« Poésie virale », poétique du virus
p. 43-64
Texte intégral
1La présence répétée du motif du microbe dans la littérature depuis la fin du xixe siècle est une illustration exemplaire des relations de la littérature et des sciences. D’une part, cela offre l’intérêt d’être un thème récent (même s’il peut être resitué dans un tissu imaginaire ancien, notamment celui de la contagion1), auquel on peut assigner un point de départ : les « virus » (longtemps un des noms génériques des micro-organismes) sont certes connus depuis longtemps2, mais la question vient sur le devant de la scène dans la deuxième moitié du xixe siècle, avec l’apparition de la microbiologie et les travaux sur les maladies infectieuses, qui conduisent à l’abandon des théories de la génération spontanée et des miasmes. Il s’agit donc d’une rupture épistémologique d’ampleur, qui a suscité de nombreux débats dont on peut assez aisément suivre la diffusion dans le public. D’autre part, le virus constitue un cas particulier dont la charge imaginaire est forte : agent longtemps resté invisible3, c’est un micro-organisme parasite qui s’introduit dans un hôte pour proliférer, mais qui, contrairement à la bactérie, ne peut vivre sans cet hôte, qu’il transforme4.
2La question récurrente, dès lors que l’on s’intéresse aux passages entre les disciplines, est le statut de la discipline « invitée ». Et c’est un grief souvent fait à la littérature, qui se contenterait d’emprunts de surface, métaphoriques et peu ou faussement savants. Mais je m’efforcerai ici d’aborder sous un autre angle le débat sur le caractère « pseudo-scientifique » de la littérature, en montrant, à travers l’exemple du virus, comment celle-ci peut se saisir, de manière relativement informée, mais surtout de manière totalement motivée, d’un objet observé et défini par les sciences. En effet, il me semble que poser la question de la qualité de l’information est un faux problème : plus important est celui de la pertinence de l’image, c'est-à-dire à la fois de son adéquation avec la référence scientifique et de la richesse de son utilisation artistique.
3Je me propose donc de présenter les échos de cette histoire scientifique dans la littérature, avant de m’intéresser à la nature de cette relation, pour enfin envisager la fonction du motif du virus dans la création littéraire. Partant des avant-gardes historiques, j’examinerai l’usage et la complexification de la référence jusqu’à un corpus de poètes contemporains qui me paraissent pouvoir se reconnaître sous la dénomination de « poésie virale » : il s’agit, pour ces derniers, d’artistes français nés autour des années 1970, mais l’influence internationale de William Burroughs, chez qui ce motif est central, de même que la présence du thème dans d’autres pays (dans l’œuvre de l’Australien Jason Nelson par exemple) et son importance pour les générations du numérique (dont témoigne dans les mêmes années l’émergence des « Evil Media Studies5 »), laissent penser que, pour l’époque contemporaine aussi, le sujet mériterait une perspective plus largement comparatiste.
Virus et avant-garde
4Le thème du microbe apparaît dans la fiction scientifique dès la fin du xixe siècle, essentiellement sous la forme de la guerre bactériologique6, et c’est « la pratique de la poésie comme élevage et propagation de poux » au chant ii des Chants de Maldoror (1869) de Lautréamont qui constituerait, selon Christophe Hanna, « l’image ancestrale7 » de la contagion poétique. Néanmoins, ce sont les avant-gardes historiques qui semblent lancer la comparaison de la démarche artistique avec un microbe. Francesco Tommaso Marinetti explique dans la conclusion du Manifeste technique de la littérature futuriste (1912) que :
On ne peut guère rénover sa sensibilité d’un seul coup. Les cellules mortes sont mêlées aux vivantes. L’art est un besoin de se détruire et de s’éparpiller […]. Les microbes, ne l’oubliez pas, sont nécessaires au sang, aussi bien qu’à l’Art, ce prolongement de la forêt de nos veines, qui se déploie hors du corps dans l’infini de l’espace et du temps8.
5Retournement intéressant, qui reflète de la part de l’auteur une certaine connaissance de l’avancée des théories scientifiques : l’analogie met en avant le caractère bénéfique des microbes. L’intervention artistique telle que la conçoivent les futuristes est une expansion vitaliste, plutôt qu’une épidémie.
6La formule de Tristan Tzara dans Dada Manifeste sur l’amour faible et l’amour amer en 1920 est plus radicale, avec son caractère paradoxal de quasi-oxymore : « DADA est un microbe vierge9. » Et le commentaire qui suit est troublant, tant il semble fournir une définition poétique anticipée (voir note 3 sur A. Lwoff) du virus : « Dada est le caméléon du changement rapide et intéressé. »
7D’autres œuvres de la même époque se saisissent du sujet : El doctor inverósimil [Le Docteur invraisemblable] (1914 / 1921) de l’Espagnol Rámon Gómez de la Serna égrène le catalogue des maladies étranges soignées par le docteur Bivar : la séquence consacrée aux « microbes » alterne références scientifiques plus ou moins sérieuses (le microscope Wernich à triple lentille10, les travaux de Charles Richet), planches schématiques et présentation poétique et humoristique du mode de vie des microbes. Autre exemple, qui s’inscrit dans la double tradition du roman scientifique noir et de l’utopie : Je brûle Paris, du futuriste polonais Bruno Jasieński paru en 192811, raconte comment, à la suite d’une épidémie de peste qui a décimé presque tous les Parisiens, se construit une utopie prolétarienne.
8Pour les avant-gardes historiques, le thème de la contamination est donc clairement associé au processus révolutionnaire, tant politique que dans les arts. Il appartient à la constellation d’images (comme le motif de la bombe ou la thématique de la guerre) qui expriment la volonté de faire table rase, dans la perspective d’une révolution culturelle radicale. Dans ce cadre, il entre aussi en résonance avec la réflexion sur la rénovation de la langue, que certains formulent comme la recherche d’une « poésie pure12 ».
9Le thème est renouvelé par William Burroughs : après l’avoir mis en pratique dans Naked Lunch (1959) et The Ticket That Exploded (1962), titre qui réintroduit le motif de la bombe, il propose en 1971, avec Electronic Revolution13, un manuel du brouillage médiatique à grande échelle explicitement inspiré du fonctionnement viral. Le texte est plus tard enrichi par « Playback From Eden to Watergate14 », à la fois compte rendu d’expériences et « Fable des origines15 », récit épique de la manière dont « le mot écrit », qui « était au sens propre un virus », « a rendu possible le mot parlé » (« [My basis theory is that] the written word was literally a virus that made spoken word possible16. ») Cette théorie virale de la langue vient au service du combat à mener pour le contrôle des mass media, c'est-à-dire contre le « système de contrôle17 » et de manipulation mis en place par l’establishment.
10Depuis ce texte et à mesure, comme le dit Paul Ardenne à propos de l’œuvre de Joël Hubaut, « que croissent les sociétés surorganisées », le « désordre » s’impose comme « la grande affaire de l’art18 ». Par la pratique du mixage et des actions « épidémik » qu’il mène depuis la fin des années 1970, Hubaut cherche ainsi à « activer le processus viral d’un autre réel19 ».
11Dans les années 2000, sur fond de polémique concernant l’existence d’armes chimiques et biologiques en Irak, et alors que l’on découvre le premier virus géant (mimivirus, identifié comme virus en 2003), le motif revient de manière entêtante comme positionnement théorique pour un groupe d’écrivains français. À partir de 1997, Olivier Quintyn, s’inspirant, comme il l’explique, des travaux du musicien Otomo Yoshide, propose le Sampling Virus Project (SVP), méthode de détournement de documents faisant jouer diverses techniques d’interpolations. En 2001, Gilles Dumoulin écrit un texte poético-théorique, qui commence par l’affirmation que « La poésie est un virus20. » En 2002, Christophe Fiat rédige un manifeste de « La poésie™ », qu’il nomme aussi « poésie virale21 ». La même année, Xavier Malbreil publie un « Éloge des virus informatiques dans un processus d’écriture interactive22 ». En 2003, Christophe Hanna théorise l’usage politique et poétique du virus dans Poésie Action directe23. La récurrence même du terme est parlante : le trait commun de cette génération avec ces autres « multiples maladies : dadaïsme, futurisme, lettrisme, phonétisme, oulipisme, concrétisme, bruitisme, actionisme24… » est de combattre l’usure et la manipulation de la langue.
12J’examinerai ultérieurement la démarche et la poétique (avant-gardistes) que cette analogie avec le virus met en œuvre, car je voudrais, auparavant, m’intéresser à la nature de la référence scientifique dans le champ poétique déterminé par la thématique du virus.
Références, « effets de science », détournements
13Que microbes et virus apparaissent sur la scène littéraire à la fin du xixe siècle tient évidemment à l’actualité scientifique. Bruno Latour a analysé la rapidité exceptionnelle de la révolution pastorienne et la transformation sociale profonde qu’elle entraîne : en 1881, Pasteur teste son premier vaccin contre le charbon du mouton ; l’inauguration des laboratoires de l’Institut Pasteur en 1888 marque la victoire institutionnelle : « Dans cette fin de siècle […], on redéfinit les cadres de la société pour faire place aux microbes25. » Le phénomène est aussi rapide en Allemagne, où Robert Koch (1843-1910) est appelé à créer l’Institut d’hygiène de l’université de Berlin (1885), puis l’Institut pour les maladies infectieuses (1891). Ainsi, comme le rappelle Ilana Löwy, « avant les années 1870, les micro-organismes existent […] mais ces êtres sont sans qualités, à la marge de l’entreprise scientifique. À la fin du xixe siècle, en revanche, ils acquièrent le pouvoir de changer le monde26 ». Le roman scientifique se saisit très vite du thème, mais, je l’ai rappelé, en privilégiant le registre de la contamination, alors même que l’on sait que tous les micro-organismes ne sont pas nuisibles27. Si l’inquiétude semble progressivement s’apaiser, c’est peut-être parce que le prix Nobel de physiologie ou médecine, depuis sa création en 1901 jusqu’à la première guerre mondiale, a essentiellement récompensé des travaux sur les maladies infectieuses, les parasites et l’immunologie.
14Le sujet est donc à l’ordre du jour au moment où les avant-gardes historiques s’en saisissent, permettant à Rámon Gómez de la Serna ce que j’appellerai des « effets de science » : la mention de Charles Richet, par exemple, perd évidemment de son caractère savant lorsque l’on se souvient que celui-ci a reçu le prix Nobel en 191328, un an avant la publication de El doctor inverósimil.
15Pour autant, ce n’est pas la pratique la plus courante. Si la dimension scientifique et technologique est, on le sait, essentielle pour les avant-gardes historiques (et il y aurait lieu d’enquêter plus avant sur les sources pour ce qui concerne la biologie), on aura noté que les textes de Marinetti et de Tzara rappelés plus haut effacent leurs références. Ce n’est pas une écriture scientifique (comme pouvait l’être par exemple, même de manière apparemment absurde, celle d’Alfred Jarry), mais ce que l’on pourrait appeler une « métaphore informée », qui permet, comme je le montrerai plus loin, de passer de l’image au modèle.
16William Burroughs, au contraire, construit un discours à forte résonance scientifique, développant les caractéristiques du virus, s’inspirant des méthodes expérimentales et citant ses sources, parmi lesquelles plusieurs extraits de la revue New Scientist de 1970, un ouvrage de Wilson Smith, qui découvre en 1933 les premiers éléments du vaccin contre la grippe, un autre de G. Belyavin, auteur de plusieurs ouvrages et articles sur les virus dans les années 1950-1960. Ces références avérées (mais connues de quels lecteurs de Burroughs dans les années 1970 ?) légitiment le troisième nom, Kurt Unruh von Steinplatz, qui n’apparaît que dans le texte à caractère mythique de 1973 ; présenté comme le théoricien du caractère viral du mot dont s’inspirerait Burroughs, le personnage est sujet à caution29, ce qui vient en retour mettre en cause l’autorité des références précédentes, dont la précision même peut sembler ironique. Au demeurant, la définition que Burroughs fournit du virus – intéressante pour penser sa pratique du cut up et l’impact qu’il lui assigne30 – est strictement poétique : « un virus EST une très petite unité de mot et d’image » [« a virus IS a very small unit of word and image31 »] – elle n’en est pas moins (poétiquement) exacte, en regard de la définition génétique.
17La référence scientifique chez les auteurs des années 2000 est elle aussi en général affichée, mais souvent de seconde main et sans indication de sources : Gilles Dumoulin et Christophe Fiat entrelacent des extraits de manuels ou d’encyclopédies expliquant la nature et le comportement du virus, qui ponctuent le texte comme une relance. Chez Hanna, les caractéristiques du virus sont envisagées avec scientificité : son caractère intrusif, son « invisibilité », sa capacité de « réduplication » et, au préalable, de « fixation » et d’« acclimatation » servent à préciser les stratégies des « poétiques virales32 ». Le texte de Gilles Dumoulin permet aussi de souligner la variété de procédés par lesquels le champ et le texte scientifiques peuvent intégrer le texte littéraire : usage d’un vocabulaire spécifique (« capside », « virion »), citations de définitions (celle du virus donnée sans source, mais celle de l’épizootie tirée d’un « Rapport sur la maladie épizootique », quoique non daté), recours au modèle du laboratoire (la poésie est expérimentale) ou encore introduction dans le texte de diagrammes et d’illustrations scientifiques, dont le tableau du code génétique standard, que l’on est invité à lire à haute voix. La langue scientifique devient directement poétique.
18Par ailleurs, on assiste à un déplacement tout à fait intéressant. Alors que dans les années 1910 et 1970, la référence au virus était explicitement renvoyée à la biologie et à la médecine, c’est par un ensemble de médiateurs que le début du xxie siècle se réapproprie l’image.
19Cela tient, d’une part, d’abord, à l’importance de l’œuvre de Gilles Deleuze pour cette génération : dans Mille plateaux, coécrit avec Félix Guattari en 1980, et encore dans le bref « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle » en 1990, le virus, sur la base de références scientifiques contemporaines, mais aussi explicitement associé à Burroughs, permet de résister à la société de contrôle parce qu’il constitue l’un des modes par lesquels on peut faire « rhizome avec le monde33 ». Il est de ce fait l’un des agents du « devenir » qui garantit « des communications transversales entre populations hétérogènes34 » et participe des processus « d’expansion, de propagation, d’occupation, de contagion, de peuplement35 » par lesquels échapper à la filiation, à la classification et à la hiérarchisation.
20La référence est, d’autre part, « médiée » par la théorie de la communication, à laquelle Olivier Quintyn attribue un rôle fédérateur :
La théorie de la communication et partant, la pragmatique, sont, me semble-t-il, des « sciences pilotes » pour nous, au même titre que la psychanalyse et la linguistique structurale ont pu l’être pour la génération qui nous précède36.
21Je me permets un excursus, car ce cas de figure est tout à fait exemplaire du dialogue permanent qui s’établit entre les champs disciplinaires. Claude Shannon met au point la théorie de l’information en 1948. Dès les années 1950, le concept de communication devient une base épistémologique pour de nombreuses disciplines. La biologie moléculaire va alors chercher dans la cybernétique les outils pour analyser le système de l’évolution et du fonctionnement des cellules : les biologistes parlent ainsi de « codage », de « programme », de « passage d’information », de « contrôle37 ». En retour, les théories de la communication et, plus généralement, les sciences sociales vont, dans les années 1970, puiser dans la théorie épidémiologique pour penser la diffusion de l’information sur le mode de la contagion. À leur tour, dans les années 1990, les informaticiens vont chercher le modèle biologique et les outils mis au point par les épidémiologistes pour aider à comprendre le fonctionnement des virus informatiques : comme les « véritables virus », les virus informatiques « se lient à un système dont ils utilisent les ressources pour se répliquer38 ». Dès ce moment, et plus fortement encore depuis les années 2010, ces approches se nouent autour des notions d’« environnement », d’« écologie » ou de « milieu », véritable medium turn, où le virus fait figure de cas d’école. Ces va-et-vient, auxquels la littérature et les arts n’échappent pas, montrent à quel point la notion d’« influence » est relative.
22L’autre intercesseur de ces années 2000 est donc technoscientifique : c’est l’usage que l’informatique fait du terme « virus » à partir des années 199039. Son expansion est liée aux pratiques de piratage / hacking, qui font partie de la constellation de la « poésie virale », et, plus largement, aux « accidents » que suscite l’environnement médiatique40. Le « virus informatique » est mentionné par tous les auteurs de mon corpus : Hanna colle par exemple dans son texte la liste des « Genres » de virus informatiques41 et l’« Éloge des virus informatiques dans un processus d’écriture interactive » commence chez Malbreil par un historique.
23Le paradoxe de ce soubassement technoscientifique est qu’il s’accompagne souvent d’un discours ironique, voire clairement critique à l’égard des sciences. Mais cette apparente contradiction peut s’expliquer : l’attaque porte principalement sur le caractère hégémonique du modèle scientifique, à la fois discours d’autorité fondé sur le rationalisme et rouage du système dominant42. Contre cette science institutionnelle, la littérature et les arts mettent en avant le potentiel imaginaire et poétique des objets et des hypothèses scientifiques, que soulignait déjà Marinetti : « atteindre l’essence [de la matière] à coup d’intuition, ce que les physiciens et les chimistes ne pourront jamais faire43 ». Le détournement poétique de la science est aussi l’un des enjeux (et l’une des armes) de la littérature virale44.
Les sciences mode d’emploi
24Les approches théoriques des « Poétiques virales45 » veillent cependant à mettre en avant le fait que la référence au virus ne relève pas de la seule métaphore. William Burroughs était déjà catégorique :
I have frequently spoken of word and image as viruses or as acting as viruses, and this is not an allegorical comparison46.
J’ai à plusieurs reprises parlé du mot et de l’image comme de virus, ou comme agissant comme des virus, et ce n’est pas une comparaison allégorique.
25C’est aussi ce dont témoigne, dans le corpus retenu, le souci d’examiner chaque caractéristique du virus à l’aune de sa traduction poétique. C’est donc par analogie, et même plutôt par homologie, que fonctionne la poésie virale : le virus, par son mode d’existence, est un modèle stratégique, qui permet de définir une poétique. Il répond à la question que soulève Christophe Hanna au début de son essai : « Quels sont les moyens d’action positive auxquels, non risiblement, la poésie actuelle peut prétendre47 ? », en offrant « d’autres modèles d’action pragmatique48 ».
26Stratégique, d’abord, parce que le mode d’existence viral offre un modèle tactique pour attaquer de l’intérieur le premier ennemi désigné : le discours dominant et la manière dont lui-même contamine, c’est-à-dire manipule, l’information. Cette idée que l’idéologie s’impose par un processus de contamination de la langue a été développée par Victor Klemperer au sujet du nazisme dans LTI Lingua Tertii Imperii en 1947 ; le texte et le thème reviennent à l’ordre du jour en France dans cette même première décade du xxie siècle, comme en témoignent le roman de François Emmanuel, La Question humaine, en 2000, ainsi que l’essai d’Éric Hazan, Lingua Quintae Republicae LQR. La propagande du quotidien, en 2006. Mais c’est la référence à Burroughs qui est presque toujours mise en avant : sa théorie du mot et de la langue comme virus – donc d’un langage performatif, ce en quoi nous sommes bien dans le champ poétique – permet d’élaborer une stratégie de lutte contre le système de contrôle des médias, qui repose sur le brouillage des discours et peut être combattu par une pratique analogue, mais collective et massive, le piratage. Reprenant cette visée, qui faisait dans le même temps ses preuves avec la pratique du hacking informatique, la « poésie virale » se propose de travailler « dans la langue et par elle », pour « implanter ses cellules parasitaires dans le discours médiatique et s’y reproduire49 ». En prenant pour matériaux les « discours ambiants50 », les poésies virales travaillent à saboter des contenus et à « contaminer le champ médiatique51 » pour le faire dysfonctionner.
27Une telle perspective est nécessairement sous-tendue par une posture politique : « la poésie virus cherche à décoller le réel des nappes idéologiques52 », elle doit permettre de « casser tous les systèmes de la société capitaliste, y compris la langue comme système premier53 », elle se veut « contre-propagandiste » et « activiste54 », « subversion parasitaire55 ». La capacité qu’ont les virus à « altérer le fonctionnement56 » est exemplaire d’un « pouvoir subversif57 » d’intervention qui, appliqué à la langue et à ses supports médiatiques, constitue un « processus de sabotage des systèmes symboliques d’une société58 ».
28C’est donc le virus qui indique les modes d’action poétique :
La tactique utilisée par le virus est la tactique du parasite. Le virus pénètre l’hôte puis une fois dans l’hôte, le virus se glisse à l’intérieur de certaines cellules et utilise ces cellules pour se reproduire et se disséminer59.
29Olivier Quintyn résume les qualités propres au virus dont la littérature peut se saisir : « Propagation », « furtivité » et « nocivité60 ». Selon Thomas Mondémé, c’est la « non-visibilité » que porte en lui le « modèle viral61 » qui produit le « principe de dissimulation » qu’il juge central dans cette recherche. C’est aussi ce fonctionnement « insidieux » que Christophe Hanna analyse comme le passage d’une « technique révolutionnaire » (celle que propose Roman Jakobson dans « Qu’est-ce que la poésie62 ? ») à une technique de « guérilla63 ».
30Le lien entre révolution poétique et action politique (« une poésie pratique, cherchant l’impact politique64 », dit Hanna) est donc une caractéristique des poésies virales : « J'appelle poésie la tentative d'établir un métalangage épistémologiquement critique des langages contemporains en tant qu'ils sont vecteurs d'idéologie », c'est-à-dire ce « qui exhiberait, derrière l’apparente neutralité objective des énoncés politiques, publicitaires, etc., leur statut de mots d’ordre sous-jacents65 ». L’action de ces poésies, explique Thomas Mondémé, « s’exerce de façon ciblée sur des structures symboliques latentes qu’il s’agit d’exhumer et de faire imploser, […] le but de ces objets “poétiques” étant de diviser la vérité, c’est-à-dire de diviser ce qui est socialement établi comme “la vérité” (qu’elle soit de nature médiatique, scientifique, pornographique, institutionnelle…)66 ». Cette dénonciation de l’idéologie67 rencontre explicitement l’anarchie en tant que refus d’une vérité transcendante. C’est ce que permet d’atteindre la tactique virale, quand on la pousse jusqu’au bout, comme le fait Christophe Hanna : le virus « rend impossible l’attente d’un résultat social […] précisément défini, puisque rien ne permet de prévoir le mode d’évolution de différentes structures parasitées par un virus68 » (en quoi il se trompe pour partie).
31Mais le modèle est également stratégique en ce qu’il permet, tout en agissant sur les modes d’information, de réfléchir à de nouveaux canaux de diffusion poétique. Avec euphorie, Malbreil voit dans l’expérience du virus – dans le fait d’accepter le risque d’être touché par un virus informatique – « le premier pas vers une écriture véritablement interactive69 ». Comme le virus, « la poésie virale se diffuse70 », elle doit « s’infiltrer dans des territoires qui ne sont pas traditionnellement les siens », transformer les « codes sémiotiques », occuper les « macrostructures71 ». Christophe Hanna fonde sur cette homologie une rupture théorique radicale : « Par principe, donc, un virus ne saurait être une forme autonome-autosuffisante, autotélique ; le virus embraye sur son contexte, il le transforme en s’y adaptant structurellement72. » Avec cette description, il prend le contre-pied de l’affirmation d’autonomie portée par la théorie littéraire depuis la fin du xixe siècle : la poésie n’est plus une question de forme, mais d’agentivité, son objet est l’« exploitation des conditions contextuelles de communication73 ».
32Je voudrais pour finir examiner comment se traduit la pratique virale dans les œuvres. Je n’en donnerai qu’un aperçu rapide, pour ne pas excéder les limites de l’article, et parce que je ne vise pas ici une étude stylistique, mais l’éclairage de quelques procédés relevant d’un processus viral. On peut regrouper ces œuvres deux à deux, selon qu’elles jouent plutôt sur le dispositif informationnel ou à l’intérieur de la langue.
33I shot Kadhafi74 de Quintyn et les « Rapports75 » de La Rédaction [C. Hanna] sont des montages de documents à caractère informationnel, extraits de presse, de posts, formulaires, citations, témoignages, photos. Le premier illustre la notion de « sampling virus », soit l’échantillonnage, le montage, le mixage ou le cut up de tout type de documents « en vue de leur contamination réciproque, infiltration des langages technico-commerciaux, pornographiques, politiques76 ». Les seconds recourent à ce que Christophe Hanna décrit comme les procédés propres à la catégorie des poésies virales : la « dérivation partielle de macrostructure orthodoxe », ou modification d’une « forme-site » ; et l’« occupation des macrostructures orthodoxes », ou détournement du contenu77. C’est le télescopage des discours, des formats, des situations et leur « remédiation78 » qui fait apparaître le caractère insupportable du décalage entre discours (informations, protocoles, etc.) et réalité.
34Une autre approche de la poésie virale intervient plus directement au niveau du discours : les deux autres exemples, qui ne relèvent pas du groupe des théoriciens de la poésie virale, travaillent plutôt des procédés de contamination de la langue. Il s’agit, d’une part, de nihil, inc. de Sylvain Courtoux79, qui illustre la technique de parasitage par des interpolations typographiques et linguistiques constantes, superposant fiction et citations, notamment de chansons, formules en français ou en anglais, autour des thèmes récurrents de la guerre, de la dictature, du terrorisme. D’autre part, j’ai retenu dans l’œuvre de Jean-Charles Massera, qui travaille plus largement sur les effets d’interpolation, United problems of coût de la main-d’œuvre80, où dialoguent un chef d’entreprise et une mère de famille dont les discours se contaminent progressivement. Les poésies virales offrent ainsi au lecteur « la possibilité d’éprouver […] ou de déjouer les liaisons syntaxiques automatisées, les sélections lexicales obligées, par quoi les réalités contextuelles se constituent81 ».
35Le virus agit donc à deux niveaux : il parasite la langue et les dispositifs de l’institution, et il contamine le lecteur, obligé de transformer ses codes de lecture, confronté à cet effort de « désautomatisation82 » dans lequel Roman Jakobson voyait, quoi qu’en ait C. Hanna, l’une des fonctions de la poéticité. C’est bien en cela qu’il relève d’une poétique avant-gardiste, qui se situe toujours dans la perspective de l’action, et donc de l’effet.
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36Pour une démarche poétique à la recherche d’un langage « immédiatement performatif », d’un « Poème-effectif83 », le virus n’est pas seulement référence ou image, mais constitue un modèle tactique et formel, principe actif qui agit jusque dans la langue (processus, procédures, procédés). Il ouvre aussi, parce qu’il admet et redistribue sans cesse l’hétérogène, une dynamique infinie de création. Sorte d’« image-époque », et susceptible d’être remobilisé et remotivé, même pour de brèves périodes (les théoriciens de la « poésie virale » ont par exemple rapidement privilégié une réflexion plus générale sur le « dispositif »), le virus est donc un bon objet d’étude pour envisager la complexité des relations « souterraines » entre la science et la littérature. J’entends ici « souterrain » non comme « caché » (puisque nous avons pu voir que, même diffuses et multiples, les références aux recherches ou présentations scientifiques étaient réelles et affichées), mais comme ce qui peut innerver de manière complexe un projet littéraire : les sciences ne constituent pas seulement, pour la littérature, un réservoir d’imaginaire ; elles peuvent aussi offrir un modèle pragmatique pour le mettre en œuvre84.
Bibliographie
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10.1093/owc/9780198702641.001.0001 :Notes de bas de page
1 Sur ce sujet, voir A. Bayle (éd.), La Contagion. Enjeux croisés des discours médicaux et littéraires (xvie-xixe siècle), 2013 ; V. Adam, L. Revol-Marzouk (éd.), La Contamination. Lieux symboliques et espaces imaginaires, 2013.
2 Voir P. Berche, Une histoire des microbes, 2007.
3 L’existence de micro-organismes invisibles au microscope et d’une nature différente de celle des bactéries est démontrée dès 1898 (travaux de Martinus Beijerinck, prolongeant ceux de Dimitri Ivanovski sur la mosaïque du tabac ; dans les mêmes années, identification des virus de la fièvre aphteuse et de la fièvre jaune), mais il faut attendre les années 1930 pour que le microscope électronique permette de les voir. La définition du virus comme classe spécifique et comme « concept » n’est proposée qu’en 1957, par André Lwoff, dans le Journal of General Microbiology, 1957, no 1, vol. 17, p. 239-253 : il note la confusion dans l’usage du terme chez les biologistes comme dans le grand public, questionne le caractère « organique » du virus et insiste notamment sur les phénomènes de réplication et de parasitisme.
4 Sur l’imaginaire du parasite, voir M. Serres, Le Parasite [1980], 1997.
5 Expression récente qui qualifie la prise en compte par les Media studies des anomalies (souvent abordées en termes de viralité) à l’œuvre dans les processus médiatiques : voir note 40.
6 C’est, dès 1879, un thème récurrent chez Albert Robida : il imagine par exemple un « corps médical offensif » armé de « boîtes à miasmes » et d’« obus à microbes » au chapitre 7 de La Guerre au xxe siècle (1887, p. 122), qui permettront au savant-entrepreneur Philox Lorris de développer les principes de la guerre médicale dans Le Vingtième Siècle. La vie électrique (1892, II, 2, p. 149-153). Cette idée sera reprise par de nombreux auteurs grand public, notamment le capitaine Danrit [Émile Driant] qui, dans La Guerre au vingtième siècle. L’invasion noire (1894), fait appel à de tels obus pour décimer les envahisseurs africains. En contrepoint, La Peste rouge de Jean Bruyère, paru dans La Science Illustrée, no 530 (22 janvier 1898) à 532 (5 février 1898), où la contamination devrait permettre d’éradiquer le capitalisme pour lutter contre la pauvreté (voir le blog : http://merveilleuxscientifiqueunblogfr.unblog.fr). Chez H. G. Wells, très au fait des recherches scientifiques, les microbes fournissent le dénouement de La Guerre des mondes [The War of the Worlds, 1898] : l’organisme des Martiens n’est pas préparé aux « bactéries infectieuses » de la Terre (voir aussi H. Costa, J.-E. Baños, « Bioterrorism in the literature of the nineteenth century : The Case of Wells and The Stolen Bacillus », Cogent Arts & Humanities, 3. 1, 2016).
7 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », Poésie action directe, 2002, p. 21.
8 F. T. Marinetti, Manifeste technique de la littérature futuriste (11 mai 1912), cité dans G. Lista (éd.), Le Futurisme. Textes et manifestes. 1909-1944, 2015, p. 397. On trouve dans ce même texte une autre référence aux débats scientifiques de l’heure, avec le troisième paragraphe du point 11 sur les électrons et les molécules. Dans ce passage important, où Marinetti pose les bases des « drames de la matière », on voit comment l’approche scientifique ouvre une piste technique pour fonder un lyrisme objectif : « Gardez-vous de prêter des sentiments humains à la matière, mais devinez plutôt ses différentes poussées directives, ses forces de compression, de dilatation, de cohésion et de disgrégation, ses ruées de molécules en masse ou ses tourbillons d’électrons. » (p. 395).
9 T. Tzara, Dada Manifeste sur l’amour faible et l’amour amer (décembre 1920), point xiii (et dernier), repris dans Sept manifestes dada (1924), cité dans Œuvres complètes, t. 1, H. Béhar (éd.), 1975, p. 385.
10 Je n’ai pas trouvé la référence précise : s’agit-il d’une amélioration apportée au microscope par le Dr Wernich (1843-1896), épidémiologiste allemand, spécialiste du Japon ? ou d’une marque disparue ?
11 Publié en français dans le journal L’Humanité de septembre à novembre 1928, le roman, édité chez Flammarion en 1929, est une réponse à Je brûle Moscou, nouvelle de Paul Morand parue en avril 1925 dans Demain (reprise la même année dans L’Europe galante).
12 La question est complexe, je ne la développe pas ici. Pour une analyse du débat sur la pureté de la langue, voir A. Tomiche, « Hôtes et parasites dans la langue », dans L. Gauvin, P. L’Héraut et A. Montandon (éd.), Le Dire de l’hospitalité, 2004, p. 87-99. Sur la question de la « poésie pure », voir I. Krzywkowski, « Le Temps et l’Espace sont morts hier ». Les Années 1910-1920. Poésie et poétique de la première avant-garde, 2006, (« Poésie et abstraction »), p. 171-189.
13 W. S. Burroughs, Electronic Revolution [1970-1971].
14 W. S. Burroughs, « Playback From Eden to Watergate », Harper’s Magazine, November 1973, p. 84-86 et 88.
15 A. Tomiche, « Hôtes et parasites dans la langue », art. cité, p. 94. Elle montre que le parasite fonctionne chez Burroughs comme « le modèle de toutes les relations humaines » ; elle analyse en particulier le lien entre le « parasitisme de la langue » et les formes de « déshumanisation de l’homme qui traversent les récits de Burroughs » (ibid., p. 97).
16 W. S. Burroughs, « Playback From Eden to Watergate », p. 5 de l’édition en ligne The Electronic Revolution, ubuclassics, 2005, téléchargeable à l’adresse : http://www.ubu.com/historical/burroughs/electronic_revolution.pdf.
Elle me servira de référence, mais la date indiquée en ouverture (1970) est source de malentendus : la première partie, « Feedback from Watergate to The Garden of Eden », est évidemment postérieure (l’affaire du Watergate éclate en juin 1972) ; ce texte est publié en 1973 et renvoie au premier livre de 1971, qui constitue ici la seconde partie, p. 12 passim, tous deux repris en 1974 dans l’édition élargie de The Job (New York, Grove Press, 1970, 1974 : édition anglaise d’une série d’entretiens préalablement publiés en français par Daniel Odier en 1969).
17 Ibid., p. 12.
18 P. Ardenne, « Nantes, Toulouse… Hubaut-Théorik », Parpaings, no 24, 2001, cité dans J. Hubaut, Re-mix épidémik. Esthétique de la dispersion, 2006, p. 175.
19 J. Hubaut, Re-mix épidémik, ouvr. cité, p. 86.
20 G. Dumoulin, « La poésie est un virus », janvier-février 2001, consultable sur le site de la revue Doc(k)s : http://www.akenaton-docks.fr/DOCKS-datas_f/collect_f/auteurs_f/D_f/DUMOULIN_f/wardum_f/VIRUSD.html
21 C. Fiat, La Ritournelle. Une anti-théorie, 2002, p. 118-140.
22 X. Malbreil, « Éloge des virus informatiques dans un processus d’écriture interactive », Archée, cybermensuel, décembre 2002, repris dans Éloge des virus informatiques dans un processus interactif. Essais critiques sur les littératures informatiques, 2004.
23 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité.
24 G. Dumoulin, « La poésie est un virus », ouvr. cité, p. 3.
25 B. Latour, Les Microbes. Guerre et paix, 1984, p. 117.
26 I. Löwy, « Les microbes et les humains », dans D. Pestre (éd.), Histoire des sciences et des savoirs, 2015, vol. 2, p. 224.
27 B. Latour, ouvr. cité, p. 44-45.
28 C. Richet est par ailleurs l’auteur d’un long poème intitulé La Gloire de Pasteur (Lille, impr. de L. Danel, s.d. [ms : 30 juin-16 juillet 1914]) et primé par l’Académie des sciences.
29 Il n’a pas été identifié et son nom antithétique prête à sourire : « Unruh » signifie « balancier » et renvoie à « Unruhe », agitation, alors que « Steinplatz », mot à mot « lieu de pierre », marque l’immobilité.
30 Voir R. Lydenberg, Word Cultures: Radical Theory and Practice in William S. Burroughs’ Fiction, 1987, en particulier le chapitre 7.
31 W. S. Burroughs, The Electronic Revolution, ouvr. cité, p. 7.
32 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 22-23.
33 G. Deleuze & F. Guattari, Capitalisme et schizophrénie 2 : Mille plateaux, 1980, p. 18. Page 17, ils renvoient aux travaux de R. E. Benveniste et G. J. Todaro et à l’article d’Y. Christen, « Le Rôle des virus dans l’évolution », La Recherche, no 54, mars 1975, en s’appuyant sur les théories néo-évolutionnistes pour battre en brèche les classifications évolutionnistes.
34 Ibid., p. 292.
35 Ibid.
36 O. Quintyn, « Théories Actuelles » (s.d.). Le lien vers le Centre d’Études Poétiques (http://www.ens-lsh.fr/labo/cep/site/cc/auteurs/poetique/quintheo.html) semble cassé, mais un long extrait est téléchargeable à partir de son titre sur le site de l’ENS de Lyon. C’est l’article de Th. Mondémé cité plus loin qui a attiré mon attention sur ce texte important (p. 78).
37 Voir E. Fox Keller, Refiguring Life: Metaphors of Twentieth-century Biology, The Wellek Library Lecture Series at the University of California, 1995 ; traduction de G. Charpy & M. Saint-Upery : Le Rôle des métaphores dans le progrès de la biologie, 1999.
38 J. Kephart, G. Sorkin, D. Chess & S. White (centre de recherche IBM de Yorktown Heights), « Virus informatique », traduit dans Pour la science, no 243, janvier 1998, p. 60-67. Malbreil en a connaissance.
39 L’idée d’écrire des programmes capables d’infecter des ordinateurs date de 1970, le premier cas d’infection répertorié (« Brain », à l’université du Delaware) date d’octobre 1987.
40 C’est aussi l’approche que développent les Media Studies depuis le milieu des années 2000, dans le cadre d’une « archéologie des médias » ou sous l’intitulé plus récent de « Evil Media Studies » : voir les travaux pionniers de J. Parikka, Digital Contagions : A Media Archaeology of Computer Viruses, 2007 et J. Parikka & T. D. Sampson (éd.), The spam book : on viruses, porn, and other anomalies from the dark side of digital culture, 2009.
41 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 24.
42 Hanna consacre par exemple un long passage à dénoncer l’application de la chimie organique à la recherche pharmaceutique (« Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 15 et p. 33) et un autre à la « crise de la dénotation logique » et au « divorce de la raison scientifique et du réel » (ibid., p. 43-51) ; il y souligne que les auteurs concernés par la poésie virale « écrivent dans un univers de confusion épistémologique, où il est acquis que la valeur dénotative des discours scientifiques n’est pas supérieure à celle des fictions ou des poésies » (ibid., p. 49).
43 Marinetti, Manifeste technique de la littérature futuriste, point 11, ouvr. cité, p. 394.
44 Voir C. Foucrier (éd.), Les Réécritures littéraires des discours scientifiques, 2005.
45 Les textes étudiés ici sont ceux de G. Dumoulin, C. Fiat, C. Hannna, X. Malbreil et O. Quintyn déjà cités, ainsi qu’une conférence d’O. Quintyn. Même s’il n’est pas toujours explicite, ils ont un caractère de manifeste.
46 W. S. Burroughs, The Electronic Revolution, ouvr. cité, p. 35.
47 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 9.
48 T. Mondémé, « Autres pratiques interprétatives », Tracés. Revue de Sciences humaines, 4, 2003, p. 70. http://traces.revues.org/3873.
49 G. Dumoulin, « La poésie est un virus », ouvr. cité, p. 5.
50 O. Quintyn, « Dispositifs poétiques », Conférence à l’Ensad de Paris, 3 novembre 2010. Consultable à l’adresse : http://www.arpla.fr/odnm/?page_id=8644 . L’expression se trouve en 2. 3.
51 G. Dumoulin, « La poésie est un virus », ouvr. cité, p. 2.
52 Ibid., p. 8.
53 C. Fiat, La Ritournelle, ouvr. cité, p. 125-126.
54 O. Quintyn, « Dispositifs poétiques », ouvr. cité. Les passages cités commencent à 3’50 et à 9’55.
55 O. Quintyn, « Théories actuelles », ouvr. cité, p. 1.
56 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 23.
57 C. Fiat, La Ritournelle, ouvr. cité, p. 125-126. Il parle à ce moment précisément des « virus informatiques ».
58 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 25.
59 C. Fiat, La Ritournelle, ouvr. cité, p. 126. En italiques dans le texte.
60 O. Quintyn, « Dispositifs poétiques », ouvr. cité, 2’45 passim.
61 T. Mondémé, « Autres pratiques interprétatives », ouvr. cité, p. 71.
62 R. Jakobson, « Qu’est-ce que la poésie ? » (1934), repris dans Huit questions de poétique, 1973, 1977 [rééd. partielle].
63 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 22, 24 et 26.
64 Ibid., p. 9.
65 O. Quintyn, « Théories actuelles », ouvr. cité, p. 1.
66 T. Mondémé, « Autres pratiques interprétatives », ouvr. cité, p. 74-75.
67 À un autre niveau, l’élément initial de la distance que prend Christophe Hanna avec la poétique de Jakobson tient au rôle d’« organisateur fondamental de l’idéologie » qu’il assigne à la poésie dans « Qu’est-ce que la poésie ? » (Poésie action directe, ouvr. cité, p. 13).
68 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 25. Cela rejoint la théorie des « unités dormantes » (ibid., p. 24) ou du « virus latent », également développée par Burroughs dans The Electronic Revolution, ouvr. cité, p. 20. C’est aussi, selon Otomo Yoshide, cette capacité de provoquer des relations inattendues qui confère son pouvoir de création au virus.
69 X. Malbreil, « Éloge des virus informatiques… », ouvr. cité, p. 3.
70 G. Dumoulin, « La poésie est un virus », ouvr. cité, p. 2.
71 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 26.
72 Ibid., p. 23.
73 Ibid., p. 42.
74 O. Quintyn, I shot Kadhafi, affiche, 2011. En ligne à l’adresse :
http://questions-theoriques.blogspot.fr/2011/07/svp-2011-i-shot-kadhafi.html
75 Voir par exemple : « Rapport no 2 remis le 15.IX.98 = Test des notions : vraisemblable / crédibilité / preuve », dans : Ouvriers vivants, 1999, p. 16-26 ; « Rapport no 15b [Les Portraits-robots] », dans : La Gueule de l’emploi, avec J.-L. Moulène et M. Joseph, 1999, p. 165-186.
76 O. Quintyn, cité par C. Fiat dans Textualités et nouvelles technologies, éc/arts, no 2, 00-01, p. 260-261. Il explique au début de sa conférence à l’Ensad que les discours politiques, publicitaires et pornographiques constituent les « trois grandes formes d’efficacité » (« Dispositifs poétiques », ouvr. cité).
77 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 26-27.
78 La notion, proposée par J. D. Bolter et R. Grusin en 1999, et développée par O. Quintyn, permet de faire le lien entre la « poésie virale » et l’« uncreative writing » théorisé notamment par Kenneth Goldsmith dans son essai de 2012.
79 S. Courtoux, nihil, inc., s. l., 2008. La métaphore du virus, de la contamination et de la contagion fait partie de l’appareil qu’il mobilise à côté de la métaphore du cancer, qu’il semble préférer. C’est aussi le cas de P. Boisnard, « hackt°-theory(Z) », consultable sur le site de la revue Doc(k)s : http://www.akenaton-docks.fr/DOCKS-datas_f/collect_f/auteurs_f/B_f/BOISNARD_f/texte_f/hacktion-docks.htm
80 J.-C. Massera, United problems of coût de la main-d’œuvre, repris dans United Emmerdements of New Order, 2002.
81 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 61.
82 Jakobson emprunte cette notion à Victor Chklovski, « L’art comme procédé » [1917], 1925, cité dans Théorie de la littérature. Textes des formalistes russes, traduction de Tzvetan Todorov, 1965, 2001, p. 75-97.
83 C. Hanna, « Contre une poétique du bibelot », ouvr. cité, p. 22 ; C. Fiat, La Ritournelle, ouvr. cité, p. 126. C’est un trait partagé par les esthétiques d’avant-garde.
84 Une première version de ce travail a été présentée lors du colloque interdisciplinaire « L’Influence souterraine de la science sur la littérature et la philosophie », organisé par Susannah Ellis et Sylvie Allouche à l’ENS Ulm les 23 et 24 mai 2014. Ce colloque n’ayant pas été publié, c’est ici l’occasion de proposer un état plus abouti et actualisé de cette réflexion.
Auteur
Université Grenoble-Alpes
UMR Litt&Arts-ISA
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