Mythe et idéologie dans la poésie de Louis Aragon et de Władysław Broniewski : Magnitogorsk, une Jérusalem nouvelle ?
p. 125-144
Texte intégral
1Pour interroger les relations entre le mythe apocalyptique de la Jérusalem nouvelle, les utopies politiques et leurs dérives idéologiques, j’emprunterai dans cet article qui veut lui rendre hommage les voies suivies par Chantal Foucrier dans ses nombreuses études des champs croisés du mythe antique (en particulier celui de l’Atlantide) et de l’idéologie.
2Le texte de l’Apocalypse décrit de façon allégorique et symbolique les modalités de l’avènement d’un monde et d’un homme nouveaux en interprétant l’Histoire comme un temps d’épreuves à traverser : les fléaux qui ravagent la terre sont les nécessaires prémices d’un enfantement. À la fin de l’Apocalypse, la description de la Nouvelle Jérusalem débute ainsi : « Puis je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Ap 21, 1). Déjà, dans le livre du prophète Isaïe, on pouvait lire ces paroles de Yahvé : « À mes serviteurs sera donné un nom nouveau […] Car je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle et on ne se souviendra plus du passé » (Is, 65,15). Suit alors un long développement qui n’est pas sans rapport avec notre propos :
Là, plus de nouveau-né qui ne vive que quelques jours, ni de vieillard qui n'accomplisse son temps. Mourir à cent ans ce sera mourir jeune, et ne pas atteindre cent ans sera signe de malédiction. Ils bâtiront des maisons qu’ils habiteront, ils planteront des vignes dont ils mangeront les fruits. Ils ne bâtiront plus pour l’habitation d’un autre, et ne planteront plus pour la consommation d’un autre. Car les jours de mon peuple égaleront les jours des arbres, et mes élus useront ce que leurs mains auront fabriqué. Ils ne peineront pas en vain, ils n’auront plus d’enfants destinés à leur perte, car ils seront une race bénie de Yahvé, et leur descendance avec eux (Is, 65, 20-23).
Mais là où, conformément à la tradition prophétique qui envisage le salut dans l’Histoire, Isaïe évoque les réalités quotidiennes du peuple d’Israël, l’Apocalypse reste plus générale (« de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé », Ap, 21, 4), rejoignant en partie l’interprétation spirituelle de saint Paul (Ep, 4, 22, Rm, 5, 12-21 et 1Co, 15, 22-45). Le texte de saint Jean privilégie pourtant les bouleversements, les guerres, les fléaux, autrement dit la fin du monde et de l’Histoire nécessaires à l’émergence de la Nouvelle Jérusalem. Le concept (ou le mythe) d’un monde nouveau suppose une pensée (ou un imaginaire) d’un temps linéaire, orienté vers un futur qui serait la réalisation d’une promesse ou d’un projet, l’avènement d’un temps radicalement autre que le passé et le présent mais qui puise en eux, et pas seulement en s’y opposant, une puissance mobilisatrice. La confiance dans cet avenir est toujours rapportée à un événement passé (historique, symbolique ou mythique) qui le fonde, l’oriente et le structure, si bien que le texte apocalyptique a pu être lu tour à tour comme un « petit traité d’évolution historique » (Eco) et comme les mémoires ou « métamorphoses » de l’âme (Jung) : sa puissance mythique s’en trouve décuplée.
3Au début du xxe siècle, marqué entre autres par les horreurs de la Grande Guerre et ses conséquences sociales et économiques, plus que la lecture spirituelle c’est l’interprétation historique de l’Apocalypse qui s’est imposée, relayée plus ou moins directement par les analyses et les réévaluations qu’en avaient proposées Luther, Herder, Kant ou Nietzsche et par le précédent de la Révolution française dont Mona Ozouf1 a montré comment elle avait tenté de laïciser une espérance biblique en l’homme et le monde nouveaux qu’elle devait enfanter. Dans Les années 1930, La fabrique de « l’Homme nouveau2 », Laura Bossi écrit :
La création d’un homme nouveau, d’une race, d’un peuple est un leitmotiv des années trente. Cet homme nouveau qu’appelaient déjà de leurs vœux les révolutionnaires, les scientifiques ou les poètes des années vingt, de Trotski à Marinetti, les régimes totalitaires de l’Union Soviétique stalinienne, de l’Italie fasciste et de l’Allemagne national-socialiste entreprirent de le forger3.
Le mythe apocalyptique se fait alors le véhicule, ou le passager clandestin selon les cas, de l’idéologie. C’est ce que Jean-Pierre Sironneau nomme les dérives idéologiques de l’imaginaire religieux et qu’il étudie en tant que religions politiques4 :
L’idéologie politique, surtout dans ses variantes les plus révolutionnaires, s’est estimée capable non seulement d’expliquer scientifiquement l’histoire passée mais aussi d’apporter le salut pour l’avenir promettant une société quasi parfaite à l’horizon de l’histoire5.
Et même si certains chercheurs ont récusé la présence du mythe dans l’idéologie, d’autres se sont au contraire attachés à en montrer la forte prégnance mythique. Dans son Anthropologie structurale, Lévi-Strauss remarquait que « rien ne ressemble plus à la pensée mythique que l’idéologie politique. Dans nos sociétés contemporaines peut-être celle-ci a-t-elle seulement remplacé celle-là6. » Le discours idéologique d’apparence rationnelle s’enracine souvent dans un terreau mythique sous-jacent, en particulier pour ce qui nous intéresse : le rêve de la société communiste nouvelle réactive les espérances d’un royaume millénaire de paix, de justice et de bonheur que le temps de la révolution, temps de luttes et de violences, est censé préparer. Pour Trotski, Lénine puis Staline, l’événement passé mais toujours encore à venir, celui qui fonde l’espérance dans un monde et un homme nouveaux, ce n’est pas la résurrection du Christ comme pour saint Paul7 mais la révolution bolchevique. « On peut [donc] retrouver dans l’idéologie communiste une parenté de structure avec le scénario mythique des millénarismes8 », et les promesses d’Isaïe citées plus haut consonnent étrangement avec les lendemains qui chantent et les promesses communistes d’une fin de l’exploitation des travailleurs. L’historien roumain Lucian Boia a très bien étudié ces résurgences dans La fin du monde, une histoire sans fin9.
4Notons toutefois que les mythes bibliques, eschatologiques ou millénaristes ne sont pas les seuls à nourrir l’imaginaire du monde et de l’homme nouveaux : comme l’a bien montré Chantal Foucrier, l’Atlantide y côtoie la Nouvelle Jérusalem10 et Prométhée le Christ (d’ailleurs souvent rapprochés sinon toujours assimilés par de nombreux auteurs). Le mythe prométhéen de l’homme nouveau dans un monde nouveau, explicite au cœur du projet soviétique, se conjugue au scénario millénariste du mythe révolutionnaire (« Du passé faisons table rase […] Le monde va changer de base11 »). Éduqués par le matérialisme dialectique qui est le moteur de l’Histoire, le travailleur, le prolétaire et le guerrier seront ce Titan, homme de marbre ou de fer. Gorki parle du « surhomme soviétique » et présente les grands chantiers staliniens, comme le projet de construction du canal de la Mer blanche ou celui de Magnitogorsk qui nous servira d’exemple, comme des « lieux de naissance de l’homme nouveau12 ». À cette foi dans la capacité de la science et de la technique d’engendrer un nouveau monde, il faudrait ajouter l’éducation idéologique des masses à laquelle participent la propagande et l’art. L’artiste a une fonction sociale essentielle, il est chargé de façonner l’imaginaire et de mobiliser les énergies. Prophète d’un monde nouveau, c’est l’homme en marche, qui œuvre au Plan au même titre que l’ouvrier sur le chantier. Le sens de cette « mission » a dépassé les frontières de la Russie bolchevique et de ses satellites, touchant aussi les intellectuels et les artistes des pays occidentaux. Nous nous en tiendrons ici aux exemples de la Pologne et de la France, et ces quelques vers qu’Adam Ważyk dédie à Paul Éluard en 1948 et qu’Aragon publiera dans Les Lettres françaises en 1955 en sont un témoignage éloquent :
Camarade Éluard, camarade d’espoir,
Les mineurs sont en grève aux bassins d’occident […]
Dans mon sang pèsent le charbon
Et le métal de Silésie
Et la joie des mineurs qui dépassent le plan […]
Il est un pays où l’on transforme le cœur des hommes
Un pays où le plan qu’ont décidé les hommes
Transforme même le climat13.
Telle est la puissance de la foi ou de l’utopie : elle transforme le cœur des hommes, leurs rêves… et même la réalité.
5Exactement contemporains (nés tous deux en 1897), Louis Aragon et Władysław Broniewski sont, parmi tant d’autres, un témoignage exemplaire de cette « mission », tout particulièrement dans les poèmes consacrés au combinat de Magnitogorsk que nous retiendrons ici. Dans les années 1920, Broniewski rejoint la mouvance communiste, collaborant à plusieurs organes de cette tendance : Nowa Kultura, Kultura Robotnicza. Le recueil Hourra l’Oural, publié en 1934, est un véritable hymne à l’industrialisation de l’Oural, à l’émergence d’un homme, et peut-être surtout d’un poète, nouveau. Plus tard, Aragon écrit :
Et tenté de rendre ici l’extraordinaire sentiment qui s’était emparé des voyageurs que nous étions de nous trouver dans une sorte de Far West à ses débuts, avec le bouillonnement du travail, la bigarrure extraordinaire de gens rencontrés, à l’hôtel même comme dans les rues, le sentiment de se trouver devant un monde nouveau, aux premiers jours de sa création14.
S’agissant de ce monde nouveau, le mythe soviétique emprunte les chemins du mythe américain ! Le reportage de Paul Vaillant-Couturier paru en 1932 sous le titre Les Bâtisseurs de la vie nouvelle n’est pas étranger au recueil d’Aragon :
La Ville Socialiste groupe ses hauts bâtiments autour de l’école. Et tout est école, depuis l’usine jusqu’au club, au théâtre, au cinéma […] Là vivent des hommes nouveaux dans les joies alternées du travail et du repos15.
6Broniewski quant à lui n’a pas consacré de recueil entier à cette « extraordinaire expérience », mais certains poèmes et certains textes autobiographiques attestent du même idéal et du même enthousiasme. Comme Maïakovski célébrait en 1928 dans Ekaterinenbourg-Sverdlovsk16 les villes de l’Oural, ces deux poètes se font les chantres de Magnitogorsk. Dans un texte plus tardif, Broniewski confirme : « Et en effet, nous rêvions de Magnitogorsk, nous parlions de Magnitogorsk, des haut-fourneaux de Magnitogorsk », mais il ajoute alors, avec la distance temporelle et critique : « nous ne savions pas alors […] que ce Magnitogorsk avait été construit sur des cadavres humains17 ». Dans sa postface de 1975 à Hourra l’Oural, Aragon prenait aussi quelque distance avec son enthousiasme et son aveuglement d’antan en reprenant ces notes jetées sur l’exemplaire d’un ami : « Et dire que je le croyais18. » Et dans « Circonstances de la poésie en 1934 », il notait : « Ô jeunes gens de 1975, aujourd’hui savez-vous ce que c’est que le rire amer19 ? »
7Cependant, dans les années trente, c’est encore le temps de l’enthousiasme idéologique et de la foi dans la mission sociale et politique du poète : Hourra l’Oural ! Cette exclamation qui intitule le recueil joue sur la reprise des sonorités et le calembour qui peut en résulter ; elle condense le projet de l’œuvre, tout à la fois slogan et épopée (« J’ai écrit un vaste poème dans le grand genre qui classera définitivement mon cas20 »). Il s’agit certainement aussi d’une allusion délibérée à « La question du printemps » où Maïakovski écrivait :
[des habitants]
à midi
chaque jour
se rassemblent sur la Place Soviétique
et crient cent fois
Hourra !
Hourra !
Hourra !21
D’une certaine manière en effet, avec Hourra l’Oural, Aragon, qui vient de rompre avec le surréalisme de Breton, se mesure à Maïakovski dont il s’inspire dans la recherche d’une écriture révolutionnaire et d’une nouvelle identité poétique pour exalter en la ville socialiste nouvelle de Magnitogorsk l’aube d’une révolution et l’entrée dans un monde nouveau.
8Aragon et Broniewski connaissent bien Maïakovski qui resta maître de son art, tout en faisant de sa poésie un lieu et un outil de propagande, qui fut l’incarnation emblématique de cette « mission » ; son suicide en 1930 cristallisa définitivement l’image tourmentée de poète révolutionnaire. Tous deux l’ont en effet rencontré et traduit (Aragon avec l’aide d’Elsa Triolet qui fut passagèrement, et avant sa sœur Lili Brik, l’amie de Maïakovski). Broniewski affirme même : « Maïakovski, le plus important de tous, m’a montré un monde complètement nouveau22. » Et un art nouveau. Aragon va quant à lui changer de thèmes, de forme, de poétique en donnant au recueil Hourra l’Oural des airs d’épopée futuriste du charbon, de l’acier et de l’électricité, sous le signe idéologique de la révolution prolétarienne :
et des léopards de feu se détachent au passage des wagonnets
le long du combiné des sous-produits chimiques
Tonnerre du minerai tombant au concasseur
Tonnerre du rire des hauts fourneaux
Tonnerre d’applaudissements des eaux du barrage […]
Il y a des mouchoirs rouges avec des mots blancs
Tendus au travers du ciel des routes […]
Il y a
De l’idéologie en pagaye au déballez-moi ça des monts […]
De grands types circulent entre les épaules de la terre
Et sous leurs mains calleuses familièrement
Claque le flanc de l’avenir23.
Si bien que dans le poème suivant qu’il faudrait citer tout entier, scandé qu’il est par un refrain lancinant (« Magnitogorsk / la nuit est belle / Magnitogorsk / est-ce toi »), Aragon, qui confond jusque dans le titre (« Les amants de Magnitogorsk ») l’amour humain et celui d’une ville, peut se réjouir en ces termes :
Tout le ciel est à la jeunesse
et la jeunesse à l’avenir
L’avenir à chaque instant presse
le présent d’être un souvenir. […]
*
Chantons les nouvelles romances
d’une nouvelle passion
en gardant les travaux immenses
nés de la Révolution
Et le poème s’achève sur :
Magnitogorsk
Oui c'est bien elle
Magnitogorsk
Et c'est moi24
Elle : Magnitogorsk, la ville nouvelle de pierre et d’acier comme la Jérusalem minérale de l’Apocalypse ? Elle : la femme aimée ? Et devant elles, le poète, comme Jean qui confond aussi, dans sa vision dernière, la ville sainte et la fiancée de l’agneau (Ap 21, 9-27).
9Avec « L’An Quinze de la Révolution », le recueil s’achève sur un acte de foi et un encadré majestueux, que le poète fait sien :
Un jour viendra sans doute
*
Et dans le ciel de Six heures il y avait
Un grand écriteau rouge où l’on lisait
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Ce salut, Broniewski l’a lui aussi formalisé un peu plus tard, en 1949, dans un long poème consacré à Staline, avec les mêmes références à la révolution industrielle par qui adviendront un homme et un monde nouveaux :
Marx a dit La révolution est la locomotive de l’histoire
Et Lénine l’a faite […]
*
La révolution est la locomotive de l’histoire
Gloire à ses mécaniciens […]
Gloire aux étincelles flamboyantes
*
Gloire à ceux qui dans le feu et dans le froid
Ont persévéré comme un bloc de granit […]
*
Là – le chômage, les grèves, la faim
Ici – Le tracteur inspiré.
Le peuple vainqueur fait l’histoire […]
*
Un nouveau monde naît
L’ancien monde explose comme un atome.
Ce monde nouveau qui surgit après l’explosion de l’ancien a les couleurs bibliques de la terre promise par Isaïe (Is 32, 15 ; 35, 6 ; 41, 18 ; 43, 19…) ou celles de la Jérusalem nouvelle de saint Jean (Ap 21-22) :
Nous renverserons le cours des rivières
L’eau rendra fécond le désert
Nous pousserons le xxe siècle
Vers le bonheur de la patrie mondiale.
Après la partie VIII, scandée par le nom majuscule de Staline, le poème s’achève sur :
Gloire au nom de Staline
La paix pour le monde, la paix26 .
On pense à « Hymne », où Aragon glorifie aussi la parole performative des bolcheviks comme Broniewski celle de Staline :
Ils ont rendu l'homme à la terre
Ils ont dit Vous mangerez tous
Et vous mangerez tous […]
*
Ils ont mis en chantier la terre
Ils ont dit le temps sera beau
Et le temps sera beau
*
Ils ont fait un trou dans la terre
Ils ont dit Le feu jaillira
Et le feu jaillira […]
Gloire sur la terre et les terres
Au soleil des jours bolcheviks
Et gloire aux Bolcheviks27
À part la mort des dieux prophétisée dans la deuxième strophe (non citée), on retrouve ici des accents d’Isaïe.
10À côté de ces hymnes tonitruants et de ces professions de foi, d’autres poèmes prennent un tour plus personnel. Dans « Magnitogorsk ou Conversation avec Jan28 », Broniewski revisite avec humour et sensibilité son emprisonnement de 1931 avec l’équipe du Miesięcznik literackie (Jan Hempel, Stanisław Ryszard Stande, Aleksander Wat et quelques autres). Il évoque « la cuirasse de la dialectique » qui protège son compagnon de l’horreur du cachot quand il se sent quant à lui protégé par « un léger nuage de poésie29. » Malgré son âge, sa maladie, sa détention, Jan en effet rappelle à son ami qu’« à Magnitogorsk / aujourd’hui deux hauts fourneaux démarrent30. » C’est précisément la force de la « dialectique » qui maintient Jan en vie, le transporte en esprit à Magnitogorsk et transforme ainsi l’horreur de son cachot. Le poète est là, quant à lui, pour témoigner et dire le miracle d’une métamorphose imaginaire en laissant deviner toute son émotion, et l’on ne sait plus où est la raison dialectique ni où la poésie, où le socialisme réel ni où le rêve triomphant :
L’aube était grise, elle rampait à contrecœur
Comme si elle devait être égorgée au-dessus de la ville
Et je pensais : quelle beauté
Dans cet immonde cachot treize […]
Ils flamboyaient dans la maison d’arrêt
Les hauts fourneaux de Magnitogorsk31.
Magnitogorsk : les hauts fourneaux de l’utopie.
11C’est d’enthousiasme, d’émotion et d’humour aussi qu’il s’agit dans « Magnitogorsk 1932 » d’Aragon32. Non pas dans l’évocation de la ville nouvelle qui, comme on l’a vu précédemment, reconduit les images attendues d’une Jérusalem céleste socialiste (« Et puis nous remonterons vers la ville socialiste33 »), et qui peut être rapprochée de ces vers plus tardifs de Broniewski :
Je veux que des ruines de Varsovie le socialisme s’élève en béton armé,
Je veux que sur la tour de l’église Sainte-Marie flotte le drapeau rouge34,
mais bien dans la mise en œuvre poétique, les apartés, le langage parlé, les jeux de mots ou de sonorités, l’humour. Citons par exemple « quand on pense que le blooming35 n’a pas encore son poète » ou le rapprochement des souliers pendus à des poutrelles et de « l’anti-Duhring à l’éventaire du bouquiniste36 », rapprochement tout aussi insolite que « la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie » (Lautréamont dans le sixième chant de Maldoror, fort apprécié des surréalistes). Est-on si loin du futurisme de Maïakovski ou du surréalisme de ce même Aragon ? On comprend que le petit cheval n’y comprenne rien. Et d’ailleurs, ce petit cheval, quel est-il ? Peut-être un souvenir de la visite qui se fit très certainement, comme celle de Paul Vaillant-Couturier, au galop des « chevaux rapides » du directeur de la mine : « Les chevaux de Magnitogorsk profitent de leur dernière gloire […] ils sont les derniers souvenirs de la steppe37. » Le petit cheval a donc valeur de symbole : il traverse tout le poème et la ville nouvelle sans en comprendre les enjeux ; mais il n’est pas accusé, bien au contraire : témoin naïf des bouleversements, il semble pris en affection par le poète comme le suggèrent l’adjectif affectif « petit » et la reprise régulière du vers initial « le petit cheval n’y comprend rien » qui transforme le poème en ballade énigmatique. Dans sa « Postface à l’Oural » écrite en 1975 pour la publication de ses œuvres complètes, Aragon écrit :
Ce poème, écrit en 1933-1934, alors que le voyage est de 1932, s’est substitué au reportage qu’on attendait de moi […] Mais il me semble, avec plus de quarante ans de recul, que le paysage de l’Oural a tout de même perdu à passer de la prose initiale à cette versification du souvenir. […] Au fond, si je désirais que vous ne vous trouviez pas devant l’Oural comme « le petit cheval » devant Magnitogorsk […] peut-être aurait-il fallu recomposer Hourra l’Oural tout entier en récit de voyage, et suivre ainsi le « petit cheval » que j’étais sans doute d’étape en étape, dans l’ordre de notre voyage, s’étonnant des spectacles qui s’offraient à lui, de ville en ville, ou plutôt de chantiers en chantiers38.
12Ce petit cheval, c’est donc tout à la fois le visiteur, le lecteur, le poète. Contrairement au chroniqueur d’un reportage qui se serait attaché au réel, le poète est celui qui, à quelques années du voyage, donne sa vision utopique du monde, entre rêve et réalité. À la fin de « Magnitogorsk 1932 », Aragon interpelle directement le petit cheval : « tu n’y comprends rien » ; il se fait alors son éducateur, non sans quelque distance ironique prise en charge par le changement de typographie et de rythmique qui miment les slogans staliniens :
….…. Écoute
Petit cheval les mots radiophoniques qui sont
La clé de ce rébus d’Oural […]
*
La
Technique
Dans la période de reconstruction
Décide
De tout39
De tout : de l’électrification, du télégraphe, comme de l’enchaînement des steppes, des collines, et de la soumission sans faille à l’idéologie,
Les mots de métal
Volent
Le long de la route au vent malicieux des poteaux télégraphiques […]
Le paysage est un géant enchaîné avec des clous d’usines
Le paysage s’est pris les collines dans un filet de baraquements […]
Le paysage est à genoux dans le socialisme40
13Le paysage, comme un nouveau Christ, un nouveau Prométhée ? Au vu des termes qui la précédent (« géant enchaîné », « pris dans les filets »), il semble difficile de comprendre l’expression « à genoux dans le socialisme » comme évoquant la prière ou l’adoration. Il s’agit bien de soumission. Le poète demande avec insistance à son petit cheval de le comprendre lui (« petit cheval comprends-moi bien41 »). Comme Jean dans l’Apocalypse voulait révéler les secrets de l’Histoire à « ceux qui ont des oreilles pour entendre » et assez « d’intelligence pour interpréter » tous les signes, même les plus inquiétants42 ? Dans « 1929 » où le toponyme Gora Atache constitue peut-être un jeu verbal (rappelons que Magnitogorsk c’est la « montagne de l’aimant », la montagne (góra) qui attache43), Aragon reprend sur un tout autre registre la silhouette du cheval et du cavalier pour donner une vision fantastique, onirique et apocalyptique de l’Oural :
Gora Atache
Sur un cheval minuscule
un homme vêtu d’un long manteau vert rêve
pareil aux anciens chevaucheurs de mondes
au temps des migrations des peuples
petits jaunes et bruns44
Image hallucinatoire qui déploie, entre légende et histoire, poète et conquérants, rêve et réalité, un nouveau mythe de l’Oural. Car oui, « L’Oural rêvait / car l’Oural rêve / lui aussi de temps en temps45 ». Et le poète rapporte ses légendes :
On dit
que c’est l’enfer ici […]
On dit
que c’est le cœur électrique de nuits […]
On dit on dit encore
que c’est la prunelle du silence46
14C’est dans ce décor hostile et ténébreux que surgit un cavalier de l’Apocalypse qui rêve sans entendre encore « le pas / soviétique venir vers [lui] pour illustrer le mot de Marx47. » Comme le Christ qui vient comme un voleur au jour du Jugement ? L’Apocalypse promet une Jérusalem céleste après la destruction du monde ancien, le poème promet quant à lui l’étoile nouvelle de Magnitogorsk au-delà de « la vieille terre » de Gora Atache : « au-delà » de ses légendes noires, au-delà du « désespoir » et de la « dévastation », au-delà du piétinement inutile du cheval minuscule48, le « pas soviétique » de « 1929 » prépare les poèmes suivants (« Hymne », « 1930 », « 1932 » ou « Les amants de Magnitogorsk ») qui œuvrent à la transformation du monde :
Il dit ce que cela sera
Magnitogorsk Magnitogorsk
Entendez-vous Magnitogorsk49
C’est presque dire Jérusalem. Mais le petit cheval de « 1932 » ne comprend « rien de rien » : pas plus aux grandes chevauchées passées et à venir de l’histoire des peuples, qu’aux antiennes staliniennes de la reconstruction. Quand Aragon interpelle directement ce petit cheval et qu’il évoque Gora Atache, ne se fait-il pas une fois de plus l’écho de son prédécesseur Maïakovski, qui avait écrit en 1927 un conte poétique Le Petit Cheval de feu, poème en espalier50, sorte de parabole en l’honneur des artisans qui construisent un petit cheval de carton, mais qui postule dans le même temps le droit au rêve, et derrière les derniers mots duquel (« Va aider Boudienny51 ») se « profile l’ombre de l’irréductible cavalier conquérant qui sommeille en chacun de nous52. » Dans sa « lecture de 1929 », Maïakovski écrivait :
Cheval ne pleure pas
Écoute-moi
Pourquoi penses-tu être pire que nous
Cheval chéri,
Nous sommes tous un morceau de cheval
Tous un cheval en devenir53 [lien obsolète].
Le cheval est une figure omniprésente, jusque dans Comment faire des vers, où le poète russe affirme : « ce qu’il y a à l’intérieur des chevaux en carton intéresse les enfants et les jeunes écoles littéraires également54 ». Le poète est un artisan de la révolution. Aragon aussi qui, par ses mots, ses images et ses rythmes, dévoile les rébus de l’idéologie et le sens de l’Histoire. Dans Hourra l’Oural le choix de la forme poétique est bien ce qui « inscrit le temps présent dans un processus de maturation historique, vers l’avènement d’une geste révolutionnaire, une fin de l’histoire, qui permet la réalisation de l’utopie. Une rêverie moderne est ici à l’œuvre, celle du dynamisme de l’Histoire en marche, héritée du xixe siècle55. » Cependant, par l’intermédiaire de ce petit cheval, le poète est aussi celui qui en signale − même subrepticement − les limites, jusque dans ce poème qui demeure cependant, en dépit de quelques vers plus ou moins décalés, un éloge de l’URSS et un texte de propagande.
15Dans « Ce que dit Elsa » (Elsa qui était aussi pour lui la voix de Maïakovski), Aragon rappellera la fonction du poète :
Que ton poème soit l’espoir qui dit À suivre
Au bas du feuilleton sinistre de nos pas
Que triomphe la voix humaine sur les cuivres
Et donne une raison de vivre
À ceux que tout semblait inviter au trépas
*
Que ton poème soit dans les lieux sans amour
Où l’on trime où l’on saigne où l’on crève de froid
Comme un air murmuré qui rend les pieds moins lourds
Un café noir au point du jour
Un ami rencontré sur le chemin de croix56
Dans « La jarre poétique57 » où Broniewski convoque par deux fois le nom d’Aragon58, certains vers se font précisément l’écho de « Ce que dit Elsa » au point que l’on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une référence (et d’une révérence) au poète français :
[…] là où l’on saigne,
où l'on souffre, où l’on est immolé,
[…] là est l’Amour […]
Là où l’on s’affronte
à la Mort ; le Chant, l’Amour guident les pas59.
À moins, et ce n’est pas incompatible, qu’il s’agisse d’une commune référence à celui qui vit au cœur de leurs poèmes, Maïakovski, figure christique de la révolution :
Je suis là où se trouve la douleur
À chaque larme qui s’enfuit
Sur ma croix je me crucifie60.
Dans « L’ouvrier de Radom », Broniewski confessait : « Je ne sais pas ce qu’est la poésie », mais ajoutait :
Je ne sais pas ce qu’est la poésie
Elle ressemble à la baguette de Moïse
Elle fait jaillir une source du roc
Elle sait tuer elle fait revivre61.
Travail tout apocalyptique. Le poème suivant s’achevait sur cette injonction, liée dans ce recueil à la guerre mondiale, mais modulé diversement dans de nombreux poèmes : « Tu dois inventer un poète nouveau62. » Quand il s’adresse à ses amis poètes, il écrit en effet avec des accents de prophète apocalyptique :
Nous,
Les incendiaires des cœurs,
Les dynamiteurs des consciences
Les récidivistes du rêve
De la colère et de l’enthousiasme […]
Il viendra le jour,
Il viendra le jour,
Et nous allumerons joyeusement le feu63 !
Comme l’ange de l’Apocalypse avait affirmé à Jean « le temps est proche […] voici je viens bientôt » (Ap 22, 11 et 22, 12), et Aragon répété dans « L’An quinze de la Révolution » : « un jour viendra sans doute64. »
16Mais ce jour est-il advenu ? Le poète nouveau qui selon Maxime Gorki est né symboliquement à Magnitogorsk, celui qui guide le peuple, entretient l’espérance d’un monde idéal que son chant aide à promouvoir, s’est heurté au « socialisme réel65. » L’utopie de Magnitogorsk n’a pas résisté aux dérives d’une idéologie totalitaire, ses hauts fourneaux n’ont que peu « flamboyé66 » des feux mythiques d’une Jérusalem nouvelle67.
Bibliographie
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Aragon Louis, Les Yeux d’Elsa, Paris, Éditions de la Baconnière, 1942.
Aragon Louis, « Circonstances de la poésie en 1934.2 », dans L’Œuvre poétique, t. VI, Paris, Club Diderot, 1979.
Aragon Louis, Œuvres poétiques complètes, préface de Jean Ristat ; édition publiée sous la direction d'Olivier Barbarant ; avec… la collaboration de Daniel Bougnoux, François Eychart, Marie-Thérèse Eychart… [et al.], 2 vol., Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2007.
Boia Lucian, La Fin du monde, une histoire sans fin, Paris, La Découverte, 1999.
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Notes de bas de page
1 M. Ozouf, L’Homme régénéré. Essais sur la révolution française, 1989, p. 130.
2 L. Bossi, Les années 1930. La fabrique de « l’Homme nouveau », 2008.
3 Ibid., p. 36.
4 Voir J.-P. Sironneau, Sécularisation et Religions politiques, 1982 ou Figures de l’imaginaire religieux et Dérive idéologique, 1993.
5 J.-P. Sironneau, « Idéologie et mythe », dans D. Chauvin, A. Siganos et P. Walter (éd.), Questions de mythocritique, 2005, p. 85.
6 C. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, 1958, p. 231.
7 Pour saint Paul à qui l’on doit l’expression même d’homme nouveau (Ep, 4, 22, Rm, 5, 12-21 et 1Co, 15, 22-45), cet événement fondateur est la résurrection du Christ. Les temps sont déjà accomplis mais pas encore achevés : tout est dans cette tension entre le déjà-là et l’à-venir.
8 J.-P. Sironneau, « Idéologie et mythe », art. cit., p. 188.
9 L. Boia, La Fin du monde, une histoire sans fin, Paris, 1999.
10 Voir C. Foucrier, « Mythologie et idéologie, l’Atlantide et l’Homme Nouveau dans la littérature européenne de l’entre-deux-guerres », dans Modernités antiques, 2014, p. 63-79.
11 Paroles de L’Internationale, écrite en 1871 par Eugène Pottier et devenue hymne national soviétique de 1918 à 1943.
12 Cité par L. Bossi, ouvr. cité, p. 38.
13 Le poème est traduit par C. Dobrzynski. S’agissant d’un poète, il peut être dommage que le traducteur ait changé « dans mes mots pèsent le charbon et le métal de Silésie » en « dans mon sang pèsent le charbon et le métal de Silésie ». Édition originale : « Do Pawła Eluard », (Nowe wiersze) dans Nowy Wybór Wierszy, 1950, p. 99. (Nous soulignons).
« Towarzyszu Eluard, towarzyszu nadziei,
Wzagłębiach Zachodu górnicy strakują […]
W moich słowach jest węgiel i metale Śląska,
Górnicy przekraczają plan […]
Jest kraj, gdzie zmienia się człowieka wnętrze,
Jest kraj, gdzie plan zmienia klimat. »
14 Aragon, Œuvres poétiques complètes, t. 1, 2007, p. 600. Sauf avis contraire, toutes les références à l’œuvre poétique d’Aragon renvoient à cette édition.
15 Cité par P. Juquin dans Aragon, un destin français, t. 1, 2012, p. 577.
16 Екатеринбург - Свердловск. Впервые - газ. “Уральский рабочий”, Свердловск, 1928, 29 января. Première publication à Sverdlovsk le 29 janvier 1928 dans Le Travailleur de l’Oural (“Уральский рабочий”).
17 « Rzeczywiście marzyliśmy Magnitogorskiem, mówiliśmy Magnitogorskiem, magnitogorskimi piecami ». Et « Wtedy naprawdę nie wiedzieliśmy […] że ten Magnitogorsk był zbudowany na trupach chłopów », cité par A. K. Waśkiewicz, Poezja Władysława Broniewskiego, 2001, p. 29.
18 Cité par O. Barbarant, dans Aragon, Œuvres poétiques complètes, ouvr. cité, p. 1381.
19 « Circonstances de la poésie en 1934. 2 », dans L’Œuvre poétique, t. VI, 1979, p. 179.
20 Lettre à G. Sadoul, cité par P. Juquin, ouvr. cité, p. 572.
21 « La question du printemps », 1929, cité par P. Juquin, ouvr. cité, p. 575. Publié pour la première fois dans la revue « Champ rouge » (Krasnaja niva), Moscou, 1923, no 14. V. Maïakovski, Œuvres complètes en 12 vol., 1978, vol. 2, p. 94-96.
22 « Majakowski, najważniejszy z nich wszystkich, pokazał mi nowe zupełnie światy », cité dans A. K. Waśkiewicz, Poezja Władysława Broniewskiego, ouvr. cité, p. 8.
23 « Magnitogorsk 1932 », dans Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 576.
24 « Les amants de Magnitogorsk », dans Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 578-579.
25 « L’An Quinze de la Révolution », ibid., p. 597.
26 Słowoo Stalinie. Nous traduisons. Le poème a été écrit en 1949 pour célébrer l’anniversaire de Staline. http://www.komsomol.pl/index.php?option=com_content&view=article&id=484:wadysaw-broniewski-sowo-o-stalinie&catid=37:wiersze&Itemid=55
« “Rewolucja-to parowózhistorii” -
powiedział Marks, zdziałał Lenin […]
“Rewolucja - parowóz dziejów…”
Chwała jej maszynistom!
Chwała płonącym iskrom! […]
Chwała tym, co wśród ognia i mrozu
jak złom granitowy trwali […]
Tam - bezrobocia, strajki, głód.
Tu - praca.Natchniony traktor.
Tworzy historię zwycięski lud […]
I rodzi się nowy świat,
świat stary pęka jak atom […]
Odwrócimy łożyska rzek
i pustynię woda użyźni,
popędzimy dwudziesty wiek
ku szczęściu Światowej Ojczyzny! […]
Chwała imieniu Stalina!
Pokój światu, pokój […] »
27 « Hymne », dans Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 573-574.
28 Broniewski, « Magnitogorsk albo Rozmowa z Janem », Krzyk ostateczny, dans Wiersze i poematy, PIW, Warszawa, 1980, p. 138-139.
29 Ibid. Nous traduisons « Jana chroni pancerz dialetktyki, / mnie – leciutki obłok poezji ».
30 Ibid. Nous traduisons « w Magnitogorsku/ dziś ruszają dwa wielkie piece ».
31 Ibid. Nous traduisons :
« Świt był szary, pełznął niechętnie,
Jakby mieli go zarżnąć nad miastem,
I myślałem sobie : « Jak pięknie
W tej parszywej celi trzynastej. […]
I płonęły w śledczym areszcie
Wielkie piece Magnitogorska. »
32 Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 575-577.
33 Ibid., c’est nous qui soulignons.
34 Traduction de K. Skansberg, dans K. Dedecius, Panorama de la littérature polonaise du xxe siècle, Poésie 1, 2000, p. 313.
« chcę, żeby z gruzów Warszawy rósł żelbetonem socjalizm,
chcę, żeby hejnał mariacki szumiał czerwonym sztandarem » extrait de “Syn podbitego narodu…” dans Bagnet na broń, Wydawnictwo "W Drodze", Jerozolima, 1943.
35 Le blooming est un laminoir transformant les lingots d’acier brut.
36 « Magnitogorsk 1932 », Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 577.
37 P. Vaillant-Couturier, cité par P. Juquin, ouvr. cité, p. 577.
38 Postface à Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 599-600.
39 « Magnitogorsk 1932 », dans Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 577.
40 Ibid.
41 Ibid.
42 Ap 2, 7 ; 2, 17 ; 2, 29 ; 3, 13 ; 3, 22 ; 13, 9 ; 13, 17-18 ; 17, 9.
43 Dans ses notes de l’édition de la Pléiade, à propos de ce toponyme, O. Barbarant note : « Le toponyme, sans doute transcrit par Aragon, n’a pu être identifié » (ouvr. cité, p. 1391). Et s’il s’agissait d’un jeu sur le nom même de Magnitogorsk ? L’ensemble du poème, qui orchestre la terre noire, le feu, le fer, l’aimant, la fonte et l’acier, semble légitimer cette hypothèse.
44 « 1929 », dans Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 572.
45 « Encore des paroles en l’air », dans Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 559.
46 « 1929 », dans Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 572.
47 Ibid. p. 573.
48 Ibid., p. 575.
« Gora Atache
Au-delà
De ton azur commence la Sibérie
Au-delà
De ton front commence le désespoir
Au-delà
De tes trésors c’est la dévastation qui commence
Le fleuve Oural qui sépare L’Europe de l’immense
Désert des démons légers des légendes
Lèche ton pied de métal
Entre le ciel et toi c’est une conversation de miroirs »
et ibid., p. 572 : « le sabot du cheval foule inutilement la terre ».
49 « 1930 », dans Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 575.
50 Édition bilingue russe-français, 2003.
51 Boudienny est un célèbre officier de la cavalerie tsariste qui rallia l’armée rouge pendant la guerre civile de 1918-1923.
52 Quatrième de couverture de l’édition bilingue de Le Petit Cheval de feu, poème en espalier, ouvr. cité.
53 « Lecture de 1929 », cité par G. Pressnitzer dans http://espritsnomades.com/sitelitterature/maiakowski.htlm
54 « Comment faire des vers » dans Vers et proses, trad. Elsa Triolet, 1957 (réed. 2014). Première publication : Дата создания : 1926. Источник : В. В. Маяковский, сочинения в двух томах. Москва, издательство « Правда », 1987/8 г.
55 F. Mahot-Boudias, « Hourra l’Oural (1934) de Louis Aragon, un poème utopique entre reportage de propagande et rêve politique », dans Les chantiers de la création, 2014 [en ligne, voir bibliographie], p. 11.
56 Dans Les yeux d’Elsa, Œuvres poétiques complètes, t. I, ouvr. cité., p. 799.
57 « Bania z poezją » ; l’édition de référence de ce poème inachevé et publié de façon fragmentaire avant le décès du poète (pour la partie I, dans W Drodze, Jerozolima, 1944, n. 14, p. 2 ; et pour la partie II, ibid., 1945, n. 2, p. 5) est : Broniewski, Wiersze, 1962.
58 Voir mon article « “L'histoire et mon amour ont la même foulée…” Broniewski sous le signe d'Aragon », Revue de littérature comparée, 2003/3, p. 275-292.
59 Ouvr. cité. Nous traduisons :
« […] wszędzie tam, gdzie krew,
Gdzie ból, gdzie zrywy całopalne,
[…] tam Miłość […]
Wszędzie, gdzie człowiek sie borykał
Na Śmierć, tam Pieśń, tam Miłość wiodła. »
60 Maïakovski, Nuage en pantalon, suivi de Écoutez !, Une viole un peu nerveuse, et de Flûte en colonne vertébrale, 2001.
61 « Robotnik z Radomia », dans Nadzieja, Wiersze i poematy, ouvr. cité, p. 284. Nous traduisons :
« Nie wiem, co to poezja,
Jest w niej coś z laski Mojżesza
Strumień dobz skały,
Umie zabijać wskrzeszać. »
62 « Innego wymyśl poetę », dans « O słowiczym okrucieństwie », Nadzieja, Wiersze i poematy, ouvr. cité, p. 287.
63 « Do przyjaciół- poetów », dans Krzyk ostateczny, Nadzieja, Wiersze i poematy, ouvr. cité, p. 127. Nous traduisons :
« Podpalacze serc,
Dynamitardzi sumień,
Recydywiści marzenia,
Gniewu i entuzjasmu […]
Przyjdzie dzień,
Przyjdzie dzień,
I radośnie będziemy podpalać ! »
64 Aragon, « L’An quinze de la Révolution », dans Hourra l’Oural, ouvr. cité, p. 597.
65 Voir les repentirs de Broniewski et d’Aragon.
66 L’image du flamboiement de l’industrie qui serait celui de la révolution prolétarienne parcourt les poèmes de Broniewski comme ceux d’Aragon.
67 À moins qu’ils ne la confortent : certains critiques ont dénoncé le « totalitarisme » de la vision biblique…
Auteur
Université de Paris-Sorbonne
CRLC
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