. (dir.), Schrift und Schriftlichkeit. Ein interdisziplinäres Handbuch internationaler Forschung, Berlin / New York, Walter de Gruyter, t. 1, 1994, p. 256-264.
35 J. Kahl, « Entwicklung der frühen Hieroglyphenschrift », art. cité, et R. Parkinson, Cracking Codes, op. cit., p. 74. Ce dernier indique souvent des datations postérieures pour l’apparition de la phrase et du texte.
36 Je dois la connaissance de ce détail important à Stephan Seidlmeyer, qui m’a indiqué aussi la littérature concernant le résultat des fouilles à Abydos.
37 La thèse formulée vers 2007 par l’aventurier et chercheur Carlo Bergmann, qui parle d’une écriture hiéroglyphique préhistorique composée uniquement d’idéogrammes, a été à ce jour plutôt remise en question. Cette thèse se base sur des inscriptions découvertes dans la région de Djedefre (désert Libyque entre Gilf Kebir et l’oasis de Dakhla), accompagnées d’une représentation d’animaux de type néolithique. Bien qu’elle ait été remise en question, l’étude des objets trouvés dans le Sahara, y compris au nord-est du Tchad et au Soudan du Sud, est intéressante du point de vue de l’histoire et de la typologie de l’écriture égyptienne. Voir, à ce sujet, E. Young, « Pharaos from the stone age. Remarkable discoveries on the fringes of the Sahara are forcing a rethink of the origins of ancient Egyptian civilisation », New Scientist, n° 2586, 13 janv. 2007, p. 34 et suiv.
38 « Die Schriftzeugnisse aus U-j sind zwar alle nur kurze Vermerke, bezeugen aber ein schon weit entwickeltes Schriftsystem in der Stufe Nagada IIIa2. Nachweisbar sind außer Zahlen etwa 50 Zeichen, und zwar sowohl Semogramme (bildliche Darstellungen und Symbole) wie Phonogramme und die Verwendung von phonetischen Komplementen und Derterminativen. Auch die Anordnung von Zeichen entspricht bereits den späteren Regeln. » (G. Dreyer, « Frühe Schriftzeugnisse aus Ägypten », dans W. Seipel (dir.), Der Turmbau zu Babel. Ursprung und Vielfalt von Sprache und Schrift, t. 3A, Schrift, op. cit., p. 81.) Le niveau Nagada IIIa2 est daté d’environ 3200 av. J.-C. Günter Dreyer pense même que les inscriptions encore plus anciennes (environ 3400 av. J.-C.), trouvées sur des sceaux ou de la poterie, sont déjà des hiéroglyphes (ibid., p. 123 et suiv). Cette opinion est toutefois constestée par J. Kahl – voir « Entwicklung der frühen Hieroglyphenschrift », art. cité, p. 130 et suiv.
39 Ibid., p. 127.
40 Voir J.-F. Champollion, Lettre à M. Dacier, op. cit., p. 41.
41 Ibid.
42 Voir J.-F. Champollion, Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, op. cit., p. 178-251 ; voir aussi le volume annexe « Planches et explications », p. 4 -14.
43 Champollion, « Introduction », dans Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, op. cit., p. 11, souligné par l'auteur. Champollion donne à ce constat un poids beaucoup plus grand encore dans sa Grammaire égyptienne : « Mes travaux ont démontré […] que les caractères phonétiques, de même nature que les lettres de notre alphabet, loin de se borner à la seule expression des noms propres étrangers, formaient au contraire la partie la plus considérable des textes égyptiens hiéroglyphiques, hiératiques et démotiques, et y représentaient […] les sons et les articulations des noms propres à la langue égyptienne parlée. » (op. cit., « Introduction », p. xviij)
44 J.-F. Champollion, Lettre à M. Dacier, op. cit., p. 41-42.
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