Chapitre 3
Trieste, la cité sainte de l’irrédentisme1
p. 67-86
Texte intégral
1Sans en avoir aucunement le titre officiel, Trieste était considérée, se considérait elle-même, comme la métropole, « la capitale morale des provinces italiennes soumises à la maison des Habsbourg »2 comme l’exposait, en 1896, le consul de France. Gian Francesco Guerrazzi écrivait que « Trieste, au-delà de ses propres problèmes locaux, avait toujours donné le ton de la lutte nationale de tous les Italiens assujettis à l’Autriche. Trieste devait être considérée comme le centre politique de toutes les provinces irrédentes3. » Au soir de sa vie, l’écrivain triestin Alberto Spaini4 expliquait :
Trieste, avant 1915, était la ville irrédente qui attendait sa libération. Il ne s’agissait pas de politique, mais d’une question personnelle, pour chaque Triestin […] Il est difficile de comprendre l’irrédentisme pour qui n’a pas été irrédent. Il est difficile de comprendre cet amour fou, absolu, tyrannique pour l’Italie qu’éprouvaient les Triestins, car, pour eux, être libre et être italien allaient de pair.5
2La « ville impériale de Trieste et son territoire6 » correspondait à cinq communes : Trieste et ses quatre banlieues de Basovizza, Lipizza, Opicina et Prosecco (Bazovica, Lipica, Opcine et Prosek, en slovène ; car, si les italophones dominaient à Trieste même, sa banlieue était massivement slovène). C’était, par la superficie (95 km2), le plus petit des Kronländer autrichiens, mais aussi, avec 229 000 habitants en 1910, la quatrième ville de l’Empire, derrière Vienne, Budapest, Prague, devançant légèrement Lemberg, mais nettement Cracovie, Cluj et Presbourg. C’était aussi, et de très loin, la plus grande des villes italophones de l’Autriche-Hongrie. Si Trieste avait fait partie, dès cette époque, du royaume d’Italie, elle en aurait été la sixième plus grande ville, derrière Naples (547 000 habitants), Milan (490 000), Rome (424 000), Turin (329 000), Palerme (305 000), à peu près ex æquo avec Gênes (219 000)7, mais devant Florence, Bologne, Venise, Catane ou Bari qui, en 2021, la surpassent nettement. Quant à l’importance économique, on peut avancer que, parmi les villes de langue italienne, la Trieste de l’époque n’était devancée que par Milan.
3Trieste était la capitale régionale du Kronland Litorale (qui rassemblait, outre Trieste, le comté-principauté de Gorizia et de Gradisca et l’Istrie, même si, depuis 1825, l’une et l’autre bénéficiaient d’une large autonomie) et, depuis le Diplôme d’octobre 1860, son « consiglio-dieta » était en même temps conseil municipal et Diète provinciale ; et son podestà avait le rang de « capitano provinciale ».
4Une médiocre bourgade de pêcheurs devient un des principaux ports méditerranéens
5Trieste, pour échapper aux convoitises vénitiennes, s’était « donnée volontairement » aux Habsbourg par l’acte de dedizione du 30 septembre 1382 (d’où son titre d’urbs fidelissima). Pendant des siècles, elle avait végété, angle mort de l’empire des Habsbourg, médiocre port de cabotage, sciemment étouffée par Venise (jusqu’en 1797, Monfalcone, à une trentaine de kilomètres au nord de Trieste, et Muggia, cinq kilomètres plus au sud, étaient possessions vénitiennes), sa concurrente de toujours. Au début du xviiie siècle, Trieste, bourgade blottie sur les pentes de la colline San Giusto, dominant vignes et marais salants, ne comptait pas plus de 4 000 habitants. Comme partout sur le littoral de l’est de l’Adriatique, la campagne, karstique, était aride et très pauvre, la paysannerie, misérable : rien qui puisse jouer le rôle, comme en Italie, d’un contado qui nourrit et enrichit la ville.
6En 1717-1719, la Monarchie autrichienne se découvrit une vocation maritime et se souvint qu’elle possédait, depuis trois siècles et demi, un débouché sur l’Adriatique. Un rescrit impérial proclama la liberté du commerce sur l’Adriatique, jusqu’ici chasse gardée vénitienne, en même temps que furent concédés à Trieste (et à Fiume) le statut de port franc. Un autre décret proclamait la liberté d’installation à Trieste des commerçants étrangers, surtout issus de l’Empire ottoman : Grecs, Slaves et juifs sépharades. Beaucoup de délinquants et de faillis accourus de toute l’Europe en profitèrent d’ailleurs pour y tenter une seconde chance. D’où ce que Gilbert Bosetti nomme l’« aspect interlope » que Trieste devait garder jusqu’à la moitié du xixe siècle8.
7La croissance fut vive ; au long du xviie siècle, Trieste sextupla sa population pour atteindre 30 000 habitants en 1800, prit un aspect de ville moderne dans les sobborghi teresiano et giuseppino, édifiés sur des marais salants asséchés. Mais ce furent l’éclipse définitive de Venise (à partir de 1797) et la disparition de la piraterie adriatique qui fondèrent sa fortune.
Trieste, port de la Mitteleuropa
8Au long du xixe siècle, la création de compagnies d’assurance (les Assicurazioni Generali en 1831, la Riunione Adriatica di Sicurtà en 1838) et de compagnies de navigation (le Lloyd Austriaco crée comme compagnie d’assurance en 1833, mais qui devint compagnie de navigation en 1836), et surtout, l’arrivée du chemin de fer en 18579, l’ouverture du canal de Suez en 1869, furent les étapes d’une croissance continue. La population, déjà de 50 000 habitants dès 1830, était passée à 145 000 habitants en 1880, 188 000 en 1900 et 229 000 en 191010.
La suppression du statut de port franc (en 1891) ne mit aucun frein à cette extraordinaire période d’expansion et de prospérité que 1914 devait, en revanche, briser net. On décrit une ambiance très saint-simonienne :
Où la direction des affaires publiques était confiée à une élite d’ingénieurs inventifs et d’entrepreneurs innovants, mais tempérés, par un conseil des Lumières, constitué de savants et d’artistes, afin d’orienter la prospérité en visant le bien commun, la promotion des lettres et des arts et l’instruction des gens du peuple.11
Jusque vers 1850, le port resta […] un emporium méditerranéen peu concerné par le commerce autrichien.12
9Les négociants triestins importaient, sans droits de douane, diverses denrées (café, coton, épices, etc.), les stockaient avant de les réexporter, vers l’intérieur de l’Autriche ou l’étranger. Cette fonction d’emporium déclina et disparut avec la suppression du port franc, en 1891. Depuis, Trieste s’était transformé en port de transit, réorientant presque tout son trafic vers la seule Autriche-Hongrie ; elle était le seul débouché maritime (avec Fiume, beaucoup moins favorisée, voir p.) d’un Empire qui était encore, à la veille de la guerre, la quatrième économie d’Europe, dont elle assurait plus du quart du commerce extérieur. Trieste était, en 1913, le 9e port d’Europe continentale, et celui dont la croissance était la plus rapide, avec 3,4 millions (2,3 à l’importation, 1,1 à l’exportation) de tonnes de trafic, d’une valeur totale de 1 800 000 000 de couronnes13, soit un quasi triplement depuis 1880. Le « mythique » 1913 fit apparaître 14 000 mouvements de navires14. Dès 1857, Karl Marx, dans une interview au New York Tribune, avait prédit l’expansion formidable de Trieste, et le déclin de Venise, « cité mémorielle, ployant sous le poids des traditions ». Trieste ayant, sur la cité des Doges, l’avantage de ne pas avoir de passé et de desservir un vaste espace soumis à la même autorité politique15.
Se couper de son hinterland autrichien aurait été désastreux pour Trieste, d’autant que la concurrence de Hambourg et, dans une moindre mesure, de Brême, Stettin et Danzig, se faisait sentir dans les régions industrielles de Bohême et de Vienne, ses deux meilleurs clients.
10Trieste importait du charbon de Grande-Bretagne, du coton d’Égypte, d’Inde et des États-Unis, du jute d’Inde, des produits alimentaires, en particulier du riz, des oléagineux et du café dont Trieste s’était fait une spécialité. Elle exportait du bois, du minerai de fer, du sucre, du papier et des produits manufacturés.
L’expansion commençait même à poser des problèmes d’espace, car, coincée entre la mer et le Carso, Trieste manquait de terrains plats et viabilisables. À la veille de la guerre, les industriels et banquiers triestins envisageaient d’établir une vaste zone industrielle dans la plaine de l’Isonzo qui, elle, disposait justement de ce qui manquait à Trieste : des espaces plats et disponibles et de l’eau en abondance. Mais la guerre réduisit à néant ces grandioses projets16.
Parallèlement, Trieste s’industrialisa ; essentiellement des chantiers de construction et de réparation navale, des industries alimentaires (brasseries, minoteries, torréfaction de café) pour travailler les produits importés.
11Un melting-pot dont l’italien était la lingua franca
12Jusqu’au début du xviiie siècle, Trieste, où se mêlaient tous les peuples de la Méditerranée, des Balkans et de l’Europe centrale, était restée une « vieille commune à fond ethnique latin, mais d’esprit profondément autrichien17 » où l’élite parlait le toscan, et le peuple, le vernacolo tergestino, qui se distinguait nettement des dialectes vénitiens, parlés ailleurs sur le Litorale. En 1802, sur 26 000 habitants, seulement 69 % avaient, pour langue d’usage, l’italien ; 16 %, le slovène ; 4 % le grec, 3 % l’allemand, 1,49 % l’illyrien (c’est-à-dire le croate). Et les juifs représentaient 5 % de la population18.
13Cela faisait de Trieste une ville très cosmopolite : Umberto Saba écrivait que « les Triestins avaient de dix à douze sangs différents19 » ; Niccolò Tommaseo décrivait la Trieste des années 1830 comme « une Babylone où le commerce tisse en cent langues20 » ; mais l’italien s’imposa naturellement comme langue commune de ce melting-pot. Jusqu’à la fin du xixe siècle, l’italianité de Trieste était une évidence que nul ne songeait à remettre en cause.
14Instructive à ce titre est l’histoire du Lloyd austriaco dont les deux principaux fondateurs (en 1833) étaient le Vénitien Pasquale Rivoltella21 et le Rhénan Karl Ludwig von Bruck22 ; dans la liste des premiers sociétaires23 se mêlaient noms italiens, germaniques, slaves, français, grecs, espagnols, ashkénazes et sépharades… De tous ces hommes d’affaires, aucun n’était né à Trieste même, mais tous y avaient fait fortune.
15À Trieste régnait une tolérance ethnique et religieuse, un libéralisme politique qui était loin d’aller de soi ailleurs, dans cette Europe de la Restauration. « La laïcisation des religions, la solidarité dans l’expansion et les nombreux mariages exogènes24 » favorisaient le melting-pot. Selon Tullia Catalan :
Jusqu’aux années 1880, Trieste était considérée par les juifs de l’Empire, et leurs coreligionnaires européens, comme une ville où les principes de la convivialité pacifique et du respect de la diversité ethnicoreligieuse, qui avaient présidé à la formation de l’emporium, étaient des réalités concrètes.25
De l’urbs fedelissima à la Trieste italianissima
16En parallèle à la croissance économique et démographique de Trieste grandissait son importance culturelle. La société savante della Minerva remonte à 1810. En 1836 fut fondé le périodique La Favilla.
Pendant l’époque Biedermeier26 se rassembla autour de Domenico Rossetti27 un parti informel « municipaliste » qui, en réaction contre le centralisme de Metternich, réclamait, non la sécession de l’Empire autrichien, et encore moins un rattachement à une Italie qui n’existait encore qu’à l’état de rêve, mais la constitution de Trieste en ville libre, une « thalassocratie patricienne » qui serait restée, cela allait sans dire, au sein de l’empire des Habsbourg.
Une école autour de Pietro Kandler28 se montrait encore plus austrophile, tout en soulignant les racines latines et italiennes de la région. C’est dans les pages de la Favilla que Pacifico Valussi29 évoqua le premier, sans nullement la souhaiter, une séparation de Trieste d’avec l’Autriche, s’attirant une sévère réprimande de Kandler.
17En mars 1848, Trieste resta calme ; la plus calme, certainement, de toutes les villes de l’Empire. On acclama les idées nouvelles aux cris de Libertà e costituzione! Mais, à de très rares exceptions près30, on resta loyaliste. Les manifestants firent un sort aux portraits de Metternich, mais ceux de la famille impériale furent respectés. La ligne de fracture n’était pas alors entre Italiens et Allemands ou Slaves, mais entre libéraux (au sens très large, voire fourre-tout, que la dénomination avait dans la première moitié du xixe siècle) et réactionnaires.
18Le 25 mars 1848, dans Viva Trieste!, Pietro Kandler souligna qu’un grand port ne pouvait s’offrir le luxe de succomber aux sirènes du nationalisme :
Les emporiums ont toujours accueilli un peuple de plusieurs nations différentes en leur sein31. [Les Triestins, presque tous italophones, même si ce n’était pas toujours leur langue maternelle] ne faisaient que commencer à développer conscience de quelque chose de plus qu’une affinité culturelle avec le reste de la Péninsule.32
Si à Venise, le Triestin Leone Pincherle […] devenait ministre du Gouvernement provisoire de la république de Saint-Marc, à Trieste Pasquale Revoltella, vénitien d’origine […] se rendait, au nom du conseil municipal de Trieste, auprès de l’Empereur pour lui garantir l’imperturbable fidélité de la ville , [tandis qu’une délégation des principaux hommes d’affaires de la ville demandait au gouvernement de Vienne] de faire intervenir la flotte anglaise afin de rétablir la liberté de navigation dans l’Adriatique, paralysée par le blocus que la flotte sarde, agrandie de la flotte napolitaine et d’une flottille vénitienne, avait mis devant le golfe de Trieste.33
19Les défaites piémontaises de 1848-1849 ne provoquèrent guère d’écho ni de sentiment de solidarité avec les autres italophones de l’Empire. Attilio Tamaro34 l’expliqua, a posteriori :
À Trieste, l’ambiance n’était pas propice aux mouvements mazziniens… Ville vouée au travail, où il n’existait pas d’école supérieure [et donc, pas d’étudiants], où il n’y avait pas de classe de rentiers, ville sans aucune aristocratie, ville de commerçants, de travailleurs, de professions libérales… L’habitude du travail et des affaires [la rendait] plus sérieuse, plus réfléchie.35
20Le soir du 4 juin 1859, quand une fausse nouvelle fit croire, quelques heures, à une victoire autrichienne à Magenta, il y eut fête au théâtre Armonia et le luogotenente, le baron Pascottini fit célébrer un Te Deum à la cathédrale, auquel assistèrent tous les notables de la ville. Le 20 juillet 1866, au soir de Lissa, Trieste pavoisa. Le podestà, Carlo Porenta36, proposa de conférer la citoyenneté d’honneur au vainqueur, l’amiral Tegetthoff, approuvée à l’unanimité37. Et on ouvrit une souscription pour lui ériger un monument38…
21Cela n’empêcha pas Trieste de fournir des volontaires aux guerres du Risorgimento. « Au moins 300 » selon le consul de France, « pour la plupart de bonne famille39 ». Ce furent ces « reduci garibaldini » qui provoquèrent, à partir des années 1850-1860, une agitation « proto-irrédentiste » bruyante, mais superficielle, affirmant que l’union entre Trieste et l’Autriche n’avait jamais été qu’un mariage de raison, désormais dépassé. Point de vue très minoritaire et provocateur. Il n’empêche qu’ils firent tomber un tabou.
22Une municipalité libérale-nationale et italianissima
23De 1862 à la guerre, la municipalité fut le fief des libéraux nationaux. Comme leur nom l’indiquait, ils alliaient le libéralisme économique à la défense de l’italianité de Trieste. Dans ce parti se confondaient « l’aspiration à un plein développement de la culture nationale (italienne), la revendication d’une […] autonomie municipaliste pour Trieste, des pointes racistes à l’égard des s’ciavi, et également des poussées irrédentistes, d’origine démocratique et risorgimentale40 ».
24Les équipes qui se succédèrent à l’hôtel de ville41, sans être irrédentistes politiquement, c’est-à-dire séparatistes et « rattachistes », l’étaient linguistiquement, défendant vigoureusement la langue italienne, soumettant les écoles et les associations non italophones à une surveillance sans bienveillance. Toutes les inscriptions publiques dans une autre langue que l’italien, les affiches même, se voyaient impitoyablement arrachées et frappées d’amende. En 1891, la municipalité prit même un arrêté contre les inscriptions en slovène et en allemand gravées sur les tombes du cimetière municipal…
Les bâtiments militaires avaient dû renoncer à la moindre inscription extérieure, car la loi militaire les obligeait à les afficher en allemand, la langue du commandement, se heurtant à la loi municipale. Voulant éviter un nouvel « autunno piraniano » (voir p.), les autorités militaires prirent le parti irénique de renoncer.
Le melting-pot se bloqua (à partir de 1866) avant d’imploser (à partir de 1890)
25Ces poussées de chauvinisme tendirent l’atmosphère. D’autant que l’attitude des autorités autrichiennes fut, à partir de 1898-1900, de plus en plus perçue comme pro-slave. Les petites minorités (grecques, arméniennes, hongroises, anglaises, etc.), trop réduites pour menacer la prépondérance italophone, ne causaient pas d’inquiétudes. Mais la prospérité de Trieste y attirait des milliers de germanophones et surtout, de Slovènes. En 1910, 43 % de la population n’était pas née dans la ville même42. Et le melting-pot se bloquait de plus en plus.
26Les Allemands ne posaient pas vraiment de problème : la plupart étaient des fonctionnaires civils ou militaires qui n’étaient à Trieste que de passage. Et ceux qui s’y établissaient « se dénationalisaient en quelques années, sans résister… leurs fils savent déjà parler l’italien à la perfection… Leurs petits-fils sont déjà des Italiens, au cœur ardent et combatif43 ».
En 1914, Virginio Gayda reconnaissait, dans la Stampa :
On parle d’un programme de conquête allemande de Trieste. Mais il n’y a aucun signe tangible de ce plan d’invasion […], les Allemands qui ont apporté leur capital sur le Litorale, y respectent, à de rares exceptions près, l’italianité. Le péril réel ne vient pas du nord, mais du sud. Et il est exclusivement slave.44
27« Des disputes italo-slovènes de plus en plus vives, un irrédentisme de plus en plus crispé45 »
28Beaucoup plus dangereux apparaissaient, en effet, les Slovènes (renforcés de quelques Croates), considérés comme l’avant-garde d’une véritable invasion, soumettant leur ville à « un siège gigantesque et silencieux par une race encore barbare46 ».
La main-d’œuvre slovène, meilleure marché et plus docile que l’italienne, était souvent favorisée par les patrons, d’où la maxime : « posto vacante, slavo occupante47 » ; et à partir des années 1870, le mécanisme classique d’italianisation par l’urbanisation et l’ascension sociale se grippa.
29Le 28 juin 1868, le podestà Carlo Porenta (pourtant d’origine slovène lui-même) prit des arrêtés interdisant d’enseignement, dans les écoles communales de la ville, les prêtres et religieux, qui étaient presque tous slovènes. Le motif, on s’en cacha à peine, était moins religieux que linguistique. En février 1868, le podestà avait écrit à l’évêque Barthélémy Legat : « La tâche principale du clergé devrait être d’enseigner et de diffuser la religion, et non la langue slovène 48. » Le 10 juillet, des anticléricaux, italophones, manifestèrent ; les 12 et 13 juillet eut lieu une contre-manifestation, catholique et slovène : essentiellement des paysans slovènes descendus du Carso. Après les échauffourées, on releva deux morts italiens.
Cette violente incursion, cette calata49, était la première, pas la dernière, que les Slovènes des faubourgs et des banlieues menèrent dans le centre de Trieste. Désormais, ils furent considérés comme une menace permanente.
30Les Slovènes ne firent, d’ailleurs, rien pour dissiper les appréhensions des Italiens. Dès 1877, un certain Vulicevich affirmait que Trieste n’était pas une ville italienne, mais une ville slave italianisée artificiellement. Et il menaçait : « Si les italophones continuaient à faire des manifestations irrédentistes, ils périraient, car tout le slavisme s’insurgerait contre l’Italie si celle-ci tentait de s’emparer de Trieste50. » À partir de 1876 se constitua le mouvement Edinost (littéralement : Unité)51, qui se fit de plus en plus virulent au fil des années. Le numéro du 7 janvier 1911 menaçait : « Jusqu’ici, nous avons lutté pour l’égalité. Nous annonçons aux Italiens que nous lutterons désormais pour la domination. Nous autres Slovènes et Slaves ne nous arrêterons que quand nous gouvernerons Trieste52 ! »
Malgré l’opposition acharnée de la municipalité, mais avec l’appui de la luogotenenza, Edinost édifia une Narodni dom (= maison du peuple), inaugurée en 190253 sur l’actuelle piazza Oberdan.
Jusqu’en 1914, « la municipalité parvint à éviter l’apparition de lycées slovènes et relégua les écoles primaires slovènes dans les faubourgs, sur la base d’une conception qui considérait le peuplement slovène suburbain, et non urbain54 ». D’abord cantonné aux classes populaires, le conflit s’étendit à la bourgeoisie à mesure qu’un certain nombre de Slovènes montèrent dans l’échelle sociale. « L’émergence d’une classe moyenne slovène fournit aux prolétaires des avocats comme porte-parole, des banquiers pour gérer leurs économies55. » Slataper56, dans Il mio Carso, imaginait ainsi le discours qu’aurait pu tenir un nationaliste slovène : « Slave, fils de la race nouvelle ! Tu as enlevé son filet au pêcheur vénitien et tu es devenu un marin. Constant, sobre, fort et patient, ça fait longtemps qu’on te reproche ton esclavage, mais ton heure est désormais venue, il est temps que tu sois le maître57. »
31Une Église catholique pro-slave ?
32Ville commerçante et traditionnellement tolérante, comprenant d’importantes minorités protestantes, orthodoxes et juives, politiquement dominée par les libéraux, Trieste (et on pouvait en dire autant de presque toutes les villes du Litorale oriental de l’Adriatique) ne se distinguait pas par sa ferveur religieuse, au contraire. En politique, l’influence de la franc-maçonnerie y était forte, l’anticléricalisme s’y faisait de plus en plus bruyant. Dès 1870, un rapport du nonce l’avait décrite comme « la pire ville de l’Empire du point de vue religieux58 ».
Bons libéraux, les édiles triestins voulaient enlever à l’Église toute influence politique ou même culturelle. Ce qui les mettait d’ailleurs sur la même longueur d’onde que les gouvernants italiens de cette époque. Y dominait l’idée reçue qu’être catholique signifiait être austriacante. D’autant plus que beaucoup de catholiques du Litorale considéraient l’Italie comme anticléricale et dirigée par la franc-maçonnerie.
33Au contraire des Italiens, Slovènes et Croates restaient attachés à leur religion. Dès le milieu du xixe siècle, les Slaves étaient devenus majoritaires parmi les pratiquants ; et encore plus, au sein du clergé. Les vocations parmi les italophones se raréfièrent, d’autant qu’ils ne parlaient presque jamais slovène ou croate, ce qui était devenu indispensable pour toute mission pastorale.
Au point que la Lega nazionale, (pourtant fort peu cléricale) décida de financer les études des séminaristes italophones :
Les prêtres italiens (c’est bien connu) manquent ; le clergé slave doit substituer ceux qui manquent. Qui veut continuer la lutte nationale dans les conditions d’aujourd’hui ne peut se priver de l’aide du prêtre ; le nationaliste pur ne peut s’offrir le luxe d’être anticlérical, l’irrédentiste encore moins, quand bien même cela pourrait apparaître contradictoire. Ils sont donc logiques, de leur point de vue, ces groupes nationalistes qui insistent pour que la Lega continue à subventionner les candidats au sacerdoce.59
34De 1831 à 1918, tous les évêques de Trieste furent slaves ou autrichiens. Le premier, Matteo Ravniker introduisit, en 1832, le catéchisme en slovène. Les italophones dénonçaient souvent « ces pépinières de chauvinisme [slave] qu’étaient en train de devenir les séminaires60 ». En juillet 1898, de nombreuses familles italophones refusèrent de laisser confirmer leurs enfants par Mgr Sterk61, et firent le voyage de Parenzo où l’évêque leur paraissait moins slavophile. Lors des funérailles de Mgr Sterk, le 30 septembre 1901, la municipalité ne se fit même pas représenter. Lors de la séance municipale, le 3 octobre, un conseiller slovène déplora cette abstention, déclarant : « De toute façon, cette ville est dirigée par les juifs et les maçons ! » Invectives qui déclenchèrent un hourvari d’insultes et de coups62.
35À partir de 1868, une hostilité diffuse au pouvoir autrichien
36Pendant les deux premiers tiers du xixe siècle, Trieste était restée fedelissima aux Habsbourg. Mais, à partir de 1868, l’hostilité, croissante et réciproque, des Italiens envers les Slaves se doubla, d’une autre, plus diffuse aux autorités autrichiennes, accusées de partialité pro-slave. Jusqu’en 1914, le « jour du statut » (le premier dimanche de juin), et le 9 janvier (anniversaire de la disparition de Victor-Emmanuel II) donnèrent lieu à des manifestations d’italophilie : comme porter une marguerite (allusion au prénom de la reine d’Italie) à la boutonnière, ou s’habiller en vert blanc rouge. Au contraire, l’anniversaire de François-Joseph, le 18 août, qui tenait lieu de fête nationale austro-hongroise, donnait lieu à des charivaris63.
37Toute une agitation endémique, de diffusion de tracts interdits, pétards, ce que Johann-Rudolf Hahnekamp appelle le « terrorisme doux64 », se mit en place à Trieste, et devait subsister jusqu’à la guerre, sans ne jamais faire que des dégâts matériels, ou des blessés légers. En 1889, les représentations de l’Ernani de Verdi conduisaient tous les soirs à un tel charivari, au moment où l’on entonnait : Ernani, involami all’aborrito amplesso ! que l’opéra finit par être interdit. La réplique était longuement applaudie, tellement bissée que la représentation devait s’arrêter là. « Hernani, pour cette foule en délire, c’était l’Italie et l’“abominable accouplement”, c’était la domination autrichienne65. » C’était là des coups d’épingle plus que d’épée et, jusqu’en 1898 au moins, les autorités, bien conscientes que les irrédentistes ne formaient qu’une minorité, prirent le parti de ne pas réagir durement.
38Racialement, les Triestins étaient une macédoine d’éléments les plus divers, où la proportion de sang véritablement italien était certainement minoritaire, mais c’est de l’italianité qu’ils firent la base de leur personnalité. Scipio Slataper écrivait en 1912 :
Du sang slave, je porte en moi d’étranges nostalgies, une sensibilité en quête de caresses et d’indulgences, une rêverie infinie, illimitée. Du sang germanique, j’ai l’obstination d’une mule, l’envie et le ton dictatorial, un désir de domination. Ces éléments sont fondus dans le sang italien qui cherche à me faire devenir classique.
Et Gilbert Bosetti de commenter : « On peut sourire des mythèmes que s’invente Slataper, mais il faut reconnaître qu’il se présente avec un esprit de synthèse européen66. » Cet esprit de synthèse, cet indéfinissable genius loci, unique lieu de rencontre entre Méditerranée et Mitteleuropa était précisément ce qui rendait Trieste si originale.
39Une remarquable effervescence culturelle
40Le ginnasio comunale Dante Alighieri ouvrit en 1863. Et il devint immédiatement un puissant facteur d’italianisation des nouveaux venus, dont les enfants devenaient, en l’espace de quelques années, de parfaits italophones et, bien souvent, des irrédentistes ardents.
Même si elle n’était pas ville universitaire, Trieste avait une activité culturelle remarquable. En littérature, il suffit de mentionner Gianni Stuparich67, Scipio Slataper (et leur muse, Elody Oblath68), Angelo Vivante, Virgilio Giotti69. Sans oublier les deux principaux : Italo Svevo70 et Umberto Saba71 ; même si ceux-ci ne publièrent l’essentiel de leur œuvre qu’après la guerre, et donc après l’annexion de Trieste à l’Italie. Sans oublier le musicologue Augusto Hermet. Pour une ville d’à peine plus de 200 000 habitants, c’est tout de même un palmarès impressionnant. D’autant qu’il convient d’y rajouter ceux qui y furent de passage, plus ou moins longuement : Rainer Maria Rilke (qui y rédigea, en 1910, ses Duineser Elegien), Ricarda Huch (qui y séjourna de 1898 à 1901) et James Joyce (qui y enseigna l’anglais de 1905 à la guerre).
41Il paraissait une douzaine de journaux à Trieste : le Piccolo, fondé en 1881, italianissimo72 (sinon irrédentiste), l’Indipendente, beaucoup plus virulent, et souvent victime de la censure73 ; « Le Piccolo était le gros calibre placé à une distance stratégique de l’ennemi, tandis que l’Indipendente était le canon léger, à tir rapide, exposé aux dangers de la première ligne74. » Le Lavoratore, socialiste, s’efforçait de maintenir une neutralité entre les groupes ethnolinguistiques, l’amitié entre les peuples étant une des bases de son idéologie. « Seuls les socialistes, conformément à leur idéologie politique, soulignaient le caractère multinational de la ville75. »
L’Osservatore triestino faisait figure de journal officiel italophone. Il fallait ajouter deux journaux en allemand : la Triester Zeitung et le Triester Tagblatt. À partir de 1848 parurent (épisodiquement) deux journaux slovènes : le Slavanski Rodoljub et le Jadranski Slavjan.
42Soulignons aussi le rôle des sociétés sportives à partir des années 1870-1880. Les trois principales, la Società ginnastica (fondée en 1863), la Turnverein Eintracht (fondée en 1864) et les Sokols (fondés en 1882) étaient, comme leurs noms l’indiquent, rigoureusement mono-ethniques. Signe d’autant plus fâcheux que le sport, on s’en aperçut vite, était la meilleure préparation à la guerre.
La prospérité de Trieste
43Le paradoxe de cet irrédentisme était, comme l’exposait René Henry76 en 1902, qu’à Trieste, on sait bien que la ville n’est prospère que grâce à l’hinterland autrichien et que l’annexion à l’Italie serait la mort du port. « Je suis représentant de la langue italienne et de l’italianité disait un député de Trieste : si je me présentais comme député séparatiste, je n’aurai pas seulement affaire au gouvernement. Je ne serais pas réélu77. »
44Séparée de l’Autriche-Hongrie, Trieste courrait le risque de redevenir ce qu’elle était avant 1719 : « Sans hinterland et dépourvue du cadre autrichien, sans l’intervention des Habsbourg, Trieste serait restée ce qu’elle était au début, une bourgade de pêcheurs et d’ouvriers des salines78. »
Cette contradiction, voire cette schizophrénie entre l’austriacantismo économique et l’italianismo culturel (mais rarement politique), ce qu’Angelo Vivante nommait les « dissonances entre l’idéal irrédentiste et le facteur économique79 » devait dominer la vie triestine jusqu’à l’annexion à l’Italie, en 1918-1919.
45Scipio Slataper a bien exprimé le douloureux dilemme triestin :
[Trieste, poussée par sa nature commerciale et économique vers l’Europe centrale, germanique et slave, et vers l’Italie par sa nature culturelle et sentimentale] ne peut étrangler aucune de ses deux natures : ce serait un suicide, car son âme est double. Toute chose nécessaire au commerce est une violation de l’italianité ; et ce qui renforce l’italianité porte préjudice au commerce80.
46À partir de 1898, des luogotenenti de plus en plus hostiles à l’italianité
47Le 11 septembre 1898, au soir de l’assassinat de l’impératrice Élisabeth par un anarchiste italien, les Slovènes des faubourgs firent une calata, une véritable razzia sur le centre-ville de Trieste, s’en prenant aux passants et saccageant les boutiques tenues par des Italiens. Le luogotenente, le comte Léopold von Goess, ne mit pas une grande énergie pour rétablir l’ordre. Et, à partir de là, les autorités, sans doute irritées par l’agitation permanente entretenue par la jeunesse lycéenne irrédentiste, abandonnèrent, sans le dire, leur neutralité pour favoriser désormais les Slaves, jugés plus loyaux que les Italiens.
48Le 20 août 1913, le luogotenente Conrad von Hohenlohe Schillingsfürst prit quatre décrets, qui obligeaient la municipalité de Trieste à licencier ses employés qui n’étaient pas sujets de l’Empire. Cette mesure était symbolique : sur les quelque 30 000 citoyens italiens vivant alors à Trieste, seules quarante familles durent partir81. Il s’agissait plutôt d’une avanie, jugée inutile et dangereuse jusque dans la presse viennoise82 ; et les Italiens, tant à Trieste qu’en Italie même, la prirent bien comme telle. Cela versa encore de l’huile sur le feu, déjà ardent, des conflits ethniques.
49Le pogrom du 1er mai 1914 à Trieste
50Le 19 mars 1914, un jeune Slovène qui avait tiré des coups de feu contre des Italiens, au cours d’une énième bagarre, fut remis en liberté. « S’étant rendu en Dalmatie avec quelques camarades, il y fut accueilli par les autorités comme un héros de la cause nationale […] provoquant partout des manifestations slaves anti-italiennes83… » Le matin du 1er mai 1914, la fanfare de San Giacomo, faubourg en majorité slovène, descendit donner une aubade devant la Narodni dom. La manifestation avait été autorisée. Mais ce qui n’était pas prévu était que les manifestants se mettent à scander : « Mars, mar s! Trst je nas! » (Dehors, dehors ! Trieste est à nous !) Ils tentèrent de descendre dans le centre sans que la police puisse, ou veuille (la majorité de ses agents étaient slovènes), s’y opposer. Ils s’y heurtèrent à de nombreux contre-manifestants italiens. Jusqu’à 17 heures, après d’innombrables échauffourées entre Slovènes et Italiens, on releva deux blessés graves, tous deux Italiens. Comme l’écrivit la presse : « Ce 1er mai restera mémorable dans l’histoire de Trieste et de sa lutte angoissée contre l’invasion slave84. »
51La colère montait d’autant plus que quarante-quatre Italiens, mais seulement dix-neuf Slovènes furent arrêtés85. Et surtout, l’inaction des forces de l’ordre ressemblait beaucoup à un parti pris des autorités. D’autant qu’on signala des « répliques sismiques » à Zara et à Spalato.
52Conclusion : les Triestins étaient en proie à de bien sombres états d’âme, en 1914. Non seulement ils percevaient la pression démographique et sociale slovène comme une menace, mais ils avaient le sentiment, de moins en moins injustifié, que les autorités autrichiennes avaient juré leur perte. La kyrielle d’incidents émaillant leur histoire à partir de 1868, et surtout de 1898, en témoigne. En 1895, Graziadio Ascoli avait écrit que : « Trieste, centre de gravité de l’italianité adriatique, était tellement italienne qu’il n’y avait pas à se préoccuper de son avenir. » Quinze ans plus tard, les Triestins avaient du mal à partager son optimisme. Certes, en 1914, les élites politiques, économiques, culturelles italophones tenaient encore solidement Trieste et les Italiens formaient la majorité absolue de la population86. Mais l’exemple de Prague, passée, en quelques décennies, d’une prédominance allemande à une prédominance slave, hantait les esprits87.
53Cela dit, ceux des Triestins qui souhaitaient une annexion par le royaume d’Italie restaient très minoritaires. On croyait encore possible, même si cela n’allait plus de soi, de concilier la défense des intérêts économiques et la tradition culturelle italienne avec la loyauté aux Habsbourg. D’autant que, si les Triestins exaltaient la culture italienne, jusqu’à rendre un véritable culte à Dante et aux grands classiques, ils étaient, comme d’ailleurs de nombreux irrédents, beaucoup plus circonspects envers l’État italien ; et les Italiens régnicoles. Un coup d’œil sur une carte de géographie suffisait d’ailleurs pour comprendre qu’insérée dans un cadre italien, Trieste ne serait plus qu’un finis terrae sans hinterland.
54Contradiction tragique, « clivage, Spaltung presque schizoïde88 » magistralement incarnée par deux Triestins. Angelo Vivante qui, dans son Irredentismo adriatico, paru justement à la veille de la guerre, était tellement sévère envers l’irrédentisme que les Autrichiens, après son suicide, le 1er juillet 1915, rééditèrent son opuscule comme ouvrage de propagande anti-italienne. Et Scipio Slataper, qui n’avait pourtant jamais ménagé ses critiques envers l’irrédentisme, mais qui y voyait désormais la seule planche de salut pour l’italianité de Trieste, s’engagea dans l’armée italienne et tomba au front.
Notes de bas de page
1 Il Giornaletto di Pola, 26.6.1913, définissait Trieste : « faro d’italianità e di libertà nell’Adriatico orientale ».
2 Rapport du consul de France à Trieste, 12 septembre 1896.
3 Guerazzi Gian Francesco, 1922, Ricordi d’irredentismo. I primordi della Dante Alighieri (1881-1894), Bologne, Nicola Zanichelli, p. 250.
4 Alberto Spaini (1892-1975) était un germaniste, traducteur et écrivain, né à Trieste. Comme beaucoup d‘intellectuels triestins de sa génération, il avait décidé, refusant d’étudier dans une université autrichienne, de rejoindre la communauté des étudiants irrédents de Florence en 1910. Et donc de contribuer à l’osmose entre irrédentisme et nationalisme.
5 Spaini Alberto, 1963, Autoritratto triestino, Milan, Giordano editore, p. 54.
6 En allemand : « Reichsunmittelbare Stadt Triest und ihr Gebiet ». En italien : « Città imperiale di Trieste e i suoi dintorni. »
7 Chiffres du recensement italien de 1901 donnés par Gilles Pecout, ouvr. cité, p. 243. En 2023, l’ISTAT classe Trieste (avec 198 417 habitants, soit 20 000 de moins qu’en 1914) au 15e rang des villes italiennes. Il faut toutefois noter que Trieste n’a atteint son maximum démographique historique (272 000 habitants) qu’au recensement de 1961, soit bien après son annexion à l’Italie.
8 Gilbert Bosetti, 2016, Trieste port des Habsbourg 1719-1915. De l’intégration des immigrés à la désintégration du creuset, Grenoble, ELLUG Université Grenoble Alpes, p. 31.
En 1826, Pasquale Besenghi caricaturait Trieste en port asiatique dans ses Novelle orientali. En 1830, Stendhal, éphémère consul de France, la décrivait comme « une colonie où l’on vient faire fortune, mais où on ne s’attarde pas ».
9 Due à l’ingénieur austro-italien Carlo von Ghega, la Ferrovia meridionale (Südbahn) reliait Trieste à Vienne par Ljubljana, Graz et le Semmering. De toutes les lignes de chemin de fer de l’Empire, la Südbahn était la seule à dégager des profits. Par contre, la ligne littorale, reliant Trieste à Venise et au reste de l’Italie, par Monfalcone, ne fut inaugurée qu’en 1894.
10 Chiffres donnés par Millo Anna, 1989, L’élite del potere a Trieste. Una biografia collettiva, 1891-1938, Milan, Franco Angeli storia, p. 26.
11 Bosetti Gilbert, ouvr. cité, p. 43.
12 Rusinow Dennison, 1969, Italy’s Austrian Heritage, Oxford university press, p. 26.
13 En 1913, le 1er port d’Europe continentale était Hambourg, avec 24 millions de tonnes de trafic ; ensuite venaient Anvers (18), Rotterdam (16), Marseille (8,3), Gênes (7,3), Brême (6,7), Amsterdam (3,6) Le Havre (3,2) et enfin, Trieste. Chiffres donnés par Alfred Escher, 1917, Triest und seine Aufgaben im Rahmen der österreichischen Volkswirtschaft, Vienne, Manzsche Verlag, p. 68-69.
Seulement 8 % du trafic triestin se faisait avec l’Italie, 28 % avec l’Empire ottoman, 16 % avec l’Asie des moussons, 14 % avec l’Égypte. Giuseppe Lo Giudice, 1979, Trieste, l’Austria e il canale di Suez, Catane, Università degli Studi, p. 235.
14 Borruso Giuseppe et Pocuca Milojka, 1996, I porti dell’alto Adriatico: Trieste, Capo d’Istria et Fiume, Trieste, LINT, p. 26.
15 Bosetti Gilbert, ouvr. cité, p. 17.
16 Voir Fragiacomo Paolo, 1997, La grande fabbrica e la piccola città. Monfalcone e il cantiere navale; la nascita di una company town 1860-1940, Milan, Franco Angeli storia, p. 34-49.
17 Vivante Angelo, Irredentismo adriatico, p. 18.
18 Chiffres donnés par Bosetti Gilbert, ouvr. cité, p. 46.
19 Saba Umberto, 1964, Prose, Turin, Einaudi, p. 819.
20 Cité en allemand par Krawanja Angelika, 1994, Der Irredentismus in den Zeitungen Triests, dissertation de Maîtrise non publiée, université de Vienne, p. 8.
21 Pasquale Rivoltella (1795-1869), malgré des origines très modestes (son père était un boucher venu s’établir à Trieste), était l’homme le plus riche et le plus puissant de la ville, et la création du Lloyd fut son plus bel investissement. Il fut d’autre part, et peu avant sa mort, nommé vice-président de la société du Canal de Suez.
22 Karl Ludwig von Bruck (1798-1860), était accourut à Trieste pour s’embarquer et aider les indépendantistes grecs… Mais finalement, il préféra y rester, y devenant un riche homme d’affaires, ainsi qu’un homme politique (il fut ministre du Commerce de 1848 à 1851 et ministre des Finances de 1855 à 1859). Il n’oublia pas sa ville d’adoption, et ce fut à lui que Trieste dut la création de la bourse (en 1855) et l’arrivée du chemin de fer (en 1857) ; il ne cachait pas son ambition d’en faire le port de toute l’Europe centrale.
Sa probité mise en cause, peut-être à tort, il se suicida en s’ouvrant les veines. Il se considérait comme triestin et signait Carlo Ludovico de Bruck quand il écrivait depuis sa ville d’adoption.
23 Cité par Dieter Winkler & Georg Pawlik, 1986, Die Dampfschifffahrtgesellschaft Österreichischer Lloyd 1836-1918, Graz, Weishaupt Verlag, p. 10 : « Der Direktion des Lloyd gehörten die Herren Bousquet, Bruck, Brucker, Cianneschi, Da Costa, Grant, Kohen, Meksa, Padovani, Premuda, Regensdorff, Sartorio, Schell et Vucetich an. »
24 Bosetti Gilbert, ouvr. cité, p. 9.
25 Catalan Tullia, 1989, « La comunità ebraica di Trieste 1781-1914 », dans Quaderni Giuliani di Storia, Giugno p. 251.
26 Période bornée par le congrès de Vienne et les révolutions de 1848 qui correspond, en Europe centrale, à celles de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, en France.
27 Domenico Rossetti (1774-1842) à la fois intellectuel et homme politique libéral (modéré), avait fait ses études à Graz et à Vienne. On définissait « rossettismo » cette recherche de conciliation entre la défense des intérêts économiques et la tradition culturelle italienne de Trieste avec la loyauté aux Habsbourg.
28 Pietro Kandler (1804-1872), érudit et archéologue, né à Trieste de parents viennois, bien que bilingue, préféra toujours écrire en italien. En lui devait durer « tenace, la conviction que la prospérité de la Vénétie julienne est indissociable de l’union politique avec l’Autriche » (Angelo Vivante, ouvr. cité, p. 26 : « Perdurerà, tenace il convincimento che il fiorire della Giulia è indissociabile dall’unione politica all’Austria. »).
29 Pacifico Valussi (1813-1893) originaire de Talmassons, dans le Frioul oriental fut journaliste à Trieste, de 1838 à 1848, d’abord à La Favilla, avant de fonder L’Osservatore triestino. Il dut se réfugier à Milan, puis Udine (située dans le Frioul occidental, devenu italien après 1866), qu’il représenta à Rome, comme député, de 1866 à 1874. Il est remarquable que, bien que persona non grata en Autriche-Hongrie, jamais Valussi ne réclama l’annexion des terres irrédentes par l’Italie, mais plutôt une espèce de condominium austro-italien.
30 Le soir du 23 mars 1848, le triestin Giovanni Orlandini tenta (avec une poignée d’amis, pour la plupart des étudiants de Padoue, comme lui) de proclamer une république de San Giusto, sur le modèle de celle de Saint-Marc, sans le moindre succès.
31 Cité par Apih Elio,1988, Trieste, Rome/Bari, Laterza, p. 38.
32 Jenks William, 1978, Francis Joseph and The Italians, Charlottesville, University Press of Virginia, p. 667.
33 Bressan Marina, 2001, Elisabetta d’Austria e l’Italia. Catalogo della Mostra del 22 feb. al 1 aprile 2001, Venise, edizioni della Laguna, p. XX.
34 Attilio Tamaro (1884-1956), Triestin, s’était « converti » à l’irrédentisme lors des rixes pour implanter une université italienne à Trieste (voir p. ). Réfugié en Italie en 1914, il se fit diplomate, adhéra au fascisme ; mais s’en fit expulser après avoir manifesté son opposition aux Lois raciales de 1938.
35 Tamaro Attilio, ouvr. cité, tome II, p. 404.
36 Né à Trieste, Carlo Porenta (1814-1898) avait le slovène pour langue maternelle ; mais ses études à Padoue (encore autrichienne à son époque) en firent un parfait italophone. Comme pour tous les Slovènes de sa génération, son ascension sociale alla de pair avec son italianisation ; ainsi qu’avec une fidélité sans faille à la maison des Habsbourg.
Porenta fut podestà (de 1863 à 1869), puis député (jusqu’en 1876), de Trieste.
37 Scotti Giacomo, 2004, Lissa, 1866 La grande battaglia per l’Adriatico, Trieste, Lint, p. 172.
38 Le projet n’eut finalement pas de suite. Par contre, Vienne érigea à Tegetthoff une imposante colonne rostrale qui existe encore aujourd’hui.
39 Cité par Bosetti Gilbert, ouvr. cité, p. 239.
40 Daneo Camillo, 1988, Il fantasma di Angelo Vivante, Udine, Cooperative editoriali del Capo, p. 11.
41 Le monumental édifice actuel, au fond de la piazza Grande (piazza Unità, depuis 1918) fut inauguré en 1876. Il est depuis, à Trieste, ce que la Tour Eiffel est à Paris, le Duomo à Milan, la place Saint-Marc à Venise…
42 Chiffres donnés par Bosetti Gilbert, ouvr. cité, p. 270.
43 Gayda Virginio, 1914, L’Italia d’oltre confine, Turin, La Stampa edizione, p. 5-6.
44 Stampa du 13 mai 1914.
45 Bosetti Gilbert, ouvr. cité, p. 261.
46 Gayda Virginio, ouvr. cité, p. 7.
47 Cité par Faleschini Moana, 2001, Irredenta und Diplomatie Österreich-Ungarn und Italien, thèse de doctorat, université de Vienne, p. 120.
48 Cité par Apih Elio, ouvr. cité, p. 62.
49 Le vocable « calata », fréquent dans la littérature irrédentiste, difficilement traduisible, évoque une invasion brutale. Jusqu’au xvie siècle, on l’employait pour désigner l’irruption en Italie des armées impériales germaniques.
50 Cité par Attilio Tamaro, ouvr. cité, p. 481.
51 Edinost désignait à la fois un journal (le titre complet était : Edinost. Glasilo slovenskega politicnega drustva trzaske okolice [Unité. Voix des associations politiques slovènes de l’arrondissement de Trieste]) et un ensemble d’associations.
52 Cité sur Wikipédia, 2021, Edinost, www.it.wikipedia.org/wiki/edinost [consulté le 25/07/2021].
53 Le 13 juillet 1920, après l’annexion donc, le Narodni dom fut incendié par des nationalistes italiens.
54 Ara Angelo, 1998, « Gli italiani della Monarchia austriaca », dans Rassegna Storica del Risorgimento, p. 447.
55 Bosetti Gilbert, ouvr. cité, p. 274.
56 Scipio Slataper (1888-1915) était triestin, italophone mais d’une famille aux origines slovènes. Il mio Carso est son plus célèbre ouvrage. Ayant choisi d’aller étudier à Florence, de 1908 à 1913, Slataper était un irrédentiste ardent, mais non dépourvu d’esprit critique. Dans ses Lettere triestine, publiée dans la Voce en 1909, il reprochait aux irrédentistes leur égoïsme de classe et à la bourgeoisie triestine d’utiliser la défense de l’italianité comme un moyen d’oppression des classes laborieuses slovènes. Ce qui valut à Slataper d’être considéré comme un « traître » par beaucoup d’irrédentistes intransigeants.
En 1915, il s’engagea, en même temps que son frère Guido et son ami Gianni Stuparich, dans l’armée italienne et tomba lors de l’assaut sur Gorizia, le 3 décembre 1915.
57 Slataper Scipio, 1980, Il mio Carso, Milan, Mondadori, p. 58.
58 Cité par Ferrari Liliana, « Le chiese e l’emporio », dans Storia d’Italia. Le regioni dell’Unità ad oggi. Il Friuli Venezia Giulia, Turin, Einaudi, p. 237-288, p. 253.
59 Vivante Angelo, ouvr. cité, p. 201.
60 De Benvenuti Angelo, 1953, Storia di Zara, Milan/Rome, Fratelli Bocca editori, p. 134.
61 Le slovène Andrea Maria Sterk (1827-1901) fut évêque de Trieste de 1896 à sa mort. Après la Fête-Dieu de 1900, où les Slovènes avaient défilé derrière les bannières de Cyril et Méthode, la municipalité avait voté un blâme à l’évêque. Le 1er juillet 1901, celui-ci sanctionna don Jurizza, un des rares curés italianissimi, pour avoir refusé de chanter le tantum ergo en slovène. Don Jurizza ayant décidé d’en appeler à Rome, l’évêque le suspendit a divinis.
62 Rapport du consul de France à Trieste, octobre 1901.
63 Un exemple : le 18 août 1880 eut lieu, au restaurant Berger, un grand banquet en l’honneur de l’Empereur. Les convives trouvèrent, pliée dans leur serviette, une caricature représentant l’aigle à deux têtes, étranglé par une corde. Ces dessins étaient signés : « Circolo Garibaldi per l’Italia irredenta ».
64 « Sanfter Terrorismus » Hahnekamp Johann-Rudolf, 2004, Der Triester Irredentismus im Spiegel ausgewählter österreichischer Strafprozesse der Jahre 1878-1918, thèse de doctorat, université de Vienne, p. 23.
65 Caburi Franco, 1920, Francesco Giuseppe, Bologne, Zanichelli, p. 337. Voir aussi De Franceschi Italo, 1956, « Irredentismo d’azione a Trieste negli anni 1880-1890 », dans Rassegna storica del Risorgimento.
66 Scipio Slataper, Lettera a Gigetta (sa fiancée), citée par Bosetti Gilbert, ouvr. cité, p. 189.
67 Gianni Stuparich (1891-1961) était né, comme son patronyme l’indique, dans une famille italophone, d’origine slovène. Après un an d’étude à Prague, il se transféra, lui aussi, à Florence, en 1911.
Comme Slataper et son frère Carlo Stuparich, Gianni s’engagea dans l’armée italienne en 1915 mais, contrairement à eux, il eut la chance de survivre à la guerre. Après l’annexion, il fut professeur de littérature italienne au lycée de Trieste tout en publiant romans et nouvelles.
68 Elody Oblath (1889-1971) était la fille d’un juif hongrois et d’une Italienne catholique, tous deux venus s’établir à Trieste. Avec ses deux amies Anna Pulitzer et Luisa Slataper, elle tint un salon littéraire, tout en publiant plusieurs œuvres théâtrales.
Amie de Slataper, puis de Stuparich (qu’elle épousa après la guerre), Elody Oblath ne quitta jamais sa ville natale. En 1944, elle et son mari furent internés dans le camp de concentration établi dans la risiera di San Saba, à l’intérieur même de la ville de Trieste, mais ils purent survivre.
69 Le poète Virgilio Giotti (1885-1957), né d’une mère italophone et d’un père germanophone (son vrai nom était Schönbeck), tous deux sujets austro-hongrois, se réfugia à Florence en 1907, pour échapper au service militaire. Sans être à proprement parler irrédentiste, il refusa de revenir dans sa ville natale avant son annexion par l’Italie.
70 Italo Svevo (1861-1928), de son vrai nom Ettore Aronne Schmitz, avait pour père un Allemand, pour mère une Italienne (d’où son nom d’auteur, qui signifie, littéralement : Italo-Souabe) tous deux juifs. Sans avoir fait d’études littéraire, Svevo, tout en travaillant dans l’entreprise paternelle produisit une œuvre littéraire exceptionnelle, qui ne fut reconnu que sur le tard. Son livre le plus célèbre, La conscience de Zeno, publié en 1923, l’a fait comparer à Kafka, lui aussi pur produit de la Mitteleuropa, lui aussi ayant toujours vécu dans une ville (Prague) aux identités et loyautés multiples, et bien souvent antagonistes.
Svevo était membre de la Dante Alighieri mais, très attaché à l’ambiance multiculturelle Mitteleuropa de Trieste, et allergique à tout fanatisme, à tout nationalisme, il n’exprima jamais de sympathie pour l’irrédentisme politique et resta à Trieste pendant toute la guerre.
71 Umberto Saba (1883-1957), comme beaucoup de triestins, avaient des origines multiculturelles : son père, Italien, et irrédentiste, l’abandonna à sa naissance. Sa mère, juive et italophone, ne s’étant guère occupé de lui, le petit Umberto fut élevé par sa nourrice, une Slovène.
En 1903, Saba alla poursuivre des études à Pise, où il collabora au journal La Voce. Il se rangeait parmi les irrédentistes les plus modérés et désapprouva leur alliance avec les nationalistes italiens. Et contrairement à la plupart de ses camarades, il n’applaudit pas à la déclaration de guerre de 1915.
En 1920, il retourna à Trieste, s’y fit libraire tout en poursuivant son œuvre poétique. Il ne se rallia jamais au fascisme et échappa de justesse aux persécutions, en 1938 puis en 1943.
72 Le 7 mai 1905, Salvatore Barzilai envoya un télégramme au rédacteur en chef du Piccolo, lui affirmant que son journal « avait plus nuit [à l’Autriche] qu’un corps d’armée » (cité en allemand par Johann-Rudolf Hahnekamp, ouvr. cité, p. 26).
73 Rapport de la direction de la police de Trieste au procureur daté du 6 juin 1889, cité par Alberti Mario, 1936, L’Irredentismo senza romanticismi, Côme, Cavalleri, p. 100.
74 Cité par Krawanja Angelika, ouvr. cité, p. 37.
75 Ibid., p. 79.
76 René Henry enseignait les relations internationales à l’École libre des Sciences politiques. C’était aussi un grand voyageur et un des trop rares Français à bien connaître l’Europe centrale.
77 Henry René, 1902, L’Italie, l’Autriche-Hongrie et l’Alliance russe, p. 53.
78 Un industriel triestin cité en allemand par Gombac B. M, 1999, Zwei Namen, eine Identität, Spaziergang durch die Historiographie der Stadt Triest 1719-1980, Ljubljana, édition d’état de Slovénie, p. 52.
79 Vivante Angelo, ouvr. cité, p. 218.
80 Scipio Slataper, 1954, Scritti politici, édition Mondadori, p. 45.
81 Aflerbach Holger, 2002, Der Dreibund, Vienne, Böhlau, p. 794.
82 La Neue Freie Presse, citée en italien par le Corriere du 27 août 1913.
83 Stampa du 27 mars 1914.
84 Corrieredu 3 mai 1914.
85 Voir Faleschini Moana, ouvr. cité, p. 127.
86 Lors du recensement de 1910 (aux résultats fort contestés par les Slovènes) 68 % des Triestins avaient donné l’italien comme langue d’usage. Mais, si on enlevait les Régnicoles établis à Trieste, la proportion descendait à 55 %.
87 Ce n’est pas un hasard si Gianni Stuparich consacra un ouvrage (paru en 1916, mais rédigé bien avant le début de la guerre) à la nation tchèque.
88 Bosetti Gilbert, 2006, De Trieste à Dubrovnik, une ligne de fracture au sein de l’Europe, Grenoble, Ellug, p. 166.
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